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Essai sur la diffusion du modèle européen du procès équitable à la politique uniforme de résolution des litiges relatifs aux noms de domaine " UDRP "


par Yassin EL SHAZLY
Université Lumière-Lyon 2 - Master 2 recherche, mention ? Droits de l?Homme ? 2006
  

Disponible en mode multipage

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    Université Lumière-Lyon 2
    Faculté de broit et Science Politique

    Mémoire du Master 2 recherche, mention << broits de l'Homme>>

    Les droits de l'Homme a l'épreuve de l'Internet:

    Essai sur la diffusion du modèle européen du procès équitable
    a la politique uniforme de résolution des litiges relatifs aux noms de domaine UDRP ~

    Sous Ia direction de

    Mme Edith JAILLARDON

    Professeur a l'université Lumière-Lyon 2

    Mme Geneviève IAGONO

    Maître de conférences a l'université Lumière-Lyon 2
    Soutenu par Yassin EL SHA2LY

    ~ mes parents

    ~ monfrere, 'Yasser ~ mon éternité, Sarafi ~ mon ôéôé, cNyan

    ~cEMcE~~1cEMcEW~~

    Je tiens a remercier in finiment Ca dire ctrice de ce Master, Mme cEditli J)41LL)4~#OW pour son accuei C, ses conseiCs et ses encouragements qui ont rendu cette formation agreabCe et pro fitabCe tant liumainement que scienti fiquement.

    Je pro fite aussi de C'occasion pour remercier Mme çenevieve 1)4 COWO pour ses conseiCs, sa gentiCCesse et surtout son esprit. Je remercie egaCement toute C'equipe pedagogique pour Ceurs enseignements de quaCitéproposés dans ce Master.

    Ma gratitude Ca pCus cliaCeureuse et Ca pCus pro fonde va egaCement a mes coCC~gues, qui m'ont soutenu tout au Cong de cette période tant moraCement que pratiquement.

    Sommaire

    TITRE I: LA PROCÉDURE DE L'UDRP: UN MÉCANISME QUI PARTICIPE À LA RÉGULATION DE L'INTERNET

    Chapitre 1 : De la réglementation à la corégulation de l'Internet Section 1: La réglementation étatique face à la logique de l'Internet

    A. La spécificité de l'Internet et la création d'un monde post- westphalien

    B. L'Internet ; un nouveau défi pour la réglementation étatique Section 2: L' émergence d' autres formes de régulation de l' Internet

    A. L'insuffisance de l'autorégulation

    B. La corégulation ; une nouvelle voie émergente

    Chapitre 2 : Les modes alternatifs de règlement des différends au service de la corégulation de l'Internet

    Section 1: La contribution de l'Internet au développement des modes alternatifs de règlement des différends

    A. Typologie des modes alternatifs de règlement des différends << MARD >>

    B. Le passage aux modes électroniques de règlement des litiges << MERL >>

    Section 2: La procédure de l'UDRP : une illustration de la réussite des MERL dans la régulation d' Internet

    A. La mise en perspective de la procédure UDRP

    B. La structure et le fonctionnement de la procédure UDRP

    TITRE II : L'APPRÉCIATION DU CARACTÈRE ÉQUITABLE DE LA PROCÉDURE UDRP SELON LE MODÈLE EUROPÉEN

    Chapitre 1 : L'applicabilité potentielle de l'article 6 à la procédure UDRP : Quelles frontières pour le droit à un procès équitable ?

    Section 1: Le droit à un procès équitable; d'une garantie formelle à un droit substantiel

    A. La signification de l' article 6 comme un droit substantiel

    B. Les contentieux civils ; une illustration de la substantialité de l' article 6

    Section 2: L'expérience des organes de Strasbourg en matière d'arbitrage

    A. La renonciation comme un obstacle à l' application de l' article 6

    B. La nature de l'arbitrage comme un obstacle à l' application de l'article 6

    Chapitre 2 : L'évaluation du caractère équitable de la procédure UDRP

    Section 1: Les garanties générales du droit à un procès équitable

    A. La qualité du tribunal

    B. L'équité de la procédure

    Section 2 : la conformité contestée de la procédure UDRP avec les garanties du droit à un procès équitable

    A. Les symptômes d'incompatibilité avec les exigences du procès équitable

    B. Les effets d'incompatibilité avec l' article 6 sur le juge national

    Liste des principales abréviations

    AJDA Actualité juridique de droit administratif

    CA. Cour d'appel

    Cass. Cour de cassation

    CCI Revue Contrats concurrence consommation

    CCI Chambre de commerce internationale

    CE Conseil d'Etat

    CE Communauté européenne

    CESDH Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales

    CEDH Cour européenne des droits de l'homme

    CJCE Cour de justice de la communauté européenne

    Comm. EDH Commission européenne des droits de l'homme

    D. Dalloz (Recueil)

    DI Revue électronique domainesinfo

    DUDH Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen

    ICANN Internet Corporation for Assigned names and Numbers

    Gaz. Pal. Gazette du Palais

    J. Jurisprudence

    JCP Jurisclasseur périodique (Semaine Juridique)

    JCP E Juris-Classeur périodique - Édition Entreprises et affaires

    JCP G Juris-Classeur périodique - Édition générale

    JO Journal officiel de la République française (lois et règlements)

    MARD Modes alternatifs de règlement des différends

    MERL Modes électroniques de règlement des litiges

    NCPC Nouveau code de procédures civiles

    ODR Online Dispute Resolution

    OMPI Organisation mondiale de la propriété intellectuelle

    PA Petites affiches (Les)

    Propr. Propriété industrielle
    industr.

    Rev. arb. Revue d'arbitrage

    RFAP Revue française d'administration publique

    RTDH Revue trimestrielle des droits de l'homme

    TGI Tribunal de grande instance

    UE Union européenne

    UDRP Uniform Dispute Resolution Policy

    Introduction

    ~ Pour la premièrefois dans l'histoire de l'humanité, tout homme peut dorénavant s'adresser directement a tout autre homme, et se hausser individuellement au niveau de l'universel. Chacun peut a l'instant devenir l'interlocuteur de tout autre, et jouer un role positif dans la consolidation de la communauté humaine. De l'universalité abstraite des premiers principes des droits de l'Homme, nous sommes passés, en quelques générations, a leur possible universalisation (...........). L'humanité peut désormais se porter garante de la protection des droits de tout homme, et, a ce titre, l'appropriation de la Toile par les citoyens du monde constitue une étape véritablement révolutionnaire dans l'appropriation des droits de l'Homme eux-mêmes ./.

    Les droits de l'homme et l'Internet sont parmi les aspects les plus tangibles de la mondialisation2. Les deux se fondent sur l'idée d'une société globale qui dépasse le cadre des Etats-nations; l'une par sa conception humaine et l'autre par sa dimension technique. D'une part, par sa conception universelle de l'humanité, la mise en cuvre des droits de l'homme nécessite une solidarité globale qui dépasse la souveraineté étatique dans sa conception rigide afin de protéger les populations les plus vulnérables. D'autre part, l'Internet en tant que réseau de communication transfrontalière, oü la transmission des informations se fait simultanément aux quatre coins du Monde, a rendu possible la communication instantanée d'un nombre infini de personnes qui ne se connaissent pas et sont très éloignées les unes des autres. L'Internet a donné naissance a un village global qui met en cause également la conception de l'Etat-nation.

    1 Marc AGI, Les droits de l'homme et Internet, étude élaborée par l'Académie internationale des droits de l'Homme, disponible sur http://www.educnet.education.fr/legamedia/droits-homme/default.htm (consulté le 20 juin 2007).

    2 En français comme en anglais, les mots << mondialisation>> et <<globalisation>> apparaissaient entre la fin des années 1950 et le début des années 1960, dans un sens alors très neutre: lefait de devenir mondial, de se répandre dans le monde entier . Pourtant l'idée de la mondialisation a été concrétisée après la chute du mur du Berlin et l'effondrement de l'Union soviétique en 1989. Depuis lors le monde est dominé par la libéralisation des échanges et la disparition de tension EST-Ouest. Vincent BAUDRAND et Gérard MARIE-HENRY, La mondialisation, Studyrama, Coll. Géopolitique, 2006, p. 12.

    A vrai dire, les droits de l'homme et l'Internet s'inscrivent dans une logique cosmopolite de type Kantienne ou Habermasienne1, dans laquelle l'action politique doit être concue d'une manière globale oü l'individu est placé au ccur du monde et non plus des Etats: La gouvernance globale est donc une réflexion pour rendre compte de nouvelles pratiques d'action, qui remettent en cause le fonctionnement de l'Etat et du système interétatique 2. La question qui se pose a cet égard, est de savoir si dans cette société-monde, il y aurait une tension ou une coexistence entre les droits de l'homme et l'Internet? Est-ce que le monde global dont l'Internet fait partie est compatible avec les exigences des droits de l'homme? Ou, il y aurait une réconciliation entre ces deux aspects?

    Grace a l'Internet, la barrière entre l'homme et la communauté humaine est effectivement sur le point de tomber, ce qui permettrait a chaque être humain de vivre dans un monde un peu plus libre, et un peu plus fraternel. L'Internet rend possible et encourage le partage d'une éthique des droits de l'Homme par tous les hommes. Il est sans doute un outil extrêmement important dans la diffusion des droits de l'homme a l'échelle mondiale. Pourtant, plusieurs violations aux droits de l'homme découlent de l'utilisation de l'Internet3, comme par exemple, la pédophilie et la protection des mineurs, le droit d'auteur, l'accès a l'information, la liberté d'expression, la protection des données personnelles, ou la protection de la vie privée4. Malgré les efforts étatiques et internationaux, la réponse a ces violations semble difficile dans la mesure oü l'Internet apparalt comme un espace qui échappe a toute autorité étatique. En effet, la notion clé a cet égard, est celle de la régulation de l'Internet. C'est le point de départ pour répondre a

    1 Frédéric RAMEL et David CUMIN, Philosophie des relations internationales, Presse de Sciences PO, 2002, spécialement, pp. 252- 274 et pp. 380-388.

    2 La gouvernance globale est la nouvelle forme de l'action politique qui dépasse le cadre des Etats-nations. Elle peut se définir comme La méthode d'action politique privilégiée de la société-monde qui place l'homme au centre de ses préoccupations. Alors que les Etats étaient précédemment au centre de toutes les sciences sociales . Le concept de <<gouvernance globale>> (global gouvernance) est effectivement flou. Il fut a l'origine d'une commission indépendante créée en 1989 a l'initiative de l'ancien chancelier allemand Willy Brandt et d'autres personnalités politiques comme l'ancien président américain Jimmy Carter. En 1995, cette commission publia un rapport intitulé <<Notre voisinage global >>. Jean-Jacques ROCHE, Relations internationales, LGDJ, manuel, 2e édition, 2001, pp. 242 et s.

    3 V0 a cet égard, Droits de l'homme dans le cyberespace, UNESCO, Economica, mars 2005.

    4Agathe ALEPAGE, <<Les droits de personnalité confrontés a l'Internet >>, in Libertés et droitsfondamentaux, sous la direction de Rémy CABILLAC et autres, Dalloz, 12 éditons, 2006, pp. 227 - 254.

    toue interrogation concernant !a protection des droits de !'homme dans !'environnement numérique.

    Objet de recherche:

    Internet construit effectivement un monde virtue! qui ne peut être enfermé dans aucune !imite physique. Les considérations habitue!!es !iées aux frontières sont donc inopérantes sur Internet. Or, !a compétence !égis!ative et judiciaire d'un Etat, y compris dans son espace aérien, est déterminée en fonction de son territoire, !ui-même défini et borné par des frontières géographiques. La régu!ation étatique d'Internet est par conséquent considérab!ement entravée par ce caractère inhérent son fonctionnement transfronta!ier. Dans ce contexte, !e monde Internent est témoin actue!!ement d'une nouve!!e forme de régu!ation; c'est du aux mécanismes de réso!ution des !itiges comp!ètement dématéria!isés qui régu!ent !es rapports entre !es citoyens que! que soit !a zone géographiques oü i!s se situent. Ces mécanismes sont dominés par des acteurs privés qui semb!ent trouver un rô!e normatif sur !a toi!e. En effet, !'intérêt vient de faire un rapprochement entre ces modes privés de régu!ation et !es droits de !'homme.

    L'un des mécanismes !es p!us avancés dans ce domaine est !a po!itique uniforme de réso!ution des !itiges re!atifs aux noms de domaine UDRP (Uniform Dispute Reso!tuion Po!icy). Cette procédure a été mise en p!ace par !'ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), une société privée située en Ca!ifornie aux Etats-Unis. La procédure dérou!e sur Internet et tend se résoudre d'une manière g!oba!e !es !itiges entre !es titu!aires des noms de domaine et !es détenteurs des droits de propriétés inte!!ectue!!es, spécia!ement !es titu!aires des droits de marques. L'hypothèse principa!e de notre étude est de confronter cette procédure é!ectronique et universe!!e avec !es exigences du modè!e européen du procès équitab!e qui a été enrichi et é!argi par !'interprétation dynamique de !a Cour européenne des droits de !'hommel.

    En effet, au contraire de !a p!upart des instruments de protection des droits de !'homme, !a Convention européenne de sauvegarde des droits de !'homme et des !ibertés fondamenta!es (CESDH) est profondément marquée par !es méthodes d'interprétation

    ( Pean-Pierre MARGUENAUD, La Cour européenne des droits de l'homme, Da!!oz 2ème édition, 2005.

    utilisées par ses organes juridictionnels, et plus précisément la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Le but principal de cette interprétation est d'achever une certaine effectivité dans la garantie des droits proclamés par la convention. Comme la Cour a souligné dans son arrêt Airey c. Irlande la Convention a pour but de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs ))6. Dans cette optique, la convention apparalt non seulement comme un moyen de sauvegarder les droits proclamés par les Etats membres, mais aussi comme un outil de garantie du développement des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les Etats membres (alinéa 3. du préambule de la convention).

    Cet objectif a été reconnu explicitement par la Cour elle-même dans son arrêt Wemf8ffc. Allemagne oü elle a indiqué que s'agissant d'un traité normatif, il y a lieu d'autre part de rechercher quelle est l'interprétation la plus propre a atteindre le but et a réaliser l'objet de ce traité et non celle qui donnerait l'étendue la plus limitée aux engagements des Parties ))+. A ce titre, la Cour applique une interprétation finaliste qui vise a garder une certaine cohésion avec l'évolution de la société pour que la convention s'interprète a la lumière des conditions d'aujourd'hui ))3. Le recours a cette méthode d'interprétation est devenu systématique, depuis l'arrêt Stafford dans lequel la Cour a déclaré d'une manière explicite qu' eu égard aux changements importants qui se dessinent dans l'ordre national, se propose de réévaluer, a la lumière des conditions d'aujourd'hui, quelles sont l'interprétation et l'application de la Convention qui s'imposent a l'heure actuelle ))4.

    Cette interprétation évolutive donne effectivement a la Cour non seulement la

    1 CEDH, 19 octobre 1979, Airey c. Irlande, requête no 6289/73, § 24 : disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=airey&sessionid=102807 44&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).

    2CEDH, 27juin 1968, Wemf8ff c. Allemagne, requête no 212 2/64, § 8: disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=.emhoff&sessionid=102 81246&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).

    3 CEDH, Marckx c. Belgique, 13 juin 1979, requête no 6833/74, § 58 : disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=3&portal=hbkm&action=html&highlight=marckx&sessionid=1028 3521&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).

    4CEDH, 28 mai 2002, Stafford c. Royaume Uni, requête no 46295/99, § 69 : disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=>tafford&sessionid=1028 3521&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).

    possibilité d'ajuster constamment la Convention a l'évolution des mcurs de la société afin de la préserver d'éviter tout anarchisme1, mais aussi de créer une certaine uniformisation entre les Etats membres. Cette interprétation dynamique est basée principalement sur la technique des notions autonomes, qui se définit comme une méthode de formation d'un droit commun, qui vient pallier l'imprécision des termes conventionnels et l'absence d'homogénéité des droits nationaux et permettre une définition uniforme des engagements étatiques 2. Cette technique des notions autonomes vise principalement a détacher des notions ambiguës de leurs contextes nationaux en leur donnant un sens européen unique3. L'interprétation autonome permet effectivement de surmonter l'opposition du droit interne afin d'assurer l'applicabilité du droit garanti et d'éviter une application contre le sens de la convention. Dans cette optique, le juge européen donne une acception <<matérielle >>, et non formelle, a certaines notions en dépassant le sens habituel que la notion en cause revêt en droit national et lui accorde une signification extensive, proprement dit, européenne.

    Cette méthode prétorienne n'est pas cantonnée aux dispositions substantielles de la Convention, mais elle est aussi utilisée en ce qui concerne les dispositions procédurales4. L'un des exemples les plus pertinents a cet égard, est l'interprétation de l'article 65 de la convention concernant le droit a un procès équitable1. En effet, la

    1 Frédéric SUDRE, Droit international et européen des droits de l'homme, PUF, 8e édition, septembre 2006, p. 232. 2Frédéric SUDRE, op. cit., p. 234.

    3 Elle est utilisée a plusieurs reprises, comme pour la notion de << biens >> pour le droit de propriété, de <<peine>> pour la légalité des délits et des peines, ou de <<association>> pour la liberté de réunion. V° FREDERIC SUDRE, op. cit., p. 235.

    4 Dans le même sens, dans l'arrêt Loizidou, la Cour a recouru son pouvoir d'interprétation au regard de la reconnaissance du droit de recours individuel (art. 13), en jugeant que la convention est un instrument vivant qui doit s'interpréter <<a la lumière de la vie actuelle >>, et que la Cour ne se limite pas aux dispositions normatives du texte. CEDH, 23 mars 1995, Loizidou c. Turquie, exception préliminaire, § 71, disponible sur

    http: cmisVp.echr.coe.int tVp197 vie..aspIitem=3&portal=hbVm&action=html&highlight=LoiRidou&sessionid=102 83521&sVin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).

    5 Article 6 - Droit a un procès équitable:

    1 <<Toute personne a droit a ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit a la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une

    technique d'interprétation employée par la CEDH provoque une extension de l'ordre conventionnel2 au regard de l'application de l'article 6 dans la mesure oü la Cour l'applique aux contentieux inédits, de type administratif, disciplinaire, pénitentiaire, social, ou même financier.

    En effet, l'application de l'art. 6 par la CEDH a abouti a une vraie judiciarisation des procédures devant plusieurs organes qui ne sont pas considérés comme un tribunal3 selon le droit interne des pays membres. Cette extension du champ de l'article 6 vise non seulement a garantir l'organisation et le fonctionnement des systèmes juridictionnels, mais aussi la protection de l'individu quelle que soit la nature de la procédure ; judiciaire ou administrative. Le résultat de l'cuvre prétorienne est, plus précisément, une application du droit a un procès équitable <<hors les juridictions ordinaires >>. Le juge européen préfère une lecture téléologique4 de l'article 6, centrée sur un critère matériel, tiré de l'objet de la contestation Dans ce contexte, le droit a un procès équitable apparalt non seulement comme une garantie formelle mais également comme un vrai droit substantiel5.

    société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l&exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature a porter atteinte aux intérêts de la justice.

    1 L'article 10 de la déclaration Universelle de 1948 dispose que <<Toute personne a droit, en pleine égalité, a ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle >>. De même, l'article 14 du Pacte onusien relatif aux droits civils et politiques affirme que <<Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute personne a droit a ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil... >>.

    2 Frédéric SUDRE, op. cit., p. 233.

    3 Les termes <<tribunal>> et juridiction sont souvent utilisés comme << synonymes >>. On distingue généralement l&ordre administratif (tribunaux administratifs) et l&ordre judiciaire (tribunaux répressifs, tribunaux civils). De même, les juridictions sont classées selon leur nature en juridiction de droit commun et juridiction d&exception. Enfin, une juridiction doit toujours être située par le degré qu&elle occupe dans la hiérarchie judiciaire. Lexique des termes juridiques, Dalloz, 15e édition, 2005, p. 364.

    4 Frédéric SUDRE, Caroline PICHERAL (sous la dir.), La diffusion du modèle européen du procès equitable, La documentation Française, Coll. Perspectives sur la justice, 2003, p. 137.

    5 Jean-François FLAUSS, <<Les nouvelles frontières du procès équitable >>, in Le procès equitable et la protection juridictionnelle du citoyen, actes du Colloque organisé a Bordeaux les 29 et 30 septembre 2000, par l&lnstitut des

    La question qui se pose a cet égard, est de savoir si cette méthode d'interprétation pourrait conduire a la pénétration du droit a un procès équitable dans les rapports entre les particuliers? D'une autre manière, est-ce que l'article 6 serait applicable a la voie extrajudiciaire, après qu'il a été appliqué d'une manière extensive aux autorités administratives et juridictions spécialisées ? Quelles sont les frontières de l'article 6 de la CESDH? Est-ce qu'une procédure découlant du monde de l'Internet pourrait tomber dans le champ d'application évolutif de l'article 6? Si la réponse est positive, est-ce que cette procédure serait compatible avec l'exigence du procès équitable ou non ? Quelles seraient les conséquences d'une telle application sur l'avenir de la procédure UDRP ? Telles sont les questions qui sont posées.

    Justification du choix

    A travers une méthode de confrontation entre le fonctionnement de la procédure de l'UDRP et les exigences du droit a un procès équitable selon la CESDH, on essayera de soulever deux questions principales ; l'une juridico-politique et l'autre théorique.

    En premier lieu, l'appréciation du caractère équitable de la procédure UDRP nous donne l'opportunité de poser la question de l'articulation entre la logique juridique et la logique numérique. Est-ce qu'une logique primerait sur l'autre? Est que l'Internet est une zone de vide juridique? Ou, a défaut, il pourrait-il être régulé? Si la réponse est positive, quelle sorte de régulation sociale pourrait être mise en place? Est-ce que ce serait l'Etat providence de Welfare? Ou, une autre forme de la production des normes pourrait être envisagée ? Effectivement, le rapprochement entre la procédure UDRP et la CESDH nous donnera la possibilité non seulement d'examiner la capacité de l'Etat de réguler le monde numérique, mais de s'interroger sur le role de l'Etat dans un monde globalisé? La société-monde serait elle la fin de l'Etat régulateur? Est-ce que l'idée du déclin de l'Etat est vraiment constatée ou c'est un débat faussé?

    En deuxième lieu, la Convention européenne de droits de l'homme telle qu'elle est interprétée par la Cour européenne, a pris une place grandissante dans l'ordre juridique français, et est devenu un des phénomènes juridiques les plus marquants de ces

    droits de l&homme des avocats européens et l&Institut des droits de l&homme du barreau de Bordeaux, Bruxelles Bruylant, 2001, pp. 81-101.

    dernières années. On en arrive même, aujourd'hui, a se demander si les droits de l'homme ne sont pas tout simplement l'avenir du droit1. Il faut remarquer que la vraie appellation de la Convention européenne est <<Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales>> ou en anglais <<Protection of human rights and fondamental freedoms >>. Sauvegarde, protection, c'est la grande idée qui caractérise l'instrument européen des droits de l'homme. Le but est non seulement d'énoncer des droits, mais d'instituer les outils pratiques de les faire respecter. A cette fin, la Cour européenne consacre une place éminente a l'article 6 afin de garantir l'effectivité des droits proclamés par la Convention2. Dans ce contexte, l'hypothèse d'appliquer l'article 6 a la procédure UDRP nous donne la occasion de revenir sur l'évolution conceptuelle le modèle européen du procès équitable et de tracer ses frontières.

    Méthode et plan

    Une approche déductive sera adoptée pour démontrer notre objet de recherche. On émet une hypothèse de travail (le rapprochement entre la procédure UDRP et l'articl6 de la CESDH) pour essayer de la vérifier et de l'expérimenter en passant par trois étapes ; la description (décryptage de la logique de la procédure UDRP, l'explication (les hypothèses du rapprochement avec l'article 6), et la théorisation (qui consiste a énoncer une règle générale a partir les éléments décrits et analysés ; est-ce que l'article 6 serait-t-il appliqué la procédure UDRP). Dans une première partie, on va analyser l'objet de la recherche au niveau micro en abordant la difficulté de la réglementation étatique sur Internent, la naissance des régulateurs privés transnationaux, la genèse et le fonctionnement de la procédure UDRP, ainsi que le champ théorique oü elle s'inscrit. Ensuite, on suivra notre cheminement dans une deuxième partie, on analysera l'objet de la recherche au niveau macro a travers un dialogue entre le droit a un procès et la procédure de l'UDRP.

    1 Daniel GUTMANN, << Les droits de l'homme sont-ils l'avenir du droit? >>, in L'avenir du droit, Mélanges en hommage a François Terré, Dalloz, PUF, éditions Juris-classeur, 1999, p. 329 - 342.

    2 De tous les articles de la Convention, l'article 6 est le plus long. Il se compose de 298 mots. Il n'est devancé que par l'article 5 qui se compose de 371 mots. Par contre, l'article 5 est composite de plusieurs droits, tandis que l'article 6 ne parle que du droit a un procès équitable. La Convention européenne des droits de l'homme, Commentaire article par article, sous la direction de Louis-Edmond PETTITI, Economica, 1995, p. 239 et s.

    TITRE I
    LA PROCEDURE DE L'UDRP : UN MECANISME QUI PARTICIPE A LA
    REGULATION DE L'INTERNET

    L'origine de la mondialisation se trouve dans les années quatre-vingts1. Cette période constitue une période charnière avec l'effondrement de l'empire soviétique, la chute du mur du Berlin, la libéralisation des échanges, des mouvements d'intégration, notamment l'intégration européenne, les progrès technologiques et de communication. La mondialisation telle qu'on la définit aujourd'hui s'inscrit dans cette forte accélération des échanges, notamment financiers, constatée depuis cette période2. Dans le même temps, ces changements ont correspondu avec des évolutions du système capitaliste: expansion des entreprises transnationales; augmentation des flux financiers et commerciaux internationaux; évolution des techniques de production et de communication.

    La logique de cette mondialisation exige un monde au-delà de la théorie et des pratiques modernes de la souveraineté. L'Internet se trouve actuellement au coeur de cette démarche de mondialisation. Par sa nature transfrontalière, l'Internet met en cause la conception classique de la souveraineté westphalienne, ainsi que la théorie de l'Etat et sa capacité réglementaire par le biais des lois (chapitre i). Dans ce contexte, les acteurs transnationaux renforcent leur présence dans le monde numérique en imposant leurs propres normes par les modes alternatifs de règlement des différends (chapitre2).

    1 Dans son article << The end of history>>, apparu durant l'été 1989, Francis Fukuyama a qualifié cette période comme la fin de l'histoire: ((The triumph of the West, of the Western idea, is evidentfirst of all in the total exhaustion of viable systematic alternatives to Western liberalism. In the past decade, there have been unmistakable changes in the intellectual climate of the world's two largest communist countries, and the beginnings of significant reform movements in both. But this phenomenon extends beyond high politics and it can be seen also in the ineluctable spread of consumerist Western culture in such diverse contexts as the peasants' markets and color television sets now omnipresent throughout China, the cooperative restaurants and clothing stores opened in the past year in Moscow, the Beethoven piped into Japanese department stores, and the rock music enjoyed alike in Prague, Rangoon, and Tehran>>.Summer 1989, Revue, The National Interest, disponible sur

    http://www.wesjones.com/eoh.htm (consulté le 15 juin 2007).

    2 Pierre DE SENARCLENS, Mondialisation, souveraineté, et theories des relations internationales, Armand Colin, 1998, p. 71 et s.

    Chapitre 1 : De Ia réglementation a Ia corégulation de I'Internet

    Le mot régulation est apparu récemment dans le langage juridique1. Ce mot ne renvoie pas ni a une notion précise ni a un contenu flou, par contre, il est partout présenté. En effet, le mot régulation renvoie aux pratiques nouvelles qui mettent en cause le modèle classique de la réglementation étatique. Sous cet ange, la régulation est perçue comme un mécanisme dessiné a remédier un man que ou une crise- un man que ou une cirse de la normativité de nos sociétés: un man que ou une crise de la normativité sociale ~+. C'est le nouveau pavillon de la normativité: une nouvelle approche des fonctions et des formes de la normativité: un partit de souplesse, de réalisme, de compromis affiché et voulu par les pouvoirs publics ))3.

    Autrement dit, la régulation signifie l'incapacité de la puissance publique a décider et agir efficacement afin de réguler un phénomène dans un temps précis. L'internent cristallise évidemment cet état des lieux. Dans ce contexte, la régulation apparalt comme un moyen de pallier un déficit de la réglementation étatique (sectioni) par le biais des nouvelles formes de régulation sociale (section2).

    Section 1: La réglementation étatique face a la logique de l'Internet

    La spécificité de l'Internet réside dans sa nature transfrontalière, et l'absence d'un contrôle d'une autorité centrale sur les activités exercées sur la toile. Ce monde virtuel démonopolisé se heurte a la logique étatique, limitée par la conception classique de la souveraineté westphalienne (A). Devant ce défi de la réglementation étatique, d'autres formes de régulation ont été émergées et mises en places par les acteurs privés qui deviennent du fait au ccur du mécanisme de régulation de l'Internet (B). Le développement de ces nouvelles formes de régulation privée apparalt effectivement comme un transfert du pouvoir de réglementation du public vers le privé, dans un cadre de privatisation relaissées aux plan législatif et juridictionnel4.

    1 Ce mot est transposé du mot anglais regulation. Il peut se définir comme l' action de régler un phénomène pour le maltriser dans le temps . Dalloz, Lexiquejuridique, 15e éditions , 2006, p. 497.

    2Gérard TIMSIT, <<La régulation: La notion et le phénomène >>, RFDP, n°109, 2004, p.5.

    3Yves GAUDEMET, <<La concurrence des modes et des niveaux de régualtion >>, RFDP, n°109, 2004, p. 13.

    4 Fabrizio CAFAGGI, <<Le role des acteurs privés dans le processus de régulation: Participation, autorégulation et régulation privée >>, RFDP, n°109, 2004, p. 22-36.

    A. La spécificité de l'Internet et la création d'un monde post- westphalien

    Les traités de Westphalie de 1648 mettant fin a la guerre de Trente ans (1618- 1648) sont qualifiés comme la charte constitutionnelle de l'Europe1 et consacrant la disparition de l'ordre médiéval2. Ces traités ont posé les premiers éléments d'un <<droit public européen >>3 en construisant l'Europe des Etats. Depuis cette date, la légalité et la souveraineté des Etats sont reconnues comme principes fondamentaux des relations internationales interétatiques. Cette souveraineté westphalienne a une double forme. D'une part, il s'agit une souveraineté externe oü les Etats ne sont pas subordonnés a aucune autorité, ni nationale, ni régionale, ou internationale. Autrement dit, chaque Etat reconnalt tout autre Etat comme son égal. Cette souveraineté possède deux volets. D'une part, un volet interne selon lequel tout Etat dispose d'une autorité exclusive sur son territoire et sur la population qui s'y trouve et, d'autre part, un volet externe selon lequel chaque Etat n'a pas le droit d'intervenir dans les affaires internes d'un autre Etat.

    Selon le concept westphalien, un système d'équilibre entre des Etats égaux et souverains vient donc de s'installer oü la souveraineté territoriale devient l'expression du principe de la souveraineté4. La première formulation théorique explicite du principe de la souveraineté comme critère essentiel del'Etat est due a Jean Bodin et a ses six livres sur << La République>> publiés en 1576. Pour Bodin, la souveraineté est la pierre angulaire de l'Etat sans laquelle elle serait qu'un navire sans quille ))5 . Pour lui, la manifestation essentielle de la souveraineté de l'Etat consiste dans sa capacité a faire des lois.

    1 Patrick DAILLIER et Alain PELLET, Droit international public, Paris, L.G.D.J., 7e édition, 2002, p.51. Historiquement, ces traités ont légalisé la naissance des nouveaux Etats souverains et ont formé une nouvelle carte politique pour l'Europe par la liquidation de l'Emprise germanique et par la transformation de l'Allemagne en un groupe d'Etats indépendants sur lesquels l'empereur ne conserve qu'une autorité nominale. La Confédération helvétique et les Pays-Bas sont aussi reconnus comme Etats indépendants. Ils ont assuré la victoire des monarchies sur la papauté. V0 également, Dario BATTISTELLA, Le retour de l'état de guerre, Armand Colin, 2006, p. 292 et s.

    2Jean-Jacques ROCHE, Relations internationales, Paris, L.G.D.J., 3e édition, 2005, p.99~ Jean COMBACAU et Serge SUR, Droit international public, Paris, Montchrestien, 6e édition, 2004, p. 18 et s.

    3 Patrick DAILLIER et Alain PELLET, op. cit., loc. cit.

    4 Patrick DAILLIER et Alain PELLET, ibid., p.463.

    5 Dominique CARREAU, Droit international, Paris, Pedone, 7e édition, 2001, p. 15 et 16. L&approche de Bodin est incontestablement liée a la situation de son époque temps oü la France était profondément affaiblie par des guerres civiles et religieuses. Bodin estimait que le remède fondamental contre cette situation de chaos résidait dans le renforcement de la monarchie française contre toutes les féodalités et contre le pouvoir ecclésiastique. Il y a eu une certaine << déviation >> de cette notion de souveraineté. Elle fut identifiée par Hobbes dans son << Léviathan>>, qui

    Par conséquent, on peut que déduire cette souveraineté donne a l'Etat une exclusivité juridictionnelle sur son territoire. C'est la trilogie; Etat, territoire, juridiction, qui exprime cette souveraineté westphalienne. La réglementation est cette volonté étatique d'imposer sa politique, et qui repose entièrement sur un postulat: une souveraineté territoriale incontestée de l'Etat qui s'affirme par la sanction de la violation de son droit national ))6.

    De ce fait, le principe de territorialité repose sur l'idée de la domination de l'Etat sur un territoire. Il s'agit d'une condition essentielle de l'existence de la notion même de l'Etat. En effet, le principe de paix de Westphalie de 1648 consiste en la non-ingérence d'un Etat sur le territoire dans un autre Etat; ordre de simple coexistence ou juxtaposition de puissances souveraines ))2. Par conséquent, la juridiction d'un Etat ne doit pas produire des effets directs sur le territoire d'un autre Etat. Donc, la théorie de l'Etat est un principe qui s'oppose a l'exterritorialité. Cela dit, l'exercice de cette souveraineté est territorialement limité par la frontière de l'Etat. Dans ce contexte, c'est la frontière qui représente la ligne qui détermine oh commencent et oh finissent les territoires relevant respectivement de deux Etats voisins ))3. Cette ligne limite la capacité de l'action de l'Etat. Elle sépare des espaces territoriaux oü s'exercent deux souverainetés différentes.

    Par contre, l'espace créé par l'Internet ne connalt pas le phénomène de frontière4 qui existe dans le monde physique. A dire vrai, l'Internet construit une certaine

    accorde un pouvoir absolu a l&Etat qui se trouvait alors situé au-dessus de toutes les lois. Pour lui, la souveraineté est assimilée a un pouvoir absolu de l'Etat, celui-ci ne saurait être soumis a aucune règle de droit supérieur.

    1 Philippe AMBLARD, Régulation de l'Internet: l'élaboration des règles de conduite par le dialogue internormatif, cahiers du centre de recherche informatique et droit CRID n°24, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 45.

    2 Thomas SCHULTZ, Réguler le commerce électronique par la résolution des litiges en ligne, cahiers du centre de recherche informatique et droit CRID n° 27, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 66.

    3 Patrick DAILLIER et Alain PELLET, op. cit., p. 464.

    4 Paradoxalement, alors que la révolution numérique fait reculer les frontières du village global, l&immense majorité des habitants du monde restent en marge de ces progrès. Alors que le fossé, entre la connaissance et l&ignorance, ne cesse de s&élargir, l&écart de développement entre les riches et les pauvres, d&un pays a l&autre et a l&intérieur d&un même pays, se creuse. Les pays doivent donc impérativement s&efforcer de réduire cette fracture numérique et d&accélérer la réalisation des objectifs de développement pour le Millénaire en utilisant les TIC. Aux termes de sa Résolution 56/183 (21 décembre 2001), l&Assemblée générale de l&Organisation des Nations Unies a approuvé la tenue du Sommet mondial sur la société de l&information (SMSI) en deux phases, dont la première a eu lieu a Genève (Suisse), du 10 au 12 décembre 2003 et la seconde a Tunis (Tunisie) du 16 au 18 novembre 2005. V° Déclaration de principes Construire

    hypertrophie1 des règles dans la mesure oü les informations échangées par le biais du réseau peuvent circuler sans le consentement de l'Etat, et en même temps, elles ne peuvent pas s'arrêter a la frontière d'un autre Etat.

    Par exemple, on sait que selon le code électoral2, l'annonce des résultats avant la fermeture des bureaux de vote a 20 heures3 est une infraction pénale, passible de 75 000 euros d'amende4, dans la mesure oü elle est susceptible d'influer le résultat final du vote. Rappelons qu'en théorie, la loi électorale s'applique aussi a l'Internet5. L'article 11 de la loi 19 juillet 1977 (relative a la publication et a la diffusion de certains sondages d'opinion, modifiée par la loi du 19 février 2002) prohibe la diffusion du résultat d'un sondage portant sur les intentions de vote ou suffrages exprimés ou la publication d'une information dont l'objet est de donner la connaissance immédiate des résultats de l'élection avant que ne soit fermé le dernier bureau de vote en métropole, c'est-à-dire les dimanches 22 avril et 6 mai a 20 heures. Cette prohibition s'applique en principe a tous les moyens de communication et comprend nécessairement les services de communication au public en ligne (sites, blogs, listes de diffusion ouvertes). Donc, les

    la société de l'information: un défi mondial pour le nouveau millénaire, disponible sur http://www.itu.int/wsis/indexfr.html

    1 Thomas SCHULTZ, op. cit., p. 68.

    2 L'article L.52-1 du code électoral indique que ((Pendant les trois mois précédant le premier jour du mois d'une élection etjusqu'à la date du tour de scrutin oh celle-ci est acquise, l'utilisation a des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite .

    3 L'article L.49 affirme que (( Il est interdit de distribuer ou faire distribuer, le jour du scrutin, des bulletins, circulaires et autres documents. A partir de la veille du scrutin a zéroheure, il est interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale .

    4 Selon l'article L.90-1 du code électoral: ((Toute infraction aux dispositions de l'article L. 52-1 sera punie d'une amende de 75000 euros . L'article L.89 dispose que ((Toute infraction aux dispositions de l'article L. 49 et L. 52-2 sera punie d'une amende de 3750 euros sans préjudice de la confiscation des bulletins et autres documents distribués ou diffusés par tout moyen .

    5Recommandation du Forum des droits sur l'Internet << Internet et communication électorale >>, adoptée le 17 octobre 2006, disponible sur http://www.forumInternet.org/recommandations/lire.phtml?id=1124 consulté le 28 avril 2007) : Recommandation du CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) a l'ensemble des services de télévision et de radio en vue de l'élection présidentielle, publiée le 7 novembre 2007, disponible sur

    http://www.droitdunet.fr/par profils/lecture.phtml?type=profil citoyen&it=1&id=192 (consulté le 28 avril 2007).

    blogeurs sont obligés de respecter l'interdiction de publication des sondages, mais aussi la propagande électorale1.

    Or, il se trouve que les médias étrangers et les sites Internet hébergés hors de France peuvent publier en toute légalité, les résultats de l'élection présidentielle dès 18 h, les soirs du premier et du deuxième tour, alors que les médias français n'ont pas le droit de publier ces mêmes résultats avant 20 h. Par un simple clic, la diffusion des résultats du scrutin de l'élection présidentielle française avant 20h peut se produire par le biais d'un internaute suisse et produit des effets sur le territoire français, sans le consentement de deux Etats. C'est l'effet extraterritorial de la nature ubiquitaire de l'Internet qui met en cause le concept classique de la souveraineté étatique. La raison principale de cette situation se retrouve dans l'origine ainsi que la nature de l'Internet.

    En effet, l'histoire d'Internet a une double origine; universitaire et militaire2. Le développement universitaire commença en 1969 par un petit projet de communication dénommé ARPANET (Advanced Research Porject Agency). Or, la vraie idée de l'Internet est née dans années 1949 oü le Département de la défense des Etats-Unis cherchait a renforcer la défense nationale contre une possible attaque nucléaire soviétique. L'idée centrale a cette époque était de mettre en place un réseau de communication décentralisé qui octroierait au président des Etats-Unis la facilité de donner l'ordre d'attaque nucléaire, d'une manière permanente, même si ce réseau était endommagé par des frappes nucléaires. La conséquence principale de cette décentralisation est que l'Internet ne peut pas être contrôlé techniquement d'une manière centrale.

    C'est cette idée originale qui a donné a l'Internet la capacité de résister aux attaques militaires ; si une partie était détruite, le reste pourrait continuer a fonctionner par un simple routage des communications vers les serveurs et les connexions

    1 Le journaliste Jean-Marc Morandini, qui avait annoncé son intention de divulguer avant la fermeture des bureaux de vote les résultats du premier tour de l'élection présidentielle sur son site Internet, a finalement renoncé. Le Monde, 22 avr. 2007, http://www.lemonde.fr/web/article/0 ,1-0Th2-823448,36-899814 ,0.html?xtor=RSS-3208 (consulté le 28 avril 2007) : voir la décision définitive du Jean-Marc Morandini sur son blog

    http://jeanmarcmorandini.com/news.php?id=4858 (consulté le 28 avril 2007).

    2 Les deux réseaux, miitaire et ARPANET, ont été reliées en 1982, grace a l'introduction du transmission control protocol/ Internet protocol (TCP/IP). L'ouverture du réseau au public est arrivée en 1990 avec le concept W3 (World Wide Web). Depuis cette date, l'internent a connu un succès sans précèdent, tant au niveau économique, social, que politique. Thomas SCHULTZ, ibid., p. 18.

    intouchées. Cela explique le fait que toute communication par le biais de l'Internet ne passe pas par un point central qui pourrait être filtré censuré, ou contrôlé. La communication sur Internet est effectivement divisée en paquets acheminés par différentes routes pour être recombinés a l'arrivée.

    Cette fragmentation rend l'idée d'une réglementation centrale ou globale de l'Internet quasiment impossiblel. C'est pour cela, Internet est souvent dénommé le <<réseau des réseaux>> puisque son infrastructure physique s'est construite a partir d'un réseau originaire basé aux Etats-Unis, par l'interconnexion de nouveaux réseaux de taille différente et en débit variable a travers le monde entier. En d'autres termes, le réseau materiel de l'Internet ressemble finalement a un réseau routier avec des autoroutes, et des routes nationales, locales ou des déserts2. Cette architecture actuelle du réseau permet de diffuser a l'infini n'importe quelle information, de l'héberger sur plusieurs serveurs situés dans différents pays. Ainsi est-il difficile, voire impossible, d'obtenir la suppression d'une information lorsqu'elle a été mise en ligne.

    A côté de cette origine décentralisée, les caractéristiques inhérentes de l'Internet rendent difficile l'exercice de la souveraineté étatique. En premier lieu, l'Internet est l'expression d'une vraie détemporalisation oü il y a un échange instantané de la communication. Cette rapidité conduit a une vitesse énorme dans les transactions commerciales et la diffusion des informations qui, quelquefois dépassent la production législative nationale. En deuxième lieu, l'Internet est un monde virtuel et dématérialisé oü les parties ne se rencontrent pas physiquement. Enfin, Internet dispose d'une certaine déterritorialisation puisqu'il n est pas attaché a un territoire déterminé et tangible. C'est un village global d'ubiquité dans lequel toute personne peut se connecter a n'importe quel endroit, voir qu'elle se trouve.

    Cette ubiquité a conduit que certains voyaient l'Internet comme un espace réel, au sens géographique du terme, séparé du territoire d'Etat, comme l'espace extraatmosphérique ou de la haute mer. Cette approche s'appuie sur l'existence d'un nouveau monde dans lequel les Etats ne peuvent pas assumer leurs fonctions de régulation ni leur souveraineté. En conséquence, l'Internet se conçoit comme un espace vierge de sorte

    ( Thomas SCHULTZ, ibid., loc. cit.

    2 Philippe BARBET, <<La régulation du réseau Internet >>, in Société de l'information: enjeux économiques et juridiques, (dir.) Philippe BARBET et Isabelle LIOTARD, Paris, Harmattan, 2006, p. 8i.

    d'autorité et totalement libre, sans frontière, du style Far West. Dans sa déclaration d'indépendance du Cybermonde, John Perry Barlow indique que Gouvernements du monde industriel, géantsfatigués de chair et d'acier, je viens du cyberespace, nouvelle demeure de l'esprit. Au nom de l'avenir,je vous demande, a vous qui êtes du passé, de nous laisser tranquilles. Vous n'êtes pas les bienvenus parmi nous. Vous n'avez aucun droit de souveraineté sur nos lieux de rencontre. Nous n'avons pas de gouvernement élu et nous ne sommes pas près d'en avoir un, aussi je m'adresse a vous avec la seule autorité que donne la liberté elle-même lorsqu'elle s'exprime. Je déclare que l'espace social global que nous construisons est indépendant, par nature, de la tyrannie que vous cherchez a nous imposer. Vous n'avez pas le droit moral de nous donner des ordres et vous ne disposez d'aucun moyen de contrainte que nous ayons de vraies raisons de craindre ~6.

    Cette vision est évidemment irréaliste. D'un côté, l'Internet n'est pas un espace en dehors de l'Etat, comparable a la haute mer ou a l'espace extra-atmosphérique qui échappent au pouvoir des Etats et nécessitent l'élaboration des nouvelles règles propres au monde virtuel. Au contraire, l'Internet est dans les Etats, même s'il presente certaines spécificités indéniables liées a son caractère tout a la fois transfrontière et dématérialisé. D'ailleurs, il est transnational dans la mesure oü il traverse les Etats sans respecte leurs frontières. Toute transaction sur Internet, soit a une fin commerciale ou informative, produit ses effets dans le monde physique et sur le territoire d'un ou plusieurs Etats. Autrement dit, le cyberespace crée un environnement particulier, mais il ne constitue pas un monde a part entier2.

    De l'autre côté, territorialement parlant, les individus connectés a l'internet resteront physiquement présents et localisés, malgré le fait qu'ils se rencontrent dans un monde virtuel. Actuellement, l'Internet pénètre la vie quotidienne des citoyens - a travers leurs écoles, leurs lieux de travail, leurs domiciles, leurs associations ou leurs

    1 Déclaration d'indépendance du Cybermonde, Davos - Suisse, le 8 février 1996, disponible sur http://www.freescape.eu.org/eclat/lpartie/Barlow/barlowtxt.html (consulté le 8 mai 2007).

    2 ~ C'est, en effet, devenu banalité de dire que l'Internet abolit lesfrontières. Sejoue des espaces nationaux, constitue le support technologique du décloisonnement des marchés, de sorte qu'on peut en inférer une internationalisation des opérations de commerce électronique . Ali BENCHENEB, <<commerce électronique et règlement des litiges contractuels >>, pp. 33-44, in Cahiers de droit de l'entreprise, supp. no 4, JCP E no 37, 12 septembre 2002, colloque <<commerce électronique >>, Marrakech 8 et 9 novembre 2001.

    institutions publiques - la profondeur de son impact sur la vie économique1, sociale2, et même politique3 devient plus évidente. En d'autres termes, mêmes citoyens de la toile, chaque internaute reste un citoyen attaché a ses valeurs et a sa culture locale4.

    1 L'immatériel oü les technologies numériques fait une composante importante, est un élément déterminant de la croissance des économies. Aujourd'hui, le succès économique des pays reposerait sur leurs capacités de fournir un environnement favorable au développement l'économie matérielle. La véritable richesse n'est pas concrète, elle est abstraite. Elle n'est pas matérielle, elle est immatérielle. En France, l'économie matérielle représente, au sens large, environ 20 % de la valeur ajoutée et 15 % de l'emploi. V°, L'économie de l'immatériel: La croissance de demain, rapport présenté au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, 23 novembre 2006 (dir.) Maurice LEVY et Jean-Pierre JOUYET; disponible sur

    http://www.finances.gouv.fr/directions services/sircom/technologies info/immateriel/immateriel.pdf (consulté le 8 mai 2007).

    2 Selon l'institut TNS, en 2006 le nombre des internautes français a représenté la moitié de la population française, avec une hausse annuelle d'une moyenne de 5 % (55 % en 2006 contre 16 % en 1999). 57 % des internautes français consultent des informations sur le Net, 26% lisent et téléchargent des articles, 40 % utilisent l'Internet pour écouter la radio. Les jeunes représentent la plupart de cette population, dont 48 % d'entre eux ont acquis un diplôme supérieur au bac. Sur le terrain commercial, le marché du commerce électronique a réalisé en France un chiffre d'affaires de 9,5 milliards d'euros en 2006 au lieu de 7 milliards en 2oo5. Le marche virtuel a drainé 2.2 milliard d'euros, soit une hausse de 44 % en un an. LE FIGARO, économie, vendredi 31 mars 2006, n° 19178 - cahier n° 2.

    3 La campagne présidentielle de 2007 a témoigné un recours grandissant a l'Internet pour servir aux ambitions politiques. A titre d&exemple, Ségolène Royal a choisi le nom de domaine desirsdavenir.org, pour exposer son projet. De même, Laurent Fabius, ancien candidat a la candidature du parti socialiste a adopté la même méthode en déposant le nom de domaine laurent-fabius.net pour exprimer et valoriser sa campagne. A droite, la situation est semblable, notamment avec le nom de domaine sarkozyblog.free.fr, exploité par Nicolas Sarkozy, (son nom est d&ailleurs le plus déposé en tant que nom de domaine : 67% de la totalité des noms d&hommes politiques déposées comme noms de domaine), ou bien encore mpf-villiers.com de Philippe de Villiers. Bref, on retrouve actuellement tous les noms des candidats plausibles a l&élection présidentielle de 2007, déposés en tant que noms de domaine.

    Or, les noms de domaine ne sont pas seulement utilisés comme un outil donnant aux candidats le moyen d&exposer leurs idées, mais ils servent également comme arme dans la bataille présidentielle. Par exemple, sur le site www.sarkozy2007.fr, l&internaute est accueilli par un message de bienvenue de Ségolène Royal. La page d&accueil qui est aux couleurs de l&UMP propose même un lien menant directement au formulaire d&adhésion du parti socialiste, et une redirection vers le site officiel de Ségolène Royal desirsdavenir.org. Cette technique du détournement des noms de domaine est employée aussi par l&UMP. En tapant www.chirac.com, l&internaute est redirigé vers le site officiel de Nicolas Sarkozy. Yassin EL SHAZLY, <<Noms de domaine, <<cybersquatting>> et campagne présidentielle >>, Propriété industrielle, n° 3, mars 2007, étude 8, p. 14 et s.

    4 Jacques BERLEUR et Yves POULLET, << Quelles régulations pour l'Internet? >>, p.151, in Gouvernance de la société de l'information: loi, autoréglementation, éthique, (dir.) Jacques BERLEUR, Christophe LAZARO et Robert QUECK: actes du séminaire organisé a Namur, les 15 et 16 juin 2001 par le Centre de recherches informatique et droit (CRID) et la cellule interdisciplinaire de Technology Assessment (CITA), cahiers du centre de recherche informatique et droit n°22 CRID, Bruxelles, Bruylant, 2002.

    On donc peut constater qu'il y a une influence mutuelle entre le cyberespace et le monde physique. Cette interaction entre le matériel et le virtuel met en question l'efficacité de la réglementation étatique comme une expression de la souveraineté westphalienne. Dans ce contexte, une série de questions se posent: Est ce qu'un seul Etat est-tiil fondé a faire la loi sur l'Internet, par essence transnational ? Un Etat pourrait-t-il bloquer l'accès a des contenus considérés comme licites, diffusés depuis le territoire d'un autre Etat? Dans un tel cas, est-ce que Internent rend la loi d'un Etat applicable sur le sol d'un autre Etat? Et comment le jugement d'un Etat peut-il être exécuté sur le sol d'un autre Etat? C'est ce qu'on examinera par la suite.

    B. L'Internet: un nouveau défi pour la réglementation étatique

    Tout d'abord, il faut souligner que l'Internet n'est plus une zone de non-droit ou d'un éventuel vide juridique1. Cette idée est complètement dépassée. Comme le dit l'adage <<là oü il y a une société, il y a du droit >>. La réglementation étatique, au sens large du terme2 a une vocation a s'appliquer sur l'Internet. Cependant, l'Internet fournit un espace dématérialisé et sans frontières a l'opposé d'une logique nationale limitée a un territoire déterminé. La question qui se pose a cet égard, est de savoir dans quelles mesures commence la compétence du juge national sur l'Internet? Et comment pourrait-il assurer le respect de son propre droit? La juridiction française s'est efforcée de répondre a ces deux questions: la compétence territoriale (1) et l'efficacité juridique de la loi nationale (2).

    1 En 2 jullet 1998, le Conseil d'Etat, a été invité par le premier ministre, Lionel Jospin, a adopté un rapport détaillé sur le thème <<Internet et réseaux numériques>> dans lequel, il a affirmé que : ~l'ensemble de la législation existante s'applique aux acteurs d'Internet, notamment les règles de protection du consommateur et celles garantissent le respect de l'ordre public. Il n'existe pas et in 'est nul besoin d'un droit spécifique de l'Internet et des réseaux . Donc, le droit commun s'applique normalement dans le monde virtuel comme le monde réel. Pour autant, l'efficacité d'une telle application se heurte d'être réduite a cause de la nature transfrontière de l'internent. Internet et réseau numériques, étude adoptée par l'Assemblée générale du Conseil d'Etat, La documentation francise, Paris, 1998, p. 13.

    2 Cette réglementation est effectivement transversale; elle concerne un nombre de domaines impressionnant: le droit de la communication au sens le plus large du terme, la protection de l'enfance, la protection des consommateurs, la liberté d'expression, le droit fiscal, le droit international, le droit des sociétés, de nombreuses branches du droit pénal et du droit civil (droit de la preuve, droit de la responsabiité) etc. Lionel THOUMYRE, <<Une Europe unie face a la réglementation de l'Internet? Etat des lieux >>, 26 septembre 2003, publié sur http://www.droit-technologie.org, 3 novembre 2003.

    § 1. De nouveaux défis pour se declarer territorialement competent

    On sait qu'en matière de compétence judiciaire, l'article 46 du Nouveau Code de procédure civile (NCPC) accorde en matière délictuelle la possibilité de saisir le tribunal dans le ressort duquel le fait dommageable s'est produit ou a été subi ~1. De même, l'article L.113-2 du Code pénal prévoit qu'une infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire '. Ces deux critères cumulés accordent a la juridiction française la possibilité d'assumer une vocation universelle, quelque soit en matière civile ou pénale, en lui permettant de se situer sur des affaires commises en dehors du territoire français, y compris ceux-ci liés a l'Internet.

    Or, devant l'ubiquité de l'Internet, le juge est obligé de distinguer un site ouvert a l'étranger et un site national afin de ne pas porter atteinte a la souveraineté d'un autre Etat. Autrement dit, la question qui se pose est de savoir si un site hébergé a l'étranger échapperait automatiquement a la compétence du juge a partir du moment oü il est hébergé en dehors du territoire? Ou, a défaut, le juge resterait compétent? Cette situation a conduit les juges a repenser leur compétence et a reconstruire des normes adaptées a l'Internet2. On peut déterminer a cet égard, deux tendances principales3.

    a) Le critère de l'accessibilité du site

    Dans un premier temps, la spécificité de l'Internet a conduit le juge français a se déclarer compétent pour juger une affaire conformément a la loi française, au moment oü un site Internet est accessible partir du territoire français. A titre d'exemple, dans l'affaire <<Payline>> oü une société française a assigné en référé devant le président du TGI de Nanterre, une société basée aux Etats-Unis avec pour motif qu'elle exploite sa marque <<Payline>> au titre du nom de domaine. La société défenderesse a conclu a l'incompétence de la juridiction saisie. Par contre, le tribunal s'est déclaré compétent en

    1 Dans le même sens, l'article 5 §3 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l&exécution des décisions en matière civile et commerciale, dispose que une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut (...) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu oh lefait dommageable s'estproduit ou risque de se produire .

    2Michel VIVANT, <<Le commerce électronique, défi pour lejuge >>, D. 2003, n° 10, Doctrine, p. 674- 678. 3Christiane FERAL-SCHUHL, Cyberdroit, Paris, Dalloz, 2006, p. 418 et s.

    jugeant que la diffusion d'Internet étant par nature mondiale et accessible en France, le dommage a lieu sur le territoirefrancais (...) que compétent territorialement, lejuge francais doit sanctionner les faits argués de contrefa con et appliquer les sanctions prévues par le Code de la Propriété Intellectuelle et qu'il importe peu que la diffusion sur Internet soit mondiale, que l'inverse aurait pour conséquence de nier la protection d'une marque sur le territoire oh elle est protégée; qu'il convient de rejeter l'exception d'incompétence ~6
    · Dans une affaire semblable, la CA de Paris, dans un arrêt du 1er mars 2000, a considéré que le lieu du fait dommageable s'entend de tous lieux oü les informations litigieuses sont mises a la disposition des internautes français: le fait dommageable se produit en tous lieux oh les informations litigieuses ont été mises a la disposition des utilisateurs éventuels du site 2
    ·

    Ce point de vue a été retenu par la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 9 décembre 2002 « l'arrêt Roederer , dans lequel la haute juridiction a rappelé les règles de droit international privé pour admettre la compétence du tribunal français en vue de la réparation de dommages causés par une contrefaçon de marque sur un site Internet espagnol mais accessible en France. En l'espèce, la société Champagne Louis Roederer s'estimant victime de contrefaçon du fait des agissements de la société espagnole Castellblanch qui présentait sur son site Internet situé en Espagne la promotion de vins mousseux sous la marque <<Cristal >>. La société défenderesse a invoqué la convention de Bruxelles du 28 septembre 1968 qui exige qu'un dommage se soit effectivement produit sur le lieu du for et non qu'il soit théoriquement envisageable. La Cour de cassation a rejeté cet argument en s'appuyant sur le fait que le site de la société espagnole est accessible aux internautes français en considérant que la cour d'appel qui a constaté que ce site, f(lt-il pass if, était accessible sur le territoire francais, de sorte que le préjudice allégué du seul fait de cette diffusion n'était ni virtuel ni éventuel, a légalementjustifié sa décision ))3
    ·

    1 Tribunal de grande instance de Nanterre Ordonnance de référé du 13 octobre 1997, Société SG2 / Brokat Informations Systems GmbH ; disponible sur www.legalis.net (consulté le 28 avril 2007).

    2 Cour d'appel de Paris 14ème ch., A, arrêt du 1er mars 2000, l'affaire <<Miam-Miam >>, Allaban Web Systems Sarl / Aragorn Sarl, "Les Aventuriers du Gout" Sarl, Bénédict B. ; disponible sur www.legalis.net (consulté le 28 avril 2007).

    3 Cour de Cassation, 1ère chambre civile, Arrêt du 9 décembre 2003, Société Castellblanch / Société Champagne Louis Roederer; disponible sur www.legalis.net (consulté le 28 avril 2007).

    Selon cette perspective, le simple fait d'accéder depuis la France a un contenu diffusé de l'étranger suffit a rendre la juridiction française compétente. Ainsi, les tribunaux français se considèrent compétents et la loi française est considérée applicable aux tous litiges relatifs a l'Internet. Cette solution maximaliste va diriger que le droit français serait un synonyme pour le droit de l'Internet. Au surplus, le fait de considérer que le tribunal compétent soit celui oü l'accès au site s'est réalisé, va conduire a une solution irréaliste, anarchique et peut aboutir a des graves insécurités juridiques dans la mesure oü il pourrait rendre compétent pour le même litige, les tribunaux de tous les pays; puisque la diffusion des informations sur Internet a un caractère mondial et accessible partout dans le monde. Face a ces critiques, ce point de vue a été abandonné par les tribunaux qui commencent a repenser leur compétence.

    b) Le critère du public visé et l'indice linguistique

    Devant son inutilité, certains juges commencent a refuser d'adopter le critère de l'accessibilité du site Internet depuis le territoire pour se déclarer compétent. Par exemple, le TGI de Paris a débouté la société Nestlé qui a rapproché la société Mars, située aux Etats-Unis, pour le fait d'utiliser sur son site Internet la dénomination <<Crunch>> dont la société Nestlé est titulaire. Le tribunal a considéré que le fait que le site de la société défenderesse est accessible en France ne suffit pas a prouver l'exploitation de la marque Crunch sur le territoire français: <<l'accessibilité d'un site ouvert dans un pays tiers par une société de nationalité étrangère ne suffit pas a justifier une mesure d'interdiction alors qu'aucun acte d'exploitation de quelque nature que ce soit de la marque litigieuse n'est accompli par cette société sur le territoire francais ))15

    Cette position2 a été approuvée par la Cour de cassation dans l'arrêt Hugo Bossy du ii janvier 2005 dans lequel la Cour a fait un virage, en admettant qu'un

    1 TGI de Paris, 28 mars 2003, SA Produits Nestlé, SA Nestlé France et SA Nestlé Grand Froid c/ Société Mars Inc, disponible sur http://www.forumInternet.org/documents/jurisprudence/lire.phtml?id=6i8 (consulté le 28 avril 2007).

    2 La juridiction allemande a adopté également le même point de vue dans l'affaire Budweiser. En l'espèce, la société Budweiser, titulaire de la marque allemande Budweiser a assigné une société américaine exploitant le site << budweiser.com>> au motif que la publicité pour la bière diffusée sur ce site accessible en Allemagne, portait atteinte a ses droits sur sa marque allemande. Le Landgericht de Cologne a débouté la société allemande et a jugé que la

    demandeur doit démontrer que le site vise un public français s'il veut obtenir gain de cause dans son action en contrefaçon devant la juridiction française: <<qu'ayant relevé qu 'il se déduit des précisions apportées sur le site lui-même que les produits en cause ne sont pas disponibles en France, la cour d'appel en a exactement conclu que ce site ne saurait être considéré comme visant le public de France, et que l'usage des marques "Boss" dans ces conditions ne constitue pas une infraction (...) que le moyen n 'estpas fondé ))1
    ·

    De ce fait, les magistrats ont été invités a chercher si le site web en cause vise ou non le public français. A cet égard, certains juges ont recouru a la langue de la rédaction du site Internet afin de savoir s'il vise ou non le public français. A titre d'exemple, par un jugement du 11 février 2003, le Tribunal de grande instance de Paris a condamné la société allemande NFO Infratest Gmbh éditrice d'un site Internet contrefaisant la marque de la société française Intermind. Le tribunal s'est déclaré compétent en tant que le tribunal du lieu du fait dommageable conformément a la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 qui régit la compétence des juridictions des Etats membres de la communauté européenne. Il est pertinent de relever que, pour définir le lieu du fait dommageable, le tribunal retient que le site Internet édité par la société allemande est accessible en France et destiné a la clientèle française en raison de l'utilisation de la langue française sur le site: que l'emploi de la languefrancaise prouve que ce site est destiné aux clients situés notamment sur le territoirefrancais 2
    ·

    Dans le même ordre d'idées, dans un jugement du 14 septembre 2004, le Tribunal de grande instance de Paris a jugé qu'un signe figurant sur les pages d'un site québécois,

    publicité mise en cause présentait des caractéristiques permettant d'identifier qu'elle n'était pas destinée a l'Allemagne et que la seule possibilité d'accéder a cette publicité a partir du territoire allemand ne suffisait pas a caracté riser l'atteinte aux dro its sur la marque allemande . Landgericht de Cologne, 20 avril 2001, cité par MarieEmmanuelle HAAS, << L'Internet n'est pas sans frontières >>, chronique, DI, 11 juillet 2003.

    1 Cass. Com., 11 janvier 2005, Société Hugo Boss c/ Société Reemtsma Cigarettenfabriken Gmbh; disponible sur http://www.forumInternet.org/documents/jurisprudence/lire.phtml?id=854 (consulté le 28 avril 2007); Juriscom.net; Cédric MANARA, <<L'utilisation sur internet d'un signe identique a une marque française n'est pas une contrefaçon >>, D. 2005, AJ., obs. p. 428 ; Jérôme PASSA, Territorialité de la marque et protection contre un signe exploité sur un site Internet étranger >>, juriscome.net, 14 mars 2005, disponible sur

    http://www.juriscom.net/uni/visu.php?ID=653(consulté le 28 avril 2007).

    2TGI de Paris 3ème chambre, 3ème section Jugement du 11 février 2003, Sarl Intermind / sarl Infratest Burke, société NFO Infratest Gmbh & Co, M. H., www.legalis.net ; www.juriscom.net

    proposant des services de travail temporaire, constituait la contrefaçon d'une marque française pour le motif qu'il ne pouvait être soutenu que le site n'était pas destiné a la clientèle française dès lors que les pages, en langue française - et pour cause -, étaient accessibles depuis le territoire français a partir du moteur de recherche Google et n'excluaient nullement le consommateur français des offres proposées1. Dans le même esprit, par un arrêt du 17 février 2006, la CA de Paris a considéré que des sites rédigés en langue anglaise et japonaise ne peuvent pas prouver que ces sites visent le public français2.

    Or, dans l'arrêt Hugo Boss , du 11 janvier 2005, la chambre commerciale de la Cour de cassation a refusé de considérer qu'un site d'une société allemande vise un public francophone au motif que sa page d'accueil inclut le mot français <<bienvenue >>. Donc, la référence linguistique n'est pas un critère suffisant pour établir seul la compétence de la juridiction française. Paradoxalement, par un arrêt du 20 mars 20073 (arrêt HSM), la Cour de cassation a condamné une société allemande pour une concurrence déloyale a une société française, malgré le fait qu'elle commercialisait ses articles sur le territoire allemand a travers un site Internet, exclusivement conçu en langue allemande.

    Il mérite a cet égard, de souligner un arrêt du 26 avril 20064 de la CA de Paris qui a déclaré le TGI de Paris incompétent pour connaltre de l'action en contrefaçon d'une marque reproduite par un site Internet d'une société libanaise. Pour justifier son

    1 TGI Paris, 14 septembre 2004, 3ème chambre, 3ème section, 14 septembre 2004, SA Synergie c/ Sté Adecco Québec Inc., Sté Adecco Employment Services Limited, Juriscom.net ; D. 2004, p. 2647, obs. Cédric MANARA ; Com. com.électr. 2004, comm. 158.

    2 CA Paris, 4ème ch., sect. B, 17 février 2006, l'affaire <<Ceilings that strech >>, Carpoint Inc., Sociétés Carpoint.com LLC, Microsoft Corp. et Microsoft France c/ Société 3D Soft, DI Cah. jurid., jurispr. ; Legalis.net. En première instance : TGI Bobigny, 5ème ch. civ., 25 juin 2002 : DI Cah. jurid., jurispr. ; Juris-Data n° 2002-217938 ; Legalis.net; Revue Legalis.net 2003, n° 2, p. 130, note M. Lhotel ; Expertises 2003, n° 272, p. 272, note V. Memin.

    3 Cass. Com., 20 mars 2007, Société Gep industries c/ Société HSM Schuhmarketing Gmbh (allemande), l'arrêt attaqué (CA d'Angers, 9 mars 2004), n° 04-19679, disponible sur legalis.net; http://www.forumInternet.org/documents/jurisprudence/lire.phtml?id=1205

    4 CA Paris, 4ème ch., section A, 26 avril 2006, Monsieur Ferdinand S. et la société SA Normalu c/ Société Sarl Acet; DI Cah. jurid., jurispr. ; Juriscom.net; Valérie SEDAILLAN, <<Marque reproduite sur un site Internet étranger et compétence territoriale : vers un revirement de jurisprudence ? >>, Juriscom.net, 11 mai 2006, consultable sur http://www.juriscom.net/actu/visu.php?ID=823 (consulté le 28 avril 2007).

    raisonnement, la Cour a invoqué le risque de vouloir conférer systématiquement, des lors que lesfaits ou actes incriminés ont eu pour support technique le réseau Internet, une compétence territoriale aux juridictions francaises . En plus, elle a précisé que pour être territorialement compétent un lien suffisant, substantiel ou sign ificatif, entre cesfaits ou actes et le dommage allégué . Cette position reste actuellement isolée.

    En somme, on trouve que la jurisprudence française privilégie la focalisation du fait commis sur Internet plutôt que la localisation: <<au lieu de s'attacher a la situation géographique d'une activité, il privilégie la recherche de la volonté des opérateurs (la focalisation repose sur la volonté des opérateurs). Lafocalisation désigne une méthode de vérification des conditions d'application d'un texte et non une méthode de rattachement lafocalisation est une méthode d'interprétation ~6.

    Selon cette méthode de focalisation, il s'agit alors de réunir des indices qui montrent que le site web s'adresse a une certaine population afin de dégager un critère déterminant qui peut participer a la détermination de la compétence territoriale des juridictions et a la reconnaissance de la caractérisation d'une infraction. Néanmoins, il demeure une incertitude et d'une hésitation jurisprudentielle en ce qui concerne l'application de cette méthode. Cette difficulté est accompagnée par le souci de l'efficacité de l'application du droit étatique sur l'Internet.

    § 2. De nouveaux défis pour appliquer le droit national

    Le premier problème qui se pose en ce qui concerne la mise en cuvre de la réglementation étatique sur l'Internet est celui de l'effectivité du droit. C'est-à-dire de la possibilité du droit national de réguler le réseau. Une deuxième question se pose, qui est celle de l'application des sentences nationales a l'étranger (l'exequatur). La question légitime que tout le monde se pose alors est : comment chacun des pays du monde peuvent-ils faire respecter ses valeurs et son droit local face aux activités illicites qui persistent sur l'Internet?

    1 Olivier CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, Paris, L.G.D.J., 2002, Bibliothèque de droit privé, Tome 365, n° 107 et s., p. 65; Emmanuel GILLET, <<Non retrait d'un nom de domaine désignant un site ouvert a l'étranger >, DI. Comm., 24 janv. 2007, http://www.domainesinfo.fr/chronique/117/non-retrait-d-un-nomde-domaine-designant-un-site-ouvert-a-l-etranger.php

    a) L'affaire Gubler : l'impuissance de l'Etat

    L'affaire <<Gubler>> qui remonte aux années 1995 et 1996 illustre parfaitement la puissance réduite de l'Etat sur Internet. Le Docteur Claude Gubler, médecin de François Mitterrand, avait écrit un ouvrage intitulé << Le grand secret>> dans lequel il révélait en détail l'état de santé préoccupant de l'ancien Président de la République. Le livre a été publié par une édition prestigieuse (éditions Plon) quelques jours après la mort du président. Sa famille réagit immédiatement et obtient en référé le retrait du livre deux semaines après sa publication au motif que celui-ci portait atteint au secret médical et a la vie privée du monsieur Mitterrand1. Par un jugement du 23 octobre 1996, le Tribunal de grande instance de Paris condamna in solidum le requérant et ses éditeurs a verser 100.000 F français (FRF) de dommages intérêts a Mme Mitterrand ainsi que 80.000 F a chacun des autres demandeurs, et maintient l'interdiction de diffusion livre2. Le 27 mai 1997, la Cour d'appel de Paris confirma ce jugement3. La Cour de cassation rejeta ensuite le pourvoi des éditions Plon4. De même, par un arrêt du 29 décembre 2000, le Conseil d'Etat a affirmé la radiation du Docteur Gubler de l'Ordre des médecins5. Jusque-là, l'histoire est relativement classique.

    1 <<Toute personne, quels que soient son rang, sa naissance, ses fonctions, a droit au respect de sa vie privée. Cette protection s'étend a celle des proches lorsque ceux-ci sont fondés a invoquer le droit au respect de leur vie privée famiiale (...) S'agissant d'un abus caractérisé de la liberté d'expression, a l'origine d'un trouble manifestement illicite, il entre dans les pouvoirs du juge des référés d'ordonner les mesures pouvant le faire cesser ou en limiter la portée.Il est fait défense de poursuivre la diffusion du livre "Le grand secret" >>. TGI Paris, Ord. réf., 18 janv. 1996 ; Mme Mitterrand et a. c/ Gubler et a. ; JCP G, n° 8, 21 Février 1996, II, 22589, obs. Emmanuel DERIEUX.

    2 TGI de Paris, première Chambre, 23 octobre 1996, Mme Mitterrand et a. c/ Gubler et a. : JCP G, n° 21, 21 mais 1997, juris., 22844, obs. Emmanuel DERIEUX.

    3 CA Paris, A, 27-05-1997, n° 97/4669P, EDITIONS PLON, S.A c/ Madame Danielle GOUZE épouse MITTERAND, section 1 : Emmanuel DERIEUX, Légipresse, 1erjuillet 1997, n° 143, pp. 100-103.

    4Cass. 1er ch. Civ., 14 décembre 1999, Société les Editions Plon et a. c/ Mme Mitterrand et a. : Bulletin 1999 I N° 345 p. 224 ; D. 2000, n° 17, p. 372, note Bernard BEIGNIER: l'arrêt est consultable sur http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=103930&indice=3&table=CASS&ligneDeb=1 (consulté le 9 mai 2007).

    5 Petites Affiches, 21 juin 2001 n° 123, p. 19. Après une requête présentée par M. Gubler, Dans 2007, la CEDH a jugé que la procédure devant Conseil national de l'Ordre des médecins le Conseil l'Ordre des médecins ne constitue pas une violation de l'article 6, § 1 de la Convention (procès équitable) ; CEDH, 27 juillet 2oo6, Gubler c/ France, no 69742/01; Gaz. Pal., 12 aoüt 2006, n°224, p. 10; disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 view.asp?item=10&portal=hbkm&action=html&highlight=plon&sessionid=100341 05&skin=hudoc-fr (consulté le 9 mai 2007).

    Mais, au nom de la liberté d'expression, un propriétaire d'un café a Besançon avait pris l'initiative de scanner les pages et de les diffuser sur l'Internet1. Le matériel du commerçant fut rapidement saisi. Le contenu avait cependant déjà fait le tour du monde et a été reproduit sur de nombreux serveurs. Aujourd'hui encore, c'est-à-dire sept ans plus tard, on retrouve facilement cet ouvrage a l'aide d'un moteur de recherche : ici sur un site luxembourgeois, là sur un site basque, ou encore en version anglaise sur un site américain. Rappelons a cet égard, que la CEDH a jugé que le maintien de l'interdiction de publication de cet ouvrage représente une violation de l'article 10 (liberté d'expression) de la Convention: le maintien de l'interdiction de la diffusion du Grand Secret, même motivé de facon pertinente et suffisante, ne correspondait plus a un ~ hesoin social impérieux et s 'avérait donc disproportionné aux huts poursuivis ~+. La CEDH estime qu'il faut nécessairement prendre en compte le passage du temps pour apprécier la compatibilité avec la liberté d'expression d'une mesure aussi grave que l'interdiction générale et absolue d'un livre.

    En tout état de cause, l'affaire Gubler a permis a l'Internet d'entrer pour la première fois dans la conscience collective, mais sous l'impression d'un vide juridique, qui traduisait en réalité la perception de l'ineffectivité du droit et de l'affaiblissement de la puissance d'Etat. En refusant cet argument, la juridiction nationale a montré sa volonté a faire une application du droit français pour condamner des sociétés ou des individus situés a l'étranger, et d'affirmer l'efficacité du droit étatique dans le monde virtuel l'Etat a de réguler l'Internet. Cependant, on peut constater que cette solution n'a pas abouti a un réel succès.

    b) L'affaire Yahoo ; l'absence des valeurs communes

    Chacun des pays européens ou non européens a dii adopter une démarche positive afin de lutter contre les contenus illicites circulant sur Internet. Cette démarche

    1 Thomas SCHULTZ, op. cit., p. 88 et s.; Mme FERAL-SCHUHL, <<La contrefaçon en ligne >>, pp.144-148, in Commerce électronique et propriétés intellectuelles,Paris, Litec,2001; acte de colloque organisé par l'Institut de recherche en propriété intellectuelle Henri-Desbois (IRPI), le 7 novembre 2000.

    2 CEDH, 18 mai 2004, édition Plon c/ France, requête n° 58148/00, § 51 et s.: disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=plon&sessionid=100K410 5&skin=hudoc-fr (consulté le 9 mai 2007).

    étatique était principalement individuelle contre le << fléau Internet >>1. Deux exemples s'imposent, ceux de l'affaire Compuserve en Allemagne et de l'affaire Yahoo en France.

    Tout d'abord, l'affaire Compuserve en Allemagne, la première grande affaire européenne ayant eu a résoudre un problème conséquent, celui des newsgroups du réseau Usenet (en quelque sorte l'ancêtre du Peer 2 Peer). Comme le réseau actuel d'Internet, le réseau Usenet n'avait aucun serveur central. Tous les groupes de discussion proliférant sur Usenet sont automatiquement << relayés >> sur l'ensemble des serveurs des fournisseurs d'accès. Or, parmi ces newsgroups accessibles en Allemagne, un certain nombre était consacré a la pédopornographie ou a la zoophilie. Constatant la présence d'images pédophiles, un abonné allemand avait déposé une plainte contre son fournisseur d'accès ; une filiale allemande de la société américaine Compuserve.

    Dans un premier temps, la jurisprudence allemande a ordonné a la société Compuserve US de rendre ces contenus inaccessibles sur le territoire allemand. Par ailleurs, Monsieur Felix SOMMER, l'ancien directeur de Compuserve Allemagne, a été condamné le 28 mai 1998 a deux ans de prison avec sursis et a 100 000 DM d'amende pour avoir permis l'accès a ces newsgroups. Par un arrêt du 17 novembre 1997, la Cour d'Appel de Munich a acquitté l'ancien directeur de Compuserve, Felix SOMMER, des charges de propagation de pornographie infantile sur Internet2. En France, l'affaire Yahoo s'inscrit dans le même ordre d'idées.

    On sait que les sites de vente aux enchères en ligne ont connu un essor économique incontestable3 et un encadrement législatif récent1. Par contre, on sait qu'il

    1 Lionel THOUMYRE, op. cit., p. L.

    2 Résumé de la décision par Francis Segond, sur http://www.canevet.com/jurisp/compu2.htm; dans les actualités de Juriscom.net: http://www.juriscom.net/archives/informations/juin98.htm#etranger

    3 Le fonctionnement de ce genre des sites est simple : les internautes, a travers le monde, intéressés par un produit ou bien exposé en vente sur le site ont la potentialité de proposer une offre. A l'échéance du terme (quelques jours en général), l'internaute qui aura proposé l'offre la plus haute emportera le produit. Thibault VERBIEST, <<Les ventes aux enchères électroniques : quel cadre juridique?>> (chronique "droit & multimédia" de L'Echo)", http://www.droittechnologie.org, 1 octobre 2000; Garance Mathias, <<Adjugé, Voté ! Analyse de la réglementation des ventes aux enchères sur l'Internet >>, http://www.droit-technologie.org , 4 Aoüt 2000, p.1. Dans ce contexte, le TGI de Mulhouse a considéré que l'achat pour revendre a titre habituel de meubles par le biais d'un site de vente aux enchères électroniques constitue pour un particulier une activité commerciale : TGI Mulhouse, corr., 12 janv. 2006, Min. public c/ Marc W: www.legalis.net: Luc GRYNBAUM, <<Vente habituelle sur un site d'enchères Internet par un particulier: qualification de professionnel >>, comm. com. élec., n° 7, Juillet 2006, comm. 112.

    y également des commerces moins honorables sur les sites aux enchères, comme l'atteste le scandale de la vente d'un rein humain en décembre 1999, suspendu par EBay, le leader des ventes sur Internet2, après que le rein ait atteint la somme de 5,7 millions dollars3. La question qui se pose a cet égard, est de connaltre la responsabilité des sites de vente aux enchères au regard des contenus illicites figurant sur leurs sites. Cette question soulève le problème délicat des valeurs humaines sur le monde universal de l'Internet.

    La référence principale dans ce contexte, est la célèbre affaire Yahoo oü la société américaine a organisé une vente aux enchères d'objets, de trophées nazis uniformes, de drapeaux frappés de la croix gammée, et de films sur le thème des tortures nazies. La société Yahoo a été assignée conjointement en référé par la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) et l'Union des étudiants juifs de France (UEJF), en demandant la

    1 Par exemple, la loi n°2000-642 du 10 jullet 2000 relative aux ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, publiée au J.O le 11 juillet 2000 : JCP G 2000, III, 20329: D. 2001, n°2, chro., pp. 141-148 : Judith ROCHFELD, obs. RTD. civ., oct. 2000, pp. 913- 918. De même, la loi sur les enchères électroniques << inversées >> encadrées par la loi du

    2 aoüt 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises: Comm. Com. élec., no 5, mai 2006, étude 13. Sur l'introduction des procédure des enchères électroniques et la dématérialisation des procédures de passation des marchés publics: V° a cet égard, les articles 54 et 56 du nouveau code du marché public (CMP), reformée par le décret n° 2006-975 du 1er aoüt 2006, transposant les directives communautaires "marchés publics" n° 2004/17 et n° 2004/18 du 31 mars 2004

    2 EBay est un bel exemple de l'intelligence collective oü ce sont les utilisateurs qui travaillent et créent la valeur et la richesse du service. Aujourd'hui, la communauté compte plus de cent millions de membres inscrits aux quatre coins de la planète (200 millions inscrits dans le monde dont 4,5 millions en France oü 15 800 vivant officiellement des revenus eBay et 3,5 millions d'objets sont en vente en permanence). Ce sont sur les sites EBay que les internautes du monde entier passent le plus de temps, et en font ainsi la destination la plus populaire de l'Internet. La société a réalisé un chiffre d'affaires en janvier 2007 qui dépasse 1.7 billion de dollars (revenue net), avec une augmentation annuelle de 24 % (le volume de transactions annuelles de 12405 millions $). V°, Marie-Thérèse CHEDEVILLE, J'eBay, J'eBay pas, éd. Léo Scheer, 2006, p. 13 et s.

    3 Etienne WERY, <<Trafic d'organes sur le Net >>, http://www.droit-technologie.org ,, 23 Décembre 1999. L'auteur signale d'autres exemples de transactions aux enchères portant sur le corps humain. Par exemple, un couple avait mis en vente un bébé, a destination des parents stériles qui étaient prêts a payer le prix fort pour achever leur désir de parentalité. Dans le même sens, un photographe de mode américain, Ron Harris, a lancé en octobre 1999, a destination des femmes stériles, un site oü il met en vente les ovules de top-modèles. Conformément a ce qu'il été déduit par l'auteur, ce genre de transactions sont parfaitement ilégales selon le droit français, qui prévoit que le corps humain est "hors commerce". Selon l'article 16-1 du code civil: Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial . Ce genre de trafics pourrait aussi tomber sous le coup de la loi pénale en tant que trafic d'organes.

    suppression des liens hypertextes permettant d'accéder a cette vente aux enchères sur le territoire français. Principalement, ils demandent a la société Yahoo de mettre en conformité son site américain avec la loi française qui interdit ce genre de ventes1. De sa part, la société Yahoo exposait une légitimité de poursuivre ces activités au regard la loi américaine qui privilège une telle pratique dans le cadre de la liberté d'expression.

    Au-delà de la complexité technique qui rend impossible d'identifier les internautes français accédant au site de ventes aux enchères et de les interdire d'accès a ce site, le juge GOMEZ, vice-président du TGI de Paris, a ordonné par un ordonnance du 22 mai 2000, a la société américaine Yahoo de prendre des mesures de nature a dissuader et a rendre impossible toute consultation du service de ventes aux enchères d'objets nazis et tout autre site ou service qui constitue une apologie du nazisme et une contestation des crimes nazis ' 2 . Sur la base d'un rapport3 rendu le 6 novembre 2000, le juge Gomez a estimé que la société Yahoo avait la possibilité technique de mettre en place un filtrage des internautes suivant leur localisation. Rejetant l'exception

    1 Le cadre juridique français pour lutter contre les diverses formes de racisme et d'antisémitisme, est fondé sur les articles 23, 24 et 24 bis de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 et la loi dite GAYSSOT, n°90-615 du 13 juillet 1990 tendant a réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe; en ligne sur le portait Legifrance, http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/RechercheSimpleLegi. Pénalement ce genre de vente constitue une infraction au sens de l'article R.645-1 du Code pénal qui interdit l'apologie du nazisme; L'art R. 645-1: Estpuni de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe lefait, sauf pour les besoins d'un film, d'un spectacle ou d'une exposition comportant une évocation historique, de porter ou d'exhiber en public un uniforme, un insigne ou un emblème rappelant les uniformes, les insignes ou les emblèmes qui ont été portés ou exhibés soit par les membres d'une organisation déclarée criminelle en application de l'article 9 du statut du tribunal militaire international annexé a l'accord de Londres du 8 aoüt 1945, soit par une personne reconnue coupable par unejuridictionfrancaise ou internationale d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité prévus par les articles 211-1 a 212-3 ou mentionnés par la loin0 64-1326 du 26 décembre 1964.... ~

    2 TGI de Paris, Ord. de référé, 22 mai 2000, Association "Union des Etudiants Juifs de France", la "Ligue contre le Racisme et l'Antisémitisme" / Yahoo ! Inc. et Yahoo France, disponible sur www.legalis.net : www.juriscon.net : Etienne WERY, <<Les sites de ventes aux enchères a nouveau sur la selette >>, http://www.droit-technologie.org, 12 Avril 2000.

    3 Par une ordonnance du 11 aoüt 20o0, le juge GOMEZ a nommé trois experts: un français et deux étrangers. Ces derniers auront pour charge de décrire les moyens techniques permettant de déterminer l'origine géographique des internautes et d'exposer les solutions de filtrage pouvant être mis en uvre par la société Yahoo pour bloquer l'accès au site d'enchères nazis aux internautes français. TGI de Paris, Ord. de référé, 11 aoüt 2000, Association "Union des Etudiants Juifs de France", la "Ligue contre le Racisme et l'Antisémitisme" / Yahoo ! Inc. et Yahoo France, disponible sur www.legalis.net : www.juriscon.net.

    d'incompétence, il a ordonné le 20 novembre 20001 a la firme américaine d'exécuter son injonction du 22 mai dernier dans les trois mois a venir, sous astreinte de 100.000 F. par jour de retard.

    De l'autre côté de la barre, dans son jugement déclaratoire du 7 novembre 2001, la Cour californienne a estimé que l'exécution de l'ordonnance de référé française par une cour américaine était incompatible avec le premier amendement de la constitution américaine (Bill of rights 1791): Bien que la France ait le droit souverain de contrôler le type d'expression autorisée sur son territoire, cette cour ne pourrait appliquer une ordonnance étrangère qui viole la Constitution des Etats-Unis en empêchant la pratique d'une expression protégée a l'intérieur de nosfrontières 2.

    On peut en conclure que, par la force des choses, France et Allemagne se sont retrouvés réunis contre l'ubiquité de l'internent et la réceptivité des contenus illicites en provenance d'autres territoires, notamment américains. Cette perméabilité est due non seulement a l'architecture de l'Internet mais aussi au premier amendement de la constitution américaine garantissant largement la liberté de parole.

    Les deux affaires précitées illustrent la différence des conceptions française et allemande de la liberté d'expression avec celle des Etats-Unis. Une telle différence montre bien que sur Internet, on reste dans la phase d'une société internationale oü il y a une hétérogénéité entre les membres de la société dans laquelle chaque Etat cherche son intérêt et la nécessité d'échange, et non plus dans la phase de la communauté qui signifie une certaine adhésion autour de valeurs communes ou de relations de voisinage ou d'amitié pour développer des relations confiantes et intimes3. Il faut donc chercher une nouvelle forme de régulation adéquate a la complexité et au paradigme de Internet. Cela nécessite également de repenser la manière de produire le droit par des normes privées.

    1 TGI de Paris, Ord. de référé, 20 novembre 2000, Association "Union des Etudiants Juifs de France", la "Ligue contre le Racisme et l'Antisémitisme" / Yahoo ! Inc. et Yahoo France, disponible sur www.legalis.net : www.juriscon.net.

    2 United States District Court, for the Northern District of California, San Jose Division, 7 novembre 2001, Yahoo! Inc. v. La Ligue contre le racisme et l'antisémitisme: comm. com. électr. 2002, comm. n°9, disponible en ligne sur http://www.forumInternet.org/telechargement/documents/dc-calif20011107.pdf: http://www.juriscom.net/en/txt/jurisus/ic/dccalifornia20011107.htm

    3 Patrick DAILLIER et Alain PELLET, op. cit., p. 38.

    Section 2 : L'émergence d'autres formes de régulation de l'Internet

    La régulation ne doit pas être confondue avec la réglementation. En fait, la régulation vise tous les moyens ou les formes permettant d'organiser et de recadrer un système. La réglementation est donc une forme de régulation. Il s'agit principalement de la réglementation étatique qui impose des règles générales et obligatoires : << c'est la technique par laquelle une autorité ayant compétence et légitimité impose des valeurs par le biais de normes qu'elle édicte ))6. Elle repose sur le pouvoir législatif d'une autorité centrale. C'est une expression de la souveraineté de l'Etat sur un territoire déterminé. On a vu que cette forme de régulation se trouve limitée face a la logique de l'Internet qui réside sur une nature internationale par nature; L'ubiquité de l'Internet moque du champ d'application territorial strictement limité des normes édictées unilatéralement par un Etat ou un groupe d'Etats ))+. On remarque deux autres formes qui émergent actuellement sur la piste de la régulation de l'Internet; l'autorégulation (A) et la corégulation (B).

    A. L'insuffisance de l'autorégulation

    L'autorégulation (qui signifie en anglais auto-regulation) se manifeste a la fois comme une autodiscipline et un cadre contractuel. Elle peut être définie comme une technique juridique selon laquelle des règles de droit ou de comportement sont créées par des personnes auxquelles ces règles sont destinées a s'appliquer, soit que ces personnes les élaborent elles-mêmes soit qu'elles soient représentées a cet effet ))3 . En d'autres mots, l'autorégulation s'entend <<du mode de production de droit fondé sur l'adoption par les acteurs d'un système social de normes juridiques qui s'appliquent a ces mêmes acteurs ))4.

    1 Thibault VERBIEST et Etienne WERY, Le droit de l'Internet et de la société de l'information: droit européen, belge etfrancais, Bruxelles, Larcier, 2001, coll. Création information communication n°8, p. 521.

    2Thibault VERBIEST et Etienne WERY, ibid., loc. cit.

    3 Priscilla DE LOCHT et Christophe LAZARO, <<La mise en uvre de la directive>> in Le commerce électronique européen sur les rails? Analyse et propositions de mise en uvre de la directive sur le commerce électronique, Etienne MONTERO (dir.) cahiers du centre de recherche informatique et droit CRID n° 19, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 297.

    4 Thomas SCHULTZ, op. cit., p. 103.

    L'autorégulation impose de la même façon des règles non obligatoires sur une base volontaire. Cette nature non contraignante la distingue de l'autoréglementation qui s'agit aussi d'imposer unilatéralement des règles, mais qui ont un caractère obligatoire. Ce phénomène de l'autorégulation n'est ni original ni nouveau, il existe toujours off line dans plusieurs activités professionnelles, aussi bien au niveau national qu'international, notamment dans le secteur financier, boursier, bancaire, culturel ou même sportif. L'autorégulation peut prendre la forme unilatérale lorsqu'une personne décide <<unilatéralement une ligne de conduite et s'engage a s'y tenir >>. Par exemple, lorsque un cybermarchand décide volontairement de ne débiter les cartes de crédit de ses clients qu'après un certain nombre de jours après la livraison des produits commandés, ou lorsqu'un fournisseur d'accès d'Internet décide unilatéralement de n'utiliser les données personnelles de ses abonnés que dans la stricte mesure.

    Or, l'autorégulation est connue souvent sur le net sous une forme collective, lorsqu'un groupe d'acteurs dans un secteur déterminant s'engagent a respecter un certain nombre de règles; comme, un code d'éthique ou encore une charte1. Mais, la forme la plus utilisée est les codes de conduites. Il s'agit d'une forme de création de règles selon un processus particulier : elles sont élaborées par les destinataires des règles ou par leurs représentants. Ce sont de règles proposées et non imposées. Ils peuvent être définis comme d'instruments de régulations élaborés volontairement par ceux qui prennent part a une activité, ayant pour objectif d'organiser, de manière souple et

    1 La Charte française de l'Internet, Règles et usages des Acteurs de l'Internet en France, mars 1997. L'objectif était d'écrire un texte a portée générale pouvant s'appliquer a la communauté des internautes dans son ensemble. La Charte de l'Internet s'adresse aux acteurs de l'Internet français. Elle se réfère notamment aux principes fondamentaux suivants : obligation de transparence, informations des utilisateurs sur les contenus sensibles, respect de la dignité humaine, protection des droits de propriété intellectuelle, protection des consommateurs. Cette charte n&a cependant pas suscité de consensus auprès des acteurs.

    http://www.forumInternet.org/documents/chartes codes labels/lire.phtml?id=88: la Charte d'engagements pour le développement de l&offre légale de musique en ligne, le respect de la propriété intellectuelle et la lutte contre la piraterie numérique 28/07/2004 ; Charte des prestataires de services d'hébergement en ligne et d'accès a Internet en matière de lutte contre certains contenus spécifiques 14/06/2004; Charte des utilisateurs d&un forum de discussion 8/07/ 2003

    http://www.forumInternet.org/documents/chartes codes labels/?PHPSESSID=c3156bf7ebd8d0f759605a3613e2af4 7 (consulté le 15 juin 2007).

    évolutive, une fonction, par voies de règles communes, uniformes et non obligatoires ))15

    Les caractéristiques principales de ces codes de conduite réside dans le fait qu'ils peuvent être produits par un organisme privé d'une manière souvent spontanée, et sans aucun caractère directement obligatoire. Ces pratiques visent a formuler des normes pour encadrer et organiser les pratiques d'une activité concernée afin de lutter contre certaines pratiques illicites ou pour les bonnes moeurs, ainsi que d'assurer un fonctionnement correct de cette activité. Ils ont une forme formelle de la normativité, mais sans aucune force. Ce sont des recommandations, des avis ou des guidelines; uls mêlent confusément l'intention et l'action, le possible et le souhaitable ))+.

    L'émergence de ce type de régulation dans la société de l'information3 qui apparalt comme <<le droit vivant de l'Internet >>4, s'explique par les avantages offerts face a l'ubiquité et a la nature transnationale de l'Internet. D'une part, les codes de conduite servent a sensibiliser les citoyens aux nouvelles technologiques et d'autre part, a augmenter, voire a créer la confiance5 dans le monde du réseau. Cette confiance est recherchée soit entre les professionnels et les consommateurs, soit entre professionnels. De même, ils prennent en considération l'évolution technologique rapide, issue de l'Internet. Le but principal de ce phénomène est de garantir les principes de sincérité,

    1Priscilla DE LOCHT et Christophe LAZARO, ibid., p. 300.

    2Priscilla DE LOCHT et Christophe LAZARO, ibid., loc.cit.

    3 On la retrouve dans certains secteurs d'activités, comme les fournisseurs d'accès et de service d'Internet www.afafrance.com ou www.ispa.be, les sites web consacrés a la santé sur l'Internet qui tendent a éviter les sites pseudoscientifiques www.hon.ch. De même, les sites pornographiques (l'industrie du sexe prospère sur le net; 1 % du contenu du web et 5% des consultations des internautes p.532) adoptent une même démarche pour lutter contre la pédophiie sur l'Internet, comme par exemple l'association ASACP (Adult Sites Against Child Pornography) www.asacp.com.

    4 Philippe AMBLARD, op. cit., p. 3.

    5 Dans ce sens, un code de conduite est la solution adoptée par la Commission européenne et EURid pour le nom de domaine .EU. L&adhésion au Code de Conduite du .EU n&est pas obligatoire pour les registrars accrédités .EU. Ceux qui choisissent d&y adhérer le font donc a priori pour signifier l&importance qu&ils attachent a ces valeurs de professionnalisme et de service-client que la Commission européenne espère voir se généraliser dans le réseau de vente du .EU. Le grand bénéficiaire est le client final qui va trouver avec le label du Code de Conduite un critère de plus pour l&aider a choisir son prestataire. http://www.domainesinfo.fr/extension/1191/europe-le-code-debonne-conduite-du-eu-est-operationnel.php

    d'égalité et de honnêteté sur les activités exercées sur l'Internet, en assurant le role des acteurs privés dans la régulation du réseau.

    A cet égard, la politique communautaire favorise le recours aux codes de conduite en ce qui concerne la régulation des activités sur Internet. A titre d'exemple, l'article 16 de la directive européenne, dite commerce électronique1, favorise le recours aux codes de conduite en ce qui concerne la régulation de l'Internet2. Or, il faut noter que l'article 4 de la dite directive3, dispose que l'adhésion au code de conduite reste volontaire et ne constitue pas une condition préalable a l'exercice de l'activité concernée. De même, la directive souhaite que les Etats s'appuient sur les codes de conduites, sans d'imposer a leurs épaules une obligation de les intégrer dans leurs propres systèmes juridiques. En d'autres termes, l'adoption des codes de conduite reste une obligation de moyen aux Etats membres4.

    1 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative a certains aspects juridiques des services de la société de l&information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur. La directive a été transposée en France par la loi 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique LCEN. Texte de loi publié au Journal officiel de la République française n° 143 du 22 juin 2004, page 1168, disponible sur http://www.legifrance.gouv.fr/texteconsolide/PCEBX.htm

    2Art. 16: ((Les Etats membres et la Commission encoura gent:

    a) l'élaboration, par les associations ou organisations d'entreprises, professionnelles ou de consommateurs, de codes de conduite au niveau communautaire, destinés a contribuer a la bonne application des articles 5à 15;

    b) la transmission volontaire a la Commission des projets de codes de conduite au niveau national ou communautaire;

    c) l'accessibilité par voie électronique des codes de conduite dans les langues communautaires;

    d) la communication aux Etats membres et a la Commission, par les associations ou organisations d'entreprises, professionnelles ou de consommateurs, de leurs évaluations de l'application de leurs codes de conduite et de leur impact sur les pratiques, les us ou les coutumes relatifs au commerce électronique;

    e) l'établissement de codes de conduite pour ce qui a trait a la protection des mineurs et de la dignité humaine.

    2. Les Etats membres et la Commission encouragent les associations ou les organisations représentant les consommateurs a participer a l'élaboration et a l'application des codes de conduite ayant des incidences sur leurs intérêts et élaborés en conformité avec le paragraphe 1, point a). Le cas échéant, les associations représentant les personnes souffrant d'un handicap visuel et, de manière générale, les personnes handicapées devraient être consultées afin de tenir compte de leurs besoins spécifiques .

    3 Art. : ((On entend par standard ouvert tout protocole de communication, d'interconnexion ou d'échange et tout format de données interopérable et dont les spécifications techniques sontpubliques et sans restriction d'accès ni de mise en oeuvre .

    4 Dans le même sens, la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques

    Or, certaines méfiances peuvent être dirigées vers ces codes. A priori, ils ne disposent d'aucune valeur juridique ni d'aucune légitimité juridique équivalents aux sources formelles du droit. Sur le plan théorique, ils ne peuvent pas contredire une norme juridique étatique d'un rang supérieur. Cependant, il faut noter que l'art. 1134 du code civil indique que la volonté autonome peut créer une obligation contractuelle: ~ Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi a ceux qui les ont faites . Autrement dit, selon l'article précité un acte unilatéral, par lequel quelqu'un s'oblige vis-à-vis d'un tiers, peut se le déclarer créancier sans avoir été invité a donner son consentement a l'acte. Donc, un code de conduite peut avoir une valeur juridique sur la base contractuelle dans la mesure oü il constitue un doucement contractuel annexe. C'est dans la théorie de l'engagement par volonté unilatérale qui le code de conduite peuvent trouver sa force obligatoire.

    A vrai dire, la clé de voüte de cette forme est l'investissement du champ contractuel ou proprement dit, l'instrumentalisation du contrat dans les processus de régulation de l'Internet, notamment dans l'élaboration des codes de bonne conduite: ~ standardisées, les clauses contractuelles objectivent les rapports des parties, pour finalement imposer les règles de conduite comme le cadre objectif des rapports entre les grands acteurs professionnels de l'Internet et les internautes, clients de leurs service en ligne 1.

    La principale faiblesse de l'autorégulation réside dans son caractère unilatéral et non contraignant. L'autorégulation dépend de la volonté des acteurs privés de mettre en cuvre les normes et de leur désir de tenir leurs engagements. Une chose qui n'est pas touj ours évidente et apparalt assez utopique2. Cette forme de régulation qui se développe

    (directive service universel). Article 33 §2 dispose que ales parties intéressées peuvent mettre en place, en suivant les orientations des autorités réglementaires nationales, des mécanismes associant les consommateurs, les organisations d'utilisateurs et les prestataires de services afin d'améliorer la qualité générale des prestations, notamment en élaborant des codes de conduite ainsi que des normes de fonctionnement et en contrôlant leur application . Disponible sur

    http: eurlex.europa.eu smartapi cgi sga docIsmartapigcelexplusgprodgDocNumber&lg=fr&tEpe doc=Directive&an doc=2002&nu doc=22 . Voir également l'article 17 § i de la directive des données personnelles, André LUCAS, Jean DEVEZE et Jean FRAYSSINET, Droit de l'informatique et de l'Internet, Thémis, Droit privé, Paris, PUF, 2001, pp. 209-213.

    1 Philippe AMBLARD, op. cit., p. 18.

    2Thibault VERBIEST et Etienne WERY, op. cit., p. 526.

    massivement sur Internet, la création et la suppression de normes sont dans la main d'une seule personne ou groupe de personnes. Cette subjectivité pourrait créer une possibilité d'une incertitude, voir d'une insécurité juridique. De même, l'autorégulation cherche a créer un droit librement consenti et élaboré dans l'intérêt du groupe sur un consensus des parties intéressées. Cette base consensuelle est quelque fois impossible dans la mesure oü il n'y a pas d'hétérogénéité parmi les acteurs. Un autre souci demeure aussi sur efficacité de la pratique des codes de conduite dans la mesure oü ils ne disposent pas souvent un mécanisme propre de sanction qui garantit son applicabilité et son respect par l'ensemble des acteurs concernés. Pour surmonter les doutes de l'efficacité et de l'impartialité des codes de conduites, une troisième voie est envisagée, celle de la corégulation.

    B. La corégulation ; une nouvelle voie émergente

    On peut constater que la nature complexe marquée par l'absence d'une normativité étatique centrale rend impossible le jeu d'un acteur unique qui peut pretendre organiser l'ordre juridique sur le réseau. Autrement dit, il n'y a pas une seule autorité qui pourrait assurer globalement la régulation de l'Internet. Ajoutons a cet égard, que l'absence d'une hétérogénéité parmi les acteurs du réseau complique également l'élaboration de codes de conduite. Par conséquence, une éventuelle régulation de l'Internet exige une coopération entre les pouvoirs publics et les acteurs privés, a l'échelle nationale et aussi internationale. Cette coopération se retrouve dans le modèle de la corégulation qui réside sur l'idée d'une régulation d'origine privée et corporatiste selon un partenariat entre les acteurs privés et les autorités étatiques.

    D'une manière générale, la corégulation repose a mi~chemin1 entre la souplesse de l'autorégulation et la rigidité de la réglementation étatique. Elle essaie de créer un espace d'échanges entre tous les acteurs de l'Internet, d'origine privée ou publique; une coopération entre les usages, les entreprises et les pouvoirs publics. En d'autres termes, la corégulation vise a créer un cadre spécifique pour articuler les normes étatiques et les dynamiques de l'autorégulation. Cette approche mixte qui s'appuie sur les Etats et les acteurs privés est seulement apte a apprendre la complexité soulevée par l'Internet et

    iPriscilla DE LOCHT et Christophe LAZARO, op. cit., p. 322.

    fournir un cadre adéquat pour son évolution a travers d'un <<droit négocié >> 1 qui se produit par la négociation entre tous les acteurs. L'autorégulation ou la corégulation reposent sur la création de normes que l'on peut qualifier comme du <<soft law>> caractérisé par son origine privé et une certaine adaptation avec l'environnement qu'il régit. Ce soft law s'appuie sur un consensus entre les acteurs de l'Internet afin de créer des normes qui pouvant remplir les lacunes du droit étatique.

    Cette méthode de régulation donne la possibilité de créer une stratégie globale pour la régulation de l'Internet. D'une part, elle permet de trouver le point d'équilibre entre le respect des normes étatiques et l'efficacité des normes privées. D'autre part, la corégulation surmonte l'obstacle de la multiplicité des codes de conduite existant déjà dans l'environnement numérique en créant un standard de normes. Autrement dit, la corégulation a une vocation codificatrice2 qui essai de créer une certaine uniformisation dans le monde virtuel. Comme l'autorégulation, la corégulation cherche la standardisation des comportements, mais d'une manière plus stable et uniforme.

    Or, il faut noter que cette instance ne doit pas agir selon une logique de réglementation avec des pouvoirs publics, mais dans une logique de concentration, en participant a l'élaboration des règles avec les différents acteurs concernés, y compris les internautes et les entreprises. La corégulation construit une << approche coopérative de la régulation>> entre la société civile et les pouvoirs publics, mais moins qu'un interventionnisme étatique radicale. De même, elle ne laisse pas complètement aux acteurs privés la liberté de choix des normes qu'ils doivent respecter dans leurs activités concernées ; c'est une << autorégulation réglementée >>3

    La corégulation valorise juridiquement l'autorégulation et en même temps, elle donne a l'Etat l'opportunité d'observer les usages et coutumes des acteurs privés et de participer effectivement dans l'élaboration des normes de l'Internet. A cet égard, le Forum des droits sur l'Internet (FDI) qui a été adopté récemment en France est un exemple orthodoxe de la logique de la corégulation. Cette instance est plus réaliste que la réglementation étatique. Le forum met en avant la contribution civique des acteurs privés a la normativité du monde en réseau. Il favorise l'adaptation de l'ensemble du

    1 Philippe AMBLARD, op. cit., p. 15.

    2Priscilla DE LOCHT et Christophe LAZARO, op. cit., p. 324.

    3 Thomas SCHULTZ, op. cit., p. 139.

    droit et des pratiques dans le réseau1. Dans son rapport <<Du droit et des libertés sur l'Internet>> présenté au Premier ministre, Lionel Jospin, Christian PAUL confirme l'intérêt de la création d'un tel organisme face a l'échec de la réglementation étatique 2.

    Le FDI n'est pas une réunion par hasard, un rendez-vous de circonstances. L'une des principales originalités du FDI est son statut, puisqu'il s'agit non pas d'une autorité administrative indépendante3 mais d'une association sans but lucratif de type loi 1901. Autrement dit, c'est un organisme privé, distinct de l'autorité publique4. En plus d'être un espace de discussion, c'est aussi un lieu de construction, d'engagement et de responsabilité. Le forum n'est pas un moyen de cautionner l'action publique ni une sorte de porte-parole da la société civile.

    A ce titre, la décision de la régulation de l'Internet ne peut plus être imposée par un nombre limité d'acteurs, publiques ou non. Toutefois, il faut remarquer que le FDI n'est pas une délégation de compétence de l'Etat a cette instance, le forum ne dispose d'aucune prérogative policière ni judiciaire. Il s'agit d'une perspective mixte oü il y a une reconnaissance possible d'une égalité entre l'Etat et les acteurs privés sur le plan de la

    1 Isabelle FALQUE-PIERROTIN, << La gouvernance du monde en réseau>> in Gouvernance de la société de l'information: loi, autoréglementation, éthique, op. cit., p. 111 et s.

    2Dans son rapport, M. Christian PAUL indique que .les Etats et les institutions démocratiques ne sontpas les mieux a même de réguler les activités sur l'Internet, parce qu'ils sont trop lents, trop peu aufait des réalités techniques et commerciales, et cantonnés dans leurs frontières. Il reviendrait alors aux acteurs économiques - en pratique, les entreprises, conscientes du fait que leur rentabilité a terme repose sur la confiance des consommateurs - de proposer, voire d'imposer des codes éthiques et des pratiques d'autorégulation, que la loi ou la jurisprudence peuvent ensuite venir consacrer . Rapport au Premier Ministre, Du droit et des libertés sur l'Internet: La corégulation, contribution française pour une régulation mondiale, Christian PAUL, député de la Nièvre, Mai 2000, p. 14, disponible sur le site du Centre national de recherche scientifique CNRS

    http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=14176242

    3 Il n'y a pas en France une autorité existante qui a une compétence générale pour régler l'ensemble des activités de la société de l'information. Par contre, ily a une pléthore d'autorités dans la matière; Conseil supérieur de l&audiovisuel (CSA) http://www.csa.fr/index.php, Commission Nationale de l&Informatique et des Libertés (CNIL), créée par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative a l&informatique, aux fichiers et aux libertés, http://www.cnil.fr/.

    4 Pour garantir son indépendance vis-à-vis de tout groupement d&intérêts particuliers, Le Forum des droits sur l&Internet est financé majoritairement par une subvention de l&Etat a hauteur de 7,35 millions de francs pour l&année 2001 et 1,14 million d&euros en 2002 et 2003. Le versement de cette subvention intervient dans le cadre d&une convention triennale entre l&Etat et l&association. Le Forum est investi de trois grandes missions : la concertation entre les acteurs, l&information et la sensibilisation du public et la coopération internationale. Par ailleurs, l&association reçoit des cotisations de ses membres; http://www.forumInternet.org/quisommesnous/organisation.phtml#

    production du droit, qui prend la forme d'une démocratie participative en facilitant le dialogue et l'échange entre tous les acteurs de l'Internet, y compris l'Etat: Lieu permanent de dialogue et de réflexion visant au développement harmonieux des règles et usages de ce nouvel espace ))6.

    De ce fait, il semble que l'Etat ne doit pas tout réglementer2, mais mettre sur pied des lieux de dialogue et de veille oü tous les acteurs intéressés pourront confronter leurs points de vue, analyser les solutions techniques et proposer des actions y compris, si nécessaire législatives3. Il ne s'agit pas de chasser l'Etat du cyberespace, mais comme le précise Pierre Trudel de faire une application pluraliste du droit commun, la réglementation étatique, les techniques contractuelles, l'autoréglementation, la soft law, et la normalisation technique ))4. Donc, le droit étatique n'est pas condamné a rester au balcon5, mais il joue un rôle fondamental dans la mesure oü il représente <<les consensus>> de base a partir desquels les autres instruments régulateurs pourront se définir. Parmi ces instruments on retrouve les modes électroniques de règlement des différends qui participent actuellement a la normativité du monde en réseau.

    Ces moyens de règlement de différends apportent une certaine légitimité a l'action des acteurs privés du réseau Internet, et assurent aussi une certaine normativité dans le monde virtuel. C'est ce qu'on abordera par la suite.

    1 Pascal Fortin, <<Forum des Droits sur l'Internet : la corégulation en question>>, disponible sur http://www.homo-numericus.net/article176.html#

    2 A cet égard, on peut citer par exemple l'ART (l'Autorité de régulation des communications). L'originalité de l'ART réside dans le fait qu'elle est la première autorité sectorielle de régulation dans le domaine des industries de réseaux qui, dispose a la fois d'un pouvoir réglementaire, de sanction et d'arbitrage. Cette disposition représente une innovation juridique. L'ART a une mission de régulation de caractère technique et d'organisation du marché des télécommunications. Elle est la première autorité administrative indépendante, qui se voit reconnaItre le pouvoir quasi-juridictionnel de régler des différends, compétence qu'elle exerce sous le contrôle du juge judiciaire, dans le respect des garanties procédurales inspirées des règles du procès équitable. Un véritable tournant dans l'histoire des télécommunications en France. Richard DELMAS, <<Internet, une cité imparfaite >>, in Gouvernance de la société de l'information: loi, autoréglementation, éthique, op. cit, pp. 117-125.

    3 Elisabeth ROLIN, << Les règlement de différends devant l'Autorité de régulation des télécommunication >>, Petites affiches, 23 janvier 2003, n°17, p. 26 et s.; Jean-Michel HUBERT, <<Le cas de l'autorité de régulation des télécommunications >>. RFDP, n°109 , pp. 99-104.

    4 Pierre Trudel et al., Droit du cyberespace, Montréal, Thémis, 1997.

    5 Michel COIPEL, <<Quelques réflexions sur le droit et ses rapports avec d'autres régulations de la vie sociale >>, in la Gouvernance de la société de l'information: loi, autoréglementation, éthique pp. 43-76.

    Chapitre 2: Les modes alternatifs de règlement des différends au service

    de la corégulation de l'Internet

    L'Internet fournit une potentialité considérable de rapidité, de discrétion, d'interactivité des échanges qui construit un instrument idéal pour la résolution de litiges nés du monde de l'internet, sans besoin de placement des personnes, ou transfert de support, et même sans obligation de rencontre en monde réel. En assurant une certaine sécurité juridique pour les conflits transfrontaliers, la résolution de litiges en ligne semble être <<la voie naturelle >> pour les conflits liés de l'Internet (section i). La question qui se pose est d'abord de démystifier cette notion de la cyberjustice? Comment fonctionne-elle? Quelle est sa véritable signification? Que suppose-t-elle? Dans quels domaines s'applique elle?

    En ce qui concerne notre recherche, il faut d'abord préciser que notre angle est focalisé sur un seul type de procédure électronique. Ce ne sont pas des litiges ou les nouvelles technologies d'information et de communication qui sont employées, mais des litiges qui sont nés du commerce électronique et qui sont résolus entièrement en ligne. On se situe dans un contexte largement privatisé avec des litiges entre professionnels (B2B : business to business) ou entre professionnels et consommateurs (B2C; business to consumer). A cet égard, la procédure UDRP, avec un coüt modique et un mécanisme d'auto-exécution des décisions rendues, montre un exemple de l'efficacité de la résolution des litiges en ligne (section 2).

    Section 1. La contribution de l'Internet au développement des modes alternatifs de règlement des différends

    Depuis quelques années, la justice est devenue une véritable industrie2. L'explosion du nombre des litiges soumis aux tribunaux peut s'expliquer par l'accroissement de la population, des échanges commerciaux et de la criminalité ainsi

    1 Karim BENYEKHLEF et Fabien GELINAS, Le règlement en ligne des conflits, coll. Droit et Technologie, Paris, Romilat, 2003, p. 17.

    2 Ahmed MIKLALAH, La résolution par l'arbitrage des litiges relatifs a l'internet, thèse de doctorant, sous la direction du professeur Georges WIEDERKHER, Université Robert Schuman- Strasbourg III, soutenu publiquement le 26 aoüt 2004, p.7.

    par une réglementation exacerbée des relations humaines. Ces éléments se traduisent non seulement pas augmentation du nombre des dossiers devant les tribunaux, mais aussi par des délias grandissants dans le traitement des litiges et par une hausse des montants pour garantir la bonne administration de la justice. Face a cet engorgement des tribunaux, les professionnels recourent aux modes alternatifs de règlements des différends (A) pour résoudre leurs litiges. D'ailleurs, avec l'arrivée de l'Internet, les modes alternatifs ont eu une autre dimension et un vrai essor (B).

    A. Tupoloc,ie des modes alternatifs de rèc,lement des diffé rends MARD .

    La notion de modes alternatifs de règlements des différends (MARD) recouvre tout mécanisme permettant de trouver des solutions acceptables par des parties en différend en dehors des procédures judiciaires traditionnelles. D'oü le terme <<alternatif>> donne ce sens. On notera que l'expression <<mode alternatif de règlement des différends>> ne fait pas l'unanimité dans le langage juridique. On peut ainsi souligner le terme de << mode alternatif de règlement des litiges >>, ou de << modes alternatifs de règlement des conflits >>, de << résolution amiable des conflits >>. La distinction entre le << conflit >> et le << litige >> est encore source de débat juridique en France. Les deux mots signifient l'échec de la phase d'une procédure amiable et le recours aux tribunaux1. C'est pourquoi on opte pour le mot de << différend >>2, plus neutre, et qui semble plus proche du concept anglo-saxon de << dispute >>.

    § 1. Les MARD ; Une catégorie matériellement non limitée

    En effet, la notion contemporaine des MARD est originaire des pays anglo-saxons (connue sous le sigle ADR: alternative dispute resolution), notamment aux Etats-Unis oü les parties au début du 20e siècle cherchaient un nouveau moyen de résoudre leurs conflits afin de surmonter la lenteur, la formalité et l'augmentation des frais d'accès a la

    1 Selon le dictionnaire Robert, les mots litige ou conflit peuvent donner deux sens; soit une contestation donnant matière a procès soumis aux tribunaux, soit une contestation, différend, dispute, réglé par voie de négociations. on parle de litige ~lorsqu'une personne ne peut obtenir amiablement la reconnaissance d'une prérogative qu'elle croit avoir et envisage de saisir un tribunal pour lui soumettre sa prétention . Le terme, bien que très large, est synonyme de procès. Lexique des termes juridiques, Dalloz, 15e édition, 2005 en CD-ROM.

    2 Dans ce sens, les commentaires du Forum des droits sur l'Internet, 21 octobre 2001, p. 4. http://www.forumInternet.org/recommandations/?page=2 (consulté le 15 mai 2007).

    justice étatique. Ce mode a connu également un succès massif dans les pays européens1, comme la France2, particulièrement dans les domaines des contentieux commerciaux3 internationaux4, dans lesquels les grandes entreprises veulent garder la haute main dans le déroulement des litiges5. Ce modèle est également diffusé dans des domaines très

    1 La Commission européenne a publié deux recommandations concernant spécifiquement les modes alternatifs de règlement des différends. La première, en date du 30 mars 1998 - 98(257) CE porte sur l'ensemble des modes alternatifs. La seconde, du 4 avril 2001 - 2001(310) CE, ne porte que sur les modes alternatifs relatifs aux conflits de consommation. Si ces textes ne sont pas juridiquement contraignants pour les Etats membres, ils retiennent néanmoins quelques grands principes généraux que les processus alternatifs devraient respecter pour garantir efficacité et impartialité de leur action. Les textes sont disponibles sur www.europa.eu.int (consulté le 15 mai 2007). Enfin, le 19 avril 2002, la Commission a rendu public un << Livre vert>> sur les modes alternatifs de résolution des conflits relevant du droit civil et commercial; V° les commentaires du Forum des droits sur l'Internet, 21 octobre 2001, http://www.forumInternet.org/recommandations/?page=2 (consulté le 15 mai 2007).

    2 L'existence de modes alternatifs de règlement des différends dans le droit français remontre a l'ancien Régime. La Révolution de 1789 a gardé cette logique et a institué, dès 1790, les << juges de paix >>, présents dans chaque canton, et dont la mission était de juger en << équité >> et non en droit. La Constitution du 22 frimaire an VIII prévoyait même, dans son article 60, le recours a l'arbitrage et la conciliation. Le rôle et les attributions des juges de paix ont évolué au cours du temps, ils n'ont été définitivement supprimés du droit français qu'en 1958. Egalement, la conciliation obligatoire (préalable au jugement) pour les tribunaux civils n'a disparu qu'en 1949. Les modes alternatifs de règlement des différends, rapport du Forum des droits sur Internet, 17 juin 2002, p. 5 , disponible sur

    http://www.forumInternet.org/recommandations/lire.phtml?id=343(consulté le 15 mai 2007).

    3 Art. 863 NCPC (tribunal de commerce); Art. L. 611-3 et L 611-4 du nouveau code du commerce (redressement des entreprises en difficultés). André ELVINGER, <<Les modes alternatifs des règlements des conflits en matière d'endettement >>, Revue internationale de droit comparé, 1997, n°2, pp. 359- 370; Jean-François GUILLEMIN, <<Les nouvelles attentes des entreprises en matière de règlement des conflits >>, revue de l'arbitrage, 1996, n°4, pp. 583- 596.

    4 L'OCDE <<Organisation de coopération et de développement économiques>> ( www.oecd.org), a initié une étude visant a recenser, dans les législations nationales de chacun de ses trente Etats membres, dont la France fait partie, les éventuels blocages réglementaires ou législatifs qui pourraient empêcher le développement des MARD. La démarche de l'OCDE est proche de celle des recommandations de la Commission européenne : il s'agit d'une approche de clarification et d'incitation, plutôt que d'encadrement. Dans le même sens, les organisations internationales privées comme le Global Business Dialogue [GBDe - www.gbde.org] ont élaboré leurs propres recommandations. Elles sont pour l'instant opposées a un encadrement international des MARD au motif que ces processus nécessitent une certaine flexibiité et logique purement contractuelle entre les parties en différends au lieu de poser un cadre rigide. V° également dans le cadre du G.A.T.T., Eric CANAL-FORGUES, <<Le système de règlement des différends de l'organisation mondiale du commerce OMC >>, pp. 689- 705; Erik PETERSEN, <<La mise en uvre des ADR dans les grands contrats >>, Gaz. Pal., 15 novembre 2001, n° 319, p. 42 et s.

    5 V° a cet égard, Xavier LAGARDE, << Droit processuel et modes alternatifs de règlement des litiges >>, revue d'arbitrage 2001, n°3, pp. 423-449.

    variés, comme le droit de la consommation1, le droit du travail2, le droit de la famille3, le droit administratif4, ou le droit pénal5.

    L'idée sous jacente des modes alternatifs des règlements des différends, MARD, réside dans la question suivante; comment les parties peuvent-elles résoudre leur différend sans le soumettre aux tribunaux? Le noyau dur des MARD, est la présence d'un litige et un tiers qui propose une solution acceptable pour les deux parties6. Les MARD apparaissent, comme une complémentarité a la juridiction étatique et pas comme une substitution. Ils ne sont envisageables que dans la mesure oü les règles de droit ne s'opposent pas. De ce fait, il est clair qu'il n'y a pas de monopole exclusif de l'Etat pour la résolution des litiges. Il y a effectivement une justice consensuelle et parallèle7 a la justice étatique. Cette justice amiable donne un nouvel etat d'esprit pour la résolution des litiges, elle contribue a réduire l'engorgement des tribunaux.

    En principe, il n'y a pas de code uniforme pour les MARD. Ils forment une catégorie ouverte et délimitée qui regroupe un ensemble de modes de règlement des différends oü l'absence de formalité est une nécessité absolue. Les MARD sont basés sur le volontariat. Ils constituent une contractualisation du procès reposant sur la volonté des parties. Selon le professeur Charles JARROSSON, l'expression des MARD désigne ~ les modes principalement pacifiques, de règlements des conflits, c'est-à-dire ceux qui visent a mettre les parties d'accord sur la solution et qui ont en commun le plus souvent

    1 Philippe DELEBECQUE, <<Arbitrage et droit de la consommation >>, Droit et patrimoine, n° 104, mai 2002, pp. 46- 51.

    2Art R 516-8 a R. 526-20-1 du code du travail ; Art. L 523-1 et s. du code du travail; Art. R. 145-9 du code du travail; Jacques DESMARAIS, <<Les modes alternatifs des règlements de conflits en droit du travail >>, Revue internationale de droit comparé, 1997, n°2, pp. 409-420.

    3 Art. 251 a 252-3 du code civil (procédure de divorce); art. 1108 a 1113 et 1074 du NCPC (tentative de conciliation dans la procédure de divorce).

    4 Arnaud LYON-CAEN, <<Les modes alternatifs des règlements de conflits en droit administratif >>, Revue internationale de droit comparé, 1997, n°2, pp. 421-426.

    5 Art 41-1 et s. du code de procédure pénale; Art R 15-33-30 et s. du code de procédure pénale (voir le décret du 29 janvier 2001); Mario CHIAVARIO, <<Les modes alternatifs des règlements de conflits en droit pénal >>, Revue internationale de droit comparé, 1997, n°2, pp. 427-438.

    6 Charles JARROSSON, <<Les modes alternatifs des règlements des conflits: présentation générale >>, Revue internationale de droit comparé, 1997, n°2, p. 330.

    7 Jacques EL-HAXIM, <<Les modes alternatifs des règlements des conflits dans le droit des contrats >>, Revue internationale de droit comparé, 1997, n°2, pp.347- 357

    defaire intervenir un tiers et de se démarquer du système juridictionnel ~1. A cet égard, une distinction doit être faite entre les MARD conclus dans le cadre contractuel ou conventionnel et soumises a la théorie générale du contrat, et ceux-ci qui sont a l'initiative ou sous le contrôle du juge2. Ce cadre judiciaire des règlements des différends a été introduit par la loi du 8 février 1995 relative a l'organisation des juridictions et a la procédure civile, pénale et administrative3. Notre développement consiste de s'interroger sur les MARD conventionnelles.

    Pour l'auteur, le caractère pacificateur et non obligatoire de l'intervention du tiers distinct est le point marquant des MARD. La solution proposée par le tiers intervenant n'est pas obligatoire quand elle n'est pas acceptée par les parties. Au contraire, l'arbitrage4 apparalt comme un mode juridictionnel non pacifique de règlement des litiges dans la mesure oü a l'issue du procès, l'arbitre tranche et impose une solution aux parties qui n'en connaissent pas encore les termes lorsqu'elles s'étaient engagées a la respecter5. La décision de l'arbitre a une force exécutoire. Cette fonction contentieuse de

    1 Charles JARROSSON, ibid., p. 329.

    2 Selon l'article 21 du NCPC (inséré par Décret no 96-652 du 22juillet 1996 art. 2 Journal Officiel du 23juillet 1996): ~ Il entre dans la mission dujuge de concilier les parties . Titre VI, la conciliation (Articles 127 a 131) , et Titre VI bis, la médiation (Articles 131-1 a 131-15).

    3 Loi n°95-125 du 8 février 1995, Publication au JO du 9 février 1995. L'article 21, modifié par loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002 art. 8 (JORF 10 septembre 2002) dispose que Le juge peut, après avoir obtenu l'accord des parties, désigner une tierce personne (...) Soit aux tentatives préalables de conciliation prescrites par la loi, sauf en matière de divorce et de séparation de corps; 20 Soit a une médiation, en tout état de la procédure et y compris en référé, pour tenter de parvenir a un accord entre les parties .

    4 L'arbitrage n'a pas de définition légale. C'est la doctrine qui le définit comme <<un mode juridictionnel de règlement d'un litige par un tiers, un tribunal constitué d'une ou plusieurs personnes physiques, tenant leur pouvoir de juger la convention des parties et non d'une autorité nationale ou internationale >>. Eric A. CAPRIOLI, Règlement des litiges internationaux et droit applicable dans le commerce électronique, Paris, Litec, 2002, p. 85. Pour M. Jarrosson, l'arbitrage est <<une institution par laquelle, un tiers, règle le différend qui oppose deux ou plusieurs parties en exerçant la mission juridictionnelle qui lui a été confiée par celles-ci >>. Charles JARROSSON, La notion d'arbitrage, Paris, Litec, 1987, p. 372.

    5 Techniquement, la voie de l'arbitrage est ouverte soit par le biais d'une clause d'arbitrage insérée dans le contrat (clause compromissoire) soit par la conclusion d'un compromis d'arbitrage, lorsque que le différend est né. La clause compromissoire est une clause insérée dans un contrat, le plus souvent commercial et privé, par laquelle les parties s'engagent a recourir a l'arbitrage pour les différends qui surgiraient entre elles. Cette clause est valable dans les contrats conclus a raison d'une activité professionnelle . Le compromis est une convention par laquelle deux ou plusieurs personnes décident de soumettre un litige déjà né et concernant des droits dont elles ont la libre disposition a l'arbitrage d'un tiers. L'administration ne peut, sauf cas exceptionnels, signer un compromis . Lexique

    l'arbitrage l'exclut des MARD. C'est une vraie substitution a la justice étatique contrairement, a la médiation et la conciliation qui ont une nature complémentaire1.

    En d'autres termes, la conciliation et la médiation sont les deux modes principaux2 de règlement pacifique des conflits. A la différence de la conciliation, le médiateur est un conciliateur actif, il propose une solution aux parties, au contraire du conciliateur qui a un role passif consistant a favoriser le dialogue et le rapprochement entre les deux parties sans proposer une solution. Mais, les deux ne possèdent pas un pouvoir décisionnel3, comme, le cas en matière d'arbitrage. La médiation reste la notion mère4 des MARD.

    des termes juridiques, Dalloz, 15e édition, 2005 en CD-ROM. Pour le régime légal de l'arbitrage, V° les articles 1442 a 1507 du NCPC.

    1 A contrario, certaines estiment que les MARD reposent sur l'idée de la substitution de la justice. Il exclut la médiation, la conciliation et la négociation du champ des MARD puisqu'ils ne sont pas des substituts autonomes de la justice étatique; d'une part, ils ne peuvent pas aboutir a la solution du litige sans passer par un autre acte (transaction), d'autre part, ils sont soumis quelquefois au contrôle étatique (médiation famiiale). Gérard CORNU, <<Les modes alternatifs des règlements des conflits >>, Revue internationale de droit comparé, 1997, n°2, pp. 313-323.

    2 Ily a effectivement d'autres formes secondaires des MARD. On peut citer dans ce contexte, le Mid-arb qui essaie de conjuguer la médiation avec l'arbitrage. Il s'agit d'une procédure de médiation suivie par un arbitrage en cas d'échec. Le tiers agit d'abord comme médiateur et ensuite comme un arbitre au cas oü la médiation n'a pas aboutit a une résolution du litige. Autrement dit, le médiateur change de casquette et devient arbitre et tranche très rapidement le litige qu'il connaIt déjà. La notion du Mini-trial, d'origine américaine, qui est une forme simplifiée d'un procès consistant a former un collège de trois personnes présidé par un conseiller neutre, complété, par un haut dirigeant de chaque partie. Il y a également le Last offer arbitration ou arbitrage baseball, née dans le domaine des conflits relatifs au rachat des joueurs entre les clubs de baseball. L'idée est la suivante : chaque partie présente son idée devant le tiers et fait une proposition de solution. Ensuite, le tiers devra faire un choix entre les deux solutions présentées par les deux parties. Il n'a pas le droit de choisir ou de proposer une troisième solution. Autrement dit, il est obligé de choisir une des solutions. A défaut, les solutions proposées par les parties pourront être la base d'une médiation. Il y enfin le partnering- partenariat; qui implique un animateur qui organise la communication et la coopération entre les parties intéressées afin d'éviter la naissance d'un conflit. C'est une forme de procédure préalable qui essaie de parvenir ou limiter les dégâts d'un litige. Dans le même esprit, l'expertise, soit judiciaire ou conventionnelle, reste marginale par rapport aux MARD. Elle consiste a confier a un tiers la faculté de donner une solution technique par rapport le litige en cause. L'avis d'expert sert quelquefois comme une base d'une future négociation entre les deux parties. Charles JARROSSON, op. cit., p. 323 et s.

    3 Thomas SCHULTZ, op. cit., p. 185.

    4 La médiation peut se définir comme un processus selon lequel deux personnes acceptent de soumettre leur différend a un tiers neutre, le médiateur, qui tente, par le recours a différentes méthodes et techniques, de guider les parties vers un règlement a l'amiable . Karim BENYEKHLEF et Fabien GELINAS, op. cit., p. 67.

    Dans ce sens, la négociation doit être écartée des MARD malgré son caractère pacificateur dans la mesure oü elle n'implique pas l'intervention d'une tierce personne. Elle vise seulement a satisfaire les intérêts mutuels des parties plutôt que les droits ou les obligations juridiques dont elles pourraient se prévaloir en justice ou en arbitrage. La situation ne doit pas être nuancée dans le cas de la négociation assistéel qui implique l'intervention d'un tiers qui tente de rapprocher les parties et de les informer sur leur situation et les possibilités d'arriver a un commun accord, sans proposer une solution. La négociation assistée par un tiers, n'est pas une autonomie au sein des MARD dans la mesure oü il n'y a pas un litige proprement dit, mais juste une tentative de la part d'un tiers indépendant qui essaie de trouver un point d'équilibre, une harmonie entre les intérêts des parties. Cependant, si l'ensemble de ces avantages semble aujourd'hui évident, il convient néanmoins de nuancer ce premier enthousiasme.

    § 2. Les MARD ; une catégoriejuridiquement limitée

    La premiere limite des MARD se retrouve dans sa fonction. Les MARD sont des outils de paix sociale qui doivent permettre de renouer un dialogue qui a été rompu entre les parties. Ces modes n'entendent pas donner raison ou tort a l'une des parties. Ils agissent en tant que instrument de pacification plutôt que de justice, faisant plus appel a l'équité qu'au droit. Ils permettent de <vider les conflits de leur substance >2 . Ces modes alternatifs sont appréciés par les acteurs commerciaux et les individus car, ils leurs permettent d'être acteurs de la sortie d'une situation de conflit les concernant, et non plus simples spectateurs. De même, Les MARD sont des compléments naturels des procédures judiciaires traditionnelles. Ils doivent donc être compris comme des processus < côté > des recours judiciaires traditionnels. Ils ne peuvent donc prétendre se substituer a ces derniers ni en constituer une étape préalable obligatoire. Cette mission pacificatrice et ce rôle subsidiaire peuvent mettre en cause la valeur juridique de l'issue d'une procédure alternative.

    En effet, la conciliation et la médiation pourraient avoir la force obligatoire au sens de l'article 1134 du code civil qui dispose que les conventions légalementformées

    1 Charles JARROSSON, op. cit., p. 350.

    2 Les commentaires du Forum des droits sur l'Internet, 21 octobre 2001 p. 5, disponible sur http://www.forumInternet.org/recommandations/?page=2 (consulté le 15 mai 2007).

    tiennent lieu de loi a ceux qui les ontfaites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi . De surcroIt, dans le cas du succès d'une procédure de médiation ou de conciliation, les parties peuvent conclure une transaction1, qui peut a voir l'autorité de chose jugée au sens de l'article 2052: (( les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion . Ces deux dispositions cumulées peuvent accorder une valeur juridique ainsi qu'un exequatur aux MARD. Néanmoins, cette possibilité reste dans le cas du succès de la procédure de médiation ou conciliation. Au contraire, en cas d'échec, les MARD risquent d'être des textes nés morts. Cette inquiétude va nous conduire a la deuxième limite des MARD.

    Les modes alternatifs de règlement des différends ne peuvent être réellement efficaces que dans le cas oü une <<bonne foi >> réciproque des parties en conflit existe (réelle volonté réciproque de trouver une solution satisfaisante). L'acceptation volontaire de la démarche est ainsi l'intérêt et la limite de ce mode de résolution des différends : essentiellement basés sur une volonté commune de compromis, ces modes alternatifs se révèlent inopérants pour certains types de conflits oü la violation des droits est flagrante et assumée voire revendiquée par l'une des parties : c'est le cas pour certains types de contenu pouvant choquer (propagande, etc.). De même, elle atteint ses limites en cas de comportement volontairement dilatoire d'une des parties qui pourrait chercher, a l'occasion de cette procédure, a gagner du temps.

    Enfin, on peut ajouter une troisième limite aux MARD. D'une manière générale, le recours aux modes alternatifs est possible dans les cas oü le droit ne s'oppose pas. En d'autres termes, le recours aux MARD est effectivement relatif dans la mesure oü le droit peut l'exclure de résoudre certains litiges. Cette exclusion est faite explicitement en ce qui concerne le recours a l'arbitrage dans certains litiges relevant de l'ordre public au sens de l'article 2060 du code civil2. Cette condition d'ordre public rend théoriquement

    1 Définie par l'article 2044 comme (( un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation a naitre. Ce contrat doit être rédigé par écrit .

    2 Art. 2060 : ((On ne peut compromettre sur les questions d'état et de capacité des personnes, sur celles relatives au divorce et a la séparation de corps ou sur les contestations intéressant les collectivités publiques et les établissements

    difficile le recours a l'arbitrage dans certaines matières. Par exemple, l'article L.615-17 du code de la propriété intellectuelle1 qui renvoie a l'exception de l'ordre public au regard de l'arbitrabilité en matière de propriété industrielle2.

    La question qui est soulevée est de savoir a quel degré, l'arbitrage en matière de propriété industrielle, est relatif ou non a l'ordre public. Une réponse négative peut-être imposée dans la mesure oü le brevet ou la marque sont délivrés par une décision du directeur de l'INPI qui bénéfice d'une compétence exclusive dans la matière selon l'art. L.411-4 du code de la propriété intellectuelle3. A cet égard, la question se pose de savoir si l'arbitrage reste possible dans les autres litiges qui n'impliquent pas un confit autour la délivrance des titres de propriété industrielle. La question reste cuvrette4.

    Une autre interrogation se pose en matière de consommation. A cet égard, il faut souligner que la loi NER (Nouvelles Régulations Economiques) du 15 mai 2001 (loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, Journal Officiel du 16 mai 2001) a transformé la nullité de principe de la clause compromissoire en validité du principe. Ainsi, l'article 2061 du code civil indique que << Sous réserve des dispositions législatives particulières, la clause compromissoire est valable dans les contrats conclus a raison d'une activité professionnelle . En effet, la nullité de la clause compromissoire qui vient d'être abandonnée, remonte au célèbre arrêt <<Prunier >>, censé comme le premier arrêt du droit de consommation, rendu par la Cour de cassation il y a plus d'un siècle (Cass. Civ., 10 juillet 1843), dans lequel la haute juridiction a annulé une clause compromissoire en

    publics et plus généralement dans toutes les matières qui intéressent l'ordre public. Toutefois, des catégories d'établissements publics a caractère industriel et commercial peuvent être autorisées par décret a compromettre .

    1 Art. 615-7: <<l'ensemble du contentieux né du présent titre est attribué aux tribunaux de grande instance et aux cours d'appel auxquelles ils sont rattachés (...). Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle au recours a l'arbitrage, dans les conditions prévues aux articles 2059 et 2060 du code civil ~

    2 V° dans ce sens, Muriel JOSSELIN-GALL, <<Arbitrage et propriétés intellectuelles >>, Droit et patrimoine, no 105, mai 2002, pp. 63- 72.

    3 Art. L.411-4: Le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle prend les décisions prévues par le présent code a l'occasion de la délivrance, du rejet ou du maintien des titres de propriété industrielle ~

    4 Sachons que le Centre d&arbitrage et de médiation de l&OMPI a été créé en 1994, installé a Genève (Suisse) au sein du Bureau International de l'Organisation Mondiale de Propriété Intellectuelle. Son but est de proposer des services de règlement extrajudiciaire de litiges ("ADR", de l&anglais "Alternative Dispute Resolution") parmi lesquels des services d&arbitrage, de médiation et d'arbitrage accéléré (procédure arbitrale exécutée dans des délais et a des coüts réduits) pour le règlement de litiges commerciaux internationaux entre particuliers ou entreprises privées. Pour savoir plus sur les services offerts par le centre, http://www.wipo.int/amc/fr/center/ (consulté le 15 mai 2007).

    raison de la position de faiblesse supposée de l'un des contractants a l'égard de l'autre1. Néanmoins, selon la logique du droit de la consommation, la clause compromissoire est placée parmi les clauses abusives, apparues dans une liste non exhaustive, annexée a l'article L.132-1 du code la consommation. il y a donc un <<droit de la consommation a deux vitesse >>2.

    Cependant, si cette exception de l'ordre public est vraie au regard de l'arbitrage, la solution doit être nuancée par rapport aux MARD. Une réelle différence de nature semble évidemment exister entre les MARD dans lesquels le tiers distinct n'est qu'un << facilitateur >>, qui essai de rapprocher les parties proposer une solution, et l'arbitre qui a un réel pouvoir décisionnel et agit dans un registre différent de celui MARD. Autrement dit, il est logique de restreindre l'arbitrage dans certaines matières dans la mesure oü le cadre de l'arbitrage offre une substitution a la justice étatique, contrairement aux MARD qui sont une nature complémentaire. Cela ne dit que l'exception de l'ordre public est transposée mutatis mutandis aux MARD. Il faut remarquer qu'il y a des domaines exclusivement réservés a l'Etat comme les différends nés d'une escroquerie, de procédés malhonnêtes, etc.

    En tout état de cause, on peut constater que les MARD sont des processus ouverts dont la maltrise reste aux mains des parties en présence. Ils n'ont pas pour vocation de trancher et donner raison ou tort a l'une des parties en suivant des règles de droit parfois instables (en matière internationale par exemple), mais a pour raison d'être, selon l'expression de plusieurs intervenants, de << vider le différend de sa substance >>, retrouver des bases communes de dialogue et de compréhension. Cette souplesse a conduit le passage a une nouvelle forme des MARD, celle des modes électroniques de règlements des litiges MERL (désigné en anglais par le sigle ODR; online dispute résolution). C'est ce qu'on abordera par la suite.

    1 Thomas CLAY, <<Nouvelles perspective en matière d'arbitrage >>, Droit et patrimoine, n° 104, mai 2002, pp. 41- 45: Alain COURET, <<La loi sur les nouvelles régulations économiques; la régulation du pouvoir dans l&entreprise >>, JCP G, n° 30, 25 Juillet 2001, I 339: Charles JARROSSON, <<Le nouvel essor de la clause compromissoire après la loi du 15 mai 2001 >>, JCP G, n° 27, 4 Juillet 2001, I 333.

    2 Philippe DELEBECQUE, <<Arbitrage et droit de la consommation >>, Droit et patrimoine, n° 104, mai 2002, p. 46.

    B. Le passage aux modes électroniques de règlement des litiges MERL .

    Les modes électroniques de règlements des litiges ou (Online Dispute Résolution) tirent particulièrement partie de l'ubiquité de l'espace numérique: les litiges sont résolus en litiges comme les contrats sont conclus (2). Les MERL sont encouragés actuellement par les législateurs nationaux que les y voient comme un moyen efficace de régulation des litiges issus du cyberespace (1).

    § 1. Un environnement juridique favorable au développement des moyens de resolution des litiges en ligne

    Dès les années 1990, la Commission Européenne a mis en place une véritable politique communautaire afin d'établir un espace sans frontières intérieures pour les services de la société de l'information. Cette politique a commencé par la directive dite transparence réglementaire du 22 juin 1998 (98/34/CE) qui oblige les Etats membres a notifier a la Commission tout projet de réglementation sur le commerce électronique1. En 2000, la directive dite commerce électronique est venue pour cristalliser la vision de l'UE sur le marché électronique.

    En principe, la philosophie de la politique communautaire consiste a favoriser le principe de la non autorisation préalable; pas de contrôle a priori sur l'établissement des prestataires de services de la société de l'information (article 4 de la directive du 8 juin 2000). Cette libération du marché est accompagnée par l'obligation de résultat selon laquelle les Etats membres doivent permettre un usage effectif des modes de règlements extrajudiciaires des litiges, en particulier, par voie électronique. L'article 17 de la dite directive dispose que Les Etats membres veillent a ce que, en cas de désaccord entre un prestataire de services de la société de l'information et le destinataire du service, leur législation ne fasse pas obstacle a l'utilisation des mécanismes de règlement extrajudiciaire pour le règlement des différends, disponibles dans le droit national, y compris par des moyens électroniques appropriés . Le paragraphe 2 de l'article 17 impose que Les Etats membres encouragent les organes de règlement extrajudiciaire, notamment en ce qui concerne les litiges en matière de

    1 Jean-Pierre PIZZIO, <<Le droit communautaire et le commerce électronique >>, pp. 15-22 in Cahiers de droit de l'entreprises, supp. n° 4, JCP E n° 37, 12 septembre 2002, colloque <<commerce électronique >>, Marrakech 8 et 9 novembre 2001.

    consommation, a fonctionner de manière a assurer les garanties procédurales appropriées pour les parties concernées ).

    Ainsi, le 1er paragraphe de l'article 17 impose aux Etats membres une obligation de résultat pour faire un examen de leur législation et a l'adapter, si nécessaire, afin de rendre possible le règlement alternatif des litiges en ligne. Le but d'une telle obligation est d'une part d'encourager le développement du commerce électronique, et d'autre part, donner une certaine confiance pour aux consommateurs. Pour autant, le paragraphe 2 de cet article impose une simple obligation de moyen selon laquelle les Etats membres sont censés, dans le cadre de la résolution de litiges de la consommation, par un organe extrajudiciaire, en ligne ou hors ligne, d'assurer les garanties procédurales, notamment l'efficacité de la procédure, la confidentialité, l'indépendance, le principe du contradictoire. Cette lacune a été remplie par deux recommandations successives de la Commission européenne1.

    Au regard du droit français, la transposition de cette obligation semble trouver son écho dans la mesure oü le législateur a enlevé tous les obstacles juridiques a la mise en place d'un mode de résolution des litiges par la voie électronique. La France a adapté ses législations, notamment en ce qui concerne la valeur de l'écrit et la signature électronique, en suivant non seulement la tendance communautaire mais aussi internationale2 en faveur de l'adoption de normes au regard desquelles la valeur juridique des messages électroniques joue un role important dans la promotion de

    1 98/257/CE: Recommandation de la Commission du 30 mars 1998 concernant les principes applicables aux organes responsables pour la résolution extrajudiciaire des litiges de consommation; consultable sur http://admi.net/eur/loi/leg euro/fr 98H0257.html (consulté le 15 mai 2007).

    Recommandation de la Commission du 4 avril 2001 relative aux principes applicables aux organes extrajudiciaires chargés de la résolution consensuelle des litiges de consommation; consultable sur

    http://admi.net/eur/loi/leg euro/fr 01H0K10.html (consulté le 15 mai 2007).

    2 La Commission des Nations Unies pour le droit commercial international CNUDCI a adopté le 5 juillet 2001 une loi type sur la signature électronique qui vise a rendre l&utilisation des signatures électroniques plus sure juridiquement. Partant du principe souple énoncé a l&article 7 de la loi type de la CNUDCI sur le commerce électronique, elle établit une présomption selon laquelle les signatures électroniques qui satisfont a certaines exigences de fiabiité technique sont considérées comme équivalant a des signatures manuscrites. La loi est disponible sur le site de la CNUDCI http://www.uncitral.org/uncitral/fr/uncitral texts/electronic commerce/2001Model signatures.html (consulté le 15 mai 2007).

    l'utilisation de la communication sans papier1. Dans ce contexte, on peut citer deux lois principales qui ont bouleversé la culture papier comme unique support des relations entre l'usager et les professionnels civils du droit. D'une part, la loi du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relative a la signature électronique2, et d'autre part, de la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie numérique (transposant la directive commerce électronique). Ces deux instruments législatifs ont ouvert la voie vers la dématérialisation des procédures civiles, qui est d'ores et déjà engagée au regard de la procédure pénale3 et administrative4.

    1 La Commission des Nations Unies pour le droit commercial international CNUDCI a adopté le 12 juin 1996 une loi type sur le commerce électronique qui est destinée a faciiter l'utilisation des moyens modernes de communication et de stockage de l'information. Elle est fondée sur l'établissement d'une équivalence fonctionnelle pour les concepts liés au papier tels que "l'écrit", "la signature" ou "l'original" dans les moyens électroniques. La loi est disponible sur le site de la CNUDCI http://www.uncitral.org/uncitral/fr/uncitral texts/electronic commerce/1996Model.html (consulté le 15 mai 2007).

    2 V0 dans ce sens, la directive sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques (1999/93/CE) du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 1999 ; consultablesur http://www.forumInternet.org/documents/textes europeens/lire.phtml?id=34 (consulté le 15 mai 2007).

    3 A titre d'exemples, on peut citer: la loi n°98-1498 du 17 juin 1998 concernant les infractions sexuelles et les droits des victimes prévoyant l'enregistrement par voie audiovisuelle de l'audition du mineur victime (article 706-52 du code de procédure pénale), la loi n°2000-516 du 15 juin 2000 relatif a la protection de la présomption d'innocence (entrée en vigueur le 15 juin 2001) qui met en place l'enregistrement des mineurs lors de leur garde a vue, la loi n°2001-1062 du 15 novembre 2001 relatif l'usage de la visioconférence pour les auditions, interrogatoires ou confrontations en cours d'enquête ou d'instruction (article 706-71 du code de procédure pénale), la loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002 qui dans le même article autorise le recours a la visioconférence pour la prolongation de la garde a vue ou la retenue judiciaire lors d'une enquête ou d'une instruction, ou encore la loi pour la prévention de la délinquance (Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 parue au JO n° 56 du 7 mars 2007) qui institue une infraction concernant le fait de formuler des propositions sexuelles a un mineur de plus de quinze ans au travers un moyen de communication électronique. Cette infraction est punissable d'une peine de deux ans de prison et d'une amende de 30000 EUR.

    4 Rappelons que le Conseil d'Etat a jugé que tout citoyen pouvait recourir au courrier électronique pour saisir la juridiction administrative (CE, 28 décembre 2001, D. 2002, JP p. 2008). le décret n°2005-222 du 10 mars 2005 autorise jusqu'au 31 décembre 2009 l'expérimentation devant les tribunaux administratifs, les cours administratives d'appel et le Conseil d'Etat des modalités d'envoi par voie électronique de requêtes, mémoires, pièces, décisions prises pour l'instruction des affaires et décisions juridictionnelles. Au plus tard au 31 décembre 2009, un rapport montrant le bilan de l'expérimentation sera établi par le vice-président du Conseil d'Etat et remis au Premier ministre. On peut citer aussi la loi DCRA qui a modifié la loi n°78-753 du 17juillet 1978 sur l'accès a la documentation administrative et la loi LOLF, loi organique Relative aux Lois de Finances qui a été adoptée le 1er aoüt 2001 sur la dématérialisation des procédures administratives, V° Antoine ESTARELLAS, La dématérialisation des procédures administratives, mémoire sous la direction de Mme Catherine PREBISSY-SCHNALL, Université Paris X Nanterre, année universitaire 2004-2005.

    La loi du 13 mars 2000 a modifié les dispositions du Code Civil relatives a la preuve littérale en le dotant d'articles qui placent l'écrit et la signature électronique sur un même niveau. Ainsi, l'article 1316-1 du Code Civil dispose que <<l'écrit électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dIlment identifiée la personne dont l'écrit émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature a en garantir l'intégrité >>. Il n'y a donc en principe plus de conflit de preuve entre un support papier et un support électronique (article 1316-2 du Code Civil). La signature électronique a donc la même valeurjuridique que la signature manuscrite, sous réserve que le procédé soit fiable1.

    Quant a la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), elle constitue la première étape législative du plan RESO 2007 présenté par le Premier ministre en 2003 pour favoriser le développement de la <<République numérique 2. Son objectif consiste en l'adaptation de la législation française au développement de l'économie numérique, aux fins de renforcer la confiance en cette dernière et d'assurer le développement de ce secteur, tout en établissant un cadre juridique stable pour les différents acteurs de la société de l'information. Cette loi a renforcé la dématérialisation3 et l'utilisation des nouvelles technologies dans les échanges entre les acteurs du procès civil4 et les actes de procédure civile.

    1 L'article 1316-3 et 1316-4 du Code Civil donne en plus une définition de la force probante de l'écrit sur support électronique en admettant que cette force est soumise a certaines conditions: d'un côté, l'intégrité de l'écrit doit être garanti et d'un autre côté, l'imputabiité a son auteur doit être établie. Les conditions permettant de bénéficier de cette présomption légale de fiabiité de signature électronique sont détaillées dans le Décret n°2001-272 du 30 mars 2001.

    2 Ass. Nat., Communiqué du Conseil des ministres du 15 janvier 2003, Projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, dossier législatif, www.assemblee-nationale.fr. Pour une présentation détaillée de la LCEN, Thibaut VERBIEST, Le nouveau droit francais du commerce électronique, Préface de MARD Lolivier, coll. de Droit des technologies, Bruxelles, Larcier,2005 : Alain BENSOUSSAN et Eric BARBRY, La nouvelle loi pour la confiance dans l'économie numérique, Paris, Gazette du Palais, 2004.

    3 La dématérialisation a pour objet de gérer de façon totalement électronique des données ou des documents (correspondances, contrats, factures...) qui transitent dans le cadre d'échanges avec des partenaires. Elle constitue le remplacement des supports papiers par des fichiers informatiques, entraInant la mise en oeuvre d'un bureau sans papier. Sophia BINET, L'utilisation des nouvelles technologies dans le procès civil: Vers une procédure civile intégralement informatisée? Mémoire Sous la direction de Madame le Professeur Marie-Claire RIVIER, Faculté de droit et science politique, Université Lyon 2, année universitaire 2004-2005, p. 32 et s.

    4 Tout d'abord, entre le TGI de Paris et son barreau, un système de communication électronique << E-GREFFE >> ouvert depuis le 16 octobre 2003, permet aux avocats de consulter le dossier informatique des affaires qui les concernent,

    Donc, il apparalt que le cadre juridique actuel est faverole aux nouvelles technologies des informations et des communications, non seulement a la phase de la gestion et de l'archive du procès, mais aussi durant touts les phases du déroulement de la procédure. La reforme du droit de la preuve et de la validité des actes juridiques permet d'affirmer que les accords conclus par la voie électronique a l'issue d'une négociation ou d'une médiation ou conciliation en ligne produisent pleinement leur effet juridique comme les autres modes hors ligne.

    Néanmoins, l'utilisation des nouvelles technologies dans la procédure reste timide en ce qui concerne la procédure civile, administrative ou pénale, a l'inverse des modes alternatifs qui ne cessent d'utiliser ces outils technologiques. Il existe actuellement un important mouvement international en faveur de la pratique des résolutions des conflits par voie de l'Internet pour les modes alternatifs de règlement des conflits (M.A.R.C.), règlements alternatifs des différents (R.A.D.) ou alternative dispute resolution (A.D.R.).

    § 2. L'apport de l'Internet dans l'enrichissement des MERL

    On trouve effectivement une certaine compatibilité entre les MARD et l'Internet. Cet rapprochement est du, d'un côté, a cause l'absence de frontières et les difficultés de l'identification géographiques des parties et, de l'autre côté, l'ancrage territorial et la nécessité de rencontre physique constitue la principale raison de l'essor d'une deuxième vague de mécanisme de résolution des litiges >>1. En effet, les MARD offrent aux internautes et acteurs privés de l'Internet un certain nombre d'avantages qui peuvent aider établir un climat de confiance dans le monde numérique, comme: le volontariat, la confidentialité, l'absence de tout pouvoir juridictionnel, l'intervention d'un tiers indépendant des parties, la participation des parties dans la réalisation d'accord, l'esprit de coopération, la recherche d'une entente entre les parties, la recherche d'une solution équitable, efficace et rapide.

    d'échanger électroniquement des documents et données relatives aux affaires civiles traitées par la juridiction et de se faire inscrire aux audiences de référé. A titre expérimental, le TGI de Paris a mis en place un réseau virtuel privé, un Intranet nommé <<E-GREFFE >> pour faciiter les échanges par voie électronique durant la phase préalable a la plaidoirie. L'accès aux données et l'échange d'informations par Internet permettent d'alléger les tâches administratives des cabinets et d'éviter des déplacements. Sophia BINET, ibid., p. 34 et s.

    1Thomas SCHULTZ, op. cit., p. 183.

    Dans le même esprit, l'Internet fournit une potentialité considérable de rapidité, de discrétion, d'interactivité des échanges qui construit un instrument idéal pour le développement des moyens de résolution des litiges nés du monde de l'Internet, sans déplacement des personnes, sans transfert de support, ou sans obligation de rencontrer au monde réel. Cette nouvelle perspective a conduit a la naissance de modes électroniques de règlement des litiges <<MERL >>1 ou Online Dispute Rresolution <<ODR>>.

    Au delà de la dimension technique, qui apparalt comme la caractéristique la plus marquante de ce types de procédures, l'idée des MERL réside sur l'exploitation de l'instantanéité et l'ubiquité de l'environnement de l'Internet pour résoudre les litiges.

    a) Quelques exemples de techniques utilisées dans les MERL

    Les MERL offrent aux particuliers comme aux entreprises la possibilité de résoudre leurs conflits sans besoin de se déplacer et par une procédure peu onéreuse, rapide, et surtout plus flexible. A cet égard, tous les modes de communication en ligne sont mis a la disposition des parties pour favoriser la solution du différend (e-mails, chats, visioconférences, etc.). Ce mode fournit une cyberjustice2 qui participe

    1 Olivier CACHARD, <<Les modes électriques de règlement des litiges MERL >>, comm. com. élec., décembre 2003, chroniques 30, p. 22-26.

    2 Le projet pionnier dan ce contexte est le Cybertribunal, amorcé en septembre 1996 par le Centre de recherche en droit public (CRDP) de l&Université de Montréal ( http://www.crdp.umontreal.ca/fr/ ). Le 4 juin 1998 le cybertribunal a été présenté et lancé. Toutefois, le site du Cybertribunal a toutefois été fermé en 1999. Les mécanismes de résolution de conflits du Cybertribunal étaient la cybermédiation et le cyberarbitrage. Le recours a la médiation était possible même si les parties n'avaient pas prévu une clause de médiation dans le contrat qu'elles avaient conclu en ligne. En cas d'échec de la Cybermédiation, le Cybertribunal offrait aux parties la possibiité de recourir au cyberarbritage. Le secrétaire du Cybertribunal a qui une demande était adressée désignait un ou trois arbitres indépendant(s) et impartial (aux), puis soumettait son (leur) nom a l'approbation des parties. La (Les) personne(s) choisie (s) ne se mettait (mettaient) au travail qu'une fois cette étape franchie. La sentence arbitrale devait être rendue dans les trente jours suivant la cloture des débats. Cette décision n'était pas susceptible d'appel. La cybermédiation et le cyberarbitrage assurés par le Cybertribunal étaient gratuits. Cynthia CHASSIGNEUX, << Nouvelles voies offertes pour la résolution des conflits en ligne >>, Lex Electonica, volume 5, no 1, été 1999, http://www.lexelectronica.org/articles/v5-1/chassifr.htm ; Emile Lambert OWENGA ODINGA, Lex Electronica, vol. 7, n°2, printemps 2002, http://www.lex-electronica.org/articles/v7-2/owenga.htm ; Karim BENYEKHLEF et Fabien GELINAS, op. cit, p. 119.

    effectivement au mouvement de régulation du cyberespace. On peut citer a cet égard, quatre principales techniques utilisées dans le cade des procédures d'ODR1:

    La négociation automatique (automated negotiation), Il s'agit d'un processus informatisé assisté par un logiciel qui s'appelle blind-binding qui a pour principal objectif de résoudre les litiges portant sur des montants monétaires2. Il repose souvent sur un système d'enchère a l'aveugle, dans lequel chaque partie fait des offres successives afin de parvenir a un accord, sans savoir ce qu'a proposé l'autre partie. Le processus arrive a son terme lorsque les offres sont suffisamment proches et que l'ordinateur propose une solution. Ce mécanisme montre la capacité des outils technologies a développer les MARC. Il s'agit d'ajouter a la négociation un élément tiers, qui est en l'occurrence, une boite de réception intelligente.

    La négociation assistée par ordinateur est un mécanisme oü les parties communiquent par le biais des nouvelles technologies mises a leur disposition. Les fournisseurs de l'ODR assument les fonctions d'archivage et de sécurité. Ce mécanisme remporte un franc succès. Il répond a une double problématique : d'une part, il résout un problème inhérent au cyberespace qu'est la difficulté de communiquer entre personnes éloignées physiquement ; d'autre part, il écarte l'obstacle résultant de l'anonymat des parties dissimulé derrière << leur identité virtuelle >>.3

    La médiation en ligne ou cybermédiation qui est un processus structuré a court terme par lequel les parties tentent de prévenir, de gérer ou de résoudre un litige par l'intervention confidentielle d'un tiers indépendant et impartial qui, sans disposer d'un pouvoir juridictionnel mais en utilisant des techniques de communication et des stratégies psychologiques complémentaires, tente d'amener les parties a un accord,

    1 Isabelle MANEVY, online dispute resolution: what future? Mémoire de DEA de droit anglais et nord-américain des affaires, juin 2001, p. 6 disponible sur http://juriscom.agat.net/uni/mem/17/odr01.pdf (consulté le 15 mai 2007); Catherine RUWET, La procédure UDRP au sein des modes complémentaires de règlement des différends : aspects procéduraux, DEA en Propriété intellectuelle et nouvelles Technologies année académique 2002-2003, p. 16 et s. http://www.droit-technologie.org/2 1.asp?dossier id=112&motcle=udrp&mode=motamot (consulté le 15 mai 2007).

    2 Karim BENYEKBLEF et Fabien GELINAS, op. cit., p. 66. Par exemple, le site www.cybersettle.com (consulté le 15 mai 2007) utilise une plateforme de négociation automatique Blind Binding dans le domaine des conflits liés a l'assurance.

    3 Ce outil est effectivement utilisé par la plateforme Square Trade, qui traite des litiges émergeant de la place de marché électronique eBay. Il administre 800000 affaires par an; http://www.squaretrade.com/cnt/jsp/index.jsp (consulté le 15 mai 2007).

    lequel sefonde soit sur les règles de droit soit sur l'équité résultant des échanges sur les intérêts des parties ou toute autre circonstance du litige ~6. L'idée sous jacente n'est pas étrange a celle de la procédure de médiation hors ligne; une tierce personne dépourvue du pouvoir de trancher tente, via l'Internet, de mener les parties a un accord2.

    L'arbitrage en ligne ou cyberarbitrage qui emprunte effectivement la même technicité et toutes les caractéristiques procédurales de l'arbitrage traditionnel ou international3; l'intervention d'un tiers sur une base conventionnelle et dont la nature de la mission est <<juridictionnelle >>4. Or, il faut noter qu'il y a deux sortes d'arbitrage en

    1 Priscilla DE LOCHT, <<Les modes règlement extrajudiciaire des litiges >>, in Le commerce électronique européen sur les rails ?Analyse etpropositions demise en ceuvre de la directive sur le commerce électronique, Etienne MONTERO (dir.) cahiers du centre de recherche informatique et droit CRID n°19, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 336.

    2 L'Online Ombuds Office a été créé en juin 1996 par le National Center for Automated Information Research (NCAIR) et a débuté au sein du Center for Information Technology and Dispute Resolution de l'Université du Massachusetts en jullet 1997. Cet organisme tente de résoudre les conflits en ligne par le biais de la médiation. Cet organisme offre des services de médiation pour certains conflits nés sur l&Internet, notamment les conflits; entre membres d&un groupe de discussions; relatifs aux noms de domaines; entre concurrents; entre fournisseurs d&accès Internet et leurs abonnés ; touchant des questions de propriété intellectuelle. La procédure de médiation devant l'Online Ombuds Office se passe en ligne. Le plaignant dépose une demande de médiation en remplissant un " Online Ombuds E-Mail Form" en précisant son e-mail, le nom de la compagnie pour laquelle il travaille, et en faisant un résumé de sa plainte. Après réception de la plainte, l'Online Ombuds Office nomme un médiateur ou ombudsman qui prendra contact avec le demandeur afin de prendre connaissance de la situation et des attentes de ce dernier. Fort de ces précisions, l'ombudsman s'informera auprès du défendeur de ses intentions. Si celles-ci sont identiques a celles du demandeur, la médiation apparaIt comme possible, sinon les parties se voient proposer d'autres méthodes de résolution. Cynthia CHASSIGNEUX, op. cit; Karim BENYEKHLEF et Fabien GELINAS, op. cit., p. 118.

    3 L'article 2 de la convention de New York du 10 juin 1958 reconnaIt l'écrit sans préciser un support particulier. De même, l'article 4 de cette convention énonce que << Pour obtenir la reconnaissance et l'exécution de la sentence, la partie qui demande la reconnaissance et l'exécution doit fournir en même temps que la demande a) l'original düment identifié de la sentence, ou une copie réunissant les conditions requises pour son authenticité. Or, en matière d'arbitrage électronique, chaque exemplaire du courrier électronique est un original assimilé a un écrit et susceptible d'être authentifié en recourant au procédé de signature électronique. Eric A. CAPRIOLI, op. cit., p. 8 et s.

    4L'exemple type a cet égard est le projet Virtual Magistrate, lancé en 4 mars 1996 et offre un service d'arbitrage en ligne; fruit d&une collaboration entre le Cyberspace Law Institute (CLI) et le National Center for Automated Information Research (NCAIR). L'objectif premier du projet était d&étudier le règlement des différends entre un usager et un opérateur de réseaux ou fournisseur d&accès Internet, ou encore entre usagers. Le champ d'intervention du Virtual Magistrate se limitait aux conflits générés par des messages ou des fichiers au contenu illégal, par exemple, la contrefaçon d&un droit de propriété intellectuelle, l&appropriation i1égale de secrets commerciaux, la diffamation, la fraude, la concurrence déloyale, le matériel inapproprié (obscène ou haineux) et l&atteinte a la vie privée. Le processus d&<< arbitrage >> se déroulait essentiellement au moyen du courrier électronique. La partie plaignante référait le conflit au Virtual Magistrate en répondant a une série de questions relatives a la date du conflit,

    ligne; d'une part l'arbitrage contraignant (binding-arbitration) et d'autre part, l'arbitrage non contraignant (non binding-arbitration)1. C'est une différence importante avec l'arbitrage classique hors ligne. Dans ce dernier cas, la sentence arbitrage est privée de toute force obligatoire. Au moment de sa communication aux parties, c'est seulement, la volonté mutuelle des parties au litiges qui pourrait donner a cette sentence son caractère obligatoire. Le premier type d'arbitrage ne connalt un succès significatif en ligne2.

    De la sorte, on peut déduire que les mécanismes alternatifs en ligne prennent en compte les spécificités de l'Internet et répondent aux attentes des utilisateurs de l'Internet, soit un règlement rapide et discret de leurs différends, tel est le cas du Centre de médiation et d'arbitrage de l'OMPI, Virtual Magistrate, l'Online Ombuds Office, ou du CyberTribunal. Toutefois, la cyberjustice existe a petite échelle et son champ de compétence reste limité.

    b) Les domaines de recours aux MERL sur Internet

    Les MERL ne constituent ni une substitution ni un affaiblissement a la justice étatique. Ils offrent seulement un meilleur accès a la justice au regard de certaines matières qui exigent rapidité et flexibilité. Proprement dit, l'essor des MERL peut être focalisé autour des <<micro-litiges>> du commerce électronique et la diffusion des contenus illicites.

    aux parties impliquées et au domaine concerné. Ensuite, le Virtual Magistrate s'engageait, dans la mesure du possible, a rendre une décision dans les 72 heures de la réception de la plainte. Des frais de 10 $US étaient facturés au plaignant. Bien entendu, comme c'est le cas des procédures d'arbitrage se déroulant dans le monde physique, le processus était volontaire et fondé sur le consentement des parties de soumettre le conflit a l'<< arbitrage >>. Le processus en soit restait confidentiel, seules les décisions devaient être rendues publiques. Ce projet connaIt un peu de succès Le projet Virtual Magistrate se poursuit malgré tout sous les auspices de l'Université Chicago- Kent ( http://www.vmag.org/docs/concept.html ). Karim BENYEKHLEF et Fabien GELINAS, op. cit., p. 113. Emile Lambert OWENGA ODINGA , op. cit; Cynthia CHASSIGNEUX, op. cit.

    1 Thomas SCHULTZ, op. cit., p. 186.

    2 La Chambre de commerce et d'industrie de Paris CCIP a créé en 1995 avec d'autres institutions, le Centre de médiation et de l'arbitrage de Paris CMAP dont l'objectif est de régler les différends commerciaux entre les entreprises y compris ceux liées a l'Internet. www.cmap.asso.fr . v° également les service du www.clicknsettle.com dans tous les domaines et par plusieurs mécanises; arbitrage, médiation, et négociation; www.onlineresolution.com; www.adr.bbb.org procédure en ligne exclusivement en anglais par the Better Business Bureau.

    i) Dans le cas des conflits de consommation

    Le temps judiciaire n'est pas le temps des entreprises qui souhaitent principalement éviter au maximum le recours a la justice étatique en cas de conflit avec un consommateur : ces recours s'avèrent en effet souvent coüteux, en terme financier, et d'image et la solution judiciaire est pour le moins incertaine. Cette angoisse grandit dans le cadre du commerce électronique dans la mesure oü il n'y a pas de contacte physique entre les parties et du fait de la nature transnationale des transactions. Dans le même temps, les consommateurs sont souvent réticents a s'engager dans une procédure judiciaire dont ils ne maltrisent nile résultat, ni les délais. En outre, ils expriment parfois une certaine défiance dans les solutions proposées par les services consommateurs internes des entreprises. Un processus mené hors de l'entreprise, dont l'objectif serait principalement d'apporter des solutions négociées, semble pouvoir répondre aux attentes des deux parties : réduction des coüts et garantie d'image pour les entreprises, maltrise du processus et du résultat pour les consommateurs.

    Le souci principal des acteurs du commerce électronique est bien aujourd'hui de donner confiance aux consommateurs1. Cette confiance, indispensable a l'acte d'achat préalable, passe par plusieurs moyens, qu'ils soient techniques (sécurisation de payement, livraison etc.) ou juridiques. S'il est aujourd'hui acquis que, dans un contexte national, les transactions obéissent aux lois et aux processus de résolution internes a chaque pays, le développement d'un commerce international par Internet pose a nouveau la question de la loi applicable en cas de différend entre un consommateur et une entreprise situés dans deux pays distincts (loi du pays du consommateur ou loi du pays de l'entreprise ?). Cette question, ainsi que celle de l'exequatur, est centrale pour le développement du commerce électronique et pour une lutte efficace contre les contenus délictueux. Elle doit être résolue, mais des solutions a court terme semblent difficilement envisageables.

    1 Pour faire face aux défis de la fraude a l&échelle internationale sur Internet, pour augmenter la confiance des consommateurs dans le commerce électronique et pour assurer leur protection, 13 pays, dont la France et l'UE font partie, ont lancé le site econsumer.gov, le 24 avril 2001. Ce projet, découlant d&un effort commun, vise a rassembler et a faire connaItre les plaintes relatives au commerce électronique transfrontalier. A côté des renseignements et des conseils données aux consommateurs au regard de la protection de la vie privée et de la carte bancaire, le site offre aux consommateurs une liste de fournisseurs de Règlement alternatif des litiges (RAL). http://www.econsumer.gov

    (consulté le 1Fj mai 2007).

    Face a cette situation d'incertitude juridique, l'émergence de processus alternatifs apparalt donc a certains acteurs comme un moyen de réintroduire une confiance dans l'acte d'achat international : en cas de différend, le consommateur aura la possibilité d'avoir recours a un mécanisme simple et rapide qu'il pourra en partie contrôler. Ces mécanismes présentent, en outre, l'intérêt d'avoir un coüt de fonctionnement nettement plus limité qu'une action en justice au niveau international.

    On peut souligner dans ce contexte, le projet ECODIR1 (Electronic Consumer Dispute Resolution) qui vise a améliorer l'accès a la justice aux cyberconsommateurs. L'ECODIR a pour objectif principal de développer et d'explorer une plateforme technologique de résolution de conflits en ligne pour les transactions entre consommateurs et commerçants sur l'Internet. Le processus de règlement de conflits est gratuit et volontaire. La procédure a une vocation large; elle vise toute transaction passée sur l'Internet. Le système est configuré pour régler facilement, rapidement et de manière économique tout type de petit litige. Le système permet aux commerçants et aux consommateurs de résoudre leurs conflits en trois temps: négociation, médiation et recommandation.

    Ce processus en trois temps est conçu pour maximiser les chances des parties d'arriver rapidement a une entente. Si les parties ne peuvent trouver d'accord lors de la négociation, un tiers neutre, le médiateur, est nommé par le secrétariat pour assister les parties et leur permettre de trouver une solution. Le tiers neutre désigné a l'obligation de signer une déclaration d'impartialité. Le processus est confidentiel et volontaire. Les parties peuvent s'arrêter a tout moment et aller devant les tribunaux. Cette procédure obéit aux principes du contradictoire et de la transparence. Le système rencontre par ailleurs les critères les plus stricts de sécurité et de confidentialité.

    1 Le projet ECODIR est constitué d'un consortium composé notamment d'universités européennes et de partenaires nord américains spécialisés dans la résolution de conflits sur Internet, dont on trouve le Centre de Recherches Informatique et Droit (CRID) de l'Université de Namur, le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), le Centre de Recherche en Droit Public (CRDP) de l'Université de Montréal et de la Faculté de Droit de University College Dublin. Le projet est soutenu par la Commission européenne. http://www.ecodir.org/fr/index.htm (consulté le 15 mai 2007).

    2) Dans le cas des conflits liés a un contenu illicite ou préjudiciable

    Beaucoup de ces conflits liés a l'Internet mettent en jeu la responsabilité des particuliers qui ne sont pas forcément informés de l'ensemble de la législation pouvant être appliquée. A titre d'exemple, les questions relatives a la diffamation peuvent être délicates a appréhender. Au niveau international, oü les différences de législations peuvent également être très prononcées (par exemple en ce qui concerne la différence d'approche de la liberté d'expression entre l'Europe et les Etats-Unis), des conflits peuvent ainsi naltre en toute << bonne foi >>, chacun analysant la situation selon ses propres critères culturels. A cet égard, le recours a la justice apparalt, dans ces cas, lourd et inapproprié. Dans un tel contexte, les MARD peuvent apparaltre comme des moyens simples et souples de << pacification >> de ces conflits.

    En principe, l'objectif des MARD est de << vider le conflit de sa substance >>, parce qu'il peut être dü a une différence d'approche culturelle, chaque partie réagissant selon son propre droit, prend tout son sens. Les MARD viseraient donc, dans ce cas, a introduire dans le réseau un élément de << proximité >>, et a régler des << conflits de voisinage >>. L'objectif ne serait donc pas tellement, dans ce cas, de << redonner confiance >>, mais de créer, sur un réseau, par nature complexe et chaotique, un élément de << civilité >>, de règles non écrites de bon voisinage. Dans un tel cas de figure, le role des processus alternatifs serait donc, plus proche de celui des << juges de paix >> français qui jugeaient non en droit, mais en équité. Cet aspect de pacification des conflits joué par les processus alternatifs semble aujourd'hui l'un des enjeux essentiels de l'appropriation de l'Internet par les citoyens.

    De la sorte, on peut constater que les MARD apparaissent particulièrement pertinents dans le cas des conflits transnationaux liés au développement du commerce électronique car ils offrent un règlement rapide, d'un coüt modéré, évitant les questions complexes liées au droit international privé. A ce titre, il y a un modèle qui illustre l'adaptabilité des MARD a la nature de l'Internet et construit une concrétisation de la complémentarité a la justice étatique, c'est la procédure UDRP quel l'on abordera par la suite.

    Section 2 : La procédure de l'UDRP: une illustration de la réussite des MERL dans la régulation d'Internet

    La procédure UDRP (Uniform Dispute Resolution Policy) est lancée en 1999 pour répondre aux besoins des titulaires de marques, alors victimes d'une pratique dénommée << cybersquatting >> ou << domain name grabbing >>. Cette pratique consiste en un enregistrement abusif d'un nom de domaine générique gTLDs (generic top level domain names) ou géographique ccTLDs (country codes top level domain names) de premier niveau en vue de léser le titulaire de droit de marques et lui faire payer le prix fort pour qu'il récupère le nom de domaine approprié de mauvaise foi par un autre. Cette procédure opérant en ligne s'inscrit dans le même registre que les autres MERL Online Dispute Resolution , et largement inspirée de la technique des MARD <<Alternative Dispute Resolution >>. On s'interroge successivement sur l'histoire et la mise en place de la procédure UDRP et avant de souligner sa nature spécifique a la lumière des autres modes complémentaires de règlement des différends.

    A. La mise en perspective de la procedure UDRP

    Les conflits entre noms de domaine et marques présentent des caractéristiques inhabituelles devant lesquelles le système judiciaire ordinaire peut se trouver désarmé. Le système judiciaire a une base territoriale, ce qui signifie qu'il ne peut pas toujours proposer une solution satisfaisante a un litige de dimension mondiale. De plus, les procédures judiciaires peuvent être lentes et coüteuses, si bien qu'on peut arriver a une situation de fait dans laquelle il est plus rapide et plus économique pour le propriétaire d'une marque de racheter ses droits a un nom de domaine que de s'efforcer de les faire valoir par une procédure judiciaire1. Cette situation a abouti a l'instauration de la procédure UDRP; un système transnational de règlement des litiges pour régler les conflits qui surgiraient entre marques et noms de domaine. Pour bien saisir la logique de la procédure UDRP, on commencera par rappelant sa genèse (1), ensuite, on abordera son fonctionnement et déroulement (2).

    1 v0 , le rapport final du premier processus de l&OMPI sur les noms de domaine de l&Internet, 5juin 1998, disponible sur http://www.wipo.int/amc/fr/processes/index.html (consulté le 15 juin 2007).

    §i. La genèse de la procedure UDRP

    La construction d'un site internent comprend un passage obligatoire au nom de domaine. Techniquement, chaque ordinateur connecté au réseau de l'Internet est individualisé par une adresse numérique qui s'appelle IP/ TCP (Internet Protocol/ Transfer Control Protocol)1. Celui-ci est composé par quatre groupes des nombres séparés par des points. Par exemple, l'IP 195.6.62.33 identifie l'ordinateur qui héberge le site de la poste de France. Cette adresse entièrement numérique et difficile a mémoriser rend difficile la localisation des sites sur Internet. Pour surmonter cet obstacle et simplifier l'identification sur le réseau, il a été décidé de faire correspondre a chaque adresse IP un nom de domaine (ex << www.laposte.com>> ou << www.sncf.fr). C'est la traduction alphanumérique du numéro d'un ordinateur connecté au réseau; ce nom est plus commode a mémoriser et a utiliser que le code IP, laforme numérique de cette adresse ))2 . La nature essentielle de cette adresse alphanumérique3 est a distinguer d'un site web4 sur Internent; une fonction juridiquement semblable a celle des signes distinctifs5. Cette mission fonctionne a travers un système de bases de données et de serveurs assurant la correspondance entre les noms de domaine ou de sites utilisés par les internautes et les adresses numériques utilisables par les ordinateurs.

    1 En principe, TCP/IP sont les deux principaux protocoles de communications entre ordinateurs sur Internet. Ils assurent la communication de bout en bout entre les deux équipements. L' IP représente le standard d'adressage, et gère les adresses uniques de chaque station. Lionel BOCHURGERG, Internet et commerce électronique, Paris, 1erédition, 1999, DALLOZ, Encyclopédie Delmas, glossaires p. 327: Alain BENSOUSSAN, Internet aspects juridiques, Paris, Hermes, 1998, p. 29.

    2 Jean-Christophe GALLOUX, Droit de la propriété industrielle, Paris, Dalloz, 2e édition, 2003, p. 559.

    3 Un nom de domaine est constitué d&une suite de caractères (de A a z, de 0 à9 et le tiret) correspondant au nom d&une société, d&une marque, d&une association, d&un particulier, etc. ; et d&un suffixe appelé aussi Top Level Domain TLD (.fr, .de, .ca, .jp, .net, .com, etc.). Il existe deux grandes catégories d&extensions : les domaines de premier niveau (TLDs pour Top Level Domains) et les domaines de second niveau (sLDs).

    4 Gautier KAUFMAN, Noms de domaine sur Internet, aspects juridiques, Vuibert, 2001, p. 7; Céline HALPERN, Guide Juridique et Pratique, Droit etInternet., Vecchi S.A., 2003, p. 13.

    5 Il est particulièrement difficile, au stade actuel de l&évolution juridique des noms de domaine, d&en donner une définition précise et certaine, mais nous pouvons faire quelques propositions. Le professeur Loiseau propose la définition suivante <<l'enseigne sous laquelle une entreprise exploite, sur le réseau de l'Internet, un établissement virtuel auquel une clientele peut s'adresser pour obtenir des biens ou des services (c'est la boutique électronique) ou s'informer de l'activité commerciale qu'elle exerce . Grégoire LOISEAU, <<Noms de domaine et Internet : turbulences autour d&un nouveau signe distinctif >>, D. 1999, chron., p. 245.

    Le système de noms de domaine, d'abord consacré a l'identification des acteurs d'un réseau scientifique, universitaire1 et gouvernemental, est devenu en 1995, si l'on s'en tient aux demandes d'enregistrement, a 97 % commercial. C'est a cette époque que Network Solutions, Inc. (NSI), une entreprise privée des Etats-Unis fournissant des services techniques la National Science Foundation, obtient le mandat de régir les enregistrements de noms de domaine de manière largement indépendante. En septembre 1995, en échange d'un engagement maintenant révoqué de verser un pourcentage des recettes a un fond public spécial, NSI obtient la permission de son client favori de facturer directement chaque enregistrement.

    A cet égard, il faut souligner qu'il n'est pas nécessaire de faire valoir des droits de marque ou de propriété intellectuelle pour obtenir un nom de domaine ~ l'enregistrement se fait plutôt selon le modèle du <<premier arrivé, premier servi>>. Ce modèle permet, de facto, l'enregistrement par quiconque d'un nom de domaine correspondant a une marque de commerce ou de service protégé ainsi que son usage international illimité. Les titulaires de la marque n'ont généralement de recours qu'à travers un labyrinthe de procédures transfrontalières dont les coüts sont exorbitants. Cette situation a donné lieu au phénomène du cybersquatting; C'est lefait, pour une personne physique ou morale, de s'octroyer indi2ment un nom de domaine dans le seul but d'en retirer un bénéfice direct (en le monnayant auprès d'une personne ayant des droits ou intérêts légitimes sur ce nom) ou indirect (en réalisant des bénéfices par exemple grace aux nombres de connexions au site Internet relié a ce nom de domaine) ~+. Le procédé le plus courant réside dans le fait d'enregistrer un nom de domaine reprenant une marque ou une dénomination sociale, de préférence notoire, pour ensuite le revendre a un prix exorbitant3. Le cybersquatting4 a pour conséquence

    1 Dr. John Postel (6-o8-1943 - 16-10-1998) est le père du système des noms de domaine. Il était informaticien a l'université de Californie du Sud oü il jouait un role clé dans le développement des IP adresses. Il bénéficiait d'une bourse de recherche du gouvernement des Etats-Unis. Pendant les années 1980 et 1990, Dr. Postel exerçait son autorité personnelle sur le DNS jusqu'à la création d'IANA. V0 www.postel.org (consulté le 15 mai 2007).

    2DI, définition, http://www.domainesinfo.fr/definition/24/cybersquatting.php

    3 Fabien GELINAS, <<Splendeurs et misères de la célérité: bilan du système de règlement des différends relatifs a l'adressage Internet >>, Gaz. Pal., 6 juin 2002 n° 157, P. 46

    4 Certains pays ont fait le choix d'adopter des législations spécifiques pour pénaliser la pratique du cybersquatting. On peut citer a cet égard la loi fédérale américaine ACPA (Anticybersquatting Consumer Protection Act) du 29 novembre

    d'immobiliser le nom de domaine frauduleusement enregistré au détriment de la personne qui devrait en être la légitime titulaire.

    Soucieuse de la croissance de ce phénomène et sensible au risque juridique considérable auquel elle s'expose, NSI met en place dès novembre 1996, par le truchement de son contrat d'adhésion, une politique de règlement des conflits. Cette dernière prévoit simplement la suspension jusqu'à résolution du conflit - par voie judiciaire ou par accord transactionnel - de l'enregistrement de tout nom de domaine dont un tiers peut établir qu'il correspond a une marque dont il est titulaire et qui a été enregistrée avant le nom de domaine1. Cette politique, mise en place un peu vite avec l'objectif souffre de lacunes considérables en transformant le problème aux tribunaux judiciaires qui sont désormais faibles devant l'ubiquité de l'Internet. Cette situation ne plaisait pas les autres acteurs du réseau.

    Au plan normatif, l'adressage Internet est alors régi par l'Internet Assigned Numbers Authority (IANA), entité rattachée a l'Information Science Institute de l'Université de Californie. En 1996, l'IANA, en collaboration avec une organisation non

    1999 tendant a sanctionner les agissements des cybersquatteurs. L'ACPA condamne toute personne qui, de mauvaise foi, a enregistré un nom de domaine similaire ou identique a une marque, notoire ou non, dans le but d'en tirer un profit direct ou indirect. Les condamnations a des dommages et intérêts peuvent aller de 1 000 a 100 000 $. L'ACPA présente la particularité de diriger la procédure judiciaire contre le nom de domaine lui-même (action in rem), et non contre une personne (action in personam) puisque les cybersquatteurs se camouflent généralement derrière de fausses identités. En plus, la loi s'applique quel que soit la zone géographique ou générique. Par conséquent, la compétence territoriale des juridictions américaines s'en trouve considérablement élargie, "la simple presence de la chose sur le territoire U.S. servant defondement a l'action" (Pascal Kamina, Action "in rem" contre l'enregistrement de noms de domaine, Veille de droit anglo-américain, Propr. Ind., Déc. 2002, p.5. Dans le même esprit, en France, M. Phiippe-Armand MARTIN (Marne) et plusieurs députés UMP ont proposé le 15 février 2007 (n°376) une loi visant a luter contre le cybersquatting. L'article 1er de cette loi prévoit une peine d'emprisonnement de deux ans et d'une amende de 45 000 € dans le cas du cybersquatting dans la zone .FR Proposition de loi visant a protéger les noms de domaine, disponible sur le site de l'Ass. Nat. http://www.assemblee-nationale.fr/12/propositions/pion3726.asp.

    Autres pays, comme la Belgique prévoit seulement une action de cessation de tout enregistrement abusif d'un nom de domaine par une personne ayant son domicile ou son établissement en Belgique, et de tout enregistrement abusif d'un nom de domaine enregistré sous le domaine BE. Loi du 26 juin 2003, relatif a l'enregistrement abusif des noms de domaine en .BE; http://www.droit-technologie.org/3 1.asp?legislation id=163\; en ce qui concerne la loi italienne, V0 Guido Scorza, <<Le nom de domaine sous l'ceil de la loi italienne , http://www.droit-technologie.org, 4 Aoüt 2000 http://www.droit-technologie.org/21.asp?dossierid=30&motcle=italie&mode=motamot.

    1 Le texte de cette politique, qui n'est plus en vigueur, est reproduit sur un site du Communications Media Center de la Faculté de droit de l'université de New York : www.cmcnyls.edu/misc/NSIDNRP3.htm (consulté le 15 mai 2007).

    gouvernementale (The Internet Society), met sur pied un Comité Internet Ad Hoc (IAHC) en vue d'apporter des changements a un système de noms de domaine maintenant dépassé par sa commercialisation effrénée. En février 1997, l'IAHC publie un document intitulé Generic Top Level Domain Memorandum of Understanding1 qui prend acte du conflit entre les systèmes existants de protection des marques et le système d'adressage tel qu'exploité. Cette initiative tente de combler les carences constatées, par la création d'un système de règlement des conflits relatifs aux noms de domaine faisant appel a la médiation, a l'arbitrage facultatif, et a une procédure dite << administrative>> faisant appel a des panels ad hoc (Administrative Domain Name Challenge Panels). Le but du système, conçu et mis en place a la demande et avec l'aide de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), est d'offrir un moyen efficace et abordable de régler les litiges en cause sans remplacer ou supplanter la compétence des juridictions nationales, ou le droit des usagers d'y avoir recours.

    Pour plusieurs raisons largement indépendantes du système proposé pour le règlement des conflits, le gTLD-Mou (generic top level domains-memorandum of understanding) n'a pas le succès escompté; il est très vite écarté par un gouvernement américain soucieux de se distancer de la gouvernance du système, tout en prenant acte des critiques ayant exposé les lacunes d'un système privatisé. Un nouveau processus est donc initié au début de 1998 par la National Telecommunications and Information Agency (NTIA), entité rattachée au United States Department of Commerce, en vue de mettre fin au monopole qu'exerce NSI sur l'enregistrement des noms dans les domaines a suffixes génériques de premier niveau (g.T.L.D.s.) non réservés - << .com>>, << .net>>, << .org>> 2 . C'est de ces efforts que nalt en octobre 1998 l'Internet Corporation for Assigned

    1 Internet Ad Hoc Committee & Internet Society, Generic Top Level Domain Memorandum of Understanding, http://www.gtld-mou.org/ ; Rapport final de l'IAHC, 4 février 1997, disponible sur le site web www.iahc.org.

    2 En principe, l'IAHC a achevé un travail extraordinaire pour lancer une nouvelle ère dans le système de nom de domaine en assurant la gestion collective pour le profit de la communauté internationale. Par contre, les Etats-Unis prévoient une vision totalement différente. Unilatéralement, en 30 janvier 1998, le gouvernement américain a publié un livre vert (A PROPOSAL TO IMPROVE TECHNICAL MANAGEMENT OF INTERNET NAMES AND ADDRESSES) sur le développement et l'avenir de système des noms de domaine afin de mettre en cause les travaux de l'IAHC. Ce livre a été rédigé par Ira Magaziner (conseiller de Bill Clinton sur les nouvelles technologies de l'information), sans aucun dialogue avec la communauté d'Internet. Le livre vert est disponible sur www.ntia.doc.gov/.

    Names and Numbers (ICANN) 1, organisme a but non lucratif qui reprend essentiellement les responsabilités de l'IANA (Internet Assigned Numbers Authority).

    Dans le cadre structurel2 de l'ICANN, les gouvernements différents et les organisations internationales travaillent en partenariat avec les entreprises et les spécialistes afin de contribuer a la maintenance de l'Internet. Conformément au principe d'autoréglementation maximale dans l'économie de haute technologie, l'ICANN est probablement le modèle le plus pertinent d'une collaboration entre les membres de la communauté d'Internet a l'échelle internationale. A travers le système de nommage, une ressource essentielle de l'Internet, qui est vraiment centralisé et contrôlable3, contrairement aux autres aspects d'Internet, qui sont décentralisé, l'ICANN montre un exemple de la gouvernance technique au niveau mondial. Il. Ce caractère technique permet: ICANN a le potentiel de changer radicalement la nature d'Internet. En mettant en place tous les mécanismes nécessaires a la création, a la promulgation et au

    1 Structurellement, elle est une entité transnationale qui fonctionne par des équipes et des dirigeants de tous pays et disposant d'un large éventail de compétences. Comme un modèle de partenariat public-privé, l'ICANN a pour objectif de préserver la stabiité opérationnelle d'Internet, de promouvoir la concurrence, d'assurer une représentation globale des communautés d'Internet, et d'élaborer une politique correspondant a sa mission1. Sa mission suit une démarche consensuelle ascendante. Flle est chargée de coordonner la gestion des éléments techniques du DNS pour assurer la "résolution universelle" (universal resolvabiity), de sorte que tous les internautes puissent trouver toutes les adresses valables. http://icann.org/tr/french.html

    2 Structurellement, la plus haute autorité de l'ICANN est le Conseil d'Administration <<Bureau Directeur >>, qui est composé d'un président et 19 membres élus, soit par les internautes, soit par les trois SO (Supporting Organizations ou Organisations de Soutien). Chaque SO est en charge de l'une des missions spécifiques a l'ICANN. L'organisme adopte le principe des élections <<At-large>> qui permet a la communauté des utilisateurs de l'Internet de participer a l'administration de celui-ci, en lui permettant d'élire ses représentants au sein du Bureau Directeur. Chacune des cinq grandes régions de l'ICANN (Europe, Amérique du Nord, Asie-Pacifique, Afrique, Amérique Latine) sera représentée. Les électeurs At-large sont appelés a remplacer les 9 directeurs fondateurs nommés. Pour la première fois, les élections des 5 premiers directeurs ont pris fin octobre 2000. Les cinq directeurs at-large ont pour mission de représenter les utilisateurs de l'Internet et de défendre leurs intérêts.

    3 Techniquement, le système de nommage est dirigé par treize serveurs de racine de structure pyramidale, a la tête de laquelle se trouve le serveur de racine qui s'appelle le maître de la base de données. Géographiquement, les serveurs sont distribués comme la suivante: neuf sont basés aux Etats-Unis, deux en Europe (Londres et Stockholm), et un en Asie (Tokyo). Olivier Iteanu, << L'ICANN; un exemple de gouvernance originale ou un cas de law intelligence >>, in Les cahiers du numérique; La gouvernance d'Internet, volume 3 n° 2-2002, Lavoisier, 2002,Les cahiers du numérique, p. 1 53 et s.

    renforcement de la régulation, ICANN rend possible, pour la première fois, une vraie gouvernance d'Internet ~1.

    Dans ce sens, l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) a contribué avec l'ICANN a l'élaboration d'un système transfrontière de règlement des litiges relatifs aux noms de domaine. S'inspirant dans ses recommandations initiales du Generic Top Level Domain Memorandum of Understanding qu'elle avait contribué a rédiger, l'OMPI lance un processus de consultations a l'échelle internationale. Etats membres, organisations intergouvernementales, associations professionnelles et intervenants du milieu Internet sont consultés sur une période de neuf mois. Un rapport final est déposé le 30 avril 1999, dans lequel l'organisation internationale propose a l'ICANN de mettre en place une politique uniforme de traitement des litiges liés aux noms de domaine2. Suite a une seconde période de consultation, les principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après les principes directeurs) sont adoptés par l'ICANN le 26 aoüt 1999 après avoir été modifiés sur certains points3. Les principes directeurs seront par la suite complétés par l'adoption le 24 octobre 1999 des règles d'application des principes directeurs4 (ci-après les règles d'application) qui énoncent les détails a caractère procédural du système pris dans son ensemble (ci-après la procédure UDRP).

    La responsabilité d'administrer la procédure de règlement des litiges est confiée a des fournisseurs de tels services agréés par l'ICANN, comme suit : l'Organisation

    1 Hans KLEIN, <<ICANN et la gouvernance d'Internet >> in Les cahiers du numérique ; La gouvernance d'Internet, op. cit., p. 107.

    2 Le rapport est disponible en six langues; l'anglais, le français, l'espagnol, le japonais et le russe. Consultable sur http://arbiter.wipo.int/processes/process1/report/index-fr.html. Le 28 juin 2000, l'OMPI a été invitée par le gouvernement de l'Australie et par 19 autres de ses états membres a entamer un deuxième processus de consultations sur les noms de domaine de l'Internet afin de traiter certains aspects et conflits de propriété intellectuelle survenant dans le système des noms de domaine de l'Internet (DNS), qui était restés en suspens après le premier processus de consultations de l'OMPI. En réponse a cette demande, l'OMPI a entamé, le 10 juillet 2000, un second processus de consultations sur les noms de domaine de l'Internet, qui a permis d'examiner ces questions en suspens dans le cadre de consultations en ligne et a l'occasion de rencontres régionales. Ces consultations ont abouti a un rapport final, qui a été publié le 3 septembre 2001, et il a été soumis aux états membres de l'OMPI et aux acteurs de l'Internet tels que l'ICANN : http://www.wipo.int/amc/fr/processes/process2/index.html

    3 http://www.wipo.int/amc/fr/domains/guide/index.html, V° annexe 1. 4 http://www.wipo.int/amc/fr/domains/guide/index.html V° annexe 2.

    Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), agréée le 1er décembre 1999, le National Arbitration Forum (NAF) agréé le 23 décembre 1999, eResolution, agréée le 1er janvier 2000 (Cette entreprise a cessé de trancher des litiges relatifs aux noms de domaine le 30 novembre 2001), l'institute for Dispute Resolution (CPR), agréé le 22 mai 2000, et plus récemment le Asian Domain Name Dispute Resolution Centre (ADNDRC), approuvé le 28 février 2002. Ces organes agréés, fournisseurs de services de règlement des différends, sont mis en concurrence, car ils sont saisis par l'une des parties, qui choisit son fournisseur en fonction des prix et services, ou en fonction de tout autre facteur qui peut lui sembler pertinent.

    Effectivement, l'OMPI est devenue la première référence internationale dans l'application de l'UDRP1. La légitimité du centre de l'OMPI réside dans son émanation onusienne2, ainsi que sa gestion des droits de la propriété intellectuelle. Il a traité plus de 8350 litiges portant sur environ 16000 noms de domaine depuis l'entrée en vigueur de l'UDRP en décembre 1999, dont 96,41% de ces plaintes ont été réglées et dans 83,9%, les commissions administratives de l'OMPI se sont prononcées en faveur des plaignants. En 2005, le centre de médiation de l'OMPI a enregistré une augmentation de 20% des plaintes. En tout, 1456 affaires ont été gérées par le centre de médiation de l'OMPI (en moyenne 4 plaintes UDRP ont été déposées chaque jour)3. Il s'agit d'un record depuis 2001. Pourtant, la vraie spécificité de la procédure UDRP réside de sa nature spéciale, soit au niveau les autres formes de résolution des litiges en ligne qu'au niveau des modes alternatifs de règlements des différends.

    1Interview, par Stéphane VAN GELDER, Publié le mercredi 25janvier 2006, DI. Interview. Le Centre de l'OMPI a été la première institution de règlement des litiges agréée par l'ICANN et la première a laquelle des litiges ont été soumis en vertu des Principes UDRP. Son expérience dans le domaine de l'administration des litiges relatifs au nom de domaine découle de son engagement dans le processus international mené par l'OMPI a la demande de ses 175 Etats membres qui a abouti a l'établissement des Principes UDRP et de ses Règles d'application.

    2Eric A. CAPRIOLI, op. cit., p. 87.

    3 Cette augmentation a été prévue aussi dans d'autres centres. Le NAF a réglé en 2005, 25% plus des plaintes a 2004. En 2005, 1369 affaires ont été enregistrées, en faisant le plus haut nombre de cas administré depuis que le NAF a été nommée par l'ICANN. Selon M. F. Dorrain, le Conseil légal du NAF, << We are seeing an increase in domain dispute cases due to the natural increase in the number of people using the Internet, yet it is also due to the increasingly automated nature of the domain registration process >>. Disponible sur

    http://www.arbforum.com/domains/news.asp?id=86

    §2. La nature sui generis de la procedure UDRP

    La procédure de l'UDRP dispose une certaine spécificité, due a sa fonction, son objectif ainsi que sa présence sur Internet. De même, la procédure se représenté comme un procédure suis generis au sein de la famille des MARD.

    a) La spécificité propre a la procédure UDRP

    La première spécificité de la procédure UDRP est son champ d'application. En effet, la procédure a une portée doublement limitée. D'une part, la procédure s'applique aux noms de domaine génériques de premier niveau (.com, .net, .org, .biz, .info, .name)1. Certains zones géographies ont leurs propres mécanismes de résolution des ligies en ligne; tel est le cas dans la zone .FR2 ou .EU3. De l'autre part, la procédure UDRP est une

    1 Dans l&hypothèse oü un litige porterait sur un nom de domaine enregistré dans un domaine correspondant a un code de pays (ccTLD), les Principes directeurs peuvent également s&appliquer, a condition que l&administrateur du ccTLD concerné a volontairement adopté les Principes UDRP.

    2 Afin d'accompagner la libéralisation du ii mai 2004 de la charte de nommage francaise, l'Association francaise pour le nommage Internet en coopération (AFNIC), chargée de l'attribution des noms de domaine dans la zone .fr, a lancé en septembre 2004, une procédure alternative de résolution des litiges en ligne (PARL) relatifs aux noms de domaine déposés dans la zone << .fr >>. Le but de ce mécanisme de règlement de litiges est de vérifier que le titulaire du nom de domaine ne porte pas atteinte aux droits des tiers. Pour ce faire, deux méthodes de procédures de résolution des litiges sont mises en uvre, dont chacune est administrée par un organisme différent et repose sur un règlement distinct.

    - La première est la PARL par une <<recommandation en ligne >>, administrée par le Centre de Médiation et d&Arbitrage de Paris (CMAP). Cette procédure permet a toutes les parties d&un litige relatif a un ou plusieurs noms de domaine, de confier, d&un commun accord, a un <<tiers aviseur>> désigné par le CMAP, la mission de formuler une <<recommandation >>. Le << tiers aviseur >> intervient pour faciliter l&émergence d&une solution amiable.

    - La deuxième est la PARL par une <<décision technique >>, administrée par le Centre de Médiation et d&Arbitrage de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). Cette procédure est un mécanisme type de la UDRP. Il s&agit d&une procédure contraignante a laquelle le titulaire du nom de domaine litigieux ne peut se soustraire. Il est tout de même possible de soumettre, a tout moment, le litige a un tribunal compétent. Il faut rappeler que cette procédure acquiert un vaste champ d'application, et qu'elle est ouverte pour protéger les différents droits des tiers2, et pas exclusivement les marques. Sous cet angle, la pratique de l'OMPI semble avoir un point de vue different de celui de la UDRP au regard l'application du principe de spécialité.

    Sur la PARL, Brunot, <<La procédure alternative de résolution de litiges (PARL) en matière de noms de domaine fête ses un an: premier bilan et perspectives >>, Gaz. Pal., octobre 2005, p. 28 et s; les règles de la PARL sont disponibles sur http://www.afnic.fr/doc/ref/juridique/parl.

    3 Le principe de mise en uvre d'une politique de résolution extrajudiciaire des conflits ADR (The alternative dispute resolution) dans la zone << .eu>> a été posé par l'article 5 du règlement CE N° 733/2002 du Parlement européen et du conseil, du 22 avril 2002. Le cadre de cette politique qui réglemente des différends a été complété par le règlement CE

    réponse au phénomène du cybersquatting et elle s'applique uniquement en cas de litige avec les droits de marque et un nom de domaine enregistré abusivement. Elle ne vise cependant pas a régler tous les types de litiges entre noms de domaine et marques. En effet, cette procédure ne s'applique qu'aux conflits en cas de fraude et non dans l'hypothèse d'atteintes plus traditionnelles aux marques. De même, les conflits avec d'autres droits de propriété intellectuelle, tels que les appellations d'origine, les droits d'auteur, les droits de la personnalité ne relèvent pas de cette procédure.

    La deuxième spécificité réside dans le fait que la procédure UDRP est une procédure obligatoire mais non exclusive. Selon l'article 4.a) des principes directeurs les unités d'enregistrement des noms de domaine prévoient, une clause par laquelle le déposant s'engage t se soumettre t la procédure UDRP dans l'hypothèse oü un tiers revendiquerait la propriété du nom de domaine enregistré. Autrement dit, la conclusion du contrat d'enregistrement en ligne emporte une acceptation t soumettre t la procédure administrative et aux principes qui la gouvernent. Cette obligation est nécessaire pour la mise en cuvre du mécanisme d'auto-exécution de l'UDRP.

    Le détenteur du nom de domaine est lié par son contrat d'enregistrement avec l'un des nombreux registraires maintenant agréés par l'ICANN. Mais avant d'obtenir ce statut auprès de l'ICANN, le registraire a dii s'engager a adopter les principes directeurs pour le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine, et a insérer la clause nécessaire dans ses contrats d'enregistrement. Ces contrats d'enregistrement sont des contrats d'adhésion, ce qui fait que la procédure UDRP finit par s'appliquer a tous les noms de domaines a suffixe générique de premier niveau (gTLDs) non réservés. Cette logique repousse les difficultés touchant a l'exécution transfrontalière des décisions de

    no 874/2004 de la commission européenne, du 28 avril 2004. En principe, cette politique possède effectivement une double vocation. D'une part, elle tend a régler les différends liés a des décisions individuelles prises par le registre EURid contraires aux règlements de 2002 (art. 4.2-d) et 2004 (art. 22.1-b). D'autre part, la politique vise a empêcher les enregistrements spéculatifs et abusifs des noms de domaine (Rgt 2004, art. 21), par une procédure rapide et moins coüteuse, basée sur les recommandations de l'OMPI. En 12 avril 2005, EURid a désigné la Cour d'arbitrage tchèque (chargée aussi de régler les litiges du ccTLD .Cz), rattachée a la chambre économique et d'agriculture de la République tchèque en tant que prestataire de services de règlement extrajudiciaire des litiges relatifs aux noms de domaine <<.eu >>. V EURid le le site EURid http://www.eurid.eu/content/view/ig0/i/; le site de la Cour d'arbitrage tchèque http://www.adreu.eurid.eu/.

    justice, difficultés bien connues des opérateurs du commerce international. On constate aussi une parfaire instrumentalisation du contrat dans le processus de la régulation.

    Par contre, selon article 4(k) des Principes directeurs, le maintien du recours aux tribunaux judiciaires, est expressément prévu. Il n'est pas interdit aux parties de porter le litige devant un tribunal compétent avant, ou pendant le déroulement de la procédure, même avant la cloture de la procédure1. De même, il est possible de faire obstacle a la mise en oeuvre de la décision en introduisant un recours judiciaire devant les tribunaux d'une juridiction compétente dans les dix jours de la notification de la décision2.

    En d'autres termes, les décisions sont privées de l'autorité de la chose jugée in bes indem. Les tribunaux peuvent alors procéder au réexamen d'un litige ayant fait l'objet d'une décision UDRP. Contrairement a une procédure plus traditionnelle, qui lierait les parties en cause, la procédure UDRP ne semble avoir d'effets contraignants que sur le registraire qui doit mettre en oeuvre la décision3. Le mécanisme UDRP n'implique donc aucun renvoi de la part des tribunaux judiciaires, qui seraient néanmoins saisis, ni produit d'effets exécutoires au sens des législations et des traités sur la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales.

    Pour ce qui est des remèdes, la procédure UDRP les limite a l'annulation de l'enregistrement du nom de domaine contesté ou au transfert de celui-ci a la partie qui obtient gain de cause en demande. En pratique, le demandeur est forcé d'exiger le transfert et de payer les frais initiaux et annuels d'enregistrement que cela implique sauf a avoir la mauvaise surprise de retrouver le nom de domaine en cause << sur le marché>>, oü, quiconque, y compris le défendeur évincé, a le loisir, moyennant paiement, de s'en rendre titulaire. En d'autres termes, le système ne permet pas le << gel>> gratuit et permanent d'un nom de domaine que l'on voudrait voir retiré de la circulation. Il n'est par ailleurs pas permis a la commission d'ordonner le versement de dommages-intérêts

    1 Rapport final OMPI, para. 150 indique que : ((En particulier, une partie devrait être libre d'intenter une action devant le tribunal national competent au lieu d'engager une procedure administrative, si elle prefère procéder ainsi, et elle devraitpouvoir obtenir le réexamen d'un litige qui afait l'objet de la procedure administrative.x

    2 Alexandre CRUQUENAIRE, Le Règlement extrajudiciaire des litiges relatifs aux noms de domaine, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 40-41.

    3 Nathalie DREYFUS-WEILL, <<La procédure en ligne: une solution dans les conflits entre noms de domaine et marques? >>, Gaz. Pal., 14 mars 2000, n° 52, P. 4.

    au terme de cette procédure qui dépasseraient la logique d'<< auto-exécution>> du système.

    b) La spécificité de la procédure de l'UDRP au sein des MARD

    On appelle la procédure UDRP d' << administrative >>. Pour autant, les deux parties a cette procédure relèvent du droit privé et la procédure est très loin du but d'intérêt publicl. En fait, il s'agit d'une procédure d'un genre nouveau. Elle appartient incontestablement aux modes complémentaires de règlement des litiges sans pouvoir être classée parmi une de leurs catégories préexistantes. Du premier vue, l'UDRP s'approche de l'arbitrage dans la mesure oü le tiers distinct impose une solution aux parties et ne joue pas le role pacificateur comme dans le cas de la médiation ou de la conciliation. En plus, l'UDRP se déroule dans un cadre institutionnel qui présente par ailleurs certaines caractéristiques que l'on retrouve dans les procédures arbitrales, et qui sont exposées en particulier aux articles 7, 10 et 15 des règles d'application UDRP2:

    1 Phiipe GILLIERON, La procedure de resolution en ligne des conflits relatifs aux noms de domaine, Publication de Centre du droit de l'entreprise - droit industriel, droit d'auteur, droit commercial de l'université de Lausanne CEDIDAC, diffusion Litec, 2002, p. 25.

    2Article 7. Impartialité et indépendance. Tout membre d'une commission doit être impartial et indépendant et, avant d'accepter sa nomination, doit faire connaItre a l'institution de règlement toute circonstance de nature a soulever un doute sérieux sur son impartialité ou son indépendance. Si, a un moment quelconque de la procédure administrative, apparaissent des circonstances nouvelles de nature a soulever un doute sérieux sur l'impartialité et l'indépendance du membre de la commission, celui-ci fait immédiatement connaItre ces circonstances a l'institution de règlement. Dans un tel cas, l'institution de règlement a tout latitude pour nommer un suppléant.

    Article 10. Pouvoirs généraux de la commission.

    a) La commission conduit la procédure administrative de la façon qu'elle juge appropriée, conformément aux principes directeurs et aux présentes règles.

    b) Dans tous les cas, la commission veille a ce que les parties soient traitées de façon égale et a ce que chacune ait une possibiité équitable de faire valoir ses arguments.

    c) La commission veille a ce que la procédure soit conduite avec célérité. Exceptionnellement, elle peut, a la demande d'une partie ou d'office, proroger un délai fixé par les présentes règles ou par elle-même.

    d) La commission détermine la recevabiité, la pertinence, la matérialité et le poids des éléments de preuve. e) La commission statue conformément aux principes directeurs et aux présentes règles sur toute demande de jonction de procédures présentée par une partie en cas de litiges multiples portant sur des noms de domaine. Article 15. Décisions de la commission.

    a) La commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux principes directeurs, aux présentes règles et a tout principe ou règle de droit qu'elle juge applicable [...1 c) Si la commission est composée de trois membres, elle adopte ses décisions a la majorité.

    exigence d'indépendance et d'impartialité des experts membres de la commission administrative, confidentialité, traitement équitable des parties, libre appréciation des preuves. Néanmoins, quatre points majeurs différencient 'UDRP de l'arbitrage.

    En premier lieu, l'UDRP n'est pas une substitution d'une procédure judiciaire puisque les parties peuvent abandonner la procédure a tout moment, contrairement a l'arbitrage. La procédure UDRP est effectivement une complémentarité a la procédure judiciaire1 comme les autres MARD.

    En deuxième lieu, l'arbitrage est basé sur le consensus entre les parties, au contraire, il n'y a pas une base conventionnelle entre le demandeur a la procédure UDRP (soit le détenteur du droit de marque) et le titulaire du nom de domaine enregistré. Autrement dit, l'UDRP ne peut pas être qualifiée d'arbitrage dans la mesure oü les parties ne sont pas liées contractuellement par un compromis d'arbitrage.

    En troisième lieu, une fois rendue, la sentence arbitrale passe en force de chose jugée, elle n'est plus susceptible de voies de recours ordinaires. A contrario, l'article 4.k des principes directeurs envisage la possibilité d'engager une procédure devant les juridictions judiciaires dans les dix jours ouvrables a partir de la décision du panel, ce qui permettre de réexaminer la plainte de nouveau sur le fond.

    Enfin, pour obtenir l'exécution forcée de la sentence arbitrale, il faudra requérir l'exequatur de celle-ci devant les tribunaux (de grande instance en France). Alors la sentence deviendra un titre exécutoire. A contrario, la décision UDRP est susceptible d'exécution forcée de manière électronique sans le préalable d'exequatur. Cela dit, il nous semble que la procédure UDRP est la décision du panel se situe stricto sensu << en dehors des frontières de l'arbitrage >>2 . Cette qualification a été aussi retenue par la jurisprudence française1 et aussi américaine2.

    d) La décision de la commission est formulée par écrit, motivée, indique la date a laquelle elle a été rendue et comporte le nom de l'expert unique ou des membres de la commission [...].

    1 L'article 18 des règles d'application UDRP envisage la possible interaction des procédures judiciaire et de l'UDRP: ~ lorsqu'une procédurejudiciaire a été engagée avant ou pendant la procedure administrative concernant le litige sur le nom de domaine quifait l'objet de la plainte, il appartient a la commission de decider de suspendre ou de clore la procedure, ou de la poursuivre et de rendre sa decision. ~

    2 Charles JARROSSON, << Les frontières de l'arbitrage >>, Rev. arb. , 2001, p.5-41; Pierre LASTENOUSE, <<Le règlement Icann de résolution uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine >>, Rev. arb. 2001, n° 1, p. 95 Thomas SCHULTZ, op. cit., p. 190. ; Olivier CACHARD, <<Les modes électriques de règlement des litiges MERL >>, comm. com.

    Dans ce contexte, une autre proposition serait de classer la procédure UDRP parmi les tierces-décisions obligatoires (sur la base de l'article 1134 du code civil); un processus par lequel les parties confient a un tiers, qui n'est ni juge ni arbitre mais leur mandataire commun, la mission de prendre une décision qui s'impose a elles, de la même manière qu'un contrat. Cette procédure n'est pas revêtue de l'autorité de chose jugée, n'est pas susceptible d'exequatur, n'est pas soumise aux dispositions légales relatives a l'arbitrage, elle s'impose aux parties avec la force d'un contrat. Un tel rapprochement doit être rejeté dans la mesure oü la procédure UDRP a un caractère obligatoire (pour le titulaire du nom de domaine) au contraire de la procédure du tiers décideurs, tranchée par voie contractuelle.

    En effet, le mécanisme de résolution des litiges par la procédure UDRP s'inscrit dans la logique de l'autorégulation du cyberespace et le mouvement de la production des

    élec., décembre 2003, chroniques 30, p. 26. Contra, certains estiment que la procédure de l'UDRP est une sorte d'arbitrage de manière dématérialisée, Pierre-Yves GAUTIER, <<Arbitrage et Internet >>, Droit et patrimoine, no 105, mai 2002, pp. 88-91.

    1 Dans l'affaire Miss France, la CA de Paris a refusé de qualifier comme sentence arbitrale, une décision rendue dans le cadre de la procédure UDRP: le mécanisme administratif proposé par l'ICANN dans l'intérêt de la gestion du système des noms de domaine en vue de demander a des experts, tout en protégeant d'un recours les responsables du système d'adressage, de se prononcer, sous réserve de la vérification des tribunaux, sur certains aspects spécifiques du contentieux découlant pour le titulaire d'un droit de marque, de l'enregistrement ou de l'usage abusif d'un nom de domaine, ne constitue pas un arbitrage . CA Paris, 1ère ch., sect. C, 17 juin 2004, Monsieur Michel Le P. Association Internationale des concours de beauté pour les pays francophones (Miss Francophonie) c/ Société Miss France Association Comité Miss France, Miss Europe, Miss Univers; DI Cah. jurid., jurispr., et le commentaire d'E. Gillet, Une décision UDRP n'est pas une sentence arbitrale, DI Cah. jurid., chron., 22 sept. 2004 ; Juris-Data n° 2004- 247553 ; Forum des Droits sur l'Internet; Legalis.net; Gaz. Pal. 4 déc. 2004, n° 339, p. 51 ; Frédéric GLAIZE, <<Une décision rendue par le Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI est-elle une sentence arbitrale? >>, RLDI 2005/1, Eclairage n° 3, p. 13 ; Patrice DE CANDE, <<Ni un arbitrage ni une médiation >>, Expertises, janv. 2005, p. 25 ; Christophe CARON, <<La procédure UDRP ne rime pas avec arbitrage , Com. com. electr. 2005, Comm. n°38 ; Pascal TREFIGNY, <<Noms de domaine : la procédure de médiation en matière de noms de domaine (principes UDRP) : Recours, mode d&emploi >>, Propr. ind. n° 1, Janv. 2005, comm. 6 ; Gérard CHABOT, <<Irrecevabiité d&un recours judiciaire en annulation contre une décision ICANN non constitutive d&une sentence arbitrale >>, JCP G, 13 octobre 2004, n°43, II 10156.

    2 La Cour fédérale du district Nord de l'Illinois (Weber-Stephen Products Co. v. Armitage Hardware and Building Supply, mnc) a décidé le 3 mai 2000 que les sentences rendues dans le cadre de la procédure UDRP n'avait pas de force obligatoire dans l'ordre juridique américain, au contraire d'une sentence arbitrale. Pierre-Emmanuel MOYSE, <<La force obligatoire des sentences arbitrales rendues en matière de noms de domaine >>, Juriscom.net, 10 octobre, disponible sur http://www.juriscom.net/pro/2/ndm20001010.htm ( consulté le 20 mai 2007).

    normes par les acteurs privés afin de réguler d'une manière globale un secteur d'activité sur le réseau. Ce registre spécifique dans lequel fonctionne la procédure UDRP, impose effectivement une nature sui generis1 et une certaine originalité2 par rapport les autres modes préexistants des MARD.

    B. La structure et lefonctionnement de laprocédure UDRP

    Toute personne ou entreprise, partout dans le monde, peut déposer une plainte au sujet d'un nom de domaine, soit dans les domaines génériques (.com, .net, .org, .biz, .info et .name), ou n'importe quel autre nom de domaine géographique (.fr, .de, .ca), en recourant a la procédure administrative (2) régie par certains principes (1).

    §i. Les principes réagissant la procedure UDRP

    D'abord, il convient de souligner que la procédure UDRP vise en effet a faciliter l'exercice par les titulaires de marques de droits de propriété intellectuelle existants. Il ne s'agissait aucunement de redéfinir et d'harmoniser a l'échelle internationale les droits respectifs des titulaires de marques et des personnes susceptibles d'en faire usage. En l'absence d'une telle harmonisation, la procédure UDRP se voit comme une solution pragmatique de résoudre les litiges transfrontièrs entre les marques et les noms de domaine.

    Le fonctionnement de ce système UDRP est décrit dans un document intitulé <<principes directeurs ))3 régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de

    1Philipe GILLIÉRON, op. cit., p. 29 : Alexandre CRUQUENAIRE, op. cit., p. 30 ; ANDRÉ R. BERTRAND, Le Droit des marques, des signes distinctifs et des noms de domaine : droitfrancais, droit communautaire et droit international, Paris, CEDAT, 2e édition, 2002, p. 579.

    2 Gautier KAUFMAN, Noms de domaine sur Internet: aspects juridiques, Paris, Vuibert, 2001, p. 172; Nathalie BEAURAIN Emmanuel JEZ, Les noms de domaine de l'Internet: aspects Juridiques, Paris, Litec, 2001, p. 99. 3Ces principes fixent le cadre juridique du règlement des litiges entre les détenteurs de noms de domaine et des tiers (c'est-à-dire toute partie autre que l'unité d'enregistrement) au sujet de l'enregistrement et de l'utilisation abusifs d'un nom de domaine de l'Internet dans les gTLDs (.com, .net, .org, .biz, .info et .name) et les ccTLDs qui ont volontairement adopté ces Principes UDRP. Ils se composent de 9 principes. Le premier principe rappelle la base contractuelle sur laquelle repose l'engagement du déposant de se soumettre a la procédure UDRP en cas de litiges avec un tiers afférent a l'enregistrement du nom. Le troisième principe énonce les mesures que l'organe de règlement des différends pourra prendre (annulation, transfert, modification de l'enregistrement du nom de domaine) dans trois hypothèses : sur instruction du déposant, sur ordonnance d'un tribunal ou d'une instance arbitrale, suite a la décision

    domaine, adopté le 26 aoüt 1999, et approuvé par l'ICANN le 24 octobre suivant. Des documents d'application complètent ces principes directeurs : il s'agit, d'une part, des <<règles d'application des principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine1 et, d'autre part, des règles dites <<supplémentaires 2 éventuellement adoptées par les centres d'arbitrage et de médiation agréés par l'ICANN.

    Les conditions d'application de la procédure UDRP sont précisées par l'article 4 des principes directeurs, qui est évidemment au c ur du fonctionnement de la procédure. Selon l'article 4,a) la procédure s'applique en présence de trois conditions qui sont cumulatives oü il appartient au requérant de faire la preuve de leur réunion.

    d'un organe de règlement des différends en application de la procédure UDRP. Le quatrième principe s'intitule <<la procédure administrative obligatoire >>. L'accent sera mis sur cet article vu qu'il constitue le c ur de la procédure. Le sixième principe indique que l'ICANN ne fait pas partie des litiges soumis. Le dernier principe accorde a l'ICANN le droit de modifier a tout moment les procédures.

    1 Ces règles permettent la mise en uvre des Principes directeurs. Elles se composent de 21 articles relatifs a une série de définitions (art.1), aux modalités de communication de la plainte (art.2), aux personnes habiitées a introduire une plainte et sous quelle forme (art.3), a la procédure de notification de la plainte (art.4), a la réponse (art.5), a la nomination de la commission et au délai pour prononcer la décision (art.6), aux exigences d'impartialité et d'indépendance de la commission (art.7), aux pouvoirs de la commission (art.1o), a la langue de la procédure (art.11), a l'exclusion des audiences en personne (art.13), a défaut (art.14), aux décisions de la commission (art.15), aux transactions et autres modes de cloture de la procédure (art.17), a l'incidence de procédures judiciaires (art.18), etc. V Ces règles permettent la mise en uvre des Principes directeurs. Elles se composent de 21 articles relatifs a une série de définitions (art.1), aux modalités de communication de la plainte (art.2), aux personnes habiitées a introduire une plainte et sous quelle forme (art.3), a la procédure de notification de la plainte (art.4), a la réponse (art.5), a la nomination de la commission et au délai pour prononcer la décision (art.6), aux exigences d'impartialité et d'indépendance de la commission (art.7), aux pouvoirs de la commission (art.1o), a la langue de la procédure (art.11), a l'exclusion des audiences en personne (art.13), a défaut (art.14), aux décisions de la commission (art.15), aux transactions et autres modes de cloture de la procédure (art. 17), a l'incidence de procédures judiciaires (art. 18), etc. V0 annexe n02.

    2 Les règles supplémentaires sont édictées par les différents organes de résolution des litiges. Ces organes sont aujourd'hui au nombre de cinq: l'Asian domain name dispute resolution centre (ADNDRC), le CPR institute for dispute resolution, l'eResolution (eRes), le national arbitral forum (NAF) et enfin le fameux centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI. Ces règles impliquent d'une manière générale des précisions par rapport les moyens de communication, la formalité de dépôt d'une plainte, les honoraires, ainsi qu'une condition d'exonération de responsabilité du panel tranchant le litige, V0 par exemple les règles supplémentaires de l'OMPI pour l'application des principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine.

    http://www.wipo.int/amc/fr/domains/rules/supplemental/index.html

    i) Le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter a confusion avec une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits;

    ii) Le déposant n'a aucun droit ni aucun intérêt légitime a l'égard du nom de domaine; iii) Le nom de domaine a été enregistré ou utilisé de mauvaisefoi.

    Pour rapporter la preuve de la mauvaise foi du déposant, le requérant devra établir une des circonstances énumérées a l'article 4,b) Cette liste n'est pas exhaustive. Elle implique quatre hypotheses essentielles:

    i) le nom de domaine a été acquis ou enregistré aux fins de vendre, de louer, ou céder d'une autre manière l'enregistrement au requérant ou a un concurrent de celui-ci, a titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais que le défendeur peut prouver avoir déboursés en rapport direct avec le nom de domaine litigieux;

    ii) le nom de domaine a été enregistré en vue d'empêcher le propriétaire de la marque de reprendre son signe sous forme de domaine et le défendeur est coutumier de ce genre de pratiques;

    iii) le nom de domaine a été principalement enregistré en vue de perturber les opé rations commerciales d'un concurrent;

    iv) par l'utilisation du nom de domaine, le défendeur a sciemment tenté d'attirer, a des fins lucratives, les utilisateurs de l'Internet sur un site web ou un autre espace en ligne lui appartenant, en créant la probabilité de confusion avec la marque en ce qui concerne la source, le commanditaire, l'affiliation ou l'approbation de son site web ou espace en ligne ou d'un produit ou service qui y est proposé.

    Par ailleurs, l'article 4,c) propose une liste non exhaustive des intérêts légitimes invocables par le déposant afin de justifier l'utilisation du nom de domaine litigieux1.

    i) avant d'avoir eu connaissance du litige, le défendeur a utilisé le nom de domaine ou un nom y correspondant en relation avec une offre de bonnefoi de biens ou de services, ou avec des préparatifs sérieux a cet effet;

    ii) le défendeur est connu sous le nom de domaine litigieux, même sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services;

    1 Pour une vue d'ensemble sur le fonctionnement de la procédure, Nathalie DREYFUS, << Le fonctionnement de la procédure UDRP >>, pp. 63-82, in Marque et noms de domaine de l'Internet, Droit des technologies avancées DTA, volume 8, Paris, Hermes Science publication, 2001.

    iii) le défendeur fait un usage non commercial légitime ou un usage loyal du nom de domaine sans intention (soit) de détourner a des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion (soit) de ternir la marque en cause.

    Par ailleurs, il faut remarquer que les droits nationaux ne sont pas totalement exclus dans le processus décisionnel de la procédure UDRP. Selon le texte du rapport, les commissions de décideurs, en définissant l'enregistrement abusif, devaient se référer, dans la mesure nécessaire, a la législation ou aux règles de droit qu'ellesjugent applicables compte tenu des circonstances de l'espèce,l, ce qui implique la possibilité d'appliquer un droit national de manière intégrale et peut s'interpréter comme une invitation a faire recours aux règles de conflit pertinentes. Cependant, la formule finale se rétrécit pour enfin se perdre au milieu d'une disposition dont la rédaction est pour le moins étrange. Celle-ci dispose en effet que la commission statue << conformément aux principes directeurs, aux présentes règles et a tout principe ou règle de droit qu'elle juge applicable >>. Le résultat prévisible de cette formule est que le droit national a été mis au second plan par rapport aux règles de l'ICANN. De même, une telle suprématie accorde aux règles de l'UDRP le visage d'une source indépendante de droit privé de tout rattachement aux droits nationaux et, d'autre part, les décideurs sont alors invités a ignorer toute règle de conflit et a développer une jurisprudence transnationale2.

    §2. Le déroulement de la procedure UDRP

    La procédure UDRP s'inscrit dans le mouvement des procédures de règlement des conflits en ligne ou online dispute resolution ODR. Les parties ne se rencontrent pas physiquement et elles communiquent par le courrier électronique. De même, il n'y a pas d'audience au sens traditionnel du terme. Mais, rien n'empêche de faire l'audience d'une autre manière a travers la vidéoconférence par Internet. Or, au contraire des autres MERL, la procédure UDRP n'exclut pas complètement l'utilisation de papiers entre les parties ou avec la commission administrative. La plupart des fournisseurs de services UDRP combinent le recours aux moyens électronique et papiers dans le déroulement du

    1 Premier rapport final de l'OMPI, op. cit., para. 176.

    102 Fabien GELINAS, <<Splendeurs et misères de la célérité: bilan du système de règlement des différends relatifs a l'adressage Internet >>, Gaz. Pal., 6 juin 2002 n° 157, P. 46.

    litige; tel est le cas de l'OMPI ou de le NAF1; la plainte doit être sous un format électronique et un format papier; le payement pourrait être fait par chèque bancaire.

    En ce qui concerne l'exécution, le système UDRP fournit une spécificité remarquable au regard des autres MERL. Les décisions UDRP, déclarent l'annulation ou le transfert de l'enregistrement d'un nom de domaine, obéissent a un mécanisme d'autoexécution qui économise le recours a la voie judiciaire pour leur exécution : aucun exequatur n'est requis. C'est le tissu contractuel qui permet d'éviter une intervention judiciaire. Il existe deux types de contrats qui lient les différentes parties. D'une part, le contrat entre les unités d'enregistrement et l'ICANN, assurant l'exécution des décisions des panels en cas d'absence d'introduction d'un recours judiciaire dans la période de dix jours ouvrables suivant la décision. D'autre part, le contrat qui existe entre le déposant du nom de domaine et les unités d'enregistrement, contrat par lequel le déposant est tenu de se soumettre a la procédure dans le cas d'une requête d'un tiers.

    La question de la langue de la procédure est souvent sous estimée par les commentateurs, notamment par ceux qui ne connaissent que la langue anglaise. Après tout, l'ICANN est une société californienne n'ayant de langue officielle que l'anglais ; elle fait donc oeuvre de gouvernance a l'échelle mondiale sur la base de consultations publiques tenues exclusivement en anglais. On ne saurait donc s'étonner que la question de la langue dans le cadre de la procédure UDRP ait reçu un traitement aussi péremptoire. C'est l'article ii des règles d'application qui régit la question : << Unless otherwise agreed by the Parties, or specified otherwise in the Registration Agreement, the language of the administrative proceeding shall be the language of the Registration Agreement, subject to the authority of the Panel to determine otherwise, having regard to the circumstances of the administrative proceeding~.

    1 Le seul organe qui a partiqué une procédure UDRP entièrement en ligne, est eResolution. La technologie mise en place par le centre permettait aux parties, aux décideurs et aux administrateurs de dossiers de tout faire en ligne. Il s'agissait notamment de l'enregistrement d'une affaire, du dépôt d'une plainte, du dépôt d'une réponse, du téléchargement et de la consultation des pièces et des éléments de preuve, de l'échange de la correspondance et de la communication des décisions. Les parties pouvaient verser au dossier des documents non numérisés grace au serveurtélécopie mis a leur disposition. Les décideurs pouvaient consulter et intervenir sur l'intégralité de leurs dossiers a distance. La totalité des échanges avait lieu dans un environnement sécurisé, accessible par nom d'usager et mot de passe, oü l'information et la documentation étaient organisées et disposées en fonction des besoins particuliers des protagonistes. V0 Cynthia CHASSIGNEUX, op. cit.

    Cette disposition est doublement critiquée. D'un côté, ayant en considération le paysage linguistique de l'Internet, l'anglais pourrait être la langue dominante de la procédure UDRP dans la mesure oü il est fréquemment utilisé par les bureaux d'enregistrement, particulièrement en ce qui concerne les noms de domaine génériques. De l'autre côté, le fait pour une personne d'arriver a enregistrer un nom de domaine en remplissant les blancs d'un formulaire Internet en anglais ne prouve aucunement que cette même personne peut comprendre ses droits et valablement les faire valoir dans le cadre d'une procédure en anglais dont les textes constitutifs sont en anglais.

    Sachons aussi que le rôle d'un fournisseur de services UDRP (ex. l'OMPI)1 consiste a administrer la procédure, ce qui signifie notamment a vérifier que la plainte satisfait aux conditions de forme énoncées dans les Principes UDRP et les Règles d'application. Il collabore avec l'unité ou les unités d'enregistrement intéressées afin de vérifier que le défendeur mentionné est bien le détenteur du ou des noms de domaine en cause, vérifier les coordonnées du défendeur, notifier la plainte au défendeur, transmettre les notifications relatives au dossier, constituer la commission administrative et veiller d'une manière générale au bon déroulement de la procédure administrative dans les délais imparties. Le fournisseur est indépendant et impartial. Il ne statue pas sur le litige entre les parties. En tant qu'organe administratif, il peut donner des conseils sur les éléments de procédure contenus dans les principes UDRP et les règles d'application, ainsi que ses ègles supplémentaires, mais ne peut donner d'opinion quant a la solidité ou a la faiblesse du dossier d'une partie.

    Au regard de la durée, la procédure, en général, s'étend sur une période de 60 jours2.

    1 Pour un litige portant sur un a cinq noms de domaine, la taxe se monte a 1500 dollars. Si le litige doit être tranché par un seul expert et a 4000 dollars, s'il doit être tranché par une commission composée de trois experts. Pour un litige portant sur six a 10 noms de domaine, la taxe se monte a 2000 dollars, s'il doit être tranché par un seul expert et a 5000 dollars, s'il doit être tranché par une commission composée de trois experts. Il incombe au requérant de payer la totalité des taxes. Le défendeur n'est tenu de payer la moitié des taxes que lorsqu'il choisit de soumettre le litige a une commission composée de trois experts, alors que le requérant avait opté pour l'expert unique. Guide de l'OMPI relatifaux Principes UDRP régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine, disponible sur http://www.wipo.int/amc/fr/domains/guide/index.html#i (consulté le 20 mai 2007).

    2 V° annexe 4.

    (i) L'institution de règlement reçoit la plainte (plainte envoyée sur support papier et par voie électronique a l'institution de règlement, au défendeur et a l'unité d'enregistrement).

    (2) L'institution de règlement examine sa conformité aux principes directeurs (en cas d'irrégularités, le requérant dispose de 5 jours pour les corriger).

    (3) Le requérant doit verser les taxes dans un délai de 10 jours a compter du dépôt de la plainte.

    (4) Réception des taxes.

    (8) Transmission de la plainte au défendeur dans un délai de 3 jours a compter de la réception des taxes.

    (6) Date d'ouverture de la procédure (date laquelle l'institution de règlement informe le requérant, le défendeur, l'unité d'enregistrement et l'ICANN).

    (v') Le défendeur dispose alors d'un délai de 20 jours a compter de la réception de la plainte pour répondre aux arguments y exposés.

    (8) L'organe de résolution dispose d'un délai de jours a compter de la réception de la réponse pour composer un panel. Nomination de l'expert unique et transmission du dossier l'expert désigné.

    (9) L'expert dispose d'un délai de 14 jours pour rendre sa décision.

    (i0) L'organe de résolution des litiges dispose d'un délai de trois jours pour communiquer la décision du panel l'institution de règlement, a l'ICANN et aux parties.

    (ii) Exécution de la décision l'expiration d'un délai de 10 jours ouvrables a compter de la transmission de la décision l'ICANN par l'institution de règlement.

    A l'issue de cette analyse, il est clair que la procédure UDRP présente l'avantage de pouvoir régler rapidement et a moindre coüt un type particulier de litige et d'obtenir le transfert du nom de domaine au profit du titulaire légitime, lorsque la fraude peut être clairement démontrée. Elle est particulièrement adaptée aux spécificités de l'Internet puisqu'elle se déroule principalement en ligne. Par ailleurs, cette procédure montre la capacité d'un organisme privé tel que l'ICANN de réguler globalement un secteur d'activité sur le réseau a travers des normes privées produites sans le contrôle de l'Etat. De même, il est évident dans ce contexte qu'un phénomène transfrontière comme le cybersquatting met en évidence l'efficacité réduite de principes tels que la souveraineté territoriale et monopolistique de l'Etat-nation.

    Néanmoins, en plus de l'enjeu de la régulation, la procédure UDRP suscite une nouvelle question celle de la contribution des technologies des informations et communications dans l'amélioration du fonctionnement de la justice. En effet, la mise en place de ces mécanismes électroniques de règlement des conflits assure un exercice plus facile et moins coüteux des droits des parties, consommateurs ou commerçants, dans des environnements électroniques qui, autrement, ne faciliteraient pas l'affirmation de ces droits. Cet idéal de l'accès a la justice ne devrait pas être escamoté au profit d'une rigidité idéologique1. Les technologies de l'information et de la communication facilitent simplement les modalités de l'accès a la justice et permettent, de ce fait, aux citoyens de se faire entendre. Peut-on s'étonner que la justice bénéficie également des avancées technologiques ? Le règlement en ligne des conflits issus des environnements électroniques ne constitue qu'une étape de la justice de demain. Faut-t-il déployer ces modes électroniques dans le monde de la justice étatique? Un tel déploiement pourraitt-il contribuer a assurer cet idéal démocratique que constitue l'accès a la justice? Ou au contraire, la rapidité de la procédure UDRP serait menaçante aux exigences traditionnelles du procès équitables? Toutes ces questions nous ramènent a mettre en lumière le caractère équitable de la politique uniforme de résolution des litiges relatifs aux noms de domaine << UDRP . C'est ce qu'on examinera par la suite.

    1Karim BENYEKHLEF et Fabien GELINAS, << L'expérience internationale des modalités de règlement des conflits liés au droit d'auteur dans l'environnement numérique >>, pp. 6-22, in Règlements des conflits de l'environnement électronique, Bulletin du droit d&auteur, Vol. XXXV, no 4, octobre - décembre 2001, éditions UNESCO, version électronique, disponible sur http://upo.unesco.org/details.aspx?Code Livre=K8g8 (consulté le 15 juin 2007).

    TITRE II

    L'APPRECIATION DU CARACTERE EQUITABLE DE LA PROCEDURE
    UDRP SELON LE MODELE EUROPEEN

    L'effet horizontal de la CEDH constitue une avancée remarquable du champ d'application des droits de l'Homme. Ceux-ci bénéficient désormais d'une protection contre les violations provenant de personnes privées. La Cour européenne ne pouvant trancher les litiges interpersonnels, l'effet horizontal repose sur le mécanisme d'imputabilité intimement liée a la théorie d'obligations positivesl. La notion de l'effet horizontal2 consiste dans l'application de la convention dans les relations privées et se perçoit comme une extension de l'ordre conventionnel aux rapports interpersonnels. Cela suppose que le devoir du respect des droits de l'homme ne s'applique pas seulement d'une manière verticale entre les Etats membres et les individus, mais aussi d'une manière horizontale aux particuliers entre eux. Ça concerne en premier lieu le juge national et pas le juge européen3.

    En d'autres termes, a l'inverse de l'effet vertical qui vise les rapports entretenus entre les particuliers et l'Etat, et protége les individus contre l'ingérence étatique, l'effet horizontal concerne la relation nouée entre deux personnes privées, et permet de protéger la sphere juridique des individus contre l'ingérence individuelles. Cette avancée remarquable dans la protection des droits de l'Homme peut emprunter deux voies, l'une européenne, l'autre interne. La premiere est réalisée par le vecteur des obligations positives qui impose aux Etats membres de créer le cadre juridique adéquat a la réalisation des obligations découlant de la convention. On peut ici parler d'un effet horizontal indirect puisque la décision rendue par la juge européen ne s'adresse pas aux personnes privées et ne résout pas leur désaccord, mais est destinée a l'Etat, qui acquiert

    iFrédéric SUDRE, op. cit., p. 244.

    2 La notion d'effet horizontal, inspirée de la doctrine allemande de la drittwirkun, traduite selon les auteurs par << effet réflexe >>, <<effet relatif>> ou <<effet vis-à-vis des tiers>> vise l'effet produit par une norme au sein des relations entre personnes privées, par opposition a l'effet vertical dont la vertu est de protéger le cito yen contre toute immixtion des autorités étatiques dans l'exercice du droit garanti . Béatrice MOUTEL, L'effet horizontal de la Convention européenne des droits de l'homme en droitprivéfrancais; Essai sur la diffusion de la CEDH dans les rapports entre personnes privées, These de doctorat sous la direction du professeur Jean-Pierre MARGUENAUD, soutenu le 5 novembre 2006, FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES ECONOMIQUES, UNIVERSITE DE LIMOGES.

    3 Il faut remarque que devant la Cour européenne, le contentieux confronte nécessairement un Etat a un ressortissant, l'examen des litiges privés étant exclu de la compétence des organes Conventionnels.. Selon l'article 34 <<La Cour peut être saisie d'une requête par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se prétend victime d'une violation par l'une des Hautes Parties contractantes des droits reconnus dans la Convention ou ses protocoles >>.

    ainsi un role d'intermédiaire. Le fondement de la responsabilité de l'Etat se situe dans l'article 1 de la convention, qui stipule que chaque Etat contractant reconnalt a toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre I de la présente Convention ».

    La seconde relève du juge national qui va puiser au ccur du droit européen l'inspiration nécessaire pour résoudre les litiges entre personnes privées, afin de mettre en application les obligations imposées a l'Etat. Il est mis en cuvre par les juridictions internes et permet certes de résoudre les différends privés, qualifiés d'horizontaux, mais cette application n'est possible que lorsque la Convention bénéficie d'un effet direct dans leur ordre juridique. En effet, l'enjeu de l'effet horizontal permet d'étendre l'autorité et la diffusion de la Convention européenne des droits de l'Homme dans l'ordre juridique interne des pays membres.

    L'arrêt X et Y contre Pays-Bas1 du 26 mars 1985 est présenté comme le premier a avoir explicitement reconnu l'effet horizontal de la CEDH. L'affaire concernait l'impossibilité d'engager des poursuites pénales contre l'auteur d'une agression sexuelle, la législation nationale limitant les conditions d'action. La Cour a énoncé que l'Etat doit adopter des mesures visant au respect de la vie privée jusque dans les relations des individus entre eux , formule depuis lors classique. En l'espèce, la violation du droit au respect de la vie privée (art.8) était d'origine privée mais l'Etat n'avait pas adopté une législation criminelle permettant de poursuivre l'auteur des violences. La Cour considère en conséquence qu'il aurait dii remédier a la situation. La dimension horizontale de cette décision, unanimement reconnue, a abouti a une pénétration de l'application des droits proclamés par la convention dans un champ très vaste des relations privées : art. 2 (droit a la vie)2, art. 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants)3, art. 4 (interdiction de l'esclavage et du travail forcé)1, art. 5 § 1, première

    1CEDH, 26 mars 1985, Xet Yc. Pays-Bas, requête no 8978/80, § 23, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..asp?item=37&portal=hbkm&action=html&highlight=e%20%7C%20et%20% 7C%20Y%20%7C%20contre%20%7C%20Pays-Bas&sessionid=959369&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007). 2CEDH, Gde Ch., arrêt Osman c. Royaume-Uni du 28 octobre 1998, requête n° 23452/94, § 115, disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=959369&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007). 3CEDH, arrêtA. c. Royaume-Uni du 23 septembre 1998, requête n° 25599/94, § 22, disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=959369&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    phrase (droit a la liberté et a la siireté)2, art. 8 (droit au respect de la vie privée et familiale)3, art. 9 (liberté de pensée, de conscience et de religion)4, 10 (liberté d'expression)5, art .11 (liberté de réunion et d'association)6, art. 14 (interdiction de la discrimination)7 de la Convention et pour l'article 1 du Protocole additionnel (droit au respect des biens)8.

    Sans aucun doute, le role grandissant de l'effet horizontal de la Convention est dii a l'interprétation novatrice de la CEDH. Il est désormais acquis que l'individu peut bénéficier d'une protection non plus seulement contre les autorités publiques mais également contre les autres particuliers. La justification d'une telle solution se retrouve dans le fait que les rédacteurs de la Convention ont manifestement envisagé que l'exercice des prérogatives reconnues ne se limite pas aux relations entre les Etats et leurs ressortissants mais qu'il est susceptible d'avoir des incidences sur les autres particuliers. Ainsi, plusieurs droits consacrés par la Convention, (ex; le droit au respect de la vie privée et familiale, la liberté de manifester sa religion ou ses convictions, la liberté d'expression, la liberté de réunion et d'association, ou la liberté de circulation), peuvent faire l'objet de restrictions qui, prévues par la loi, sont nécessaires << a la

    1 L'arrêt Siliadin c. France du 26 juillet 2005, requête n° 733 16/01. En l'espèce, la Cour a considéré que la requérante, mineure et en situation irrégulière a l'époque des faits, avait été tenue en état de servitude par le couple l'ayant accueillie et n'avait pas été protégée de manière concrète et effective par le droit pénal français. JCP 2005, II, 10142, note Frédéric SUDRE ; AJDA 2005, p. 1890, obs. Jean-François FLAUSS ; disponible sur

    http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=959369&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007). 2CEDH, arrêt Storck c. Alleinagne du 16 juin 2005, requête n° 61603/00, disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=959369&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007). 3CEDH, arrêt X et Y c. Pays-Bas du 26 mars 1985, précité.

    4 CEDH, arrêt Kokkinakis c. Grèce du 25 mai 1993, § 33; CEDH, décision, Pichon et Sajou c. France du 2 octobre 2001, requête n° 49853/99, disponible sur

    http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=959369&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    5CEDH, arrêt Fuentes Bobo c. Espagne du 29 février 2000, requête 39293/98, § 38, CEDH, décision, Pichon et Sajou c. France du 2 octobre 2001, requête n° 49853/99, disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=959369&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007). 6CEDH, arrêt Plattforin "Arztefar das Leben" c. Autriche du 21 juin 1988, disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=959369&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007). 7CEDH, arrêt Pla et Puncernau c. Andorre du 13 juillet 2004, requête n° 69498/01, disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=959369&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007). 8CEDH, arrêt Sovtransavto Holding c. Ukraine du 25 juillet 2002, requête n° 48553/99, § 96, disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=959369&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    protection des droits et libertés d'autrui >>. Les Etats membres peuvent donc être amenés a intervenir dans les relations interindividuelles, c'est a dire horizontales1, pour garantir les droits protégés. De même, en interdisant l'abus de droit (art. 17) 2, le texte européen vise directement les violations qui peuvent être commises par les personnes privées, individuellement ou collectivement.

    Cette création prétorienne a conduit aux bouleversements dans l'ordre juridique national, y compris dans le domaine du droit des affaires3 ; un domaine oü les juristes n'envisagent principalement le droit européen que sous l'angle du droit communautaire et dans sa dimension purement économique. Rappelons que la seule garantie économique apportée par la convention étant a proprement parler le droit au respect des biens. Grace a l'enjeu de l'effet horizontal, on constate maintenant une importance considérable de la convention dans le domaine économique et financier4, le droit de la concurrence5, le droit de l'entreprise6, ou le droit du contrat7. Or. L'innovation la plus

    1 Béatrice MOUTEL, op. cit., p. 22.

    2 L'article 17 indique qu' aucune des dispositions de la présente Convention ne peut être interprétée comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer a une activité ou d'accomplir un acte visant a la destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente Convention ou a des limitations plus amples de ces droits et libertés que celles prévues a la dite Convention .

    3 Jean-François RENUCCI, <<Le droit des affaires, domaine nouveau du droit européen des droits de l'homme >>, Droit et Patrimoine, n° 74, septembre 1999, p. 64-66; Cathy LECIERE, << Réflexion sur l'incidence de la Cour européenne des droits de l'homme sur le droit des affaires >>, Droit et Patrimoine, n° 74, septembre 1999, p. 67-72; Jean-François FLAUSS, <<La Convention européenne des droits de l'homme; une nouvelle interlocutrice pour le juriste d'affaires >>, RJDA, 1995, p.524 et s.

    4 J. DUFFAR, <<La protection des droits économiques par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales >>, GAZ. Pal., 1995, 2, doct., p.1105; P. DOURNEAU-JOSETTE, <<Les acteurs économiques le juriste d'affaires et la Convention européennes des droits de l'homme >>, Dalloz affaires, 1998, p. 610 ets.

    5 X. A. de MELLO, <<Droit de la concurrence et droits de l'homme >>, RTD. eur., 1993, p. 601 et s. ; V° dossier spéciale sur la concurrence, droits et libertés fondamentaux face au droit de la concurrence, 26 janvier 1995, Rev. conc. consom., 1995, n° 86.

    6 Sachons les personnes morales de droit privé sont titulaire des droits fondamentaux comme les personnes physiques au sens de l'article 34 de la CESDH ou comme l'article 1er du protocole n° 1 qui provoque expressément du droit <<les personnes physiques ou morales >>, Yves GUYON, << Droits fondamentaux et personnes morales de droit privé >>, in Les droits fondamentaux, AJDA, 1998, n° spécial, p. 136 et s.

    7 Jean-Pierre MARGUENAUD, <<L'influence de la Convention européenne des droits de l'homme sur le droit français des obligations >>, in Le renouvellement des sources du droit, LGDJ, 1997, p. 45 et s.; J. MESTRE, <<Formation ou (contenu) des contrats et Convention européenne des droits de l'homme >>, RTD. civ., 1992, p.88, n°9 ; Anne DEBET,

    spectaculaire dans la matière est l'application des garanties procédurales de la CESDH aux relations d'affaires1.

    En adoptant la nature patrimoniale du droit en cause comme critère d'applicabilité de l'article 6 dans son volet civil, la CEDH a progressivement appliqué la Convention dans plusieurs litiges relatifs au droit des affaires. Toutefois, la question se pose pour savoir si ce prolongement jurisprudentiel peut aussi s'appliquer aux droits procéduraux tel que le droit a un procès équitable. Autrement dit, est-ce que l'article 6 peut bénéficier de l'effet horizontal et se retrouver appliqué dans les rapports entre particuliers dans le cadre de procédure d'arbitrage ou médiation? La réponse a cette question nous conduit revenir sur les frontières de l'article 6 et pourrait trouver un nouveau champ d'application dans le cadre des moyens extrajudiciaire de résolution de litige?

    Pour répondre a ces questions, notre analyse sera centrée sur l'article 6 et l'arbitrage puisque les organes de Strasbourg ont eu l'occasion de trancher sur l'articulation entre l'institution de l'arbitrage et la CESDH. L'arbitrage est-il étranger au champ d'application de l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme et les garanties d'un procès équitable lui sont-elles applicables? Telle est la question posée. Pourtant, on devra bien constater que la jurisprudence européenne est assez pauvre et que les quelques décisions rendues n'ont pas constamment la cohérence que l'on serait en droit d'espérer, en tous cas lorsqu'il s'agit de l'arbitrage volontaire.

    A vrai dire, cette question nous offre a cet égard, l'occasion de s'interroger sur la place de l'article 6 de la Convention non seulement au regard de l'arbitrage, mais plus généralement au regard de la voie extrajudiciaire (chapitre i), y compris la procédure UDRP (chapitre 2).

    L'influence de la Convention européenne des droits de l'homme sur le droit civil, Thèse du doctorat, soutenu le 5 janvier 2001, Nouvelle Bibliothèque de thèses, 2002.

    1 Natalie FRICERO, << Nouvelles applications de la CESDH aux procédures adaptées aux affaires >>, Droit et Patrimoine, no 74, septembre 1999, p. 73-78.

    Chapitre 1 : L'applicabilité potentielle de l'article 6 a la procedure UDRP:

    Quelles frontières pour le droit a un procès equitable

    En principe, le 1er alinéa de cet article accorde a toute personne le droit a ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale ' 1. La convention est effectivement imprécise au regard de la signification exacte du terme <<tribunal >>2, qui varie d'un pays a l'autre. De même les notions << contestations sur ses droits et obligations de caractère civil>> ou d'<< accusation en matière pénale>> sont également vagues. Par conséquent, le contenu du droit a un procès équitable risque d'être vidé de son sens. Pour autant, au travers de la technique des notions autonomes, la Cour a donné un sens commun pour ces deux notions qui désignent la véritable clé d'accès aux garanties du procès équitable, afin d'éviter de ne pas laisser le soin de les définir au droit interne, sous peine de voir l'article 6 donner naissance a un procès équitable << a géométrie variable >>. Cette technique a transformé le droit a un procès équitable en un vrai droit substantiel (Section i).

    La question qui se pose a cet égard, est de savoir si le droit a un tribunal n'interdit pas le recours a d'autres modes alternatifs de résolution de litiges? Est-ce que l'article 6 pourrait être appliqué dans les relations purement privées? Dans ces conditions, quelle en serait l'évolution demain? Quelles seraient les nouvelles orientations de la Cour européenne, avec ses méthodes d'interprétation qui lui permettent d'aller très loin? Estce que le procès équitable pourrait pénétrer dans le champ du droit des affaires, y compris les modes de résolution des litiges en ligne (Section 2)? Ou, a défaut, les rapports entre les particuliers constitueraient une nouvelle frontière de l'article 6?

    1 Le PIDCP de l'ONU emploie la même formule. Selon l'art. 14 § 1 a... Toute personne a droit a ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil . Dans le même sens, l'art. 8 de la convention interaméricaine.

    2 Franz MATSCHER, <<La notion de tribunal au sens de la convention européenne des droits de l'homme >>, in Le procès équitable et la protection juridictionnelle du citoyen, op. cit., pp. 29-47.

    Section 1: Le droit a un procès équitable; d'une garantie formelle a un droit

    substantiel

    L'interprétation extensive de l'article 6 par la CEDH vise a assurer a tout individu un procès équitable dans lequel il peut bénéficier des garanties fondamentales comme le caractère public des audiences, l'exigence d'un tribunal impartial et indépendant, ou le délai raisonnable du procès. L'idée est de garantir une bonne justice ou une justice idéale1 au niveau européen quelle que soit la divergence entre les droits internes des pays membres. A vrai dire, l'article 6 n'est plus qu'une simple garantie formelle qui contrôle l'irrégularité des procédures. Par la jurisprudence audacieuse de la CEDH, le droit a un procès équitable est transformé a un véritable d'expansion du type du big bang2. ~l apparalt aujourd'hui comme un droit substantiel (A), voire un droit fondamental, qui tend a l'emporter sur toute autre considération (B).

    A. La signification de l'article 6 comme un droit substantiel

    Selon la lecture extensive de la CEDH, la notion du procès équitable est appréciée non au regard de la nature de l'organe juridictionnel, mais au regard de l'effet de la procédure sur la détermination des droits de l'individu. Le procès équitable est devenu la norme processuelle de référence qui envahit tous les contentieux. Il est transformé en un droit substantiel. Cette transformation peut être aperçue d'un triple vu point de vue.

    §i. Le procès équitable; un critère d'appréciation du respect par les Etats des droits substantiels garantis par la convention

    Dans son contrôle sur la possibilité donné aux Etats membres de restreindre les obligations découlant de la convention3, le juge européen recourt a l'article 6 pour apprécier le degré de la proportionnalité des ingérences des Etats dans les droits

    1 Serge GUTNCHARD, << Le procès équitable, garantie formelle ou droit substantiel? >>, Philosophie du droit et droit économique, Mélanges Gérard Farjat, Ed. Prison-Roche, 1999, p. 141.

    2Serge Guinchard, ibid., p. 142.

    3 Article 16: <<Aucune des dispositions des articles 10, 11 et 14 ne peut être considérée comme interdisant aux Hautes Parties contractantes d&imposer des restrictions a l&activité politique des étrangers>> : Article 18: <<Les restrictions qui, aux termes de la présente Convention, sont apportées auxdits droits et libertés ne peuvent être appliquées que dans le but pour lequel elles ont été prévues.>>

    substantiels proclamés par la convention. La jurisprudence récente de la CEDH montre effectivement que le droit a un procès équitable joue un role de plus en plus important, en tant que critère d'appréciation de la proportionnalité des restrictions apportées par les Etats a l'exercice de droits substantiels garantis par la convention. Le juge européen insiste sur le fait que le processus décisionnel débouchant sur des mesures d'ingérence soit équitable et respecte les intérêts protégés par la convention.

    Ce constat peut être illustré par plusieurs espèces. Par exemple, l'affaire Hentrich c. France concernant une ingérence relative au droit au respect du bien (art. 1er du protocole additionnel), la Cour européenne, pour conclure a l'illégalité de l'ingérence résultant de l'exercice du droit de préemption accordé en matière foncière a l'administration fiscale, se fonde sur le fait que la procédure suivie n'a pas offert les garanties procédurales élémentaires: la Cour estime nécessaire de se prononcer sur la question de la légalité de l'ingérence. Si le système du droit de préemption ne prête pas a critiques en tant qu'attribut de la souveraineté de l'Etat, il n'en va pas de même lorsque son exercice est discrétionnaire et qu'en même temps la procédure n'est pas équitable. (...). Une décision de préemption ne peut avoir de légitimité en l'absence d'un débat contradictoire et respectueux du principe de l'égalité des armes, qui permette de discuter la question de la sous-évaluation du prix et, par voie de conséquence, la position de l'administration ~1.

    Dans le même esprit, la Cour européenne a fait appel au droit du procès équitable pour apprécier l'ingérence dans le droit a la vie privée ou familiale (art. 8). Ce fut le cas de l'affaire Mc Michael c. Royaume-Uni, concernant une procédure de placement devant la commission d'enfance, oü la CEDH a jugé que les mesures d'ingérence dans le droit a la vie familiale doivent non seulement respecter les intérêts protégées par l'article 8, mais aussi être prises après un processus décisionnel qui respecte le droit au procès équitable de l'article 6§1: Sans doute l'article 8 ne renferme-t-il aucune condition

    1CEDH, 22 septembre 1994, l'affaire Hentrich c. France, requête no13616/88, § 40-42, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..asp?item=6&portal=hbkm&action=html&highlight=l%u2019affaire%20%7C %2oHentrich%2o%7C%2oc.%2o%7C%2oFrance&sessionid=942o56&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    Dans le même sens, Gasus Dosier und Fördertechnik GmbH c/ Pays-Bas (23 février 1995, série A, n° 306-B) ; Air Canada c/Royaume-Uni (23 février 1995, série A, n° 316, § 46), disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=942o56&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    explicite de procédure, mais il faut que le processus décisionnel débouchant sur des mesures d'ingérence soit équitable et respecte comme il se doit les intérêts protégés par l'article 8 ))1.

    L'exercice par la Cour d'un double contrôle sur le respect des exigences du procès équitable, d'abord au titre de l'article 6 puis dans le cadre d'un article garantissant un droit substantiel, pourrait être, d'une certaine manière, portée ou tout au moins de superfétatoire, dans la mesure oü aucune question distincte ne se poserait une fois le premier examen opéré. Ce point de vue est contesté par la Cour au nom de la différence de nature des intérêts protégés par les droits processuels et les droits substantiels. Ainsi, l'exigence procédurale inhérente a l'article 8 s'applique non seulement, comme le prévoit l'article 6-1, aux instances judiciaires, mais couvre aussi les procédures administratives, et même plus généralement va de pair avec l'objectif plus large consistant a assurer le juste respect de la vie familiale2.

    Or, comme souligne le professeur Jean-François Flauss, le champ d'application des garanties procédurales dans le cadre d'un contrôle de proportionnalité, n'est plus limité aux seules procédures judiciaires au sens de l'article 6; par le détour du contrôle de proportionnalité exercé au titre des articles 8-2 et suivants de la Convention, les instances de Strasbourg sont amenées a faire du droit au procès équitable une exigence impérialiste . D'une certainefacon, elles s'affranchissent des bornes pourtant fort élastiques imposées par l'article 6-i en matière d'applicabilité du principe de l'équité de la procédure)) 3. Il est constant que la Cour européenne sanctionne, au travers de la violation des droits matériels, le non-respect des droits

    1CEDH, 24 février 1995, Mc Michael c/Royaume-Uni, requête no16424/90§ 87, disponible sur

    http, cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=6&portal=hbkm&action=html&highlight=%c%ichael%20%7C%20 c/%20%7C%20Royaume-Uni&sessionid=942056&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    2Mc Michael c/ Royaume-Uni, op. cit., § 91; La Cour souligne la différence de nature des intérêts protégés par les articles 6 par. i et 8 (art. 6-i, art. 8). Ainsi, l'article 6 par. i (art. 6-i) accorde une garantie procédurale, a savoir le "droit a un tribunal" qui connaltra des "droits et obligations de caractère civil" d'un individu ; tandis que l'exigence procédurale inhérente a l'article 8 (art. 8) non seulement couvre les procédures administratives aussi bien que judiciaires, mais va de pair avec l'objectif plus large consistant a assurer le juste respect, entre autres, de la vie familiale. La différence entre l'objectif visé par les garanties respectives des articles 6 par. i et 8 (art. 6-i, art. 8) peut, selon les circonstances,justifier l'examen d'une même série defaits sous l'angle de l'un et l'autre articles (art. 6, art. 8) .

    3Jean-François FLAUSS, <<Actualité de la convention européenne des droits de l'homme >>, AJDA, 1995, p. 721.

    procéduraux1. Certains juges proclament ouvertement un élargissement de la politique jurisprudentielle, consistant a reconnaltre l'existence de garanties de procédure comme incluses dans les dispositions dites substantielles de la Convention2.

    En tout état de cause, il est évident que la Cour européenne s'attache a la prise en compte des garanties du procès équitable dans le cadre du contrôle de proportionnalité des ingérences dans des droits substantiels. Ce contrôle du respect de l'équité des procédures contribue positivement au renforcement de la protection des droits individuels. Cela dit que le droit au procès équitable devient par ses interférences avec la protection des droits substantiels, la << pierre angulaire du droit de la convention >> 3.

    §2. Le procès equitable; un moyen de protection des droits substantiels non garantis par la Convention

    La prise en considération du respect des garanties du procès équitable n'est cependant pas circonscrite en ce qui concerne la protection des droits consacrés par la convention, il joue aussi un rôle pour élargir l'ordre conventionnel afin de protéger des droits non formés. Tel est le cas du droit de ne pas s'auto-incriminer, droit non garanti formellement par la Convention. Par le biais de l'article 6 § 2 , la Cour a rappelé que si l'article 6 de la Convention ne le mentionne pas expressément, le droit de se taire et le droit de ne pas contribuer a sa propre incrimination sont des normes internationales généralement reconnues qui sont au coeur de la notion de procès équitable consacrée par ledit article, dans la mesure oü le droit de ne pas contribuer a sa propre incrimination présuppose que, dans une affaire pénale, l'accusation cherche a fonder son argumentation sans recourir a des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les pressions, au mépris de la volonté de l'accusé. En ce sens, ce droit est étroitement lié au principe de la présomption d'innocence consacré a l'article 6 par. 2 de la Convention

    1 CEDH 7 aoüt 1996, 2ubani c/ Italie. En l'espèce, la durée des procédures engagées par les requérants pour obtenir réparation d'une expropriation ilégale est considérée comme constitutive d'une rupture du << juste équiibre>> exigé par l'article 1er du protocole additionnel ; disponible sur

    http, cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=4&portal=hbkm&action=html&highlight=]ubani%20%7C%20c % 20%7C%20Italie&sessionid=942056&skin=hudoc-fr

    2 MM. Martens et Matscher (opinion dissidente sous CEDH 25 avril 1996, Gustafsson c/ Suede), cité par JeanFrançois FLAUSS, AJDA 1996 p. 1005

    3Jean-François FLAUSS, ibid., p. 722.

    (art. 6-2) ))1.

    De la même maniéré, malgré le fait que la Convention ne garantit pas un droit a des prestations invalidité, la Commission et la Cour ont admis qu'une requérante pouvait faire valoir l'existence d'une discrimination fondée sur le sexe dans le refus du Tribunal des assurances de lui accorder une telle rente; le Tribunal en effet avait motivé son refus sur l'idée que les femmes cessaient généralement toute activité professionnelle lorsqu'elles devenaient mères de famille, argument qui ne pouvait être opposé aux hommes! La Cour y voit une motivation discriminatoire injustifiée en violation du droit a un procès équitable: la progression vers l'égalité des sexes est aujourd'hui un but important des Etats membres du Conseil de l'Europe, et seules des considérations très fortes peuvent amener a estimer compatible avec la Convention une telle différence de traitement. La Cour n'aperçoit rien de tel en l'espèce. Elle conclut donc que faute de justification objective et raisonnable, il y a eu infraction a l'article 14 combiné avec l'article 6 par. 1 (art. 14+6-1) .2

    Or, l'innovation le plus remarquable en la matière est celle de la consécration au nom du droit a un procès équitable, dans l'affaire Gradinger c. Autriche3, du principe non bis in idem, un droit qui n'est garanti qu'à titre optionnel dans la Convention, au Protocole n° 7, article 4 § l4. A savoir, la France comme l'Autriche (visée par la dite

    1CEDH, 12 décembre 1996, Saunders c. Royaume-Uni, disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/portal.asp?sessionld=946293&skin=hudoc-fr&action=request (consulté le 15 juin 2007).

    2CEDH, 24 juin 1993, Schuler-2graggen c. Suisse, requête no1 451 8/89, disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?item=2&portal=hbkm&action=html&highlight=SchulerZgraggen&sessionid=946293&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    3 Commission, 19 mai 1994 et CEDH, 23 octobre 1995, affaire Gradinger c. Autriche, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=*radinger%20%7C%20c. %20%7C%20Autriche&sessionid=946293&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    4 Article 4 - Droit a ne pas être jugé ou puni deux fois

    1. Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément a la loi et a la procédure pénale de cet Etat.

    2. Les dispositions du paragraphe précédent n'empêchent pas la réouverture du procès, conformément a la loi et a la procédure pénale de l'Etat concerné, si des faits nouveaux ou nouvellement révélés ou un vice fondamental dans la procédure précédente sont de nature a affecter le jugement intervenu.

    3. Aucune dérogation n'est autorisée au présent article au titre de l'article 15 de la Convention >>.

    affaire), ont ratifié le Protocole avec des réserves d'interprétation et notamment en ce sens que le principe non bis in idem ne serait applicable que pour des poursuites engagées a propos d'infractions relevant du sens de leurs codes pénaux respectifs et non au sens de la Convention. La Cour a jugé qu'en excluant toutes les procédures qui ne seraient pas pénales au sens du Code pénal autrichien, la déclaration [autrichienne] n'offre pas à un degré suffisant la garantie qu'elle ne va pas au-delà des dispositions explicitement écartées par l'Autriche . En invalidant les réserves autrichiennes la Cour fait entrer le principe non bis in idem dans la matière pénale au sens de l'article 6 de la Convention, dans les procédures pénalisées de l'article 6, celles pour lesquelles le droit t un procès équitable est applicable. Ce dernier consacre ainsi un droit optionnel, en faisant tomber des réserves d'interprétation.

    §3. Le procès equitable, un droit substantiel en tant que tel

    Comme le remarque le doyen Serge Guinchard, le droit a un procès équitable occupe une place éminente dans le mécanisme de la CEDH a la fois sur le plan quantitatif1 que qualitatif. D'une part, le juge strasbourgeois considère le droit du procès équitable comme un pilier primordial dans la construction de l'ordre public européen et lui confie une place <<éminente>> dans une société démocratique. D'autre part, en vingtdeux ans, entre l'arrêt Golder du 21 février 1975 et l'arrêt Homsby du 19 mars 1997, la Cour européenne a finalement construit un droit au procès équitable extrêmement large, droit qui comprend désormais trois volets : le droit d'accès a un tribunal, le droit a une bonne justice dans sa double composante d'organisation du tribunal (indépendance, impartialité) et de droit a garanties dans le déroulement de l'instance (droit a un procès équitable au sens strict, publicité de l'audience et délai raisonnable).

    Dans les trois cas, il s'agit bien d'un véritable droit substantiel, a caractère

    1 L'article 6 est depuis plusieurs années la source d'une jurisprudence européenne quantitativement\ et qualitativement importante. Les tableaux récapitulatifs des objets des affaires, établis chaque année depuis 1999 par les services de la Cour, montrent que entre 1999 et 2001, la grande majorité des arrêts prononcés par la Cour concernaient l'art. 6 : une violation des dispositions de cet article était alléguée dans 131 des 177 affaires tranchées en 1999, soit dans 74% des décisions rendues par la Cour cette année-là ; il était invoqué dans 81% des affaires tranchées en 2000 (565 décisions sur 695), et dans presque 70% en 2001 (615 décisions sur 888). Guide d'application de l'article 6, précis des droits de l'homme, n° 3, disponible sur

    http://www.echr.coe.int/library/digdoc/HR%20handbooks/handbook03 fr.pdf (consulté le 29 janvier 2007).

    fondamental, par lequel chaque individu doit bénéficier d'un accès << effectif et concret>> a un tribunal1. A ce propos, le doyen Serge Guinchard indique que: <<le procès équitable peut devenir un formidable instrument de pouvoir entre les mains de la Cour européenne (...) il peut faire exploser des situations bien acquises aujourd'hui en droit national et pour lesquelles on ne penserait pas a l'application des prescriptions de la Convention, provoquant la mainmise des organes de la Convention sur la libre détermination de nos règlesjuridiques >>2. Conformément a cette constatation, la CEDH a donné une acception autonome a la notion du tribunal qui a abouti a une extension significative de l'économie portée par l'article 6 en matière civile et pénale. Une extension qui a complètement bouleversé les droits internes des pays membres, tel est le cas pour la France.

    B. Les contentieux civils ; une illustration de la substantialité de l'article 6
    La Cour européenne a été amenée a préciser le champ d'application de l'article 6.
    Elle adopte a cet égard, sa propre définition des termes << caractère civil>> 3 et << matière
    pénale >> 4 selon l'Etat concerné. Elle leur a donné un sens européen qui se définit de

    1 Daniel BELLET contre France, requête no 23805/94, rapport de la Commission, adopté le 19 janvier 1995: Arrêt principale et satisfaction équitable de la CEDH (Chambre), 4 decembre1995, disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/portal.asp?sessionld=946293&skin=hudoc-fr&action=request (consulté le 15 juin 2007).

    2 Serge GUTNCHARD, <<Le procès équitable, garantie formelle ou droit substantiel? >>, in Philosophie du droit et droit économique, Mélanges Farjat, Ed. Frison-Roche, 1999, pp. 139-171, citation p. 169.

    3Notre analyse sera centrée sur la notion automne de la notion de contestation sur des droits et des obligations du caractère civil dans la mesure oh la procédure de l'UDRP est très loin de la matière pénale. V0 chapitre 2, Titre 1. 4 Le terme << accusation>> signifie selon la CEDH comme la notification officielle, émanant de l'autorité compétente, du reproche d'avoir accompli une infraction pénale ~. Quant a la << matière pénale >>, la Cour européenne l&a définie pour la première fois, dans sa décision Engel et autres c. Belgique, du 8 juin 1976, oü il était question de déterminer si l'article 6§1 s'applique aux sanctions disciplinaires contre des soldats néerlandais accomplissant leur service miitaire. Selon la Cour la notion de <<matière pénale>> se définit par trois critères: la qualification donnée par le droit interne de l&Etat en cause (qui n&a qu&une valeur relative), la nature même de l'infraction (a savoir la transgression d&une norme générale ayant un caractère a la fois dissuasif et répressif), et le degré de sévérité de la sanction que risque de subir l'intéressé. Un grand nombre de matières, non pénales au sens d'un droit interne, sont entrées dans le champ d'application de l'article 6; mais, également, la Cour européenne a pu considérer qu'une sanction qui était pénale en droit interne ne relevait pas de la matière pénale au sens de l'article 6. V0 CEDH, 27 février 1980, Deweer c. Belgique, requête no 6903/75, § 42, disponible sur

    manière autonome par rapport a la qualification donnée aux différents contentieux par les droits internes des Etats membres, et ne sont donc pas identiques a celle des concepts homonymes internes. Pour autant, il faut noter que le droit a un procès équitable ne s'applique pas a tous les litiges.

    §i. La patrimonialité comme critère d'application de l'article 6

    L'applicabilité de l'article 6, § 1 en matière civile est conditionnée par l'existence d'une << contestation sur un droit>> a <<caractère civil >>. La question qui se pose logiquement est de savoir quelle est la signification exacte de cette stipulation1.

    En premier lieu, la CEDH exige d'une manière générale que le droit contesté soit défendable et reconnu en droit interne. Dans l'affaire James et autres c. Royaume Uni oü quatre requérants se plaignent que, dans le système des lois britanniques de 1967 et 1974 relatives au rachat par le locataire, les propriétaires menacés de perdre leur propriété n'ont aucun moyen, une fois les critères définis par la législation réunis de contester le droit des preneurs au rachat. Ils avancent la thèse selon laquelle il y aurait violation de l'article 6 puisque aucun tribunal ne peut se pencher sur les circonstances. La Cour a refusé cet argument en jugeant que L'article 6 par. i (art. 6-i) ne vaut que pour les "contestations" relatives a des "droits et obligations" - de caractère civil - que l'on peut dire, au moins de manière defendable, reconnus en droit interne; il n'assure par lui-même aux "droits et obligations" (de caractère civil) aucun contenu materiel déterminé dans l'ordrejuridique des Etats contractants 2.

    Par ailleurs, le droit interne n'est pas la seule référence3 pour l'interprétation de la contestation sur un droit au sens de l'art. 6§1. Cette position a été affirmée pour la

    http, cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=de.eer&sessionid=1032 5868&skin=hudoc-fr (consulté le 31 janvier 2007); CEDH, 8 juin 1976, Engel et autres c. Belgique, requête no 5100/71; 5101/71; 5102/71; 5354/72; 5370/72, §§ 81 a 83, disponible sur

    http, cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=engel&sessionid=103258 68&skin=hudoc-fr (consulté le 31 janvier 2007).

    1 Gérard GONZALES, <<Le sens européen de la notion de "contestations sur des droits et obligations de caractère civil" >>), in La diffusion du modèle européen du procès equitable, op. cit., pp. 16-32.

    2CEDH, 21 février 1986, James et autres c. Royaume Uni, requête no 8793/79, § 81, disponible sur

    http, cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=3&portal=hbkm&action=html&highlight=Pames%20%7C%20et%2 0%7C%20autres&sessionid=10292850&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).

    3 FREDERIC SUDREF., op. cit., p. 334.

    première fois dans l'arrêt König c. Allemagne, dans laquelle la Cour a conclut que ~ l'autonomie de la notion de "droits et obligations de caractère civil", elle nejuge pas pour autant dénuée d'intérêt, dans ce domaine, la législation de l'Ltat concerné. C'est en effet au regard non de la qualification juridique, mais du contenu matériel et des effets que lui confère le droit interne de l'Etat en cause, qu'un droit doit être considéré ou non comme étant de caractère civil au sens de cette expression dans la Convention. Il appartient a la Cour, dans l'exercice de son contrôle, de tenir compte aussi de l'objet et du but de la Convention ainsi que des systèmes de droit interne des autres Etats contractants ~1. Dans le même ordre d'idées, dans son arrêt Posti et Rahko c. Finlande, la Cour a affirmé que l'article 6 § 1 de la Convention ne vise pas a créer de nouveaux droits maté riels dépourvus de base légale dans l'ordrejuridique de l'Etat contractant, mais a offrir une protection procédurale pour des droits déjà reconnus en droit interne. Il convient cependant de conférer au terme de droit une portée autonome sous l'angle de l'article 6 § 1 de la Convention 2.

    En deuxième lieu, la CEDH accorde également un sens autonome pour la notion de << droits et obligations à caractère civil>>. D'une manière générale, la Cour estime que cette expression englobe toute procédure dont l'issue est déterminante pour des droits et obligations de caractère privé~3. Donc, le champ d'application de l'article 6 n'est pas limité aux contestations de droit privé au sens classique du terme; c'est-à-dire les litiges entre des particuliers, ou entre un particulier et l'Etat dans la mesure oü ce dernier a agi comme personne privée, soumise au droit privé, en excluant spécialement les litiges entre un particulier et l'Etat en tant que détenteur de la puissance publique. Dans son arrêt Ringeisen c. Autriche du 16 juillet 1971, la Cour a formulé d'une manière solennelle sa position en jugeant que pour que l'article 6 par. 1 (art. 6-1) s'applique a une contestation, il n'est pas nécessaire que, comme l'ont admis la majorité de la Commission et le Gouvernement, les deux parties au litige soient des personnes privées.

    1CEDH, 28 juin 1978, König c. Allemagne, requête no 623 2/73, § 88-89, disponible sur

    http, cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=G%N6nig%20%7C%20c. %20%7C%20Allemagne&sessionid=10296860&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).

    2 CEDH, 24 septembre 2002, Posti etRahko c. Finlande, requête no 27824/95, § 51, disponible sur

    http, cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=posti&sessionid=102928 50&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).

    3König c. Allemagne, op. cit., § 90.

    Le libellé de l'article 6 par. i (art. 6-i) est beaucoup plus large; les termes francais "contestations sur (des) droits et obligations de caractère civil" couvrent toute procédure dont l'issue est déterminante pour des droits et obligations de caractère privé. Le texte anglais, qui vise "the determination of (...) civil rights and obligations", confirme cette interprétation ))6.

    En conséquence, l'issue de la procédure est le critère déterminant pour que l'article 6 alinéa 1 soit appliqué, peu importe la nature de la loi selon laquelle la contestation doit être tranchée (civile, commerciale, administrative, etc.), et quel que soit la nature de l'autorité compétente en la matière (juridiction de droit commun, organe administratif, etc.). Le seul critère qui compte est le caractère privé du droit en question. Ce caractère se traduit par une définition concrète selon laquelle le droit contesté doit avoir une nature patrimoniale ou personnelle. Autrement dit, le droit en question peut avoir un caractère civil, lorsqu'il a un objet patrimonial et se fonde sur une atteinte alléguée a des droits eux aussi patrimoniaux2, quelle que soit l'origine du différend, même s'il relève de la compétence des juridictions administratives3. A ce titre, la Cour a jugé que la plainte avec constitution de partie civile en droit français tendant a la réparation d'un préjudice résultant d'une infraction, impose l'applicabilité de l'art 6 al.

    1 <<aux procédures relatives aux plaintes avec constitution de partie civile, et ce y compris durant la phase de l'instruction prise isolément ))4, sous la condition que la victime ait renoncé de façon non équivoque a l'exercice de son droit a réparation.

    Donc, il résulte que la notion de <<droits et obligations de caractère civil>>, reçoit une acception très large par la CEDH oü <<le critère d'incidence d'une situation ou d'un acte sur les droits patrimoniaux du justiciable apparaIt comme le critère décisif ))5 de

    1CEDH, 16 juillet 1971, Ringeisen c. Autriche, requête no 2614/65, § 94, disponible sur

    http, cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=2&portal=hbkm&action=html&highlight=ringeisen&sessionid=10 296860&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).

    2 FREDERIC SUDRE, op. cit., p. 335.

    3CEDH, Editions Périscope c. France, 26 mars 1992, requête n°11760/85, § 40, disponible sur

    http, cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=periscope&sessionid=10 296860&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).

    4CEDH, 12 février 2004, Perez c. France, requête no 47287/99, § 66, disponible sur

    http, cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=3&portal=hbkm&action=html&highlight=pereR&sessionid=10296 860&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).

    5Frédéric SUDRE, op. cit., p. 335.

    l'applicabilité de l'article 6. Cette lecture extensive de l'article 6 a ouvertement poussé le juge européen a couvrir plusieurs types des procédures sous le parapluie de la notion autonome de << contestation en matière civile >>.

    §2. Le droit a un procès equitable ; une notion < attrape tout>>

    On a vu que la jurisprudence dynamique et évolutive de la CEDH accorde une acception matérielle et non pas formelle ou organique de la notion de << contestation sur des droits et obligations de caractère civil >>. Cela dit, qu'un droit peut être de caractère public ou administratif au sens du droit interne, mais il peut avoir un caractère civil au sens européen. On peut actuellement constater que l'acception matérielle du droit a caractère civil a conduit la juridiction européenne a procéder a une extension << tous azimuts>>1 de l'article 6, en l'imposant aux contentieux inédits2.

    D'une manière générale, le critère de la patrimonialité du droit a permis au juge européen également de considérer comme de <<caractère civil>> de nombreux contentieux classiquement de droit public3. On peut citer par exemple, l'application de l'article 6 aux contentieux devant le conseil de médecine4, la procédure disciplinaire ordinale des avocats5, aux procédures relatives au licenciement d'un employé par une

    1prédéric SUDRE, ibid., n° 206, p. 335.

    2 Virginie CLAUDE et Nicolas RAMBION, <<La judiciarisation fondée sur le critère du caractère civil des droits et obligations en cause >>, in La diffusion du modèle européen du procès equitable, op. cit., pp. 137-188.

    3 Dans une motivation européenne, le Conseil d&Etat a fait usage du critère de la patrimonialité lorsqu&il fait entrer dans le champ de la << matière civile >> un litige relatif a l&institution d&une redevance aéroportuaire pour service rendu a un usager du service public, en l'espèce, transport aérien public (CE, Avis, 16 févier 2001, Syndicat des compagnies aériennes autonomes, AJDA, 2002, 341, note D. Sabourault). Le critère de la patrimonialité a été également utilisé dans un contentieux oü des intérêts moratoires contractuels dus aux entreprises titulaires de marchés publics (CE, 5 juillet 2004, Société sud parisienne de construction, AIDA, 2004,2216, note J.-P. Markus). Les arrêts sont consultables sur http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/RechercheSimpleJade.jsp (consulté le 31 janvier 2007).

    4 CEDH, 23 juin 1981, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique, requête no 6878/75; 7238/75, § 45 a 51, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 view.aspIitem=4&portal=hbkm&action=html&highlight=le`20`7C`20compte& sessionid=10296860&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).

    5CEDH, 30 novembre 1987, H. c. Belgique, requête no 8950/80, § 47 et 48, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 view.aspIitem=13&portal=hbkm&action=html&highlight=H&sessionid=1029686 0&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007). Récemment, le Conseil a fait un virage spectaculaire par sa décision en Assemblée, du 14 février 1996, a l'occasion d'un recours en annulation contre l'article 192 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, pour admettre que l'article 6 §1 imposant la publicité des débats, est applicable

    entreprise privée1, aux litiges concernant la sécurité sociale2, un arrêté préfectoral concernant une procédure d'expropriation3, aux litiges de fonction publique4, ou aux juridictions financières5.

    aux juridictions disciplinaires qui statuent sur des contestations portant sur des droits et obligations de caractère civil: qu'il résulte de ces dispositions que l'avocat concerné a droit, des lors qu'il enfait la demande, a ce que sa cause soit entendue publiquement, le conseil de l'Ordre gardant lafaculté de ne pas accéder a cette demande si la publicité de l'audience est susceptible de porter atteinte a un secret protégé par la loi; que des lors, les dispositions précitées de l'article 192 du décret atta qué ne sont pas contraires aux stipulations de l'article 6-i de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertésfondamentales . Dans le même sens, Cass. Civ., ch. 1, 10 Janvier 1984, n° de pourvoi : 82-16968, disponible sur

    http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=104071&indice=15&table=CASS&ligneDeb=1 (consulté le 29 janvier 2007).

    1 CEDH, 6 mai 1981, Buchholz c. Allemagne, requête no 7759/77, § 42, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 view.asp?item=19&portal=hbkm&action=html&highlight=BuccliolR%20%7C%20c. %20%7C%20Allemagne&sessionid=10309276&skin=hudoc-fr (consulté le 31 janvier 2007): En le même sens, mais au regard d'un agent contractuel par l'administration; CEDH, 26 octobre 1993, Darnell c. Royaume-Uni, requête no 15058/89, disponible sur

    http://cmiskp.ec hr.coe.int/tkp697/view.asp?item=6&portal= hbkm&action= html& hig hlig ht=darnell&sessionid=6G.q 09276&skin=hudoc-fr (consulté le 31 janvier 2007).

    2 CEDH, 29 mai 1986, Feldbrugge c. Pays-Bas, requête no 8562/79, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 view.asp?item=3&portal=hbkm&action=html&highlight=Neldbrugge%20%7C%20 c.%20%7C%20Pays-Bas&sessionid=10309276&skin=hudoc-fr (consulté le 31 janvier 2007): CEDH, 26 février 1993, Salesi c. Italie, requête no13023/8, disponible sur

    http://cmiskp.echr.coe.int/tkpl97/view.asp?item=6&portal=hbkm&action=html&highlight=Salesi%2o%7C%2oc.% 20%7C%2OItalie&sessionid=10.q09276&skin=hudoc-fr (consulté le 31 janvier 2007): CEDH, 9 décembre 1994, Schouten etMeldrum c. Pays-Bas, disponible sur

    http://cmiskp.echr.coe.int/tkpl97/view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Schouten%2o%7C%2oe t%2o%7C%2oMeldrum%2o%7C%2oc.%2o%7C%2oPays-Bas&sessionid=lo.qo9276&skin=hudoc-fr (consulté le 31 janvier 2007).

    3 CEDH, 28 mars 2000, 2anatta c. France, requête n° 38042/97, § 23 à25, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Ranatta%20%7C%20c.% 20%7C%20France&sessionid=10315248&skin=hudoc-fr (consulté le 31 janvier 2007); CEDH, 21 février 1997, Guillemin c. France, § 23 et s: CEDH, 25 octobre 1989, Allan Jacobsson c. Suede, § 73. Les arrêts sont consultables sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=10315248&skin=hudoc-fr (consulté le 31 janvier 2007).

    4 MEHMET ONCU, Lafonction publique et l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, mémoire de DEA de Droit public, Bruylant, 2004, p. 22 et s. CEDH, Pellegrin c. France, du 8 décembre 1999, § 64 a 66, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=pellegrin%20%7C%20c. %20%7C%20France&sessionid=10315248&skin=hudoc-fr (consulté le 31 janvier 2007).

    5 CEDH, 7 octobre 2003, Richard-Dubarry c. France, requête no 53929/00, disponible sur

    Cette tendance européenne a obligé le Conseil d'Etat comme la Cour de Cassation a admettre la judiciarisation des procédures devant plusieurs instances qui n'ont pas le caractère du tribunal au sens du droit interne; tel est le cas pour le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens1, le Conseil de la propriété industrielle2, le Conseil supérieur de l'éducation a l'encontre d'un chef d'établissement (interdiction temporaire de diriger un établissement libre d'enseignement secondaire )3, ou le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche a l'encontre d'un étudiant ( exclusion définitive de l'Université) 4, la Commission centrale d'aide sociale (CCAS)5, les commissions départementales des travailleurs handicapés, des mutilés de guerre et assimilés (CDTH)6, les Unions de recouvrement de cotisations de Sécurité sociale et

    http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/portal.asp?sessionld=10315248&skin=hudoc-fr&action=request (consulté le 31 janvier 2007). CEDH, 12 avril 2006, Martinie c. France, requête no 58675/00, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Martinie%20%7C%20c. %20%7C%20France&sessionid=10315248&skin=hudoc-fr (consulté le 31 janvier 2007).

    1 CE, 23 janvier 1998, requête du M. Bernard Doutres, n° 175820, disponible sur http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=136658&indice=1&table=JADE&ligneDeb=1 (consulté le 29 janvier 2007).

    2 CE, 17 mai 1999, requête des M. et Mme André LEBRETON, disponible sur http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=121925&indice=1&table=JADE&ligneDeb=1 (consulté le 29 janvier 2007).

    3CE, 10 janvier 2000, requête du M. Claude Massard, n° 190041, disponible sur http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=167723&indice=17&table=JADE&ligneDeb=1

    4CE, 19 janvier 2000, requête de Mlle Sandrine Pawlowski, n° 187353; CE, 3 novembre 1999, requête du M. Zurmely, n° 203748; CE, 7 juin 2000, requête du M. Ralph Zurmely, n° 206362. Les arrêts sont consultables sur http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/RechercheSimpleJade.jsp (consulté le 29 janvier 2007).

    5 CE, 29 juillet 1994, requête du département de l'lndre, n° 111251; chrono L. Touvert et J.-H. Stahl, AJDA, 1994, p. 691; a une décision de la CCAS refusant l'octroi q'une prestation d'aide sociale (CE, 27 mars 1998, requête du département de Saône-et-Loire, n° 145512) ; a la récupération d'un trop-perçu au titre du RMI (CE, Ass., 6 décembre 2002, Trognon, AJDA, 2002, 1418, obs. C. Biget) ; a une procédure relative a la prise en charge par l'Etat de cotisations patronales de Sécurité sociale acquittées par un college privé sous contrat (CE, Avis, 5 décembre 1997, requête de Mme Lambert n° 140032, AJDA, 1998, 167, obs. T.-X. Girardot et F. Raynaud) ; a une décision de la commission contentieuse des soins gratuits de refus de prise en charge d'une cure thermale (CE, 3 décembre 2003, requête de la pharmacie du soleil, n° 246134) ; a une procédure relative a l'allocation d'une pension de retraite (CE, Avis, 3 novembre 2003, requête du M. Saad, n° 256334, AJDA, 2003, 2120). Les arrêts sont consultables sur

    http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/RechercheSimpleJade.jsp (consulté le 31 janvier 2007).

    6CE, 6 décombre 2002, requête de M. et Mme Johnny X, n° 223088, AIDA, 2002, 1418, obs. C. Biget : disponible sur http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=171865&indice=1&table=JADE&ligneDeb=1 (consulté le 31 janvier 2007).

    d'allocations familiales (URSSAF)1, ou a la procédure de jugement des comptes des comptables publics2. Bref, le juge français montre d'une manière sans équivoque qu'il est un bon élève du juge strasbourgeois en ce qui concerne l'élargissement du volet civil de l'article 6 § 1 de la CESDH.

    Nonobstant, comme le remarque le professeur Sudre, <<le juge européen semble vouloir << verrouiller>> le champ d'application du volet << civil>> de l'article 6 §1 >>3. Dans l'affaire Ferrazzini c. Italie, le juge européen a posé le principe selon lequel les notions autonomes contenues dans la Convention doivent être interprétées a la lumière des conditions de vie actuelles dans les sociétés démocratiques n'autorise pas la Cour a interpréter l'article 6 § 1 comme si l'adjectif civil )), avec les limites que pose nécessairement cet adjectif a la catégorie des droits et obligations)) a laquelle s'applique cet article, nefigurait pas dans le texte ))4. Il demeure donc qu'il ya des zones d'exclusion du champ d'application de l'article 6, qui frappe effectivement quatre catégories principales de justiciables: les fonctionnaires participant a l'exercice de la puissance publique, les contribuables5, les étrangers (ex les procédures d'éloignement du territoire, d'expulsion, d'extradition ou d'octroi d'asile politique)6, et les électeurs1.

    1Cass. Civ., 2e ch., 16 novembre 2004, Colas (Sté) c. URSSAF de Paris, D. 2005, 1067, note N. Fricero.

    2 CE, 19 juin 1991, Ville d'Annecy, Rec., p. 242, RFDA, 1992, p. 521, chrono H. Labayle et F. Sudre; CE, 3 avril 1998, Mme Barthelemy, concl. M. Lamy, RFDA, 1998, p. 1040; CE, 27 octobre 2000, requête de Mme Desvigne, RFDA, 2001, 737, conc!. A. Seban. Les arrêts sont consultables sur http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=118347&indice=1&table=JADE&ligneDeb=1 (consulté le 31 janvier 2007).

    3Frédéric SUDRE, op. cit., p. 342

    4 CEDH, 12 juillet 2001, Ferrazzini c. Italie, § 30; JCP éd. G., 2002, I, 105, n° 6, chrono Frédéric SUDRE: disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Ferrazzini%20%7C%20ci %20%7C%20Italie%2C&sessionid=10323769&skin=hudoc-fr (consulté le 31 janvier 2007).

    5Ferrazzini c. Italie, op.cit., § 29.

    6CEDH, 5 octobre 2000, Maaouia c. France, requête no 39652/98, §§ 38 et 39, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 view.asp?item=2&portal=hbkm&action=html&highlight=Maaouia%20%7C%20c. %20%7C%20France&sessionid=10323769&skin=hudoc-fr (consulté le 31 janvier 2007). Dans cette optique, le Conseil d'Etat comme la Cour de cassation prennent une position identique a celle-ci de la juridiction européenne. CE, 7 novembre 1990, requête de Mme Serwaah, Rec., 311; CE, M. Simozrag, 29 décembre 1997, n° 165590; CE, 28 avril 2000, requête de Mme Aiyu Qu, RFDA, 2000,707. Les arrêts sont disponibles sur http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=78866&indice=1&table=CASS&ligneDeb=1 (consulté le 31 janvier 2007). Cass. crim., 4 mai 2000, D. 2000, n° 23, disponible sur

    La raison principale de cette exclusion repose sur le fait que les catégories précitées impliquent des litiges de nature administrative et discrétionnaire qui appartiennent aux noyaux durs des prérogatives de la puissance publique: Il n 'est pas davantage suffisant en soi de de'montrer qu'un litige est de nature "patrimoniale". Il peut exister des obligations "patrimoniales" ai l'égard de l'Etat ou de ses autorite's subordonne'es qui, aux fins de l'article 6 par. i (art. 6-i), doivent passer pour relever exclusivement du domaine du droit public et ne sont, en conse'quence, pas couvertes par la notion de "droits et obligations de caractère civil " ~+.

    Il en résulte que la distinction classique entre le droit prive~ le droit public, et entre juridiction ordinaire ou administrative, n'existe plus. Sous cet angle, la notion de tribunal apparalt appréciée non selon la nature de l'organe juridictionnel, mais au regard de l'effet de la procédure sur la détermination des droits de l'individu. Le procès équitable est devenu la norme processuelle de référence qui envahit tous les contentieux. A cet égard, la question se pose de savoir oü si situent les procédures extrajudiciaires par rapport au champ d'application de l'article 6 de la CESDH. C'est ce qu'on examinera par la suite.

    http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=78866&indice=1&table=CASS&ligneDeb=1 (consulté le 31 janvier 2007).

    1 CEDH, 21 octobre 1997, Pierre-Bloch c. France, requête n° 120/1996/732/938, §§ 38 à51 ; RFDA, 1998, 999, note P. Jan ; AJDA, 1998, 65, note Burgorgue-Larsen; disponible également sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=PierreBloch%20%7C%20ci%20%7C%20France&sessionid=10323769&skin=hudoc-fr (consulté le 31 janvier 2007). 2CEDH, 9 décembre 1994, Shouten etMeldrum c. Pays-Bas, § 50, JCP éd. G., 1995 : disponible sur http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Shouten%20%7C%20et %20%7C%20Meldrum%20%7C%20c.%20%7C%20Pays-Bas&sessionid=10323769&skin=hudoc-fr (consulté le 31 janvier 2007); CE, 2 juin 1989, requête du Bussoz, n° 62979, Rec., p. 563 ; CE, 28 avril 1993, requête du Legros, n° 112072, p. 487. Les arrêts sont consultables sur

    http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=118347&indice=1&table=JADE&ligneDeb=1 (consulté le 31 janvier 2007) ; Cass. Ass. plén., 14 juin 1996, Kloeckner, JCP éd. G, 1996, II, 22692, concl. Y. Monnet : disponible sur http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=78866&indice=1&table=CASS&ligneDeb=1 (consulté le 31 janvier 2007).

    Section 2 : L'expérience des organes de Strasbourg en matière d'arbitrage

    On sait bien que grace a l'interprétation autonome la CEDH a conduit a une application de l'article 6 de la CESDH aux contentieux inédits, hors la juridiction ordinaire : juridictions spécialisées et autorités administratives. La question qui se pose a cet égard, est de savoir si cette oeuvre prétorienne pourrait pénétrer dans les modes alternatifs de règlements des différends; un domaine qui n'implique pas l'intervention de l'Etat. Rappelons que, dans le cadre des MARD, il n'y a pas de juge qui tranche l'affaire, mais une personne privée, soit un arbitre, un médiateur ou un conciliateur. De même, la fonctionnalité de ces moyens alternatifs de résolution des litiges implique forcément le dépassement de quelques règles procédurales imposées dans la voie judiciaire.

    Cependant, il ne faut pas oublier que, dans le cadre de la voie judiciaire, le tiers intervenant doit être indépendant et impartial des parties. Donc, l'idée même du procès équitable s'impose naturellement dans ce contexte mais sous une logique différente de celle oü les parties ont une certaine liberté pour déterminer la dimension les règles procédurales qui s'appliquent a leurs litiges. C'est, comme le souligne le professeur LoIc Cadiet, la liberté contractuelle qui rend possible ce mariage entre le procès et le contrat en donnant possible une naissance a la contractualisation du procès ou la contractualisation de la justice: Si le procès pénètre le contrat, le contrat pénètre aussi le procès, processualisation du contrat et contractualisation du procès apparaissent ainsi comme le recto et le verso d'une même réalité ~6.

    La question qui se pose d'abord avant d'analyser la position des organes de Strasbourg vis-a-vis de l'application de l'article 6 en matière d'arbitrage (B), est de savoir si cette justice contractuelle peut permettre aux particuliers de renoncer aux garanties procédurales de l'article 6 (A).

    A. La renonciation comme un obstacle a l'application de l'article 6

    La Cour et la Commission ont adopté un principe selon lequel une renonciation contractuelle a un droit substantiel ne produit aucun effet. Dans l'affaire Vogt c.

    1 LoIc CADIET, <<Les jeux du contrat et du procès : esquisse >>, in Philosophie du droit et droit économique, Mélanges Gérard Parjat, Ed. Prison-Roche, 1999, p. 25.

    Allemagne, la requérante, du fait de son embauche comme enseignante, avait accepté l'obligation de loyauté politique imposée aux fonctionnaires (une restriction a son droit de liberté d'expression). Malgré cela la CEDH a jugé que s'il apparaIt légitime pour l'Etat de soumettre ces derniers, en raison de leur statut, a une obligation de réserve, il s'agit néanmoins d'individus qui, a ce titre, bénéficient de la protection de l'article 10 (art. 10) de la Convention ~1. Il demeure donc que les droits substantiels ont une importance fondamentale. Leur exercice ne doit en principe dépendre que de la seule volonté de leurs bénéficiaires. Pourtant, la jurisprudence européenne montre que l'application de ce principe n'est pas assez stricte.

    D'une manière générale, le consentement de la personne qui a renoncé est pris en compte pour déterminer s'il y a ou non violation des droits garantis. Par exemple, dans l'affaire Rommelfanger contre RFA, la commission a estimé que le fait d'accepter dans le contrat du travail un devoir de loyauté envers l'Eglise limite la liberté d'expression de l'employé sans le priver de la protection de l'article 10 2. De même, dans l'affaire Van der Mussele c. Belgique, la Cour a considéré que l'avocat stagiaire, qui se plaignait de devoir défendre gratuitement les plus démunies, avait volontairement embrassé la profession d'avocate en connaissant la pratique en cause3. Pourtant, la question se pose au regard des renonciations aux garanties procédurales.

    En effet, les organes de Strasbourg opèrent une distinction nette entre les garanties procédurales et les garanties substantielles en ce qui concerne la faculté accordée aux particuliers de renoncer aux droits garantis. Néanmoins, cette distinction semble difficile en ce qui concerne la renonciation aux garanties du droit a un procès équitable dans la mesure oü l'article 6 n'apparaIt pas dans la jurisprudence européenne comme une simple garantie formelle, mais comme un vrai droit substantiel. Dans ce

    1CEDH, 26 septembre 1996, Vogt c. Allemagne, ° 52, disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/portal.asp?sessionId=996303&skin=hudoc-fr&action=request(consulté le 22 nov. 2006).

    2Décision de la Commission du 6 septembre 1989, Rommelfanger contre RFA, disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/portal.asp?sessionld=996303&skin=hudoc-fr&action=request(consulté le 22 nov. 2006).

    3CEDH, 23 novembre 1983, Van derMussele c. Belgique, requête no 891 9/80, § 40, disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/portal.asp?sessionld=996303&skin=hudoc-fr&action=request(consulté le 22 nov. 2006).

    contexte, les organes de Strasbourg différencient entre la renonciation générale et partielle.

    §i. L'interdiction de la renonciation générale

    Tout d'abord, il faut rappeler que l'article fait partie de la notion d'ordre public européen1 qui vise a assurer un idéal commun d'une société démocratique pour les Etats membres. A la base de cet idéal démocratique commun se trouve l'article 6 de la CESDH qui exige des Etats et de leurs institutions qu'ils garantissent, a toute personne qui doit être jugée, un procès équitable. Cet article vise non seulement que tous les citoyens de la démocratie peuvent constater et vérifier la fiabilité de leur justice, mais aussi renforce le principe de la séparation des pouvoirs dans la mesure oü il exige l'impartialité et l'indépendance des juges: une justice qui ne soit soumise a aucune autre autorité ni aucune influence. De la sorte, toute renonciation générale aux garanties procédurales est considérée contraire aux exigences de la société démocratique puisque le droit au procès équitable fait pleinement partie de la conception européenne de l'ordre public.

    Dans l'arrêt Golder du 21 février 1975, la Cour de Strasbourg s'inspire des articles 31 a 33 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités, pour donner a l'article 6 le caractère d'un principe général reconnu par les nations civilisées et l'assimile a un élément impératif de l'ordre public international2. Dans le même esprit, malgré le fait que l'article 6 ne figure pas parmi le noyau dur des droits de l'homme proclamés par la convention, la CEDH l' a considéré comme un principe fondamental de la prééminence du droit dans une société démocratique3. A cet égard, le Professeur et

    1 CEDH, 23 mars 1995, Loizidou c/ Turquie, exception préliminaire, § 93, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=3&portal=hbkm&action=html&highlight=%2C%20%7C%20~oiRid ou%20%7C%20c/%20%7C%20Turquie&sessionid=9474568&skin=hudoc-fr (consulté le 22 nov. 2006).

    2 Les thèses présentées a la Cour ont porté d'abord sur la méthode a suivre pour l'interprétation de la Convention Commission, (...) qu'il y a lieu pour elle de s'inspirer des articles 31 à33 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités. (...) énoncent pour l'essentiel des règles de droit international communément admises etA ce titre, ils entrent en ligne de compte pour l'interprétation de la Convention européenne sous réserve, le cas échéant, de "toute règle pertinente de l'organisation" au sein de laquelle elle a été adoptée, le Conseil de l'Europe , CEDH, 21 février 1975, Golder c. Royaume Uni, requête n° 4451/70, § 29 et 30 : disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=golder&sessionid=10283 521&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).

    3CEDH, Sunday Times c. Royaume Uni, 26 avril 1979, requête n° 6538/74, § 55 : disponible sur

    l'ancien juge a la Cour européenne, Franz Matscher indique que << il n'existe pas, en matière civile, de renonciation a priori totale - unilatérale ou conventionnelle a la protection judiciaire qui ait une quelconque valeur processuelle 1

    En conséquent, on peut déduire que les garanties du droit a un procès équitable ne sont pas évincées par le biais d'une renonciation générale ou totale des parties. La question qui se pose, est de savoir si une clause compromissoire ou un compromis sont considérés contraire a la Convention dans la mesure oü ils offrent aux parties la possibilité de renoncer au droit a l'accès au tribunal. Autrement dit, est-ce que la renonciation générale rendra l'arbitrage, plus généralement les moyens alternatifs de résolution des litiges, illicite aux yeux des organes de Strasbourg? Une réponse négative s'impose en lisant la jurisprudence européenne qui reconnalt la possibilité d'une renonciation partielle aux garanties procédurales.

    §2. La possibilité de la renonciation partielle

    L'institution de l'arbitrage se heurte théoriquement avec le droit d'un procès équitable. D'une part, par l'accord d'arbitrage les parties montrent leur volonté commune2 de ne pas recourir aux tribunaux étatiques. Autrement dit, ils n'ont plus accès au juge étatique. D'autre part, l'essence de l'arbitrage réside dans la confidentialité des débats. La question essentielle qui se pose en matière d'arbitrage ou d'autres moyens de résolutions de litiges, est celle de la légitimité de la faculté des particuliers de renoncer a

    http, cmisVp.echr.coe.int tVp197 vie..asp?item=L&portal=hbVm&action=html&highlight=sunday`20`7C`20tim es&sessionid=1028q521&sVin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).

    1 Franz MATSCHER, << L&arbitrage et la Convention, article 6 (suite) >>, in La Convention européenne des droits de l'homme, Commentaire article par article, sous la direction de Louis-Edmond PETTITI, Economica, 1995, p. 282.

    2 La renonciation peut aussi due du comportement d&une partie en cours de procédure. En matière d&arbitrage, il est par exemple constant qu&une partie s&abstenant, en cours de procédure, de faire valoir une cause de récusation dont elle avait connaissance, ne peut ensuite exciper de cette circonstance pour obtenir l&annulation de la sentence. Une telle renonciation ne se heurte pas a l'article 6 dans la mesure oü la CEDH considère que l&omission de demander une audience publique équivaut a une renonciation tacite au droit d&obtenir une telle audience et qu&un << requérant ne sauraitprétendre avoir des motifs de douter de l'impartialité du Tribunal qui l''ajugé alors qu'il pouvait en récuser la composition mais s'en est abstenu . CEDH, 22 février 1996, Bulut c. Autriche; CEDH, 26 septembre 1995, Diennet c. France. Les arrêts sont disponibles sur

    http, cmisVp.echr.coe.int tVp197 vie..asp?item=L&portal=hbVm&action=html&highlight=sunday`20`7C`20tim es&sessionid=1028q521&sVin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).

    leur droit a un tribunal et a la publicité des débats, des éléments du droit a un procès équitable et le principe de prééminence du droit dans une société démocratique. Evidemment, la jurisprudence de la Cour européenne montre, une certaine souplesse, tantôt au niveau du droit d'accès a un tribunal, tantôt la publicité des débats.

    En premier lieu, dans l'arrêt Golder oü la Cour a reconnu le droit a un procès équitable comme une composante du principe de la prééminence du droit, elle a néanmoins indiqué que le droit d'accès aux tribunaux n'est pas absolu. S'agissant d'un droit que la Convention reconnaIt sans le définir au sens étroit du mot, il y a place, en dehors des limites qui circonscrivent le contenu même de tout droit, pour des limitations implicitement admises ~1. De même, dans l'arrêt Deweer c. Belgique après que la Cour a eu souligné que le droit a un tribunal revêt cependant une trop grande importance dans une société démocratique , elle a rappelé que le "droit a un tribunal" n'est pas plus absolu en matière pénale qu'en matière civile 2. Donc, il demeure possible que les garanties procédurales puissent faire l'objet d'une renonciation de la part des particuliers.

    En deuxième lieu, dans l'arrêt Hakansson et Sturesson c. la Suède du 21 février 1990 dans lequel la Cour ajugé que ni la lettre ni l'esprit de l'article 6 de la Convention n'empêchent une personne d'y renoncer de son plein gré, de manière expresse ou tacite, mais que pareille renonciation doit être non équivoque et ne se heurter a aucun intérêt public important 3. La Cour européenne l'a confirmé expressément

    1 Godler c. Royaume Uni, op. cit., § 38.

    2CEDH, 27 février 1980, Deweer c. Belgique, Requête no 6 903/75, § 49, disponible sur

    http, cmisVp.echr.coe.int tVp197 vie..aspIitem=4&portal=hbVm&action=html&highlight=sunday`20`7C`20tim es&sessionid=10283521&sVin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007). Dans cette affaire, la Cour avait considéré que la renonciation au << droit a un tribunal>> en acceptant une transaction pénale, était entachée de contrainte eu égard a la disproportion flagrante entre les deux branches de l'alternative offerte au requérant, soit la fermeture immédiate de son commerce de boucherie (oü il avait offert en vente des viandes en infraction avec la réglementation), soit le paiement d'une amende pénale d'un montant même relativement modeste, a titre de transaction.

    3 CEDH, 21 février 1990, Hakansson et Sturesson c. la Suède, requête no11855/85. V0 dans le même sens notamment les arrêts Le Compte, Van Leuven et De Meyere du 23 juin 1981, série Ano 43, p. 25, § 59, et H. contre Belgique du 30 novembre 1987, série A no 127, p. 36, § 54; les arrêts rendus par la Cour plénière, en cause Pretta et autres c. l'#talie du 8 décembre 1983, § 21 et Sutter c. la Suisse du 22 février 1984, § 26, disponible sur

    http, cmisVp.echr.coe.int tVp197 vie..aspIitem=4&portal=hbVm&action=html&highlight=sunday`20`7C`20tim es&sessionid=10283521&sVin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    dans l'affaire Albert et Le Compte c. la Belgique en jugeant que telle que la consacre l'article 6, i de la Convention, la règle de la publicité des audiences peut aussi céder parfois devant la volonté de l'intéressé. Sans doute, la nature de certains des droits garantis par la Convention exclut-elle un abandon de la faculté de les exercer (...), mais il n 'en va pas de même de certains autres ))6.

    De la sorte, la nature relative du droit d'accès a un tribunal et la possibilité de renonciation a la publicité des débats rendant possible le recours a l'arbitrage ne demeurent pas essentiellement contraire aux exigences de l'article 6 de la CESDH dans la mesure oü ils ne heurtent a aucun principe fondamental ni aucun intérêt public important2. Ainsi que l&a affirmé depuis longtemps la Commission dans l'affaire X. c. RFA, que <<la conclusion d'un compromis d'arbitrage entre particuliers s'analyse juridiquement! en une renonciation partielle a l'exercice des droits que définit l'article 6, §1 de la Convention, et (...) rien dans le texte de cet article ni aucun autre article de la Convention n'interdit expressémentpareille renonciation ))3.

    Ce point de vue a été concrétisé dans les affaires Beer et Regan c. Allemagne4 et Waite et Kennedy c. Allemagne5. En l'espèce, les requérants, employés par l'Agence spatiale européenne, avaient engagé diverses actions devant les juridictions nationales allemandes contre leur employeur, et s'étaient heurtés a une fin de non recevoir tirée de

    1 CEDH, 10 février 1983, Albert et Le Compte c. la Belgique, § 35, et H. c. la Belgique du 30 novembre 1987 (§ 54), disponible sur

    http, cmisVp.echr.coe.int tVp197 vie..aspIitem=4&portal=hbVm&action=html&highlight=sunday`20`7C`20tim es&sessionid=10283521&sVin=hudoc-fr (consulté le 15juin 2007).

    2 Pierre LAMBERT, <<L'arbitrage et l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme >>, in L'arbitrage et la Convention européenne des droits de l'homme, Actes du séminaire du 4 mai 2001 conçu par les institut des droits de l'homme des barreaux de Paris et de Bruxelles et organisé par l'institut de formation continue du barreau de Paris, sous la présidence de Monsieur le bâtonnier Georges Flécheux, Bruylant 2001, p. 16.

    3 Commission, 5 mars 1982, X. c. Allemagne, Rec. 8, p. 68, cité par Alexis MOURRE, <<Le droit français de l'arbitrage international face a la Convention européenne des droits de l'homme >>, D., 2 décembre 2000, dossier spécial arbitrage, doctr., p. 2070.

    4CEDH, 18 février 1999, Beer et Regan c. Allemagne, disponible sur

    http, cmisVp.echr.coe.int tVp197 vie..aspIitem=4&portal=hbVm&action=html&highlight=sunday`20`7C`20tim es&sessionid=10283521&sVin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    5CEDH, 18 février 1999, Waite et Kennedy c. Allemagne, disponible sur

    http, cmisVp.echr.coe.int tVp197 vie..aspIitem=4&portal=hbVm&action=html&highlight=sunday`20`7C`20tim es&sessionid=10283521&sVin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    l'immunité de juridiction de l'Agence. Après avoir épuisé les voies de recours internes, les requérants ont saisi les organes de Strasbourg (la Commission depuis la Cour), argument du fait qu'ils étaient privés de leur droit d'accès a un tribunal.

    La Cour a rejeté les requêtes des demandeurs en considérant que le droit d'accès aux tribunaux, reconnu par l'article 6 § 1, n'est pas absolu : il se prête a des limitations implicitement admises car il commande de par sa nature même une réglementation par l'Etat. Les Etats contractantsjouissent en la matière d'une certaine marge d'appréciation '. Le motif de cette décision réside dans le fait que les demandeurs n'étaient pas privés de toute voie de recours en droit internent dans la mesure oü ils disposaient en effet <<de procédures adaptées aux particularités d'une organisation internationale et, dès lors, différentes des recours disponibles en droit interne >>. En l'espèce, ces procédures consistaient en une commission de recours indépendante établie par les statuts de l'Agence, de même qu'en une action en réparation contre les sociétés les ayant détachés auprès d'elle.

    L'intérêt de ces décisions est d'établir que la notion de droit d'accès a un tribunal dispose une vocation large. Elle se rapporte a l'accès a la justice, et non seulement a l'accès a la justice étatique. Dès lors que les demandeurs pouvaient saisir la Commission de recours de l'Agence, ceux-ci disposaient d'un juge, et l'article 6 de la Convention n'était pas en principe violé. Il est clair que le fait de choisir de soumettre un litige a l'arbitrage est considéré comme une renonciation licite aux garanties procédurales. Pourtant, le tribunal arbitral signifie un tribunal qui droit rendre justice aux parties selon une procédure équitable.

    B. La nature de l'arbitrage comme un obstacle a l'application de l'article 6
    Les moyens alternatifs de résolution des litiges, et plus précisément l'arbitrage,
    sont marqués par le souci de la lenteur des procédures judiciairesl. Cela, il demeure une
    certaine liberté des parties en ce qui concerne la formalité du déroulement des
    procédures extrajudiciaires. Or, cette simplification procédurale ne signfie pas que
    l'institution d'arbitrage est loin de la culture du procès équitable. Au contraire, dans le

    1 v° infra, chapitre ler, titre I.

    cadre de l'arbitrage les garanties de bonne justice doivent être entièrement respectées1. L'arbitrage, soit international soit interne, bénéficie d'une procédure simplifiée, a condition que soient respectés quelques grands principes. Seront ainsi toujours applicables les garanties fondamentales de bonne justice, l'égalité entre les parties, le principe du contradictoire, l'indépendance et l'impartialité du tribunal arbitral. Le procès arbitral est un procès qui offre toutes les garanties du procès équitable que l'on connalt en matière judiciaire, sauf qu'il n'est pas public et qu'il n'est pas nécessairement gratuit. Bref, la procédure d'arbitrage a vocation a respecter les garanties contenues a l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme. D'oü vient la question de l'utilité d'examiner l'application de l'article 6 a l'arbitrage.

    En effet, comme le remarque le professeur Charles Jarrosson2, la simple lecture du texte de la Convention européenne des droits de l'Homme montre qu'il n'est pas fait mention de l'arbitrage; cette institution était loin de constituer un pole d'intérêt pour ses rédacteurs. Pour fonder son argument, le professeur Charles Jarrosson appuie sur l'article 1er de la Convention qui énonce que les Hautes Parties contractantes reconnaissent a toute personne relevant de leurjuridiction les droits et libertés définis au Titre 1er . Pour lui, cet article ne donne pas un quelconque argument en faveur de l'application de la Convention a l'arbitrage. Il estime que la Convention européenne des droits de l'Homme a surtout entendu viser les libertés publiques et leur respect par les seules juridictions étatiques. L'Etat est seulement responsable du dysfonctionnement de ses organes investis de la mission de juger. Donc, l'arbitrage doit s'écarter du champ d'application de la Convention dans la mesure oü il ne fait partie des organes étatiques; ~ La Convention s'applique donc ratione personae a l'Etat et ratione materiae a ses man quements constatés dans l'organisation ou le fonctionnement de ses juridictions, et non pas ratione loci, pour tout exercice d'une activité juridictionnelle sur son territoire. Ce dernier chef d'application aurait été le seul - s'il avait pu être retenu - a

    1 C'est ce qu'énonce l'article 1460 du NCPC: <<Les arbitres règlent la procédure arbitrale sans être tenus de suivre les règles établies pour les tribunaux, sauf si les parties en ont autrement décidé dans la convention d'arbitrage. Toutefois, les principes directeurs du procès énoncés aux articles 4 a 10, 11 alinéa 1er et 13 a 21 sont toujours applicables a l'instance arbitrale.>>

    2 Charles JARROSSON, << L'arbitrage et la Convention européenne des droits de l'homme >>, Rev. arb., 1989, p. 573- 607.

    justifier l'application de la Convention a l'arbitre statuant sur le territoire d'un Etat contractant ))1.

    Cependant, le professeur Charles Jarrosson constate une coexistence pacifique entre l'arbitrage et la Convention dans la mesure oü les textes da la convention font partie de l'ordre public international: il apparaIt de plus en plus clairement qu'il existe une incompatibilité matérielle entre l'application de la Convention européenne des droits de l'Homme, même en imaginant de la modifier, et l'arbitrage. En revanche, rien ne s'oppose et mieux: tout concourt a ce que les arbitres puissent et doivent s'inspirer des principes qu'elle établit, en ce qu'ils sont constitutifs d'un ordre public réellement international. Entre l'arbitrage et la Convention européenne des droits de l'Homme, mieux vaut une coexistence pacifique concrétisée par l'inspiration que les arbitres puiseront dans les préceptes de la Convention, qu'une dépendance contre nature qui passerait par l'application d'un texte a un domaine qui lui est étranger. Ainsi, il est possible de respecter les droits de l'Homme sans renier l'essence même de l'arbitrage ))2.

    C'est vrai que la Convention ne fait nulle part mention des mots <<arbitre>> ou <<arbitrage >>. Mais, il serait cependant trop hâtif d'en rester là et d'en déduire qu'il n'existe aucun rapport entre la Convention et l'arbitrage. La spécificité de la CEDH réside en la présence d'un organe juridictionnel supranational chargé de veiller a l'application de la Convention par les Etats membres. Ces organes juridictionnels ont connu effectivement un développement spectaculaire dans leur activité et leur autorité. <<Ils ont rapidementfranchi le pas qui sépare la simple fonction de contrôle et de stricte application du droit et celle de création du droit ))3. A vari dire, la Convention est devenue une oeuvre prétorienne oü la jurisprudence de la CEDH marque non seulement la dimension des droits de l'homme dans les Pays membres, mais le sens de la Convention elle-même. De même, il serait contradictoire de considérer que la convention telle qu'interprétée par ses organes juridictionnels exprimerait des principes faisant partie d'un ordre public véritablement international, tout en soutenant qu'elle resterait étrangère a l'arbitrage qui fait partie de l'idée de la justice. A cet égard, on

    ( Charles JARROSSON, ibid., p. 581, n°i6.

    2 Charles JARROSSON, ibid., p. 607, n°63.

    3 Charles JARROSSON, op. cit., p. 575.

    constate que les organes de Strasbourg s'intéressent au fonctionnement de la justice et non pas a sa structure, ainsi qu'à une procédure d'arbitrage, tantôt forcé, tantôt volontaire.

    §i. L'application directe de l'article 6 a l'arbitrage force

    L'origine conventionnelle, ou a proprement parler volontaire, est un élément essentiel de l'arbitrage; cela n'empêche pas que le législateur peut souhaiter appliquer le régime juridique de l'arbitrage a des juridictions d'exceptionh. Une première conclusion se dégage de l'examen de cette jurisprudence: l'arbitrage imposé - ou << forcé >> pour reprendre une expression fréquemment employée - est soumis, de manière certaine, aux garanties procédurales contenues dans l'article 6 de la CESDH2. Cette conclusion se déduit de l'arrêt Lihtgow, comme de l'arrêt Scarth, et de la décision de la Commission européenne dans l'affaire Bramelid etMalstrom.

    L'arrêt Lihtgow et autres c. Royaume- Uni rendu par la Cour européenne le 8 juillet 1986, vit les demandeurs se plaindre de n'avoir pu saisir un tribunal indépendant et impartial chargé de déterminer les indemnités qui leur revenaient a la suite de la nationalisation de certains de leurs biens. Ces indemnités avaient été fixées par un organisme qualifié de << tribunal arbitral >>, composé d'un juriste nommé, pour le présider, par le Lord Chancelier et des deux assesseurs désignés par le ministre compétent. La Cour a considéré que les garanties de l'article 6§1 trouvaient a s'appliquer car on était, en réalité, en présence d'une juridiction d'un type particulier certes, mais établie par la loi au sens strict et oü la procédure ressemblait a celle des juridictions ordinaires et non d'un véritable arbitrage voulu par les parties en litige3.

    Dans le même ordre d'idées, ce point de vue était même dans l'affaire Scarth c. Royaume-uni qui donna lieu a un arrêt rendu par la quatrième section de la << nouvelle>> Cour européenne le 22 juillet 1999. En l'espèce, il s'agissait en l'occurrence d'une

    1 C'est ce qu'il a fait en France pour la Commission arbitrale des journalistes, mais en lui conservant un régime particulier lorsque la sentence est rendue, puisque alors son seul dépôt au greffe suffit a lui donner force exécutoire. Charles JARROSSON, op. cit., p. 582.

    2 Pierre LAMBERT, op. cit., p. 15, n° 4.

    3 CEDH, 8 juillet 1986, Lihtgow et autres c. le Royaume- Uni, § 201. Le texte de l'arrêt n'a été publié que dans sa version anglaise; voir en annexe une traduction non officielle en français, in L'arbitrage et la Convention européenne des droits de l'homme, op. cit., pp. 7'-85.

    procédure de recouvrement d'une créance soumise, eu égard a son montant relativement dérisoire, a un arbitrage selon les règles de la Scarborough Country Court. Le requérant invoquait l'absence d'une audience publique et la Commission, unanime, concluait a la violation de l'article 6 §1 de la Convention européenne. Quant a la CEDH, elle déclara, également a l'unanimité, << ne voir aucune raison de s'écarter de la conclusion de la Commission >>1 , mais, a vrai dire, le gouvernement britannique mis en cause ne formulait aucune contestation et l'on se trouvait en présence d'un arbitrage que l'on peut considérer comme imposé.

    Dans le même esprit, dans les affaires Lars Bramelid et Anne-Marie Malstrom c. la Suede, la Commission européenne estima, le 12 décembre 1983, que les arbitres doivent offrir les garanties prévues par l'article 6 §1 de la Convention lorsqu'il s'agit d'un << arbitrage forcé >>, ou selon l'expression de la Commission; c'est-à-dire lorsque l'arbitrage est imposé par la loi, les parties n'ayant aucune possibilité de soustraire le litige a la décision d'un comité d'arbitres. En l'espèce, il s'agissait d'un litige sur le droit de rachat de la valeur des actions d'une société anonyme qui devait être, selon la législation suédoise en vigueur a l'époque, obligatoirement tranché par trois arbitres. La Commission a conclu, a l'unanimité, a une violation de l'article 6§1 de la Convention en raison du fait que les parties n'avaient pas été traitées sur un pied d'égalité en ce qui concerne la désignation des arbitres2.

    Cette application de l'article 6, a l'arbitrage forcé ou imposé pour reprendre l'expression de la jurisprudence européenne, est tout a fait justifiée dans la mesure oü le tribunal arbitrait est établi par la loi. Pour le professeur Jarrosson, l'arbitrage forcé est une fausse exception au régime de l'arbitrage. Il est justement établi par la seule volonté

    1 CEDH, 22 juillet 1999, Scarth c. le Royaume-Uni, § 29. Le texte de l'arrêt n'a été publié que dans sa version anglaise; voir en annexe une traduction non officielle en français, in L'arbitrage et la Convention européenne des droits de l'homme, ibid., pp. 85-89. L'arrêt est consultable dans sa version anglaise sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=>carth%20%7C%20c.%2 0%7C%20le%20%7C%20Royaume-uni&sessionid=1007688&skin=hudoc-en (consulté le 15 juin 2007).

    2 Comm., 12 décembre 1983, Lars Bramelid et Anne-Marie Malstrom c. la Suede, requête n° 8588/i9 et, 8589/79, voir le texte de la décision en annexe in L'arbitrage et la Convention européenne des droits de l'homme, ibid, pp.; La décision est consultable dans sa version anglaise sur

    http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/portal.asp?sessionId=1007811&skin=hudoc-fr&action=request (consulté le 15 juin 2007).

    du législateur qui veut emprunter quelques aspects du régime juridique de l'arbitrage et les imposer a certaines instances. Donc, l'arbitrage forcé apparalt comme les autres organes étatiques qui se soumettent a l'autorité de l'Etat. Or, la question la plus sensible est celle de l'application de l'article 6 a l'arbitrage volontaire qui est née de la volonté des particuliers.

    §2. L'application indirecte de l'article 6 a l'arbitrage volontaire

    L'origine contractuelle et volontaire de l'arbitrage se heurte a l'application du droit a un procès équitable. Certains auteurs ont soutenu que si des arbitres ne répondent pas aux conditions d'indépendance et d'impartialité que prévoit l'article 6 de la Convention européenne, alors qu'ils ont été librement choisis par les parties, celles-ci sont mal venues de s'en plaindre, des lors qu'elles ont assumé leurs responsabilités en exprimant librement leur volonté avant la naissance du litige1. Pour Olivier JacotGuillarmod, il est manifeste, a-t-il écrit, que dans la plupart des cas, les juridictions arbitrales n'offrent pas auxjusticiables toutes les garanties procédurales énumérées a l'article 6bi, mais cette situation n'est pas contraire a cette disposition s'il apparaIt clairement a la lumière des circonstances de droit et de fait que, par la convention arbitrale, les justiciables ont volontairement, librement et légitimement renoncé a certaines garanties offertes sans restrictions a ceux qui préfèrent soumettre leur contestation civile auxjuridictions étatiques . Et cet auteur ajoutait: Les plaideurs ne sauraient impunément tenir en même temps 'le chaud et lefroidç c'est-à-dire choisir délibérément la procédure arbitrale en raison de ses avantages supposés, puis se plaindre ultérieurement devant les organes de la Convention du non-respect intégral des garanties procédurales 2

    Au contraire, le Professeur Bruno Oppetit avait, a cet égard, bien senti que << la justice, globalement considérée et quelles que soient les voies par lesquelles elle est rendue, tend a s'organiser de nos jours enfonction d'une éthique communément partagée:

    1 Ernest KRJNGS et Lambert MATRAY, <<Le juge et l'arbitre >, Revue du droit international et droit comparé, 1982, p.227 et s.

    2 Olivier JACOT-GUTLLARMOD, <<L'arbitrage privé face a l'article 6, 1 de la Convention européenne des droits de l'homme >, in protection des droits de l'homme: la dimension européenne - Mélange, en l'honneur de Gérard .J. Wiarda, sous la direction de Franz MATSCHER et Hebert PETZOLD, éd. Carl Heymans Verlag, Cologne, 1988, p. 292.

    la notion de procès équitable; cette nécessité qu'a pu exprimer enforme solennelle un texte (l'aussi grande portée que la Convention européenne des droits de l'homme et des libertésfondamentales (...) possède désormais une résonance universelle: elle apparaIt comme la traduction d'exigences supérieures, sans considération de la source (droit naturel, principes généraux du droit, ordre public <<réellement international) dont elle serait susceptible de découler; cette philosophie du procès, sinon de lajustice dans toutes ses modalités institutionnelles, transcende pro gressivement les clivages nationaux ou techniques, pénètre dans les droits positifs et contribue largement a restituer une unité de but a lafonction dejuger,1.

    Devant cette divergence doctrinale, de rares décisions de la Commission européenne devraient nous éclairer davantage sur la question posée par l'application des dispositions de l'article 6U1 de la Convention a l'arbitrage volontaire. Rappelons d'abord que dans une décision rendue le 5 mars 1962, dans l'affaire X c. RFA (République fédérale d'Allemagne)2, la Commission a légitimé le recours a l'arbitrage en considérant que La conclusion d'un compromis d'arbitrage entre particuliers s'analyse juridiquement en une renonciation partielle a l'exercice des droits que définit l'article 6, 1" de la Convention (et) rien dans le texte de cet article ni d'aucun autre article de la Convention, n'interdit expressément pareille renonciation (...). La Commission ne saurait davantage présumer que les Etats contractants, en acceptant les obligations qui découlent de l'article 6b1 aient entendu s'engager a empêcher les personnes placées sous leurjuridiction de confier a des arbitres le règlement de certaines affaires .

    Cependant, dans cette affaire, la Commission a apporté deux précisions en ce qui concerne le recours a l'arbitrage volontaire. D'une part, la Commission a indiqué que la validité d'un arbitrage volontaire exige que le consentement des parties soit libre: la clause compromissoire aurait pu, toutefois, se révéler contraire a la Convention si (le requérant) ne l'avait signée que sous la contrainte . D'autre part, aux yeux de la Commission la validité de l'arbitrage volontaire est conditionnée par le respect des exigences du procès équitable dans le déroulement de la procédurale arbitrale : si la validité initiale du consentement dont une clause compromissoire tire sa valeur

    1Bruno OPPETIT, Théorie de l'arbitrage, PUF, 1998, p. 25.

    2 Commission, 5 mars 1982, X. c. Allemagne, Rec. 8, p. 68, cité par Alexis MOURRE, op. cit., p. 2070.

    juridique, ne se trouve pas affectée après coup lorsque l'arbitre, dans l'accomplissement des missions qu'elle lui confère, se comporte d'une manière incompatible avec l'esprit de la Convention, et notamment de l'article 6)).

    Ainsi, on peut déduire que malgré le fait la Commission admet l'arbitrage volontaire sous la condition de la liberté du consentement des parties, elle indique que ce consentement puisse être vicié, s'il se révèle, après coup, que dans l'accomplissement sa mission, l'arbitre n'a respecté pas l'esprit de la Convention européenne, et notamment des exigences du procès équitable. Autrement dit, comme le Pierre Lambert a-t-il écrit, ~ la Commission considère qu'en ayant accepté une clause d'arbitrage dans un contrat, les parties sont présumés n'avoir recouru a une procédure d'arbitrage que pour autant qu'elle se déroule selon les règles d'un procès équitable ~6. Cette position est une manière de contourner la question posée.

    C'est le 4 mars 1987, dans une affaire R c. la Suisse2, que la Commission s'est exprimée de manière plus précise sur une question de fond, a l'occasion d'un arbitrage volontaire. L'importance de cette affaire réside dans le fait qu'elle représente la première fois oü la jurisprudence européenne devait se prononcer sur un litige concernant un arbitrage volontaire. En l'espèce, le requérant se plaignait du délai déraisonnable d'un tribunal arbitral. La Commission déclara que la responsabilité de l'Etat ne peut être mise en cause pour les agissements des arbitres a moins que et dans la mesure oh les juridictions étatiques aient été appelées a intervenir >>. En plus, la Commission a relevé toute ambiguIté en ajoutant a propos du grief fait par le requérant et qui portait sur le délai, abusif selon lui, mis par les arbitres pour statuer, que <<c'est dans la mesure oh le requérant a saisi l'autoritéjudiciaire que le grief concernant la durée de la procédure arbitrale peut entraIner une responsabilité de l'Etat défendeur sur le terrain de la Convention, dans la limite des mesures que l'autorité judiciaire peut prendre pour remédier a la durée de l'arbitrage . La Commission a indiqué également que ~ l'autoritéjudiciaire, unefois saisie, n'a exercé qu'unefonction de contrôle. Ce contrôle devait être exercé dans un délai raisonnable. Telfut le cas en l'espèce . La Commission

    1Pierre LAMBERT, op. cit., p. 13.

    2 Requête n° 10881/84, décision et rapport, volume 51, p. 83 ; voir le texte en annexe, in L'arbitrage et la Convention européenne des droits de l'homme, pp.; Charles JARROSSON, op. cit., n° 28 et 29, p. 589; Olivier JACOTGUILLARMOD, op. cit., p. 202.

    en déduit justement qu'aucune apparence de violation de l'article 6 § 1 ne paralt imputable au Gouvernement suisse.

    Dans ce contexte, il est évident que la Commission a pris en compte la nature de la procédure d'arbitrage volontaire et le cadre législatif qui réglemente une telle procédure. Elle a estimé que les juridictions étatiques qui n'ont qu'une fonction de contrôle, ne pouvaient être tenues pour responsables de la durée antérieure a cette saisine, de sorte qu'aucune apparence de violation de l'article 6, 10 de la Convention ne pouvait leur être imputée. La Commission a vraisemblablement été influencée par les excellents motifs du Tribunal fédéral suisse qui, dans la même affaire, avait déclaré a propos de l'article 6 § 1, que cette disposition parle uniquement des droits du justiciable a ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable par un tribunal établi par la loi. Elle ne saurait donc s'appliquer a un tribunal arbitral dont les membres sont désignés librement par les parties ... En revanche, elle était applicable a la procédure de recours, des lors que celle-ci avait été conduite ... par une juridiction établie par la loi '.

    Cette décision R c. Suisse est d'une importance capitale car, pour la première fois, un organe chargé de veiller a l'application de la Convention européenne des droits de l'Homme énonce, après avoir relevé qu'il s'agissait d'un arbitrage volontaire et non forcé, que la Convention ne peut s'appliquer qu'aux juridictions étatiques dans la mesure oü elles sont intervenues a l'occasion d'un arbitrage. Le professeur Jarrosson salue cette solution qui est pour lui une confirmation positive de la thèse selon laquelle la Convention est inapplicable a l'arbitrage. Il ajoute que cette décision de la Commission apporte un net démenti aux affirmations des auteurs selon qui la Convention européenne des droits de l'Homme était d'ores et déjà applicable a l'arbitrage '6.

    Néanmoins, dans une décision rendue plus récemment, le 27 novembre 1996, dans l'affaire Nordstrom-Janzon et Nordstrom-Lethinen c. les Pays-Bas2, une petite nuance a été apportée. Les requérants, de nationalité finlandaise, invoquaient une violation de leur droit a un procès équitable en raison du manque d'indépendance et d'impartialité d'un des trois arbitres désignés par l'Institut hollandais d'arbitrage,

    1 Charles JARROSSON, op. cit., n° 28 et 29, p. 589

    2 Comm., 27 novembre 1996, D.R. 87-B, p. 112, cité par Alexis MOURRE, op.cit.

    (Nederlands Arbitrage Instituut) pour trancher le litige qui les opposait a une société locale. Tous les recours en droit interne ayant été rejetés, les requérants adressèrent une requête a la Commission européenne.

    Dans une même motivation comme celle de l'affaire R. c. Suisse, la Commission a vérifié l'existence d'un contrôle par le juge national du respect de la Convention: la Commission estime que pour déterminer si les tribunaux internes ont gardé un certain contrôle sur la procédure d'arbitrage et si ce contrôle a été exercé correctement dans le cas d'espèce, il y a lieu de tenir compte non seulement du compromis d'arbitrage intervenu entre les parties et de la nature de la procédure d'arbitrage privée, mais également du cadre législatif prévoyant une telle procédure (...). La Commission relève en particulier que le droit néerlandais contient des dispositions permettant aux tribunaux d'annuler une sentence arbitrale pour certains motifs . Ayant relevé l'existence de ce contrôle par le juge national, et constatant que les motifs de contestation d'une sentence arbitrale devant les juridictions nationales varient d'un Etat contractant a l'autre , la Commission estime que l'on ne saurait exiger au regard de la Convention que les Tribunaux internes veillent a la conformité des procédures d'arbitrage avec l'article 6 de la Convention. A certains égards en particulier quant a la publicité - il est manifeste que les procédures d'arbitrage, souvent, n'ont pas pour finalité de respecter l'article 6, et le compromis d'arbitrage entraIne une renonciation a l'application sans restriction de cette disposition. Par conséquent, pour la Commission, le fait que les parties n'ont pas joui de toutes les garanties de l'article 6 ne doit pas nécessairement entraIner l'annulation d'une sentence arbitrale; cependant, chaque partie contractante doit pouvoir en principe décider elle-même des motifs d'annulation d'une sentence arbitrale .

    Elle ajouta que la loi néerlandaise1 édicte des règles qui permettent aux juridictions d'annuler une sentence arbitrale sur la base de fondements spécifiques et -

    1 C'est ainsi que la Commission juge dénuéfondement en droit néerlandais l'argument requérantes selon lequel la simple apparence d' manque d'indépendance ou d'impartialité devrait, entralner l'annulation d'une sentence arbitra Elle estime que l'article 6, § i de la Convention n'exige pas que les juridictions néerlandais appliquent d'autres critères pour décider d'annuler ou non une sentence arbitrale. A cet égard, lejuge légitime que le droit néerlandais exige motifs sérieux pour l'annulation d'une sentence déjà prononcée, car pareille décision se solde souvent par l'inutilité d'une procédure d'arbitrage longue et coüteuse et l'investissement d'un travail et de sommes considérables dans une nouvelle instance .

    ce qui est plus décevant - que l'on ne saurait exiger au regard de la Convention que les tribunaux internes veillent a la conformité des procédures d'arbitrage avec l'article 6 §i, (...) chaque Etat contractant pouvant, en principe, décider lui-même du fondement sur la base duquel une sentence arbitrale peut être annulée. Donc, on peut constater que selon la Commission, c'est donc Etats parties a la Convention d'assurer, par les moyens qu'ils estiment appropriés, l'application de la Convention.

    L'importance de l'arrêt Nordstrom-Janzon et Nordstrom-Lethinen c. les Pays-Bas, rend hâtive la conclusion selon laquelle la Convention européenne des droits de l'Homme n'est pas applicable l'arbitrage volontaire et ne peut l'être qu'à l'arbitrage forcé. L'arrêt précité constate que malgré le fait que la convention ne s'impose pas directement aux arbitres, elle s'impose indirectement a travers le contrôle de l'Etat a la procédure d'arbitrage. On ne peut donc, a notre avis, tirer de cette décision la conséquence que la Convention ne serait en totalité inapplicable a l'arbitrage. Le fait que la Commission vérifie l'existence d'un certain contrôle des juridictions nationales sur les sentences le prouve suffisamment. Il faut rappeler que le juge national, juge du droit commun de la Convention, doit veiller a ne pas prolonger dans son ordre juridique une situation manifestement contraire a la Convention européenne des droits de l'homme, en laissant une situation contraire a la Convention produire des effets dans l'ordre juridique interne. Cette conclusion nous conduit légitimement a examiner l'équité des procédures de résolution des litiges selon l'article 6 de la convention.

    Mutatis mutandis, cette conclusion peut être appliquée aux autres modes de règlement de différends, y compris la procédure UDRP qui soit donc fournir certains garanties d'équité pour produire des effets juridiques dans l'ordre des Etats membres a la CESDH. D'oü vient l'intérêt d'évaluer la procédure UDRP selon les garanties offertes par l'article 6.

    Chapitre 2: L'évaluation du caractère equitable de la procedure UDRP

    On a vu a l'issue de notre analyse, dans le chapitre précédent, que les organes juridictionnels de la CESDH ne sont pas complètement désintéressés a l'arbitrage. Selon Alexis Mourre, <<il n'existe donc ni exclusion ni incompatibilité. La CEDH admet parfaitement l'arbitrage, et l'arbitrage n'a nulle raison de craindre la CEDH ~6. Les organes de Strasbourg ont montré que le recours a l'arbitrage n'est pas contraire a la CESDH. La même conclusion peut être transposée a la procédure de l'UDRP qui s'inscrit dans le champ théorique des modes alternatifs de règlement des litiges. Néanmoins, comme il a été dit, l'article 6 s'applique a l'arbitrage indirectement, malgré le fait de son origine contractuelle et le fait que le litige est examiné par des arbitres qui ne se soumettent pas a l'autorité de l'Etat. C'est la notion de l'ordre public européen2 qui oblige a une telle conclusion.

    La Cour énonce elle-même dans l'arrêt Loizidou qu' <<elle doit tenir compte de la nature particulière de la Convention qui la fonde, instrument de l'ordre public européen pour la protection des êtres humains >>3. Cette notion prétorienne, constituée par la CESDH et consacré par la jurisprudence de la CEDH, a pour ambition de sauvegarder les droits fondamentaux des individus en garantissant le caractère démocratique de la société composée des Etats membres du Conseil de l'Europe. Selon la CEDH <<toute interprétation des droits et libertés énumérés doit se concilier avec l'esprit général de la

    1Alexis Mourre, op. cit., p. 2079.

    2 Rappelons juste a cet égard que la CESDH a aussi une signification particulière de la Convention dans l'ordre juridique communautaire. Dans l'arrêt Hoechst, la Cour de justice a indiqué que la CESDH revêt une signification particulière>> parmi les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels les Etats membres ont coopéré ou adhéré2. Cette signification impose trois conséquences principales dans l'ordre juridique communautaire: en premier lieu, elle impose le respect de la CESDH par les institutions de la Communauté, parmi lesquelles figure la Cour de justice elle-même. En deuxième lieu, elle impose aux Etats membres de respecter la Convention lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit communautaire ou contribuent a son application, ou encore lorsque la mesure qu'ils adoptent s'inscrit dans une exception que ménage a leur bénéfice une disposition du droit communautaire. Enfin, la CJCE admet de la part des Etats membres qu'ils tirent argument des obligations que leur impose la CESDH pour limiter l'étendue des obligations que leur impose le droit communautaire. CJCE, 21 septembre 1989, Hoechst AG c/Commission, aff. 46/87 et 227/88, §13, disponible sur http://www.ena.lu/europe/cours-ligneJjustice-hoechstcommission-affaires-jointes-1989.htm (consulté le 22 mai 2007).

    3 CEDH, 23 mars 1995, Loizidou c/ Turquie, exception préliminaire, § 93, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 view.aspIitem=3&portal=hbkm&action=html&highlight=%2C%20%7C%20LoiRid ou%20%7C%20c/%20%7C%20Turquie&sessionid=9474568&skin=hudoc-fr (consulté le 22 mai 2007).

    Convention, destinée a sauvegarder et promouvoir les idéaux et valeurs d'une société démocratiques >>6. A la base de cet ordre démocratique se trouve bien sür l'article 6 de la Convention qui exige des Etats et de leurs institutions qu'ils garantissent, a toute personne le droit être jugée équitablement. La raison principale de cette place cardinale du droit a un procès équitable repose sur le fait que son objectif vise a assurer une bonne administration de la justice et affirmer l'effectivité des droits et libertés proclamés par la convention2. Au nom de l'ordre public européen, dont l'article 6 fait partie, le juge national ne peut pas permettre a un jugement inéquitable de produire ses effets dans l'ordre juridique interne. Une telle violation serait imputable a l'Etat. De cette situation d'imputabilité, on a pu donc déduire que la Convention est applicable a l'arbitrage, mais de façon indirecte et contingente. Par exemple, en matière de reconnaissance de décisions étatiques étrangères, la Cour a posé dans l'arrêt Pellegrini c. Italie, le principe selon lequel les juridictions d'un Etat partie a la Convention ne peuvent pas accorder l'exequatur a un jugement d'un pays tiers, eu méconnaissant les garanties de l'article 6 de la Convention3.

    Autrement dit, l'obligation incombe le juge national a vérifier que le jugement étranger a été adopté dans le respect des principes du procès équitable. Cette << exception d'ordre public européen>> permet donc au juge interne de ne pas exécuter un jugement étranger contraire aux exigences du procès équitable. Par analogie, une sentence issue d'une procédure de résolution de litiges en ligne ne peut pas produire ses effets dans l'ordre juridique interne d'un Etat membre, s'il est contraire aux exigences du droit a un procès équitable. De la sorte, il convient d'aborder dans un premier temps, les garanties offertes par l'article 6 (Section i), avant d'examiner ensuite la compatibilité de la procédure de l'UDRP avec ces garanties (Section 2).

    1CEDH, 7juil. 1989, Soering /e Royaume-Uni, req. no14038/88, § 87, disponible sur

    http, cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Soering%20%7C%20 e% 20%7C%20Royaume-Uni&sessionid=9474568&skin=hudoc-fr (consulté le 22 mai 2007).

    2 Frédéric SUDRE, op. cit., p. 333.

    3 CEDH, 20 jullet 2001, Pellegrini c. Italie, requête no 3088 2/96, § 40, disponible sur

    http, cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=2&portal=hbkm&action=html&highlight=Pellegrini%20%7C%20c. %20%7C%20Italie&sessionid=10292850&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).

    Section 1: Les garanties générales du droit a un procès équitable

    A travers son interprétation de l'article 6, la Cour européenne cherche a assurer une bonne et uniforme application de l'organisation et le fonctionnement de la justice dans les Etats membres en imposant un nombre de règles ou des standards pour garantir l'application du procès équitable dont elle-même est l'auteur. L'analyse des garanties du procès équitable ne s'arrête par au texte officiel de la convention. La Cour européenne a par ailleurs considérablement enrichi ce texte, soit en apportant une définition de ces éléments, soit aussi en en déduisant des garanties << implicites >>. Certains arrêts de la Cour ont donné naissance a plusieurs droits ou principes, définis et délimités par la Cour, et que les procédures internes doivent respecter. L'originalité principale a cet égard, est la double dimension du droit au procès équitable. La première réside dans la qualité du tribunal (A), la seconde, dans la qualité de procédure ellemême (B).

    A. La qualité du tribunal

    Selon la formulation de l'article 6 <<Toute personne a droit a ce que sa cause soit entendue (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi... >>. La CEDH a dégagé plusieurs principes pour éclairer cette revendication en créant de sous- garantis qui donnent un sens européen concernant la qualité du tribunal: La Convention européenne des dro its de l'homme fait l'objet de la part du juge européen d'une interprétation pro gressiste qui concourt sans contexte au développement des droits garantis. Il apparaIt, contrairement a une idée reçue, que ce résultat est moins le produit d'une interprétation de la Convention qui s'appuierait sur l'évolution commune des systèmes juridiques nationaux que d'une démarche "constructive" du juge européen ))1.

    §i. Un tribunal indépendant et impartial

    Le droit a un procès équitable consiste a imposer l'obligation positive aux Etats de mettre en cuvre les moyens permettant aux individus d'avoir un procès équitable. Le

    1 Frédéric SUDRE, <<A propos du dynamisme interprétatif de la Cour européenne des droits de l'homme >>, JCP G. n°28, 11 juillet 2001, pp. 1365-1368, doctr. I 335.

    premier moyen qui garantit cette revendication est le fait que toute personne a droit a ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial1. Selon la CEDH la prééminence du droit dans une société démocratique ne se conçoit guère sans la possibilité d'accéder a une justice indépendante et impartiale qui assure le droit de chacun a une bonne administration de la justice. L'indépendance est appréciée a l'égard au pouvoir exécutif comme a l'égard des parties en cause.

    La méthode d'appréciation de la Cour est clairement énoncée dans l'arrêt Langborger c. Suede dans lequel la Cour relève clairement l'exigence de l'indépendance du juge au sein du tribunal, aussi bien au niveau du mode de désignation, que de la durée du mandat des membres de la juridiction, et de l'existence d'une protection contre les pressions extérieures. : pour établir si un organe peut passer pour "indépendant", il échet de prendre en compte, notamment, le mode de désignation et la durée du mandat de ses membres, l'existence d'une protection contre les pressions extérieures et le point de savoir s'ily a ou non apparence d'indépendance))2.

    Pour une illustration du défaut d'indépendance, la Cour indique que des lors qu'un tribunal compte parmi ses membres une personne se trouvant - comme en l'espèce - dans un état de subordination defonctions et de services par rapport a l'une des parties, les justiciables peuvent légitimement douter de l'indépendance de cette personne. Pareille situation met gravement en cause la confiance que lesjuridictions se doivent d'inspirer dans une société démocratique ))3. Dans ce contexte, la Cour européenne a condamné la France dans l'arrêt Beaumartin c. France du 24 novembre 1994 au motif de l'absence d'équité de procédure dans la mesure oü le Conseil d'Etat a recouru a un renvoi préjudiciel au ministre des Affaires étrangères pour l'interprétation des traités internationaux4. Le juge strasbourgeois a considéré qu'il y avait une violation

    1 Stéphanie SOLER, <<L&indépendance et l&impartialité >>, in La diffusion du modèle européen du procès équitable, op. cit., pp. 271-299.

    2CEDH, 22 juin 1989, Langborger c. Suede, requête no11179/84, § 32, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Langborger%20%7C%20 c.%20%7C%20Su%E8d&sessionid=896671&skin=hudoc-fr (consulté 15 mai 2007).

    3CEDH, 22 octobre 1984, Sramek c. Autriche, Requête no 8790/79, § 42, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=2&portal=hbkm&action=html&highlight=Sramek%20%7C%20c.% 20%7C%20Autriche&sessionid=896671&skin=hudoc-fr (consulté 15 mai 2007).

    4CEDH, 24 novembre 1994, Beaumartin c. France, § 36- 39, disponible sur

    de l'indépendance du juge au sens de l'article 6§1 du fait que la France pourrait être en position favorable grace a l'interprétation par l'autorité ministérielle. Depuis lors, le Conseil d'Etat se reconnalt explicitement la compétence d'interpréter lui-même les traités internationaux. Cependant, cela ne l'empêche pas de prendre en compte les interprétations du ministre des Affaires étrangères comme un simple avis1.

    En ce qui concerne l'impartialité du tribunal, le juge européen établit une distinction entre impartialité objective et subjective2. L'impartialité subjective, ou personnelle, correspond a ce que peut penser le juge dans son for intérieur3 ; elle est présumée. L'impartialité objective ou organique amène a s'interroger sur les indices objectifs laissant penser que le juge a un a priori sur le litige qu'il doit trancher. Autrement dit, il faut que le tribunal donne toute apparence de garantie organique pour exclure tout doute légitime dans l'esprit du public. Elle est appréciée au cas par cas, mais de manière presque constante a travers le prisme de l'apparence de justice, la Cour appliquant alors un adage de droit anglais : Justice must not only be done, it must also be seen to be done ))4.

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=4&portal=hbkm&action=html&highlight=Beaumartin%20%7C%2 0c.%20%7C%20France&sessionid=896671&skin=hudoc-fr (consulté 15 mai 2007).

    1 Pean-:ierre MARGUENAUD, La Cour européenne des droits de l'homme, Dalloz 2ème édition, 2005, p. 91.

    2 Cette distinction a été révélée a partir de l'arrêt Piersack du 1er octobre 1982 oü la Cour a jugé que ((Si l'impartialité se définit d'ordinaire par l'absence de préjugé ou de parti pris, elle peut, notamment sous l'angle de l'article 6 § i (art. 6-i) de la Convention, s'apprécier de diverses manières. On peut distinguer sous ce rapport entre une démarche subjective, essayant de déterminer ce que tel juge pensait dans son for intérieur en telle circonstance, et une démarche objective amenant a rechercher s'il offrait des garanties suffisantes pour exclure a cet égard tout doute légitime ; CEDH, Piersack c. Belgique, requête no 8692/79, § 30, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=2&portal=hbkm&action=html&highlight=:iersack%20%7C%20c. %20%7C%20Belgique&sessionid=897223&skin=hudoc-fr (consulté 15 mai 2007).

    3 Sur la base de ces critères, la Cour européenne a, par exemple, rendu le 23 avril 1996 un important arrêt de condamnation dans l'affaire "Remli c/ France" en raison du défaut d'impartialité d'un jury criminel dans lequel l'un des jurés avait tenu des propos racistes devant témoin. Toutefois, dans une affaire similaire (arrêt "GREGORY c/ROYAUME-UNI" du 25 février 1997), la Cour européenne a statué en sens contraire et refusé de condamner, parce que le juge avait ordonné un complément d'instructions et pris des mesures suffisantes, a ses yeux pour garantir l'impartialité du jury.

    4 Il nefautpas seulement que lajustice soit rendue, ilfaut aussi qu'elle donne l'apparence d'être rendue . Richard ROGERS, avant propos, Le procès équitable et la protection juridictionnelle du citoyen, actes du Colloque organisé a Bordeaux les 29 et 30 septembre 2000, par l'Institut des droits de l'homme des avocats européens et l'Institut des

    Parmi les indices objectifs d'impartialité se trouve en tout premier lieu la question du cumul de différentes fonctions dans une même procédure1 : cumul des fonctions de poursuite et d'instruction, de poursuite et de jugement, d'instruction et de jugement, ou consultative et juridictionnelle. Un tel cumul est en principe interdit2, mais certains assouplissements3 sont admis en raison du role minime du magistrat lors de l'exercice d'une des fonctions cumulées: la crainte que lajuridiction dejugement ait pu ne pas être impartiale sefonde sur lefait que l'un desjuges avait interrogé des témoins lors de l'instruction préparatoire. Incontestablement, pareille situation peut susciter chez le prévenu des doutes sur l'impartialité du juge, mais on ne saurait pourtant les considérer comme objectivementjustifiés qu'enfonction des circonstances de la cause; qu'un juge de première instance ait déjà eu a connaItre de l'affaire avant le procès ne saurait en soi justifier des appréhensions quant a son impartialité ))4.

    droits de l&homme du barreau de Bordeaux, Bruxelles, Bruylant, 2001. cet adage est cité a propos de l'indépendance du tribunal, CEDH, 17 janvier 1970, Delcourt c .Belgique, requête no 2689/65, § 31, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..asp?item=2&portal=hbkm&action=html&highlight=Delcourt%20%7C%20c% 20%7C%20.Belgique&sessionid=896671&skin=hudoc-fr (consulté 15 mai 2007).

    1 La Cour de cassation francaise, elle, s'est référée a des dispositions de droits internes, comme l'article 49 du Code de procédure pénale qui interdit la participation du juge d'instruction au jugement du fond afin de répondre aux attentes de la CESDH. V0 a cet égard, Gérardin-Sellier Nathalie << La composition des juridictions a l'épreuve de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme >>, Revue trimestrielle des droits de l'homme, n°48, octobre 2001, p. 965 et s.

    2 Par exemple a propos du Président d'une Cour d'assises ayant participé a l'instruction; CEDH, De Gubber c. Belgique, préc.: Ou sur la dualité de fonctions consultative et juridictionnelle au sein du Conseil d'Etat luxembourgeois; CEDH, 28 septembre 1995, Procola c. Luxembourg, n° 27/1994/474/555 ; disponible sur http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Procola%20%7C%20c.% 20%7C%20Luxembourg&sessionid=896671&skin=hudoc-fr (consulté 15 mai 2007).

    3 A cet titre, la Cour a jugé qu'unjuge de première instance ou d'appel, dans un système comme le danois, ait déjà pris des décisions avant le procès, notamment au sujet de la détention provisoire, ne peut donc passer pour justifier en soi des appréhensions quant a son impartialité (...) sauf, comme en l'espèce, si la décision sur la détention provisoire impliquait de s'assurer de l'existence de soup cons particulièrement renforcés . CEDH, 24 mai 1989, Hauschildt c. Danemark, requête no10486/83 § 50- 52, disponible sur

    http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/portal.asp?sessionld=896671&skin=hudoc-fr&action=request (consulté 15 mai 2007).

    4CEDH, 22 février 1996, Bulut c. Autriche, n° 59/1994/506/588, § 33, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..asp?item=2&portal=hbkm&action=html&highlight=Bulut%20%7C%20c.%20 %7C%20Autriche&sessionid=896671&skin=hudoc-fr (consulté 15 mai 2007).

    Outre le problème du cumul des fonctions, l'exigence d'impartialité a également soulevé le problème de la participation au délibéré d'organes ou de personnes ayant participé a la procédure, mais sans être qualifiés, au sens de leur droit interne, de<< partie a la procédure >>. On peut souligner a cet égard, le cas des commissaires du Gouvernement devant le Conseil d'Etat français1, qui a fait l'objet du si célèbre et tant commenté arrêt Kress contre France rendu le 7 juin 2001. La Cour y a condamné la France pour défaut d'impartialité du tribunal, estimant concevable qu'un plaideur puisse éprouver un sentiment d'inégalité si, après avoir entendu les conclusions du commissaire dans un sens défavorable a sa these a l'issue de l'audience publique, il le voit se retirer avec les juges de la formation de jugement afin d'assister au délibéré dans le secret de la chambre du conseil ))2.

    §2. Un tribunal établi par la loi

    Les mots <<tribunal>> et <<loi>> reçoivent une interprétation autonome, détachée du droit interne. La CEDH attribue effectivement une conception extensive a la notion de <<loi>> en lui donnant un sens matériel et non pas formel. Cette conception n'est pas forcément la distinction traditionnelle entre les pays de common law et les pays continentaux. Dans son arrêt Kruslin c. France, la Cour a donné explicitement la signification de ce terme en jugeant que Dans un domaine couvert par le droit écrit, la "loi" est le texte en vigueur tel que lesjuridictions compétentes l'ont interprété en ayant égard, au besoin, a des données techniques nouvelles ))3. Il en résulte que la loi au sens matériel désigne l'ensemble du droit en vigueur, qu'il soit législatif, réglementaire, ou jurisprudentiel.

    1 Dans un autre arrêt du 28 septembre 1995 ("Procola contre Luxembourg") la Cour européenne a sanctionné aussi le manque d&impartialité structurelle du Conseil d&Etat du Luxembourg et condamné le Luxembourg pour violation de l&article 6-1 de la Convention parce que, au sein du Comité du Contentieux du Conseil d&Etat luxembourgeois, quatre de ses cinq membres avaient eu a se prononcer, dans le cadre de leurs fonctions juridictionnelles, sur la légalité d&un règlement qu&ils avaient examiné auparavant dans le cadre de leur mission de caractère consultatif.

    2CEDH, 7juin 2001, Kress c. France, requête no 39594/98 § 81, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 view.aspIitem=3&portal=hbkm&action=html&highlight=Kress%20%7C%20c.%20 %7C%20France&sessionid=897223&skin=hudoc-fr (consulté 15 mai 2007).

    3CEDH, 24 avril 1990, Kruslin c. France, requête no11801/85, § 29 : disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 view.aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=kruslin&sessionid=1028 6697&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).

    Dans le même esprit, la légalité du tribunal fait l'objet d'une acception matérielle. il est a souligner que le procès de type juridictionnel n'est pas exclusif dans l'acception de l'article 6 § 1 tel qu'interprété par la CEDH. La Cour a dans un premier temps précisé que le terme tribunal implique seulement que l'autorité appelée a statuer doit avoir un caractère judiciaire, c'est-à-dire être indépendante du pouvoir exécutif comme des parties en cause; il ne se rapporte aucunement a la procédure a suivre ))1, puis, dans un second temps, que peu importe (...) la nature (...) de l'autorité compétente en la matière (juridiction de droit commun, organe administratif, etc.) ))2, cette autorité constitue un <<tribunal>> au sens de l'article 6 § 1 car elle est indépendante de l'exécutif comme des parties en cause, ses membres sont nommés pour cinq ans et la procédure qui se déroule devant elle offre les garanties nécessaires ))3.

    Il est aujourd'hui clairement établi que par "tribunal", l'article 6 § 1 n'entend pas nécessairement une juridiction de type classique, intégrée aux structures judiciaires ordinaires du pays ))4. La Cour adopte des critères autonomes pour donner au tribunal une définition uniforme afin de ne pas reprendre la qualification interne. En d'autres termes, l'interprétation autonome montre l'attachement a une définition matérielle du tribunal qui confirme en définitive la tendance a considérer que le champ du procès équitable n'est pas enserré dans des limites strictes définies, a priori, par les Etats.

    §3. Un tribunal de pleinejuridiction

    D'une manière générale, selon la Cour européenne la notion de <<tribunal>> n'est pas nécessairement une juridiction de type classique et reçoit une acception << autonome>> au sens de la Convention (on reviendra a une analyse approfondie de cette

    1CEDH, 27juin 1968, Neumeister c. Autriche, requête no 1936/63, § 24, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=3&portal=hbkm&action=html&highlight=Ceumeister%20%7C%20 c.%20%7C%20Autriche&sessionid=897223&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).

    2CEDH, 16 juillet 1971, Ringeisen c. Autriche, requête no 2614/65, § 94, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=2&portal=hbkm&action=html&highlight=Ringeisen%20%7C%20c. %20%7C%20Autriche&sessionid=897223&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).

    3 Ibid., § 95.

    4CEDH, 28juin 1984, Campbell et Fell c. Royaume-Uni, requête no 7819/77; 7878/7, § 76, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=7&portal=hbkm&action=html&highlight=Campbell%20%7C%20et %20%7C%20Fell%20%7C%20c.%20%7C%20Royaume-Uni&sessionid=897223&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007) : voir, mutatis mutandis, l'arrêt Xc. Royaume-Uni du 5 novembre 1981, série A no 46, p. 23, par. 53

    notion dans la prochaine section). Selon le juge européen le << tribunal>> se caractérise au plan matériel par sa fonction juridictionnelle: Trancher, sur la base de normes de droit et a l'issue d'une procedure organisée, toute question relevant de sa competence ~1. Il s'agit selon la terminologie de la Cour dans l'affaire Albert et Le Compte d'<<un organe judiciaire de pleine juridiction>>2. Autrement dit, le contrôle du juge ne doit pas être trop limité, sous peine de vider la notion du tribunal de sa substance. Cela étant, selon la Cour, un contrôle restreint a l'examen de la motivation des faits et au détournement de la procédure ne suffit pas de caractériser le tribunal3.

    Le tribunal de pleine juridiction emporte principalement le fait que le juge exerce un contrôle complet4 de légalité et que le juge national soit compétent << pour les points de fait comme pour les questions de droit>>5. En d'autres termes, il s'agit la compétence de décider, et plus précisément le pouvoir de rendre une decision obligatoire, qu'une autorité non judiciaire n'auraitpas lepouvoir de modifier 6.

    B. L'équité de laprocédure

    Selon les termes de l'article 6 <<Toute personne a droit a ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable>>. L'interprétation

    1CEDH, 22 octobre 1984, Sramek c. Autriche, § 36, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..asp?item=2&portal=hbkm&action=html&highlight=Sramek%20%7C%20c.% 20%7C%20Autriche&sessionid=906223&skin=hudoc-fr (consulté le 15juin 2007).

    2CEDH, 10 février 1983, Albert etLe Compte c. Belgique, requête no 7299/75; 7496/76 § 29, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Albert%20%7C%20et%2 0%7C%20Le%20%7C%20Compte%20%7C%20c%20%7C%20Belgique&sessionid=906223&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    3CEDH, 28 juin 1990, Obermeier c. Autriche, requête no11761/85, § 70, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..asp?item=2&portal=hbkm&action=html&highlight=@bermeier%20%7C%20 c.%20%7C%20Autriche&sessionid=906223&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    4 S'agissant é cet égard que le Cour européenne a une positon en matière civile plus souple que en matière pénale en ce qui concerne la signification du contrôle du juge. Catherine MAMONTOFF, <<Une judiciarisation tributaire de l&existence d&un contrôle de pleine juridiction >>, in La diffusion du modèle européen du procès équitable, op. cit., pp. 198-214.

    5CEDH, 21 septembre 1993, 2umtobel c. Autriche, Requête no 12235/86, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..asp?item=4&portal=hbkm&action=html&highlight=]umtobel%20%7C%20c. %20%7C%20Autriche&sessionid=906223&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    6CEDH, 19 avril 1994, Van den Hurk c. Pays-Bas, § 45, disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=906223&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    du terme << équitablement >> par la CEDH a donné naissance a plusieurs principes, sortes de garanties procédurales << implicites >> a l'article 6. Ainsi en est-il du principe d'égalité des armes, garantie fondamentale du procès équitable, qui découle de l'exigence que pose l'article 6 § 1 que la cause soit << entendue équitablement >>. Ce principe impose que toute partie a une action civile ou pénale ait une possibilité raisonnable d'exposer sa cause au tribunal dans des conditions qui ne la désavantage pas d'une manière appréciable vis-à-vis de la partie adverse. Ce principe impose un équilibre entre les parties a un procès. Découle également de l'exigence d'équité de la procédure, le principe du contradictoire, qui impose au juge de veiller a ce que tous les éléments du litige fassent l'objet d'un débat entre les parties, mais également, l'interprétation progressiste de la Cour impose au juge l'obligation de motivation des décisions de justice. Bref, la CEDH impose un ensemble des garanties qui assurent l'équité de la procédure en donnant une autre dimension du droit a un procès équitable.

    §i. L'égalité des armes

    Le droit a un procès équitable inclut le respect du principe d'égalité des armes1. Cela signifie que chaque partie doit se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport a son adversaire2. Un juste équilibre doit donc être maintenu entre les parties pour rendre la justice effective3. L'effectivité apparalt comme la scour jumelle de

    1 Hélène SURREL, <<L&égalité des armes >>, in La diffusion du modèle européen du procès equitable, op. cit., pp. 299- 329.

    2 Dans une série d&arrêts de condamnation ("Borgers c/ Belgique" du 30 octobre 1991"; "Lobo Machado c/ Portugal" du 20 février 1996; "Vermeulen c/ Belgique" du 20 février 1996 ; "Van Orshoven c/ Belgique" du 25 juin 1997, "KDB et JJ c/ Pays-Bas" du 27 mars 1998, et enfin "Reinhardt et Slimane Kaid c/ France" du 31 mars 1998), la Cour européenne a mis en cause le role du Parquet près les Cours de cassation, en reprochant aux avocats généraux auprès des Cours suprêmes de ne pas respecter le principe de l'égalité des armes entre toutes les parties au sens de l'article 6-1 de la Convention européenne, et en leur faisant grief notamment : d'avoir communication du rapport et des projets des conseillers rapporteurs, alors que les autres parties n'y ont pas accès ; de ne pas communiquer leurs conclusions écrites aux parties a la procédure; d'avoir la parole en dernier a l'audience ; d'assister ensuite au délibéré avec les magistrats du siège.

    3Voir, parmi d'autres, l'arrêt Ankerl c. Suisse du 23 octobre 1996, § 38, disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=906223&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    l'équité1.Dans son arrêt Delcourt du 17 janvier 1970, le juge européen a annoncé que malgré le silence de l'article 6, l'égalité des armes fait partie essentielle de la notion du procès équitable: le principe de l'égalité des armes n'épuise pas le contenu de ce paragraphe; il ne constitue qu'un aspect de la notion plus large de procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial ))2.

    Dans l'affaire DeHaes et Gi9sels c. Belgique, la Cour a rappelé la signification de ce principe qui suppose un équilibre entre les parties: le principe de l'égalité des armes - l'un des éléments de la notion plus large de procès équitable - requiert que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport a son adversaire ))3. Selon la Cour l'exigence de l'égalité des armes, au sens d'un <<juste équilibre>> entre les parties, vaut en principe aussi bien au civil qu'au pénal4. Ce principe implique que les parties puissent participer a égalité a la recherche de la preuve5, et il suppose, en outre, que les parties disposent des mêmes moyens pour faire valoir leurs arguments6.

    1 Bertrand FAVREAU, <<Aux sources du procès équitable ; une certaine qualité de la justice >>, in Le procès équitable et la protection juridictionnelle du citoyen, op. cit., pp. 7-21.

    2 CEDH, du 17 janvier 1970, Delcourt c. Belgique, § 28, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=delcourt&sessionid=899 542&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    3 CEDH, 24 février 1997, DeHaes et Gi9sels c. Belgique, § 53, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=DeHaes%20%7C%20et% 20%7C%20Gijsels%20%7C%20c.%20%7C%20Belgique&sessionid=899542&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007). 4CEDH, 27 octobre 1993, Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas, requête no14448/88, § 30, disponible sur http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=dombo&sessionid=8995 42&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    5Tel n'est pas le cas, par exemple, lorsque au cours du procès en première instance, le Ministère public décida, sans en informer le juge, de ne pas divulguer certaines preuves au nom de l'intérêt public. CEDH, 16 janvier 1993, Rowe et Davis c. Royaume-Uni, disponible sur

    http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=899.'42&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    6Tel n'est pas le cas, par exemple, lorsqu' une partie est empêchée de répondre aux observations écrites présentées au tribunal constitutionnel par l'avocat de l'Etat. CEDH, 23 juin 1993, Ruiz-Mateos c. Espagne, § 63 disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=RuizMateos%20%7C%20c.%20%7C%20Espagne&sessionid=899542&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007). 6CEDH, 30 octobre 1991, Borgers c. Belgique, § 24, disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp1q7/search.asp?sessionid=8qq.'42&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    Par exemple, dans l'affaire Dombo Beheer B.V. c Pays-Bas1, le requérant, une société a responsabilité limitée, avait intenté une action civile contre une banque pour prouver l'existence d'un accord verbal lui accordant des facilités de crédit sur compte courant. Deux personnes uniquement avaient assisté a la réunion au cours de laquelle cet accord aurait été passé : l'une représentant le requérant et l'autre la banque. Toutefois, seule la personne représentant la banque avait été autorisée par le tribunal national a déposer comme témoin. La société requérante s'était vue refuser le droit de citer son représentant au motif que celui-ci s'identifiait a elle. Les Juges de Strasbourg, cependant, relevèrent que, pendant les négociations pertinentes, les deux représentants avaient agi sur un pied d'égalité, chacun d'eux étant habilité a traiter au nom de son mandant et que l'on voyait mal, dès lors, pourquoi ils ne purent pas déposer tous les deux. La société requérante ayant ainsi été placée dans une situation de net désavantage par rapport a la banque, la CEDH conclut a une violation de l'article 6(1).

    D'ailleurs, l'égalité des armes en tant que composante2 de la notion du droit a un procès équitable est associé aussi au principe de contradictoire, c'est-à-dire la faculté pour une partie a une instance civile de prendre connaissance des observations ou pièces produites par l'autre, ainsi que de les discuter: le principe de l'égalité des armes représente un élément de la notion plus large de procès équitable, qui en globe aussi le droit fondamental au caractère contradictoire de l'instance ))3. Dans ce contexte, les apparences d'une bonne justice doivent faire une attention particulière au principe de

    1Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas, précité.

    2 En mettant en ouvre les principes fondamentaux du droit communautaire, la CJCE dépasse le cadre de l'article 6 tel qu'il est appliquée par la CEDH. Cette extension est centrée principalement au respect des droits de la défense comme une composante de la notion du procès équitable. Dans l'arrêt Fiskano du 29 juin 1994, la CJCE a jugé que << le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte a l' encontre d'une personne et susceptible d'aboutir a un acte faisant grief a celle-ci constitue un principe fondamental du droit communautaire et doit être assuré, même en l'absence de toute réglementation concernant la procédure en cause . Fiskano AB c. Commission des Communautés

    européenne, C-135/92, disponible sur

    http://eur-

    lex.europa.eu/smartapi/cgi/sga doc?smartapi!celexplus!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=61992J0135 (Consulté le 15 juin 2007) : V0 également, Jean-Pierre SPITZER, <<Le procès équitable devant la cour de justice des communautés européennes >>, in Le procès équitable et la protection juridictionnelle du cito yen, op. cit., pp. 101-114.

    3 Ruiz-Mateos c. Espagne, précité § 63 ; l'arrêt Brandstetter c. Autriche du 28 aoüt 1991, § 66 disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=RuizMateos%20%7C%20c.%20%7C%20Espagne&sessionid=899542&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    l'égalité des armes et de contradictoire comme l'essence du droit de la défense1. Ces principes concernent tant les procédures civiles que pénales2.

    Par ailleurs, il faut noter que selon la jurisprudence de la CEDH, il y une distinction a la fois théorique et aussi pratique entre l'égalité des armes et le principe de contradictoire. D'une part, l'égalité des armes, au sens de juste équilibre entre les parties, ne s'applique qu'entre les parties en litige et non pas entre une partie et une juridiction indépendante3. Par contre, le principe de contradictoire concerne non seulement les parties entre elles, mais aussi les parties et le ministère public4, et même les parties et une juridiction indépendante, et les parties et un tiers a la procédure, et

    1 CEDH, 30 octobre 1991, Borgers c. Belgique, § 24, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Borgers%20%7C%20c.% 20%7C%20Belgique&sessionid=899542&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    2 Pourtant dans les affaires pénales, le principe de l'égalité des armes se confond partiellement avec les garanties spécifiques de l'article 6(3) et il lui est accordé une portée beaucoup plus large. Par exemple, la CEDH a conclu, en l'affaire Bönisch c. Autriche, a la violation de l'article 6(1) parce qu'un témoin cité par la défense ne s'était pas vu accorder les mêmes prérogatives qu'un autre témoin expert désigné par l'accusation. CEDH, 6 mai 1985, Bönisch c. Autriche, disponible sur

    http://cmiskp.echr.coe.int/tkp1q7/search.asp?sessionid=8qq.'42&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007). En outre, la Commission a estimé, dans l'affaire Jespers c. Belgique, que le principe d'égalité des armes ainsi que l'article 6(3)b imposaient l'obligation aux autorités d'instruction et d'investigation de communiquer tous les éléments pertinents qu'elles détiennent ou auxquels elles ont accès, susceptibles d'aider l'accusé a se disculper ou a obtenir une atténuation de sa peine. Cette règle s'étend même aux éléments susceptibles de saper la crédibiité d'un témoin de l'accusation. Dans l'affaire Foucher c. France du 18 mars 1997, la CEDH affirma que lorsqu'un défendeur désireux d'assurer luimême sa défense se plaint d'une atteinte a ses droits de la défense, en ce qu'il n'aurait pu ni accéder a son dossier pénal ni obtenir une copie des pièces y figurant, et se révèle par conséquent incapable de préparer une défense adéquate, ily a violation du principe d'égalité des armes combiné a l'article 6(3).

    3 CEDH, 18 février 1997, Nideröst-Huber c. Suisse, n° 104/1995/610/698, disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Nider%F6stHuber&sessionid=906223&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    4 Dans un arrêt en date du 3 octobre 2006, la Cour européenne des droits de l&homme a condamné la France pour rupture de l&égalité des armes en ce qu&elle permet au Procureur général d&exercer son droit d&appel pendant 2 mois a compter de la date du jugement (art. 505 C. proc.pén.), alors que le délai accordé au prévenu pour faire appel n&est pas aussi long. La Cour contredit ainsi la jurisprudence de la Cour de cassation aux termes de laquelle "le délai plus long dont bénéficie le ministère public pour faire appel n&est pas contraire a l&exigence d&un procès équitable posé par l&article 6-1 Conv. E.D.H. dès lors que le prévenu bénéficie également d&un droit d&appel et d&un délai lui permettant de l&exercer utilement" (Crim., 27 juin 2000, Bull. crim., n°243). CEDH, BEN NACEUR c. FRANCE, 3 octobre 2006, requête no 63879/00, disponible sur

    http://fdv.univ-lyon3.fr/publication/gazette/C.E.D.H. 3 octobre 2006.pdf (consulté le 15 juin 2007).

    couvre toute les phases de la procédure, y compris celle de l'expertise technique si celleci a une influence prépondérante sur la décision du juge1.

    D'autre part, le juge européen distingue entre l'égalité des armes et le contradictoire en matière de communication des pièces aux parties. En principe, le déséquilibre d'informations est sanctionné sur la base du principe de l'égalité des armes, et l'égal défaut de transmission d'information sur la base du droit a une procédure contradictoire2. Par exemple, l'affaire Van Orshoven c. Belgique3 concernait un docteur en médecine faisant l'objet d'une procédure disciplinaire. Le requérant avait interjeté appel contre une décision prononçant sa radiation du tableau de l'ordre des médecins, mais la Cour de cassation avait rejeté son pourvoi. Il se plaignait qu'à aucun moment de la procédure devant la Cour de cassation, il n'avait pu répondre aux conclusions de l'avocat général (qui ne lui avaient d'ailleurs même pas été communiquées). Les Juges de Strasbourg estimèrent que, compte tenu de l'enjeu de la procédure pour le requérant et de la nature des conclusions de l'avocat général, l'impossibilité pour l'intéressé d'y répondre avant la cloture de l'audience avait méconnu son droit a une procédure contradictoire. Celui-ci implique en principe la faculté pour les parties a un procès de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge et de la discuter. Partant, il y a avait eu violation de l'article 6(1).

    §2. La motivation de la decision

    Selon la CEDH, la mise en place de l'obligation du procès équitable découlant de l'article 6, oblige les tribunaux nationaux a motiver leurs décisions, a la fois dans les affaires civiles et pénales, mais il ne peut pas se comprendre comme exigeant une réponse détaillée a chaque argument: L'article 6 par. i (art. 6-i) oblige les tribunaux a motiver leurs décisions, mais il ne peut se comprendre comme exigeant une réponse détaillée a chaque argument. De même, la Cour européenne n'est pas appelée a

    1CEDH, 18 mars 1997, Mantovanelli c. France, n° 8/1996/627/8 10, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=mantovanelli&sessionid= 906223&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    2 Frédéric SUDRE, op. cit., p. 372.

    3CEDH, 25 juin 1997, Van Orshoven c. Belgique, n° 95/1995/601/689, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Aan%20%7C%20@rshov en%20%7C%20c.%20%7C%20Belgique&sessionid=906223&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    rechercher si les arguments ont été adéquatement traités ))1. Cependant, l'étendue de ce devoir peut varier selon la nature de la décision et doit s'analyser a la lumière des circonstances de chaque espèce2; seules les questions fondamentales pour l'issue du procès requièrent une réponse spécifique dans le jugement.

    Dans l'affaire Hiro Balani c. Espagne3, le requérant avait présenté un moyen exigeant une réponse spécifique et explicite. Le tribunal s'abstint de fournir cette réponse, sans qu'il soit possible de savoir s'il avait négligé ledit moyen ou bien s'il avait voulu le rejeter et, dans cette dernière hypothèse, pour quelles raisons. La CEDH conclut par conséquent a une violation de l'article 6(1). L'objectif de l'exigence de la motivation de justice est de garantir l'effectivité de la décision juridique afin que les parties au procès aient le droit non seulement de présenter leurs arguments, mais aussi le droit d'être vraiment entendues.

    §3. La publicité des débats

    La publicité de la procédure (débats et prononcé de la décision) est également un principe fondamental consacré par l'article 6 § 1. Ladite publicité protège les justiciables contre une justice secrète échappant au contrôle du public4; elle constitue aussi l'un des moyens de contribuer a préserver la confiance dans les cours et tribunaux. Par la transparence qu'elle donne a l'administration de lajustice, elle aide a atteindre le but de l'article 6 § 1 : le procès équitable, dont la garantie compte parmi les principes de toute société démocratique au sens de la Convention ))5.

    1CEDH, 19 avril 1994, Van de Hurk c. Pays-Bas, requête no16o34/9o, § 61, disponible sur

    http, cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Aan%20%7C%20de%20 %7C%20Hurk%20%7C%20c.%20%7C%20Pays-Bas&sessionid=906223&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007). 2CEDH, Ruiz Torija et Hiro Balani c. Espagne du 9 décembre 1994, série An° 303-A et -B, p. 12, § 29, et pp. 29-30, § 27), disponible sur

    http, cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Higgins&sessionid=9062 23&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    3CEDH, 9 décembre 1994, Hiro Balani c. Espagne, requête no18o64/91, disponible sur

    http, cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Hiro%20%7C%20Balani %20%7C%20c.%20%7C%20Espagne&sessionid=906223&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    4 Caroline PICHERAL, <La publicité des audiences >>, in La diffusion du modèle européen du procès équitable, op. cit., pp. 253-271.

    5 CEDH, 24 novembre 1997, Werner c. Autriche, § 45, disponible sur

    Le principe de publicité de la procédure peut connaltre certaines limitations, prévues a l'article 6 § 1, seconde phrase, qui concerne le déroulement des débats devant le juge. Ces assouplissements au principe de publicité des débats ont été admis par la Cour également en ce qui concerne le prononcé public des décisions : soit que les jugements des tribunaux inférieurs a l'image de la révision aient été rendus publiquement1, soit que l'accès du public a cette décision ait été assuré par d'autres moyens, comme la possibilité de demander une copie de l'arrêt au greffe du tribunal et sa publication ultérieure dans un recueil officiel de jurisprudence2. En toute hypothèse, il peut y avoir renonciation a la publicité de la procédure de la part du justiciable, a condition encore une fois que cette renonciation soit faite sans équivoque: Ni la lettre ni l'esprit de [l'article 6 § iJ n'empêchent une personne d'y renoncer de son plein gré de manière expresse ou tacite, mais pareille renonciation doit être non équivoque et ne se heurter a aucun intérêt public important ))3.

    §B. Le délai raisonnable

    La durée raisonnable de la procédure préserve effectivement la crédibilité de la procédure et son efficacité4. La Cour apprécie le caractère raisonnable du délai en fonction de trois critères principaux5: la complexité de l'affaire, du comportement du

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..asp?item=2&portal=hbkm&action=html&highlight=Oerner%20%7C%20c.% 20%7C%20Autriche%2C&sessionid=906223&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    1CEDH, 8 décembre 1983, Axen c. Allemagne, § 32, disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=906223&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007). 2 CEDH, 22 février 1984, Sutter c. Suisse, § 34, disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=906223&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007). 3CEDH, 21 février 1990, Häkansson etSturesson c. Suède, § 66, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..asp?item=2&portal=hbkm&action=html&highlight=Oerner%20%7C%20c.% 20%7C%20Autriche%2C&sessionid=906223&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    4 Frédéric SUDRE, op. cit., p. 391. L'exemple français ilustre bien la fréquence des condamnations pour délai déraisonnable d'une procédure, qu'elle soit pénale ('affaire Kemmache c. France du 27 novembre 1991, n°s 41/1990/232/298 et 53/1990/244/315) ou administrative ( H. c. France du 26 octobre 1989).

    5 La CJCE se fonde sur ces critères dégagés par le juge strasbourgeois pour apprécier le délai raisonnable dans le système juridictionnel communautaire, dans le cadre un pourvoi contre un arrêt du TPI. La CJCE a fait appel a la position du juge européen pour constater la durée excessive de la procédure devant le TPI en jugeant que : <<Le caractère raisonnable du délai de la procédure devant le Tribunal doit être apprécié en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, de l'enjeu du litige pour l'intéressé, de la complexité de l'affaire ainsi que

    requérant et de l'attitude des autorités publiques. Le terme de << critères >> est souvent utilisé a propos de la méthode qu'utilise la Cour pour apprécier le délai raisonnable. Il s'agit pourtant plus d'appliquer une appréciation mécanique1 en réunissant un <<faisceau d'indices >> que de critères au sens strict.

    Signalons qu'en matière de << droits et obligations a caractère civil >>, le délai pris en compte court a compter de la saisine du juge jusqu'à la fin de la procédure, voies de recours incluses2 ou la durée de procédure administrative préliminaire3. En ce qui concerne les << accusations en matière pénale >>, le délai court a compter du jour oü les soupçons portant sur le justiciable produisent des effets sur sa situation juridique, soit ~ dès l'instant qu'une personne se trouve "accusée"; il peut s'agir d'une date antérieure a la saisine de la juridiction de jugement [...], celles notamment de l'arrestation, de l'inculpation et de l'ouverture des enquêtes préliminaires [...]. L'"accusation" , au sens de l'article 6 § 1, peut se définir "comme la notification officielle, émanant de l'autorité compétente, du reproche d'avoir accompli une infraction pénale", idée qui correspond aussi a la notion de "répercussions importantes sur la situation" du suspect ))4.

    Après cette démonstration des droits garantis par l'article 6 de la CESDH, la question qui se pose est de savoir si la procédure de résolutions des litiges en ligne de type l'UDRP garantirait les mêmes droits aux individus. C'est ce qu'on examinera par la suite.

    du comportement du requérant et des autorités compétentes. Une procédure devant le Tribunal portant sur l'existence d'une infraction aux règles de concurrence, dont la durée a été d'environ cinq ans et six mois, dépasse, tout en tenant compte de la relative complexité de l'affaire, les exigences liées au respect du délai raisonnable . La CJCE, 17 décembre 1998, Baustahlgewebe GmbH c. Commission des Communautés européennes, Affaire C-185/95 P, disponible sur

    http://eur-

    lex.europa.eu/smartapi/cgi/sga doc?smartapi!celexplus!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=61995J0185#SM (consulté le 15 juin 2007).

    1 Frédéric SUDRE, op. cit., p. 392.

    2CEDH, 6 mai 1981, Buchholz c. Allemagne, § 50-53, disponible sur

    http: cmiskp.echr.coe.int tkp197 view.asp?item=2&portal=hbkm&action=html&highlight=BuchholR%20%7C%20c. %20%7C%20Allemagne&sessionid=906223&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    3CEDH, 13 mars 1992, Xc. France, disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=906223&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007). 4CEDH, 15 juillet 1982, Eckle c. Allemagne, , § 73, disponible sur http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=906223&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).

    Section 2 : La conformité contestée de la procédure UDRP avec les garanties

    du droit a un procès équitable

    On a vu plus haut que le recours a l'arbitrage est considéré comme une renonciation partielle aux garanties offertes par l'article 6. Donc, la clause compromissoire attribuant compétence aux organes de résolution des litiges institués conformément aux règles UDRP et imposée dans les conditions générales des contrats d'enregistrement de noms de domaine ne peut suffire a remettre en cause la validité de la renonciation partielle a l'exercice du droit a un procès équitable qui en découle. La base contractuelle de la procédure UDRP ne pose donc pas de difficulté particulière dans ce contexte.

    Or, il faut rappeler que lorsque les parties soumettent leur litige a une procédure extrajudiciaire, ils ne renoncent pas au droit de soumettre un litige a un tribunal mais uniquement un tribunal étatique. Pourtant, on a vu que le fonctionnement de la procédure UDRP s'appuie sur la technologie de l'Internet. C'est une procédure électronique qui se déroule uniquement en ligne et échappe a toute intervention de la part du juge judiciaire. Donc, la question se pose de savoir quel est l'intérêt de poser l'hypothèse de l'applicabilité indirecte de l'article 6 a la procédure UDRP. Une telle conclusion est plutôt hâtive dans la mesure oü le role du juge national n'est pas complètement marginalisé dans le fonctionnement de cette procédure. Selon l'article 4k des principes directeursl de l'UDRP, le juge national peut trouver un role a jouer. Dans

    lArticle 4 K: Possibi~ité de recourir aux tribunaux:

    <<La procédure administrative obligatoire visée au paragraphe 4 ne vous interdit pas, non plus qu'elle n'interdit au requérant, de porter le litige devant un tribunal compétent appelé a statuer indépendamment avant l'ouverture de cette procédure administrative obligatoire ou après sa cloture. Si une commission administrative décide que votre enregistrement de nom de domaine doit être radié ou transféré, nous surseoirons a l'exécution de cette décision pendant dix (io) jours ouvrables (selon les usages établis au lieu de notre siège) après en avoir été informés par l'institution de règlement compétente. Nous exécuterons ensuite cette décision, a moins d'avoir reçu de vous dans ce délai de dix (io) jours ouvrables un document officiel (par exemple la copie d'une plainte, portant le tampon d'enregistrement d'un greffe de tribunal) attestant que vous avez engagé des poursuites judiciaires a l'encontre du requérant en un for dont le requérant a accepté la compétence conformément au paragraphe 3)b)xiii) des règles de procédure. (En règle générale, ce sera soit au lieu de notre siège, soit a celui de votre adresse telle qu'elle figure dans notre répertoire. Pour plus de précision, voir les paragraphes 1 et 3)b)xiii) des règles de procédure). Si nous recevons un document de cette nature dans le délai de dix (io) jours ouvrables imparti, nous n'exécuterons pas la décision de la commission administrative et nous ne prendrons aucune autre mesure tant que nous n'aurons pas reçu i) preuve

    un premier temps, on soulignera les signes d'incompatibilité de la procédure UDRP avec les exigences de l'article 6 de la CESDH (A), ensuite, on abordera le contrôle qui juge pourrait le sur cette procédure (B).

    A. Les symptômes d'incompatibilité avec les exigences du procès equitable

    La première critique de la procédure UDRP se situe dans le processus même d'élaboration de la procédure. On sait bien que la procédure UDRP est un type d'une législation privée, fruit des efforts de l'ICANN et de l'OMPI. Le manque de représentativité (tant au niveau de la structure que de la composition du Conseil d'administration de l'ICANN) et la carence de crédibilité sont inhérents au processus législatif de l'ICANN. Il met en exergue le caractère privé et fermé de la négociation de ce processus oü aucun Etat Membre ni aucune ONG ne furent impliqués en temps réel. De plus, il faut rappeler que c'est par un lobby des titulaires de droits de marques que, cette procédure fut finalement initiée. Egalement, la participation de l'OMPI (organisation mondiale de la propriété intellectuelle), chargée de protéger les droits de marques, dans l'élaboration de la procédure suscite quelques soucis dans la mesure oü l'OMPI pourrait favoriser les détenteurs de droits de propriété intellectuelle au détriment de détenteurs de noms de domaine litigieux.

    Au surplus, sous l'angle de la comptabilité de la procédure de l'UDRP avec les exigences du droit a un procès équitable, plusieurs critiques peuvent être adressées, dans ce contexte, a la procédure UDRP.

    §i. La procedure de 1'UDRP : un forum du shopping

    La première difficulté par rapport a l'évaluation du caractère équitable de la procédure UDRP se situe au niveau de la saisine des organes chargés d'appliquer les règles de l'UDRP. Effectivement, le mode de saisine des organes de résolution des litiges constitue un aspect problématique fondamental, compte tenu du role du demandeur, titulaire de droits sur une marque. Selon les Règles UDRP, le plaignant choisit librement l'organe qu'il saisit parmi les institutions accréditées par l'ICANN.

    satisfaisante a nos yeux d'un règlement entre les parties; ii) preuve satisfaisante a nos yeux du rejet ou du retrait de votre action en justice; ou iii) copie d'un jugement par lequel un tribunal compétent vous déboute de votre action en justice ou dit que vous n'avez le droit de continuer a utiliser votre nom de domaine >>.

    Les institutions de règlement sont des entités publiques ou privées offrant des services de résolution alternative des litiges. Ces institutions prennent souvent la forme d'organisations ou d'associations dont l'objet est de mettre l'expérience de leurs membres (experts, arbitres ou panélistes) au service de l'arbitrage et de la médiation. L'institution de règlement la plus représentative est une institution publique créée au sein même de l'OMPI : le Centre d'Arbitrage et de Médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). Les institutions de règlement agréées par l'ICANN sont : le National Arbitration Forum (NAF)1; le E-Resolution (qui a cessé son activité)2; le CPR Institute for Dispute Resolution (CPR)3 ; et l'Asian Domain Name Dispute Resolution Center (ADNDRC)4.

    Or, dans une étude élaborée par Milton Mueller5, l'analyse de la jurisprudence révèle des différences importantes de jurisprudence entre certains organes de résolution

    1 Forndé en 1986, le National Arbitration Forum a été sélectionné et agréé par l'ICANN le 23 décembre 1999 pour participer, avec d'autres institutions de règlement, a la résolution extrajudiciaire des différends relatifs aux noms de domaine. Ses panélistes rendent leurs décisions sur le fondement des principes UDRP. Le National Arbitration Forum est aussi compétent pour les litiges de noms de domaine concernant le .us, le .kids.us. Site internent: arb-forum.com et spécialement sur les litiges relatifs aux noms de domaine : arb-forum.com/domains.

    2 Centre canadien de résolution alternative des litiges spécialisé dans les modes électroniques de règlement des litiges (MERL). Ce fut l'une des premières institutions de règlement agréées par l'Icann (le 1er janvier 2000) pour l'application des principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (Principes UDRP), mais E-Resolution a désormais cessé cette activité. Site Internet : www.eresolution.ca

    3 Center for Public Ressources - Institue for Alternative Dispute Resolution Fondé en 1979, le CPR est basé a New York. Il a pour objectif de favoriser le recours aux méthodes alternatives de règlement des litiges (Alternative Dispute Resolution). Le CPR est l'une des institutions de règlement agréés par l'ICANN le 22 mai 2000 pour l'application des principes régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (Principes UDRP). Site Internet: www.cprard.org

    4 L'ADNDRC est l'une des institutions de règlement (agréée par l'Icann le 28 février 2002) pour la résolution extrajudiciaire des litiges relatifs aux noms de domaine sur le fondement des principes UDRP. L'ADNDRC regroupe trois panels: The Hong Kong International Arbitration Centre (HKIAC) ; The China Economic and Trade Arbitration Commission (CIETAC) ; The Korean Internet address Dispute Resolution Committee (KIDRC). Site de l'ADNDRC - www.adndrc.org; Site du HKIAC - www.hkiac.org; Site du CIETAC - www.cietac.org.cn; Site du KIDRC - www.idrc.or.kr.

    5 Milton MUELLER, <<Rough Justice. An analysis of ICANN Uniform Dispute Resolution Policy>>, novembre 2000, disponible sur http://legal.edhec.com/DTIC/ArticlesE/Articledns5.htm (consulté le 15 juin 2007). Etude des décisions rendues en application des règles énoncées par l'ICANN, entre le 1er décembre 1999 et le 1er novembre 2000. L'approche étant statistique, il s'agit moins d'une étude juridique qu'une étude de sociologie du droit - si l'on peut dire que les règles UDRP relèvent du droit.

    des litiges. Si les statistiques montrent que le plaignant obtient gain de cause dans environ 80% des cas en moyenne, le taux de succès varie fortement d'un organe de résolution a l'autre, allant d'environ 50% chez eResolution a environ 80 % auprès des autres organes accrédité. Il observe que certains centres comme l'OMPI ou le NAF ont a priori convaincu de la mauvaise foi du titulaire du nom de domaine et jugent souvent en faveur du titulaire de marque.

    Comme le remarque Alexandre Cruquenaire, le fait que le choix de l'organe de résolution des litiges est laissé au seul plaignant risque d'ouvrir la voie a un véritable Forum shopping. Cette situation est inquiétante pour l'évolution future de ce mécanisme de résolution des litiges car la diffusion de plus en plus large des statistiques risque de renforcer la tendance, déjà relativement marquée, a privilégier les organes de résolution des litiges plus sensibles aux arguments des plaignants, titulaires de marque. On peut dès lors sérieusement craindre le développement d'une concurrence entre les organes de résolution accrédités afin d'attirer vers eux un maximum de plaintes. Il en résulterait un durcissement d'une jurisprudence pourtant déjà favorable aux plaignants dans 80 % des cas. A vraie dire, cette situation met en cause l'indépendance de certains centres de résolution des litiges: l'indépendance des organes de résolution des litiges pourrait être mise en doute. En effet, peut-on encore parler d'égalité des armes lorsque la procédure permet au plaignant de choisir un organe de résolution du litige qui présente des statistiques particulièrement favorables au type d'argument qu'il invoque? ))1.

    Dans le même ordre d'idées, si l'article 7 des règles d'application de la procédure UDRP2 énonce le principe selon lequel les tiers décideurs doivent être impartiaux et indépendants, cette disposition confie au tiers décideur le soin de révéler toute

    1 Alexandre CRUQUENAIRE, Le règlement extrajudiciaire des litiges relatifs aux noms de domaine Analyse de laprocédure UDRP, Bruylant, 2002, p. 158.

    2Article 7 des règles d'application de l'UDR; Impartialité et indépendance:

    <<Tout membre d'une commission doit être impartial et indépendant et, avant d'accepter sa nomination, doit faire connaItre a l'institution de règlement toute circonstance de nature a soulever un doute sérieux sur son impartialité ou son indépendance. Si, a un moment quelconque de la procédure administrative, apparaissent des circonstances nouvelles de nature a soulever un doute sérieux sur l'impartialité et l'indépendance du membre de la commission, celui-ci fait immédiatement connaItre ces circonstances a l'institution de règlement. Dans un tel cas, l'institution de règlement a toute latitude pour nommer un suppléant >>.

    circonstance de nature a soulever un doute sérieux sur son impartialité ou son indépendance et, le cas échéant, de solliciter son remplacement. En effet, ce sont les règles supplémentaires des organes de résolution des litiges qui déterminent les conditions d'un éventuel remplacement non volontaire des tiers décideurs. Or, les solutions retenues par les différents organes de résolution des litiges peuvent être diamétralement opposées.

    A titre d'exemple, les règles de l'OMPI ne permettent pas aux parties de solliciter le remplacement d'un tiers décideur, tandis que les règles supplémentaires de eResolution le permettent a tout moment et celles du NAF uniquement pendant une période de temps limitél. De même, les raisons susceptibles de fonder un remplacement varient d'un organe de résolution a l'autre. Il n'est pas admissible qu'une question aussi essentielle puisse être réglée de manière totalement différente en fonction de l'organe de résolution des litiges. La concurrence qui en résulte rend plus problématique encore la possibilité de choix offerte au seul plaignant.

    §2. Une modalité imprécise de désignation du tiers décideur

    Les modalités de désignation des tiers décideur siégeant dans les panels sont fort peu claires. Dans l'hypothèse d'un panel de trois personnes, l'article 6, e, des règles UDRP2 prévoit que les parties fournissent chacune une liste de personnes désirées. Par contre, la situation est nettement incertaine en ce qui concerne les panels composés d'une seule personne puisque les règles UDRP mentionnent simplement le fait que l'organe de résolution des litiges saisi désigne un tiers parmi ceux inscrits sur sa liste. Si, officiellement, l'on invoque le recours au hasard pour désigner le tiers siégeant dans un panel d'une personne, une analyse statistique révèle toutefois des données

    lAlexandre CRUQUENAIRE, ibid., p. 159.

    2Article 6 des règles d'application de l'UDRP ; Nomination de la commission et délai pour le prononcé de la décision;
    Chaque institution de règlement établit et rend publique une liste contenant les nom et qualités de membres potentiels de commission.

    b) Si nile requérant, nile défendeur n'a opté pour la commission composée de trois membres (paragraphes 3.b)iv) et 5.b)iv)), l'institution de règlement désigne, dans les cinq (5) jours suivant la date a laquelle elle a reçu la réponse, ou suivant l'expiration du délai imparti pour présenter une réponse, un expert unique choisi sur sa liste de membres potentiels de commission. Les taxes et les honoraires, pour l'expert unique, sont intégralement a la charge du requérant.

    particulièrement inquiétantes. Il s'agit vraiment de règles d'appréciation a géométrie variable.

    Ainsi, une équipe dirigée par le professeur Michel Geist1 a montré clairement que sur les 131 experts inscrits sur sa liste, le NAF a désigné les six mêmes personnes dans plus de 50 % des cas (512 sur 966 recensées dans l'étude). Encore frappant, ces mêmes statistiques indiquent que ces experts présentent des pourcentages de décisions favorables aux demandeurs sensiblement au dessus de la moyenne des autres panélistes (94 % de décisions favorables). L'étude montre que cette pratique du complainant-friendly panelists, est fréquente dans plusieurs centres de résolution de litiges. Pire, en ce qui concerne l'OMPI, l'étude montre que dans le cas d'un panel unique, le plagiant gagne des 83 % des cas, tandis que lorsque le panel est composé de triple personne, le plaignant gagne des 60% des cas. Cette situation montre clairement la différence entre le panel d'un unique membre et celui des triples membres au regard du sort du litige.

    Dans ces conditions, il devient difficile d'accréditer la version officielle de l'emprise du seul hasard sur la désignation des tiers composant les panels. Sans aucun doute, cette pratique met en évidence le fait que la fonctionnalité de la procédure de l'UDRP est contradictoire avec les exigences de l'article 6 de la CESDH: Le man que total de transparence sur le processus de désignation des tiers siégeant dans des panels a composition unipersonnelle constitue incontestablement une violation des exigences d'impartialité et d'indépendance de l'organe décisionnel ~+.

    Une des recommandations de l'étude du professeur Michel Geist est la généralisation du recours a des panels a trois membres, aux seuls frais du demandeur (les Règles UDRP prévoient un partage des frais lorsque le défendeur sollicite un panel a composition plurielle). Afin d'éviter les frais inutiles, l'étude recommande enfin que cette nouvelle règle fasse une exception en cas de défaut. Cette dernière proposition est contredite par Alexandre Cruquenaire qui l'estime non appropriée3. Ce dernier souhaite justement généraliser les panels a trois membres, sans souffrir aucune exception. En effet, si l'élément principal conduisant a la désignation de panels triples est la crainte de

    1 Michel GEIST, Fair.com? : an examination of the allegations of systematic unfairness in the ICANN UDRP disponible a l'adresse, http://aix1.uottawa.ca/--geist/geistudrp.pdf, p. 8, (consulté le 15 juin 2007). 2Alexandre CRUQUENAIRE, op. cit., p. 161.

    3Alexandre CRUQUENAIRE, ibid., p. 162.

    l'incompétence de certains membres de panels, il convient d'être d'autant plus attentif dans le cadre de procédure en ligne oü le défendeur n'est pas présent pour défendre son point de vue. Le risque de décisions incohérentes ou erronées est d'autant plus grand qu'un seul point de vue est exprimé au cours de l'instance.

    §3. Une atteinte incontestable au droit de la defense

    Les articles 4, a1, et 2, a, des Règles UDRP prévoient, a charge de l'organe de règlement des litiges saisi, une obligation de notification de la plainte au défendeur. L'article 2, a, précise que cette obligation n'est qu'une obligation de moyen. En effet, il dispose que Pour transmettre une plainte au défendeur, il incombe a l'institution de règlement d'employer les moyens dont il peut raisonnablement disposer pour que le défendeur reçoive effectivement notification . Pour déterminer si l'organe de règlement des litiges a satisfait a son obligation, l'article 2, a, établi ensuite une présomption, qui semble indiscutable, lorsque différents moyens ont été utilisés. La plainte doit être envoyée sous forme électronique (par courrier électronique) et sous forme papier a l'adresse postale ou au numéro de fax du défendeur, voir le détenteur du nom de domaine.

    Cette technique peut paraltre normale dans la mesure oü l'utilisation de moyens électroniques de notification ne constitue pas davantage un élément de nature a porter atteinte aux droits de la défense. En effet, on constate actuellement l'utilisation de moyens de télécommunication, de courrier électronique et de la signature électronique dans la procédure judiciaire et extrajudiciaire2. De même, il convient d'observer que le seul recours a la présomption de connaissance ne peut en lui-même constituer une violation des droits de la défense ou une atteinte au principe du contradictoire. Par contre, la combinaison de cette technique particulière de notification avec l'extrême brièveté du délai de réponse accordé au défendeur et a l'absence de recours interne en cas de décision par défaut, paralt constituer une atteinte aux principes du contradictoire et du respect des droits de la défense. Dans ces conditions, on ne peut en effet se

    lArticle 4 a) dispose que: <<L'institution de règlement examine la plainte pour en vérifier la conformité administrative aux principes directeurs et aux présentes règles et, si la plainte est conforme, transmet celle-ci (accompagnée de la page de couverture explicative prescrite par les règles supplémentaires de l'institution de règlement) au défendeur... >>. 2 v° , infra, chapitre 2, titre 1.

    satisfaire d'une vague présomption de connaissance de la procédure, ainsi que le prévoient les règles UDRP.

    Dans le même esprit, le délai qui est laissé au défendeur pour transmettre sa réponse a la plainte est de vingt jours seulement (article 5 des règles UDRP)1. Organiser correctement une défense dans un délai aussi bref constitue un risque pour assurer pleinement l'exercice du droit a la défense2. Par contre, le plaignant dispose du temps qu'il souhaite pour peaufiner l'argumentation de la plainte puisqu'il décide du moment de l'introduction de l'instance. Les principes du contradictoire et de l'égalité des armes ne semblent dès lors pas adéquatement pris en considération.

    §B. Une lacune au niveau de motivation de decision

    L'article 15 de la procédure UDRP3 se montre particulièrement flexible quant au choix des règles applicables : les panels statuent sur la base des principes directeurs et des règles d'application mais également en vertu de tout principe ou règle de droit qu'ils jugent applicables. Ce dernier point rend les décisions indéterminées voire incertaines. Dès lors, rien interdit les panels d'ignorer la force corrective indirecte qu'exercent les arrêts des juridictions nationales en appel et peuvent continuer a appliquer leur interprétation. Dans le même sens, on peut légitimement s'interroger sur la possibilité de créer dans ce contexte, une jurisprudence cohérente, non seulement entre les

    1 L'article 5 c) dispose que <<Si le requérant a choisi de faire statuer sur le litige un expert unique et que le défendeur opte pour la commission de trois membres, le défendeur est tenu de payer la moitié du montant des taxes et honoraires fixés dans les règles supplémentaires de l'institution de règlement pour une commission de trois membres. Ce paiement doit être effectué en même temps que la réponse est remise a l'institution de règlement. Si le montant requis n'est pas versé, le litige sera tranché par un expert unique >>.

    2 Dans ce contexte, M. FroomVin propose de tripler ce délai au minimum et d'utiliser la réception de l'ensemble des pièces comme point de départ. ~l établit une comparaison avec un procès traditionnel et met en exergue le fait que ce délai de 20 jours soit ridiculement bref puisqu'il s'agit, durant ce délai, de trouver un avocat, de réunir les preuves (dont certaines peuvent se situer a l'étranger si le droit de marque du demandeur est incertain), de préparer son argumentation et de la soumettre. Michael FROOMKIN, << "Uniform dispute resolution policy"-causes and partial cures>>, BrooklynLaw Review vol.67 number 3, 2002 pp.605-718 p.688, cite par Alexandre CRUQUENA~RE, op. cit., p. 159.

    3 L'article 15 d) ajoute que <<La décision de la commission est formulée par écrit, motivée, indique la date a laquelle elle a été rendue et comporte le nom de l'expert unique ou des membres de la commission >>.

    différents organes de résolution des litiges, mais aussi au sein du même organe1. Rappelons aussi a cet égard qu'il n'ya pas de degré d'appel au niveau interne en vue de minimiser les différences d'interprétation d'un panel a l'autre.

    §;. Une inégalité au niveau du recours judiciaire

    Un des objectifs de la procédure était d'assurer un recours judiciaire après avoir perdu en procédure UDRP. L'article 4k des principes directeur de la procédure UDRP dispose que: Si une commission administrative décide que votre enregistrement de nom de domaine doit être radié ou transféré, nous surseoirons a l'exécution de cette décision pendant dix (10) fours ouvrables (...) après en avoir été informés par l'institution de règlement compétente. Nous exécuterons ensuite cette décision, a moins d'avoir reçu de vous dans ce délai de dix (1 0) fours ouvrables un document officiel (...) attestant que vous avez engagé des poursuitesfudiciaires a l'encontre du requérant en un for dont le requérant a accepté la compétence conformément au paragraphe 3)b)xiii) des règles deprocédure '.

    On constate que si le demandeur dispose du temps qu'il souhaite pour porter plainte, a contrario, le défendeur est cadenassé dans des délais stricts pour y répondre. Ce désavantage se poursuit au niveau des recours judiciaires : s'il perd en procédure UDRP, le détenteur de marques n'est pas enfermé dans des délais pour introduire un recours. En cas de rejet de sa plainte, le demandeur est libre d'introduire un recours judiciaire sans aucune contrainte de temps. A l'inverse, le détenteur du nom de domaine litigieux ne disposera que d'un délai de 10 jours dès lors que le transfert ou la radiation du nom de domaine est exigé. A ce titre, Alexandre Cruquenaire indique que Les Règles UDRP présentent sur ce point un déséquilibre important au détriment du

    1 Le Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) a créé et mis a disposition un nouvel instrument d'information en ligne qui présente un panorama concis des tendances relevées dans les décisions prises en application des Principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (principes UDRP), qui constituent une procédure rapide et économique de règlement des litiges relatif aux adresses Internet. La synthèse des avis des commissions administratives de l'OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP contient des informations sur des points courants et importants touchant aussi bien au fond qu'aux procédures qui ont été étudiés en relation avec plus de 7000 litiges examinés jusqu'à présent par l'OMPI dans le cadre des principes UDRP. La synthèse est disponible a l'adresse

    http://arbiter.wipo.int/domains/search/overview/index.html (consulté le 15 juin 2007).

    défendeur. Les principes de l'égalité des armes et du respect des droits de la défense s'en trouvent donc incontestablement écornés ~6.

    En tout état de cause, il faut rappeler que la procédure de l'UDRP n'exclut pas l'intervention du juge avant, pendant ou même avant la clôture de la procédure. Cela dit, qu'il y a une possibilité d'une interaction entre le système national et le modèle transnational étable par la procédure UDRP. Sous cet angle, on peut demander comment le juge national, juge du droit commun de la CESDH, va traiter les symptômes de l'incompatibilité de la procédure UDRP avec les exigences du droit a un procès équitable. C'est ce qu'on abordera par la suite.

    B. Les effets d'incompatibilité avec l'article 6 sur lejuge national

    L'ICANN, une société privée s'est fondue dans un régime contractuel pour imposer ses règles a ceux qui enregistrent un nom de domaine. Dans ce contexte, la resolution de litiges représente la pierre angulaire du système établi par l'ICANN. On a vu plus haut que le fonctionnement de cette procédure englobe quelques contradictions avec le droit a un procès équitable. A ce stade, il est bien établi que le contrôle du respect des exigences de l'article 6, § ler, CESDH par les organes extrajudiciaires de règlement des différends est assuré par les tribunaux internes. En cas de défaillance de ce contrôle, les organes de Strasbourg sont susceptibles de sanctionner les manquements de l'Etat signataire concerné. C'est le juge qui représente a cet égard, le point de contact entre le cyberespace et la CESDH (2). Cette situation n'est pas nouvelle dans la mesure oü il y a une jurisprudence française confortée a la même hypothèse dans le cadre d'arbitrage international (i).

    §i. La jurisprudence francaise en matière du contrôle de l'arbitrage international

    D'une manière générale, il existe de nombreux points de contact entre la procédure arbitrale internationale et le juge judiciaire: si l'arbitrage se déroule en France ou est soumis a la loi de procédure française, le juge peut avoir a intervenir par le jeu de

    lAlexandre CRUQUENAIRE, op. cit., p. 163.

    l&article 1493 du nouveau Code de procédure civile1; si la sentence a été rendue en France, le juge intervient aussi comme juge de l'annulation; en cas contraire, il peut avoir a connaltre de la décision ayant accordé l'exequatur2. Pourtant la jurisprudence française a pris est une position spécifique en ce qui concerne l'application de l'article 6 de la CESDH a l'arbitrage. Deux affaires principales peuvent nous éclairer la situation a ce sujet.

    Tout d'abord, l'affaire Cubic qui marque la position de la Cour de cassation au regard de l'application de l'article 6 de la CESDH aux procédures de l'arbitrage. En l'espèce, une société américaine, nommée Cubic, avait en 1977 conclu divers contrats de fourniture de système d'armement avec le ministère de la Guerre iranien. Ces contrats comportaient une clause compromissoire prévoyant que toute réclamation ou tout différend découlant du contrant sera tranché par arbitrage, selon les lois de l'Etat de l'Iran en vigueur a la date de la conclusion du contrat. A la suite de événements révolutionnaire de 1979, l'exécution du contrat a été interrompue, le ministère de la défense de la République islamique a saisi la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale (CCI). Après un désaccord concernant la désignation du président du tribunal arbitral, la société Cubic a assigné la Chambre de commerce internationale devant le tribunal de grande instance de Pairs.

    La société Cubic demandait au tribunal d'une part de prononcer la nullité du contrat conclu entre elle et la Chambre de commerce international pour l'organisation de l'arbitrage, et d'autre part, elle prétendait que le règlement de l'arbitrage de la Chambre de commerce internationale est contraire de l'article 6 de la CESDH en raison de la nature vraisemblablement juridictionnelle de la Cour et de l'atteinte a l'indépendance des arbitres qui en résultaient. Le TGI rejeta les demande de la société Cubic par un jugement du 21 mai 1997, confirmé par la Cour de Pais le 15 septembre 1998 qui a jugé que la CESDH ne s'applique pas au litige dans la mesure oü l'institution d'arbitrage ne

    1 Article 1493 du NCPC: <<Si pour les arbitrages se déroulant en France ou pour ceux a l&égard desquels les parties ont prévu l&application de la loi de procédure française, la constitution du tribunal arbitral se heurte a une difficulté, la partie la plus diligente peut, sauf clause contraire, saisir le président du tribunal de grande instance de Paris selon les modalités de l&article 1457 >>.

    2 Serge GUINCHARD et Frédéric FERRAND, Procédure civile; Droit Internet et Droit communautaire, Dalloz, Précis, 28e édition, 2006, pp. 1347 et s; LoIc CADIET et Emmanuel JEULAND, Droitjudiciaire privé, Litec, Manuel, 5e édition, 2006, pp. 675 et s ; Yves GUYON, L'arbitrage, Economica, 1995.

    représente pas véritablement une juridiction sous l'autorité d'un Etat membre: La convention européenne des droits de l'homme, qui a été signée entre les gouvernements membres du Conseil de l'Europe, s'impose aux Etats signataires et non pas a une association qui ne constitue pas unejuridiction ~6.

    Saisie sur le pourvoi la société Cubic, la Cour de cassation a rendu son arrêt le 20 février 2001 en rejetant les demandes. Pour la haute juridiction L'article 6-i de la Convention de sauve garde des droits de l'homme, qui ne concerne que les Etats et les juridictions étatiques, est sans application en la matière et au surplus, lesjuges dufond ayant souverainement retenu qu'une société ne démontrait pas avoir été, en l'espèce, privée des garanties d'un procès équitable, tant sur le délai raisonnable de jugement que sur l'indépendance et l'impartialité des arbitres n'était pas fondée a invoquer la violation du texte précité 2
    · D'une première lecture, l'arrêt peut monter que la Cour de cassation écarte généralement l'application de l'article 6 de la CESDH aux procédures d'arbitrage. Il serait erroné d'en déduire de façon générale l'affirmation que cette Convention est inapplicable en matière d'arbitrage. Deux remarques doivent être faite a cet égard.

    En premier lieu, la portée de cet arrêt doit être limitée a l'espèce, selon l'expression de la Cour de cassation. En effet, la société Cubic n'a pas attaqué la sentence arbitrale de la CCI, mais elle a dirigé ses critiques contre l'institution d'arbitrage et le contrat impliquant l'organisation de l'arbitrage avec cette dernière. Autrement dit, la société américaine, au lieu de s'attacher a démontrer in concreto qu'elle n'avait pas bénéficié d'un procès équitable, prétendait que les causes du règlement de la Chambre de commerce internationale étaient, par elle-même, et in abstracto contraires a la Convention européenne des droits de l'homme. La question posée a la haute juridiction était donc de savoir si, avant même qu'une quelconque sentence ait été prononcée, le

    1 Société Cubic Defense inc. c/ Chambre de commerce internationale,. CA de Paris, 1er ch., A., 15 septembre 1998; Revue d'arbitrage, 1999, p. 103, note Pierre LALIAE.

    2 Cass. 1re civ., 20 février 2001 : Société Cubic Defense Systems Inc. c. Chambre de commerce internationale (C.C.I.) - Pourvoi no 99-12.574; D. 2001, jurisprudence, Informations rapides, p. 903; Gaz. Pal., 13 décembre 2001 n° 347, P. 29 et s; Alexis MOURRE, <<Réflexions sur quelques aspects du droit a un procès équitable:, in L'arbitrage et la Convention européenne des droits de l'homme, Actes du séminaire du 4 mai 2001 conçu par les institut des droits de l'homme des barreaux de Paris et de Bruxelles et organisé par l'institut de formation continue du barreau de Paris, sous la présidence de Monsieur le bâtonnier Georges Flécheux, Bruylant 2001, pp. 24 - 55.

    règlement d'arbitrage adopté par les parties, pouvait être censuré sur le fondement d'une possible contrariété a la Convention. Dans ce contexte précis, l'arrêt de la Cour de cassation doit être examiné. Les garanties offertes par l'article 6 n'étaient nullement en question.

    En deuxième lieu, selon l'article 1er de la CESDH, les Etats membres doivent assurer les garanties posées par la Convention a Toute personne relevant de leur juridiction '. Au sens de ce texte, la juridiction de l'Etat signifie le pouvoir que celui-ci exerce de fait sur une personne. Donc, cette article n'implique pas les tribunaux arbitraux dans la mesure oü ils sont des juridictions privées, qui n'ont pas de for, qui ne représentent pas d'Etat, et qui ne constituent pas des organes dont les violations sont imputables a l'Etat. De ce point du vue, on peut constate que la Convention ne s'impose pas directement aux arbitres. Or, comme le soutiennent certains auteurs, cette conclusion n'écarte pas totalement l'application de la Convention a l'arbitrage, soit interne ou international.

    Les garanties offertes par l'article 6 font pleinement partie de la conception de l'ordre public européen. L'Etat doit, par conséquent, veiller au respect par les arbitres des principes posés par la Convention, et censurer une sentence qui les violent. Par ce biais, la Convention s'applique indirectement a l'arbitrage. En laissant une situation contraire a la Convention produire ses effets dans l'ordre juridique français1, le juge rendrait cette violation imputable Etat. En d'autres mots, au nom de la Conception française de l'ordre public international, le juge français applique d'une façon indirect la Convention a l'arbitrage et peut sanctionner toute sorte d'irrégularité de la procédure d'arbitrage au regard des garanties offertes par l'article 6 de la dite Convention2.

    1 Cette position est appliquée constamment en ce qui concerne la reconnaissance de décisions étatiques étrangères. Par exemple, la Cour de cassation a jugé que Cass, ayant jugé que: la Convention européenne de sauve garde des droits de l'homme et des libertésfondamentales ne crée pas d'obligations qu'à l'égard des Etats qui y sont parties, ce qui n'est pas le cas de la République du Gabon; dès lors, le juge de l'exequatur n'était pas tenu de répondre a des conclusions inopérantes invoquant la violation a l'étranger de l'article 6 de la Convention . Cass. civ., 1er ch., 10 juillet 1990, Mommeja c/ Tordjeman, RCDIP, 1991, p. 757.

    2 Alexis MOURRE, op. cit., p. 31. Par un jugement du 18 novembre 1987, la Cour d'appel de Paris a jugé que les arbitres doivent ((assurer eux-mêmes les conditions d'un procès équitable, conforme aux principes généraux et fondamentaux et, en tant que de besoin, aux dispositions de l'article 6 de la Convention de sauve garde des droits de l'homme . (4) CA. Paris, 18 novembre 1987, Revue d'arbitrage, 1988, p. 657, note Philippe FOUCHARD.

    Cette solution a été confirmée par la Cour de cassation dans l'affaire NIOC qui pose la pierre d'angle de l'édifice en consacrant le droit au juge en des termes qui attestent de l'attachement de la France a l'arbitrage international. En l'espèce, un accord de participation a été conclu en 1968 entre l'Etat d'Israël et la National Iranian Oil Company (NIOC), société de droit public iranien, pour la construction, l'entretien et l'exploitation d'un oléoduc reliant le Golfe d'Eilat a la côte d'Ashquelon. Cet accord contient une clause compromissoire, aux termes de laquelle en cas de litige chaque partie nommera un arbitre. Si ces arbitres ne règlentpas le litige d'un commun accord, ou s'ils ne se mettentpas d'accord sur le choix du troisième arbitre, il sera demandé au Président de la Chambre de commerce internationale de Paris de nommer ce troisième arbitre . Il s'agit donc d'un arbitrage ad hoc, la clause ne faisant référence ni au siège de l'arbitrage, ni t un règlement d'arbitrage. La procédure retenue pour la constitution du tribunal et la solution des difficultés de fond ou de constitution du tribunal est très fréquente en pratique (3). La NIOC choisit un arbitre, puis se prévaut de la clause compromissoire devant l'Etat d'Israël qui, refusant de désigner son arbitre, paralyse la procédure. Empêchée de faire valoir ses prétentions au fond, la NIOC se sent victime d'un déni de justice et demande l'appui du juge étatique pour surmonter l'obstruction. Ces arguments ont été refusés devant le TGI de Paris par un jugement du 9 février 2000 au motif que le déni de justice n'est pas établi. Par contre, les demandes de la société NIOC ont été accueillies par la Cour d'appel de Paris qui a rendu deux arrêts, le 29 mars 2001 et le 8 novembre 2001, en constatant la créance de l'Etat d'Israël et nommant un arbitre pour lui. Les arrêts de la Cour d'appel font l'objet d'un pourvoi devant la Cour de cassation1.

    L'Etat d'Israël s'oppose a l'interprétation du déni de justice et soutient que la procédure arbitrale n'était pas totalement paralysée dans la mesure oü la NIOC pouvait toujours renoncer a l'arbitrage et déférer le fond du litige a une juridiction étatique. La Cour de cassation rejette le pourvoi articulé par l'Etat d'Israël, en appuyant sur le caractère fondamental du fait d'accéder au juge comme une garantie de l'article 6 de la CESDH et comme une composante de l'ordre public international: l'impossibilité pour

    1 Cass. civ., ch.1er, 1er février 2005, Israel c/ la National Iranian Oil Company (NIOC), 01-13742N° de pourvoi : 02- 15237; Bulletin 2005 I n° 53 p.45 ; Simon HOTTE, D. 2005, n°39, jurisprudence, p. 2727.

    une partie d'accéder au juge, flit-il arbitral, chargé de statuer sur sa prétention, a l'exclusion de toutejuridiction étatique, et d'exercer ainsi un droit qui relève de l'ordre public international consacré par lesprincipes de l'arbitrage international et l'article 6. 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, constitue un déni dejustice qui fonde la compétence internationale du président du tribunal de grande instance de Paris, dans la mission d'assistance et de coopération dujuge étatique a la constitution d'un tribunal arbitral, dès lors qu'il existe un rattachement avec la France .

    Cette exception de l'ordre public a conduit la Haute juridiction a annuler une sentence arbitrale dans le cadre de la Chambre de commerce internationale au motif que la procédure d'arbitrage n'a pas respecté l'égalité entre les parties dans la désignation des arbitres: Le principe de l'égalité des parties dans la désignation des arbitres est d'ordre public et on nepeut y renoncer qu'après la naissance du litige ~1.

    On peut donc déduire que l'arbitrage international, comme manifestation d'une certaine forme de justice, doit répondre aux exigences du procès équitable au sens de l'article 6 de la CESDH, sous peine de perdre tout crédit et toute efficacité dans l'ordre juridique interne des Etats membres a ladite Convention. La jurisprudence française a déjà montré que la garantie des droits fondamentaux a l'oeuvre dans le procès est assurée en matière d'arbitrage international. Mutatis mutandis, cette conclusion doit être transposée a la procédure de l'UDRP.

    §2. La jurisprudence française en matière du contrôle de la procedure UDRP

    Compte tenu du fait que les organes de résolution des litiges institués en vertu des Principes directeurs et Règles UDRP échappent directement a la juridiction des organes de Strasbourg, il incombe aux Etats signataires d'assumer une telle fonction avant d'accorder un effet juridique aux décisions de ces organes dans leur ordre juridique

    1 En l'espèce, un accord de consortium a été conclu, le 26 mars 1981, entre la société Dutco construction, de Dubai, et les deux sociétés allemandes BKMI et Siemens, en vue de la construction a Oman d'une cimenterie ; qu'il y était stipulé que tous différends seront tranchés selon le règlement d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale, par trois arbitres nommés conformément a ce règlement. Cass. civ., 1er ch., 7 janvier 1992, Siemens et autres c/ société Dutco construction, pourvoi n° 89-18708 et n° 89-18726 Bulletin 1992 I N° 2p. 2 ; Revue de l'arbitrage, 1992, n° 3, p. 471, note Pierre BELLET ; RTD. co., 1992, p. 796, obs. Jean-Claude DUBARRY.

    respectif. Les insuffisances relevées dans la procédure UDRP par rapport aux exigences de l'article 6, § ler, CEDH sont importants. Ces vices procéduraux justifient une sanction par les juridictions étatiques des Etats signataires de la Convention. A défaut, les actes des tribunaux nationaux pourraient participer d'une violation des dispositions de la CEDH et, partant, engager la responsabilité de l'Etat concerné.

    Donc, il nous semble que les tribunaux de l'ordre judiciaire qui seraient saisis d'un recours postérieur a une décision UDRP ne pourraient accorder a pareille décision qu'une portée extrêmement réduite, voire nulle, en fonction des circonstances. Les juridictions de l'ordre judiciaire ne peuvent en effet cautionner les insuffisances de la procédure UDRP en octroyant une pleine valeur juridique aux décisions résultant de la procédure de l'UDRP. Il nous semble cependant que le tribunal doit alors examiner le litige dans son ensemble, en tenant compte du caractère très simplifié et de l'objet confiné de la procédure UDRP afin de limiter la portée des décisions qui en proviennent.

    A défaut, d'un précédent concernant in concreto l'application de l'article 6 a l'UDRP, la jurisprudence française a montré a plusieurs reprise sa position en ce qui concerne la valeur juridique d'une décision issue de la procédure UDRP. La référence principale dans ce contexte, est l'affaire << Miss France >>.

    En l'espèce, la société Miss France et l'Association Miss France, Miss Europe, Miss Univers sont parvenues a obtenir le transfert des noms de domaine missfrance.biz, missfrance.org, missfrance.net, missfrance.info et missfrance.tv devant le Centre d'Arbitrage et de Médiation de l'OMPIl. Ces noms de domaine, avaient été effectivement enregistrés par une association appelée << Miss Francophonie >>. Cette dernière souhaite contester la décision rendue par un expert unique de l'OMPI et bénéficier ainsi du recours prévu l'article 4(k) des principes directeurs de la procédure UDRP. Elle saisit donc la Cour d'appel d'un recours en annulation sur le fondement des dispositions du Nouveau code de procédure civile (Livre IV, Titre V) relatives a l'arbitrage international.

    L'association demanderesse soutient que la procédure de règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (UDRP) est une procédure d'arbitrage international et que par conséquent, les décisions rendues a l'issue de cette procédure doivent être

    1 Décision D2002-0695, 24 septembre 2002; OMPI, D2002-0695, Société Miss France et Comité Miss France, Miss Europe, Miss Univers Association contre Comité Miss Francophonie et Michel Le P., disponible sur http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2002/d2002-0695.html (consulté le 15 juin 2007).

    considérées comme des sentences arbitrales. Pour qualifier ainsi une décision UDRP, elle invoque le fait que l'enregistrement des noms de domaine concernés s'est effectué << auprès de diverses unités d'enregistrement situées dans plusieurs pays >>, ce qui << met en jeu les intérêts du commerce international >>, conformément a l'article 1492, alinéa 1er du Nouveau code de procédure civile (<< est international l'arbitrage qui met en cause des intérêts du commerce international >>).

    La Cour d'appel de Paris a déclaré l'irrecevabilité d'un recours judiciaire en annulation contre une décision issue de l'UDRP dans la mesure oü celle-ci ne constitue pas une sentence arbitrale: Considérant que s'il existe bien ainsi un consentement, même s'il est différé (...) le mécanisme administratifproposé par l'ICANN dans l'intérêt de la gestion du système des noms de domaine en vue de demander a des experts, tout en protégeant d'un recours les responsables du système d'adressage, de se prononcer, sous réserve de la vérification des tribunaux, sur certains aspects spécifiques du contentieux découlant pour le titulaire d'un droit de marque, de l'enregistrement ou de l'usage abusif d'un nom de domaine, ne constitue pas un arbitrage ~6. Il est erroné de conclure que selon cette décision, le juge refuse généralement de contrôler la procédure UDRP.

    En effet, la Cour d'appel a refusé justement de traiter une décision UDRP de la même manière qu'une sentence arbitrale dans la mesure oü il n'y a pas d'accord mutuel entre les parties pour recourir a la procédure UDRP. Pour la Cour d'appel, la clause incorporée par référence au contrat d'enregistrement d'un nom de domaine prévoyant la compétence d'une institution de règlement pour résoudre un litige relatif a ce nom de domaine ne peut être assimilée a une convention d'arbitrage Autrement dit, c'est l'absence d'origine conventionnelle qui a conduit a l'irrecevabilité du recours en annulation, un système proprement appliqué a l'arbitrage. Mais, la non-application du

    1 DI Cah. jurid., jurispr., et le commentaire d'E. Gilet, Une décision UDRP n'est pas une sentence arbitrale, DI Cah. jurid., chron., 22 sept. 2004; Juris-Data n° 2004-247553 ; Forum des Droits sur l'Internet; Legalis.net; Gaz. Pal. 4 déc. 2004, n° 339, p. 51 ; Frédéric GLAIZE, <<Une décision rendue par le Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI est-elle une sentence arbitrale ? >>, RLDI 2005/1, Eclairage n° 3, p. 13; Pascal DE CANDE, <<Ni un arbitrage ni une médiation >>, Expertises, janv. 2005, p. 25; Christophe CARON, <<La procédure UDRP ne rime pas avec arbitrage! >>, Com. com. electr. 2005, Comm. n°38 ; Pascal TREFIGNY, <<Noms de domaine : la procédure de médiation en matière de noms de domaine (principes UDRP) : Recours, mode d'emploi... >>, Propr. ind. n° 1, Janv. 2005, comm. 6; JCP G 2004, II 10156.

    régime d'arbitrage n'accorde pas a la procédure UDRP une immunité contre tout contrôle judiciaire. D'oü vient l'intérêt d'avancer l'exception de l'ordre public européen.

    Comme on l'a constaté en matière d'arbitrage international, c'est par le biais de l'article 6 et le manquement aux exigences du procès équitable, une décision UDRP peut être contrôlée; c'est la théorie des obligations positives qui met a la charge des Etats le devoir de faire respecter les droits garantis dans les relations entre particuliers. C'est toute la spécificité du système CESDH, qui oblige les Etats a éviter par tous moyens - choisis librement - qu'il ne soit porté atteinte a un droit garanti mais qui n'énonce pas de normes générales et abstraites au regard desquelles tel contrat privé pourrait être jugé illicite.

    Rappelons, avant de conclure, que la CEDH considère que <<L'article 6 par. 1 s'applique indépendamment de la qualité des parties comme de la nature de la loi régissant la contestation et de l'autorité compétente pour trancher; il suffit que l'issue de la procédure soit déterminante pour des droits et obligations de caractère privé >1. C'est grace a cette conception élargie que l'article 6 peut se trouver comme une composante du principe de prééminence du droit en assurant un visage humanisé pour les moyens de résolution des litiges en ligne.

    1CEDH, 9 décembre 1994, Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce, requête no13427/87, § 39, disponible sur

    http, cmiskp.echr.coe.int tkp197 vie..aspIitem=7&portal=hbkm&action=html&highlight=Campbell%20%7C%20et %20%7C%20Fell%20%7C%20c.%20%7C%20Royaume-Uni&sessionid=897223&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).

    Conclusion

    A l'issue de notre analyse, on peut constater d'abord, que la procédure de l'UDRP ne représente pas un champ de vie juridique. Le fonctionnement de cette procédure électronique s'inscrit théoriquement dans la famille des modes alternatifs de règlements des différends. Donc, la logique numérique n'échappe pas complètement a la logique juridique actuelle. On peut aussi déduire que l'inscription de la procédure UDRP dans l'ordre juridique ne relève pas d'une intervention législative spécifique, mais cette inscription se fait par l'enjeu de qualification juridique qui donne a la doctrine et a la jurisprudence la possibilité de retrouver leur role dans le système juridique. A vrai dire, il ne faut pas attendre l'intervention du législateur pour réguler tous les problèmes issus de l'Internet. C'est la réflexion jurisprudentielle et doctrinale qui doit assumer cette tâche. La CEDH nous fournit un modèle a cet égard.

    Par sa jurisprudence évolutive, la CEDH a enrichi et élargi la Convention européenne des droits de l'homme et l'a adapté aux conditions d'aujourd'hui. Cette évolution peut traiter effectivement des problèmes issus de l'Internet. On a vu que la lecture extensive de l'article 6 de la Convention peut donner lieu a une application de la convention a une procédure électronique issue de l'Internet, comme l'UDRP. Ce constat n'est qu'un résultant dans la place du premier rang de la Convention dans l'hiérarchie des sources du droit de l'ordre juridique français.

    En guise de conclusion, on peut aussi constater que le débat sur la disparition de souveraineté des Etats face a la mondialisation et plus spécialement, l'Internet, est un débat faussél. Toute stipulation contraire va donner au monde virtuel créé par l'Internet le visage d'une zone de non-droit, voire une jungle dans laquelle les droits de l'homme seraient voilés sans aucun remède. En effet, parce que l'Internet est un monde qui dépasse les frontières étatiques, l'Etat doit se moderniser et repenser son role afin de s'adapter aux défis de la mondialisation. Cette adaptation exige que l'Etat ne soit pas le seul régulateur de la vie sociale. Ce n'est pas la relation haut-bas qui fonctionne dans ce cas l' , mais plutôt l'inverse. L'Etat doit laisser un large champ d'action pour les acteurs

    1 Pierre DE SENARCLENS, Mondialisation, souveraineté, et theories des relations internationales, Armand Colin 1998, p. 242.

    privés dans la régulation de l'Internet, et conserve son rôle dans le contrôle de la légalité des normes produites par ces acteurs.

    En effet, l'Internet et plus généralement la mondialisation ne montre pas le déclin de l'Etat, mais plutôt la transformation de ses finalités: .....plus qu'à un dépérissement de la puissance publique, on assiste au renouvellement de sesfonctions avec le passage d'un Etat interventionniste, exerçant son pouvoir par voie de reglementation hiérarchique, a un Etat régulateur, soucieux de consultation, d'influence et d'arbitrage des intérêts desparticuliers ))6. La démocratie moderne et l'efficacité de l'action publique exigent que l'Etat s'ouvre aux citoyens, aux acteurs sociaux ou privés, afin de mieux exercer sa souveraineté. Il est temps que les nouvelles régulations technologies s'inscrivent dans un processus démocratique, tant ce qui concerne leur élaboration qu'au titre de leur mise en cuvre2. C'est une forme de démocratie participative qui peut optimiser la politique de l'Etat dans le monde actuel. C'est comme en déduit Hubert Védrine, La démocratie participative peut aussi bien régénérer la démocratie représentative que précipiter son discrédit ))3.

    1 Vincent BAUDRAND et Gérard MARIE-HENRY, La mondialisation, Studyrama, Coll. Géopolitique, 2006, p. 90.

    2 Cyril ROJINSKY, << Cyberespace et nouvelles régulations technologique >>, D. 2001, pp. 844-847. 3 Hubert VEDRINE, Continuer l'histoire, Fayard, 2007, p. 131.

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    · Les ouvrages

    « Le lieu de publication est Paris, sauf indication contraire »

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    · Travaux et publication

    Travaux universitaires

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    DEBET A., L'influence de la Convention européenne des droits de l'homme sur le droit civil, Thèse du doctorat, soutenu le 5 janvier 2001, Nouvelle Bibliothèque de thèses, 2002. ESTARELLAS A., La dématérialisation des procédures administratives, mémoire sous la direction de Mme Catherine PREBISSY-SCHNALL, Université Paris X Nanterre, année universitaire 2004-2005.

    MANEVY I., Online dispute resolution: what future? Mémoire de DEA de droit anglais et nordaméricain des affaires, juin 2001.

    MIKLALAH A., La résolution par l 'arbitrage des litiges relatifs à l 'internet, thèse de doctorant, sous la direction du professeur Georges WIEDERKHER, Université Robert Schuman- Strasbourg III, soutenu publiquement le 26 août 2004.

    MOUTEL B., L'effet horizontal de la Convention européenne des droits de l'homme en droit privé français ; Essai sur la diffusion de la CEDH dans les rapports entre personnes privées, Thèse de doctorat sous la direction du professeur Jean-Pierre MARGUÉNAUD, soutenu le 5 novembre 2006, Faculté de droit et des sciences politiques, Université de Limoge.

    ÖNCÜ M., La fonction publique et l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, mémoire de DEA de Droit public, Bruylant, Bruxelles, 2004.

    RUWET C., La procédure UDRP au sein des modes complémentaires de règlement des différends : aspects procéduraux, DEA en Propriété intellectuelle et nouvelles Technologies année académique 2002-2003.

    Actes de colloques

    · Gouvernance de la société de l'information : loi, autoréglementation, éthique, actes du séminaire organisé à Namur, les 15 et 16 juin 2001 par le Centre de recherches informatique et droit (CRID) et la cellule interdisciplinaire de Technology Assessment (CITA), cahiers du centre de recherche informatique et droit n°22 CRID, Bruxelles, Bruylant, 2002.

    · Le procès équitable et la protection juridictionnelle du citoyen, actes du Colloque organisé à Bordeaux les 29 et 30 septembre 2000, par l'Institut des droits de l'homme des avocats européens et l'Institut des droits de l'homme du barreau de Bordeaux, Bruxelles, Bruylant, 2001.

    · Commerce électronique et propriétés intellectuelles, acte de colloque organisé par l'Institut de recherche en propriété intellectuelle Henri-Desbois (IRPI), le 7 novembre 2000, Litec, 2001.

    · L 'arbitrage et la Convention européenne des droits de l 'homme, Actes du séminaire du 4 mai 2001 conçu par les institut des droits de l'homme des barreaux de Paris et de Bruxelles et organisé par l'institut de formation continue du barreau de Paris, sous la présidence de Monsieur le bâtonnier Georges Flécheux, Bruxelles, Bruylant, 2001.

    · Les nouveaux développements du procès équitable au sens de la Convention européenne des droits de l'homme : actes du colloque du 22 mars 1996 en la Grande Chambre de la Cour de

    cassation, organisé par l'Université Robert Schuman de Strasbourg, équipe de recherche droit comparé des droits de l'homme et la Cour de cassation, Bruxelles, Bruylant 1996.

    Revues et périodiques

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    · L'économie de l'immatériel : La croissance de demain, rapport présenté au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, 23 novembre 2006 (dir.) Maurice LÉVY et Jean-Pierre JOUYET.


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    · Les modes alternatifs de règlement des différends, rapport du Forum des droits sur Internet, 17 juin 2002.

    · Internet et réseau numériques, étude adoptée par l'Assemblée générale du Conseil d'Etat, La documentation francise, Paris, 1998, p. 13.

    · Règles d' application des principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine, Principes directeurs adoptés le 26 août 1999, Documents d'application approuvés le 24 octobre 1999.

    · Principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine, Principes directeurs adoptés le 26 août 1999, Documents d'application approuvés le 24 octobre 1999.

    · Guide d'application de l'article 6, précis des droits de l'homme, n° 3, publication de la Cour européenne des droits de l'homme.

    · La jurisprudence (Par organe et ordre chronologique)

    - La Cour européenne des dro its de l'homme

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    CEDH, 28 juin 1978, König c. Allemagne, requête no 6232/73

    CEDH, 26 avril 1979, Sunday Tines c. Royaume Uni, requête no 6538/74 CEDH, 13 juin 1979, Marckx c. Belgique requête no 6833/74 CEDH, 19 octobre 1979, Airey c. Irlande, requête no 6289/73 CEDH, 27 février 1980, Deweer c. Belgique, requête no 6903/75 CEDH, 6 mai 1981, Buchholz c. Allemagne, requête no 7759/77

    CEDH, 23 juin 1981, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique, requête no 6878/75; 7238/75

    CEDH, 21 février 1984, Engel et autres c. Pays-Bas, requête no 8544/79

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    CEDH, 21 février 1986, James et autres c. Royaume Unie, requête no 8793/79

    CEDH, 29 mai 1986, Feldbrugge c. Pays-Bas, requête no 8562/79

    CEDH, 28 août 1986, Glasenapp c. Allemagne, exception préliminaire, requête no 9228/80 CEDH, 28 août 1986, Kosiek c, Allemagne, exception préliminaire, requête no 9704/82 CEDH, 30 novembre 1987, H. c. Belgique, requête no 8950/80

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    CEDH, 20 novembre 1989, Kostovski c. Pays-Bas, requête no11454/85

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    CEDH, 29 octobre 1991, Helmers c. Suède, requête no11826/85

    CEDH, 26 mars 1992, Editions Périscope c. France, requête n°11760/85

    CEDH, 29 novembre 1992, Francesco Lombardo c. Italie, requête no11519/85

    CEDH, 25 février 1993, Funke c. France, requête no10588/83

    CEDH, 26 février 1993, Salesi c. Italie, requête no13023/8

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    CEDH, 26 octobre 1993, Darnell c. Royaume-Uni, requête no 15058/89

    CEDH, 27 octobre 1993, Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas, requête no14448/88

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    CEDH, 19 avril 1994, Van de Hurk c. Pays-Bas, requête no16034/90

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    CEDH, 8 décembre 1999, Pellegrin c. France, requête n° 28541/95

    CEDH, décembre 7 mars 2000, Martinez-Caro De La Concha Castaneda et autres c. Espagne, n° 42646/98

    CEDH, 28 mars 2000, Zanatta c. France, requête n° 3 8042/97 CEDH, 5 octobre 2000, Mennitto c. Italie, requête no 33804/96

    CEDH, 27 février 2001, R. c. Belgique, requête n° 339 19/96, non examinée au fond

    CEDH, 12 juillet 2001, Ferrazzini c. Italie, requête no 44759/98 CEDH, 20 juillet 2001, Pellegrini c. Italie, requête no 30882/96 CEDH, 28 mai 2002, Stafford c. Royaume Uni, requête no 46295/99

    CEDH, décision sur la recevabilité, 27 août 2002, Didier c. France, requête n° 58188/00

    CEDH, 24 septembre 2002, Posti et Rahko c. Finlande, requête no 27824/95 CEDH, 3 décembre 2002, Mieg de Boofzheim c. France, requête no 52938/99 CEDH, 7 janvier 2003, Laidin c. France, requête no 39282/98 CEDH, 7 octobre 2003, Richard-Dubarry c. France, requête no 53929/00

    CEDH, 9 octobre 2003, Ezeh et Connors c. Royaume-Uni, requêtes no 39665/98 et 40086/98 CEDH, 12 février 2004, Perez c. France, requête no 47287/99 CEDH, Roche c. Royaume Uni, 19 octobre 2005, requête no 32555/96 CEDH, 12 avril 2006, Martinie c. France, requête no 58675/00

    - La Cour de justice de la communauté européenne

    CJCE, 29 octobre 1980, Fedetab c. Commission, affaires jointes 209-2 15 et 2 18/78 CJCE, 18 octobre 1989, Orkem c. Commission, affaire 374/87

    CJCE, 17 décembre 1998, Baustahhlgewebe GmbH c. Commission, C-185 195

    La CJCE, 17 décembre 1998, Baustahlgewebe GmbH c. Commission des Communautés européennes, Affaire C-185/95 P

    CJCE, 8 juillet 1999, Montecatini SpA c. Commission, C-235 192

    - Le Conseil d'Etat

    CE, 27 octobre 1978, requête M. Michel Debout, n° 07103 CE, Ass., 11 juillet 1984, requête du M. Subrini, n° 41744 CE, 2 juin 1989, requête du M. Bussoz, n° 62979

    CE, 29 octobre 1990, requête du Jean-Loup Le Rudulier, n° 46880 CE, 7 novembre 1990, requête de Mme Felicia Serwaah, n° 93993 CE, 19 juin 1991, Ville d'Annecy, n° 104979

    CE, 28 avril 1993, requête du Legros, n° 112072

    CE, 7 juillet 1993, requête du Mme Roustan, n° 142798

    CE, 29 juillet 1994, requête du département de l'Indre, n° 111251 CE, Ass., 17 février 1995, requête du M. Hardouin, n° 107766

    CE, avis, 31 mars 1995, requête du ministre du Budget ci SARL AutoIndustrie Méric, n° 164008 CE, Ass., 14 février 1996, requête du M. Maubleu n° 132369 CE, Avis, 13 janvier 1997, requête du M. Derbay, n°18 1775 CE, Ass., 5 décembre 1997, requête de Mme Lambert n° 140032 CE, 29 décembre 1997, requête du M. Simozrag, n° 165590 CE, 23 janvier 1998, requête du M. Bernard Doutres, n° 175820 CE, 27 mars 1998, requête du département de Saône-et-Loire, n° 145512 CE, 3 avril 1998, requête du Mme Barthelemy, n° 145834 et 145835 CE, Ass., 30 octobre 1998, requête du M. Claude Sarran, n° 200286 200287 CE, 16 novembre 1998, requête du SARL Deltana et Perrin, n° 172820 CE, 17 mai 1999, requête des M. et Mme André LEBRETON , n° 187996 / 188169 CE, Avis, 27 septembre 1999, requête du Rouxel, n° 208242 CE, 3 novembre 1999, requête du M. Zurmely, n° 203748

    CE, 10 janvier 2000, requête du M. Claude Massard, n° 190041

    CE, 19 janvier 2000, requête de Mlle Sandrine Pawlowski, n° 187353 CE, 23 février 2000, requête du M. Jacques L'Hermite, n° 192480 CE, 28 avril 2000, requête de Mme Aiyu Qu, n° 187078

    CE, 7 juin 2000, requête du M. Ralph Zurmely, n° 206362

    CE, 5 juillet 2000, requête du Syndicat force ouvrière du personnel du Ministère des affaires étrangères, n° 203050

    CE, 28 juillet 2000, requête de Sté Copper Communication, n° 199773 CE, Ass., 27 octobre 2000, Mme Desvigne, n° 196046

    CE, 29 juillet 2002, requête de Association Radio Deux couleurs, n° 221302

    CE, Avis, 16 févier. 2001, requête du Syndicat des compagnies aériennes autonomes, n° 226155

    CE, 28 octobre 2002, requête du M. Christian X, n° 222188

    CE, Ass., Avis, 12 avril 2002, requête de SA financière Labeyrie, n° 239693 CE, Ass., 6 décembre 2002, requête de M. et Mme Johnny X, n° 223088 CE, 3 décembre 2003, requête de la pharmacie du soleil, n° 246134 CE, 30 décembre 2003, requête de Beausoleil et Mme Richard, n° 251120 CE, 31 mars 2004, requête de Sté Etna Finance, n° 243579

    CE, 5 juillet 2004, requête de Sté sud parisienne de construction, n° 236840 CE, 4 février 2005, requête de Sté GSD Gestions, n° 269001

    CE, 20 avril 2005, requête de Fondation d'Aguesseau et autres, n° 261706

    CE, 6 janvier 2006, requête de Sté Lebanese Communication Group, n° 279596

    - La Cour de Cassation

    Cass. civ., 1er ch., 10 janvier 1984, n° de pourvoi 82-16968

    Cass. Ass. plén., 14 juin 1996, demande de M. Kloeckner, n° de pourvoi 93-21710 Cass. com., 29 avril 1997, deamnde de M. Ferreira, n° de pourvoi 95-20001

    Cass. com., 1er décembre 1998, demande de Mme Oury, n° de pourvoi 96-20189 Cass. civ., 1er ch., 10 juillet 1990, Mommeja c/ Tordjeman.

    Cass. civ., 1er ch., 7 janvier 1992, Siemens et autres c/ société Dutco construction, pourvoi n° 89- 18708 et n° 89-18726

    Cass. Ass. plén., 5 février 1999, COB c. Oury, n° de pourvoi 97-16440

    Cass. com., 5 octobre 1999, Campenon Bernard SGE, n° de pourvoi : 98-30001

    Cass. 1er ch. Civ., 14 décembre 1999, Société les Éditions Plon et a. c/ Mme Mitterrand et autres. Cass. crim., 4 mai 2000, demande de M. Pellumbi Arjan, n° de pourvoi : 99-84001

    Cass. 1re civ., 20 février 2001 : Société Cubic Defense Systems Inc. c. Chambre de commerce internationale (C.C.I.) - Pourvoi no 99-12.574.

    Cass. com., 9 octobre 2001, SA Unibéton, n° de pourvoi 98-21987 : 98-22017 : 98-22016 98- 22015

    Cass. civ., 1er ch., Arrêt du 9 décembre 2003, Société Castellblanch / Société Champagne Louis Roederer

    Cass. civ., 2e ch., 16 novembre 2004, Colas (Sté) c. URSSAF de Paris, n° de pourvoi 03-30 189 Cass. civ., ch.1er, 1er février 2005, Israël c/ la National Iranian Oil Company (NIOC), n° 13742.

    Cass. Com., 11 janvier 2005, Société Hugo Boss c/ Société Reemtsma Cigarettenfabriken Gmbh ; Cass. com., 27 septembre 2005, Octo gone immobilier (Sté) c. Directeur général des impôts, n° de pourvoi : 03-20665

    Cass. Com., 20 mars 2007, Société Gep industries c/ Société HSM Schuhmarketing Gmbh (allemande), l'arrêt attaqué (CA d'Angers, 9 mars 2004), n° 04-19679.

    - La Cour d'appel

    CA Paris, 14 mai 1997, Sté Compagnie générale d'immobilier Georges V et autres c. Agent judiciaire du Trésor

    CA Paris, A, 27 mai 1997, n° 97/4669P, EDITIONS PLON, S.A c/ Madame Danielle GOUZE épouse MITTERAND

    CA de Paris, 1er ch., A., 15 septembre 1998 Société Cubic Defense inc. c/ Chambre de commerce internationale.

    CA Paris, 4ème ch., section A, 26 avril 2006, Monsieur Ferdinand S. et la société SA Normalu c/ Société Sarl

    CA Paris, 4ème ch., sect. B, 17 février 2006, Carpoint Inc., Sociétés Carpoint.com LLC, Microsoft Corp. et Microsoft France c/ Société 3D Soft,


    · Les ressources électroniques

    La Cour européenne des droits de l'homme : http://www.echr.coe.int/echr

    Le Conseil d'Europe : http://www.coe.int/DefaultFR.asp

    Europa, le portait de l'Union Européenne : http://www.europa.eu/index fr.htm Le service public de la diffusion du droit : http :// www.legifrance.gouv.fr/

    Centre d' arbitrage et médiation de l' OMPI http://www.wipo.int/amc/fr/domains/index.html Internet corporation for assigned names and numbers, http:iicann.org/tr/french.html Forum des droits sur Internent http://www.forumInternet.org/

    Domaines infos, revue électronique, http://www.domaininfo.fr/

    Juriscom, revue électronique, http://www.juriscom.net/index.php

    Droit § Technologies, revue électronique http://www.droit-technologie.org/

    Lex Electronica, revue électronique du Centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal, http://www.lex-electronica.org/

    Table des matières

    SOMMAIRE 3

    LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS 4

    INTRODUCTION 5

    Objet de recherche : 7

    Justification du choix 11

    Méthode et plan 12

    TITRE I: LA PROCEDURE DE L'UDRP : UN MECANISME QUI PARTICIPE A LA REGULATION DE L'INTERNET 13

    Chapitre 1 : De la réglementation a la corégulation de l'Internet 15

    Section i: La réglementation étatique face a la logique de l'Internet 15

    A. La spécificité de l'Internet etla création d'un monde post- westphalien 16

    B. L'Internet; un nouveau défi pour la réglementation étatique 23

    § 1. De nouveaux défis pour se déclarer territorialement compétent 24

    a) Le critère de l'accessibilité du site 24

    b) Le critère du public visé et l'indice linguistique 26

    § 2. De nouveaux défis pour appliquer le droit national 29

    a) L'affaire Gubler : l'impuissance de l'Etat 30

    b) L'affaire Yahoo ; l'absence des valeurs communes 31

    Section : L'émergence d'autres formes de régulation de l'Internet 36

    A. L'insuffisance de l'autorégulation 36

    B. La corégulation ; une nouvelle voie émergente 41

    Chapitre 2: Les modes alternatifs de règlement des différends au service de la corégulation del'Internet 45

    Section 1. La contribution de l'Internet au développement des modes alternatifs de règlement des

    différends 45

    A. Typologie des modes alternatifs de règlement des différends MARD 46

    § 1. Les MARD ; Une catégorie matériellement non limitée 46

    § 2. Les MARD ; une catégorie juridiquement limitée 51

    B. Le passage aux modes électroniques de règlement des litiges MERL 55

    § 1. Un environnement juridique favorable au développement des moyens de résolution des litiges en

    ligne 55

    § 2. L'apport de l'Internet dans l'enrichissement des MERL 59

    a) Quelques exemples de techniques utilisées dans les MERL 60

    b) Les domaines de recours aux MERL sur Internet 63

    i) Dans le cas des conflits de consommation 64

    2) Dans le cas des conflits liés a un contenu illicite ou préjudiciable 66
    Section : La procédure de l'UDRP : une illustration de la réussite des MERL dans la régulation

    d'Internet 67

    A. La mise en perspective de la procédure UDRP 67

    § 1. La genèse de la procédure UDRP 68

    §2. La nature sui generis de la procédure UDRP 75

    a) La spécificité propre à la procédure UDRP 75

    b) La spécificité de la procédure de l'UDRP au sein des MARD 78

    B. La structure et lefonctionnement de la procédure UDRP 81

    § 1. Les principes réagissant la procédure UDRP 81

    §2. Le déroulement de la procédure UDRP 84

    TITRE II : L'APPRECIATION DU CARACTERE EQUITABLE DE LA PROCEDURE UDRP SELON LE MODELE EUROPEEN 89

    Chapitre 1 : L'applicabilité potentielle de l'article 6 a la procedure UDRP: Quelles frontières

    pour le droit a un procès equitable 95

    Section i: Le droit a un procès équitable; d'une garantie formelle a un droit substantiel 96

    A. La signification de l'article 6 comme un droit substantiel 96

    § 1. Le procès équitable ; un critère d'appréciation du respect par les Etats des droits substantiels

    garantis par la convention 96

    §2. Le procès équitable ; un moyen de protection des droits substantiels non garantis par la Convention
    99

    §3. Le procès équitable, un droit substantiel en tant que tel 101

    B. Les contentieux civils ; une illustration de la substantialité de l'article 6 102

    § 1. La patrimonialité comme critère d'application de l' article 6 103

    §2. Le droit à un procès équitable ; une notion « attrape tout » 106

    Section : L'expérience des organes de Strasbourg en matière d'arbitrage 111

    A. La renonciation comme un obstacle a l'application de l'article 6 111

    § 1. L'interdiction de la renonciation générale 113

    §2. La possibiité de la renonciation partielle 114

    B. La nature de l'arbitrage comme un obstacle a l'application de l'article 6 117

    § 1. L'application directe de l' article 6 à l'arbitrage forcé 120

    §2. L'application indirecte de l'article 6 à l'arbitrage volontaire 122

    Chapitre 2: L'évaluation du caractère equitable de la procedure UDRP 128

    Section i: Les garanties générales du droit a un procès équitable 130

    A. La qualité du tribunal 130

    § 1. Un tribunal indépendant et impartial 130

    §2. Un tribunal établi par la loi 134

    §3. Un tribunal de pleine juridiction 135

    B. L'équité de laprocédure 136

    §1. L'égalité des armes 137

    §2. La motivation de la décision 141

    §3. La publicité des débats 142

    §4. Le délai raisonnable 143

    Section : La conformité contestée de la procédure UDRP avec les garanties du droit a un procès

    équitable 145

    A. Les symptômes d'incompatibilité avec les exigences du procès équitable 146

    § 1. La procédure de l'UDRP : un forum du shopping 146

    §2. Une modalité imprécise de désignation du tiers décideur 149

    §3. Une atteinte incontestable au droit de la défense 151

    §4. Une lacune au niveau de motivation de décision 152

    §5. Une inégalité au niveau du recours judiciaire 153

    B. Les effets d'incompatibilité avec l'article 6 sur lejuge national 154

    § 1. La jurisprudence française en matière du contrôle de l'arbitrage international 154

    §2. La jurisprudence française en matière du contrôle de la procédure UDRP 159

    CONCLUSION 163

    BIBLIOGRAPHIE 165

    TABLE DES MATIERES 181






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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle