Université Lumière-Lyon 2
Faculté de
broit et Science Politique
Mémoire du Master 2 recherche, mention << broits de
l'Homme>>
Les droits de l'Homme a l'épreuve de l'Internet:
Essai sur la diffusion du modèle européen du
procès équitable
a la politique uniforme de résolution
des litiges relatifs aux noms de domaine UDRP ~
Sous Ia direction de
Mme Edith JAILLARDON
Professeur a l'université Lumière-Lyon 2
Mme Geneviève IAGONO
Maître de conférences a l'université
Lumière-Lyon 2
Soutenu par Yassin EL SHA2LY
~ mes parents
~ monfrere, 'Yasser ~ mon éternité, Sarafi ~ mon
ôéôé, cNyan
~cEMcE~~1cEMcEW~~
Je tiens a remercier in finiment Ca dire ctrice de ce Master,
Mme cEditli J)41LL)4~#OW pour son accuei C, ses conseiCs et ses encouragements
qui ont rendu cette formation agreabCe et pro fitabCe tant liumainement que
scienti fiquement.
Je pro fite aussi de C'occasion pour remercier Mme
çenevieve 1)4 COWO pour ses conseiCs, sa gentiCCesse et surtout son
esprit. Je remercie egaCement toute C'equipe pedagogique pour Ceurs
enseignements de quaCitéproposés dans ce Master.
Ma gratitude Ca pCus cliaCeureuse et Ca pCus pro fonde va
egaCement a mes coCC~gues, qui m'ont soutenu tout au Cong de cette
période tant moraCement que pratiquement.
Sommaire
TITRE I: LA PROCÉDURE DE L'UDRP: UN
MÉCANISME QUI PARTICIPE À LA RÉGULATION DE L'INTERNET
Chapitre 1 : De la réglementation à la
corégulation de l'Internet Section 1: La
réglementation étatique face à la logique de
l'Internet
A. La spécificité de l'Internet et la
création d'un monde post- westphalien
B. L'Internet ; un nouveau défi pour la
réglementation étatique Section 2: L' émergence d'
autres formes de régulation de l' Internet
A. L'insuffisance de l'autorégulation
B. La corégulation ; une nouvelle voie
émergente
Chapitre 2 : Les modes alternatifs de règlement
des différends au service de la corégulation de
l'Internet
Section 1: La contribution de l'Internet au
développement des modes alternatifs de règlement des
différends
A. Typologie des modes alternatifs de règlement des
différends << MARD >>
B. Le passage aux modes électroniques de règlement
des litiges << MERL >>
Section 2: La procédure de l'UDRP : une illustration de
la réussite des MERL dans la régulation d' Internet
A. La mise en perspective de la procédure UDRP
B. La structure et le fonctionnement de la procédure
UDRP
TITRE II : L'APPRÉCIATION DU CARACTÈRE
ÉQUITABLE DE LA PROCÉDURE UDRP SELON LE MODÈLE
EUROPÉEN
Chapitre 1 : L'applicabilité potentielle de
l'article 6 à la procédure UDRP : Quelles frontières pour
le droit à un procès équitable ?
Section 1: Le droit à un procès
équitable; d'une garantie formelle à un droit substantiel
A. La signification de l' article 6 comme un droit
substantiel
B. Les contentieux civils ; une illustration de la
substantialité de l' article 6
Section 2: L'expérience des organes de Strasbourg en
matière d'arbitrage
A. La renonciation comme un obstacle à l' application de
l' article 6
B. La nature de l'arbitrage comme un obstacle à l'
application de l'article 6
Chapitre 2 : L'évaluation du caractère
équitable de la procédure UDRP
Section 1: Les garanties générales du droit
à un procès équitable
A. La qualité du tribunal
B. L'équité de la procédure
Section 2 : la conformité contestée de la
procédure UDRP avec les garanties du droit à un procès
équitable
A. Les symptômes d'incompatibilité avec les
exigences du procès équitable
B. Les effets d'incompatibilité avec l' article 6 sur le
juge national
Liste des principales abréviations
AJDA Actualité juridique de droit
administratif
CA. Cour d'appel
Cass. Cour de cassation
CCI Revue Contrats concurrence consommation
CCI Chambre de commerce internationale
CE Conseil d'Etat
CE Communauté européenne
CESDH Convention européenne des droits de
l'homme et des libertés fondamentales
CEDH Cour européenne des droits de
l'homme
CJCE Cour de justice de la communauté
européenne
Comm. EDH Commission européenne des
droits de l'homme
D. Dalloz (Recueil)
DI Revue électronique domainesinfo
DUDH Déclaration universelle des droits
de l'homme et du citoyen
ICANN Internet Corporation for Assigned names
and Numbers
Gaz. Pal. Gazette du Palais
J. Jurisprudence
JCP Jurisclasseur périodique (Semaine
Juridique)
JCP E Juris-Classeur périodique -
Édition Entreprises et affaires
JCP G Juris-Classeur périodique -
Édition générale
JO Journal officiel de la République
française (lois et règlements)
MARD Modes alternatifs de règlement des
différends
MERL Modes électroniques de
règlement des litiges
NCPC Nouveau code de procédures
civiles
ODR Online Dispute Resolution
OMPI Organisation mondiale de la
propriété intellectuelle
PA Petites affiches (Les)
Propr. Propriété
industrielle
industr.
Rev. arb. Revue d'arbitrage
RFAP Revue française d'administration
publique
RTDH Revue trimestrielle des droits de
l'homme
TGI Tribunal de grande instance
UE Union européenne
UDRP Uniform Dispute Resolution Policy
Introduction
~ Pour la premièrefois dans l'histoire de
l'humanité, tout homme peut dorénavant s'adresser directement a
tout autre homme, et se hausser individuellement au niveau de l'universel.
Chacun peut a l'instant devenir l'interlocuteur de tout autre, et jouer un role
positif dans la consolidation de la communauté humaine. De
l'universalité abstraite des premiers principes des droits de l'Homme,
nous sommes passés, en quelques générations, a leur
possible universalisation (...........). L'humanité peut
désormais se porter garante de la protection des droits de tout homme,
et, a ce titre, l'appropriation de la Toile par les citoyens du monde constitue
une étape véritablement révolutionnaire dans
l'appropriation des droits de l'Homme eux-mêmes ./.
Les droits de l'homme et l'Internet sont parmi les aspects les
plus tangibles de la mondialisation2. Les deux se fondent sur
l'idée d'une société globale qui dépasse le cadre
des Etats-nations; l'une par sa conception humaine et l'autre par sa dimension
technique. D'une part, par sa conception universelle de l'humanité, la
mise en cuvre des droits de l'homme nécessite une solidarité
globale qui dépasse la souveraineté étatique dans sa
conception rigide afin de protéger les populations les plus
vulnérables. D'autre part, l'Internet en tant que réseau de
communication transfrontalière, oü la transmission des informations
se fait simultanément aux quatre coins du Monde, a rendu possible la
communication instantanée d'un nombre infini de personnes qui ne se
connaissent pas et sont très éloignées les unes des
autres. L'Internet a donné naissance a un village global qui met en
cause également la conception de l'Etat-nation.
1 Marc AGI, Les droits de l'homme et Internet, étude
élaborée par l'Académie internationale des droits de
l'Homme, disponible sur
http://www.educnet.education.fr/legamedia/droits-homme/default.htm
(consulté le 20 juin 2007).
2 En français comme en anglais, les mots <<
mondialisation>> et <<globalisation>> apparaissaient entre la
fin des années 1950 et le début des années 1960, dans un
sens alors très neutre: lefait de devenir mondial, de se répandre
dans le monde entier . Pourtant l'idée de la mondialisation a
été concrétisée après la chute du mur du
Berlin et l'effondrement de l'Union soviétique en 1989. Depuis lors le
monde est dominé par la libéralisation des échanges et la
disparition de tension EST-Ouest. Vincent BAUDRAND et Gérard
MARIE-HENRY, La mondialisation, Studyrama, Coll. Géopolitique, 2006, p.
12.
A vrai dire, les droits de l'homme et l'Internet s'inscrivent
dans une logique cosmopolite de type Kantienne ou Habermasienne1,
dans laquelle l'action politique doit être concue d'une manière
globale oü l'individu est placé au ccur du monde et non plus des
Etats: La gouvernance globale est donc une réflexion pour rendre compte
de nouvelles pratiques d'action, qui remettent en cause le fonctionnement de
l'Etat et du système interétatique 2. La
question qui se pose a cet égard, est de savoir si dans cette
société-monde, il y aurait une tension ou une coexistence entre
les droits de l'homme et l'Internet? Est-ce que le monde global dont l'Internet
fait partie est compatible avec les exigences des droits de l'homme? Ou, il y
aurait une réconciliation entre ces deux aspects?
Grace a l'Internet, la barrière entre l'homme et la
communauté humaine est effectivement sur le point de tomber, ce qui
permettrait a chaque être humain de vivre dans un monde un peu plus
libre, et un peu plus fraternel. L'Internet rend possible et encourage le
partage d'une éthique des droits de l'Homme par tous les hommes. Il est
sans doute un outil extrêmement important dans la diffusion des droits de
l'homme a l'échelle mondiale. Pourtant, plusieurs violations aux droits
de l'homme découlent de l'utilisation de l'Internet3, comme
par exemple, la pédophilie et la protection des mineurs, le droit
d'auteur, l'accès a l'information, la liberté d'expression, la
protection des données personnelles, ou la protection de la vie
privée4. Malgré les efforts étatiques et
internationaux, la réponse a ces violations semble difficile dans la
mesure oü l'Internet apparalt comme un espace qui échappe a toute
autorité étatique. En effet, la notion clé a cet
égard, est celle de la régulation de l'Internet. C'est le point
de départ pour répondre a
1 Frédéric RAMEL et David CUMIN, Philosophie des
relations internationales, Presse de Sciences PO, 2002, spécialement,
pp. 252- 274 et pp. 380-388.
2 La gouvernance globale est la nouvelle forme de l'action
politique qui dépasse le cadre des Etats-nations. Elle peut se
définir comme La méthode d'action politique
privilégiée de la société-monde qui place l'homme
au centre de ses préoccupations. Alors que les Etats étaient
précédemment au centre de toutes les sciences sociales . Le
concept de <<gouvernance globale>> (global gouvernance) est
effectivement flou. Il fut a l'origine d'une commission indépendante
créée en 1989 a l'initiative de l'ancien chancelier allemand
Willy Brandt et d'autres personnalités politiques comme l'ancien
président américain Jimmy Carter. En 1995, cette commission
publia un rapport intitulé <<Notre voisinage global >>.
Jean-Jacques ROCHE, Relations internationales, LGDJ, manuel, 2e
édition, 2001, pp. 242 et s.
3 V0 a cet égard, Droits de l'homme dans le
cyberespace, UNESCO, Economica, mars 2005.
4Agathe ALEPAGE, <<Les droits de
personnalité confrontés a l'Internet >>, in Libertés
et droitsfondamentaux, sous la direction de Rémy CABILLAC et autres,
Dalloz, 12 éditons, 2006, pp. 227 - 254.
toue interrogation concernant !a protection des droits de !'homme
dans !'environnement numérique.
Objet de recherche:
Internet construit effectivement un monde virtue! qui ne peut
être enfermé dans aucune !imite physique. Les
considérations habitue!!es !iées aux frontières sont donc
inopérantes sur Internet. Or, !a compétence !égis!ative et
judiciaire d'un Etat, y compris dans son espace aérien, est
déterminée en fonction de son territoire, !ui-même
défini et borné par des frontières géographiques.
La régu!ation étatique d'Internet est par conséquent
considérab!ement entravée par ce caractère inhérent
son fonctionnement transfronta!ier. Dans ce contexte, !e monde Internent est
témoin actue!!ement d'une nouve!!e forme de régu!ation; c'est du
aux mécanismes de réso!ution des !itiges comp!ètement
dématéria!isés qui régu!ent !es rapports entre !es
citoyens que! que soit !a zone géographiques oü i!s se situent. Ces
mécanismes sont dominés par des acteurs privés qui
semb!ent trouver un rô!e normatif sur !a toi!e. En effet,
!'intérêt vient de faire un rapprochement entre ces modes
privés de régu!ation et !es droits de !'homme.
L'un des mécanismes !es p!us avancés dans ce
domaine est !a po!itique uniforme de réso!ution des !itiges re!atifs aux
noms de domaine UDRP (Uniform Dispute Reso!tuion Po!icy). Cette
procédure a été mise en p!ace par !'ICANN (Internet
Corporation for Assigned Names and Numbers), une société
privée située en Ca!ifornie aux Etats-Unis. La procédure
dérou!e sur Internet et tend se résoudre d'une manière
g!oba!e !es !itiges entre !es titu!aires des noms de domaine et !es
détenteurs des droits de propriétés inte!!ectue!!es,
spécia!ement !es titu!aires des droits de marques. L'hypothèse
principa!e de notre étude est de confronter cette procédure
é!ectronique et universe!!e avec !es exigences du modè!e
européen du procès équitab!e qui a été
enrichi et é!argi par !'interprétation dynamique de !a Cour
européenne des droits de !'hommel.
En effet, au contraire de !a p!upart des instruments de
protection des droits de !'homme, !a Convention européenne de sauvegarde
des droits de !'homme et des !ibertés fondamenta!es (CESDH) est
profondément marquée par !es méthodes
d'interprétation
( Pean-Pierre MARGUENAUD, La Cour européenne des droits de
l'homme, Da!!oz 2ème édition, 2005.
utilisées par ses organes juridictionnels, et plus
précisément la Cour européenne des droits de l'homme
(CEDH). Le but principal de cette interprétation est d'achever une
certaine effectivité dans la garantie des droits proclamés par la
convention. Comme la Cour a souligné dans son arrêt Airey c.
Irlande la Convention a pour but de protéger des droits non pas
théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs ))6.
Dans cette optique, la convention apparalt non seulement comme un moyen de
sauvegarder les droits proclamés par les Etats membres, mais aussi comme
un outil de garantie du développement des droits de l'homme et des
libertés fondamentales dans les Etats membres (alinéa 3. du
préambule de la convention).
Cet objectif a été reconnu explicitement par la
Cour elle-même dans son arrêt Wemf8ffc. Allemagne oü elle a
indiqué que s'agissant d'un traité normatif, il y a lieu d'autre
part de rechercher quelle est l'interprétation la plus propre a
atteindre le but et a réaliser l'objet de ce traité et non celle
qui donnerait l'étendue la plus limitée aux engagements des
Parties ))+. A ce titre, la Cour applique une interprétation finaliste
qui vise a garder une certaine cohésion avec l'évolution de la
société pour que la convention s'interprète a la
lumière des conditions d'aujourd'hui ))3. Le recours a cette
méthode d'interprétation est devenu systématique, depuis
l'arrêt Stafford dans lequel la Cour a déclaré d'une
manière explicite qu' eu égard aux changements importants qui se
dessinent dans l'ordre national, se propose de réévaluer, a la
lumière des conditions d'aujourd'hui, quelles sont
l'interprétation et l'application de la Convention qui s'imposent a
l'heure actuelle ))4.
Cette interprétation évolutive donne effectivement
a la Cour non seulement la
1 CEDH, 19 octobre 1979, Airey c. Irlande, requête no
6289/73, § 24 : disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=airey&sessionid=102807
44&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).
2CEDH, 27juin 1968, Wemf8ff c. Allemagne,
requête no 212 2/64, § 8: disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=.emhoff&sessionid=102
81246&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).
3 CEDH, Marckx c. Belgique, 13 juin 1979, requête no
6833/74, § 58 : disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=3&portal=hbkm&action=html&highlight=marckx&sessionid=1028
3521&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).
4CEDH, 28 mai 2002, Stafford c. Royaume Uni,
requête no 46295/99, § 69 : disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=>tafford&sessionid=1028
3521&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).
possibilité d'ajuster constamment la Convention a
l'évolution des mcurs de la société afin de la
préserver d'éviter tout anarchisme1, mais aussi de
créer une certaine uniformisation entre les Etats membres. Cette
interprétation dynamique est basée principalement sur la
technique des notions autonomes, qui se définit comme une méthode
de formation d'un droit commun, qui vient pallier l'imprécision des
termes conventionnels et l'absence d'homogénéité des
droits nationaux et permettre une définition uniforme des engagements
étatiques 2. Cette technique des notions autonomes
vise principalement a détacher des notions ambiguës de leurs
contextes nationaux en leur donnant un sens européen unique3.
L'interprétation autonome permet effectivement de surmonter l'opposition
du droit interne afin d'assurer l'applicabilité du droit garanti et
d'éviter une application contre le sens de la convention. Dans cette
optique, le juge européen donne une acception <<matérielle
>>, et non formelle, a certaines notions en dépassant le sens
habituel que la notion en cause revêt en droit national et lui accorde
une signification extensive, proprement dit, européenne.
Cette méthode prétorienne n'est pas
cantonnée aux dispositions substantielles de la Convention, mais elle
est aussi utilisée en ce qui concerne les dispositions
procédurales4. L'un des exemples les plus pertinents a cet
égard, est l'interprétation de l'article 65 de la
convention concernant le droit a un procès équitable1.
En effet, la
1 Frédéric SUDRE, Droit international et
européen des droits de l'homme, PUF, 8e édition,
septembre 2006, p. 232. 2Frédéric SUDRE, op. cit., p.
234.
3 Elle est utilisée a plusieurs reprises, comme pour la
notion de << biens >> pour le droit de propriété, de
<<peine>> pour la légalité des délits et des
peines, ou de <<association>> pour la liberté de
réunion. V° FREDERIC SUDRE, op. cit., p. 235.
4 Dans le même sens, dans l'arrêt Loizidou, la
Cour a recouru son pouvoir d'interprétation au regard de la
reconnaissance du droit de recours individuel (art. 13), en jugeant que la
convention est un instrument vivant qui doit s'interpréter <<a la
lumière de la vie actuelle >>, et que la Cour ne se limite pas aux
dispositions normatives du texte. CEDH, 23 mars 1995, Loizidou c. Turquie,
exception préliminaire, § 71, disponible sur
http: cmisVp.echr.coe.int tVp197
vie..aspIitem=3&portal=hbVm&action=html&highlight=LoiRidou&sessionid=102
83521&sVin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).
5 Article 6 - Droit a un procès équitable:
1 <<Toute personne a droit a ce que sa cause soit entendue
équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un
tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui
décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de
caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en
matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit
être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut
être interdit a la presse et au public pendant la totalité ou une
partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de
l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une
technique d'interprétation employée par la CEDH
provoque une extension de l'ordre conventionnel2 au regard de
l'application de l'article 6 dans la mesure oü la Cour l'applique aux
contentieux inédits, de type administratif, disciplinaire,
pénitentiaire, social, ou même financier.
En effet, l'application de l'art. 6 par la CEDH a abouti a une
vraie judiciarisation des procédures devant plusieurs organes qui ne
sont pas considérés comme un tribunal3 selon le droit
interne des pays membres. Cette extension du champ de l'article 6 vise non
seulement a garantir l'organisation et le fonctionnement des systèmes
juridictionnels, mais aussi la protection de l'individu quelle que soit la
nature de la procédure ; judiciaire ou administrative. Le
résultat de l'cuvre prétorienne est, plus
précisément, une application du droit a un procès
équitable <<hors les juridictions ordinaires >>. Le juge
européen préfère une lecture
téléologique4 de l'article 6, centrée sur un
critère matériel, tiré de l'objet de la contestation Dans
ce contexte, le droit a un procès équitable apparalt non
seulement comme une garantie formelle mais également comme un vrai droit
substantiel5.
société démocratique, lorsque les
intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des
parties au procès l&exigent, ou dans la mesure
jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des
circonstances spéciales la publicité serait de nature a porter
atteinte aux intérêts de la justice.
1 L'article 10 de la déclaration Universelle de 1948
dispose que <<Toute personne a droit, en pleine égalité, a
ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un
tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses
droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en
matière pénale dirigée contre elle >>. De
même, l'article 14 du Pacte onusien relatif aux droits civils et
politiques affirme que <<Tous sont égaux devant les tribunaux et
les cours de justice. Toute personne a droit a ce que sa cause soit entendue
équitablement et publiquement par un tribunal compétent,
indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera
soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale
dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et
obligations de caractère civil... >>.
2 Frédéric SUDRE, op. cit., p. 233.
3 Les termes <<tribunal>> et juridiction sont
souvent utilisés comme << synonymes >>. On distingue
généralement l&ordre administratif (tribunaux
administratifs) et l&ordre judiciaire (tribunaux
répressifs, tribunaux civils). De même, les juridictions sont
classées selon leur nature en juridiction de droit commun et juridiction
d&exception. Enfin, une juridiction doit toujours être
située par le degré qu&elle occupe dans la
hiérarchie judiciaire. Lexique des termes juridiques, Dalloz,
15e édition, 2005, p. 364.
4 Frédéric SUDRE, Caroline PICHERAL (sous la dir.),
La diffusion du modèle européen du procès equitable, La
documentation Française, Coll. Perspectives sur la justice, 2003, p.
137.
5 Jean-François FLAUSS, <<Les nouvelles
frontières du procès équitable >>, in Le
procès equitable et la protection juridictionnelle du citoyen, actes du
Colloque organisé a Bordeaux les 29 et 30 septembre 2000, par
l&lnstitut des
La question qui se pose a cet égard, est de savoir si
cette méthode d'interprétation pourrait conduire a la
pénétration du droit a un procès équitable dans les
rapports entre les particuliers? D'une autre manière, est-ce que
l'article 6 serait applicable a la voie extrajudiciaire, après qu'il a
été appliqué d'une manière extensive aux
autorités administratives et juridictions spécialisées ?
Quelles sont les frontières de l'article 6 de la CESDH? Est-ce qu'une
procédure découlant du monde de l'Internet pourrait tomber dans
le champ d'application évolutif de l'article 6? Si la réponse est
positive, est-ce que cette procédure serait compatible avec l'exigence
du procès équitable ou non ? Quelles seraient les
conséquences d'une telle application sur l'avenir de la procédure
UDRP ? Telles sont les questions qui sont posées.
Justification du choix
A travers une méthode de confrontation entre le
fonctionnement de la procédure de l'UDRP et les exigences du droit a un
procès équitable selon la CESDH, on essayera de soulever deux
questions principales ; l'une juridico-politique et l'autre
théorique.
En premier lieu, l'appréciation du caractère
équitable de la procédure UDRP nous donne l'opportunité de
poser la question de l'articulation entre la logique juridique et la logique
numérique. Est-ce qu'une logique primerait sur l'autre? Est que
l'Internet est une zone de vide juridique? Ou, a défaut, il pourrait-il
être régulé? Si la réponse est positive, quelle
sorte de régulation sociale pourrait être mise en place? Est-ce
que ce serait l'Etat providence de Welfare? Ou, une autre forme de la
production des normes pourrait être envisagée ? Effectivement, le
rapprochement entre la procédure UDRP et la CESDH nous donnera la
possibilité non seulement d'examiner la capacité de l'Etat de
réguler le monde numérique, mais de s'interroger sur le role de
l'Etat dans un monde globalisé? La société-monde serait
elle la fin de l'Etat régulateur? Est-ce que l'idée du
déclin de l'Etat est vraiment constatée ou c'est un débat
faussé?
En deuxième lieu, la Convention européenne de
droits de l'homme telle qu'elle est interprétée par la Cour
européenne, a pris une place grandissante dans l'ordre juridique
français, et est devenu un des phénomènes juridiques les
plus marquants de ces
droits de l&homme des avocats européens et
l&Institut des droits de l&homme du barreau de
Bordeaux, Bruxelles Bruylant, 2001, pp. 81-101.
dernières années. On en arrive même,
aujourd'hui, a se demander si les droits de l'homme ne sont pas tout simplement
l'avenir du droit1. Il faut remarquer que la vraie appellation de la
Convention européenne est <<Convention de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales>> ou en anglais
<<Protection of human rights and fondamental freedoms >>.
Sauvegarde, protection, c'est la grande idée qui caractérise
l'instrument européen des droits de l'homme. Le but est non seulement
d'énoncer des droits, mais d'instituer les outils pratiques de les faire
respecter. A cette fin, la Cour européenne consacre une place
éminente a l'article 6 afin de garantir l'effectivité des droits
proclamés par la Convention2. Dans ce contexte,
l'hypothèse d'appliquer l'article 6 a la procédure UDRP nous
donne la occasion de revenir sur l'évolution conceptuelle le
modèle européen du procès équitable et de tracer
ses frontières.
Méthode et plan
Une approche déductive sera adoptée pour
démontrer notre objet de recherche. On émet une hypothèse
de travail (le rapprochement entre la procédure UDRP et l'articl6 de la
CESDH) pour essayer de la vérifier et de l'expérimenter en
passant par trois étapes ; la description (décryptage de la
logique de la procédure UDRP, l'explication (les hypothèses du
rapprochement avec l'article 6), et la théorisation (qui consiste a
énoncer une règle générale a partir les
éléments décrits et analysés ; est-ce que l'article
6 serait-t-il appliqué la procédure UDRP). Dans une
première partie, on va analyser l'objet de la recherche au niveau micro
en abordant la difficulté de la réglementation étatique
sur Internent, la naissance des régulateurs privés
transnationaux, la genèse et le fonctionnement de la procédure
UDRP, ainsi que le champ théorique oü elle s'inscrit. Ensuite, on
suivra notre cheminement dans une deuxième partie, on analysera l'objet
de la recherche au niveau macro a travers un dialogue entre le droit a un
procès et la procédure de l'UDRP.
1 Daniel GUTMANN, << Les droits de l'homme sont-ils
l'avenir du droit? >>, in L'avenir du droit, Mélanges en hommage a
François Terré, Dalloz, PUF, éditions Juris-classeur,
1999, p. 329 - 342.
2 De tous les articles de la Convention, l'article 6 est le
plus long. Il se compose de 298 mots. Il n'est devancé que par l'article
5 qui se compose de 371 mots. Par contre, l'article 5 est composite de
plusieurs droits, tandis que l'article 6 ne parle que du droit a un
procès équitable. La Convention européenne des droits de
l'homme, Commentaire article par article, sous la direction de Louis-Edmond
PETTITI, Economica, 1995, p. 239 et s.
TITRE I
LA PROCEDURE DE L'UDRP : UN MECANISME QUI
PARTICIPE A LA
REGULATION DE L'INTERNET
L'origine de la mondialisation se trouve dans les
années quatre-vingts1. Cette période constitue une
période charnière avec l'effondrement de l'empire
soviétique, la chute du mur du Berlin, la libéralisation des
échanges, des mouvements d'intégration, notamment
l'intégration européenne, les progrès technologiques et de
communication. La mondialisation telle qu'on la définit aujourd'hui
s'inscrit dans cette forte accélération des échanges,
notamment financiers, constatée depuis cette période2.
Dans le même temps, ces changements ont correspondu avec des
évolutions du système capitaliste: expansion des entreprises
transnationales; augmentation des flux financiers et commerciaux
internationaux; évolution des techniques de production et de
communication.
La logique de cette mondialisation exige un monde
au-delà de la théorie et des pratiques modernes de la
souveraineté. L'Internet se trouve actuellement au coeur de cette
démarche de mondialisation. Par sa nature transfrontalière,
l'Internet met en cause la conception classique de la souveraineté
westphalienne, ainsi que la théorie de l'Etat et sa capacité
réglementaire par le biais des lois (chapitre i). Dans ce contexte, les
acteurs transnationaux renforcent leur présence dans le monde
numérique en imposant leurs propres normes par les modes alternatifs de
règlement des différends (chapitre2).
1 Dans son article << The end of history>>, apparu
durant l'été 1989, Francis Fukuyama a qualifié cette
période comme la fin de l'histoire: ((The triumph of the West, of the
Western idea, is evidentfirst of all in the total exhaustion of viable
systematic alternatives to Western liberalism. In the past decade, there have
been unmistakable changes in the intellectual climate of the world's two
largest communist countries, and the beginnings of significant reform movements
in both. But this phenomenon extends beyond high politics and it can be seen
also in the ineluctable spread of consumerist Western culture in such diverse
contexts as the peasants' markets and color television sets now omnipresent
throughout China, the cooperative restaurants and clothing stores opened in the
past year in Moscow, the Beethoven piped into Japanese department stores, and
the rock music enjoyed alike in Prague, Rangoon, and Tehran>>.Summer
1989, Revue, The National Interest, disponible sur
http://www.wesjones.com/eoh.htm
(consulté le 15 juin 2007).
2 Pierre DE SENARCLENS, Mondialisation, souveraineté, et
theories des relations internationales, Armand Colin, 1998, p. 71 et s.
Chapitre 1 : De Ia réglementation a Ia
corégulation de I'Internet
Le mot régulation est apparu récemment dans le
langage juridique1. Ce mot ne renvoie pas ni a une notion
précise ni a un contenu flou, par contre, il est partout
présenté. En effet, le mot régulation renvoie aux
pratiques nouvelles qui mettent en cause le modèle classique de la
réglementation étatique. Sous cet ange, la régulation est
perçue comme un mécanisme dessiné a remédier un man
que ou une crise- un man que ou une cirse de la normativité de nos
sociétés: un man que ou une crise de la normativité
sociale ~+. C'est le nouveau pavillon de la normativité: une nouvelle
approche des fonctions et des formes de la normativité: un partit de
souplesse, de réalisme, de compromis affiché et voulu par les
pouvoirs publics ))3.
Autrement dit, la régulation signifie
l'incapacité de la puissance publique a décider et agir
efficacement afin de réguler un phénomène dans un temps
précis. L'internent cristallise évidemment cet état des
lieux. Dans ce contexte, la régulation apparalt comme un moyen de
pallier un déficit de la réglementation étatique
(sectioni) par le biais des nouvelles formes de régulation sociale
(section2).
Section 1: La réglementation étatique face a
la logique de l'Internet
La spécificité de l'Internet réside dans
sa nature transfrontalière, et l'absence d'un contrôle d'une
autorité centrale sur les activités exercées sur la toile.
Ce monde virtuel démonopolisé se heurte a la logique
étatique, limitée par la conception classique de la
souveraineté westphalienne (A). Devant ce défi de la
réglementation étatique, d'autres formes de régulation ont
été émergées et mises en places par les acteurs
privés qui deviennent du fait au ccur du mécanisme de
régulation de l'Internet (B). Le développement de ces nouvelles
formes de régulation privée apparalt effectivement comme un
transfert du pouvoir de réglementation du public vers le privé,
dans un cadre de privatisation relaissées aux plan législatif et
juridictionnel4.
1 Ce mot est transposé du mot anglais regulation. Il peut
se définir comme l' action de régler un phénomène
pour le maltriser dans le temps . Dalloz, Lexiquejuridique, 15e
éditions , 2006, p. 497.
2Gérard TIMSIT, <<La régulation:
La notion et le phénomène >>, RFDP, n°109, 2004,
p.5.
3Yves GAUDEMET, <<La concurrence des modes et
des niveaux de régualtion >>, RFDP, n°109, 2004, p. 13.
4 Fabrizio CAFAGGI, <<Le role des acteurs privés
dans le processus de régulation: Participation, autorégulation et
régulation privée >>, RFDP, n°109, 2004, p. 22-36.
A. La spécificité de l'Internet et la
création d'un monde post- westphalien
Les traités de Westphalie de 1648 mettant fin a la
guerre de Trente ans (1618- 1648) sont qualifiés comme la charte
constitutionnelle de l'Europe1 et consacrant la disparition de
l'ordre médiéval2. Ces traités ont posé
les premiers éléments d'un <<droit public européen
>>3 en construisant l'Europe des Etats. Depuis cette date, la
légalité et la souveraineté des Etats sont reconnues comme
principes fondamentaux des relations internationales interétatiques.
Cette souveraineté westphalienne a une double forme. D'une part, il
s'agit une souveraineté externe oü les Etats ne sont pas
subordonnés a aucune autorité, ni nationale, ni régionale,
ou internationale. Autrement dit, chaque Etat reconnalt tout autre Etat comme
son égal. Cette souveraineté possède deux volets. D'une
part, un volet interne selon lequel tout Etat dispose d'une autorité
exclusive sur son territoire et sur la population qui s'y trouve et, d'autre
part, un volet externe selon lequel chaque Etat n'a pas le droit d'intervenir
dans les affaires internes d'un autre Etat.
Selon le concept westphalien, un système
d'équilibre entre des Etats égaux et souverains vient donc de
s'installer oü la souveraineté territoriale devient l'expression du
principe de la souveraineté4. La première formulation
théorique explicite du principe de la souveraineté comme
critère essentiel del'Etat est due a Jean Bodin et a ses six livres sur
<< La République>> publiés en 1576. Pour Bodin, la
souveraineté est la pierre angulaire de l'Etat sans laquelle elle serait
qu'un navire sans quille ))5 . Pour lui, la manifestation
essentielle de la souveraineté de l'Etat consiste dans sa
capacité a faire des lois.
1 Patrick DAILLIER et Alain PELLET, Droit international
public, Paris, L.G.D.J., 7e édition, 2002, p.51.
Historiquement, ces traités ont légalisé la naissance des
nouveaux Etats souverains et ont formé une nouvelle carte politique pour
l'Europe par la liquidation de l'Emprise germanique et par la transformation de
l'Allemagne en un groupe d'Etats indépendants sur lesquels l'empereur ne
conserve qu'une autorité nominale. La Confédération
helvétique et les Pays-Bas sont aussi reconnus comme Etats
indépendants. Ils ont assuré la victoire des monarchies sur la
papauté. V0 également, Dario BATTISTELLA, Le retour de
l'état de guerre, Armand Colin, 2006, p. 292 et s.
2Jean-Jacques ROCHE, Relations internationales,
Paris, L.G.D.J., 3e édition, 2005, p.99~ Jean COMBACAU et
Serge SUR, Droit international public, Paris, Montchrestien, 6e
édition, 2004, p. 18 et s.
3 Patrick DAILLIER et Alain PELLET, op. cit., loc. cit.
4 Patrick DAILLIER et Alain PELLET, ibid., p.463.
5 Dominique CARREAU, Droit international, Paris, Pedone,
7e édition, 2001, p. 15 et 16. L&approche de
Bodin est incontestablement liée a la situation de son époque
temps oü la France était profondément affaiblie par des
guerres civiles et religieuses. Bodin estimait que le remède fondamental
contre cette situation de chaos résidait dans le renforcement de la
monarchie française contre toutes les féodalités et contre
le pouvoir ecclésiastique. Il y a eu une certaine <<
déviation >> de cette notion de souveraineté. Elle fut
identifiée par Hobbes dans son << Léviathan>>, qui
Par conséquent, on peut que déduire cette
souveraineté donne a l'Etat une exclusivité juridictionnelle sur
son territoire. C'est la trilogie; Etat, territoire, juridiction, qui exprime
cette souveraineté westphalienne. La réglementation est cette
volonté étatique d'imposer sa politique, et qui repose
entièrement sur un postulat: une souveraineté territoriale
incontestée de l'Etat qui s'affirme par la sanction de la violation de
son droit national ))6.
De ce fait, le principe de territorialité repose sur
l'idée de la domination de l'Etat sur un territoire. Il s'agit d'une
condition essentielle de l'existence de la notion même de l'Etat. En
effet, le principe de paix de Westphalie de 1648 consiste en la
non-ingérence d'un Etat sur le territoire dans un autre Etat; ordre de
simple coexistence ou juxtaposition de puissances souveraines ))2.
Par conséquent, la juridiction d'un Etat ne doit pas produire des effets
directs sur le territoire d'un autre Etat. Donc, la théorie de l'Etat
est un principe qui s'oppose a l'exterritorialité. Cela dit, l'exercice
de cette souveraineté est territorialement limité par la
frontière de l'Etat. Dans ce contexte, c'est la frontière qui
représente la ligne qui détermine oh commencent et oh finissent
les territoires relevant respectivement de deux Etats voisins ))3.
Cette ligne limite la capacité de l'action de l'Etat. Elle sépare
des espaces territoriaux oü s'exercent deux souverainetés
différentes.
Par contre, l'espace créé par l'Internet ne
connalt pas le phénomène de frontière4 qui
existe dans le monde physique. A dire vrai, l'Internet construit une
certaine
accorde un pouvoir absolu a l&Etat qui se
trouvait alors situé au-dessus de toutes les lois. Pour lui, la
souveraineté est assimilée a un pouvoir absolu de l'Etat,
celui-ci ne saurait être soumis a aucune règle de droit
supérieur.
1 Philippe AMBLARD, Régulation de l'Internet:
l'élaboration des règles de conduite par le dialogue
internormatif, cahiers du centre de recherche informatique et droit CRID
n°24, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 45.
2 Thomas SCHULTZ, Réguler le commerce
électronique par la résolution des litiges en ligne, cahiers du
centre de recherche informatique et droit CRID n° 27, Bruxelles, Bruylant,
2005, p. 66.
3 Patrick DAILLIER et Alain PELLET, op. cit., p. 464.
4 Paradoxalement, alors que la révolution
numérique fait reculer les frontières du village global,
l&immense majorité des habitants du monde restent en
marge de ces progrès. Alors que le fossé, entre la connaissance
et l&ignorance, ne cesse de s&élargir,
l&écart de développement entre les riches et les
pauvres, d&un pays a l&autre et a
l&intérieur d&un même pays, se
creuse. Les pays doivent donc impérativement s&efforcer
de réduire cette fracture numérique et
d&accélérer la réalisation des objectifs de
développement pour le Millénaire en utilisant les TIC. Aux termes
de sa Résolution 56/183 (21 décembre 2001),
l&Assemblée générale de
l&Organisation des Nations Unies a approuvé la tenue du
Sommet mondial sur la société de l&information
(SMSI) en deux phases, dont la première a eu lieu a Genève
(Suisse), du 10 au 12 décembre 2003 et la seconde a Tunis (Tunisie) du
16 au 18 novembre 2005. V° Déclaration de principes Construire
hypertrophie1 des règles dans la mesure
oü les informations échangées par le biais du réseau
peuvent circuler sans le consentement de l'Etat, et en même temps, elles
ne peuvent pas s'arrêter a la frontière d'un autre Etat.
Par exemple, on sait que selon le code
électoral2, l'annonce des résultats avant la fermeture
des bureaux de vote a 20 heures3 est une infraction pénale,
passible de 75 000 euros d'amende4, dans la mesure oü elle est
susceptible d'influer le résultat final du vote. Rappelons qu'en
théorie, la loi électorale s'applique aussi a
l'Internet5. L'article 11 de la loi 19 juillet 1977 (relative a la
publication et a la diffusion de certains sondages d'opinion, modifiée
par la loi du 19 février 2002) prohibe la diffusion du résultat
d'un sondage portant sur les intentions de vote ou suffrages exprimés ou
la publication d'une information dont l'objet est de donner la connaissance
immédiate des résultats de l'élection avant que ne soit
fermé le dernier bureau de vote en métropole, c'est-à-dire
les dimanches 22 avril et 6 mai a 20 heures. Cette prohibition s'applique en
principe a tous les moyens de communication et comprend nécessairement
les services de communication au public en ligne (sites, blogs, listes de
diffusion ouvertes). Donc, les
la société de l'information: un défi
mondial pour le nouveau millénaire, disponible sur
http://www.itu.int/wsis/indexfr.html
1 Thomas SCHULTZ, op. cit., p. 68.
2 L'article L.52-1 du code électoral indique que
((Pendant les trois mois précédant le premier jour du mois d'une
élection etjusqu'à la date du tour de scrutin oh celle-ci est
acquise, l'utilisation a des fins de propagande électorale de tout
procédé de publicité commerciale par la voie de la presse
ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite .
3 L'article L.49 affirme que (( Il est interdit de distribuer
ou faire distribuer, le jour du scrutin, des bulletins, circulaires et autres
documents. A partir de la veille du scrutin a zéroheure, il est interdit
de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication au public par
voie électronique tout message ayant le caractère de propagande
électorale .
4 Selon l'article L.90-1 du code électoral: ((Toute
infraction aux dispositions de l'article L. 52-1 sera punie d'une amende de
75000 euros . L'article L.89 dispose que ((Toute infraction aux dispositions de
l'article L. 49 et L. 52-2 sera punie d'une amende de 3750 euros sans
préjudice de la confiscation des bulletins et autres documents
distribués ou diffusés par tout moyen .
5Recommandation du Forum des droits sur l'Internet
<< Internet et communication électorale >>, adoptée
le 17 octobre 2006, disponible sur
http://www.forumInternet.org/recommandations/lire.phtml?id=1124
consulté le 28 avril 2007) : Recommandation du CSA (Conseil
supérieur de l'audiovisuel) a l'ensemble des services de
télévision et de radio en vue de l'élection
présidentielle, publiée le 7 novembre 2007, disponible sur
http://www.droitdunet.fr/par
profils/lecture.phtml?type=profil citoyen&it=1&id=192
(consulté le 28 avril 2007).
blogeurs sont obligés de respecter l'interdiction de
publication des sondages, mais aussi la propagande
électorale1.
Or, il se trouve que les médias étrangers et les
sites Internet hébergés hors de France peuvent publier en toute
légalité, les résultats de l'élection
présidentielle dès 18 h, les soirs du premier et du
deuxième tour, alors que les médias français n'ont pas le
droit de publier ces mêmes résultats avant 20 h. Par un simple
clic, la diffusion des résultats du scrutin de l'élection
présidentielle française avant 20h peut se produire par le biais
d'un internaute suisse et produit des effets sur le territoire français,
sans le consentement de deux Etats. C'est l'effet extraterritorial de la nature
ubiquitaire de l'Internet qui met en cause le concept classique de la
souveraineté étatique. La raison principale de cette situation se
retrouve dans l'origine ainsi que la nature de l'Internet.
En effet, l'histoire d'Internet a une double origine;
universitaire et militaire2. Le développement universitaire
commença en 1969 par un petit projet de communication
dénommé ARPANET (Advanced Research Porject Agency). Or, la vraie
idée de l'Internet est née dans années 1949 oü le
Département de la défense des Etats-Unis cherchait a renforcer la
défense nationale contre une possible attaque nucléaire
soviétique. L'idée centrale a cette époque était de
mettre en place un réseau de communication décentralisé
qui octroierait au président des Etats-Unis la facilité de donner
l'ordre d'attaque nucléaire, d'une manière permanente, même
si ce réseau était endommagé par des frappes
nucléaires. La conséquence principale de cette
décentralisation est que l'Internet ne peut pas être
contrôlé techniquement d'une manière centrale.
C'est cette idée originale qui a donné a
l'Internet la capacité de résister aux attaques militaires ; si
une partie était détruite, le reste pourrait continuer a
fonctionner par un simple routage des communications vers les serveurs et les
connexions
1 Le journaliste Jean-Marc Morandini, qui avait annoncé
son intention de divulguer avant la fermeture des bureaux de vote les
résultats du premier tour de l'élection présidentielle sur
son site Internet, a finalement renoncé. Le Monde, 22 avr. 2007,
http://www.lemonde.fr/web/article/0
,1-0Th2-823448,36-899814 ,0.html?xtor=RSS-3208 (consulté le 28 avril
2007) : voir la décision définitive du Jean-Marc Morandini sur
son blog
http://jeanmarcmorandini.com/news.php?id=4858
(consulté le 28 avril 2007).
2 Les deux réseaux, miitaire et ARPANET, ont
été reliées en 1982, grace a l'introduction du
transmission control protocol/ Internet protocol (TCP/IP). L'ouverture du
réseau au public est arrivée en 1990 avec le concept W3 (World
Wide Web). Depuis cette date, l'internent a connu un succès sans
précèdent, tant au niveau économique, social, que
politique. Thomas SCHULTZ, ibid., p. 18.
intouchées. Cela explique le fait que toute
communication par le biais de l'Internet ne passe pas par un point central qui
pourrait être filtré censuré, ou contrôlé. La
communication sur Internet est effectivement divisée en paquets
acheminés par différentes routes pour être
recombinés a l'arrivée.
Cette fragmentation rend l'idée d'une
réglementation centrale ou globale de l'Internet quasiment
impossiblel. C'est pour cela, Internet est souvent
dénommé le <<réseau des réseaux>>
puisque son infrastructure physique s'est construite a partir d'un
réseau originaire basé aux Etats-Unis, par l'interconnexion de
nouveaux réseaux de taille différente et en débit variable
a travers le monde entier. En d'autres termes, le réseau materiel de
l'Internet ressemble finalement a un réseau routier avec des autoroutes,
et des routes nationales, locales ou des déserts2. Cette
architecture actuelle du réseau permet de diffuser a l'infini n'importe
quelle information, de l'héberger sur plusieurs serveurs situés
dans différents pays. Ainsi est-il difficile, voire impossible,
d'obtenir la suppression d'une information lorsqu'elle a été mise
en ligne.
A côté de cette origine
décentralisée, les caractéristiques inhérentes de
l'Internet rendent difficile l'exercice de la souveraineté
étatique. En premier lieu, l'Internet est l'expression d'une vraie
détemporalisation oü il y a un échange instantané de
la communication. Cette rapidité conduit a une vitesse énorme
dans les transactions commerciales et la diffusion des informations qui,
quelquefois dépassent la production législative nationale. En
deuxième lieu, l'Internet est un monde virtuel et
dématérialisé oü les parties ne se rencontrent pas
physiquement. Enfin, Internet dispose d'une certaine
déterritorialisation puisqu'il n est pas attaché a un territoire
déterminé et tangible. C'est un village global d'ubiquité
dans lequel toute personne peut se connecter a n'importe quel endroit, voir
qu'elle se trouve.
Cette ubiquité a conduit que certains voyaient
l'Internet comme un espace réel, au sens géographique du terme,
séparé du territoire d'Etat, comme l'espace
extraatmosphérique ou de la haute mer. Cette approche s'appuie sur
l'existence d'un nouveau monde dans lequel les Etats ne peuvent pas assumer
leurs fonctions de régulation ni leur souveraineté. En
conséquence, l'Internet se conçoit comme un espace vierge de
sorte
( Thomas SCHULTZ, ibid., loc. cit.
2 Philippe BARBET, <<La régulation du réseau
Internet >>, in Société de l'information: enjeux
économiques et juridiques, (dir.) Philippe BARBET et Isabelle LIOTARD,
Paris, Harmattan, 2006, p. 8i.
d'autorité et totalement libre, sans frontière,
du style Far West. Dans sa déclaration d'indépendance du
Cybermonde, John Perry Barlow indique que Gouvernements du monde industriel,
géantsfatigués de chair et d'acier, je viens du cyberespace,
nouvelle demeure de l'esprit. Au nom de l'avenir,je vous demande, a vous qui
êtes du passé, de nous laisser tranquilles. Vous n'êtes pas
les bienvenus parmi nous. Vous n'avez aucun droit de souveraineté sur
nos lieux de rencontre. Nous n'avons pas de gouvernement élu et nous ne
sommes pas près d'en avoir un, aussi je m'adresse a vous avec la seule
autorité que donne la liberté elle-même lorsqu'elle
s'exprime. Je déclare que l'espace social global que nous construisons
est indépendant, par nature, de la tyrannie que vous cherchez a nous
imposer. Vous n'avez pas le droit moral de nous donner des ordres et vous ne
disposez d'aucun moyen de contrainte que nous ayons de vraies raisons de
craindre ~6.
Cette vision est évidemment irréaliste. D'un
côté, l'Internet n'est pas un espace en dehors de l'Etat,
comparable a la haute mer ou a l'espace extra-atmosphérique qui
échappent au pouvoir des Etats et nécessitent
l'élaboration des nouvelles règles propres au monde virtuel. Au
contraire, l'Internet est dans les Etats, même s'il presente certaines
spécificités indéniables liées a son
caractère tout a la fois transfrontière et
dématérialisé. D'ailleurs, il est transnational dans la
mesure oü il traverse les Etats sans respecte leurs frontières.
Toute transaction sur Internet, soit a une fin commerciale ou informative,
produit ses effets dans le monde physique et sur le territoire d'un ou
plusieurs Etats. Autrement dit, le cyberespace crée un environnement
particulier, mais il ne constitue pas un monde a part entier2.
De l'autre côté, territorialement parlant, les
individus connectés a l'internet resteront physiquement présents
et localisés, malgré le fait qu'ils se rencontrent dans un monde
virtuel. Actuellement, l'Internet pénètre la vie quotidienne des
citoyens - a travers leurs écoles, leurs lieux de travail, leurs
domiciles, leurs associations ou leurs
1 Déclaration d'indépendance du Cybermonde, Davos -
Suisse, le 8 février 1996, disponible sur
http://www.freescape.eu.org/eclat/lpartie/Barlow/barlowtxt.html
(consulté le 8 mai 2007).
2 ~ C'est, en effet, devenu banalité de dire que
l'Internet abolit lesfrontières. Sejoue des espaces nationaux, constitue
le support technologique du décloisonnement des marchés, de sorte
qu'on peut en inférer une internationalisation des opérations de
commerce électronique . Ali BENCHENEB, <<commerce
électronique et règlement des litiges contractuels >>, pp.
33-44, in Cahiers de droit de l'entreprise, supp. no 4, JCP E
no 37, 12 septembre 2002, colloque <<commerce
électronique >>, Marrakech 8 et 9 novembre 2001.
institutions publiques - la profondeur de son impact sur la
vie économique1, sociale2, et même
politique3 devient plus évidente. En d'autres termes,
mêmes citoyens de la toile, chaque internaute reste un citoyen
attaché a ses valeurs et a sa culture locale4.
1 L'immatériel oü les technologies
numériques fait une composante importante, est un élément
déterminant de la croissance des économies. Aujourd'hui, le
succès économique des pays reposerait sur leurs capacités
de fournir un environnement favorable au développement l'économie
matérielle. La véritable richesse n'est pas concrète, elle
est abstraite. Elle n'est pas matérielle, elle est immatérielle.
En France, l'économie matérielle représente, au sens
large, environ 20 % de la valeur ajoutée et 15 % de l'emploi. V°,
L'économie de l'immatériel: La croissance de demain, rapport
présenté au ministère de l'économie, des finances
et de l'industrie, 23 novembre 2006 (dir.) Maurice LEVY et Jean-Pierre JOUYET;
disponible sur
http://www.finances.gouv.fr/directions
services/sircom/technologies info/immateriel/immateriel.pdf
(consulté le 8 mai 2007).
2 Selon l'institut TNS, en 2006 le nombre des internautes
français a représenté la moitié de la population
française, avec une hausse annuelle d'une moyenne de 5 % (55 % en 2006
contre 16 % en 1999). 57 % des internautes français consultent des
informations sur le Net, 26% lisent et téléchargent des articles,
40 % utilisent l'Internet pour écouter la radio. Les jeunes
représentent la plupart de cette population, dont 48 % d'entre eux ont
acquis un diplôme supérieur au bac. Sur le terrain commercial, le
marché du commerce électronique a réalisé en France
un chiffre d'affaires de 9,5 milliards d'euros en 2006 au lieu de 7 milliards
en 2oo5. Le marche virtuel a drainé 2.2 milliard d'euros, soit une
hausse de 44 % en un an. LE FIGARO, économie, vendredi 31 mars 2006,
n° 19178 - cahier n° 2.
3 La campagne présidentielle de 2007 a
témoigné un recours grandissant a l'Internet pour servir aux
ambitions politiques. A titre d&exemple, Ségolène
Royal a choisi le nom de domaine
desirsdavenir.org, pour exposer
son projet. De même, Laurent Fabius, ancien candidat a la candidature du
parti socialiste a adopté la même méthode en
déposant le nom de domaine
laurent-fabius.net pour exprimer
et valoriser sa campagne. A droite, la situation est semblable, notamment avec
le nom de domaine
sarkozyblog.free.fr,
exploité par Nicolas Sarkozy, (son nom est d&ailleurs le
plus déposé en tant que nom de domaine : 67% de la
totalité des noms d&hommes politiques
déposées comme noms de domaine), ou bien encore
mpf-villiers.com de Philippe de
Villiers. Bref, on retrouve actuellement tous les noms des candidats plausibles
a l&élection présidentielle de 2007,
déposés en tant que noms de domaine.
Or, les noms de domaine ne sont pas seulement utilisés
comme un outil donnant aux candidats le moyen d&exposer leurs
idées, mais ils servent également comme arme dans la bataille
présidentielle. Par exemple, sur le site
www.sarkozy2007.fr,
l&internaute est accueilli par un message de bienvenue de
Ségolène Royal. La page d&accueil qui est aux
couleurs de l&UMP propose même un lien menant directement
au formulaire d&adhésion du parti socialiste, et une
redirection vers le site officiel de Ségolène Royal
desirsdavenir.org. Cette
technique du détournement des noms de domaine est employée aussi
par l&UMP. En tapant
www.chirac.com,
l&internaute est redirigé vers le site officiel de
Nicolas Sarkozy. Yassin EL SHAZLY, <<Noms de domaine,
<<cybersquatting>> et campagne présidentielle >>,
Propriété industrielle, n° 3, mars 2007, étude 8, p.
14 et s.
4 Jacques BERLEUR et Yves POULLET, << Quelles
régulations pour l'Internet? >>, p.151, in Gouvernance de la
société de l'information: loi, autoréglementation,
éthique, (dir.) Jacques BERLEUR, Christophe LAZARO et Robert QUECK:
actes du séminaire organisé a Namur, les 15 et 16 juin 2001 par
le Centre de recherches informatique et droit (CRID) et la cellule
interdisciplinaire de Technology Assessment (CITA), cahiers du centre de
recherche informatique et droit n°22 CRID, Bruxelles, Bruylant, 2002.
On donc peut constater qu'il y a une influence mutuelle entre
le cyberespace et le monde physique. Cette interaction entre le matériel
et le virtuel met en question l'efficacité de la réglementation
étatique comme une expression de la souveraineté westphalienne.
Dans ce contexte, une série de questions se posent: Est ce qu'un seul
Etat est-tiil fondé a faire la loi sur l'Internet, par essence
transnational ? Un Etat pourrait-t-il bloquer l'accès a des contenus
considérés comme licites, diffusés depuis le territoire
d'un autre Etat? Dans un tel cas, est-ce que Internent rend la loi d'un Etat
applicable sur le sol d'un autre Etat? Et comment le jugement d'un Etat peut-il
être exécuté sur le sol d'un autre Etat? C'est ce qu'on
examinera par la suite.
B. L'Internet: un nouveau défi pour la
réglementation étatique
Tout d'abord, il faut souligner que l'Internet n'est plus une
zone de non-droit ou d'un éventuel vide juridique1. Cette
idée est complètement dépassée. Comme le dit
l'adage <<là oü il y a une société, il y a du
droit >>. La réglementation étatique, au sens large du
terme2 a une vocation a s'appliquer sur l'Internet. Cependant,
l'Internet fournit un espace dématérialisé et sans
frontières a l'opposé d'une logique nationale limitée a un
territoire déterminé. La question qui se pose a cet égard,
est de savoir dans quelles mesures commence la compétence du juge
national sur l'Internet? Et comment pourrait-il assurer le respect de son
propre droit? La juridiction française s'est efforcée de
répondre a ces deux questions: la compétence territoriale (1) et
l'efficacité juridique de la loi nationale (2).
1 En 2 jullet 1998, le Conseil d'Etat, a été
invité par le premier ministre, Lionel Jospin, a adopté un
rapport détaillé sur le thème <<Internet et
réseaux numériques>> dans lequel, il a affirmé que :
~l'ensemble de la législation existante s'applique aux acteurs
d'Internet, notamment les règles de protection du consommateur et celles
garantissent le respect de l'ordre public. Il n'existe pas et in 'est nul
besoin d'un droit spécifique de l'Internet et des réseaux . Donc,
le droit commun s'applique normalement dans le monde virtuel comme le monde
réel. Pour autant, l'efficacité d'une telle application se heurte
d'être réduite a cause de la nature transfrontière de
l'internent. Internet et réseau numériques, étude
adoptée par l'Assemblée générale du Conseil d'Etat,
La documentation francise, Paris, 1998, p. 13.
2 Cette réglementation est effectivement transversale;
elle concerne un nombre de domaines impressionnant: le droit de la
communication au sens le plus large du terme, la protection de l'enfance, la
protection des consommateurs, la liberté d'expression, le droit fiscal,
le droit international, le droit des sociétés, de nombreuses
branches du droit pénal et du droit civil (droit de la preuve, droit de
la responsabiité) etc. Lionel THOUMYRE, <<Une Europe unie face a
la réglementation de l'Internet? Etat des lieux >>, 26 septembre
2003, publié sur
http://www.droit-technologie.org,
3 novembre 2003.
§ 1. De nouveaux défis pour se declarer
territorialement competent
On sait qu'en matière de compétence judiciaire,
l'article 46 du Nouveau Code de procédure civile (NCPC) accorde en
matière délictuelle la possibilité de saisir le tribunal
dans le ressort duquel le fait dommageable s'est produit ou a été
subi ~1. De même, l'article L.113-2 du Code pénal
prévoit qu'une infraction est réputée commise sur le
territoire de la République dès lors qu'un de ses faits
constitutifs a eu lieu sur ce territoire '. Ces deux critères
cumulés accordent a la juridiction française la
possibilité d'assumer une vocation universelle, quelque soit en
matière civile ou pénale, en lui permettant de se situer sur des
affaires commises en dehors du territoire français, y compris ceux-ci
liés a l'Internet.
Or, devant l'ubiquité de l'Internet, le juge est
obligé de distinguer un site ouvert a l'étranger et un site
national afin de ne pas porter atteinte a la souveraineté d'un autre
Etat. Autrement dit, la question qui se pose est de savoir si un site
hébergé a l'étranger échapperait automatiquement a
la compétence du juge a partir du moment oü il est
hébergé en dehors du territoire? Ou, a défaut, le juge
resterait compétent? Cette situation a conduit les juges a repenser leur
compétence et a reconstruire des normes adaptées a
l'Internet2. On peut déterminer a cet égard, deux
tendances principales3.
a) Le critère de l'accessibilité du site
Dans un premier temps, la spécificité de
l'Internet a conduit le juge français a se déclarer
compétent pour juger une affaire conformément a la loi
française, au moment oü un site Internet est accessible partir du
territoire français. A titre d'exemple, dans l'affaire
<<Payline>> oü une société française a
assigné en référé devant le président du TGI
de Nanterre, une société basée aux Etats-Unis avec pour
motif qu'elle exploite sa marque <<Payline>> au titre du nom de
domaine. La société défenderesse a conclu a
l'incompétence de la juridiction saisie. Par contre, le tribunal s'est
déclaré compétent en
1 Dans le même sens, l'article 5 §3 du
règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000, concernant la
compétence judiciaire, la reconnaissance et
l&exécution des décisions en matière civile
et commerciale, dispose que une personne domiciliée sur le territoire
d'un Etat membre peut (...) en matière délictuelle ou quasi
délictuelle, devant le tribunal du lieu oh lefait dommageable
s'estproduit ou risque de se produire .
2Michel VIVANT, <<Le commerce
électronique, défi pour lejuge >>, D. 2003, n° 10,
Doctrine, p. 674- 678. 3Christiane FERAL-SCHUHL, Cyberdroit, Paris,
Dalloz, 2006, p. 418 et s.
jugeant que la diffusion d'Internet étant par nature
mondiale et accessible en France, le dommage a lieu sur le territoirefrancais
(...) que compétent territorialement, lejuge francais doit sanctionner
les faits argués de contrefa con et appliquer les sanctions
prévues par le Code de la Propriété Intellectuelle et
qu'il importe peu que la diffusion sur Internet soit mondiale, que l'inverse
aurait pour conséquence de nier la protection d'une marque sur le
territoire oh elle est protégée; qu'il convient de rejeter
l'exception d'incompétence ~6
· Dans une affaire
semblable, la CA de Paris, dans un arrêt du 1er mars 2000, a
considéré que le lieu du fait dommageable s'entend de tous lieux
oü les informations litigieuses sont mises a la disposition des
internautes français: le fait dommageable se produit en tous lieux oh
les informations litigieuses ont été mises a la disposition des
utilisateurs éventuels du site 2
·
Ce point de vue a été retenu par la Cour de
cassation qui, dans un arrêt du 9 décembre 2002 «
l'arrêt Roederer , dans lequel la haute juridiction a rappelé
les règles de droit international privé pour admettre la
compétence du tribunal français en vue de la réparation de
dommages causés par une contrefaçon de marque sur un site
Internet espagnol mais accessible en France. En l'espèce, la
société Champagne Louis Roederer s'estimant victime de
contrefaçon du fait des agissements de la société
espagnole Castellblanch qui présentait sur son site Internet
situé en Espagne la promotion de vins mousseux sous la marque
<<Cristal >>. La société défenderesse a
invoqué la convention de Bruxelles du 28 septembre 1968 qui exige qu'un
dommage se soit effectivement produit sur le lieu du for et non qu'il soit
théoriquement envisageable. La Cour de cassation a rejeté cet
argument en s'appuyant sur le fait que le site de la société
espagnole est accessible aux internautes français en considérant
que la cour d'appel qui a constaté que ce site, f(lt-il pass if,
était accessible sur le territoire francais, de sorte que le
préjudice allégué du seul fait de cette diffusion
n'était ni virtuel ni éventuel, a
légalementjustifié sa décision ))3
·
1 Tribunal de grande instance de Nanterre Ordonnance de
référé du 13 octobre 1997, Société SG2 /
Brokat Informations Systems GmbH ; disponible sur
www.legalis.net
(consulté le 28 avril 2007).
2 Cour d'appel de Paris 14ème ch., A, arrêt du 1er
mars 2000, l'affaire <<Miam-Miam >>, Allaban Web Systems Sarl /
Aragorn Sarl, "Les Aventuriers du Gout" Sarl, Bénédict B. ;
disponible sur
www.legalis.net
(consulté le 28 avril 2007).
3 Cour de Cassation, 1ère chambre civile, Arrêt du 9
décembre 2003, Société Castellblanch /
Société Champagne Louis Roederer; disponible sur
www.legalis.net
(consulté le 28 avril 2007).
Selon cette perspective, le simple fait d'accéder
depuis la France a un contenu diffusé de l'étranger suffit a
rendre la juridiction française compétente. Ainsi, les tribunaux
français se considèrent compétents et la loi
française est considérée applicable aux tous litiges
relatifs a l'Internet. Cette solution maximaliste va diriger que le droit
français serait un synonyme pour le droit de l'Internet. Au surplus, le
fait de considérer que le tribunal compétent soit celui oü
l'accès au site s'est réalisé, va conduire a une solution
irréaliste, anarchique et peut aboutir a des graves
insécurités juridiques dans la mesure oü il pourrait rendre
compétent pour le même litige, les tribunaux de tous les pays;
puisque la diffusion des informations sur Internet a un caractère
mondial et accessible partout dans le monde. Face a ces critiques, ce point de
vue a été abandonné par les tribunaux qui commencent a
repenser leur compétence.
b) Le critère du public visé et l'indice
linguistique
Devant son inutilité, certains juges commencent a
refuser d'adopter le critère de l'accessibilité du site Internet
depuis le territoire pour se déclarer compétent. Par exemple, le
TGI de Paris a débouté la société Nestlé qui
a rapproché la société Mars, située aux Etats-Unis,
pour le fait d'utiliser sur son site Internet la dénomination
<<Crunch>> dont la société Nestlé est
titulaire. Le tribunal a considéré que le fait que le site de la
société défenderesse est accessible en France ne suffit
pas a prouver l'exploitation de la marque Crunch sur le territoire
français: <<l'accessibilité d'un site ouvert dans un pays
tiers par une société de nationalité
étrangère ne suffit pas a justifier une mesure d'interdiction
alors qu'aucun acte d'exploitation de quelque nature que ce soit de la marque
litigieuse n'est accompli par cette société sur le territoire
francais ))15
Cette position2 a été
approuvée par la Cour de cassation dans l'arrêt Hugo
Bossy du ii janvier 2005 dans lequel la Cour a fait un virage, en
admettant qu'un
1 TGI de Paris, 28 mars 2003, SA Produits Nestlé, SA
Nestlé France et SA Nestlé Grand Froid c/ Société
Mars Inc, disponible sur
http://www.forumInternet.org/documents/jurisprudence/lire.phtml?id=6i8
(consulté le 28 avril 2007).
2 La juridiction allemande a adopté également le
même point de vue dans l'affaire Budweiser. En l'espèce, la
société Budweiser, titulaire de la marque allemande Budweiser a
assigné une société américaine exploitant le site
<<
budweiser.com>> au motif que la
publicité pour la bière diffusée sur ce site accessible en
Allemagne, portait atteinte a ses droits sur sa marque allemande. Le
Landgericht de Cologne a débouté la société
allemande et a jugé que la
demandeur doit démontrer que le site vise un public
français s'il veut obtenir gain de cause dans son action en
contrefaçon devant la juridiction française: <<qu'ayant
relevé qu 'il se déduit des précisions apportées
sur le site lui-même que les produits en cause ne sont pas disponibles en
France, la cour d'appel en a exactement conclu que ce site ne saurait
être considéré comme visant le public de France, et que
l'usage des marques "Boss" dans ces conditions ne constitue pas une infraction
(...) que le moyen n 'estpas fondé ))1
·
De ce fait, les magistrats ont été
invités a chercher si le site web en cause vise ou non le public
français. A cet égard, certains juges ont recouru a la langue de
la rédaction du site Internet afin de savoir s'il vise ou non le public
français. A titre d'exemple, par un jugement du 11 février 2003,
le Tribunal de grande instance de Paris a condamné la
société allemande NFO Infratest Gmbh éditrice d'un site
Internet contrefaisant la marque de la société française
Intermind. Le tribunal s'est déclaré compétent en tant que
le tribunal du lieu du fait dommageable conformément a la convention de
Bruxelles du 27 septembre 1968 qui régit la compétence des
juridictions des Etats membres de la communauté européenne. Il
est pertinent de relever que, pour définir le lieu du fait dommageable,
le tribunal retient que le site Internet édité par la
société allemande est accessible en France et destiné a la
clientèle française en raison de l'utilisation de la langue
française sur le site: que l'emploi de la languefrancaise prouve que ce
site est destiné aux clients situés notamment sur le
territoirefrancais 2
·
Dans le même ordre d'idées, dans un jugement du
14 septembre 2004, le Tribunal de grande instance de Paris a jugé qu'un
signe figurant sur les pages d'un site québécois,
publicité mise en cause présentait des
caractéristiques permettant d'identifier qu'elle n'était pas
destinée a l'Allemagne et que la seule possibilité
d'accéder a cette publicité a partir du territoire allemand ne
suffisait pas a caracté riser l'atteinte aux dro its sur la marque
allemande . Landgericht de Cologne, 20 avril 2001, cité par
MarieEmmanuelle HAAS, << L'Internet n'est pas sans frontières
>>, chronique, DI, 11 juillet 2003.
1
Cass. Com., 11 janvier 2005,
Société Hugo Boss c/ Société Reemtsma
Cigarettenfabriken Gmbh; disponible sur
http://www.forumInternet.org/documents/jurisprudence/lire.phtml?id=854
(consulté le 28 avril 2007);
Juriscom.net; Cédric MANARA,
<<L'utilisation sur internet d'un signe identique a une marque
française n'est pas une contrefaçon >>, D. 2005, AJ., obs.
p. 428 ; Jérôme PASSA, Territorialité de la marque et
protection contre un signe exploité sur un site Internet étranger
>>,
juriscome.net, 14 mars 2005,
disponible sur
http://www.juriscom.net/uni/visu.php?ID=653(consulté
le 28 avril 2007).
2TGI de Paris 3ème chambre, 3ème section
Jugement du 11 février 2003, Sarl Intermind / sarl Infratest Burke,
société NFO Infratest Gmbh & Co, M. H.,
www.legalis.net ;
www.juriscom.net
proposant des services de travail temporaire, constituait la
contrefaçon d'une marque française pour le motif qu'il ne pouvait
être soutenu que le site n'était pas destiné a la
clientèle française dès lors que les pages, en langue
française - et pour cause -, étaient accessibles depuis le
territoire français a partir du moteur de recherche Google et
n'excluaient nullement le consommateur français des offres
proposées1. Dans le même esprit, par un arrêt du
17 février 2006, la CA de Paris a considéré que des sites
rédigés en langue anglaise et japonaise ne peuvent pas prouver
que ces sites visent le public français2.
Or, dans l'arrêt Hugo Boss , du 11 janvier 2005, la
chambre commerciale de la Cour de cassation a refusé de
considérer qu'un site d'une société allemande vise un
public francophone au motif que sa page d'accueil inclut le mot français
<<bienvenue >>. Donc, la référence linguistique n'est
pas un critère suffisant pour établir seul la compétence
de la juridiction française. Paradoxalement, par un arrêt du 20
mars 20073 (arrêt HSM), la Cour de cassation a condamné
une société allemande pour une concurrence déloyale a une
société française, malgré le fait qu'elle
commercialisait ses articles sur le territoire allemand a travers un site
Internet, exclusivement conçu en langue allemande.
Il mérite a cet égard, de souligner un
arrêt du 26 avril 20064 de la CA de Paris qui a
déclaré le TGI de Paris incompétent pour connaltre de
l'action en contrefaçon d'une marque reproduite par un site Internet
d'une société libanaise. Pour justifier son
1 TGI Paris, 14 septembre 2004, 3ème chambre,
3ème section, 14 septembre 2004, SA Synergie c/ Sté Adecco
Québec Inc., Sté Adecco Employment Services Limited,
Juriscom.net ; D. 2004, p. 2647, obs.
Cédric MANARA ; Com. com.électr. 2004, comm. 158.
2 CA Paris, 4ème ch., sect. B, 17 février 2006,
l'affaire <<Ceilings that strech >>, Carpoint Inc.,
Sociétés
Carpoint.com LLC, Microsoft Corp. et
Microsoft France c/ Société 3D Soft, DI Cah. jurid., jurispr. ;
Legalis.net. En première
instance : TGI Bobigny, 5ème ch. civ., 25 juin 2002 : DI Cah. jurid.,
jurispr. ; Juris-Data n° 2002-217938 ;
Legalis.net; Revue
Legalis.net 2003, n° 2, p. 130,
note M. Lhotel ; Expertises 2003, n° 272, p. 272, note V. Memin.
3
Cass. Com., 20 mars 2007,
Société Gep industries c/ Société HSM
Schuhmarketing Gmbh (allemande), l'arrêt attaqué (CA d'Angers, 9
mars 2004), n° 04-19679, disponible sur
legalis.net;
http://www.forumInternet.org/documents/jurisprudence/lire.phtml?id=1205
4 CA Paris, 4ème ch., section A, 26 avril 2006,
Monsieur Ferdinand S. et la société SA Normalu c/
Société Sarl Acet; DI Cah. jurid., jurispr. ;
Juriscom.net; Valérie
SEDAILLAN, <<Marque reproduite sur un site Internet étranger et
compétence territoriale : vers un revirement de jurisprudence ?
>>,
Juriscom.net, 11 mai 2006, consultable
sur
http://www.juriscom.net/actu/visu.php?ID=823
(consulté le 28 avril 2007).
raisonnement, la Cour a invoqué le risque de vouloir
conférer systématiquement, des lors que lesfaits ou actes
incriminés ont eu pour support technique le réseau Internet, une
compétence territoriale aux juridictions francaises . En plus, elle a
précisé que pour être territorialement compétent un
lien suffisant, substantiel ou sign ificatif, entre cesfaits ou actes et le
dommage allégué . Cette position reste actuellement
isolée.
En somme, on trouve que la jurisprudence française
privilégie la focalisation du fait commis sur Internet plutôt que
la localisation: <<au lieu de s'attacher a la situation
géographique d'une activité, il privilégie la recherche de
la volonté des opérateurs (la focalisation repose sur la
volonté des opérateurs). Lafocalisation désigne une
méthode de vérification des conditions d'application d'un texte
et non une méthode de rattachement lafocalisation est une méthode
d'interprétation ~6.
Selon cette méthode de focalisation, il s'agit alors de
réunir des indices qui montrent que le site web s'adresse a une certaine
population afin de dégager un critère déterminant qui peut
participer a la détermination de la compétence territoriale des
juridictions et a la reconnaissance de la caractérisation d'une
infraction. Néanmoins, il demeure une incertitude et d'une
hésitation jurisprudentielle en ce qui concerne l'application de cette
méthode. Cette difficulté est accompagnée par le souci de
l'efficacité de l'application du droit étatique sur
l'Internet.
§ 2. De nouveaux défis pour appliquer le droit
national
Le premier problème qui se pose en ce qui concerne la
mise en cuvre de la réglementation étatique sur l'Internet est
celui de l'effectivité du droit. C'est-à-dire de la
possibilité du droit national de réguler le réseau. Une
deuxième question se pose, qui est celle de l'application des sentences
nationales a l'étranger (l'exequatur). La question légitime que
tout le monde se pose alors est : comment chacun des pays du monde peuvent-ils
faire respecter ses valeurs et son droit local face aux activités
illicites qui persistent sur l'Internet?
1 Olivier CACHARD, La régulation internationale du
marché électronique, Paris, L.G.D.J., 2002, Bibliothèque
de droit privé, Tome 365, n° 107 et s., p. 65; Emmanuel GILLET,
<<Non retrait d'un nom de domaine désignant un site ouvert a
l'étranger >, DI. Comm., 24 janv. 2007,
http://www.domainesinfo.fr/chronique/117/non-retrait-d-un-nomde-domaine-designant-un-site-ouvert-a-l-etranger.php
a) L'affaire Gubler : l'impuissance de l'Etat
L'affaire <<Gubler>> qui remonte aux années
1995 et 1996 illustre parfaitement la puissance réduite de l'Etat sur
Internet. Le Docteur Claude Gubler, médecin de François
Mitterrand, avait écrit un ouvrage intitulé << Le grand
secret>> dans lequel il révélait en détail
l'état de santé préoccupant de l'ancien Président
de la République. Le livre a été publié par une
édition prestigieuse (éditions Plon) quelques jours après
la mort du président. Sa famille réagit immédiatement et
obtient en référé le retrait du livre deux semaines
après sa publication au motif que celui-ci portait atteint au secret
médical et a la vie privée du monsieur Mitterrand1.
Par un jugement du 23 octobre 1996, le Tribunal de grande instance de Paris
condamna in solidum le requérant et ses éditeurs a verser 100.000
F français (FRF) de dommages intérêts a Mme Mitterrand
ainsi que 80.000 F a chacun des autres demandeurs, et maintient l'interdiction
de diffusion livre2. Le 27 mai 1997, la Cour d'appel de Paris
confirma ce jugement3. La Cour de cassation rejeta ensuite le
pourvoi des éditions Plon4. De même, par un arrêt
du 29 décembre 2000, le Conseil d'Etat a affirmé la radiation du
Docteur Gubler de l'Ordre des médecins5. Jusque-là,
l'histoire est relativement classique.
1 <<Toute personne, quels que soient son rang, sa
naissance, ses fonctions, a droit au respect de sa vie privée. Cette
protection s'étend a celle des proches lorsque ceux-ci sont
fondés a invoquer le droit au respect de leur vie privée famiiale
(...) S'agissant d'un abus caractérisé de la liberté
d'expression, a l'origine d'un trouble manifestement illicite, il entre dans
les pouvoirs du juge des référés d'ordonner les mesures
pouvant le faire cesser ou en limiter la portée.Il est fait
défense de poursuivre la diffusion du livre "Le grand secret" >>.
TGI Paris, Ord. réf., 18 janv. 1996 ; Mme Mitterrand et a. c/ Gubler et
a. ; JCP G, n° 8, 21 Février 1996, II, 22589, obs. Emmanuel
DERIEUX.
2 TGI de Paris, première Chambre, 23 octobre 1996, Mme
Mitterrand et a. c/ Gubler et a. : JCP G, n° 21, 21 mais 1997, juris.,
22844, obs. Emmanuel DERIEUX.
3 CA Paris, A, 27-05-1997, n° 97/4669P, EDITIONS PLON,
S.A c/ Madame Danielle GOUZE épouse MITTERAND, section 1 : Emmanuel
DERIEUX, Légipresse, 1erjuillet 1997, n° 143, pp.
100-103.
4Cass. 1er ch. Civ., 14 décembre 1999,
Société les Editions Plon et a. c/ Mme Mitterrand et a. :
Bulletin 1999 I N° 345 p. 224 ; D. 2000, n° 17, p. 372, note Bernard
BEIGNIER: l'arrêt est consultable sur
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=103930&indice=3&table=CASS&ligneDeb=1
(consulté le 9 mai 2007).
5 Petites Affiches, 21 juin 2001 n° 123, p. 19.
Après une requête présentée par M. Gubler, Dans
2007, la CEDH a jugé que la procédure devant Conseil national de
l'Ordre des médecins le Conseil l'Ordre des médecins ne constitue
pas une violation de l'article 6, § 1 de la Convention (procès
équitable) ; CEDH, 27 juillet 2oo6, Gubler c/ France, no
69742/01; Gaz. Pal., 12 aoüt 2006, n°224, p. 10; disponible
sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
view.asp?item=10&portal=hbkm&action=html&highlight=plon&sessionid=100341
05&skin=hudoc-fr (consulté le 9 mai 2007).
Mais, au nom de la liberté d'expression, un
propriétaire d'un café a Besançon avait pris l'initiative
de scanner les pages et de les diffuser sur l'Internet1. Le
matériel du commerçant fut rapidement saisi. Le contenu avait
cependant déjà fait le tour du monde et a été
reproduit sur de nombreux serveurs. Aujourd'hui encore, c'est-à-dire
sept ans plus tard, on retrouve facilement cet ouvrage a l'aide d'un moteur de
recherche : ici sur un site luxembourgeois, là sur un site basque, ou
encore en version anglaise sur un site américain. Rappelons a cet
égard, que la CEDH a jugé que le maintien de l'interdiction de
publication de cet ouvrage représente une violation de l'article 10
(liberté d'expression) de la Convention: le maintien de l'interdiction
de la diffusion du Grand Secret, même motivé de facon pertinente
et suffisante, ne correspondait plus a un ~ hesoin social impérieux et s
'avérait donc disproportionné aux huts poursuivis ~+. La CEDH
estime qu'il faut nécessairement prendre en compte le passage du temps
pour apprécier la compatibilité avec la liberté
d'expression d'une mesure aussi grave que l'interdiction générale
et absolue d'un livre.
En tout état de cause, l'affaire Gubler a permis a
l'Internet d'entrer pour la première fois dans la conscience collective,
mais sous l'impression d'un vide juridique, qui traduisait en
réalité la perception de l'ineffectivité du droit et de
l'affaiblissement de la puissance d'Etat. En refusant cet argument, la
juridiction nationale a montré sa volonté a faire une application
du droit français pour condamner des sociétés ou des
individus situés a l'étranger, et d'affirmer l'efficacité
du droit étatique dans le monde virtuel l'Etat a de réguler
l'Internet. Cependant, on peut constater que cette solution n'a pas abouti a un
réel succès.
b) L'affaire Yahoo ; l'absence des valeurs communes
Chacun des pays européens ou non européens a dii
adopter une démarche positive afin de lutter contre les contenus
illicites circulant sur Internet. Cette démarche
1 Thomas SCHULTZ, op. cit., p. 88 et s.; Mme FERAL-SCHUHL,
<<La contrefaçon en ligne >>, pp.144-148, in Commerce
électronique et propriétés intellectuelles,Paris,
Litec,2001; acte de colloque organisé par l'Institut de recherche en
propriété intellectuelle Henri-Desbois (IRPI), le 7 novembre
2000.
2 CEDH, 18 mai 2004, édition Plon c/ France,
requête n° 58148/00, § 51 et s.: disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=plon&sessionid=100K410
5&skin=hudoc-fr (consulté le 9 mai 2007).
étatique était principalement individuelle
contre le << fléau Internet >>1. Deux exemples
s'imposent, ceux de l'affaire Compuserve en Allemagne et de l'affaire Yahoo en
France.
Tout d'abord, l'affaire Compuserve en Allemagne, la
première grande affaire européenne ayant eu a résoudre un
problème conséquent, celui des newsgroups du réseau Usenet
(en quelque sorte l'ancêtre du Peer 2 Peer). Comme le réseau
actuel d'Internet, le réseau Usenet n'avait aucun serveur central. Tous
les groupes de discussion proliférant sur Usenet sont automatiquement
<< relayés >> sur l'ensemble des serveurs des fournisseurs
d'accès. Or, parmi ces newsgroups accessibles en Allemagne, un certain
nombre était consacré a la pédopornographie ou a la
zoophilie. Constatant la présence d'images pédophiles, un
abonné allemand avait déposé une plainte contre son
fournisseur d'accès ; une filiale allemande de la société
américaine Compuserve.
Dans un premier temps, la jurisprudence allemande a
ordonné a la société Compuserve US de rendre ces contenus
inaccessibles sur le territoire allemand. Par ailleurs, Monsieur Felix SOMMER,
l'ancien directeur de Compuserve Allemagne, a été condamné
le 28 mai 1998 a deux ans de prison avec sursis et a 100 000 DM d'amende pour
avoir permis l'accès a ces newsgroups. Par un arrêt du 17 novembre
1997, la Cour d'Appel de Munich a acquitté l'ancien directeur de
Compuserve, Felix SOMMER, des charges de propagation de pornographie infantile
sur Internet2. En France, l'affaire Yahoo s'inscrit dans le
même ordre d'idées.
On sait que les sites de vente aux enchères en ligne
ont connu un essor économique incontestable3 et un
encadrement législatif récent1. Par contre, on sait
qu'il
1 Lionel THOUMYRE, op. cit., p. L.
2 Résumé de la décision par Francis
Segond, sur
http://www.canevet.com/jurisp/compu2.htm;
dans les actualités de
Juriscom.net:
http://www.juriscom.net/archives/informations/juin98.htm#etranger
3 Le fonctionnement de ce genre des sites est simple : les
internautes, a travers le monde, intéressés par un produit ou
bien exposé en vente sur le site ont la potentialité de proposer
une offre. A l'échéance du terme (quelques jours en
général), l'internaute qui aura proposé l'offre la plus
haute emportera le produit. Thibault VERBIEST, <<Les ventes aux
enchères électroniques : quel cadre juridique?>> (chronique
"droit & multimédia" de L'Echo)",
http://www.droittechnologie.org,
1 octobre 2000; Garance Mathias, <<Adjugé, Voté !
Analyse de la réglementation des ventes aux enchères sur
l'Internet >>,
http://www.droit-technologie.org
, 4 Aoüt 2000, p.1. Dans ce contexte, le TGI de Mulhouse a
considéré que l'achat pour revendre a titre habituel de meubles
par le biais d'un site de vente aux enchères électroniques
constitue pour un particulier une activité commerciale : TGI Mulhouse,
corr., 12 janv. 2006, Min. public c/ Marc W:
www.legalis.net: Luc
GRYNBAUM, <<Vente habituelle sur un site d'enchères Internet par
un particulier: qualification de professionnel >>,
comm. com. élec., n° 7,
Juillet 2006, comm. 112.
y également des commerces moins honorables sur les
sites aux enchères, comme l'atteste le scandale de la vente d'un rein
humain en décembre 1999, suspendu par EBay, le leader des ventes sur
Internet2, après que le rein ait atteint la somme de 5,7
millions dollars3. La question qui se pose a cet égard, est
de connaltre la responsabilité des sites de vente aux enchères au
regard des contenus illicites figurant sur leurs sites. Cette question
soulève le problème délicat des valeurs humaines sur le
monde universal de l'Internet.
La référence principale dans ce contexte, est la
célèbre affaire Yahoo oü la société
américaine a organisé une vente aux enchères d'objets, de
trophées nazis uniformes, de drapeaux frappés de la croix
gammée, et de films sur le thème des tortures nazies. La
société Yahoo a été assignée conjointement
en référé par la Ligue contre le racisme et
l'antisémitisme (Licra) et l'Union des étudiants juifs de France
(UEJF), en demandant la
1 Par exemple, la loi n°2000-642 du 10 jullet 2000
relative aux ventes volontaires de meubles aux enchères publiques,
publiée au J.O le 11 juillet 2000 : JCP G 2000, III, 20329: D. 2001,
n°2, chro., pp. 141-148 : Judith ROCHFELD, obs. RTD. civ., oct. 2000, pp.
913- 918. De même, la loi sur les enchères électroniques
<< inversées >> encadrées par la loi du
2 aoüt 2005 en faveur des petites et moyennes
entreprises:
Comm. Com. élec., no 5,
mai 2006, étude 13. Sur l'introduction des procédure des
enchères électroniques et la dématérialisation des
procédures de passation des marchés publics: V° a cet
égard, les articles 54 et 56 du nouveau code du marché public
(CMP), reformée par le décret n° 2006-975 du 1er aoüt
2006, transposant les directives communautaires "marchés publics"
n° 2004/17 et n° 2004/18 du 31 mars 2004
2 EBay est un bel exemple de l'intelligence collective oü
ce sont les utilisateurs qui travaillent et créent la valeur et la
richesse du service. Aujourd'hui, la communauté compte plus de cent
millions de membres inscrits aux quatre coins de la planète (200
millions inscrits dans le monde dont 4,5 millions en France oü 15 800
vivant officiellement des revenus eBay et 3,5 millions d'objets sont en vente
en permanence). Ce sont sur les sites EBay que les internautes du monde entier
passent le plus de temps, et en font ainsi la destination la plus populaire de
l'Internet. La société a réalisé un chiffre
d'affaires en janvier 2007 qui dépasse 1.7 billion de dollars (revenue
net), avec une augmentation annuelle de 24 % (le volume de transactions
annuelles de 12405 millions $). V°, Marie-Thérèse
CHEDEVILLE, J'eBay, J'eBay pas, éd. Léo Scheer, 2006, p. 13 et
s.
3 Etienne WERY, <<Trafic d'organes sur le Net >>,
http://www.droit-technologie.org
,, 23 Décembre 1999. L'auteur signale d'autres exemples de
transactions aux enchères portant sur le corps humain. Par exemple, un
couple avait mis en vente un bébé, a destination des parents
stériles qui étaient prêts a payer le prix fort pour
achever leur désir de parentalité. Dans le même sens, un
photographe de mode américain, Ron Harris, a lancé en octobre
1999, a destination des femmes stériles, un site oü il met en vente
les ovules de top-modèles. Conformément a ce qu'il
été déduit par l'auteur, ce genre de transactions sont
parfaitement ilégales selon le droit français, qui prévoit
que le corps humain est "hors commerce". Selon l'article 16-1 du code civil:
Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le
corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire
l'objet d'un droit patrimonial . Ce genre de trafics pourrait aussi tomber sous
le coup de la loi pénale en tant que trafic d'organes.
suppression des liens hypertextes permettant d'accéder
a cette vente aux enchères sur le territoire français.
Principalement, ils demandent a la société Yahoo de mettre en
conformité son site américain avec la loi française qui
interdit ce genre de ventes1. De sa part, la société
Yahoo exposait une légitimité de poursuivre ces activités
au regard la loi américaine qui privilège une telle pratique dans
le cadre de la liberté d'expression.
Au-delà de la complexité technique qui rend
impossible d'identifier les internautes français accédant au site
de ventes aux enchères et de les interdire d'accès a ce site, le
juge GOMEZ, vice-président du TGI de Paris, a ordonné par un
ordonnance du 22 mai 2000, a la société américaine Yahoo
de prendre des mesures de nature a dissuader et a rendre impossible toute
consultation du service de ventes aux enchères d'objets nazis et tout
autre site ou service qui constitue une apologie du nazisme et une contestation
des crimes nazis ' 2 . Sur la base d'un rapport3 rendu le 6 novembre
2000, le juge Gomez a estimé que la société Yahoo avait la
possibilité technique de mettre en place un filtrage des internautes
suivant leur localisation. Rejetant l'exception
1 Le cadre juridique français pour lutter contre les
diverses formes de racisme et d'antisémitisme, est fondé sur les
articles 23, 24 et 24 bis de la loi sur la liberté de la presse du 29
juillet 1881 et la loi dite GAYSSOT, n°90-615 du 13 juillet 1990 tendant a
réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe; en
ligne sur le portait Legifrance,
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/RechercheSimpleLegi.
Pénalement ce genre de vente constitue une infraction au sens de
l'article R.645-1 du Code pénal qui interdit l'apologie du nazisme;
L'art R. 645-1: Estpuni de l'amende prévue pour les contraventions de la
5e classe lefait, sauf pour les besoins d'un film, d'un spectacle ou d'une
exposition comportant une évocation historique, de porter ou d'exhiber
en public un uniforme, un insigne ou un emblème rappelant les uniformes,
les insignes ou les emblèmes qui ont été portés ou
exhibés soit par les membres d'une organisation déclarée
criminelle en application de l'article 9 du statut du tribunal militaire
international annexé a l'accord de Londres du 8 aoüt 1945, soit par
une personne reconnue coupable par unejuridictionfrancaise ou internationale
d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité prévus par les
articles 211-1 a 212-3 ou mentionnés par la loin0 64-1326 du
26 décembre 1964.... ~
2 TGI de Paris, Ord. de référé, 22 mai
2000, Association "Union des Etudiants Juifs de France", la "Ligue contre le
Racisme et l'Antisémitisme" / Yahoo ! Inc. et Yahoo France, disponible
sur
www.legalis.net :
www.juriscon.net : Etienne
WERY, <<Les sites de ventes aux enchères a nouveau sur la selette
>>,
http://www.droit-technologie.org,
12 Avril 2000.
3 Par une ordonnance du 11 aoüt 20o0, le juge GOMEZ a
nommé trois experts: un français et deux étrangers. Ces
derniers auront pour charge de décrire les moyens techniques permettant
de déterminer l'origine géographique des internautes et d'exposer
les solutions de filtrage pouvant être mis en uvre par la
société Yahoo pour bloquer l'accès au site
d'enchères nazis aux internautes français. TGI de Paris, Ord. de
référé, 11 aoüt 2000, Association "Union des
Etudiants Juifs de France", la "Ligue contre le Racisme et
l'Antisémitisme" / Yahoo ! Inc. et Yahoo France, disponible sur
www.legalis.net :
www.juriscon.net.
d'incompétence, il a ordonné le 20 novembre
20001 a la firme américaine d'exécuter son injonction
du 22 mai dernier dans les trois mois a venir, sous astreinte de 100.000 F. par
jour de retard.
De l'autre côté de la barre, dans son jugement
déclaratoire du 7 novembre 2001, la Cour californienne a estimé
que l'exécution de l'ordonnance de référé
française par une cour américaine était incompatible avec
le premier amendement de la constitution américaine (Bill of rights
1791): Bien que la France ait le droit souverain de contrôler le type
d'expression autorisée sur son territoire, cette cour ne pourrait
appliquer une ordonnance étrangère qui viole la Constitution des
Etats-Unis en empêchant la pratique d'une expression
protégée a l'intérieur de nosfrontières
2.
On peut en conclure que, par la force des choses, France et
Allemagne se sont retrouvés réunis contre l'ubiquité de
l'internent et la réceptivité des contenus illicites en
provenance d'autres territoires, notamment américains. Cette
perméabilité est due non seulement a l'architecture de l'Internet
mais aussi au premier amendement de la constitution américaine
garantissant largement la liberté de parole.
Les deux affaires précitées illustrent la
différence des conceptions française et allemande de la
liberté d'expression avec celle des Etats-Unis. Une telle
différence montre bien que sur Internet, on reste dans la phase d'une
société internationale oü il y a une
hétérogénéité entre les membres de la
société dans laquelle chaque Etat cherche son
intérêt et la nécessité d'échange, et non
plus dans la phase de la communauté qui signifie une certaine
adhésion autour de valeurs communes ou de relations de voisinage ou
d'amitié pour développer des relations confiantes et
intimes3. Il faut donc chercher une nouvelle forme de
régulation adéquate a la complexité et au paradigme de
Internet. Cela nécessite également de repenser la manière
de produire le droit par des normes privées.
1 TGI de Paris, Ord. de référé, 20
novembre 2000, Association "Union des Etudiants Juifs de France", la "Ligue
contre le Racisme et l'Antisémitisme" / Yahoo ! Inc. et Yahoo France,
disponible sur
www.legalis.net :
www.juriscon.net.
2 United States District Court, for the Northern District of
California, San Jose Division, 7 novembre 2001, Yahoo! Inc. v. La Ligue contre
le racisme et l'antisémitisme:
comm. com. électr. 2002, comm.
n°9, disponible en ligne sur
http://www.forumInternet.org/telechargement/documents/dc-calif20011107.pdf:
http://www.juriscom.net/en/txt/jurisus/ic/dccalifornia20011107.htm
3 Patrick DAILLIER et Alain PELLET, op. cit., p. 38.
Section 2 : L'émergence d'autres formes de
régulation de l'Internet
La régulation ne doit pas être confondue avec la
réglementation. En fait, la régulation vise tous les moyens ou
les formes permettant d'organiser et de recadrer un système. La
réglementation est donc une forme de régulation. Il s'agit
principalement de la réglementation étatique qui impose des
règles générales et obligatoires : << c'est la
technique par laquelle une autorité ayant compétence et
légitimité impose des valeurs par le biais de normes qu'elle
édicte ))6. Elle repose sur le pouvoir législatif
d'une autorité centrale. C'est une expression de la souveraineté
de l'Etat sur un territoire déterminé. On a vu que cette forme de
régulation se trouve limitée face a la logique de l'Internet qui
réside sur une nature internationale par nature; L'ubiquité de
l'Internet moque du champ d'application territorial strictement limité
des normes édictées unilatéralement par un Etat ou un
groupe d'Etats ))+. On remarque deux autres formes qui émergent
actuellement sur la piste de la régulation de l'Internet;
l'autorégulation (A) et la corégulation (B).
A. L'insuffisance de l'autorégulation
L'autorégulation (qui signifie en anglais
auto-regulation) se manifeste a la fois comme une autodiscipline et un cadre
contractuel. Elle peut être définie comme une technique juridique
selon laquelle des règles de droit ou de comportement sont
créées par des personnes auxquelles ces règles sont
destinées a s'appliquer, soit que ces personnes les élaborent
elles-mêmes soit qu'elles soient représentées a cet effet
))3 . En d'autres mots, l'autorégulation s'entend <<du
mode de production de droit fondé sur l'adoption par les acteurs d'un
système social de normes juridiques qui s'appliquent a ces mêmes
acteurs ))4.
1 Thibault VERBIEST et Etienne WERY, Le droit de l'Internet et de
la société de l'information: droit européen, belge
etfrancais, Bruxelles, Larcier, 2001, coll. Création information
communication n°8, p. 521.
2Thibault VERBIEST et Etienne WERY, ibid., loc.
cit.
3 Priscilla DE LOCHT et Christophe LAZARO, <<La mise en
uvre de la directive>> in Le commerce électronique européen
sur les rails? Analyse et propositions de mise en uvre de la directive sur le
commerce électronique, Etienne MONTERO (dir.) cahiers du centre de
recherche informatique et droit CRID n° 19, Bruxelles, Bruylant, 2001, p.
297.
4 Thomas SCHULTZ, op. cit., p. 103.
L'autorégulation impose de la même façon
des règles non obligatoires sur une base volontaire. Cette nature non
contraignante la distingue de l'autoréglementation qui s'agit aussi
d'imposer unilatéralement des règles, mais qui ont un
caractère obligatoire. Ce phénomène de
l'autorégulation n'est ni original ni nouveau, il existe toujours off
line dans plusieurs activités professionnelles, aussi bien au niveau
national qu'international, notamment dans le secteur financier, boursier,
bancaire, culturel ou même sportif. L'autorégulation peut prendre
la forme unilatérale lorsqu'une personne décide
<<unilatéralement une ligne de conduite et s'engage a s'y tenir
>>. Par exemple, lorsque un cybermarchand décide volontairement de
ne débiter les cartes de crédit de ses clients qu'après un
certain nombre de jours après la livraison des produits
commandés, ou lorsqu'un fournisseur d'accès d'Internet
décide unilatéralement de n'utiliser les données
personnelles de ses abonnés que dans la stricte mesure.
Or, l'autorégulation est connue souvent sur le net sous
une forme collective, lorsqu'un groupe d'acteurs dans un secteur
déterminant s'engagent a respecter un certain nombre de règles;
comme, un code d'éthique ou encore une charte1. Mais, la
forme la plus utilisée est les codes de conduites. Il s'agit d'une forme
de création de règles selon un processus particulier : elles sont
élaborées par les destinataires des règles ou par leurs
représentants. Ce sont de règles proposées et non
imposées. Ils peuvent être définis comme d'instruments de
régulations élaborés volontairement par ceux qui prennent
part a une activité, ayant pour objectif d'organiser, de manière
souple et
1 La Charte française de l'Internet, Règles et
usages des Acteurs de l'Internet en France, mars 1997. L'objectif était
d'écrire un texte a portée générale pouvant
s'appliquer a la communauté des internautes dans son ensemble. La Charte
de l'Internet s'adresse aux acteurs de l'Internet français. Elle se
réfère notamment aux principes fondamentaux suivants : obligation
de transparence, informations des utilisateurs sur les contenus sensibles,
respect de la dignité humaine, protection des droits de
propriété intellectuelle, protection des consommateurs. Cette
charte n&a cependant pas suscité de consensus
auprès des acteurs.
http://www.forumInternet.org/documents/chartes
codes labels/lire.phtml?id=88: la Charte d'engagements pour le
développement de l&offre légale de musique en
ligne, le respect de la propriété intellectuelle et la lutte
contre la piraterie numérique 28/07/2004 ; Charte des prestataires de
services d'hébergement en ligne et d'accès a Internet en
matière de lutte contre certains contenus spécifiques 14/06/2004;
Charte des utilisateurs d&un forum de discussion 8/07/ 2003
http://www.forumInternet.org/documents/chartes
codes labels/?PHPSESSID=c3156bf7ebd8d0f759605a3613e2af4 7 (consulté
le 15 juin 2007).
évolutive, une fonction, par voies de règles
communes, uniformes et non obligatoires ))15
Les caractéristiques principales de ces codes de
conduite réside dans le fait qu'ils peuvent être produits par un
organisme privé d'une manière souvent spontanée, et sans
aucun caractère directement obligatoire. Ces pratiques visent a formuler
des normes pour encadrer et organiser les pratiques d'une activité
concernée afin de lutter contre certaines pratiques illicites ou pour
les bonnes moeurs, ainsi que d'assurer un fonctionnement correct de cette
activité. Ils ont une forme formelle de la normativité, mais sans
aucune force. Ce sont des recommandations, des avis ou des guidelines; uls
mêlent confusément l'intention et l'action, le possible et le
souhaitable ))+.
L'émergence de ce type de régulation dans la
société de l'information3 qui apparalt comme
<<le droit vivant de l'Internet >>4, s'explique par les
avantages offerts face a l'ubiquité et a la nature transnationale de
l'Internet. D'une part, les codes de conduite servent a sensibiliser les
citoyens aux nouvelles technologiques et d'autre part, a augmenter, voire a
créer la confiance5 dans le monde du réseau. Cette
confiance est recherchée soit entre les professionnels et les
consommateurs, soit entre professionnels. De même, ils prennent en
considération l'évolution technologique rapide, issue de
l'Internet. Le but principal de ce phénomène est de garantir les
principes de sincérité,
1Priscilla DE LOCHT et Christophe LAZARO, ibid., p.
300.
2Priscilla DE LOCHT et Christophe LAZARO, ibid.,
loc.cit.
3 On la retrouve dans certains secteurs d'activités,
comme les fournisseurs d'accès et de service d'Internet
www.afafrance.com ou
www.ispa.be, les sites web
consacrés a la santé sur l'Internet qui tendent a éviter
les sites pseudoscientifiques
www.hon.ch. De même, les
sites pornographiques (l'industrie du sexe prospère sur le net; 1 % du
contenu du web et 5% des consultations des internautes p.532) adoptent une
même démarche pour lutter contre la pédophiie sur
l'Internet, comme par exemple l'association ASACP (Adult Sites Against Child
Pornography)
www.asacp.com.
4 Philippe AMBLARD, op. cit., p. 3.
5 Dans ce sens, un code de conduite est la solution
adoptée par la Commission européenne et EURid pour le nom de
domaine .EU. L&adhésion au Code de Conduite du .EU
n&est pas obligatoire pour les registrars
accrédités .EU. Ceux qui choisissent d&y
adhérer le font donc a priori pour signifier l&importance
qu&ils attachent a ces valeurs de professionnalisme et de
service-client que la Commission européenne espère voir se
généraliser dans le réseau de vente du .EU. Le grand
bénéficiaire est le client final qui va trouver avec le label du
Code de Conduite un critère de plus pour l&aider a
choisir son prestataire.
http://www.domainesinfo.fr/extension/1191/europe-le-code-debonne-conduite-du-eu-est-operationnel.php
d'égalité et de honnêteté sur les
activités exercées sur l'Internet, en assurant le role des
acteurs privés dans la régulation du réseau.
A cet égard, la politique communautaire favorise le
recours aux codes de conduite en ce qui concerne la régulation des
activités sur Internet. A titre d'exemple, l'article 16 de la directive
européenne, dite commerce électronique1, favorise le
recours aux codes de conduite en ce qui concerne la régulation de
l'Internet2. Or, il faut noter que l'article 4 de la dite
directive3, dispose que l'adhésion au code de conduite reste
volontaire et ne constitue pas une condition préalable a l'exercice de
l'activité concernée. De même, la directive souhaite que
les Etats s'appuient sur les codes de conduites, sans d'imposer a leurs
épaules une obligation de les intégrer dans leurs propres
systèmes juridiques. En d'autres termes, l'adoption des codes de
conduite reste une obligation de moyen aux Etats membres4.
1 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du
Conseil du 8 juin 2000 relative a certains aspects juridiques des services de
la société de l&information, et notamment du
commerce électronique, dans le marché intérieur. La
directive a été transposée en France par la loi 2004-575
du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique LCEN.
Texte de loi publié au Journal officiel de la République
française n° 143 du 22 juin 2004, page 1168, disponible sur
http://www.legifrance.gouv.fr/texteconsolide/PCEBX.htm
2Art. 16: ((Les Etats membres et la Commission
encoura gent:
a) l'élaboration, par les associations ou organisations
d'entreprises, professionnelles ou de consommateurs, de codes de conduite au
niveau communautaire, destinés a contribuer a la bonne application des
articles 5à 15;
b) la transmission volontaire a la Commission des projets de
codes de conduite au niveau national ou communautaire;
c) l'accessibilité par voie électronique des
codes de conduite dans les langues communautaires;
d) la communication aux Etats membres et a la Commission, par
les associations ou organisations d'entreprises, professionnelles ou de
consommateurs, de leurs évaluations de l'application de leurs codes de
conduite et de leur impact sur les pratiques, les us ou les coutumes relatifs
au commerce électronique;
e) l'établissement de codes de conduite pour ce qui a
trait a la protection des mineurs et de la dignité humaine.
2. Les Etats membres et la Commission encouragent les
associations ou les organisations représentant les consommateurs a
participer a l'élaboration et a l'application des codes de conduite
ayant des incidences sur leurs intérêts et élaborés
en conformité avec le paragraphe 1, point a). Le cas
échéant, les associations représentant les personnes
souffrant d'un handicap visuel et, de manière générale,
les personnes handicapées devraient être consultées afin de
tenir compte de leurs besoins spécifiques .
3 Art. : ((On entend par standard ouvert tout protocole de
communication, d'interconnexion ou d'échange et tout format de
données interopérable et dont les spécifications
techniques sontpubliques et sans restriction d'accès ni de mise en
oeuvre .
4 Dans le même sens, la directive 2002/22/CE du
Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service
universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et
services de communications électroniques
Or, certaines méfiances peuvent être
dirigées vers ces codes. A priori, ils ne disposent d'aucune valeur
juridique ni d'aucune légitimité juridique équivalents aux
sources formelles du droit. Sur le plan théorique, ils ne peuvent pas
contredire une norme juridique étatique d'un rang supérieur.
Cependant, il faut noter que l'art. 1134 du code civil indique que la
volonté autonome peut créer une obligation contractuelle: ~ Les
conventions légalement formées tiennent lieu de loi a ceux qui
les ont faites . Autrement dit, selon l'article précité un acte
unilatéral, par lequel quelqu'un s'oblige vis-à-vis d'un tiers,
peut se le déclarer créancier sans avoir été
invité a donner son consentement a l'acte. Donc, un code de conduite
peut avoir une valeur juridique sur la base contractuelle dans la mesure
oü il constitue un doucement contractuel annexe. C'est dans la
théorie de l'engagement par volonté unilatérale qui le
code de conduite peuvent trouver sa force obligatoire.
A vrai dire, la clé de voüte de cette forme est
l'investissement du champ contractuel ou proprement dit, l'instrumentalisation
du contrat dans les processus de régulation de l'Internet, notamment
dans l'élaboration des codes de bonne conduite: ~ standardisées,
les clauses contractuelles objectivent les rapports des parties, pour
finalement imposer les règles de conduite comme le cadre objectif des
rapports entre les grands acteurs professionnels de l'Internet et les
internautes, clients de leurs service en ligne 1.
La principale faiblesse de l'autorégulation
réside dans son caractère unilatéral et non contraignant.
L'autorégulation dépend de la volonté des acteurs
privés de mettre en cuvre les normes et de leur désir de tenir
leurs engagements. Une chose qui n'est pas touj ours évidente et
apparalt assez utopique2. Cette forme de régulation qui se
développe
(directive service universel). Article 33 §2 dispose que
ales parties intéressées peuvent mettre en place, en suivant les
orientations des autorités réglementaires nationales, des
mécanismes associant les consommateurs, les organisations d'utilisateurs
et les prestataires de services afin d'améliorer la qualité
générale des prestations, notamment en élaborant des codes
de conduite ainsi que des normes de fonctionnement et en contrôlant leur
application . Disponible sur
http:
eurlex.europa.eu smartapi cgi
sga
docIsmartapigcelexplusgprodgDocNumber&lg=fr&tEpe
doc=Directive&an doc=2002&nu doc=22 . Voir également
l'article 17 § i de la directive des données personnelles,
André LUCAS, Jean DEVEZE et Jean FRAYSSINET, Droit de l'informatique et
de l'Internet, Thémis, Droit privé, Paris, PUF, 2001, pp.
209-213.
1 Philippe AMBLARD, op. cit., p. 18.
2Thibault VERBIEST et Etienne WERY, op. cit., p.
526.
massivement sur Internet, la création et la suppression
de normes sont dans la main d'une seule personne ou groupe de personnes. Cette
subjectivité pourrait créer une possibilité d'une
incertitude, voir d'une insécurité juridique. De même,
l'autorégulation cherche a créer un droit librement consenti et
élaboré dans l'intérêt du groupe sur un consensus
des parties intéressées. Cette base consensuelle est quelque fois
impossible dans la mesure oü il n'y a pas
d'hétérogénéité parmi les acteurs. Un autre
souci demeure aussi sur efficacité de la pratique des codes de conduite
dans la mesure oü ils ne disposent pas souvent un mécanisme propre
de sanction qui garantit son applicabilité et son respect par l'ensemble
des acteurs concernés. Pour surmonter les doutes de l'efficacité
et de l'impartialité des codes de conduites, une troisième voie
est envisagée, celle de la corégulation.
B. La corégulation ; une nouvelle voie
émergente
On peut constater que la nature complexe marquée par
l'absence d'une normativité étatique centrale rend impossible le
jeu d'un acteur unique qui peut pretendre organiser l'ordre juridique sur le
réseau. Autrement dit, il n'y a pas une seule autorité qui
pourrait assurer globalement la régulation de l'Internet. Ajoutons a cet
égard, que l'absence d'une
hétérogénéité parmi les acteurs du
réseau complique également l'élaboration de codes de
conduite. Par conséquence, une éventuelle régulation de
l'Internet exige une coopération entre les pouvoirs publics et les
acteurs privés, a l'échelle nationale et aussi internationale.
Cette coopération se retrouve dans le modèle de la
corégulation qui réside sur l'idée d'une régulation
d'origine privée et corporatiste selon un partenariat entre les acteurs
privés et les autorités étatiques.
D'une manière générale, la
corégulation repose a mi~chemin1 entre la souplesse de
l'autorégulation et la rigidité de la réglementation
étatique. Elle essaie de créer un espace d'échanges entre
tous les acteurs de l'Internet, d'origine privée ou publique; une
coopération entre les usages, les entreprises et les pouvoirs publics.
En d'autres termes, la corégulation vise a créer un cadre
spécifique pour articuler les normes étatiques et les dynamiques
de l'autorégulation. Cette approche mixte qui s'appuie sur les Etats et
les acteurs privés est seulement apte a apprendre la complexité
soulevée par l'Internet et
iPriscilla DE LOCHT et Christophe LAZARO, op. cit., p.
322.
fournir un cadre adéquat pour son évolution a
travers d'un <<droit négocié >> 1 qui se produit par
la négociation entre tous les acteurs. L'autorégulation ou la
corégulation reposent sur la création de normes que l'on peut
qualifier comme du <<soft law>> caractérisé par son
origine privé et une certaine adaptation avec l'environnement qu'il
régit. Ce soft law s'appuie sur un consensus entre les acteurs de
l'Internet afin de créer des normes qui pouvant remplir les lacunes du
droit étatique.
Cette méthode de régulation donne la
possibilité de créer une stratégie globale pour la
régulation de l'Internet. D'une part, elle permet de trouver le point
d'équilibre entre le respect des normes étatiques et
l'efficacité des normes privées. D'autre part, la
corégulation surmonte l'obstacle de la multiplicité des codes de
conduite existant déjà dans l'environnement numérique en
créant un standard de normes. Autrement dit, la corégulation a
une vocation codificatrice2 qui essai de créer une certaine
uniformisation dans le monde virtuel. Comme l'autorégulation, la
corégulation cherche la standardisation des comportements, mais d'une
manière plus stable et uniforme.
Or, il faut noter que cette instance ne doit pas agir selon
une logique de réglementation avec des pouvoirs publics, mais dans une
logique de concentration, en participant a l'élaboration des
règles avec les différents acteurs concernés, y compris
les internautes et les entreprises. La corégulation construit une
<< approche coopérative de la régulation>> entre la
société civile et les pouvoirs publics, mais moins qu'un
interventionnisme étatique radicale. De même, elle ne laisse pas
complètement aux acteurs privés la liberté de choix des
normes qu'ils doivent respecter dans leurs activités concernées ;
c'est une << autorégulation réglementée
>>3
La corégulation valorise juridiquement
l'autorégulation et en même temps, elle donne a l'Etat
l'opportunité d'observer les usages et coutumes des acteurs
privés et de participer effectivement dans l'élaboration des
normes de l'Internet. A cet égard, le Forum des droits sur l'Internet
(FDI) qui a été adopté récemment en France est un
exemple orthodoxe de la logique de la corégulation. Cette instance est
plus réaliste que la réglementation étatique. Le forum met
en avant la contribution civique des acteurs privés a la
normativité du monde en réseau. Il favorise l'adaptation de
l'ensemble du
1 Philippe AMBLARD, op. cit., p. 15.
2Priscilla DE LOCHT et Christophe LAZARO, op. cit.,
p. 324.
3 Thomas SCHULTZ, op. cit., p. 139.
droit et des pratiques dans le réseau1. Dans
son rapport <<Du droit et des libertés sur l'Internet>>
présenté au Premier ministre, Lionel Jospin, Christian PAUL
confirme l'intérêt de la création d'un tel organisme face a
l'échec de la réglementation étatique 2.
Le FDI n'est pas une réunion par hasard, un rendez-vous
de circonstances. L'une des principales originalités du FDI est son
statut, puisqu'il s'agit non pas d'une autorité administrative
indépendante3 mais d'une association sans but lucratif de
type loi 1901. Autrement dit, c'est un organisme privé, distinct de
l'autorité publique4. En plus d'être un espace de
discussion, c'est aussi un lieu de construction, d'engagement et de
responsabilité. Le forum n'est pas un moyen de cautionner l'action
publique ni une sorte de porte-parole da la société civile.
A ce titre, la décision de la régulation de
l'Internet ne peut plus être imposée par un nombre limité
d'acteurs, publiques ou non. Toutefois, il faut remarquer que le FDI n'est pas
une délégation de compétence de l'Etat a cette instance,
le forum ne dispose d'aucune prérogative policière ni judiciaire.
Il s'agit d'une perspective mixte oü il y a une reconnaissance possible
d'une égalité entre l'Etat et les acteurs privés sur le
plan de la
1 Isabelle FALQUE-PIERROTIN, << La gouvernance du monde
en réseau>> in Gouvernance de la société de
l'information: loi, autoréglementation, éthique, op. cit., p. 111
et s.
2Dans son rapport, M. Christian PAUL indique que
.les Etats et les institutions démocratiques ne sontpas les mieux a
même de réguler les activités sur l'Internet, parce qu'ils
sont trop lents, trop peu aufait des réalités techniques et
commerciales, et cantonnés dans leurs frontières. Il reviendrait
alors aux acteurs économiques - en pratique, les entreprises,
conscientes du fait que leur rentabilité a terme repose sur la confiance
des consommateurs - de proposer, voire d'imposer des codes éthiques et
des pratiques d'autorégulation, que la loi ou la jurisprudence peuvent
ensuite venir consacrer . Rapport au Premier Ministre, Du droit et des
libertés sur l'Internet: La corégulation, contribution
française pour une régulation mondiale, Christian PAUL,
député de la Nièvre, Mai 2000, p. 14, disponible sur le
site du Centre national de recherche scientifique CNRS
http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=14176242
3 Il n'y a pas en France une autorité existante qui a
une compétence générale pour régler l'ensemble des
activités de la société de l'information. Par contre, ily
a une pléthore d'autorités dans la matière; Conseil
supérieur de l&audiovisuel (CSA)
http://www.csa.fr/index.php,
Commission Nationale de l&Informatique et des
Libertés (CNIL), créée par la loi n° 78-17 du 6
janvier 1978 relative a l&informatique, aux fichiers et aux
libertés,
http://www.cnil.fr/.
4 Pour garantir son indépendance vis-à-vis de
tout groupement d&intérêts particuliers, Le Forum
des droits sur l&Internet est financé majoritairement par
une subvention de l&Etat a hauteur de 7,35 millions de francs
pour l&année 2001 et 1,14 million d&euros
en 2002 et 2003. Le versement de cette subvention intervient dans le cadre
d&une convention triennale entre l&Etat et
l&association. Le Forum est investi de trois grandes missions :
la concertation entre les acteurs, l&information et la
sensibilisation du public et la coopération internationale. Par
ailleurs, l&association reçoit des cotisations de ses
membres;
http://www.forumInternet.org/quisommesnous/organisation.phtml#
production du droit, qui prend la forme d'une
démocratie participative en facilitant le dialogue et l'échange
entre tous les acteurs de l'Internet, y compris l'Etat: Lieu permanent de
dialogue et de réflexion visant au développement harmonieux des
règles et usages de ce nouvel espace ))6.
De ce fait, il semble que l'Etat ne doit pas tout
réglementer2, mais mettre sur pied des lieux de dialogue et
de veille oü tous les acteurs intéressés pourront confronter
leurs points de vue, analyser les solutions techniques et proposer des actions
y compris, si nécessaire législatives3. Il ne s'agit
pas de chasser l'Etat du cyberespace, mais comme le précise Pierre
Trudel de faire une application pluraliste du droit commun, la
réglementation étatique, les techniques contractuelles,
l'autoréglementation, la soft law, et la normalisation technique
))4. Donc, le droit étatique n'est pas condamné a
rester au balcon5, mais il joue un rôle fondamental dans la
mesure oü il représente <<les consensus>> de base a
partir desquels les autres instruments régulateurs pourront se
définir. Parmi ces instruments on retrouve les modes
électroniques de règlement des différends qui participent
actuellement a la normativité du monde en réseau.
Ces moyens de règlement de différends apportent
une certaine légitimité a l'action des acteurs privés du
réseau Internet, et assurent aussi une certaine normativité dans
le monde virtuel. C'est ce qu'on abordera par la suite.
1 Pascal Fortin, <<Forum des Droits sur l'Internet : la
corégulation en question>>, disponible sur
http://www.homo-numericus.net/article176.html#
2 A cet égard, on peut citer par exemple l'ART
(l'Autorité de régulation des communications).
L'originalité de l'ART réside dans le fait qu'elle est la
première autorité sectorielle de régulation dans le
domaine des industries de réseaux qui, dispose a la fois d'un pouvoir
réglementaire, de sanction et d'arbitrage. Cette disposition
représente une innovation juridique. L'ART a une mission de
régulation de caractère technique et d'organisation du
marché des télécommunications. Elle est la première
autorité administrative indépendante, qui se voit reconnaItre le
pouvoir quasi-juridictionnel de régler des différends,
compétence qu'elle exerce sous le contrôle du juge judiciaire,
dans le respect des garanties procédurales inspirées des
règles du procès équitable. Un véritable tournant
dans l'histoire des télécommunications en France. Richard DELMAS,
<<Internet, une cité imparfaite >>, in Gouvernance de la
société de l'information: loi, autoréglementation,
éthique, op. cit, pp. 117-125.
3 Elisabeth ROLIN, << Les règlement de
différends devant l'Autorité de régulation des
télécommunication >>, Petites affiches, 23 janvier 2003,
n°17, p. 26 et s.; Jean-Michel HUBERT, <<Le cas de l'autorité
de régulation des télécommunications >>. RFDP,
n°109 , pp. 99-104.
4 Pierre Trudel et al., Droit du cyberespace, Montréal,
Thémis, 1997.
5 Michel COIPEL, <<Quelques réflexions sur le droit
et ses rapports avec d'autres régulations de la vie sociale >>, in
la Gouvernance de la société de l'information: loi,
autoréglementation, éthique pp. 43-76.
Chapitre 2: Les modes alternatifs de règlement
des différends au service
de la corégulation de l'Internet
L'Internet fournit une potentialité considérable
de rapidité, de discrétion, d'interactivité des
échanges qui construit un instrument idéal pour la
résolution de litiges nés du monde de l'internet, sans besoin de
placement des personnes, ou transfert de support, et même sans obligation
de rencontre en monde réel. En assurant une certaine
sécurité juridique pour les conflits transfrontaliers, la
résolution de litiges en ligne semble être <<la voie
naturelle >> pour les conflits liés de l'Internet (section i). La
question qui se pose est d'abord de démystifier cette notion de la
cyberjustice? Comment fonctionne-elle? Quelle est sa véritable
signification? Que suppose-t-elle? Dans quels domaines s'applique elle?
En ce qui concerne notre recherche, il faut d'abord
préciser que notre angle est focalisé sur un seul type de
procédure électronique. Ce ne sont pas des litiges ou les
nouvelles technologies d'information et de communication qui sont
employées, mais des litiges qui sont nés du commerce
électronique et qui sont résolus entièrement en ligne. On
se situe dans un contexte largement privatisé avec des litiges entre
professionnels (B2B : business to business) ou entre professionnels et
consommateurs (B2C; business to consumer). A cet égard, la
procédure UDRP, avec un coüt modique et un mécanisme
d'auto-exécution des décisions rendues, montre un exemple de
l'efficacité de la résolution des litiges en ligne (section
2).
Section 1. La contribution de l'Internet au
développement des modes alternatifs de règlement des
différends
Depuis quelques années, la justice est devenue une
véritable industrie2. L'explosion du nombre des litiges
soumis aux tribunaux peut s'expliquer par l'accroissement de la population, des
échanges commerciaux et de la criminalité ainsi
1 Karim BENYEKHLEF et Fabien GELINAS, Le règlement en
ligne des conflits, coll. Droit et Technologie, Paris, Romilat, 2003, p. 17.
2 Ahmed MIKLALAH, La résolution par l'arbitrage des
litiges relatifs a l'internet, thèse de doctorant, sous la direction du
professeur Georges WIEDERKHER, Université Robert Schuman- Strasbourg
III, soutenu publiquement le 26 aoüt 2004, p.7.
par une réglementation exacerbée des relations
humaines. Ces éléments se traduisent non seulement pas
augmentation du nombre des dossiers devant les tribunaux, mais aussi par des
délias grandissants dans le traitement des litiges et par une hausse des
montants pour garantir la bonne administration de la justice. Face a cet
engorgement des tribunaux, les professionnels recourent aux modes alternatifs
de règlements des différends (A) pour résoudre leurs
litiges. D'ailleurs, avec l'arrivée de l'Internet, les modes alternatifs
ont eu une autre dimension et un vrai essor (B).
A. Tupoloc,ie des modes alternatifs de rèc,lement
des diffé rends MARD .
La notion de modes alternatifs de règlements des
différends (MARD) recouvre tout mécanisme permettant de trouver
des solutions acceptables par des parties en différend en dehors des
procédures judiciaires traditionnelles. D'oü le terme
<<alternatif>> donne ce sens. On notera que l'expression
<<mode alternatif de règlement des différends>> ne
fait pas l'unanimité dans le langage juridique. On peut ainsi souligner
le terme de << mode alternatif de règlement des litiges >>,
ou de << modes alternatifs de règlement des conflits >>, de
<< résolution amiable des conflits >>. La distinction entre
le << conflit >> et le << litige >> est encore source
de débat juridique en France. Les deux mots signifient l'échec de
la phase d'une procédure amiable et le recours aux
tribunaux1. C'est pourquoi on opte pour le mot de <<
différend >>2, plus neutre, et qui semble plus proche
du concept anglo-saxon de << dispute >>.
§ 1. Les MARD ; Une catégorie
matériellement non limitée
En effet, la notion contemporaine des MARD est originaire des
pays anglo-saxons (connue sous le sigle ADR: alternative dispute resolution),
notamment aux Etats-Unis oü les parties au début du 20e
siècle cherchaient un nouveau moyen de résoudre leurs conflits
afin de surmonter la lenteur, la formalité et l'augmentation des frais
d'accès a la
1 Selon le dictionnaire Robert, les mots litige ou conflit
peuvent donner deux sens; soit une contestation donnant matière a
procès soumis aux tribunaux, soit une contestation, différend,
dispute, réglé par voie de négociations. on parle de
litige ~lorsqu'une personne ne peut obtenir amiablement la reconnaissance d'une
prérogative qu'elle croit avoir et envisage de saisir un tribunal pour
lui soumettre sa prétention . Le terme, bien que très large, est
synonyme de procès. Lexique des termes juridiques, Dalloz,
15e édition, 2005 en CD-ROM.
2 Dans ce sens, les commentaires du Forum des droits sur
l'Internet, 21 octobre 2001, p. 4.
http://www.forumInternet.org/recommandations/?page=2
(consulté le 15 mai 2007).
justice étatique. Ce mode a connu également un
succès massif dans les pays européens1, comme la
France2, particulièrement dans les domaines des contentieux
commerciaux3 internationaux4, dans lesquels les grandes
entreprises veulent garder la haute main dans le déroulement des
litiges5. Ce modèle est également diffusé dans
des domaines très
1 La Commission européenne a publié deux
recommandations concernant spécifiquement les modes alternatifs de
règlement des différends. La première, en date du 30 mars
1998 - 98(257) CE porte sur l'ensemble des modes alternatifs. La seconde, du 4
avril 2001 - 2001(310) CE, ne porte que sur les modes alternatifs relatifs aux
conflits de consommation. Si ces textes ne sont pas juridiquement contraignants
pour les Etats membres, ils retiennent néanmoins quelques grands
principes généraux que les processus alternatifs devraient
respecter pour garantir efficacité et impartialité de leur
action. Les textes sont disponibles sur
www.europa.eu.int
(consulté le 15 mai 2007). Enfin, le 19 avril 2002, la Commission a
rendu public un << Livre vert>> sur les modes alternatifs de
résolution des conflits relevant du droit civil et commercial; V°
les commentaires du Forum des droits sur l'Internet, 21 octobre 2001,
http://www.forumInternet.org/recommandations/?page=2
(consulté le 15 mai 2007).
2 L'existence de modes alternatifs de règlement des
différends dans le droit français remontre a l'ancien
Régime. La Révolution de 1789 a gardé cette logique et a
institué, dès 1790, les << juges de paix >>,
présents dans chaque canton, et dont la mission était de juger en
<< équité >> et non en droit. La Constitution du 22
frimaire an VIII prévoyait même, dans son article 60, le recours a
l'arbitrage et la conciliation. Le rôle et les attributions des juges de
paix ont évolué au cours du temps, ils n'ont été
définitivement supprimés du droit français qu'en 1958.
Egalement, la conciliation obligatoire (préalable au jugement) pour les
tribunaux civils n'a disparu qu'en 1949. Les modes alternatifs de
règlement des différends, rapport du Forum des droits sur
Internet, 17 juin 2002, p. 5 , disponible sur
http://www.forumInternet.org/recommandations/lire.phtml?id=343(consulté
le 15 mai 2007).
3 Art. 863 NCPC (tribunal de commerce); Art. L. 611-3 et L
611-4 du nouveau code du commerce (redressement des entreprises en
difficultés). André ELVINGER, <<Les modes alternatifs des
règlements des conflits en matière d'endettement >>, Revue
internationale de droit comparé, 1997, n°2, pp. 359- 370;
Jean-François GUILLEMIN, <<Les nouvelles attentes des entreprises
en matière de règlement des conflits >>, revue de
l'arbitrage, 1996, n°4, pp. 583- 596.
4 L'OCDE <<Organisation de coopération et de
développement économiques>> (
www.oecd.org), a initié
une étude visant a recenser, dans les législations nationales de
chacun de ses trente Etats membres, dont la France fait partie, les
éventuels blocages réglementaires ou législatifs qui
pourraient empêcher le développement des MARD. La démarche
de l'OCDE est proche de celle des recommandations de la Commission
européenne : il s'agit d'une approche de clarification et d'incitation,
plutôt que d'encadrement. Dans le même sens, les organisations
internationales privées comme le Global Business Dialogue [GBDe -
www.gbde.org] ont
élaboré leurs propres recommandations. Elles sont pour l'instant
opposées a un encadrement international des MARD au motif que ces
processus nécessitent une certaine flexibiité et logique purement
contractuelle entre les parties en différends au lieu de poser un cadre
rigide. V° également dans le cadre du G.A.T.T., Eric CANAL-FORGUES,
<<Le système de règlement des différends de
l'organisation mondiale du commerce OMC >>, pp. 689- 705; Erik PETERSEN,
<<La mise en uvre des ADR dans les grands contrats >>, Gaz. Pal.,
15 novembre 2001, n° 319, p. 42 et s.
5 V° a cet égard, Xavier LAGARDE, << Droit
processuel et modes alternatifs de règlement des litiges >>, revue
d'arbitrage 2001, n°3, pp. 423-449.
variés, comme le droit de la consommation1,
le droit du travail2, le droit de la famille3, le droit
administratif4, ou le droit pénal5.
L'idée sous jacente des modes alternatifs des
règlements des différends, MARD, réside dans la question
suivante; comment les parties peuvent-elles résoudre leur
différend sans le soumettre aux tribunaux? Le noyau dur des MARD, est la
présence d'un litige et un tiers qui propose une solution acceptable
pour les deux parties6. Les MARD apparaissent, comme une
complémentarité a la juridiction étatique et pas comme une
substitution. Ils ne sont envisageables que dans la mesure oü les
règles de droit ne s'opposent pas. De ce fait, il est clair qu'il n'y a
pas de monopole exclusif de l'Etat pour la résolution des litiges. Il y
a effectivement une justice consensuelle et parallèle7 a la
justice étatique. Cette justice amiable donne un nouvel etat d'esprit
pour la résolution des litiges, elle contribue a réduire
l'engorgement des tribunaux.
En principe, il n'y a pas de code uniforme pour les MARD. Ils
forment une catégorie ouverte et délimitée qui regroupe un
ensemble de modes de règlement des différends oü l'absence
de formalité est une nécessité absolue. Les MARD sont
basés sur le volontariat. Ils constituent une contractualisation du
procès reposant sur la volonté des parties. Selon le professeur
Charles JARROSSON, l'expression des MARD désigne ~ les modes
principalement pacifiques, de règlements des conflits,
c'est-à-dire ceux qui visent a mettre les parties d'accord sur la
solution et qui ont en commun le plus souvent
1 Philippe DELEBECQUE, <<Arbitrage et droit de la
consommation >>, Droit et patrimoine, n° 104, mai 2002, pp. 46-
51.
2Art R 516-8 a R. 526-20-1 du code du travail ;
Art. L 523-1 et s. du code du travail; Art. R. 145-9 du code du travail;
Jacques DESMARAIS, <<Les modes alternatifs des règlements de
conflits en droit du travail >>, Revue internationale de droit
comparé, 1997, n°2, pp. 409-420.
3 Art. 251 a 252-3 du code civil (procédure de
divorce); art. 1108 a 1113 et 1074 du NCPC (tentative de conciliation dans la
procédure de divorce).
4 Arnaud LYON-CAEN, <<Les modes alternatifs des
règlements de conflits en droit administratif >>, Revue
internationale de droit comparé, 1997, n°2, pp. 421-426.
5 Art 41-1 et s. du code de procédure pénale;
Art R 15-33-30 et s. du code de procédure pénale (voir le
décret du 29 janvier 2001); Mario CHIAVARIO, <<Les modes
alternatifs des règlements de conflits en droit pénal >>,
Revue internationale de droit comparé, 1997, n°2, pp. 427-438.
6 Charles JARROSSON, <<Les modes alternatifs des
règlements des conflits: présentation générale
>>, Revue internationale de droit comparé, 1997, n°2, p.
330.
7 Jacques EL-HAXIM, <<Les modes alternatifs des
règlements des conflits dans le droit des contrats >>, Revue
internationale de droit comparé, 1997, n°2, pp.347- 357
defaire intervenir un tiers et de se démarquer du
système juridictionnel ~1. A cet égard, une
distinction doit être faite entre les MARD conclus dans le cadre
contractuel ou conventionnel et soumises a la théorie
générale du contrat, et ceux-ci qui sont a l'initiative ou sous
le contrôle du juge2. Ce cadre judiciaire des
règlements des différends a été introduit par la
loi du 8 février 1995 relative a l'organisation des juridictions et a la
procédure civile, pénale et administrative3. Notre
développement consiste de s'interroger sur les MARD conventionnelles.
Pour l'auteur, le caractère pacificateur et non
obligatoire de l'intervention du tiers distinct est le point marquant des MARD.
La solution proposée par le tiers intervenant n'est pas obligatoire
quand elle n'est pas acceptée par les parties. Au contraire,
l'arbitrage4 apparalt comme un mode juridictionnel non pacifique de
règlement des litiges dans la mesure oü a l'issue du procès,
l'arbitre tranche et impose une solution aux parties qui n'en connaissent pas
encore les termes lorsqu'elles s'étaient engagées a la
respecter5. La décision de l'arbitre a une force
exécutoire. Cette fonction contentieuse de
1 Charles JARROSSON, ibid., p. 329.
2 Selon l'article 21 du NCPC (inséré par
Décret no 96-652 du 22juillet 1996 art. 2 Journal Officiel du
23juillet 1996): ~ Il entre dans la mission dujuge de concilier les parties .
Titre VI, la conciliation (Articles 127 a 131) , et Titre VI bis, la
médiation (Articles 131-1 a 131-15).
3 Loi n°95-125 du 8 février 1995, Publication au
JO du 9 février 1995. L'article 21, modifié par loi
n°2002-1138 du 9 septembre 2002 art. 8 (JORF 10 septembre 2002) dispose
que Le juge peut, après avoir obtenu l'accord des parties,
désigner une tierce personne (...) Soit aux tentatives préalables
de conciliation prescrites par la loi, sauf en matière de divorce et de
séparation de corps; 20 Soit a une médiation, en tout
état de la procédure et y compris en référé,
pour tenter de parvenir a un accord entre les parties .
4 L'arbitrage n'a pas de définition légale.
C'est la doctrine qui le définit comme <<un mode juridictionnel de
règlement d'un litige par un tiers, un tribunal constitué d'une
ou plusieurs personnes physiques, tenant leur pouvoir de juger la convention
des parties et non d'une autorité nationale ou internationale >>.
Eric A. CAPRIOLI, Règlement des litiges internationaux et droit
applicable dans le commerce électronique, Paris, Litec, 2002, p. 85.
Pour M. Jarrosson, l'arbitrage est <<une institution par laquelle, un
tiers, règle le différend qui oppose deux ou plusieurs parties en
exerçant la mission juridictionnelle qui lui a été
confiée par celles-ci >>. Charles JARROSSON, La notion
d'arbitrage, Paris, Litec, 1987, p. 372.
5 Techniquement, la voie de l'arbitrage est ouverte soit par
le biais d'une clause d'arbitrage insérée dans le contrat (clause
compromissoire) soit par la conclusion d'un compromis d'arbitrage, lorsque que
le différend est né. La clause compromissoire est une clause
insérée dans un contrat, le plus souvent commercial et
privé, par laquelle les parties s'engagent a recourir a l'arbitrage pour
les différends qui surgiraient entre elles. Cette clause est valable
dans les contrats conclus a raison d'une activité professionnelle . Le
compromis est une convention par laquelle deux ou plusieurs personnes
décident de soumettre un litige déjà né et
concernant des droits dont elles ont la libre disposition a l'arbitrage d'un
tiers. L'administration ne peut, sauf cas exceptionnels, signer un compromis .
Lexique
l'arbitrage l'exclut des MARD. C'est une vraie substitution a
la justice étatique contrairement, a la médiation et la
conciliation qui ont une nature complémentaire1.
En d'autres termes, la conciliation et la médiation
sont les deux modes principaux2 de règlement pacifique des
conflits. A la différence de la conciliation, le médiateur est un
conciliateur actif, il propose une solution aux parties, au contraire du
conciliateur qui a un role passif consistant a favoriser le dialogue et le
rapprochement entre les deux parties sans proposer une solution. Mais, les deux
ne possèdent pas un pouvoir décisionnel3, comme, le
cas en matière d'arbitrage. La médiation reste la notion
mère4 des MARD.
des termes juridiques, Dalloz, 15e édition,
2005 en CD-ROM. Pour le régime légal de l'arbitrage, V° les
articles 1442 a 1507 du NCPC.
1 A contrario, certaines estiment que les MARD reposent sur
l'idée de la substitution de la justice. Il exclut la médiation,
la conciliation et la négociation du champ des MARD puisqu'ils ne sont
pas des substituts autonomes de la justice étatique; d'une part, ils ne
peuvent pas aboutir a la solution du litige sans passer par un autre acte
(transaction), d'autre part, ils sont soumis quelquefois au contrôle
étatique (médiation famiiale). Gérard CORNU, <<Les
modes alternatifs des règlements des conflits >>, Revue
internationale de droit comparé, 1997, n°2, pp. 313-323.
2 Ily a effectivement d'autres formes secondaires des MARD. On
peut citer dans ce contexte, le Mid-arb qui essaie de conjuguer la
médiation avec l'arbitrage. Il s'agit d'une procédure de
médiation suivie par un arbitrage en cas d'échec. Le tiers agit
d'abord comme médiateur et ensuite comme un arbitre au cas oü la
médiation n'a pas aboutit a une résolution du litige. Autrement
dit, le médiateur change de casquette et devient arbitre et tranche
très rapidement le litige qu'il connaIt déjà. La notion du
Mini-trial, d'origine américaine, qui est une forme simplifiée
d'un procès consistant a former un collège de trois personnes
présidé par un conseiller neutre, complété, par un
haut dirigeant de chaque partie. Il y a également le Last offer
arbitration ou arbitrage baseball, née dans le domaine des conflits
relatifs au rachat des joueurs entre les clubs de baseball. L'idée est
la suivante : chaque partie présente son idée devant le tiers et
fait une proposition de solution. Ensuite, le tiers devra faire un choix entre
les deux solutions présentées par les deux parties. Il n'a pas le
droit de choisir ou de proposer une troisième solution. Autrement dit,
il est obligé de choisir une des solutions. A défaut, les
solutions proposées par les parties pourront être la base d'une
médiation. Il y enfin le partnering- partenariat; qui implique un
animateur qui organise la communication et la coopération entre les
parties intéressées afin d'éviter la naissance d'un
conflit. C'est une forme de procédure préalable qui essaie de
parvenir ou limiter les dégâts d'un litige. Dans le même
esprit, l'expertise, soit judiciaire ou conventionnelle, reste marginale par
rapport aux MARD. Elle consiste a confier a un tiers la faculté de
donner une solution technique par rapport le litige en cause. L'avis d'expert
sert quelquefois comme une base d'une future négociation entre les deux
parties. Charles JARROSSON, op. cit., p. 323 et s.
3 Thomas SCHULTZ, op. cit., p. 185.
4 La médiation peut se définir comme un
processus selon lequel deux personnes acceptent de soumettre leur
différend a un tiers neutre, le médiateur, qui tente, par le
recours a différentes méthodes et techniques, de guider les
parties vers un règlement a l'amiable . Karim BENYEKHLEF et Fabien
GELINAS, op. cit., p. 67.
Dans ce sens, la négociation doit être
écartée des MARD malgré son caractère pacificateur
dans la mesure oü elle n'implique pas l'intervention d'une tierce
personne. Elle vise seulement a satisfaire les intérêts mutuels
des parties plutôt que les droits ou les obligations juridiques dont
elles pourraient se prévaloir en justice ou en arbitrage. La situation
ne doit pas être nuancée dans le cas de la négociation
assistéel qui implique l'intervention d'un tiers qui tente de
rapprocher les parties et de les informer sur leur situation et les
possibilités d'arriver a un commun accord, sans proposer une solution.
La négociation assistée par un tiers, n'est pas une autonomie au
sein des MARD dans la mesure oü il n'y a pas un litige proprement dit,
mais juste une tentative de la part d'un tiers indépendant qui essaie de
trouver un point d'équilibre, une harmonie entre les
intérêts des parties. Cependant, si l'ensemble de ces avantages
semble aujourd'hui évident, il convient néanmoins de nuancer ce
premier enthousiasme.
§ 2. Les MARD ; une catégoriejuridiquement
limitée
La premiere limite des MARD se retrouve dans sa fonction. Les
MARD sont des outils de paix sociale qui doivent permettre de renouer un
dialogue qui a été rompu entre les parties. Ces modes n'entendent
pas donner raison ou tort a l'une des parties. Ils agissent en tant que
instrument de pacification plutôt que de justice, faisant plus appel a
l'équité qu'au droit. Ils permettent de <vider les conflits de
leur substance >2 . Ces modes alternatifs sont
appréciés par les acteurs commerciaux et les individus car, ils
leurs permettent d'être acteurs de la sortie d'une situation de conflit
les concernant, et non plus simples spectateurs. De même, Les MARD sont
des compléments naturels des procédures judiciaires
traditionnelles. Ils doivent donc être compris comme des processus <
côté > des recours judiciaires traditionnels. Ils ne peuvent
donc prétendre se substituer a ces derniers ni en constituer une
étape préalable obligatoire. Cette mission pacificatrice et ce
rôle subsidiaire peuvent mettre en cause la valeur juridique de l'issue
d'une procédure alternative.
En effet, la conciliation et la médiation pourraient
avoir la force obligatoire au sens de l'article 1134 du code civil qui dispose
que les conventions légalementformées
1 Charles JARROSSON, op. cit., p. 350.
2 Les commentaires du Forum des droits sur l'Internet, 21 octobre
2001 p. 5, disponible sur
http://www.forumInternet.org/recommandations/?page=2
(consulté le 15 mai 2007).
tiennent lieu de loi a ceux qui les ontfaites. Elles ne
peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou
pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être
exécutées de bonne foi . De surcroIt, dans le cas du
succès d'une procédure de médiation ou de conciliation,
les parties peuvent conclure une transaction1, qui peut a voir
l'autorité de chose jugée au sens de l'article 2052: (( les
transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée
en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées pour cause
d'erreur de droit, ni pour cause de lésion . Ces deux dispositions
cumulées peuvent accorder une valeur juridique ainsi qu'un exequatur aux
MARD. Néanmoins, cette possibilité reste dans le cas du
succès de la procédure de médiation ou conciliation. Au
contraire, en cas d'échec, les MARD risquent d'être des textes
nés morts. Cette inquiétude va nous conduire a la deuxième
limite des MARD.
Les modes alternatifs de règlement des
différends ne peuvent être réellement efficaces que dans le
cas oü une <<bonne foi >> réciproque des parties en
conflit existe (réelle volonté réciproque de trouver une
solution satisfaisante). L'acceptation volontaire de la démarche est
ainsi l'intérêt et la limite de ce mode de résolution des
différends : essentiellement basés sur une volonté commune
de compromis, ces modes alternatifs se révèlent inopérants
pour certains types de conflits oü la violation des droits est flagrante
et assumée voire revendiquée par l'une des parties : c'est le cas
pour certains types de contenu pouvant choquer (propagande, etc.). De
même, elle atteint ses limites en cas de comportement volontairement
dilatoire d'une des parties qui pourrait chercher, a l'occasion de cette
procédure, a gagner du temps.
Enfin, on peut ajouter une troisième limite aux MARD.
D'une manière générale, le recours aux modes alternatifs
est possible dans les cas oü le droit ne s'oppose pas. En d'autres termes,
le recours aux MARD est effectivement relatif dans la mesure oü le droit
peut l'exclure de résoudre certains litiges. Cette exclusion est faite
explicitement en ce qui concerne le recours a l'arbitrage dans certains litiges
relevant de l'ordre public au sens de l'article 2060 du code civil2.
Cette condition d'ordre public rend théoriquement
1 Définie par l'article 2044 comme (( un contrat par
lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent
une contestation a naitre. Ce contrat doit être rédigé par
écrit .
2 Art. 2060 : ((On ne peut compromettre sur les questions
d'état et de capacité des personnes, sur celles relatives au
divorce et a la séparation de corps ou sur les contestations
intéressant les collectivités publiques et les
établissements
difficile le recours a l'arbitrage dans certaines
matières. Par exemple, l'article L.615-17 du code de la
propriété intellectuelle1 qui renvoie a l'exception de
l'ordre public au regard de l'arbitrabilité en matière de
propriété industrielle2.
La question qui est soulevée est de savoir a quel
degré, l'arbitrage en matière de propriété
industrielle, est relatif ou non a l'ordre public. Une réponse
négative peut-être imposée dans la mesure oü le brevet
ou la marque sont délivrés par une décision du directeur
de l'INPI qui bénéfice d'une compétence exclusive dans la
matière selon l'art. L.411-4 du code de la propriété
intellectuelle3. A cet égard, la question se pose de savoir
si l'arbitrage reste possible dans les autres litiges qui n'impliquent pas un
confit autour la délivrance des titres de propriété
industrielle. La question reste cuvrette4.
Une autre interrogation se pose en matière de
consommation. A cet égard, il faut souligner que la loi NER (Nouvelles
Régulations Economiques) du 15 mai 2001 (loi n° 2001-420 du 15 mai
2001, Journal Officiel du 16 mai 2001) a transformé la nullité de
principe de la clause compromissoire en validité du principe. Ainsi,
l'article 2061 du code civil indique que << Sous réserve des
dispositions législatives particulières, la clause compromissoire
est valable dans les contrats conclus a raison d'une activité
professionnelle . En effet, la nullité de la clause compromissoire qui
vient d'être abandonnée, remonte au célèbre
arrêt <<Prunier >>, censé comme le premier arrêt
du droit de consommation, rendu par la Cour de cassation il y a plus d'un
siècle (Cass. Civ., 10 juillet 1843), dans lequel la haute juridiction a
annulé une clause compromissoire en
publics et plus généralement dans toutes les
matières qui intéressent l'ordre public. Toutefois, des
catégories d'établissements publics a caractère industriel
et commercial peuvent être autorisées par décret a
compromettre .
1 Art. 615-7: <<l'ensemble du contentieux né du
présent titre est attribué aux tribunaux de grande instance et
aux cours d'appel auxquelles ils sont rattachés (...). Les dispositions
qui précèdent ne font pas obstacle au recours a l'arbitrage, dans
les conditions prévues aux articles 2059 et 2060 du code civil ~
2 V° dans ce sens, Muriel JOSSELIN-GALL,
<<Arbitrage et propriétés intellectuelles >>, Droit
et patrimoine, no 105, mai 2002, pp. 63- 72.
3 Art. L.411-4: Le directeur de l'Institut national de la
propriété industrielle prend les décisions prévues
par le présent code a l'occasion de la délivrance, du rejet ou du
maintien des titres de propriété industrielle ~
4 Sachons que le Centre d&arbitrage et de
médiation de l&OMPI a été
créé en 1994, installé a Genève (Suisse) au sein du
Bureau International de l'Organisation Mondiale de Propriété
Intellectuelle. Son but est de proposer des services de règlement
extrajudiciaire de litiges ("ADR", de l&anglais "Alternative
Dispute Resolution") parmi lesquels des services d&arbitrage, de
médiation et d'arbitrage accéléré (procédure
arbitrale exécutée dans des délais et a des coüts
réduits) pour le règlement de litiges commerciaux internationaux
entre particuliers ou entreprises privées. Pour savoir plus sur les
services offerts par le centre,
http://www.wipo.int/amc/fr/center/
(consulté le 15 mai 2007).
raison de la position de faiblesse supposée de l'un des
contractants a l'égard de l'autre1. Néanmoins, selon
la logique du droit de la consommation, la clause compromissoire est
placée parmi les clauses abusives, apparues dans une liste non
exhaustive, annexée a l'article L.132-1 du code la consommation. il y a
donc un <<droit de la consommation a deux vitesse
>>2.
Cependant, si cette exception de l'ordre public est vraie au
regard de l'arbitrage, la solution doit être nuancée par rapport
aux MARD. Une réelle différence de nature semble
évidemment exister entre les MARD dans lesquels le tiers distinct n'est
qu'un << facilitateur >>, qui essai de rapprocher les parties
proposer une solution, et l'arbitre qui a un réel pouvoir
décisionnel et agit dans un registre différent de celui MARD.
Autrement dit, il est logique de restreindre l'arbitrage dans certaines
matières dans la mesure oü le cadre de l'arbitrage offre une
substitution a la justice étatique, contrairement aux MARD qui sont une
nature complémentaire. Cela ne dit que l'exception de l'ordre public est
transposée mutatis mutandis aux MARD. Il faut remarquer qu'il y a des
domaines exclusivement réservés a l'Etat comme les
différends nés d'une escroquerie, de procédés
malhonnêtes, etc.
En tout état de cause, on peut constater que les MARD
sont des processus ouverts dont la maltrise reste aux mains des parties en
présence. Ils n'ont pas pour vocation de trancher et donner raison ou
tort a l'une des parties en suivant des règles de droit parfois
instables (en matière internationale par exemple), mais a pour raison
d'être, selon l'expression de plusieurs intervenants, de << vider
le différend de sa substance >>, retrouver des bases communes de
dialogue et de compréhension. Cette souplesse a conduit le passage a une
nouvelle forme des MARD, celle des modes électroniques de
règlements des litiges MERL (désigné en anglais par le
sigle ODR; online dispute résolution). C'est ce qu'on abordera par la
suite.
1 Thomas CLAY, <<Nouvelles perspective en matière
d'arbitrage >>, Droit et patrimoine, n° 104, mai 2002, pp. 41- 45:
Alain COURET, <<La loi sur les nouvelles régulations
économiques; la régulation du pouvoir dans
l&entreprise >>, JCP G, n° 30, 25 Juillet 2001, I
339: Charles JARROSSON, <<Le nouvel essor de la clause compromissoire
après la loi du 15 mai 2001 >>, JCP G, n° 27, 4 Juillet 2001,
I 333.
2 Philippe DELEBECQUE, <<Arbitrage et droit de la
consommation >>, Droit et patrimoine, n° 104, mai 2002, p. 46.
B. Le passage aux modes électroniques de
règlement des litiges MERL .
Les modes électroniques de règlements des
litiges ou (Online Dispute Résolution) tirent particulièrement
partie de l'ubiquité de l'espace numérique: les litiges sont
résolus en litiges comme les contrats sont conclus (2). Les MERL sont
encouragés actuellement par les législateurs nationaux que les y
voient comme un moyen efficace de régulation des litiges issus du
cyberespace (1).
§ 1. Un environnement juridique favorable au
développement des moyens de resolution des litiges en ligne
Dès les années 1990, la Commission
Européenne a mis en place une véritable politique communautaire
afin d'établir un espace sans frontières intérieures pour
les services de la société de l'information. Cette politique a
commencé par la directive dite transparence réglementaire du 22
juin 1998 (98/34/CE) qui oblige les Etats membres a notifier a la Commission
tout projet de réglementation sur le commerce
électronique1. En 2000, la directive dite commerce
électronique est venue pour cristalliser la vision de l'UE sur le
marché électronique.
En principe, la philosophie de la politique communautaire
consiste a favoriser le principe de la non autorisation préalable; pas
de contrôle a priori sur l'établissement des prestataires de
services de la société de l'information (article 4 de la
directive du 8 juin 2000). Cette libération du marché est
accompagnée par l'obligation de résultat selon laquelle les Etats
membres doivent permettre un usage effectif des modes de règlements
extrajudiciaires des litiges, en particulier, par voie électronique.
L'article 17 de la dite directive dispose que Les Etats membres veillent a ce
que, en cas de désaccord entre un prestataire de services de la
société de l'information et le destinataire du service, leur
législation ne fasse pas obstacle a l'utilisation des mécanismes
de règlement extrajudiciaire pour le règlement des
différends, disponibles dans le droit national, y compris par des moyens
électroniques appropriés . Le paragraphe 2 de l'article 17 impose
que Les Etats membres encouragent les organes de règlement
extrajudiciaire, notamment en ce qui concerne les litiges en matière
de
1 Jean-Pierre PIZZIO, <<Le droit communautaire et le
commerce électronique >>, pp. 15-22 in Cahiers de droit de
l'entreprises, supp. n° 4, JCP E n° 37, 12 septembre 2002, colloque
<<commerce électronique >>, Marrakech 8 et 9 novembre
2001.
consommation, a fonctionner de manière a assurer les
garanties procédurales appropriées pour les parties
concernées ).
Ainsi, le 1er paragraphe de l'article 17 impose aux
Etats membres une obligation de résultat pour faire un examen de leur
législation et a l'adapter, si nécessaire, afin de rendre
possible le règlement alternatif des litiges en ligne. Le but d'une
telle obligation est d'une part d'encourager le développement du
commerce électronique, et d'autre part, donner une certaine confiance
pour aux consommateurs. Pour autant, le paragraphe 2 de cet article impose une
simple obligation de moyen selon laquelle les Etats membres sont censés,
dans le cadre de la résolution de litiges de la consommation, par un
organe extrajudiciaire, en ligne ou hors ligne, d'assurer les garanties
procédurales, notamment l'efficacité de la procédure, la
confidentialité, l'indépendance, le principe du contradictoire.
Cette lacune a été remplie par deux recommandations successives
de la Commission européenne1.
Au regard du droit français, la transposition de cette
obligation semble trouver son écho dans la mesure oü le
législateur a enlevé tous les obstacles juridiques a la mise en
place d'un mode de résolution des litiges par la voie
électronique. La France a adapté ses législations,
notamment en ce qui concerne la valeur de l'écrit et la signature
électronique, en suivant non seulement la tendance communautaire mais
aussi internationale2 en faveur de l'adoption de normes au regard
desquelles la valeur juridique des messages électroniques joue un role
important dans la promotion de
1 98/257/CE: Recommandation de la Commission du 30 mars 1998
concernant les principes applicables aux organes responsables pour la
résolution extrajudiciaire des litiges de consommation; consultable sur
http://admi.net/eur/loi/leg
euro/fr 98H0257.html (consulté le 15 mai 2007).
Recommandation de la Commission du 4 avril 2001 relative aux
principes applicables aux organes extrajudiciaires chargés de la
résolution consensuelle des litiges de consommation; consultable sur
http://admi.net/eur/loi/leg
euro/fr 01H0K10.html (consulté le 15 mai 2007).
2 La Commission des Nations Unies pour le droit commercial
international CNUDCI a adopté le 5 juillet 2001 une loi type sur la
signature électronique qui vise a rendre l&utilisation
des signatures électroniques plus sure juridiquement. Partant du
principe souple énoncé a l&article 7 de la loi
type de la CNUDCI sur le commerce électronique, elle établit une
présomption selon laquelle les signatures électroniques qui
satisfont a certaines exigences de fiabiité technique sont
considérées comme équivalant a des signatures manuscrites.
La loi est disponible sur le site de la CNUDCI
http://www.uncitral.org/uncitral/fr/uncitral
texts/electronic commerce/2001Model signatures.html (consulté le 15
mai 2007).
l'utilisation de la communication sans papier1.
Dans ce contexte, on peut citer deux lois principales qui ont bouleversé
la culture papier comme unique support des relations entre l'usager et les
professionnels civils du droit. D'une part, la loi du 13 mars 2000 portant
adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relative
a la signature électronique2, et d'autre part, de la loi du
21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie numérique
(transposant la directive commerce électronique). Ces deux instruments
législatifs ont ouvert la voie vers la dématérialisation
des procédures civiles, qui est d'ores et déjà
engagée au regard de la procédure pénale3 et
administrative4.
1 La Commission des Nations Unies pour le droit commercial
international CNUDCI a adopté le 12 juin 1996 une loi type sur le
commerce électronique qui est destinée a faciiter l'utilisation
des moyens modernes de communication et de stockage de l'information. Elle est
fondée sur l'établissement d'une équivalence fonctionnelle
pour les concepts liés au papier tels que "l'écrit", "la
signature" ou "l'original" dans les moyens électroniques. La loi est
disponible sur le site de la CNUDCI
http://www.uncitral.org/uncitral/fr/uncitral
texts/electronic commerce/1996Model.html (consulté le 15 mai
2007).
2 V0 dans ce sens, la directive sur un cadre
communautaire pour les signatures électroniques (1999/93/CE) du
Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 1999 ;
consultablesur
http://www.forumInternet.org/documents/textes
europeens/lire.phtml?id=34 (consulté le 15 mai 2007).
3 A titre d'exemples, on peut citer: la loi n°98-1498 du
17 juin 1998 concernant les infractions sexuelles et les droits des victimes
prévoyant l'enregistrement par voie audiovisuelle de l'audition du
mineur victime (article 706-52 du code de procédure pénale), la
loi n°2000-516 du 15 juin 2000 relatif a la protection de la
présomption d'innocence (entrée en vigueur le 15 juin 2001) qui
met en place l'enregistrement des mineurs lors de leur garde a vue, la loi
n°2001-1062 du 15 novembre 2001 relatif l'usage de la
visioconférence pour les auditions, interrogatoires ou confrontations en
cours d'enquête ou d'instruction (article 706-71 du code de
procédure pénale), la loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002
qui dans le même article autorise le recours a la visioconférence
pour la prolongation de la garde a vue ou la retenue judiciaire lors d'une
enquête ou d'une instruction, ou encore la loi pour la prévention
de la délinquance (Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 parue au JO
n° 56 du 7 mars 2007) qui institue une infraction concernant le fait de
formuler des propositions sexuelles a un mineur de plus de quinze ans au
travers un moyen de communication électronique. Cette infraction est
punissable d'une peine de deux ans de prison et d'une amende de 30000 EUR.
4 Rappelons que le Conseil d'Etat a jugé que tout
citoyen pouvait recourir au courrier électronique pour saisir la
juridiction administrative (CE, 28 décembre 2001, D. 2002, JP p. 2008).
le décret n°2005-222 du 10 mars 2005 autorise jusqu'au 31
décembre 2009 l'expérimentation devant les tribunaux
administratifs, les cours administratives d'appel et le Conseil d'Etat des
modalités d'envoi par voie électronique de requêtes,
mémoires, pièces, décisions prises pour l'instruction des
affaires et décisions juridictionnelles. Au plus tard au 31
décembre 2009, un rapport montrant le bilan de l'expérimentation
sera établi par le vice-président du Conseil d'Etat et remis au
Premier ministre. On peut citer aussi la loi DCRA qui a modifié la loi
n°78-753 du 17juillet 1978 sur l'accès a la documentation
administrative et la loi LOLF, loi organique Relative aux Lois de Finances qui
a été adoptée le 1er aoüt 2001 sur la
dématérialisation des procédures administratives, V°
Antoine ESTARELLAS, La dématérialisation des procédures
administratives, mémoire sous la direction de Mme Catherine
PREBISSY-SCHNALL, Université Paris X Nanterre, année
universitaire 2004-2005.
La loi du 13 mars 2000 a modifié les dispositions du
Code Civil relatives a la preuve littérale en le dotant d'articles qui
placent l'écrit et la signature électronique sur un même
niveau. Ainsi, l'article 1316-1 du Code Civil dispose que
<<l'écrit électronique est admis en preuve au même
titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse
être dIlment identifiée la personne dont l'écrit
émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions
de nature a en garantir l'intégrité >>. Il n'y a donc en
principe plus de conflit de preuve entre un support papier et un support
électronique (article 1316-2 du Code Civil). La signature
électronique a donc la même valeurjuridique que la signature
manuscrite, sous réserve que le procédé soit
fiable1.
Quant a la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la
confiance dans l'économie numérique (LCEN), elle constitue la
première étape législative du plan RESO 2007
présenté par le Premier ministre en 2003 pour favoriser le
développement de la <<République numérique
2. Son objectif consiste en l'adaptation de la
législation française au développement de
l'économie numérique, aux fins de renforcer la confiance en cette
dernière et d'assurer le développement de ce secteur, tout en
établissant un cadre juridique stable pour les différents acteurs
de la société de l'information. Cette loi a renforcé la
dématérialisation3 et l'utilisation des nouvelles
technologies dans les échanges entre les acteurs du procès
civil4 et les actes de procédure civile.
1 L'article 1316-3 et 1316-4 du Code Civil donne en plus une
définition de la force probante de l'écrit sur support
électronique en admettant que cette force est soumise a certaines
conditions: d'un côté, l'intégrité de l'écrit
doit être garanti et d'un autre côté, l'imputabiité a
son auteur doit être établie. Les conditions permettant de
bénéficier de cette présomption légale de
fiabiité de signature électronique sont détaillées
dans le Décret n°2001-272 du 30 mars 2001.
2 Ass. Nat., Communiqué du Conseil des ministres du 15
janvier 2003, Projet de loi pour la confiance dans l'économie
numérique, dossier législatif,
www.assemblee-nationale.fr.
Pour une présentation détaillée de la LCEN, Thibaut
VERBIEST, Le nouveau droit francais du commerce électronique,
Préface de MARD Lolivier, coll. de Droit des technologies, Bruxelles,
Larcier,2005 : Alain BENSOUSSAN et Eric BARBRY, La nouvelle loi pour la
confiance dans l'économie numérique, Paris, Gazette du Palais,
2004.
3 La dématérialisation a pour objet de
gérer de façon totalement électronique des données
ou des documents (correspondances, contrats, factures...) qui transitent dans
le cadre d'échanges avec des partenaires. Elle constitue le remplacement
des supports papiers par des fichiers informatiques, entraInant la mise en
oeuvre d'un bureau sans papier. Sophia BINET, L'utilisation des nouvelles
technologies dans le procès civil: Vers une procédure civile
intégralement informatisée? Mémoire Sous la direction de
Madame le Professeur Marie-Claire RIVIER, Faculté de droit et science
politique, Université Lyon 2, année universitaire 2004-2005, p.
32 et s.
4 Tout d'abord, entre le TGI de Paris et son barreau, un
système de communication électronique << E-GREFFE >>
ouvert depuis le 16 octobre 2003, permet aux avocats de consulter le dossier
informatique des affaires qui les concernent,
Donc, il apparalt que le cadre juridique actuel est faverole
aux nouvelles technologies des informations et des communications, non
seulement a la phase de la gestion et de l'archive du procès, mais aussi
durant touts les phases du déroulement de la procédure. La
reforme du droit de la preuve et de la validité des actes juridiques
permet d'affirmer que les accords conclus par la voie électronique a
l'issue d'une négociation ou d'une médiation ou conciliation en
ligne produisent pleinement leur effet juridique comme les autres modes hors
ligne.
Néanmoins, l'utilisation des nouvelles technologies
dans la procédure reste timide en ce qui concerne la procédure
civile, administrative ou pénale, a l'inverse des modes alternatifs qui
ne cessent d'utiliser ces outils technologiques. Il existe actuellement un
important mouvement international en faveur de la pratique des
résolutions des conflits par voie de l'Internet pour les modes
alternatifs de règlement des conflits (M.A.R.C.), règlements
alternatifs des différents (R.A.D.) ou alternative dispute resolution
(A.D.R.).
§ 2. L'apport de l'Internet dans l'enrichissement des
MERL
On trouve effectivement une certaine compatibilité
entre les MARD et l'Internet. Cet rapprochement est du, d'un côté,
a cause l'absence de frontières et les difficultés de
l'identification géographiques des parties et, de l'autre
côté, l'ancrage territorial et la nécessité de
rencontre physique constitue la principale raison de l'essor d'une
deuxième vague de mécanisme de résolution des litiges
>>1. En effet, les MARD offrent aux internautes et acteurs
privés de l'Internet un certain nombre d'avantages qui peuvent aider
établir un climat de confiance dans le monde numérique, comme: le
volontariat, la confidentialité, l'absence de tout pouvoir
juridictionnel, l'intervention d'un tiers indépendant des parties, la
participation des parties dans la réalisation d'accord, l'esprit de
coopération, la recherche d'une entente entre les parties, la recherche
d'une solution équitable, efficace et rapide.
d'échanger électroniquement des documents et
données relatives aux affaires civiles traitées par la
juridiction et de se faire inscrire aux audiences de
référé. A titre expérimental, le TGI de Paris a mis
en place un réseau virtuel privé, un Intranet nommé
<<E-GREFFE >> pour faciiter les échanges par voie
électronique durant la phase préalable a la plaidoirie.
L'accès aux données et l'échange d'informations par
Internet permettent d'alléger les tâches administratives des
cabinets et d'éviter des déplacements. Sophia BINET, ibid., p. 34
et s.
1Thomas SCHULTZ, op. cit., p. 183.
Dans le même esprit, l'Internet fournit une
potentialité considérable de rapidité, de
discrétion, d'interactivité des échanges qui construit un
instrument idéal pour le développement des moyens de
résolution des litiges nés du monde de l'Internet, sans
déplacement des personnes, sans transfert de support, ou sans obligation
de rencontrer au monde réel. Cette nouvelle perspective a conduit a la
naissance de modes électroniques de règlement des litiges
<<MERL >>1 ou Online Dispute Rresolution
<<ODR>>.
Au delà de la dimension technique, qui apparalt comme
la caractéristique la plus marquante de ce types de procédures,
l'idée des MERL réside sur l'exploitation de
l'instantanéité et l'ubiquité de l'environnement de
l'Internet pour résoudre les litiges.
a) Quelques exemples de techniques utilisées dans
les MERL
Les MERL offrent aux particuliers comme aux entreprises la
possibilité de résoudre leurs conflits sans besoin de se
déplacer et par une procédure peu onéreuse, rapide, et
surtout plus flexible. A cet égard, tous les modes de communication en
ligne sont mis a la disposition des parties pour favoriser la solution du
différend (e-mails, chats, visioconférences, etc.). Ce mode
fournit une cyberjustice2 qui participe
1 Olivier CACHARD, <<Les modes électriques de
règlement des litiges MERL >>,
comm. com. élec., décembre
2003, chroniques 30, p. 22-26.
2 Le projet pionnier dan ce contexte est le Cybertribunal,
amorcé en septembre 1996 par le Centre de recherche en droit public
(CRDP) de l&Université de Montréal (
http://www.crdp.umontreal.ca/fr/
). Le 4 juin 1998 le cybertribunal a été
présenté et lancé. Toutefois, le site du Cybertribunal a
toutefois été fermé en 1999. Les mécanismes de
résolution de conflits du Cybertribunal étaient la
cybermédiation et le cyberarbitrage. Le recours a la médiation
était possible même si les parties n'avaient pas prévu une
clause de médiation dans le contrat qu'elles avaient conclu en ligne. En
cas d'échec de la Cybermédiation, le Cybertribunal offrait aux
parties la possibiité de recourir au cyberarbritage. Le
secrétaire du Cybertribunal a qui une demande était
adressée désignait un ou trois arbitres indépendant(s) et
impartial (aux), puis soumettait son (leur) nom a l'approbation des parties. La
(Les) personne(s) choisie (s) ne se mettait (mettaient) au travail qu'une fois
cette étape franchie. La sentence arbitrale devait être rendue
dans les trente jours suivant la cloture des débats. Cette
décision n'était pas susceptible d'appel. La
cybermédiation et le cyberarbitrage assurés par le Cybertribunal
étaient gratuits. Cynthia CHASSIGNEUX, << Nouvelles voies offertes
pour la résolution des conflits en ligne >>, Lex Electonica,
volume 5, no 1, été 1999,
http://www.lexelectronica.org/articles/v5-1/chassifr.htm
; Emile Lambert OWENGA ODINGA, Lex Electronica, vol. 7, n°2, printemps
2002,
http://www.lex-electronica.org/articles/v7-2/owenga.htm
; Karim BENYEKHLEF et Fabien GELINAS, op. cit, p. 119.
effectivement au mouvement de régulation du
cyberespace. On peut citer a cet égard, quatre principales techniques
utilisées dans le cade des procédures d'ODR1:
La négociation automatique (automated negotiation), Il
s'agit d'un processus informatisé assisté par un logiciel qui
s'appelle blind-binding qui a pour principal objectif de résoudre les
litiges portant sur des montants monétaires2. Il repose
souvent sur un système d'enchère a l'aveugle, dans lequel chaque
partie fait des offres successives afin de parvenir a un accord, sans savoir ce
qu'a proposé l'autre partie. Le processus arrive a son terme lorsque les
offres sont suffisamment proches et que l'ordinateur propose une solution. Ce
mécanisme montre la capacité des outils technologies a
développer les MARC. Il s'agit d'ajouter a la négociation un
élément tiers, qui est en l'occurrence, une boite de
réception intelligente.
La négociation assistée par ordinateur est un
mécanisme oü les parties communiquent par le biais des nouvelles
technologies mises a leur disposition. Les fournisseurs de l'ODR assument les
fonctions d'archivage et de sécurité. Ce mécanisme
remporte un franc succès. Il répond a une double
problématique : d'une part, il résout un problème
inhérent au cyberespace qu'est la difficulté de communiquer entre
personnes éloignées physiquement ; d'autre part, il écarte
l'obstacle résultant de l'anonymat des parties dissimulé
derrière << leur identité virtuelle
>>.3
La médiation en ligne ou cybermédiation qui est
un processus structuré a court terme par lequel les parties tentent de
prévenir, de gérer ou de résoudre un litige par
l'intervention confidentielle d'un tiers indépendant et impartial qui,
sans disposer d'un pouvoir juridictionnel mais en utilisant des techniques de
communication et des stratégies psychologiques complémentaires,
tente d'amener les parties a un accord,
1 Isabelle MANEVY, online dispute resolution: what future?
Mémoire de DEA de droit anglais et nord-américain des affaires,
juin 2001, p. 6 disponible sur
http://juriscom.agat.net/uni/mem/17/odr01.pdf
(consulté le 15 mai 2007); Catherine RUWET, La procédure UDRP
au sein des modes complémentaires de règlement des
différends : aspects procéduraux, DEA en Propriété
intellectuelle et nouvelles Technologies année académique
2002-2003, p. 16 et s.
http://www.droit-technologie.org/2
1.asp?dossier id=112&motcle=udrp&mode=motamot (consulté le
15 mai 2007).
2 Karim BENYEKBLEF et Fabien GELINAS, op. cit., p. 66. Par
exemple, le site
www.cybersettle.com
(consulté le 15 mai 2007) utilise une plateforme de
négociation automatique Blind Binding dans le domaine des conflits
liés a l'assurance.
3 Ce outil est effectivement utilisé par la plateforme
Square Trade, qui traite des litiges émergeant de la place de
marché électronique eBay. Il administre 800000 affaires par an;
http://www.squaretrade.com/cnt/jsp/index.jsp
(consulté le 15 mai 2007).
lequel sefonde soit sur les règles de droit soit sur
l'équité résultant des échanges sur les
intérêts des parties ou toute autre circonstance du litige
~6. L'idée sous jacente n'est pas étrange a celle de
la procédure de médiation hors ligne; une tierce personne
dépourvue du pouvoir de trancher tente, via l'Internet, de mener les
parties a un accord2.
L'arbitrage en ligne ou cyberarbitrage qui emprunte
effectivement la même technicité et toutes les
caractéristiques procédurales de l'arbitrage traditionnel ou
international3; l'intervention d'un tiers sur une base
conventionnelle et dont la nature de la mission est <<juridictionnelle
>>4. Or, il faut noter qu'il y a deux sortes d'arbitrage en
1 Priscilla DE LOCHT, <<Les modes règlement
extrajudiciaire des litiges >>, in Le commerce électronique
européen sur les rails ?Analyse etpropositions demise en ceuvre de la
directive sur le commerce électronique, Etienne MONTERO (dir.) cahiers
du centre de recherche informatique et droit CRID n°19, Bruxelles,
Bruylant, 2001, p. 336.
2 L'Online Ombuds Office a été
créé en juin 1996 par le National Center for Automated
Information Research (NCAIR) et a débuté au sein du Center for
Information Technology and Dispute Resolution de l'Université du
Massachusetts en jullet 1997. Cet organisme tente de résoudre les
conflits en ligne par le biais de la médiation. Cet organisme offre des
services de médiation pour certains conflits nés sur
l&Internet, notamment les conflits; entre membres
d&un groupe de discussions; relatifs aux noms de domaines; entre
concurrents; entre fournisseurs d&accès Internet et leurs
abonnés ; touchant des questions de propriété
intellectuelle. La procédure de médiation devant l'Online Ombuds
Office se passe en ligne. Le plaignant dépose une demande de
médiation en remplissant un " Online Ombuds E-Mail Form" en
précisant son e-mail, le nom de la compagnie pour laquelle il travaille,
et en faisant un résumé de sa plainte. Après
réception de la plainte, l'Online Ombuds Office nomme un
médiateur ou ombudsman qui prendra contact avec le demandeur afin de
prendre connaissance de la situation et des attentes de ce dernier. Fort de ces
précisions, l'ombudsman s'informera auprès du défendeur de
ses intentions. Si celles-ci sont identiques a celles du demandeur, la
médiation apparaIt comme possible, sinon les parties se voient proposer
d'autres méthodes de résolution. Cynthia CHASSIGNEUX, op. cit;
Karim BENYEKHLEF et Fabien GELINAS, op. cit., p. 118.
3 L'article 2 de la convention de New York du 10 juin 1958
reconnaIt l'écrit sans préciser un support particulier. De
même, l'article 4 de cette convention énonce que << Pour
obtenir la reconnaissance et l'exécution de la sentence, la partie qui
demande la reconnaissance et l'exécution doit fournir en même
temps que la demande a) l'original düment identifié de la sentence,
ou une copie réunissant les conditions requises pour son
authenticité. Or, en matière d'arbitrage électronique,
chaque exemplaire du courrier électronique est un original
assimilé a un écrit et susceptible d'être
authentifié en recourant au procédé de signature
électronique. Eric A. CAPRIOLI, op. cit., p. 8 et s.
4L'exemple type a cet égard est le projet
Virtual Magistrate, lancé en 4 mars 1996 et offre un service d'arbitrage
en ligne; fruit d&une collaboration entre le Cyberspace Law
Institute (CLI) et le National Center for Automated Information Research
(NCAIR). L'objectif premier du projet était
d&étudier le règlement des différends entre
un usager et un opérateur de réseaux ou fournisseur
d&accès Internet, ou encore entre usagers. Le champ
d'intervention du Virtual Magistrate se limitait aux conflits
générés par des messages ou des fichiers au contenu
illégal, par exemple, la contrefaçon d&un droit de
propriété intellectuelle, l&appropriation
i1égale de secrets commerciaux, la diffamation, la fraude, la
concurrence déloyale, le matériel inapproprié
(obscène ou haineux) et l&atteinte a la vie
privée. Le processus d&<< arbitrage >> se
déroulait essentiellement au moyen du courrier électronique. La
partie plaignante référait le conflit au Virtual Magistrate en
répondant a une série de questions relatives a la date du
conflit,
ligne; d'une part l'arbitrage contraignant
(binding-arbitration) et d'autre part, l'arbitrage non contraignant (non
binding-arbitration)1. C'est une différence importante avec
l'arbitrage classique hors ligne. Dans ce dernier cas, la sentence arbitrage
est privée de toute force obligatoire. Au moment de sa communication aux
parties, c'est seulement, la volonté mutuelle des parties au litiges qui
pourrait donner a cette sentence son caractère obligatoire. Le premier
type d'arbitrage ne connalt un succès significatif en
ligne2.
De la sorte, on peut déduire que les mécanismes
alternatifs en ligne prennent en compte les spécificités de
l'Internet et répondent aux attentes des utilisateurs de l'Internet,
soit un règlement rapide et discret de leurs différends, tel est
le cas du Centre de médiation et d'arbitrage de l'OMPI, Virtual
Magistrate, l'Online Ombuds Office, ou du CyberTribunal. Toutefois, la
cyberjustice existe a petite échelle et son champ de compétence
reste limité.
b) Les domaines de recours aux MERL sur Internet
Les MERL ne constituent ni une substitution ni un
affaiblissement a la justice étatique. Ils offrent seulement un meilleur
accès a la justice au regard de certaines matières qui exigent
rapidité et flexibilité. Proprement dit, l'essor des MERL peut
être focalisé autour des <<micro-litiges>> du commerce
électronique et la diffusion des contenus illicites.
aux parties impliquées et au domaine concerné.
Ensuite, le Virtual Magistrate s'engageait, dans la mesure du possible, a
rendre une décision dans les 72 heures de la réception de la
plainte. Des frais de 10 $US étaient facturés au plaignant. Bien
entendu, comme c'est le cas des procédures d'arbitrage se
déroulant dans le monde physique, le processus était volontaire
et fondé sur le consentement des parties de soumettre le conflit a
l'<< arbitrage >>. Le processus en soit restait confidentiel,
seules les décisions devaient être rendues publiques. Ce projet
connaIt un peu de succès Le projet Virtual Magistrate se poursuit
malgré tout sous les auspices de l'Université Chicago- Kent
(
http://www.vmag.org/docs/concept.html
). Karim BENYEKHLEF et Fabien GELINAS, op. cit., p. 113. Emile Lambert
OWENGA ODINGA , op. cit; Cynthia CHASSIGNEUX, op. cit.
1 Thomas SCHULTZ, op. cit., p. 186.
2 La Chambre de commerce et d'industrie de Paris CCIP a
créé en 1995 avec d'autres institutions, le Centre de
médiation et de l'arbitrage de Paris CMAP dont l'objectif est de
régler les différends commerciaux entre les entreprises y compris
ceux liées a l'Internet.
www.cmap.asso.fr . v°
également les service du
www.clicknsettle.com
dans tous les domaines et par plusieurs mécanises; arbitrage,
médiation, et négociation;
www.onlineresolution.com;
www.adr.bbb.org
procédure en ligne exclusivement en anglais par the Better Business
Bureau.
i) Dans le cas des conflits de consommation
Le temps judiciaire n'est pas le temps des entreprises qui
souhaitent principalement éviter au maximum le recours a la justice
étatique en cas de conflit avec un consommateur : ces recours
s'avèrent en effet souvent coüteux, en terme financier, et d'image
et la solution judiciaire est pour le moins incertaine. Cette angoisse grandit
dans le cadre du commerce électronique dans la mesure oü il n'y a
pas de contacte physique entre les parties et du fait de la nature
transnationale des transactions. Dans le même temps, les consommateurs
sont souvent réticents a s'engager dans une procédure judiciaire
dont ils ne maltrisent nile résultat, ni les délais. En outre,
ils expriment parfois une certaine défiance dans les solutions
proposées par les services consommateurs internes des entreprises. Un
processus mené hors de l'entreprise, dont l'objectif serait
principalement d'apporter des solutions négociées, semble pouvoir
répondre aux attentes des deux parties : réduction des coüts
et garantie d'image pour les entreprises, maltrise du processus et du
résultat pour les consommateurs.
Le souci principal des acteurs du commerce électronique
est bien aujourd'hui de donner confiance aux consommateurs1. Cette
confiance, indispensable a l'acte d'achat préalable, passe par plusieurs
moyens, qu'ils soient techniques (sécurisation de payement, livraison
etc.) ou juridiques. S'il est aujourd'hui acquis que, dans un contexte
national, les transactions obéissent aux lois et aux processus de
résolution internes a chaque pays, le développement d'un commerce
international par Internet pose a nouveau la question de la loi applicable en
cas de différend entre un consommateur et une entreprise situés
dans deux pays distincts (loi du pays du consommateur ou loi du pays de
l'entreprise ?). Cette question, ainsi que celle de l'exequatur, est centrale
pour le développement du commerce électronique et pour une lutte
efficace contre les contenus délictueux. Elle doit être
résolue, mais des solutions a court terme semblent difficilement
envisageables.
1 Pour faire face aux défis de la fraude a
l&échelle internationale sur Internet, pour augmenter la
confiance des consommateurs dans le commerce électronique et pour
assurer leur protection, 13 pays, dont la France et l'UE font partie, ont
lancé le site
econsumer.gov, le 24 avril 2001. Ce
projet, découlant d&un effort commun, vise a rassembler
et a faire connaItre les plaintes relatives au commerce électronique
transfrontalier. A côté des renseignements et des conseils
données aux consommateurs au regard de la protection de la vie
privée et de la carte bancaire, le site offre aux consommateurs une
liste de fournisseurs de Règlement alternatif des litiges (RAL).
http://www.econsumer.gov
(consulté le 1Fj mai 2007).
Face a cette situation d'incertitude juridique,
l'émergence de processus alternatifs apparalt donc a certains acteurs
comme un moyen de réintroduire une confiance dans l'acte d'achat
international : en cas de différend, le consommateur aura la
possibilité d'avoir recours a un mécanisme simple et rapide qu'il
pourra en partie contrôler. Ces mécanismes présentent, en
outre, l'intérêt d'avoir un coüt de fonctionnement nettement
plus limité qu'une action en justice au niveau international.
On peut souligner dans ce contexte, le projet
ECODIR1 (Electronic Consumer Dispute Resolution) qui vise a
améliorer l'accès a la justice aux cyberconsommateurs. L'ECODIR a
pour objectif principal de développer et d'explorer une plateforme
technologique de résolution de conflits en ligne pour les transactions
entre consommateurs et commerçants sur l'Internet. Le processus de
règlement de conflits est gratuit et volontaire. La procédure a
une vocation large; elle vise toute transaction passée sur l'Internet.
Le système est configuré pour régler facilement,
rapidement et de manière économique tout type de petit litige. Le
système permet aux commerçants et aux consommateurs de
résoudre leurs conflits en trois temps: négociation,
médiation et recommandation.
Ce processus en trois temps est conçu pour maximiser
les chances des parties d'arriver rapidement a une entente. Si les parties ne
peuvent trouver d'accord lors de la négociation, un tiers neutre, le
médiateur, est nommé par le secrétariat pour assister les
parties et leur permettre de trouver une solution. Le tiers neutre
désigné a l'obligation de signer une déclaration
d'impartialité. Le processus est confidentiel et volontaire. Les parties
peuvent s'arrêter a tout moment et aller devant les tribunaux. Cette
procédure obéit aux principes du contradictoire et de la
transparence. Le système rencontre par ailleurs les critères les
plus stricts de sécurité et de confidentialité.
1 Le projet ECODIR est constitué d'un consortium
composé notamment d'universités européennes et de
partenaires nord américains spécialisés dans la
résolution de conflits sur Internet, dont on trouve le Centre de
Recherches Informatique et Droit (CRID) de l'Université de Namur, le
Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), le Centre de Recherche en
Droit Public (CRDP) de l'Université de Montréal et de la
Faculté de Droit de University College Dublin. Le projet est soutenu par
la Commission européenne.
http://www.ecodir.org/fr/index.htm
(consulté le 15 mai 2007).
2) Dans le cas des conflits liés a un contenu
illicite ou préjudiciable
Beaucoup de ces conflits liés a l'Internet mettent en
jeu la responsabilité des particuliers qui ne sont pas forcément
informés de l'ensemble de la législation pouvant être
appliquée. A titre d'exemple, les questions relatives a la diffamation
peuvent être délicates a appréhender. Au niveau
international, oü les différences de législations peuvent
également être très prononcées (par exemple en ce
qui concerne la différence d'approche de la liberté d'expression
entre l'Europe et les Etats-Unis), des conflits peuvent ainsi naltre en toute
<< bonne foi >>, chacun analysant la situation selon ses propres
critères culturels. A cet égard, le recours a la justice
apparalt, dans ces cas, lourd et inapproprié. Dans un tel contexte, les
MARD peuvent apparaltre comme des moyens simples et souples de <<
pacification >> de ces conflits.
En principe, l'objectif des MARD est de << vider le
conflit de sa substance >>, parce qu'il peut être dü a une
différence d'approche culturelle, chaque partie réagissant selon
son propre droit, prend tout son sens. Les MARD viseraient donc, dans ce cas, a
introduire dans le réseau un élément de <<
proximité >>, et a régler des << conflits de
voisinage >>. L'objectif ne serait donc pas tellement, dans ce cas, de
<< redonner confiance >>, mais de créer, sur un
réseau, par nature complexe et chaotique, un élément de
<< civilité >>, de règles non écrites de bon
voisinage. Dans un tel cas de figure, le role des processus alternatifs serait
donc, plus proche de celui des << juges de paix >> français
qui jugeaient non en droit, mais en équité. Cet aspect de
pacification des conflits joué par les processus alternatifs semble
aujourd'hui l'un des enjeux essentiels de l'appropriation de l'Internet par les
citoyens.
De la sorte, on peut constater que les MARD apparaissent
particulièrement pertinents dans le cas des conflits transnationaux
liés au développement du commerce électronique car ils
offrent un règlement rapide, d'un coüt modéré,
évitant les questions complexes liées au droit international
privé. A ce titre, il y a un modèle qui illustre
l'adaptabilité des MARD a la nature de l'Internet et construit une
concrétisation de la complémentarité a la justice
étatique, c'est la procédure UDRP quel l'on abordera par la
suite.
Section 2 : La procédure de l'UDRP: une
illustration de la réussite des MERL dans la régulation
d'Internet
La procédure UDRP (Uniform Dispute Resolution Policy)
est lancée en 1999 pour répondre aux besoins des titulaires de
marques, alors victimes d'une pratique dénommée <<
cybersquatting >> ou << domain name grabbing >>. Cette
pratique consiste en un enregistrement abusif d'un nom de domaine
générique gTLDs (generic top level domain names) ou
géographique ccTLDs (country codes top level domain names) de premier
niveau en vue de léser le titulaire de droit de marques et lui faire
payer le prix fort pour qu'il récupère le nom de domaine
approprié de mauvaise foi par un autre. Cette procédure
opérant en ligne s'inscrit dans le même registre que les autres
MERL Online Dispute Resolution , et largement inspirée de la technique
des MARD <<Alternative Dispute Resolution >>. On s'interroge
successivement sur l'histoire et la mise en place de la procédure UDRP
et avant de souligner sa nature spécifique a la lumière des
autres modes complémentaires de règlement des
différends.
A. La mise en perspective de la procedure UDRP
Les conflits entre noms de domaine et marques
présentent des caractéristiques inhabituelles devant lesquelles
le système judiciaire ordinaire peut se trouver désarmé.
Le système judiciaire a une base territoriale, ce qui signifie qu'il ne
peut pas toujours proposer une solution satisfaisante a un litige de dimension
mondiale. De plus, les procédures judiciaires peuvent être lentes
et coüteuses, si bien qu'on peut arriver a une situation de fait dans
laquelle il est plus rapide et plus économique pour le
propriétaire d'une marque de racheter ses droits a un nom de domaine que
de s'efforcer de les faire valoir par une procédure
judiciaire1. Cette situation a abouti a l'instauration de la
procédure UDRP; un système transnational de règlement des
litiges pour régler les conflits qui surgiraient entre marques et noms
de domaine. Pour bien saisir la logique de la procédure UDRP, on
commencera par rappelant sa genèse (1), ensuite, on abordera son
fonctionnement et déroulement (2).
1 v0 , le rapport final du premier processus de
l&OMPI sur les noms de domaine de l&Internet,
5juin 1998, disponible sur
http://www.wipo.int/amc/fr/processes/index.html
(consulté le 15 juin 2007).
§i. La genèse de la procedure UDRP
La construction d'un site internent comprend un passage
obligatoire au nom de domaine. Techniquement, chaque ordinateur connecté
au réseau de l'Internet est individualisé par une adresse
numérique qui s'appelle IP/ TCP (Internet Protocol/ Transfer Control
Protocol)1. Celui-ci est composé par quatre groupes des
nombres séparés par des points. Par exemple, l'IP 195.6.62.33
identifie l'ordinateur qui héberge le site de la poste de France. Cette
adresse entièrement numérique et difficile a mémoriser
rend difficile la localisation des sites sur Internet. Pour surmonter cet
obstacle et simplifier l'identification sur le réseau, il a
été décidé de faire correspondre a chaque adresse
IP un nom de domaine (ex <<
www.laposte.com>> ou <<
www.sncf.fr). C'est la traduction
alphanumérique du numéro d'un ordinateur connecté au
réseau; ce nom est plus commode a mémoriser et a utiliser que le
code IP, laforme numérique de cette adresse ))2 . La nature
essentielle de cette adresse alphanumérique3 est a distinguer
d'un site web4 sur Internent; une fonction juridiquement semblable a
celle des signes distinctifs5. Cette mission fonctionne a travers un
système de bases de données et de serveurs assurant la
correspondance entre les noms de domaine ou de sites utilisés par les
internautes et les adresses numériques utilisables par les
ordinateurs.
1 En principe, TCP/IP sont les deux principaux protocoles de
communications entre ordinateurs sur Internet. Ils assurent la communication de
bout en bout entre les deux équipements. L' IP représente le
standard d'adressage, et gère les adresses uniques de chaque station.
Lionel BOCHURGERG, Internet et commerce électronique, Paris,
1erédition, 1999, DALLOZ, Encyclopédie Delmas,
glossaires p. 327: Alain BENSOUSSAN, Internet aspects juridiques, Paris,
Hermes, 1998, p. 29.
2 Jean-Christophe GALLOUX, Droit de la propriété
industrielle, Paris, Dalloz, 2e édition, 2003, p. 559.
3 Un nom de domaine est constitué d&une
suite de caractères (de A a z, de 0 à9 et le tiret) correspondant
au nom d&une société, d&une marque,
d&une association, d&un particulier, etc. ; et
d&un suffixe appelé aussi Top Level Domain TLD (.fr, .de,
.ca, .jp, .net, .com, etc.). Il existe deux grandes catégories
d&extensions : les domaines de premier niveau (TLDs pour Top
Level Domains) et les domaines de second niveau (sLDs).
4 Gautier KAUFMAN, Noms de domaine sur Internet, aspects
juridiques, Vuibert, 2001, p. 7; Céline HALPERN, Guide Juridique et
Pratique, Droit etInternet., Vecchi S.A., 2003, p. 13.
5 Il est particulièrement difficile, au stade actuel de
l&évolution juridique des noms de domaine,
d&en donner une définition précise et certaine,
mais nous pouvons faire quelques propositions. Le professeur Loiseau propose la
définition suivante <<l'enseigne sous laquelle une entreprise
exploite, sur le réseau de l'Internet, un établissement virtuel
auquel une clientele peut s'adresser pour obtenir des biens ou des services
(c'est la boutique électronique) ou s'informer de l'activité
commerciale qu'elle exerce . Grégoire LOISEAU, <<Noms de domaine
et Internet : turbulences autour d&un nouveau signe distinctif
>>, D. 1999, chron., p. 245.
Le système de noms de domaine, d'abord consacré
a l'identification des acteurs d'un réseau scientifique,
universitaire1 et gouvernemental, est devenu en 1995, si l'on s'en
tient aux demandes d'enregistrement, a 97 % commercial. C'est a cette
époque que Network Solutions, Inc. (NSI), une entreprise privée
des Etats-Unis fournissant des services techniques la National Science
Foundation, obtient le mandat de régir les enregistrements de noms de
domaine de manière largement indépendante. En septembre 1995, en
échange d'un engagement maintenant révoqué de verser un
pourcentage des recettes a un fond public spécial, NSI obtient la
permission de son client favori de facturer directement chaque
enregistrement.
A cet égard, il faut souligner qu'il n'est pas
nécessaire de faire valoir des droits de marque ou de
propriété intellectuelle pour obtenir un nom de domaine ~
l'enregistrement se fait plutôt selon le modèle du <<premier
arrivé, premier servi>>. Ce modèle permet, de facto,
l'enregistrement par quiconque d'un nom de domaine correspondant a une marque
de commerce ou de service protégé ainsi que son usage
international illimité. Les titulaires de la marque n'ont
généralement de recours qu'à travers un labyrinthe de
procédures transfrontalières dont les coüts sont
exorbitants. Cette situation a donné lieu au phénomène du
cybersquatting; C'est lefait, pour une personne physique ou morale, de
s'octroyer indi2ment un nom de domaine dans le seul but d'en retirer un
bénéfice direct (en le monnayant auprès d'une personne
ayant des droits ou intérêts légitimes sur ce nom) ou
indirect (en réalisant des bénéfices par exemple grace aux
nombres de connexions au site Internet relié a ce nom de domaine) ~+. Le
procédé le plus courant réside dans le fait d'enregistrer
un nom de domaine reprenant une marque ou une dénomination sociale, de
préférence notoire, pour ensuite le revendre a un prix
exorbitant3. Le cybersquatting4 a pour
conséquence
1 Dr. John Postel (6-o8-1943 - 16-10-1998) est le père
du système des noms de domaine. Il était informaticien a
l'université de Californie du Sud oü il jouait un role clé
dans le développement des IP adresses. Il bénéficiait
d'une bourse de recherche du gouvernement des Etats-Unis. Pendant les
années 1980 et 1990, Dr. Postel exerçait son autorité
personnelle sur le DNS jusqu'à la création d'IANA. V0
www.postel.org
(consulté le 15 mai 2007).
2DI, définition,
http://www.domainesinfo.fr/definition/24/cybersquatting.php
3 Fabien GELINAS, <<Splendeurs et misères de la
célérité: bilan du système de règlement des
différends relatifs a l'adressage Internet >>, Gaz. Pal., 6 juin
2002 n° 157, P. 46
4 Certains pays ont fait le choix d'adopter des
législations spécifiques pour pénaliser la pratique du
cybersquatting. On peut citer a cet égard la loi fédérale
américaine ACPA (Anticybersquatting Consumer Protection Act) du 29
novembre
d'immobiliser le nom de domaine frauduleusement
enregistré au détriment de la personne qui devrait en être
la légitime titulaire.
Soucieuse de la croissance de ce phénomène et
sensible au risque juridique considérable auquel elle s'expose, NSI met
en place dès novembre 1996, par le truchement de son contrat
d'adhésion, une politique de règlement des conflits. Cette
dernière prévoit simplement la suspension jusqu'à
résolution du conflit - par voie judiciaire ou par accord transactionnel
- de l'enregistrement de tout nom de domaine dont un tiers peut établir
qu'il correspond a une marque dont il est titulaire et qui a été
enregistrée avant le nom de domaine1. Cette politique, mise
en place un peu vite avec l'objectif souffre de lacunes considérables en
transformant le problème aux tribunaux judiciaires qui sont
désormais faibles devant l'ubiquité de l'Internet. Cette
situation ne plaisait pas les autres acteurs du réseau.
Au plan normatif, l'adressage Internet est alors régi
par l'Internet Assigned Numbers Authority (IANA), entité
rattachée a l'Information Science Institute de l'Université de
Californie. En 1996, l'IANA, en collaboration avec une organisation non
1999 tendant a sanctionner les agissements des
cybersquatteurs. L'ACPA condamne toute personne qui, de mauvaise foi, a
enregistré un nom de domaine similaire ou identique a une marque,
notoire ou non, dans le but d'en tirer un profit direct ou indirect. Les
condamnations a des dommages et intérêts peuvent aller de 1 000 a
100 000 $. L'ACPA présente la particularité de diriger la
procédure judiciaire contre le nom de domaine lui-même (action in
rem), et non contre une personne (action in personam) puisque les
cybersquatteurs se camouflent généralement derrière de
fausses identités. En plus, la loi s'applique quel que soit la zone
géographique ou générique. Par conséquent, la
compétence territoriale des juridictions américaines s'en trouve
considérablement élargie, "la simple presence de la chose sur le
territoire U.S. servant defondement a l'action" (Pascal Kamina, Action "in rem"
contre l'enregistrement de noms de domaine, Veille de droit
anglo-américain, Propr. Ind., Déc. 2002, p.5. Dans le même
esprit, en France, M. Phiippe-Armand MARTIN (Marne) et plusieurs
députés UMP ont proposé le 15 février 2007
(n°376) une loi visant a luter contre le cybersquatting. L'article
1er de cette loi prévoit une peine d'emprisonnement de deux
ans et d'une amende de 45 000 € dans le cas du cybersquatting dans la zone
.FR Proposition de loi visant a protéger les noms de domaine, disponible
sur le site de l'Ass. Nat.
http://www.assemblee-nationale.fr/12/propositions/pion3726.asp.
Autres pays, comme la Belgique prévoit seulement une
action de cessation de tout enregistrement abusif d'un nom de domaine par une
personne ayant son domicile ou son établissement en Belgique, et de tout
enregistrement abusif d'un nom de domaine enregistré sous le domaine BE.
Loi du 26 juin 2003, relatif a l'enregistrement abusif des noms de domaine en
.BE;
http://www.droit-technologie.org/3
1.asp?legislation id=163\; en ce qui concerne la loi italienne, V0
Guido Scorza, <<Le nom de domaine sous l'ceil de la loi italienne ,
http://www.droit-technologie.org,
4 Aoüt 2000
http://www.droit-technologie.org/21.asp?dossierid=30&motcle=italie&mode=motamot.
1 Le texte de cette politique, qui n'est plus en vigueur, est
reproduit sur un site du Communications Media Center de la Faculté de
droit de l'université de New York :
www.cmcnyls.edu/misc/NSIDNRP3.htm
(consulté le 15 mai 2007).
gouvernementale (The Internet Society), met sur pied un
Comité Internet Ad Hoc (IAHC) en vue d'apporter des changements a un
système de noms de domaine maintenant dépassé par sa
commercialisation effrénée. En février 1997, l'IAHC publie
un document intitulé Generic Top Level Domain Memorandum of
Understanding1 qui prend acte du conflit entre les systèmes
existants de protection des marques et le système d'adressage tel
qu'exploité. Cette initiative tente de combler les carences
constatées, par la création d'un système de
règlement des conflits relatifs aux noms de domaine faisant appel a la
médiation, a l'arbitrage facultatif, et a une procédure dite
<< administrative>> faisant appel a des panels ad hoc
(Administrative Domain Name Challenge Panels). Le but du système,
conçu et mis en place a la demande et avec l'aide de l'Organisation
Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), est d'offrir un
moyen efficace et abordable de régler les litiges en cause sans
remplacer ou supplanter la compétence des juridictions nationales, ou le
droit des usagers d'y avoir recours.
Pour plusieurs raisons largement indépendantes du
système proposé pour le règlement des conflits, le
gTLD-Mou (generic top level domains-memorandum of understanding) n'a pas le
succès escompté; il est très vite écarté par
un gouvernement américain soucieux de se distancer de la gouvernance du
système, tout en prenant acte des critiques ayant exposé les
lacunes d'un système privatisé. Un nouveau processus est donc
initié au début de 1998 par la National Telecommunications and
Information Agency (NTIA), entité rattachée au United States
Department of Commerce, en vue de mettre fin au monopole qu'exerce NSI sur
l'enregistrement des noms dans les domaines a suffixes génériques
de premier niveau (g.T.L.D.s.) non réservés - <<
.com>>, << .net>>, << .org>> 2 . C'est
de ces efforts que nalt en octobre 1998 l'Internet Corporation for Assigned
1 Internet Ad Hoc Committee & Internet Society, Generic
Top Level Domain Memorandum of Understanding,
http://www.gtld-mou.org/
; Rapport final de l'IAHC, 4 février 1997, disponible sur le site
web
www.iahc.org.
2 En principe, l'IAHC a achevé un travail
extraordinaire pour lancer une nouvelle ère dans le système de
nom de domaine en assurant la gestion collective pour le profit de la
communauté internationale. Par contre, les Etats-Unis prévoient
une vision totalement différente. Unilatéralement, en 30 janvier
1998, le gouvernement américain a publié un livre vert (A
PROPOSAL TO IMPROVE TECHNICAL MANAGEMENT OF INTERNET NAMES AND ADDRESSES) sur
le développement et l'avenir de système des noms de domaine afin
de mettre en cause les travaux de l'IAHC. Ce livre a été
rédigé par Ira Magaziner (conseiller de Bill Clinton sur les
nouvelles technologies de l'information), sans aucun dialogue avec la
communauté d'Internet. Le livre vert est disponible sur
www.ntia.doc.gov/.
Names and Numbers (ICANN) 1, organisme a
but non lucratif qui reprend essentiellement les responsabilités de
l'IANA (Internet Assigned Numbers Authority).
Dans le cadre structurel2 de l'ICANN, les
gouvernements différents et les organisations internationales
travaillent en partenariat avec les entreprises et les spécialistes afin
de contribuer a la maintenance de l'Internet. Conformément au principe
d'autoréglementation maximale dans l'économie de haute
technologie, l'ICANN est probablement le modèle le plus pertinent d'une
collaboration entre les membres de la communauté d'Internet a
l'échelle internationale. A travers le système de nommage, une
ressource essentielle de l'Internet, qui est vraiment centralisé et
contrôlable3, contrairement aux autres aspects d'Internet, qui
sont décentralisé, l'ICANN montre un exemple de la gouvernance
technique au niveau mondial. Il. Ce caractère technique permet: ICANN a
le potentiel de changer radicalement la nature d'Internet. En mettant en place
tous les mécanismes nécessaires a la création, a la
promulgation et au
1 Structurellement, elle est une entité transnationale
qui fonctionne par des équipes et des dirigeants de tous pays et
disposant d'un large éventail de compétences. Comme un
modèle de partenariat public-privé, l'ICANN a pour objectif de
préserver la stabiité opérationnelle d'Internet, de
promouvoir la concurrence, d'assurer une représentation globale des
communautés d'Internet, et d'élaborer une politique correspondant
a sa mission1. Sa mission suit une démarche consensuelle
ascendante. Flle est chargée de coordonner la gestion des
éléments techniques du DNS pour assurer la "résolution
universelle" (universal resolvabiity), de sorte que tous les internautes
puissent trouver toutes les adresses valables.
http://icann.org/tr/french.html
2 Structurellement, la plus haute autorité de l'ICANN
est le Conseil d'Administration <<Bureau Directeur >>, qui est
composé d'un président et 19 membres élus, soit par les
internautes, soit par les trois SO (Supporting Organizations ou Organisations
de Soutien). Chaque SO est en charge de l'une des missions spécifiques a
l'ICANN. L'organisme adopte le principe des élections
<<At-large>> qui permet a la communauté des utilisateurs de
l'Internet de participer a l'administration de celui-ci, en lui permettant
d'élire ses représentants au sein du Bureau Directeur. Chacune
des cinq grandes régions de l'ICANN (Europe, Amérique du Nord,
Asie-Pacifique, Afrique, Amérique Latine) sera
représentée. Les électeurs At-large sont appelés a
remplacer les 9 directeurs fondateurs nommés. Pour la première
fois, les élections des 5 premiers directeurs ont pris fin octobre 2000.
Les cinq directeurs at-large ont pour mission de représenter les
utilisateurs de l'Internet et de défendre leurs
intérêts.
3 Techniquement, le système de nommage est
dirigé par treize serveurs de racine de structure pyramidale, a la
tête de laquelle se trouve le serveur de racine qui s'appelle le
maître de la base de données. Géographiquement, les
serveurs sont distribués comme la suivante: neuf sont basés aux
Etats-Unis, deux en Europe (Londres et Stockholm), et un en Asie (Tokyo).
Olivier Iteanu, << L'ICANN; un exemple de gouvernance originale ou un cas
de law intelligence >>, in Les cahiers du numérique; La
gouvernance d'Internet, volume 3 n° 2-2002, Lavoisier, 2002,Les cahiers du
numérique, p. 1 53 et s.
renforcement de la régulation, ICANN rend possible,
pour la première fois, une vraie gouvernance d'Internet
~1.
Dans ce sens, l'Organisation Mondiale de la
Propriété Intellectuelle (OMPI) a contribué avec l'ICANN a
l'élaboration d'un système transfrontière de
règlement des litiges relatifs aux noms de domaine. S'inspirant dans ses
recommandations initiales du Generic Top Level Domain Memorandum of
Understanding qu'elle avait contribué a rédiger, l'OMPI lance un
processus de consultations a l'échelle internationale. Etats membres,
organisations intergouvernementales, associations professionnelles et
intervenants du milieu Internet sont consultés sur une période de
neuf mois. Un rapport final est déposé le 30 avril 1999, dans
lequel l'organisation internationale propose a l'ICANN de mettre en place une
politique uniforme de traitement des litiges liés aux noms de
domaine2. Suite a une seconde période de consultation, les
principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges
relatifs aux noms de domaine (ci-après les principes directeurs) sont
adoptés par l'ICANN le 26 aoüt 1999 après avoir
été modifiés sur certains points3. Les
principes directeurs seront par la suite complétés par l'adoption
le 24 octobre 1999 des règles d'application des principes
directeurs4 (ci-après les règles d'application) qui
énoncent les détails a caractère procédural du
système pris dans son ensemble (ci-après la procédure
UDRP).
La responsabilité d'administrer la procédure de
règlement des litiges est confiée a des fournisseurs de tels
services agréés par l'ICANN, comme suit : l'Organisation
1 Hans KLEIN, <<ICANN et la gouvernance d'Internet
>> in Les cahiers du numérique ; La gouvernance d'Internet, op.
cit., p. 107.
2 Le rapport est disponible en six langues; l'anglais, le
français, l'espagnol, le japonais et le russe. Consultable sur
http://arbiter.wipo.int/processes/process1/report/index-fr.html.
Le 28 juin 2000, l'OMPI a été invitée par le
gouvernement de l'Australie et par 19 autres de ses états membres a
entamer un deuxième processus de consultations sur les noms de domaine
de l'Internet afin de traiter certains aspects et conflits de
propriété intellectuelle survenant dans le système des
noms de domaine de l'Internet (DNS), qui était restés en suspens
après le premier processus de consultations de l'OMPI. En réponse
a cette demande, l'OMPI a entamé, le 10 juillet 2000, un second
processus de consultations sur les noms de domaine de l'Internet, qui a permis
d'examiner ces questions en suspens dans le cadre de consultations en ligne et
a l'occasion de rencontres régionales. Ces consultations ont abouti a un
rapport final, qui a été publié le 3 septembre
2001, et il a été soumis aux états membres de l'OMPI et
aux acteurs de l'Internet tels que l'ICANN :
http://www.wipo.int/amc/fr/processes/process2/index.html
3
http://www.wipo.int/amc/fr/domains/guide/index.html,
V° annexe 1. 4
http://www.wipo.int/amc/fr/domains/guide/index.html
V° annexe 2.
Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI),
agréée le 1er décembre 1999, le National Arbitration Forum
(NAF) agréé le 23 décembre 1999, eResolution,
agréée le 1er janvier 2000 (Cette entreprise a cessé de
trancher des litiges relatifs aux noms de domaine le 30 novembre 2001),
l'institute for Dispute Resolution (CPR), agréé le 22 mai 2000,
et plus récemment le Asian Domain Name Dispute Resolution Centre
(ADNDRC), approuvé le 28 février 2002. Ces organes
agréés, fournisseurs de services de règlement des
différends, sont mis en concurrence, car ils sont saisis par l'une des
parties, qui choisit son fournisseur en fonction des prix et services, ou en
fonction de tout autre facteur qui peut lui sembler pertinent.
Effectivement, l'OMPI est devenue la première
référence internationale dans l'application de l'UDRP1. La
légitimité du centre de l'OMPI réside dans son
émanation onusienne2, ainsi que sa gestion des droits de la
propriété intellectuelle. Il a traité plus de 8350 litiges
portant sur environ 16000 noms de domaine depuis l'entrée en vigueur de
l'UDRP en décembre 1999, dont 96,41% de ces plaintes ont
été réglées et dans 83,9%, les commissions
administratives de l'OMPI se sont prononcées en faveur des plaignants.
En 2005, le centre de médiation de l'OMPI a enregistré une
augmentation de 20% des plaintes. En tout, 1456 affaires ont été
gérées par le centre de médiation de l'OMPI (en moyenne 4
plaintes UDRP ont été déposées chaque
jour)3. Il s'agit d'un record depuis 2001. Pourtant, la vraie
spécificité de la procédure UDRP réside de sa
nature spéciale, soit au niveau les autres formes de résolution
des litiges en ligne qu'au niveau des modes alternatifs de règlements
des différends.
1Interview, par Stéphane VAN GELDER,
Publié le mercredi 25janvier 2006, DI. Interview. Le Centre de l'OMPI a
été la première institution de règlement des
litiges agréée par l'ICANN et la première a laquelle des
litiges ont été soumis en vertu des Principes UDRP. Son
expérience dans le domaine de l'administration des litiges relatifs au
nom de domaine découle de son engagement dans le processus
international mené par l'OMPI a la demande de ses 175 Etats membres
qui a abouti a l'établissement des Principes UDRP et de ses
Règles d'application.
2Eric A. CAPRIOLI, op. cit., p. 87.
3 Cette augmentation a été prévue aussi
dans d'autres centres. Le NAF a réglé en 2005, 25% plus des
plaintes a 2004. En 2005, 1369 affaires ont été
enregistrées, en faisant le plus haut nombre de cas administré
depuis que le NAF a été nommée par l'ICANN. Selon M. F.
Dorrain, le Conseil légal du NAF, << We are seeing an increase in
domain dispute cases due to the natural increase in the number of people using
the Internet, yet it is also due to the increasingly automated nature of the
domain registration process >>. Disponible sur
http://www.arbforum.com/domains/news.asp?id=86
§2. La nature sui generis de la procedure UDRP
La procédure de l'UDRP dispose une certaine
spécificité, due a sa fonction, son objectif ainsi que sa
présence sur Internet. De même, la procédure se
représenté comme un procédure suis generis au sein de la
famille des MARD.
a) La spécificité propre a la
procédure UDRP
La première spécificité de la
procédure UDRP est son champ d'application. En effet, la
procédure a une portée doublement limitée. D'une part, la
procédure s'applique aux noms de domaine génériques de
premier niveau (.com, .net, .org, .biz, .info, .name)1. Certains
zones géographies ont leurs propres mécanismes de
résolution des ligies en ligne; tel est le cas dans la zone
.FR2 ou .EU3. De l'autre part, la procédure UDRP
est une
1 Dans l&hypothèse oü un litige
porterait sur un nom de domaine enregistré dans un domaine correspondant
a un code de pays (ccTLD), les Principes directeurs peuvent également
s&appliquer, a condition que l&administrateur du
ccTLD concerné a volontairement adopté les Principes UDRP.
2 Afin d'accompagner la libéralisation du ii mai 2004
de la charte de nommage francaise, l'Association francaise pour le nommage
Internet en coopération (AFNIC), chargée de l'attribution des
noms de domaine dans la zone .fr, a lancé en septembre 2004, une
procédure alternative de résolution des litiges en ligne (PARL)
relatifs aux noms de domaine déposés dans la zone << .fr
>>. Le but de ce mécanisme de règlement de litiges est de
vérifier que le titulaire du nom de domaine ne porte pas atteinte aux
droits des tiers. Pour ce faire, deux méthodes de procédures de
résolution des litiges sont mises en uvre, dont chacune est
administrée par un organisme différent et repose sur un
règlement distinct.
- La première est la PARL par une
<<recommandation en ligne >>, administrée par le Centre de
Médiation et d&Arbitrage de Paris (CMAP). Cette
procédure permet a toutes les parties d&un litige relatif
a un ou plusieurs noms de domaine, de confier, d&un commun
accord, a un <<tiers aviseur>> désigné par le CMAP,
la mission de formuler une <<recommandation >>. Le << tiers
aviseur >> intervient pour faciliter l&émergence
d&une solution amiable.
- La deuxième est la PARL par une
<<décision technique >>, administrée par le Centre de
Médiation et d&Arbitrage de l'Organisation Mondiale de la
Propriété Intellectuelle (OMPI). Cette procédure est un
mécanisme type de la UDRP. Il s&agit d&une
procédure contraignante a laquelle le titulaire du nom de domaine
litigieux ne peut se soustraire. Il est tout de même possible de
soumettre, a tout moment, le litige a un tribunal compétent. Il faut
rappeler que cette procédure acquiert un vaste champ d'application, et
qu'elle est ouverte pour protéger les différents droits des
tiers2, et pas exclusivement les marques. Sous cet angle, la
pratique de l'OMPI semble avoir un point de vue different de celui de la UDRP
au regard l'application du principe de spécialité.
Sur la PARL, Brunot, <<La procédure alternative
de résolution de litiges (PARL) en matière de noms de domaine
fête ses un an: premier bilan et perspectives >>, Gaz. Pal.,
octobre 2005, p. 28 et s; les règles de la PARL sont disponibles sur
http://www.afnic.fr/doc/ref/juridique/parl.
3 Le principe de mise en uvre d'une politique de
résolution extrajudiciaire des conflits ADR (The alternative dispute
resolution) dans la zone << .eu>> a été posé
par l'article 5 du règlement CE N° 733/2002 du Parlement
européen et du conseil, du 22 avril 2002. Le cadre de cette politique
qui réglemente des différends a été
complété par le règlement CE
réponse au phénomène du cybersquatting et
elle s'applique uniquement en cas de litige avec les droits de marque et un nom
de domaine enregistré abusivement. Elle ne vise cependant pas a
régler tous les types de litiges entre noms de domaine et marques. En
effet, cette procédure ne s'applique qu'aux conflits en cas de fraude et
non dans l'hypothèse d'atteintes plus traditionnelles aux marques. De
même, les conflits avec d'autres droits de propriété
intellectuelle, tels que les appellations d'origine, les droits d'auteur, les
droits de la personnalité ne relèvent pas de cette
procédure.
La deuxième spécificité réside
dans le fait que la procédure UDRP est une procédure obligatoire
mais non exclusive. Selon l'article 4.a) des principes directeurs les
unités d'enregistrement des noms de domaine prévoient, une clause
par laquelle le déposant s'engage t se soumettre t la procédure
UDRP dans l'hypothèse oü un tiers revendiquerait la
propriété du nom de domaine enregistré. Autrement dit, la
conclusion du contrat d'enregistrement en ligne emporte une acceptation t
soumettre t la procédure administrative et aux principes qui la
gouvernent. Cette obligation est nécessaire pour la mise en cuvre du
mécanisme d'auto-exécution de l'UDRP.
Le détenteur du nom de domaine est lié par son
contrat d'enregistrement avec l'un des nombreux registraires maintenant
agréés par l'ICANN. Mais avant d'obtenir ce statut auprès
de l'ICANN, le registraire a dii s'engager a adopter les principes directeurs
pour le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine, et
a insérer la clause nécessaire dans ses contrats
d'enregistrement. Ces contrats d'enregistrement sont des contrats
d'adhésion, ce qui fait que la procédure UDRP finit par
s'appliquer a tous les noms de domaines a suffixe générique de
premier niveau (gTLDs) non réservés. Cette logique repousse les
difficultés touchant a l'exécution transfrontalière des
décisions de
no 874/2004 de la commission européenne, du
28 avril 2004. En principe, cette politique possède effectivement une
double vocation. D'une part, elle tend a régler les différends
liés a des décisions individuelles prises par le registre EURid
contraires aux règlements de 2002 (art. 4.2-d) et 2004 (art. 22.1-b).
D'autre part, la politique vise a empêcher les enregistrements
spéculatifs et abusifs des noms de domaine (Rgt 2004, art. 21), par une
procédure rapide et moins coüteuse, basée sur les
recommandations de l'OMPI. En 12 avril 2005, EURid a désigné la
Cour d'arbitrage tchèque (chargée aussi de régler les
litiges du ccTLD .Cz), rattachée a la chambre économique et
d'agriculture de la République tchèque en tant que prestataire de
services de règlement extrajudiciaire des litiges relatifs aux noms de
domaine <<.eu >>. V EURid le le site EURid
http://www.eurid.eu/content/view/ig0/i/;
le site de la Cour d'arbitrage tchèque
http://www.adreu.eurid.eu/.
justice, difficultés bien connues des opérateurs
du commerce international. On constate aussi une parfaire instrumentalisation
du contrat dans le processus de la régulation.
Par contre, selon article 4(k) des Principes directeurs, le
maintien du recours aux tribunaux judiciaires, est expressément
prévu. Il n'est pas interdit aux parties de porter le litige devant un
tribunal compétent avant, ou pendant le déroulement de la
procédure, même avant la cloture de la
procédure1. De même, il est possible de faire obstacle
a la mise en oeuvre de la décision en introduisant un recours judiciaire
devant les tribunaux d'une juridiction compétente dans les dix jours de
la notification de la décision2.
En d'autres termes, les décisions sont privées
de l'autorité de la chose jugée in bes indem. Les tribunaux
peuvent alors procéder au réexamen d'un litige ayant fait l'objet
d'une décision UDRP. Contrairement a une procédure plus
traditionnelle, qui lierait les parties en cause, la procédure UDRP ne
semble avoir d'effets contraignants que sur le registraire qui doit mettre en
oeuvre la décision3. Le mécanisme UDRP n'implique donc
aucun renvoi de la part des tribunaux judiciaires, qui seraient
néanmoins saisis, ni produit d'effets exécutoires au sens des
législations et des traités sur la reconnaissance et
l'exécution des sentences arbitrales.
Pour ce qui est des remèdes, la procédure UDRP
les limite a l'annulation de l'enregistrement du nom de domaine contesté
ou au transfert de celui-ci a la partie qui obtient gain de cause en demande.
En pratique, le demandeur est forcé d'exiger le transfert et de payer
les frais initiaux et annuels d'enregistrement que cela implique sauf a avoir
la mauvaise surprise de retrouver le nom de domaine en cause << sur le
marché>>, oü, quiconque, y compris le défendeur
évincé, a le loisir, moyennant paiement, de s'en rendre
titulaire. En d'autres termes, le système ne permet pas le <<
gel>> gratuit et permanent d'un nom de domaine que l'on voudrait voir
retiré de la circulation. Il n'est par ailleurs pas permis a la
commission d'ordonner le versement de dommages-intérêts
1 Rapport final OMPI, para. 150 indique que : ((En
particulier, une partie devrait être libre d'intenter une action devant
le tribunal national competent au lieu d'engager une procedure administrative,
si elle prefère procéder ainsi, et elle devraitpouvoir obtenir le
réexamen d'un litige qui afait l'objet de la procedure
administrative.x
2 Alexandre CRUQUENAIRE, Le Règlement extrajudiciaire
des litiges relatifs aux noms de domaine, Bruylant, Bruxelles, 2002, p.
40-41.
3 Nathalie DREYFUS-WEILL, <<La procédure en ligne:
une solution dans les conflits entre noms de domaine et marques? >>, Gaz.
Pal., 14 mars 2000, n° 52, P. 4.
au terme de cette procédure qui dépasseraient la
logique d'<< auto-exécution>> du système.
b) La spécificité de la procédure de
l'UDRP au sein des MARD
On appelle la procédure UDRP d' << administrative
>>. Pour autant, les deux parties a cette procédure
relèvent du droit privé et la procédure est très
loin du but d'intérêt publicl. En fait, il s'agit d'une
procédure d'un genre nouveau. Elle appartient incontestablement aux
modes complémentaires de règlement des litiges sans pouvoir
être classée parmi une de leurs catégories
préexistantes. Du premier vue, l'UDRP s'approche de l'arbitrage dans la
mesure oü le tiers distinct impose une solution aux parties et ne joue pas
le role pacificateur comme dans le cas de la médiation ou de la
conciliation. En plus, l'UDRP se déroule dans un cadre institutionnel
qui présente par ailleurs certaines caractéristiques que l'on
retrouve dans les procédures arbitrales, et qui sont exposées en
particulier aux articles 7, 10 et 15 des règles d'application
UDRP2:
1 Phiipe GILLIERON, La procedure de resolution en ligne des
conflits relatifs aux noms de domaine, Publication de Centre du droit de
l'entreprise - droit industriel, droit d'auteur, droit commercial de
l'université de Lausanne CEDIDAC, diffusion Litec, 2002, p. 25.
2Article 7. Impartialité et
indépendance. Tout membre d'une commission doit être impartial et
indépendant et, avant d'accepter sa nomination, doit faire connaItre a
l'institution de règlement toute circonstance de nature a soulever un
doute sérieux sur son impartialité ou son indépendance.
Si, a un moment quelconque de la procédure administrative, apparaissent
des circonstances nouvelles de nature a soulever un doute sérieux sur
l'impartialité et l'indépendance du membre de la commission,
celui-ci fait immédiatement connaItre ces circonstances a l'institution
de règlement. Dans un tel cas, l'institution de règlement a tout
latitude pour nommer un suppléant.
Article 10. Pouvoirs généraux de la
commission.
a) La commission conduit la procédure administrative de
la façon qu'elle juge appropriée, conformément aux
principes directeurs et aux présentes règles.
b) Dans tous les cas, la commission veille a ce que les parties
soient traitées de façon égale et a ce que chacune ait une
possibiité équitable de faire valoir ses arguments.
c) La commission veille a ce que la procédure soit
conduite avec célérité. Exceptionnellement, elle peut, a
la demande d'une partie ou d'office, proroger un délai fixé par
les présentes règles ou par elle-même.
d) La commission détermine la recevabiité, la
pertinence, la matérialité et le poids des éléments
de preuve. e) La commission statue conformément aux principes directeurs
et aux présentes règles sur toute demande de jonction de
procédures présentée par une partie en cas de litiges
multiples portant sur des noms de domaine. Article 15. Décisions de la
commission.
a) La commission statue sur la plainte au vu des écritures
et des pièces qui lui ont été soumises et
conformément aux principes directeurs, aux présentes
règles et a tout principe ou règle de droit qu'elle juge
applicable [...1 c) Si la commission est composée de trois membres, elle
adopte ses décisions a la majorité.
exigence d'indépendance et d'impartialité des
experts membres de la commission administrative, confidentialité,
traitement équitable des parties, libre appréciation des preuves.
Néanmoins, quatre points majeurs différencient 'UDRP de
l'arbitrage.
En premier lieu, l'UDRP n'est pas une substitution d'une
procédure judiciaire puisque les parties peuvent abandonner la
procédure a tout moment, contrairement a l'arbitrage. La
procédure UDRP est effectivement une complémentarité a la
procédure judiciaire1 comme les autres MARD.
En deuxième lieu, l'arbitrage est basé sur le
consensus entre les parties, au contraire, il n'y a pas une base
conventionnelle entre le demandeur a la procédure UDRP (soit le
détenteur du droit de marque) et le titulaire du nom de domaine
enregistré. Autrement dit, l'UDRP ne peut pas être
qualifiée d'arbitrage dans la mesure oü les parties ne sont pas
liées contractuellement par un compromis d'arbitrage.
En troisième lieu, une fois rendue, la sentence
arbitrale passe en force de chose jugée, elle n'est plus susceptible de
voies de recours ordinaires. A contrario, l'article 4.k des principes
directeurs envisage la possibilité d'engager une procédure devant
les juridictions judiciaires dans les dix jours ouvrables a partir de la
décision du panel, ce qui permettre de réexaminer la plainte de
nouveau sur le fond.
Enfin, pour obtenir l'exécution forcée de la
sentence arbitrale, il faudra requérir l'exequatur de celle-ci devant
les tribunaux (de grande instance en France). Alors la sentence deviendra un
titre exécutoire. A contrario, la décision UDRP est susceptible
d'exécution forcée de manière électronique sans le
préalable d'exequatur. Cela dit, il nous semble que la procédure
UDRP est la décision du panel se situe stricto sensu << en dehors
des frontières de l'arbitrage >>2 . Cette qualification
a été aussi retenue par la jurisprudence
française1 et aussi américaine2.
d) La décision de la commission est formulée par
écrit, motivée, indique la date a laquelle elle a
été rendue et comporte le nom de l'expert unique ou des membres
de la commission [...].
1 L'article 18 des règles d'application UDRP envisage
la possible interaction des procédures judiciaire et de l'UDRP: ~
lorsqu'une procédurejudiciaire a été engagée avant
ou pendant la procedure administrative concernant le litige sur le nom de
domaine quifait l'objet de la plainte, il appartient a la commission de decider
de suspendre ou de clore la procedure, ou de la poursuivre et de rendre sa
decision. ~
2 Charles JARROSSON, << Les frontières de
l'arbitrage >>, Rev. arb. , 2001, p.5-41; Pierre LASTENOUSE, <<Le
règlement Icann de résolution uniforme des litiges relatifs aux
noms de domaine >>, Rev. arb. 2001, n° 1, p. 95 Thomas SCHULTZ, op.
cit., p. 190. ; Olivier CACHARD, <<Les modes électriques de
règlement des litiges MERL >>,
comm. com.
Dans ce contexte, une autre proposition serait de classer la
procédure UDRP parmi les tierces-décisions obligatoires (sur la
base de l'article 1134 du code civil); un processus par lequel les parties
confient a un tiers, qui n'est ni juge ni arbitre mais leur mandataire commun,
la mission de prendre une décision qui s'impose a elles, de la
même manière qu'un contrat. Cette procédure n'est pas
revêtue de l'autorité de chose jugée, n'est pas susceptible
d'exequatur, n'est pas soumise aux dispositions légales relatives a
l'arbitrage, elle s'impose aux parties avec la force d'un contrat. Un tel
rapprochement doit être rejeté dans la mesure oü la
procédure UDRP a un caractère obligatoire (pour le titulaire du
nom de domaine) au contraire de la procédure du tiers décideurs,
tranchée par voie contractuelle.
En effet, le mécanisme de résolution des litiges
par la procédure UDRP s'inscrit dans la logique de
l'autorégulation du cyberespace et le mouvement de la production des
élec., décembre 2003, chroniques 30, p. 26.
Contra, certains estiment que la procédure de l'UDRP est une sorte
d'arbitrage de manière dématérialisée, Pierre-Yves
GAUTIER, <<Arbitrage et Internet >>, Droit et patrimoine,
no 105, mai 2002, pp. 88-91.
1 Dans l'affaire Miss France, la CA de Paris a refusé
de qualifier comme sentence arbitrale, une décision rendue dans le cadre
de la procédure UDRP: le mécanisme administratif proposé
par l'ICANN dans l'intérêt de la gestion du système des
noms de domaine en vue de demander a des experts, tout en protégeant
d'un recours les responsables du système d'adressage, de se prononcer,
sous réserve de la vérification des tribunaux, sur certains
aspects spécifiques du contentieux découlant pour le titulaire
d'un droit de marque, de l'enregistrement ou de l'usage abusif d'un nom de
domaine, ne constitue pas un arbitrage . CA Paris, 1ère ch., sect. C, 17
juin 2004, Monsieur Michel Le P. Association Internationale des concours de
beauté pour les pays francophones (Miss Francophonie) c/
Société Miss France Association Comité Miss France, Miss
Europe, Miss Univers; DI Cah. jurid., jurispr., et le commentaire
d'E. Gillet, Une décision UDRP n'est pas une sentence arbitrale, DI
Cah. jurid., chron., 22 sept. 2004 ; Juris-Data n° 2004- 247553 ;
Forum des Droits sur l'Internet;
Legalis.net; Gaz. Pal. 4
déc. 2004, n° 339, p. 51 ; Frédéric GLAIZE,
<<Une décision rendue par le Centre d'arbitrage et de
médiation de l'OMPI est-elle une sentence arbitrale? >>, RLDI
2005/1, Eclairage n° 3, p. 13 ; Patrice DE CANDE, <<Ni un arbitrage
ni une médiation >>, Expertises, janv. 2005, p. 25 ; Christophe
CARON, <<La procédure UDRP ne rime pas avec arbitrage , Com. com.
electr. 2005, Comm. n°38 ; Pascal TREFIGNY, <<Noms de domaine : la
procédure de médiation en matière de noms de domaine
(principes UDRP) : Recours, mode d&emploi >>, Propr. ind.
n° 1, Janv. 2005, comm. 6 ; Gérard CHABOT,
<<Irrecevabiité d&un recours judiciaire en
annulation contre une décision ICANN non constitutive
d&une sentence arbitrale >>, JCP G, 13 octobre 2004,
n°43, II 10156.
2 La Cour fédérale du district Nord de
l'Illinois (Weber-Stephen Products Co. v. Armitage Hardware and Building
Supply, mnc) a décidé le 3 mai 2000 que les sentences rendues
dans le cadre de la procédure UDRP n'avait pas de force obligatoire dans
l'ordre juridique américain, au contraire d'une sentence arbitrale.
Pierre-Emmanuel MOYSE, <<La force obligatoire des sentences arbitrales
rendues en matière de noms de domaine >>,
Juriscom.net, 10 octobre, disponible
sur
http://www.juriscom.net/pro/2/ndm20001010.htm
( consulté le 20 mai 2007).
normes par les acteurs privés afin de réguler
d'une manière globale un secteur d'activité sur le réseau.
Ce registre spécifique dans lequel fonctionne la procédure UDRP,
impose effectivement une nature sui generis1 et une certaine
originalité2 par rapport les autres modes préexistants
des MARD.
B. La structure et lefonctionnement de laprocédure
UDRP
Toute personne ou entreprise, partout dans le monde, peut
déposer une plainte au sujet d'un nom de domaine, soit dans les domaines
génériques (.com, .net, .org, .biz, .info et .name), ou n'importe
quel autre nom de domaine géographique (.fr, .de, .ca), en recourant a
la procédure administrative (2) régie par certains principes
(1).
§i. Les principes réagissant la procedure UDRP
D'abord, il convient de souligner que la procédure UDRP
vise en effet a faciliter l'exercice par les titulaires de marques de droits de
propriété intellectuelle existants. Il ne s'agissait aucunement
de redéfinir et d'harmoniser a l'échelle internationale les
droits respectifs des titulaires de marques et des personnes susceptibles d'en
faire usage. En l'absence d'une telle harmonisation, la procédure UDRP
se voit comme une solution pragmatique de résoudre les litiges
transfrontièrs entre les marques et les noms de domaine.
Le fonctionnement de ce système UDRP est décrit
dans un document intitulé <<principes directeurs ))3
régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms
de
1Philipe GILLIÉRON, op. cit., p. 29 :
Alexandre CRUQUENAIRE, op. cit., p. 30 ; ANDRÉ R. BERTRAND, Le Droit des
marques, des signes distinctifs et des noms de domaine : droitfrancais, droit
communautaire et droit international, Paris, CEDAT, 2e
édition, 2002, p. 579.
2 Gautier KAUFMAN, Noms de domaine sur Internet: aspects
juridiques, Paris, Vuibert, 2001, p. 172; Nathalie BEAURAIN Emmanuel JEZ, Les
noms de domaine de l'Internet: aspects Juridiques, Paris, Litec, 2001, p. 99.
3Ces principes fixent le cadre juridique du règlement des
litiges entre les détenteurs de noms de domaine et des tiers
(c'est-à-dire toute partie autre que l'unité d'enregistrement) au
sujet de l'enregistrement et de l'utilisation abusifs d'un nom de domaine de
l'Internet dans les gTLDs (.com, .net, .org, .biz, .info et .name) et les
ccTLDs qui ont volontairement adopté ces Principes UDRP. Ils se
composent de 9 principes. Le premier principe rappelle la base contractuelle
sur laquelle repose l'engagement du déposant de se soumettre a la
procédure UDRP en cas de litiges avec un tiers afférent a
l'enregistrement du nom. Le troisième principe énonce les mesures
que l'organe de règlement des différends pourra prendre
(annulation, transfert, modification de l'enregistrement du nom de domaine)
dans trois hypothèses : sur instruction du déposant, sur
ordonnance d'un tribunal ou d'une instance arbitrale, suite a la
décision
domaine, adopté le 26 aoüt 1999, et
approuvé par l'ICANN le 24 octobre suivant. Des documents d'application
complètent ces principes directeurs : il s'agit, d'une part, des
<<règles d'application des principes directeurs régissant
le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de
domaine1 et, d'autre part, des règles dites
<<supplémentaires 2 éventuellement
adoptées par les centres d'arbitrage et de médiation
agréés par l'ICANN.
Les conditions d'application de la procédure UDRP sont
précisées par l'article 4 des principes directeurs, qui est
évidemment au c ur du fonctionnement de la procédure. Selon
l'article 4,a) la procédure s'applique en présence de trois
conditions qui sont cumulatives oü il appartient au requérant de
faire la preuve de leur réunion.
d'un organe de règlement des différends en
application de la procédure UDRP. Le quatrième principe
s'intitule <<la procédure administrative obligatoire >>.
L'accent sera mis sur cet article vu qu'il constitue le c ur de la
procédure. Le sixième principe indique que l'ICANN ne fait pas
partie des litiges soumis. Le dernier principe accorde a l'ICANN le droit de
modifier a tout moment les procédures.
1 Ces règles permettent la mise en uvre des Principes
directeurs. Elles se composent de 21 articles relatifs a une série de
définitions (art.1), aux modalités de communication de la plainte
(art.2), aux personnes habiitées a introduire une plainte et sous quelle
forme (art.3), a la procédure de notification de la plainte (art.4), a
la réponse (art.5), a la nomination de la commission et au délai
pour prononcer la décision (art.6), aux exigences d'impartialité
et d'indépendance de la commission (art.7), aux pouvoirs de la
commission (art.1o), a la langue de la procédure (art.11), a l'exclusion
des audiences en personne (art.13), a défaut (art.14), aux
décisions de la commission (art.15), aux transactions et autres modes de
cloture de la procédure (art.17), a l'incidence de procédures
judiciaires (art.18), etc. V Ces règles permettent la mise en uvre des
Principes directeurs. Elles se composent de 21 articles relatifs a une
série de définitions (art.1), aux modalités de
communication de la plainte (art.2), aux personnes habiitées a
introduire une plainte et sous quelle forme (art.3), a la procédure de
notification de la plainte (art.4), a la réponse (art.5), a la
nomination de la commission et au délai pour prononcer la
décision (art.6), aux exigences d'impartialité et
d'indépendance de la commission (art.7), aux pouvoirs de la commission
(art.1o), a la langue de la procédure (art.11), a l'exclusion des
audiences en personne (art.13), a défaut (art.14), aux décisions
de la commission (art.15), aux transactions et autres modes de cloture de la
procédure (art. 17), a l'incidence de procédures judiciaires
(art. 18), etc. V0 annexe n02.
2 Les règles supplémentaires sont
édictées par les différents organes de résolution
des litiges. Ces organes sont aujourd'hui au nombre de cinq: l'Asian domain
name dispute resolution centre (ADNDRC), le CPR institute for dispute
resolution, l'eResolution (eRes), le national arbitral forum (NAF) et enfin le
fameux centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI. Ces règles
impliquent d'une manière générale des précisions
par rapport les moyens de communication, la formalité de
dépôt d'une plainte, les honoraires, ainsi qu'une condition
d'exonération de responsabilité du panel tranchant le litige,
V0 par exemple les règles supplémentaires de l'OMPI
pour l'application des principes directeurs régissant le
règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine.
http://www.wipo.int/amc/fr/domains/rules/supplemental/index.html
i) Le nom de domaine est identique ou semblable au point de
prêter a confusion avec une marque de produits ou de services sur
laquelle le requérant a des droits;
ii) Le déposant n'a aucun droit ni aucun
intérêt légitime a l'égard du nom de domaine; iii)
Le nom de domaine a été enregistré ou utilisé de
mauvaisefoi.
Pour rapporter la preuve de la mauvaise foi du
déposant, le requérant devra établir une des circonstances
énumérées a l'article 4,b) Cette liste n'est pas
exhaustive. Elle implique quatre hypotheses essentielles:
i) le nom de domaine a été acquis ou
enregistré aux fins de vendre, de louer, ou céder d'une autre
manière l'enregistrement au requérant ou a un concurrent de
celui-ci, a titre onéreux et pour un prix excédant le montant des
frais que le défendeur peut prouver avoir déboursés en
rapport direct avec le nom de domaine litigieux;
ii) le nom de domaine a été enregistré
en vue d'empêcher le propriétaire de la marque de reprendre son
signe sous forme de domaine et le défendeur est coutumier de ce genre de
pratiques;
iii) le nom de domaine a été principalement
enregistré en vue de perturber les opé rations commerciales d'un
concurrent;
iv) par l'utilisation du nom de domaine, le défendeur
a sciemment tenté d'attirer, a des fins lucratives, les utilisateurs de
l'Internet sur un site web ou un autre espace en ligne lui appartenant, en
créant la probabilité de confusion avec la marque en ce qui
concerne la source, le commanditaire, l'affiliation ou l'approbation de son
site web ou espace en ligne ou d'un produit ou service qui y est
proposé.
Par ailleurs, l'article 4,c) propose une liste non exhaustive
des intérêts légitimes invocables par le déposant
afin de justifier l'utilisation du nom de domaine litigieux1.
i) avant d'avoir eu connaissance du litige, le
défendeur a utilisé le nom de domaine ou un nom y correspondant
en relation avec une offre de bonnefoi de biens ou de services, ou avec des
préparatifs sérieux a cet effet;
ii) le défendeur est connu sous le nom de domaine
litigieux, même sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou
de services;
1 Pour une vue d'ensemble sur le fonctionnement de la
procédure, Nathalie DREYFUS, << Le fonctionnement de la
procédure UDRP >>, pp. 63-82, in Marque et noms de domaine de
l'Internet, Droit des technologies avancées DTA, volume 8, Paris, Hermes
Science publication, 2001.
iii) le défendeur fait un usage non commercial
légitime ou un usage loyal du nom de domaine sans intention (soit) de
détourner a des fins lucratives les consommateurs en créant une
confusion (soit) de ternir la marque en cause.
Par ailleurs, il faut remarquer que les droits nationaux ne
sont pas totalement exclus dans le processus décisionnel de la
procédure UDRP. Selon le texte du rapport, les commissions de
décideurs, en définissant l'enregistrement abusif, devaient se
référer, dans la mesure nécessaire, a la
législation ou aux règles de droit qu'ellesjugent applicables
compte tenu des circonstances de l'espèce,l, ce qui implique
la possibilité d'appliquer un droit national de manière
intégrale et peut s'interpréter comme une invitation a faire
recours aux règles de conflit pertinentes. Cependant, la formule finale
se rétrécit pour enfin se perdre au milieu d'une disposition dont
la rédaction est pour le moins étrange. Celle-ci dispose en effet
que la commission statue << conformément aux principes directeurs,
aux présentes règles et a tout principe ou règle de droit
qu'elle juge applicable >>. Le résultat prévisible de cette
formule est que le droit national a été mis au second plan par
rapport aux règles de l'ICANN. De même, une telle
suprématie accorde aux règles de l'UDRP le visage d'une source
indépendante de droit privé de tout rattachement aux droits
nationaux et, d'autre part, les décideurs sont alors invités a
ignorer toute règle de conflit et a développer une jurisprudence
transnationale2.
§2. Le déroulement de la procedure UDRP
La procédure UDRP s'inscrit dans le mouvement des
procédures de règlement des conflits en ligne ou online dispute
resolution ODR. Les parties ne se rencontrent pas physiquement et elles
communiquent par le courrier électronique. De même, il n'y a pas
d'audience au sens traditionnel du terme. Mais, rien n'empêche de faire
l'audience d'une autre manière a travers la
vidéoconférence par Internet. Or, au contraire des autres MERL,
la procédure UDRP n'exclut pas complètement l'utilisation de
papiers entre les parties ou avec la commission administrative. La plupart des
fournisseurs de services UDRP combinent le recours aux moyens
électronique et papiers dans le déroulement du
1 Premier rapport final de l'OMPI, op. cit., para. 176.
102 Fabien GELINAS, <<Splendeurs et misères de la
célérité: bilan du système de règlement des
différends relatifs a l'adressage Internet >>, Gaz. Pal., 6 juin
2002 n° 157, P. 46.
litige; tel est le cas de l'OMPI ou de le NAF1; la
plainte doit être sous un format électronique et un format papier;
le payement pourrait être fait par chèque bancaire.
En ce qui concerne l'exécution, le système UDRP
fournit une spécificité remarquable au regard des autres MERL.
Les décisions UDRP, déclarent l'annulation ou le transfert de
l'enregistrement d'un nom de domaine, obéissent a un mécanisme
d'autoexécution qui économise le recours a la voie judiciaire
pour leur exécution : aucun exequatur n'est requis. C'est le tissu
contractuel qui permet d'éviter une intervention judiciaire. Il existe
deux types de contrats qui lient les différentes parties. D'une part, le
contrat entre les unités d'enregistrement et l'ICANN, assurant
l'exécution des décisions des panels en cas d'absence
d'introduction d'un recours judiciaire dans la période de dix jours
ouvrables suivant la décision. D'autre part, le contrat qui existe entre
le déposant du nom de domaine et les unités d'enregistrement,
contrat par lequel le déposant est tenu de se soumettre a la
procédure dans le cas d'une requête d'un tiers.
La question de la langue de la procédure est souvent
sous estimée par les commentateurs, notamment par ceux qui ne
connaissent que la langue anglaise. Après tout, l'ICANN est une
société californienne n'ayant de langue officielle que l'anglais
; elle fait donc oeuvre de gouvernance a l'échelle mondiale sur la base
de consultations publiques tenues exclusivement en anglais. On ne saurait donc
s'étonner que la question de la langue dans le cadre de la
procédure UDRP ait reçu un traitement aussi péremptoire.
C'est l'article ii des règles d'application qui régit la question
: << Unless otherwise agreed by the Parties, or specified otherwise in
the Registration Agreement, the language of the administrative proceeding shall
be the language of the Registration Agreement, subject to the authority of the
Panel to determine otherwise, having regard to the circumstances of the
administrative proceeding~.
1 Le seul organe qui a partiqué une procédure
UDRP entièrement en ligne, est eResolution. La technologie mise en place
par le centre permettait aux parties, aux décideurs et aux
administrateurs de dossiers de tout faire en ligne. Il s'agissait notamment de
l'enregistrement d'une affaire, du dépôt d'une plainte, du
dépôt d'une réponse, du téléchargement et de
la consultation des pièces et des éléments de preuve, de
l'échange de la correspondance et de la communication des
décisions. Les parties pouvaient verser au dossier des documents non
numérisés grace au serveurtélécopie mis a leur
disposition. Les décideurs pouvaient consulter et intervenir sur
l'intégralité de leurs dossiers a distance. La totalité
des échanges avait lieu dans un environnement sécurisé,
accessible par nom d'usager et mot de passe, oü l'information et la
documentation étaient organisées et disposées en fonction
des besoins particuliers des protagonistes. V0 Cynthia CHASSIGNEUX,
op. cit.
Cette disposition est doublement critiquée. D'un
côté, ayant en considération le paysage linguistique de
l'Internet, l'anglais pourrait être la langue dominante de la
procédure UDRP dans la mesure oü il est fréquemment
utilisé par les bureaux d'enregistrement, particulièrement en ce
qui concerne les noms de domaine génériques. De l'autre
côté, le fait pour une personne d'arriver a enregistrer un nom de
domaine en remplissant les blancs d'un formulaire Internet en anglais ne prouve
aucunement que cette même personne peut comprendre ses droits et
valablement les faire valoir dans le cadre d'une procédure en anglais
dont les textes constitutifs sont en anglais.
Sachons aussi que le rôle d'un fournisseur de services
UDRP (ex. l'OMPI)1 consiste a administrer la procédure, ce
qui signifie notamment a vérifier que la plainte satisfait aux
conditions de forme énoncées dans les Principes UDRP et les
Règles d'application. Il collabore avec l'unité ou les
unités d'enregistrement intéressées afin de
vérifier que le défendeur mentionné est bien le
détenteur du ou des noms de domaine en cause, vérifier les
coordonnées du défendeur, notifier la plainte au
défendeur, transmettre les notifications relatives au dossier,
constituer la commission administrative et veiller d'une manière
générale au bon déroulement de la procédure
administrative dans les délais imparties. Le fournisseur est
indépendant et impartial. Il ne statue pas sur le litige entre les
parties. En tant qu'organe administratif, il peut donner des conseils sur les
éléments de procédure contenus dans les principes UDRP et
les règles d'application, ainsi que ses ègles
supplémentaires, mais ne peut donner d'opinion quant a la
solidité ou a la faiblesse du dossier d'une partie.
Au regard de la durée, la procédure, en
général, s'étend sur une période de 60
jours2.
1 Pour un litige portant sur un a cinq noms de domaine, la
taxe se monte a 1500 dollars. Si le litige doit être tranché par
un seul expert et a 4000 dollars, s'il doit être tranché par une
commission composée de trois experts. Pour un litige portant sur six a
10 noms de domaine, la taxe se monte a 2000 dollars, s'il doit être
tranché par un seul expert et a 5000 dollars, s'il doit être
tranché par une commission composée de trois experts. Il incombe
au requérant de payer la totalité des taxes. Le défendeur
n'est tenu de payer la moitié des taxes que lorsqu'il choisit de
soumettre le litige a une commission composée de trois experts, alors
que le requérant avait opté pour l'expert unique. Guide de l'OMPI
relatifaux Principes UDRP régissant le règlement uniforme des
litiges relatifs aux noms de domaine, disponible sur
http://www.wipo.int/amc/fr/domains/guide/index.html#i
(consulté le 20 mai 2007).
2 V° annexe 4.
(i) L'institution de règlement reçoit la plainte
(plainte envoyée sur support papier et par voie électronique a
l'institution de règlement, au défendeur et a l'unité
d'enregistrement).
(2) L'institution de règlement examine sa
conformité aux principes directeurs (en cas
d'irrégularités, le requérant dispose de 5 jours pour les
corriger).
(3) Le requérant doit verser les taxes dans un
délai de 10 jours a compter du dépôt de la plainte.
(4) Réception des taxes.
(8) Transmission de la plainte au défendeur dans un
délai de 3 jours a compter de la réception des taxes.
(6) Date d'ouverture de la procédure (date laquelle
l'institution de règlement informe le requérant, le
défendeur, l'unité d'enregistrement et l'ICANN).
(v') Le défendeur dispose alors d'un délai de 20
jours a compter de la réception de la plainte pour répondre aux
arguments y exposés.
(8) L'organe de résolution dispose d'un délai
de jours a compter de la réception de la réponse pour composer un
panel. Nomination de l'expert unique et transmission du dossier l'expert
désigné.
(9) L'expert dispose d'un délai de 14 jours pour
rendre sa décision.
(i0) L'organe de résolution des litiges dispose d'un
délai de trois jours pour communiquer la décision du panel
l'institution de règlement, a l'ICANN et aux parties.
(ii) Exécution de la décision l'expiration d'un
délai de 10 jours ouvrables a compter de la transmission de la
décision l'ICANN par l'institution de règlement.
A l'issue de cette analyse, il est clair que la
procédure UDRP présente l'avantage de pouvoir régler
rapidement et a moindre coüt un type particulier de litige et d'obtenir le
transfert du nom de domaine au profit du titulaire légitime, lorsque la
fraude peut être clairement démontrée. Elle est
particulièrement adaptée aux spécificités de
l'Internet puisqu'elle se déroule principalement en ligne. Par ailleurs,
cette procédure montre la capacité d'un organisme privé
tel que l'ICANN de réguler globalement un secteur d'activité sur
le réseau a travers des normes privées produites sans le
contrôle de l'Etat. De même, il est évident dans ce contexte
qu'un phénomène transfrontière comme le cybersquatting met
en évidence l'efficacité réduite de principes tels que la
souveraineté territoriale et monopolistique de l'Etat-nation.
Néanmoins, en plus de l'enjeu de la régulation,
la procédure UDRP suscite une nouvelle question celle de la contribution
des technologies des informations et communications dans l'amélioration
du fonctionnement de la justice. En effet, la mise en place de ces
mécanismes électroniques de règlement des conflits assure
un exercice plus facile et moins coüteux des droits des parties,
consommateurs ou commerçants, dans des environnements
électroniques qui, autrement, ne faciliteraient pas l'affirmation de ces
droits. Cet idéal de l'accès a la justice ne devrait pas
être escamoté au profit d'une rigidité
idéologique1. Les technologies de l'information et de la
communication facilitent simplement les modalités de l'accès a la
justice et permettent, de ce fait, aux citoyens de se faire entendre. Peut-on
s'étonner que la justice bénéficie également des
avancées technologiques ? Le règlement en ligne des conflits
issus des environnements électroniques ne constitue qu'une étape
de la justice de demain. Faut-t-il déployer ces modes
électroniques dans le monde de la justice étatique? Un tel
déploiement pourraitt-il contribuer a assurer cet idéal
démocratique que constitue l'accès a la justice? Ou au contraire,
la rapidité de la procédure UDRP serait menaçante aux
exigences traditionnelles du procès équitables? Toutes ces
questions nous ramènent a mettre en lumière le caractère
équitable de la politique uniforme de résolution des litiges
relatifs aux noms de domaine << UDRP . C'est ce qu'on examinera par la
suite.
1Karim BENYEKHLEF et Fabien GELINAS, <<
L'expérience internationale des modalités de règlement des
conflits liés au droit d'auteur dans l'environnement numérique
>>, pp. 6-22, in Règlements des conflits de l'environnement
électronique, Bulletin du droit d&auteur, Vol. XXXV,
no 4, octobre - décembre 2001, éditions UNESCO,
version électronique, disponible sur
http://upo.unesco.org/details.aspx?Code
Livre=K8g8 (consulté le 15 juin 2007).
TITRE II
L'APPRECIATION DU CARACTERE EQUITABLE DE LA
PROCEDURE
UDRP SELON LE MODELE EUROPEEN
L'effet horizontal de la CEDH constitue une avancée
remarquable du champ d'application des droits de l'Homme. Ceux-ci
bénéficient désormais d'une protection contre les
violations provenant de personnes privées. La Cour européenne ne
pouvant trancher les litiges interpersonnels, l'effet horizontal repose sur le
mécanisme d'imputabilité intimement liée a la
théorie d'obligations positivesl. La notion de l'effet
horizontal2 consiste dans l'application de la convention dans les relations
privées et se perçoit comme une extension de l'ordre
conventionnel aux rapports interpersonnels. Cela suppose que le devoir du
respect des droits de l'homme ne s'applique pas seulement d'une manière
verticale entre les Etats membres et les individus, mais aussi d'une
manière horizontale aux particuliers entre eux. Ça concerne en
premier lieu le juge national et pas le juge européen3.
En d'autres termes, a l'inverse de l'effet vertical qui vise
les rapports entretenus entre les particuliers et l'Etat, et protége les
individus contre l'ingérence étatique, l'effet horizontal
concerne la relation nouée entre deux personnes privées, et
permet de protéger la sphere juridique des individus contre
l'ingérence individuelles. Cette avancée remarquable dans la
protection des droits de l'Homme peut emprunter deux voies, l'une
européenne, l'autre interne. La premiere est réalisée par
le vecteur des obligations positives qui impose aux Etats membres de
créer le cadre juridique adéquat a la réalisation des
obligations découlant de la convention. On peut ici parler d'un effet
horizontal indirect puisque la décision rendue par la juge
européen ne s'adresse pas aux personnes privées et ne
résout pas leur désaccord, mais est destinée a l'Etat, qui
acquiert
iFrédéric SUDRE, op. cit., p. 244.
2 La notion d'effet horizontal, inspirée de la doctrine
allemande de la drittwirkun, traduite selon les auteurs par << effet
réflexe >>, <<effet relatif>> ou <<effet
vis-à-vis des tiers>> vise l'effet produit par une norme au sein
des relations entre personnes privées, par opposition a l'effet vertical
dont la vertu est de protéger le cito yen contre toute immixtion des
autorités étatiques dans l'exercice du droit garanti .
Béatrice MOUTEL, L'effet horizontal de la Convention européenne
des droits de l'homme en droitprivéfrancais; Essai sur la diffusion de
la CEDH dans les rapports entre personnes privées, These de doctorat
sous la direction du professeur Jean-Pierre MARGUENAUD, soutenu le 5 novembre
2006, FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES ECONOMIQUES, UNIVERSITE DE LIMOGES.
3 Il faut remarque que devant la Cour européenne, le
contentieux confronte nécessairement un Etat a un ressortissant,
l'examen des litiges privés étant exclu de la compétence
des organes Conventionnels.. Selon l'article 34 <<La Cour peut être
saisie d'une requête par toute personne physique, toute organisation non
gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se prétend victime
d'une violation par l'une des Hautes Parties contractantes des droits reconnus
dans la Convention ou ses protocoles >>.
ainsi un role d'intermédiaire. Le fondement de la
responsabilité de l'Etat se situe dans l'article 1 de la convention, qui
stipule que chaque Etat contractant reconnalt a toute personne relevant de leur
juridiction les droits et libertés définis au titre I de la
présente Convention ».
La seconde relève du juge national qui va puiser au
ccur du droit européen l'inspiration nécessaire pour
résoudre les litiges entre personnes privées, afin de mettre en
application les obligations imposées a l'Etat. Il est mis en cuvre par
les juridictions internes et permet certes de résoudre les
différends privés, qualifiés d'horizontaux, mais cette
application n'est possible que lorsque la Convention bénéficie
d'un effet direct dans leur ordre juridique. En effet, l'enjeu de l'effet
horizontal permet d'étendre l'autorité et la diffusion de la
Convention européenne des droits de l'Homme dans l'ordre juridique
interne des pays membres.
L'arrêt X et Y contre Pays-Bas1 du 26 mars
1985 est présenté comme le premier a avoir explicitement reconnu
l'effet horizontal de la CEDH. L'affaire concernait l'impossibilité
d'engager des poursuites pénales contre l'auteur d'une agression
sexuelle, la législation nationale limitant les conditions d'action. La
Cour a énoncé que l'Etat doit adopter des mesures visant au
respect de la vie privée jusque dans les relations des individus entre
eux , formule depuis lors classique. En l'espèce, la violation du droit
au respect de la vie privée (art.8) était d'origine privée
mais l'Etat n'avait pas adopté une législation criminelle
permettant de poursuivre l'auteur des violences. La Cour considère en
conséquence qu'il aurait dii remédier a la situation. La
dimension horizontale de cette décision, unanimement reconnue, a abouti
a une pénétration de l'application des droits proclamés
par la convention dans un champ très vaste des relations privées
: art. 2 (droit a la vie)2, art. 3 (interdiction de la torture et
des peines ou traitements inhumains ou dégradants)3, art. 4
(interdiction de l'esclavage et du travail forcé)1, art. 5
§ 1, première
1CEDH, 26 mars 1985, Xet Yc. Pays-Bas, requête
no 8978/80, § 23, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..asp?item=37&portal=hbkm&action=html&highlight=e%20%7C%20et%20%
7C%20Y%20%7C%20contre%20%7C%20Pays-Bas&sessionid=959369&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007). 2CEDH, Gde Ch., arrêt
Osman c. Royaume-Uni du 28 octobre 1998, requête n° 23452/94, §
115, disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=959369&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007). 3CEDH, arrêtA. c.
Royaume-Uni du 23 septembre 1998, requête n° 25599/94, § 22,
disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=959369&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007).
phrase (droit a la liberté et a la
siireté)2, art. 8 (droit au respect de la vie privée
et familiale)3, art. 9 (liberté de pensée, de
conscience et de religion)4, 10 (liberté
d'expression)5, art .11 (liberté de réunion et
d'association)6, art. 14 (interdiction de la
discrimination)7 de la Convention et pour l'article 1 du Protocole
additionnel (droit au respect des biens)8.
Sans aucun doute, le role grandissant de l'effet horizontal de
la Convention est dii a l'interprétation novatrice de la CEDH. Il est
désormais acquis que l'individu peut bénéficier d'une
protection non plus seulement contre les autorités publiques mais
également contre les autres particuliers. La justification d'une telle
solution se retrouve dans le fait que les rédacteurs de la Convention
ont manifestement envisagé que l'exercice des prérogatives
reconnues ne se limite pas aux relations entre les Etats et leurs
ressortissants mais qu'il est susceptible d'avoir des incidences sur les autres
particuliers. Ainsi, plusieurs droits consacrés par la Convention, (ex;
le droit au respect de la vie privée et familiale, la liberté de
manifester sa religion ou ses convictions, la liberté d'expression, la
liberté de réunion et d'association, ou la liberté de
circulation), peuvent faire l'objet de restrictions qui, prévues par la
loi, sont nécessaires << a la
1 L'arrêt Siliadin c. France du 26 juillet 2005,
requête n° 733 16/01. En l'espèce, la Cour a
considéré que la requérante, mineure et en situation
irrégulière a l'époque des faits, avait été
tenue en état de servitude par le couple l'ayant accueillie et n'avait
pas été protégée de manière concrète
et effective par le droit pénal français. JCP 2005, II, 10142,
note Frédéric SUDRE ; AJDA 2005, p. 1890, obs.
Jean-François FLAUSS ; disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=959369&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007). 2CEDH, arrêt Storck c.
Alleinagne du 16 juin 2005, requête n° 61603/00, disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=959369&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007). 3CEDH, arrêt X et Y c.
Pays-Bas du 26 mars 1985, précité.
4 CEDH, arrêt Kokkinakis c. Grèce du 25 mai 1993,
§ 33; CEDH, décision, Pichon et Sajou c. France du 2 octobre 2001,
requête n° 49853/99, disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=959369&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007).
5CEDH, arrêt Fuentes Bobo c. Espagne du 29
février 2000, requête 39293/98, § 38, CEDH, décision,
Pichon et Sajou c. France du 2 octobre 2001, requête n° 49853/99,
disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=959369&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007). 6CEDH, arrêt Plattforin
"Arztefar das Leben" c. Autriche du 21 juin 1988, disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=959369&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007). 7CEDH, arrêt Pla et
Puncernau c. Andorre du 13 juillet 2004, requête n° 69498/01,
disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=959369&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007). 8CEDH, arrêt
Sovtransavto Holding c. Ukraine du 25 juillet 2002, requête n°
48553/99, § 96, disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=959369&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007).
protection des droits et libertés d'autrui >>.
Les Etats membres peuvent donc être amenés a intervenir dans les
relations interindividuelles, c'est a dire horizontales1, pour
garantir les droits protégés. De même, en interdisant
l'abus de droit (art. 17) 2, le texte européen
vise directement les violations qui peuvent être commises par les
personnes privées, individuellement ou collectivement.
Cette création prétorienne a conduit aux
bouleversements dans l'ordre juridique national, y compris dans le domaine du
droit des affaires3 ; un domaine oü les juristes n'envisagent
principalement le droit européen que sous l'angle du droit communautaire
et dans sa dimension purement économique. Rappelons que la seule
garantie économique apportée par la convention étant a
proprement parler le droit au respect des biens. Grace a l'enjeu de l'effet
horizontal, on constate maintenant une importance considérable de la
convention dans le domaine économique et financier4, le droit
de la concurrence5, le droit de l'entreprise6, ou le
droit du contrat7. Or. L'innovation la plus
1 Béatrice MOUTEL, op. cit., p. 22.
2 L'article 17 indique qu' aucune des dispositions de la
présente Convention ne peut être interprétée comme
impliquant pour un Etat, un groupement ou un individu, un droit quelconque de
se livrer a une activité ou d'accomplir un acte visant a la destruction
des droits ou libertés reconnus dans la présente Convention ou a
des limitations plus amples de ces droits et libertés que celles
prévues a la dite Convention .
3 Jean-François RENUCCI, <<Le droit des affaires,
domaine nouveau du droit européen des droits de l'homme >>, Droit
et Patrimoine, n° 74, septembre 1999, p. 64-66; Cathy LECIERE, <<
Réflexion sur l'incidence de la Cour européenne des droits de
l'homme sur le droit des affaires >>, Droit et Patrimoine, n° 74,
septembre 1999, p. 67-72; Jean-François FLAUSS, <<La Convention
européenne des droits de l'homme; une nouvelle interlocutrice pour le
juriste d'affaires >>, RJDA, 1995, p.524 et s.
4 J. DUFFAR, <<La protection des droits
économiques par la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales >>, GAZ. Pal., 1995, 2,
doct., p.1105; P. DOURNEAU-JOSETTE, <<Les acteurs économiques le
juriste d'affaires et la Convention européennes des droits de l'homme
>>, Dalloz affaires, 1998, p. 610 ets.
5 X. A. de MELLO, <<Droit de la concurrence et droits de
l'homme >>, RTD. eur., 1993, p. 601 et s. ; V° dossier
spéciale sur la concurrence, droits et libertés fondamentaux face
au droit de la concurrence, 26 janvier 1995, Rev. conc. consom., 1995, n°
86.
6 Sachons les personnes morales de droit privé sont
titulaire des droits fondamentaux comme les personnes physiques au sens de
l'article 34 de la CESDH ou comme l'article 1er du protocole n°
1 qui provoque expressément du droit <<les personnes physiques ou
morales >>, Yves GUYON, << Droits fondamentaux et personnes morales
de droit privé >>, in Les droits fondamentaux, AJDA, 1998, n°
spécial, p. 136 et s.
7 Jean-Pierre MARGUENAUD, <<L'influence de la Convention
européenne des droits de l'homme sur le droit français des
obligations >>, in Le renouvellement des sources du droit, LGDJ, 1997, p.
45 et s.; J. MESTRE, <<Formation ou (contenu) des contrats et Convention
européenne des droits de l'homme >>, RTD. civ., 1992, p.88,
n°9 ; Anne DEBET,
spectaculaire dans la matière est l'application des
garanties procédurales de la CESDH aux relations
d'affaires1.
En adoptant la nature patrimoniale du droit en cause comme
critère d'applicabilité de l'article 6 dans son volet civil, la
CEDH a progressivement appliqué la Convention dans plusieurs litiges
relatifs au droit des affaires. Toutefois, la question se pose pour savoir si
ce prolongement jurisprudentiel peut aussi s'appliquer aux droits
procéduraux tel que le droit a un procès équitable.
Autrement dit, est-ce que l'article 6 peut bénéficier de l'effet
horizontal et se retrouver appliqué dans les rapports entre particuliers
dans le cadre de procédure d'arbitrage ou médiation? La
réponse a cette question nous conduit revenir sur les frontières
de l'article 6 et pourrait trouver un nouveau champ d'application dans le cadre
des moyens extrajudiciaire de résolution de litige?
Pour répondre a ces questions, notre analyse sera
centrée sur l'article 6 et l'arbitrage puisque les organes de Strasbourg
ont eu l'occasion de trancher sur l'articulation entre l'institution de
l'arbitrage et la CESDH. L'arbitrage est-il étranger au champ
d'application de l'article 6 §1 de la Convention européenne des
droits de l'homme et les garanties d'un procès équitable lui
sont-elles applicables? Telle est la question posée. Pourtant, on devra
bien constater que la jurisprudence européenne est assez pauvre et que
les quelques décisions rendues n'ont pas constamment la cohérence
que l'on serait en droit d'espérer, en tous cas lorsqu'il s'agit de
l'arbitrage volontaire.
A vrai dire, cette question nous offre a cet égard,
l'occasion de s'interroger sur la place de l'article 6 de la Convention non
seulement au regard de l'arbitrage, mais plus généralement au
regard de la voie extrajudiciaire (chapitre i), y compris la procédure
UDRP (chapitre 2).
L'influence de la Convention européenne des droits de
l'homme sur le droit civil, Thèse du doctorat, soutenu le 5 janvier
2001, Nouvelle Bibliothèque de thèses, 2002.
1 Natalie FRICERO, << Nouvelles applications de la CESDH
aux procédures adaptées aux affaires >>, Droit et
Patrimoine, no 74, septembre 1999, p. 73-78.
Chapitre 1 : L'applicabilité potentielle de
l'article 6 a la procedure UDRP:
Quelles frontières pour le droit a un
procès equitable
En principe, le 1er alinéa de cet article
accorde a toute personne le droit a ce que sa cause soit entendue
équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un
tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui
décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de
caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en
matière pénale ' 1. La convention est
effectivement imprécise au regard de la signification exacte du terme
<<tribunal >>2, qui varie d'un pays a l'autre. De
même les notions << contestations sur ses droits et obligations de
caractère civil>> ou d'<< accusation en matière
pénale>> sont également vagues. Par conséquent, le
contenu du droit a un procès équitable risque d'être
vidé de son sens. Pour autant, au travers de la technique des notions
autonomes, la Cour a donné un sens commun pour ces deux notions qui
désignent la véritable clé d'accès aux garanties du
procès équitable, afin d'éviter de ne pas laisser le soin
de les définir au droit interne, sous peine de voir l'article 6 donner
naissance a un procès équitable << a
géométrie variable >>. Cette technique a transformé
le droit a un procès équitable en un vrai droit substantiel
(Section i).
La question qui se pose a cet égard, est de savoir si
le droit a un tribunal n'interdit pas le recours a d'autres modes alternatifs
de résolution de litiges? Est-ce que l'article 6 pourrait être
appliqué dans les relations purement privées? Dans ces
conditions, quelle en serait l'évolution demain? Quelles seraient les
nouvelles orientations de la Cour européenne, avec ses méthodes
d'interprétation qui lui permettent d'aller très loin? Estce que
le procès équitable pourrait pénétrer dans le champ
du droit des affaires, y compris les modes de résolution des litiges en
ligne (Section 2)? Ou, a défaut, les rapports entre les particuliers
constitueraient une nouvelle frontière de l'article 6?
1 Le PIDCP de l'ONU emploie la même formule. Selon
l'art. 14 § 1 a... Toute personne a droit a ce que sa cause soit entendue
équitablement et publiquement par un tribunal compétent,
indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera
soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale
dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et
obligations de caractère civil . Dans le même sens, l'art. 8 de la
convention interaméricaine.
2 Franz MATSCHER, <<La notion de tribunal au sens de la
convention européenne des droits de l'homme >>, in Le
procès équitable et la protection juridictionnelle du citoyen,
op. cit., pp. 29-47.
Section 1: Le droit a un procès
équitable; d'une garantie formelle a un droit
substantiel
L'interprétation extensive de l'article 6 par la CEDH
vise a assurer a tout individu un procès équitable dans lequel il
peut bénéficier des garanties fondamentales comme le
caractère public des audiences, l'exigence d'un tribunal impartial et
indépendant, ou le délai raisonnable du procès.
L'idée est de garantir une bonne justice ou une justice
idéale1 au niveau européen quelle que soit la
divergence entre les droits internes des pays membres. A vrai dire, l'article 6
n'est plus qu'une simple garantie formelle qui contrôle
l'irrégularité des procédures. Par la jurisprudence
audacieuse de la CEDH, le droit a un procès équitable est
transformé a un véritable d'expansion du type du big
bang2. ~l apparalt aujourd'hui comme un droit substantiel (A), voire
un droit fondamental, qui tend a l'emporter sur toute autre
considération (B).
A. La signification de l'article 6 comme un droit
substantiel
Selon la lecture extensive de la CEDH, la notion du
procès équitable est appréciée non au regard de la
nature de l'organe juridictionnel, mais au regard de l'effet de la
procédure sur la détermination des droits de l'individu. Le
procès équitable est devenu la norme processuelle de
référence qui envahit tous les contentieux. Il est
transformé en un droit substantiel. Cette transformation peut être
aperçue d'un triple vu point de vue.
§i. Le procès équitable; un
critère d'appréciation du respect par les Etats des droits
substantiels garantis par la convention
Dans son contrôle sur la possibilité donné
aux Etats membres de restreindre les obligations découlant de la
convention3, le juge européen recourt a l'article 6 pour
apprécier le degré de la proportionnalité des
ingérences des Etats dans les droits
1 Serge GUTNCHARD, << Le procès équitable,
garantie formelle ou droit substantiel? >>, Philosophie du droit et droit
économique, Mélanges Gérard Farjat, Ed. Prison-Roche,
1999, p. 141.
2Serge Guinchard, ibid., p. 142.
3 Article 16: <<Aucune des dispositions des articles 10,
11 et 14 ne peut être considérée comme interdisant aux
Hautes Parties contractantes d&imposer des restrictions a
l&activité politique des étrangers>> :
Article 18: <<Les restrictions qui, aux termes de la présente
Convention, sont apportées auxdits droits et libertés ne peuvent
être appliquées que dans le but pour lequel elles ont
été prévues.>>
substantiels proclamés par la convention. La
jurisprudence récente de la CEDH montre effectivement que le droit a un
procès équitable joue un role de plus en plus important, en tant
que critère d'appréciation de la proportionnalité des
restrictions apportées par les Etats a l'exercice de droits substantiels
garantis par la convention. Le juge européen insiste sur le fait que le
processus décisionnel débouchant sur des mesures
d'ingérence soit équitable et respecte les intérêts
protégés par la convention.
Ce constat peut être illustré par plusieurs
espèces. Par exemple, l'affaire Hentrich c. France concernant une
ingérence relative au droit au respect du bien (art. 1er du
protocole additionnel), la Cour européenne, pour conclure a
l'illégalité de l'ingérence résultant de l'exercice
du droit de préemption accordé en matière foncière
a l'administration fiscale, se fonde sur le fait que la procédure suivie
n'a pas offert les garanties procédurales élémentaires: la
Cour estime nécessaire de se prononcer sur la question de la
légalité de l'ingérence. Si le système du droit de
préemption ne prête pas a critiques en tant qu'attribut de la
souveraineté de l'Etat, il n'en va pas de même lorsque son
exercice est discrétionnaire et qu'en même temps la
procédure n'est pas équitable. (...). Une décision de
préemption ne peut avoir de légitimité en l'absence d'un
débat contradictoire et respectueux du principe de
l'égalité des armes, qui permette de discuter la question de la
sous-évaluation du prix et, par voie de conséquence, la position
de l'administration ~1.
Dans le même esprit, la Cour européenne a fait
appel au droit du procès équitable pour apprécier
l'ingérence dans le droit a la vie privée ou familiale (art. 8).
Ce fut le cas de l'affaire Mc Michael c. Royaume-Uni, concernant une
procédure de placement devant la commission d'enfance, oü la CEDH a
jugé que les mesures d'ingérence dans le droit a la vie familiale
doivent non seulement respecter les intérêts
protégées par l'article 8, mais aussi être prises
après un processus décisionnel qui respecte le droit au
procès équitable de l'article 6§1: Sans doute l'article 8 ne
renferme-t-il aucune condition
1CEDH, 22 septembre 1994, l'affaire Hentrich c.
France, requête no13616/88, § 40-42, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..asp?item=6&portal=hbkm&action=html&highlight=l%u2019affaire%20%7C
%2oHentrich%2o%7C%2oc.%2o%7C%2oFrance&sessionid=942o56&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007).
Dans le même sens, Gasus Dosier und Fördertechnik GmbH
c/ Pays-Bas (23 février 1995, série A, n° 306-B) ; Air
Canada c/Royaume-Uni (23 février 1995, série A, n° 316,
§ 46), disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=942o56&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007).
explicite de procédure, mais il faut que le processus
décisionnel débouchant sur des mesures d'ingérence soit
équitable et respecte comme il se doit les intérêts
protégés par l'article 8 ))1.
L'exercice par la Cour d'un double contrôle sur le
respect des exigences du procès équitable, d'abord au titre de
l'article 6 puis dans le cadre d'un article garantissant un droit substantiel,
pourrait être, d'une certaine manière, portée ou tout au
moins de superfétatoire, dans la mesure oü aucune question
distincte ne se poserait une fois le premier examen opéré. Ce
point de vue est contesté par la Cour au nom de la différence de
nature des intérêts protégés par les droits
processuels et les droits substantiels. Ainsi, l'exigence procédurale
inhérente a l'article 8 s'applique non seulement, comme le
prévoit l'article 6-1, aux instances judiciaires, mais couvre aussi les
procédures administratives, et même plus
généralement va de pair avec l'objectif plus large consistant a
assurer le juste respect de la vie familiale2.
Or, comme souligne le professeur Jean-François Flauss,
le champ d'application des garanties procédurales dans le cadre d'un
contrôle de proportionnalité, n'est plus limité aux seules
procédures judiciaires au sens de l'article 6; par le détour du
contrôle de proportionnalité exercé au titre des articles
8-2 et suivants de la Convention, les instances de Strasbourg sont
amenées a faire du droit au procès équitable une exigence
impérialiste . D'une certainefacon, elles s'affranchissent des bornes
pourtant fort élastiques imposées par l'article 6-i en
matière d'applicabilité du principe de l'équité de
la procédure)) 3. Il est constant que la Cour
européenne sanctionne, au travers de la violation des droits
matériels, le non-respect des droits
1CEDH, 24 février 1995, Mc Michael
c/Royaume-Uni, requête no16424/90§ 87, disponible sur
http, cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=6&portal=hbkm&action=html&highlight=%c%ichael%20%7C%20
c/%20%7C%20Royaume-Uni&sessionid=942056&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007).
2Mc Michael c/ Royaume-Uni, op. cit., § 91; La
Cour souligne la différence de nature des intérêts
protégés par les articles 6 par. i et 8 (art. 6-i, art. 8).
Ainsi, l'article 6 par. i (art. 6-i) accorde une garantie procédurale, a
savoir le "droit a un tribunal" qui connaltra des "droits et obligations de
caractère civil" d'un individu ; tandis que l'exigence
procédurale inhérente a l'article 8 (art. 8) non seulement couvre
les procédures administratives aussi bien que judiciaires, mais va de
pair avec l'objectif plus large consistant a assurer le juste respect, entre
autres, de la vie familiale. La différence entre l'objectif visé
par les garanties respectives des articles 6 par. i et 8 (art. 6-i, art. 8)
peut, selon les circonstances,justifier l'examen d'une même série
defaits sous l'angle de l'un et l'autre articles (art. 6, art. 8) .
3Jean-François FLAUSS, <<Actualité
de la convention européenne des droits de l'homme >>, AJDA, 1995,
p. 721.
procéduraux1. Certains juges proclament
ouvertement un élargissement de la politique jurisprudentielle,
consistant a reconnaltre l'existence de garanties de procédure comme
incluses dans les dispositions dites substantielles de la
Convention2.
En tout état de cause, il est évident que la
Cour européenne s'attache a la prise en compte des garanties du
procès équitable dans le cadre du contrôle de
proportionnalité des ingérences dans des droits substantiels. Ce
contrôle du respect de l'équité des procédures
contribue positivement au renforcement de la protection des droits individuels.
Cela dit que le droit au procès équitable devient par ses
interférences avec la protection des droits substantiels, la <<
pierre angulaire du droit de la convention >> 3.
§2. Le procès equitable; un moyen de protection
des droits substantiels non garantis par la Convention
La prise en considération du respect des garanties du
procès équitable n'est cependant pas circonscrite en ce qui
concerne la protection des droits consacrés par la convention, il joue
aussi un rôle pour élargir l'ordre conventionnel afin de
protéger des droits non formés. Tel est le cas du droit de ne pas
s'auto-incriminer, droit non garanti formellement par la Convention. Par le
biais de l'article 6 § 2 , la Cour a rappelé que si l'article 6 de
la Convention ne le mentionne pas expressément, le droit de se taire et
le droit de ne pas contribuer a sa propre incrimination sont des normes
internationales généralement reconnues qui sont au coeur de la
notion de procès équitable consacrée par ledit article,
dans la mesure oü le droit de ne pas contribuer a sa propre incrimination
présuppose que, dans une affaire pénale, l'accusation cherche a
fonder son argumentation sans recourir a des éléments de preuve
obtenus par la contrainte ou les pressions, au mépris de la
volonté de l'accusé. En ce sens, ce droit est étroitement
lié au principe de la présomption d'innocence consacré a
l'article 6 par. 2 de la Convention
1 CEDH 7 aoüt 1996, 2ubani c/ Italie. En l'espèce,
la durée des procédures engagées par les requérants
pour obtenir réparation d'une expropriation ilégale est
considérée comme constitutive d'une rupture du << juste
équiibre>> exigé par l'article 1er du protocole additionnel
; disponible sur
http, cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=4&portal=hbkm&action=html&highlight=]ubani%20%7C%20c
% 20%7C%20Italie&sessionid=942056&skin=hudoc-fr
2 MM. Martens et Matscher (opinion dissidente sous CEDH 25 avril
1996, Gustafsson c/ Suede), cité par JeanFrançois FLAUSS, AJDA
1996 p. 1005
3Jean-François FLAUSS, ibid., p. 722.
(art. 6-2) ))1.
De la même maniéré, malgré le fait
que la Convention ne garantit pas un droit a des prestations invalidité,
la Commission et la Cour ont admis qu'une requérante pouvait faire
valoir l'existence d'une discrimination fondée sur le sexe dans le refus
du Tribunal des assurances de lui accorder une telle rente; le Tribunal en
effet avait motivé son refus sur l'idée que les femmes cessaient
généralement toute activité professionnelle lorsqu'elles
devenaient mères de famille, argument qui ne pouvait être
opposé aux hommes! La Cour y voit une motivation discriminatoire
injustifiée en violation du droit a un procès équitable:
la progression vers l'égalité des sexes est aujourd'hui un but
important des Etats membres du Conseil de l'Europe, et seules des
considérations très fortes peuvent amener a estimer compatible
avec la Convention une telle différence de traitement. La Cour
n'aperçoit rien de tel en l'espèce. Elle conclut donc que faute
de justification objective et raisonnable, il y a eu infraction a l'article 14
combiné avec l'article 6 par. 1 (art. 14+6-1) .2
Or, l'innovation le plus remarquable en la matière est
celle de la consécration au nom du droit a un procès
équitable, dans l'affaire Gradinger c. Autriche3, du principe
non bis in idem, un droit qui n'est garanti qu'à titre optionnel dans la
Convention, au Protocole n° 7, article 4 § l4. A savoir, la France
comme l'Autriche (visée par la dite
1CEDH, 12 décembre 1996, Saunders c.
Royaume-Uni, disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/portal.asp?sessionld=946293&skin=hudoc-fr&action=request
(consulté le 15 juin 2007).
2CEDH, 24 juin 1993, Schuler-2graggen c. Suisse,
requête no1 451 8/89, disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?item=2&portal=hbkm&action=html&highlight=SchulerZgraggen&sessionid=946293&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007).
3 Commission, 19 mai 1994 et CEDH, 23 octobre 1995, affaire
Gradinger c. Autriche, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=*radinger%20%7C%20c.
%20%7C%20Autriche&sessionid=946293&skin=hudoc-fr (consulté
le 15 juin 2007).
4 Article 4 - Droit a ne pas être jugé ou puni deux
fois
1. Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement
par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour
laquelle il a déjà été acquitté ou
condamné par un jugement définitif conformément a la loi
et a la procédure pénale de cet Etat.
2. Les dispositions du paragraphe précédent
n'empêchent pas la réouverture du procès,
conformément a la loi et a la procédure pénale de l'Etat
concerné, si des faits nouveaux ou nouvellement
révélés ou un vice fondamental dans la procédure
précédente sont de nature a affecter le jugement intervenu.
3. Aucune dérogation n'est autorisée au
présent article au titre de l'article 15 de la Convention >>.
affaire), ont ratifié le Protocole avec des
réserves d'interprétation et notamment en ce sens que le principe
non bis in idem ne serait applicable que pour des poursuites engagées a
propos d'infractions relevant du sens de leurs codes pénaux respectifs
et non au sens de la Convention. La Cour a jugé qu'en excluant toutes
les procédures qui ne seraient pas pénales au sens du Code
pénal autrichien, la déclaration [autrichienne] n'offre pas
à un degré suffisant la garantie qu'elle ne va pas au-delà
des dispositions explicitement écartées par l'Autriche . En
invalidant les réserves autrichiennes la Cour fait entrer le principe
non bis in idem dans la matière pénale au sens de l'article 6 de
la Convention, dans les procédures pénalisées de l'article
6, celles pour lesquelles le droit t un procès équitable est
applicable. Ce dernier consacre ainsi un droit optionnel, en faisant tomber des
réserves d'interprétation.
§3. Le procès equitable, un droit substantiel
en tant que tel
Comme le remarque le doyen Serge Guinchard, le droit a un
procès équitable occupe une place éminente dans le
mécanisme de la CEDH a la fois sur le plan quantitatif1 que
qualitatif. D'une part, le juge strasbourgeois considère le droit du
procès équitable comme un pilier primordial dans la construction
de l'ordre public européen et lui confie une place
<<éminente>> dans une société
démocratique. D'autre part, en vingtdeux ans, entre l'arrêt Golder
du 21 février 1975 et l'arrêt Homsby du 19 mars 1997, la Cour
européenne a finalement construit un droit au procès
équitable extrêmement large, droit qui comprend désormais
trois volets : le droit d'accès a un tribunal, le droit a une bonne
justice dans sa double composante d'organisation du tribunal
(indépendance, impartialité) et de droit a garanties dans le
déroulement de l'instance (droit a un procès équitable au
sens strict, publicité de l'audience et délai raisonnable).
Dans les trois cas, il s'agit bien d'un véritable droit
substantiel, a caractère
1 L'article 6 est depuis plusieurs années la source
d'une jurisprudence européenne quantitativement\ et qualitativement
importante. Les tableaux récapitulatifs des objets des affaires,
établis chaque année depuis 1999 par les services de la Cour,
montrent que entre 1999 et 2001, la grande majorité des arrêts
prononcés par la Cour concernaient l'art. 6 : une violation des
dispositions de cet article était alléguée dans 131 des
177 affaires tranchées en 1999, soit dans 74% des décisions
rendues par la Cour cette année-là ; il était
invoqué dans 81% des affaires tranchées en 2000 (565
décisions sur 695), et dans presque 70% en 2001 (615 décisions
sur 888). Guide d'application de l'article 6, précis des droits de
l'homme, n° 3, disponible sur
http://www.echr.coe.int/library/digdoc/HR%20handbooks/handbook03
fr.pdf (consulté le 29 janvier 2007).
fondamental, par lequel chaque individu doit
bénéficier d'un accès << effectif et concret>>
a un tribunal1. A ce propos, le doyen Serge Guinchard indique que:
<<le procès équitable peut devenir un formidable instrument
de pouvoir entre les mains de la Cour européenne (...) il peut faire
exploser des situations bien acquises aujourd'hui en droit national et pour
lesquelles on ne penserait pas a l'application des prescriptions de la
Convention, provoquant la mainmise des organes de la Convention sur la libre
détermination de nos règlesjuridiques >>2.
Conformément a cette constatation, la CEDH a donné une acception
autonome a la notion du tribunal qui a abouti a une extension significative de
l'économie portée par l'article 6 en matière civile et
pénale. Une extension qui a complètement bouleversé les
droits internes des pays membres, tel est le cas pour la France.
B. Les contentieux civils ; une illustration de la
substantialité de l'article 6
La Cour européenne a
été amenée a préciser le champ d'application de
l'article 6.
Elle adopte a cet égard, sa propre définition des
termes << caractère civil>> 3 et <<
matière
pénale >> 4 selon l'Etat concerné. Elle
leur a donné un sens européen qui se définit de
1 Daniel BELLET contre France, requête no 23805/94, rapport
de la Commission, adopté le 19 janvier 1995: Arrêt principale et
satisfaction équitable de la CEDH (Chambre), 4 decembre1995, disponible
sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/portal.asp?sessionld=946293&skin=hudoc-fr&action=request
(consulté le 15 juin 2007).
2 Serge GUTNCHARD, <<Le procès équitable,
garantie formelle ou droit substantiel? >>, in Philosophie du droit et
droit économique, Mélanges Farjat, Ed. Frison-Roche, 1999, pp.
139-171, citation p. 169.
3Notre analyse sera centrée sur la notion
automne de la notion de contestation sur des droits et des obligations du
caractère civil dans la mesure oh la procédure de l'UDRP est
très loin de la matière pénale. V0 chapitre 2,
Titre 1. 4 Le terme << accusation>> signifie selon la CEDH comme la
notification officielle, émanant de l'autorité compétente,
du reproche d'avoir accompli une infraction pénale ~. Quant a la
<< matière pénale >>, la Cour européenne
l&a définie pour la première fois, dans sa
décision Engel et autres c. Belgique, du 8 juin 1976, oü il
était question de déterminer si l'article 6§1 s'applique aux
sanctions disciplinaires contre des soldats néerlandais accomplissant
leur service miitaire. Selon la Cour la notion de <<matière
pénale>> se définit par trois critères: la
qualification donnée par le droit interne de l&Etat en
cause (qui n&a qu&une valeur relative), la nature
même de l'infraction (a savoir la transgression d&une
norme générale ayant un caractère a la fois dissuasif et
répressif), et le degré de sévérité de la
sanction que risque de subir l'intéressé. Un grand nombre de
matières, non pénales au sens d'un droit interne, sont
entrées dans le champ d'application de l'article 6; mais,
également, la Cour européenne a pu considérer qu'une
sanction qui était pénale en droit interne ne relevait pas de la
matière pénale au sens de l'article 6. V0 CEDH, 27
février 1980, Deweer c. Belgique, requête no 6903/75, § 42,
disponible sur
manière autonome par rapport a la qualification
donnée aux différents contentieux par les droits internes des
Etats membres, et ne sont donc pas identiques a celle des concepts homonymes
internes. Pour autant, il faut noter que le droit a un procès
équitable ne s'applique pas a tous les litiges.
§i. La patrimonialité comme critère
d'application de l'article 6
L'applicabilité de l'article 6, § 1 en
matière civile est conditionnée par l'existence d'une <<
contestation sur un droit>> a <<caractère civil >>. La
question qui se pose logiquement est de savoir quelle est la signification
exacte de cette stipulation1.
En premier lieu, la CEDH exige d'une manière
générale que le droit contesté soit défendable et
reconnu en droit interne. Dans l'affaire James et autres c. Royaume Uni oü
quatre requérants se plaignent que, dans le système des lois
britanniques de 1967 et 1974 relatives au rachat par le locataire, les
propriétaires menacés de perdre leur propriété
n'ont aucun moyen, une fois les critères définis par la
législation réunis de contester le droit des preneurs au rachat.
Ils avancent la thèse selon laquelle il y aurait violation de l'article
6 puisque aucun tribunal ne peut se pencher sur les circonstances. La Cour a
refusé cet argument en jugeant que L'article 6 par. i (art. 6-i) ne vaut
que pour les "contestations" relatives a des "droits et obligations" - de
caractère civil - que l'on peut dire, au moins de manière
defendable, reconnus en droit interne; il n'assure par lui-même aux
"droits et obligations" (de caractère civil) aucun contenu materiel
déterminé dans l'ordrejuridique des Etats contractants
2.
Par ailleurs, le droit interne n'est pas la seule
référence3 pour l'interprétation de la
contestation sur un droit au sens de l'art. 6§1. Cette position a
été affirmée pour la
http, cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=de.eer&sessionid=1032
5868&skin=hudoc-fr (consulté le 31 janvier 2007); CEDH, 8 juin
1976, Engel et autres c. Belgique, requête no 5100/71; 5101/71; 5102/71;
5354/72; 5370/72, §§ 81 a 83, disponible sur
http, cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=engel&sessionid=103258
68&skin=hudoc-fr (consulté le 31 janvier 2007).
1 Gérard GONZALES, <<Le sens européen de
la notion de "contestations sur des droits et obligations de caractère
civil" >>), in La diffusion du modèle européen du
procès equitable, op. cit., pp. 16-32.
2CEDH, 21 février 1986, James et autres c.
Royaume Uni, requête no 8793/79, § 81, disponible sur
http, cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=3&portal=hbkm&action=html&highlight=Pames%20%7C%20et%2
0%7C%20autres&sessionid=10292850&skin=hudoc-fr (consulté le
29 janvier 2007).
3 FREDERIC SUDREF., op. cit., p. 334.
première fois dans l'arrêt König c.
Allemagne, dans laquelle la Cour a conclut que ~ l'autonomie de la notion de
"droits et obligations de caractère civil", elle nejuge pas pour autant
dénuée d'intérêt, dans ce domaine, la
législation de l'Ltat concerné. C'est en effet au regard non de
la qualification juridique, mais du contenu matériel et des effets que
lui confère le droit interne de l'Etat en cause, qu'un droit doit
être considéré ou non comme étant de
caractère civil au sens de cette expression dans la Convention. Il
appartient a la Cour, dans l'exercice de son contrôle, de tenir compte
aussi de l'objet et du but de la Convention ainsi que des systèmes de
droit interne des autres Etats contractants ~1. Dans le même
ordre d'idées, dans son arrêt Posti et Rahko c. Finlande, la Cour
a affirmé que l'article 6 § 1 de la Convention ne vise pas a
créer de nouveaux droits maté riels dépourvus de base
légale dans l'ordrejuridique de l'Etat contractant, mais a offrir une
protection procédurale pour des droits déjà reconnus en
droit interne. Il convient cependant de conférer au terme de droit une
portée autonome sous l'angle de l'article 6 § 1 de la Convention
2.
En deuxième lieu, la CEDH accorde également un
sens autonome pour la notion de << droits et obligations à
caractère civil>>. D'une manière générale, la
Cour estime que cette expression englobe toute procédure dont l'issue
est déterminante pour des droits et obligations de caractère
privé~3. Donc, le champ d'application de l'article 6 n'est
pas limité aux contestations de droit privé au sens classique du
terme; c'est-à-dire les litiges entre des particuliers, ou entre un
particulier et l'Etat dans la mesure oü ce dernier a agi comme personne
privée, soumise au droit privé, en excluant spécialement
les litiges entre un particulier et l'Etat en tant que détenteur de la
puissance publique. Dans son arrêt Ringeisen c. Autriche du 16 juillet
1971, la Cour a formulé d'une manière solennelle sa position en
jugeant que pour que l'article 6 par. 1 (art. 6-1) s'applique a une
contestation, il n'est pas nécessaire que, comme l'ont admis la
majorité de la Commission et le Gouvernement, les deux parties au litige
soient des personnes privées.
1CEDH, 28 juin 1978, König c. Allemagne,
requête no 623 2/73, § 88-89, disponible sur
http, cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=G%N6nig%20%7C%20c.
%20%7C%20Allemagne&sessionid=10296860&skin=hudoc-fr
(consulté le 29 janvier 2007).
2 CEDH, 24 septembre 2002, Posti etRahko c. Finlande,
requête no 27824/95, § 51, disponible sur
http, cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=posti&sessionid=102928
50&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).
3König c. Allemagne, op. cit., § 90.
Le libellé de l'article 6 par. i (art. 6-i) est
beaucoup plus large; les termes francais "contestations sur (des) droits et
obligations de caractère civil" couvrent toute procédure dont
l'issue est déterminante pour des droits et obligations de
caractère privé. Le texte anglais, qui vise "the determination of
(...) civil rights and obligations", confirme cette interprétation
))6.
En conséquence, l'issue de la procédure est le
critère déterminant pour que l'article 6 alinéa 1 soit
appliqué, peu importe la nature de la loi selon laquelle la contestation
doit être tranchée (civile, commerciale, administrative, etc.), et
quel que soit la nature de l'autorité compétente en la
matière (juridiction de droit commun, organe administratif, etc.). Le
seul critère qui compte est le caractère privé du droit en
question. Ce caractère se traduit par une définition
concrète selon laquelle le droit contesté doit avoir une nature
patrimoniale ou personnelle. Autrement dit, le droit en question peut avoir un
caractère civil, lorsqu'il a un objet patrimonial et se fonde sur une
atteinte alléguée a des droits eux aussi
patrimoniaux2, quelle que soit l'origine du différend,
même s'il relève de la compétence des juridictions
administratives3. A ce titre, la Cour a jugé que la plainte
avec constitution de partie civile en droit français tendant a la
réparation d'un préjudice résultant d'une infraction,
impose l'applicabilité de l'art 6 al.
1 <<aux procédures relatives aux plaintes avec
constitution de partie civile, et ce y compris durant la phase de l'instruction
prise isolément ))4, sous la condition que la victime ait
renoncé de façon non équivoque a l'exercice de son droit a
réparation.
Donc, il résulte que la notion de <<droits et
obligations de caractère civil>>, reçoit une acception
très large par la CEDH oü <<le critère d'incidence
d'une situation ou d'un acte sur les droits patrimoniaux du justiciable
apparaIt comme le critère décisif ))5 de
1CEDH, 16 juillet 1971, Ringeisen c. Autriche,
requête no 2614/65, § 94, disponible sur
http, cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=2&portal=hbkm&action=html&highlight=ringeisen&sessionid=10
296860&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).
2 FREDERIC SUDRE, op. cit., p. 335.
3CEDH, Editions Périscope c. France, 26 mars
1992, requête n°11760/85, § 40, disponible sur
http, cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=periscope&sessionid=10
296860&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).
4CEDH, 12 février 2004, Perez c. France,
requête no 47287/99, § 66, disponible sur
http, cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=3&portal=hbkm&action=html&highlight=pereR&sessionid=10296
860&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).
5Frédéric SUDRE, op. cit., p. 335.
l'applicabilité de l'article 6. Cette lecture extensive
de l'article 6 a ouvertement poussé le juge européen a couvrir
plusieurs types des procédures sous le parapluie de la notion autonome
de << contestation en matière civile >>.
§2. Le droit a un procès equitable ; une notion
< attrape tout>>
On a vu que la jurisprudence dynamique et évolutive de
la CEDH accorde une acception matérielle et non pas formelle ou
organique de la notion de << contestation sur des droits et obligations
de caractère civil >>. Cela dit, qu'un droit peut être de
caractère public ou administratif au sens du droit interne, mais il peut
avoir un caractère civil au sens européen. On peut actuellement
constater que l'acception matérielle du droit a caractère civil a
conduit la juridiction européenne a procéder a une extension
<< tous azimuts>>1 de l'article 6, en l'imposant aux
contentieux inédits2.
D'une manière générale, le critère
de la patrimonialité du droit a permis au juge européen
également de considérer comme de <<caractère
civil>> de nombreux contentieux classiquement de droit
public3. On peut citer par exemple, l'application de l'article 6 aux
contentieux devant le conseil de médecine4, la
procédure disciplinaire ordinale des avocats5, aux
procédures relatives au licenciement d'un employé par une
1prédéric SUDRE, ibid., n° 206, p.
335.
2 Virginie CLAUDE et Nicolas RAMBION, <<La judiciarisation
fondée sur le critère du caractère civil des droits et
obligations en cause >>, in La diffusion du modèle européen
du procès equitable, op. cit., pp. 137-188.
3 Dans une motivation européenne, le Conseil
d&Etat a fait usage du critère de la
patrimonialité lorsqu&il fait entrer dans le champ de la
<< matière civile >> un litige relatif a
l&institution d&une redevance
aéroportuaire pour service rendu a un usager du service public, en
l'espèce, transport aérien public (CE, Avis, 16 févier
2001, Syndicat des compagnies aériennes autonomes, AJDA, 2002, 341, note
D. Sabourault). Le critère de la patrimonialité a
été également utilisé dans un contentieux oü
des intérêts moratoires contractuels dus aux entreprises
titulaires de marchés publics (CE, 5 juillet 2004, Société
sud parisienne de construction, AIDA, 2004,2216, note J.-P. Markus). Les
arrêts sont consultables sur
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/RechercheSimpleJade.jsp
(consulté le 31 janvier 2007).
4 CEDH, 23 juin 1981, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c.
Belgique, requête no 6878/75; 7238/75, § 45 a 51, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
view.aspIitem=4&portal=hbkm&action=html&highlight=le`20`7C`20compte&
sessionid=10296860&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier
2007).
5CEDH, 30 novembre 1987, H. c. Belgique, requête
no 8950/80, § 47 et 48, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
view.aspIitem=13&portal=hbkm&action=html&highlight=H&sessionid=1029686
0&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).
Récemment, le Conseil a fait un virage spectaculaire par sa
décision en Assemblée, du 14 février 1996, a l'occasion
d'un recours en annulation contre l'article 192 du décret du 27 novembre
1991 organisant la profession d'avocat, pour admettre que l'article 6 §1
imposant la publicité des débats, est applicable
entreprise privée1, aux litiges concernant
la sécurité sociale2, un arrêté
préfectoral concernant une procédure d'expropriation3,
aux litiges de fonction publique4, ou aux juridictions
financières5.
aux juridictions disciplinaires qui statuent sur des
contestations portant sur des droits et obligations de caractère civil:
qu'il résulte de ces dispositions que l'avocat concerné a droit,
des lors qu'il enfait la demande, a ce que sa cause soit entendue publiquement,
le conseil de l'Ordre gardant lafaculté de ne pas accéder a cette
demande si la publicité de l'audience est susceptible de porter atteinte
a un secret protégé par la loi; que des lors, les dispositions
précitées de l'article 192 du décret atta qué ne
sont pas contraires aux stipulations de l'article 6-i de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertésfondamentales . Dans le même sens, Cass. Civ., ch. 1, 10
Janvier 1984, n° de pourvoi : 82-16968, disponible sur
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=104071&indice=15&table=CASS&ligneDeb=1
(consulté le 29 janvier 2007).
1 CEDH, 6 mai 1981, Buchholz c. Allemagne, requête no
7759/77, § 42, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
view.asp?item=19&portal=hbkm&action=html&highlight=BuccliolR%20%7C%20c.
%20%7C%20Allemagne&sessionid=10309276&skin=hudoc-fr
(consulté le 31 janvier 2007): En le même sens, mais au regard
d'un agent contractuel par l'administration; CEDH, 26 octobre 1993, Darnell c.
Royaume-Uni, requête no 15058/89, disponible sur
http://cmiskp.ec
hr.coe.int/tkp697/view.asp?item=6&portal= hbkm&action= html& hig
hlig ht=darnell&sessionid=6G.q 09276&skin=hudoc-fr
(consulté le 31 janvier 2007).
2 CEDH, 29 mai 1986, Feldbrugge c. Pays-Bas, requête no
8562/79, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
view.asp?item=3&portal=hbkm&action=html&highlight=Neldbrugge%20%7C%20
c.%20%7C%20Pays-Bas&sessionid=10309276&skin=hudoc-fr
(consulté le 31 janvier 2007): CEDH, 26 février 1993, Salesi
c. Italie, requête no13023/8, disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkpl97/view.asp?item=6&portal=hbkm&action=html&highlight=Salesi%2o%7C%2oc.%
20%7C%2OItalie&sessionid=10.q09276&skin=hudoc-fr (consulté
le 31 janvier 2007): CEDH, 9 décembre 1994, Schouten etMeldrum c.
Pays-Bas, disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkpl97/view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Schouten%2o%7C%2oe
t%2o%7C%2oMeldrum%2o%7C%2oc.%2o%7C%2oPays-Bas&sessionid=lo.qo9276&skin=hudoc-fr
(consulté le 31 janvier 2007).
3 CEDH, 28 mars 2000, 2anatta c. France, requête n°
38042/97, § 23 à25, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Ranatta%20%7C%20c.%
20%7C%20France&sessionid=10315248&skin=hudoc-fr (consulté
le 31 janvier 2007); CEDH, 21 février 1997, Guillemin c. France, §
23 et s: CEDH, 25 octobre 1989, Allan Jacobsson c. Suede, § 73. Les
arrêts sont consultables sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=10315248&skin=hudoc-fr
(consulté le 31 janvier 2007).
4 MEHMET ONCU, Lafonction publique et l'article 6 de la
convention européenne des droits de l'homme, mémoire de DEA de
Droit public, Bruylant, 2004, p. 22 et s. CEDH, Pellegrin c. France, du 8
décembre 1999, § 64 a 66, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=pellegrin%20%7C%20c.
%20%7C%20France&sessionid=10315248&skin=hudoc-fr (consulté
le 31 janvier 2007).
5 CEDH, 7 octobre 2003, Richard-Dubarry c. France, requête
no 53929/00, disponible sur
Cette tendance européenne a obligé le Conseil
d'Etat comme la Cour de Cassation a admettre la judiciarisation des
procédures devant plusieurs instances qui n'ont pas le caractère
du tribunal au sens du droit interne; tel est le cas pour le Conseil national
de l'Ordre des pharmaciens1, le Conseil de la
propriété industrielle2, le Conseil supérieur
de l'éducation a l'encontre d'un chef d'établissement
(interdiction temporaire de diriger un établissement libre
d'enseignement secondaire )3, ou le Conseil national de
l'enseignement supérieur et de la recherche a l'encontre d'un
étudiant ( exclusion définitive de l'Université)
4, la Commission centrale d'aide sociale
(CCAS)5, les commissions départementales des travailleurs
handicapés, des mutilés de guerre et assimilés
(CDTH)6, les Unions de recouvrement de cotisations de
Sécurité sociale et
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/portal.asp?sessionld=10315248&skin=hudoc-fr&action=request
(consulté le 31 janvier 2007). CEDH, 12 avril 2006, Martinie c.
France, requête no 58675/00, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Martinie%20%7C%20c.
%20%7C%20France&sessionid=10315248&skin=hudoc-fr (consulté
le 31 janvier 2007).
1 CE, 23 janvier 1998, requête du M. Bernard Doutres,
n° 175820, disponible sur
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=136658&indice=1&table=JADE&ligneDeb=1
(consulté le 29 janvier 2007).
2 CE, 17 mai 1999, requête des M. et Mme André
LEBRETON, disponible sur
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=121925&indice=1&table=JADE&ligneDeb=1
(consulté le 29 janvier 2007).
3CE, 10 janvier 2000, requête du M. Claude
Massard, n° 190041, disponible sur
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=167723&indice=17&table=JADE&ligneDeb=1
4CE, 19 janvier 2000, requête de Mlle
Sandrine Pawlowski, n° 187353; CE, 3 novembre 1999, requête du M.
Zurmely, n° 203748; CE, 7 juin 2000, requête du M. Ralph Zurmely,
n° 206362. Les arrêts sont consultables sur
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/RechercheSimpleJade.jsp
(consulté le 29 janvier 2007).
5 CE, 29 juillet 1994, requête du département de
l'lndre, n° 111251; chrono L. Touvert et J.-H. Stahl, AJDA, 1994, p. 691;
a une décision de la CCAS refusant l'octroi q'une prestation d'aide
sociale (CE, 27 mars 1998, requête du département de
Saône-et-Loire, n° 145512) ; a la récupération d'un
trop-perçu au titre du RMI (CE, Ass., 6 décembre 2002, Trognon,
AJDA, 2002, 1418, obs. C. Biget) ; a une procédure relative a la prise
en charge par l'Etat de cotisations patronales de Sécurité
sociale acquittées par un college privé sous contrat (CE, Avis, 5
décembre 1997, requête de Mme Lambert n° 140032, AJDA, 1998,
167, obs. T.-X. Girardot et F. Raynaud) ; a une décision de la
commission contentieuse des soins gratuits de refus de prise en charge d'une
cure thermale (CE, 3 décembre 2003, requête de la pharmacie du
soleil, n° 246134) ; a une procédure relative a l'allocation d'une
pension de retraite (CE, Avis, 3 novembre 2003, requête du M. Saad,
n° 256334, AJDA, 2003, 2120). Les arrêts sont consultables sur
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/RechercheSimpleJade.jsp
(consulté le 31 janvier 2007).
6CE, 6 décombre 2002, requête de M. et
Mme Johnny X, n° 223088, AIDA, 2002, 1418, obs. C. Biget : disponible sur
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=171865&indice=1&table=JADE&ligneDeb=1
(consulté le 31 janvier 2007).
d'allocations familiales (URSSAF)1, ou a la
procédure de jugement des comptes des comptables publics2.
Bref, le juge français montre d'une manière sans équivoque
qu'il est un bon élève du juge strasbourgeois en ce qui concerne
l'élargissement du volet civil de l'article 6 § 1 de la CESDH.
Nonobstant, comme le remarque le professeur Sudre, <<le
juge européen semble vouloir << verrouiller>> le champ
d'application du volet << civil>> de l'article 6 §1
>>3. Dans l'affaire Ferrazzini c. Italie, le juge
européen a posé le principe selon lequel les notions autonomes
contenues dans la Convention doivent être interprétées a la
lumière des conditions de vie actuelles dans les sociétés
démocratiques n'autorise pas la Cour a interpréter l'article 6
§ 1 comme si l'adjectif civil )), avec les limites que pose
nécessairement cet adjectif a la catégorie des droits et
obligations)) a laquelle s'applique cet article, nefigurait pas dans le texte
))4. Il demeure donc qu'il ya des zones d'exclusion du champ
d'application de l'article 6, qui frappe effectivement quatre catégories
principales de justiciables: les fonctionnaires participant a l'exercice de la
puissance publique, les contribuables5, les étrangers (ex les
procédures d'éloignement du territoire, d'expulsion,
d'extradition ou d'octroi d'asile politique)6, et les
électeurs1.
1Cass. Civ., 2e ch., 16 novembre 2004,
Colas (Sté) c. URSSAF de Paris, D. 2005, 1067, note N. Fricero.
2 CE, 19 juin 1991, Ville d'Annecy, Rec., p. 242, RFDA, 1992, p.
521, chrono H. Labayle et F. Sudre; CE, 3 avril 1998, Mme Barthelemy, concl. M.
Lamy, RFDA, 1998, p. 1040; CE, 27 octobre 2000, requête de Mme Desvigne,
RFDA, 2001, 737, conc!. A. Seban. Les arrêts sont consultables sur
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=118347&indice=1&table=JADE&ligneDeb=1
(consulté le 31 janvier 2007).
3Frédéric SUDRE, op. cit., p. 342
4 CEDH, 12 juillet 2001, Ferrazzini c. Italie, § 30; JCP
éd. G., 2002, I, 105, n° 6, chrono Frédéric SUDRE:
disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Ferrazzini%20%7C%20ci
%20%7C%20Italie%2C&sessionid=10323769&skin=hudoc-fr
(consulté le 31 janvier 2007).
5Ferrazzini c. Italie, op.cit., § 29.
6CEDH, 5 octobre 2000, Maaouia c. France,
requête no 39652/98, §§ 38 et 39, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
view.asp?item=2&portal=hbkm&action=html&highlight=Maaouia%20%7C%20c.
%20%7C%20France&sessionid=10323769&skin=hudoc-fr (consulté
le 31 janvier 2007). Dans cette optique, le Conseil d'Etat comme la Cour de
cassation prennent une position identique a celle-ci de la juridiction
européenne. CE, 7 novembre 1990, requête de Mme Serwaah, Rec.,
311; CE, M. Simozrag, 29 décembre 1997, n° 165590; CE, 28 avril
2000, requête de Mme Aiyu Qu, RFDA, 2000,707. Les arrêts sont
disponibles sur
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=78866&indice=1&table=CASS&ligneDeb=1
(consulté le 31 janvier 2007). Cass. crim., 4 mai 2000, D. 2000,
n° 23, disponible sur
La raison principale de cette exclusion repose sur le fait que
les catégories précitées impliquent des litiges de nature
administrative et discrétionnaire qui appartiennent aux noyaux durs des
prérogatives de la puissance publique: Il n 'est pas davantage suffisant
en soi de de'montrer qu'un litige est de nature "patrimoniale". Il
peut exister des obligations "patrimoniales" ai l'égard de
l'Etat ou de ses autorite's subordonne'es qui, aux fins de l'article
6 par. i (art. 6-i), doivent passer pour relever exclusivement du domaine du
droit public et ne sont, en conse'quence, pas couvertes par la
notion de "droits et obligations de caractère civil " ~+.
Il en résulte que la distinction classique entre le
droit prive~ le droit public, et entre juridiction ordinaire ou administrative,
n'existe plus. Sous cet angle, la notion de tribunal apparalt
appréciée non selon la nature de l'organe juridictionnel, mais au
regard de l'effet de la procédure sur la détermination des droits
de l'individu. Le procès équitable est devenu la norme
processuelle de référence qui envahit tous les contentieux. A cet
égard, la question se pose de savoir oü si situent les
procédures extrajudiciaires par rapport au champ d'application de
l'article 6 de la CESDH. C'est ce qu'on examinera par la suite.
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=78866&indice=1&table=CASS&ligneDeb=1
(consulté le 31 janvier 2007).
1 CEDH, 21 octobre 1997, Pierre-Bloch c. France, requête
n° 120/1996/732/938, §§ 38 à51 ; RFDA, 1998, 999, note P.
Jan ; AJDA, 1998, 65, note Burgorgue-Larsen; disponible également sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=PierreBloch%20%7C%20ci%20%7C%20France&sessionid=10323769&skin=hudoc-fr
(consulté le 31 janvier 2007). 2CEDH, 9 décembre
1994, Shouten etMeldrum c. Pays-Bas, § 50, JCP éd. G., 1995 :
disponible sur http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Shouten%20%7C%20et
%20%7C%20Meldrum%20%7C%20c.%20%7C%20Pays-Bas&sessionid=10323769&skin=hudoc-fr
(consulté le 31 janvier 2007); CE, 2 juin 1989, requête du
Bussoz, n° 62979, Rec., p. 563 ; CE, 28 avril 1993, requête du
Legros, n° 112072, p. 487. Les arrêts sont consultables sur
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=118347&indice=1&table=JADE&ligneDeb=1
(consulté le 31 janvier 2007) ; Cass. Ass. plén., 14 juin
1996, Kloeckner, JCP éd. G, 1996, II, 22692, concl. Y. Monnet :
disponible sur
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=78866&indice=1&table=CASS&ligneDeb=1
(consulté le 31 janvier 2007).
Section 2 : L'expérience des organes de
Strasbourg en matière d'arbitrage
On sait bien que grace a l'interprétation autonome la
CEDH a conduit a une application de l'article 6 de la CESDH aux contentieux
inédits, hors la juridiction ordinaire : juridictions
spécialisées et autorités administratives. La question qui
se pose a cet égard, est de savoir si cette oeuvre prétorienne
pourrait pénétrer dans les modes alternatifs de règlements
des différends; un domaine qui n'implique pas l'intervention de l'Etat.
Rappelons que, dans le cadre des MARD, il n'y a pas de juge qui tranche
l'affaire, mais une personne privée, soit un arbitre, un
médiateur ou un conciliateur. De même, la fonctionnalité de
ces moyens alternatifs de résolution des litiges implique
forcément le dépassement de quelques règles
procédurales imposées dans la voie judiciaire.
Cependant, il ne faut pas oublier que, dans le cadre de la
voie judiciaire, le tiers intervenant doit être indépendant et
impartial des parties. Donc, l'idée même du procès
équitable s'impose naturellement dans ce contexte mais sous une logique
différente de celle oü les parties ont une certaine liberté
pour déterminer la dimension les règles procédurales qui
s'appliquent a leurs litiges. C'est, comme le souligne le professeur LoIc
Cadiet, la liberté contractuelle qui rend possible ce mariage entre le
procès et le contrat en donnant possible une naissance a la
contractualisation du procès ou la contractualisation de la justice: Si
le procès pénètre le contrat, le contrat
pénètre aussi le procès, processualisation du contrat et
contractualisation du procès apparaissent ainsi comme le recto et le
verso d'une même réalité ~6.
La question qui se pose d'abord avant d'analyser la position
des organes de Strasbourg vis-a-vis de l'application de l'article 6 en
matière d'arbitrage (B), est de savoir si cette justice contractuelle
peut permettre aux particuliers de renoncer aux garanties procédurales
de l'article 6 (A).
A. La renonciation comme un obstacle a l'application de
l'article 6
La Cour et la Commission ont adopté un principe selon
lequel une renonciation contractuelle a un droit substantiel ne produit aucun
effet. Dans l'affaire Vogt c.
1 LoIc CADIET, <<Les jeux du contrat et du procès :
esquisse >>, in Philosophie du droit et droit économique,
Mélanges Gérard Parjat, Ed. Prison-Roche, 1999, p. 25.
Allemagne, la requérante, du fait de son embauche comme
enseignante, avait accepté l'obligation de loyauté politique
imposée aux fonctionnaires (une restriction a son droit de
liberté d'expression). Malgré cela la CEDH a jugé que s'il
apparaIt légitime pour l'Etat de soumettre ces derniers, en raison de
leur statut, a une obligation de réserve, il s'agit néanmoins
d'individus qui, a ce titre, bénéficient de la protection de
l'article 10 (art. 10) de la Convention ~1. Il demeure donc que les
droits substantiels ont une importance fondamentale. Leur exercice ne doit en
principe dépendre que de la seule volonté de leurs
bénéficiaires. Pourtant, la jurisprudence européenne
montre que l'application de ce principe n'est pas assez stricte.
D'une manière générale, le consentement
de la personne qui a renoncé est pris en compte pour déterminer
s'il y a ou non violation des droits garantis. Par exemple, dans l'affaire
Rommelfanger contre RFA, la commission a estimé que le fait d'accepter
dans le contrat du travail un devoir de loyauté envers l'Eglise limite
la liberté d'expression de l'employé sans le priver de la
protection de l'article 10 2. De même, dans
l'affaire Van der Mussele c. Belgique, la Cour a considéré que
l'avocat stagiaire, qui se plaignait de devoir défendre gratuitement les
plus démunies, avait volontairement embrassé la profession
d'avocate en connaissant la pratique en cause3. Pourtant, la
question se pose au regard des renonciations aux garanties
procédurales.
En effet, les organes de Strasbourg opèrent une
distinction nette entre les garanties procédurales et les garanties
substantielles en ce qui concerne la faculté accordée aux
particuliers de renoncer aux droits garantis. Néanmoins, cette
distinction semble difficile en ce qui concerne la renonciation aux garanties
du droit a un procès équitable dans la mesure oü l'article 6
n'apparaIt pas dans la jurisprudence européenne comme une simple
garantie formelle, mais comme un vrai droit substantiel. Dans ce
1CEDH, 26 septembre 1996, Vogt c. Allemagne, °
52, disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/portal.asp?sessionId=996303&skin=hudoc-fr&action=request(consulté
le 22 nov. 2006).
2Décision de la Commission du 6 septembre 1989,
Rommelfanger contre RFA, disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/portal.asp?sessionld=996303&skin=hudoc-fr&action=request(consulté
le 22 nov. 2006).
3CEDH, 23 novembre 1983, Van derMussele c. Belgique,
requête no 891 9/80, § 40, disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/portal.asp?sessionld=996303&skin=hudoc-fr&action=request(consulté
le 22 nov. 2006).
contexte, les organes de Strasbourg différencient entre la
renonciation générale et partielle.
§i. L'interdiction de la renonciation
générale
Tout d'abord, il faut rappeler que l'article fait partie de la
notion d'ordre public européen1 qui vise a assurer un
idéal commun d'une société démocratique pour les
Etats membres. A la base de cet idéal démocratique commun se
trouve l'article 6 de la CESDH qui exige des Etats et de leurs institutions
qu'ils garantissent, a toute personne qui doit être jugée, un
procès équitable. Cet article vise non seulement que tous les
citoyens de la démocratie peuvent constater et vérifier la
fiabilité de leur justice, mais aussi renforce le principe de la
séparation des pouvoirs dans la mesure oü il exige
l'impartialité et l'indépendance des juges: une justice qui ne
soit soumise a aucune autre autorité ni aucune influence. De la sorte,
toute renonciation générale aux garanties procédurales est
considérée contraire aux exigences de la société
démocratique puisque le droit au procès équitable fait
pleinement partie de la conception européenne de l'ordre public.
Dans l'arrêt Golder du 21 février 1975, la Cour
de Strasbourg s'inspire des articles 31 a 33 de la Convention de Vienne du 23
mai 1969 sur le droit des traités, pour donner a l'article 6 le
caractère d'un principe général reconnu par les nations
civilisées et l'assimile a un élément impératif de
l'ordre public international2. Dans le même esprit,
malgré le fait que l'article 6 ne figure pas parmi le noyau dur des
droits de l'homme proclamés par la convention, la CEDH l' a
considéré comme un principe fondamental de la
prééminence du droit dans une société
démocratique3. A cet égard, le Professeur et
1 CEDH, 23 mars 1995, Loizidou c/ Turquie, exception
préliminaire, § 93, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=3&portal=hbkm&action=html&highlight=%2C%20%7C%20~oiRid
ou%20%7C%20c/%20%7C%20Turquie&sessionid=9474568&skin=hudoc-fr
(consulté le 22 nov. 2006).
2 Les thèses présentées a la Cour ont
porté d'abord sur la méthode a suivre pour
l'interprétation de la Convention Commission, (...) qu'il y a lieu pour
elle de s'inspirer des articles 31 à33 de la Convention de Vienne du 23
mai 1969 sur le droit des traités. (...) énoncent pour
l'essentiel des règles de droit international communément admises
etA ce titre, ils entrent en ligne de compte pour l'interprétation de la
Convention européenne sous réserve, le cas échéant,
de "toute règle pertinente de l'organisation" au sein de laquelle elle a
été adoptée, le Conseil de l'Europe , CEDH, 21
février 1975, Golder c. Royaume Uni, requête n° 4451/70,
§ 29 et 30 : disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=golder&sessionid=10283
521&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).
3CEDH, Sunday Times c. Royaume Uni, 26 avril 1979,
requête n° 6538/74, § 55 : disponible sur
l'ancien juge a la Cour européenne, Franz Matscher
indique que << il n'existe pas, en matière civile, de renonciation
a priori totale - unilatérale ou conventionnelle a la protection
judiciaire qui ait une quelconque valeur processuelle 1
En conséquent, on peut déduire que les garanties
du droit a un procès équitable ne sont pas évincées
par le biais d'une renonciation générale ou totale des parties.
La question qui se pose, est de savoir si une clause compromissoire ou un
compromis sont considérés contraire a la Convention dans la
mesure oü ils offrent aux parties la possibilité de renoncer au
droit a l'accès au tribunal. Autrement dit, est-ce que la renonciation
générale rendra l'arbitrage, plus généralement les
moyens alternatifs de résolution des litiges, illicite aux yeux des
organes de Strasbourg? Une réponse négative s'impose en lisant la
jurisprudence européenne qui reconnalt la possibilité d'une
renonciation partielle aux garanties procédurales.
§2. La possibilité de la renonciation partielle
L'institution de l'arbitrage se heurte théoriquement
avec le droit d'un procès équitable. D'une part, par l'accord
d'arbitrage les parties montrent leur volonté commune2 de ne
pas recourir aux tribunaux étatiques. Autrement dit, ils n'ont plus
accès au juge étatique. D'autre part, l'essence de l'arbitrage
réside dans la confidentialité des débats. La question
essentielle qui se pose en matière d'arbitrage ou d'autres moyens de
résolutions de litiges, est celle de la légitimité de la
faculté des particuliers de renoncer a
http, cmisVp.echr.coe.int tVp197
vie..asp?item=L&portal=hbVm&action=html&highlight=sunday`20`7C`20tim
es&sessionid=1028q521&sVin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier
2007).
1 Franz MATSCHER, << L&arbitrage et la
Convention, article 6 (suite) >>, in La Convention européenne des
droits de l'homme, Commentaire article par article, sous la direction de
Louis-Edmond PETTITI, Economica, 1995, p. 282.
2 La renonciation peut aussi due du comportement
d&une partie en cours de procédure. En matière
d&arbitrage, il est par exemple constant qu&une
partie s&abstenant, en cours de procédure, de faire
valoir une cause de récusation dont elle avait connaissance, ne peut
ensuite exciper de cette circonstance pour obtenir l&annulation
de la sentence. Une telle renonciation ne se heurte pas a l'article 6 dans la
mesure oü la CEDH considère que l&omission de
demander une audience publique équivaut a une renonciation tacite au
droit d&obtenir une telle audience et qu&un
<< requérant ne sauraitprétendre avoir des motifs de douter
de l'impartialité du Tribunal qui l''ajugé alors qu'il pouvait en
récuser la composition mais s'en est abstenu . CEDH, 22 février
1996, Bulut c. Autriche; CEDH, 26 septembre 1995, Diennet c. France. Les
arrêts sont disponibles sur
http, cmisVp.echr.coe.int tVp197
vie..asp?item=L&portal=hbVm&action=html&highlight=sunday`20`7C`20tim
es&sessionid=1028q521&sVin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier
2007).
leur droit a un tribunal et a la publicité des
débats, des éléments du droit a un procès
équitable et le principe de prééminence du droit dans une
société démocratique. Evidemment, la jurisprudence de la
Cour européenne montre, une certaine souplesse, tantôt au niveau
du droit d'accès a un tribunal, tantôt la publicité des
débats.
En premier lieu, dans l'arrêt Golder oü la Cour a
reconnu le droit a un procès équitable comme une composante du
principe de la prééminence du droit, elle a néanmoins
indiqué que le droit d'accès aux tribunaux n'est pas absolu.
S'agissant d'un droit que la Convention reconnaIt sans le définir au
sens étroit du mot, il y a place, en dehors des limites qui
circonscrivent le contenu même de tout droit, pour des limitations
implicitement admises ~1. De même, dans l'arrêt Deweer
c. Belgique après que la Cour a eu souligné que le droit a un
tribunal revêt cependant une trop grande importance dans une
société démocratique , elle a rappelé que le "droit
a un tribunal" n'est pas plus absolu en matière pénale qu'en
matière civile 2. Donc, il demeure possible que
les garanties procédurales puissent faire l'objet d'une renonciation de
la part des particuliers.
En deuxième lieu, dans l'arrêt Hakansson et
Sturesson c. la Suède du 21 février 1990 dans lequel la Cour
ajugé que ni la lettre ni l'esprit de l'article 6 de la Convention
n'empêchent une personne d'y renoncer de son plein gré, de
manière expresse ou tacite, mais que pareille renonciation doit
être non équivoque et ne se heurter a aucun intérêt
public important 3. La Cour européenne l'a
confirmé expressément
1 Godler c. Royaume Uni, op. cit., § 38.
2CEDH, 27 février 1980, Deweer c. Belgique,
Requête no 6 903/75, § 49, disponible sur
http, cmisVp.echr.coe.int tVp197
vie..aspIitem=4&portal=hbVm&action=html&highlight=sunday`20`7C`20tim
es&sessionid=10283521&sVin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier
2007). Dans cette affaire, la Cour avait considéré que la
renonciation au << droit a un tribunal>> en acceptant une
transaction pénale, était entachée de contrainte eu
égard a la disproportion flagrante entre les deux branches de
l'alternative offerte au requérant, soit la fermeture immédiate
de son commerce de boucherie (oü il avait offert en vente des viandes en
infraction avec la réglementation), soit le paiement d'une amende
pénale d'un montant même relativement modeste, a titre de
transaction.
3 CEDH, 21 février 1990, Hakansson et Sturesson c. la
Suède, requête no11855/85. V0 dans le
même sens notamment les arrêts Le Compte, Van Leuven et De Meyere
du 23 juin 1981, série Ano 43, p. 25, § 59, et H. contre
Belgique du 30 novembre 1987, série A no 127, p. 36, §
54; les arrêts rendus par la Cour plénière, en cause Pretta
et autres c. l'#talie du 8 décembre 1983, § 21 et Sutter c. la
Suisse du 22 février 1984, § 26, disponible sur
http, cmisVp.echr.coe.int tVp197
vie..aspIitem=4&portal=hbVm&action=html&highlight=sunday`20`7C`20tim
es&sessionid=10283521&sVin=hudoc-fr (consulté le 15 juin
2007).
dans l'affaire Albert et Le Compte c. la Belgique en jugeant
que telle que la consacre l'article 6, i de la Convention, la règle de
la publicité des audiences peut aussi céder parfois devant la
volonté de l'intéressé. Sans doute, la nature de certains
des droits garantis par la Convention exclut-elle un abandon de la
faculté de les exercer (...), mais il n 'en va pas de même de
certains autres ))6.
De la sorte, la nature relative du droit d'accès a un
tribunal et la possibilité de renonciation a la publicité des
débats rendant possible le recours a l'arbitrage ne demeurent pas
essentiellement contraire aux exigences de l'article 6 de la CESDH dans la
mesure oü ils ne heurtent a aucun principe fondamental ni aucun
intérêt public important2. Ainsi que l&a
affirmé depuis longtemps la Commission dans l'affaire X. c. RFA, que
<<la conclusion d'un compromis d'arbitrage entre particuliers s'analyse
juridiquement! en une renonciation partielle a l'exercice des droits que
définit l'article 6, §1 de la Convention, et (...) rien dans le
texte de cet article ni aucun autre article de la Convention n'interdit
expressémentpareille renonciation ))3.
Ce point de vue a été concrétisé
dans les affaires Beer et Regan c. Allemagne4 et Waite et Kennedy c.
Allemagne5. En l'espèce, les requérants,
employés par l'Agence spatiale européenne, avaient engagé
diverses actions devant les juridictions nationales allemandes contre leur
employeur, et s'étaient heurtés a une fin de non recevoir
tirée de
1 CEDH, 10 février 1983, Albert et Le Compte c. la
Belgique, § 35, et H. c. la Belgique du 30 novembre 1987 (§ 54),
disponible sur
http, cmisVp.echr.coe.int tVp197
vie..aspIitem=4&portal=hbVm&action=html&highlight=sunday`20`7C`20tim
es&sessionid=10283521&sVin=hudoc-fr (consulté le 15juin
2007).
2 Pierre LAMBERT, <<L'arbitrage et l'article 6 de la
convention européenne des droits de l'homme >>, in L'arbitrage et
la Convention européenne des droits de l'homme, Actes du
séminaire du 4 mai 2001 conçu par les institut des droits de
l'homme des barreaux de Paris et de Bruxelles et organisé par l'institut
de formation continue du barreau de Paris, sous la présidence de
Monsieur le bâtonnier Georges Flécheux, Bruylant 2001, p. 16.
3 Commission, 5 mars 1982, X. c. Allemagne, Rec. 8, p. 68,
cité par Alexis MOURRE, <<Le droit français de l'arbitrage
international face a la Convention européenne des droits de l'homme
>>, D., 2 décembre 2000, dossier spécial arbitrage, doctr.,
p. 2070.
4CEDH, 18 février 1999, Beer et Regan c.
Allemagne, disponible sur
http, cmisVp.echr.coe.int tVp197
vie..aspIitem=4&portal=hbVm&action=html&highlight=sunday`20`7C`20tim
es&sessionid=10283521&sVin=hudoc-fr (consulté le 15 juin
2007).
5CEDH, 18 février 1999, Waite et Kennedy c.
Allemagne, disponible sur
http, cmisVp.echr.coe.int tVp197
vie..aspIitem=4&portal=hbVm&action=html&highlight=sunday`20`7C`20tim
es&sessionid=10283521&sVin=hudoc-fr (consulté le 15 juin
2007).
l'immunité de juridiction de l'Agence. Après
avoir épuisé les voies de recours internes, les requérants
ont saisi les organes de Strasbourg (la Commission depuis la Cour), argument du
fait qu'ils étaient privés de leur droit d'accès a un
tribunal.
La Cour a rejeté les requêtes des demandeurs en
considérant que le droit d'accès aux tribunaux, reconnu par
l'article 6 § 1, n'est pas absolu : il se prête a des limitations
implicitement admises car il commande de par sa nature même une
réglementation par l'Etat. Les Etats contractantsjouissent en la
matière d'une certaine marge d'appréciation '. Le motif de cette
décision réside dans le fait que les demandeurs n'étaient
pas privés de toute voie de recours en droit internent dans la mesure
oü ils disposaient en effet <<de procédures adaptées
aux particularités d'une organisation internationale et, dès
lors, différentes des recours disponibles en droit interne >>. En
l'espèce, ces procédures consistaient en une commission de
recours indépendante établie par les statuts de l'Agence, de
même qu'en une action en réparation contre les
sociétés les ayant détachés auprès
d'elle.
L'intérêt de ces décisions est
d'établir que la notion de droit d'accès a un tribunal dispose
une vocation large. Elle se rapporte a l'accès a la justice, et non
seulement a l'accès a la justice étatique. Dès lors que
les demandeurs pouvaient saisir la Commission de recours de l'Agence, ceux-ci
disposaient d'un juge, et l'article 6 de la Convention n'était pas en
principe violé. Il est clair que le fait de choisir de soumettre un
litige a l'arbitrage est considéré comme une renonciation licite
aux garanties procédurales. Pourtant, le tribunal arbitral signifie un
tribunal qui droit rendre justice aux parties selon une procédure
équitable.
B. La nature de l'arbitrage comme un obstacle a
l'application de l'article 6
Les moyens alternatifs de
résolution des litiges, et plus précisément
l'arbitrage,
sont marqués par le souci de la lenteur des
procédures judiciairesl. Cela, il demeure une
certaine
liberté des parties en ce qui concerne la formalité du
déroulement des
procédures extrajudiciaires. Or, cette
simplification procédurale ne signfie pas que
l'institution
d'arbitrage est loin de la culture du procès équitable. Au
contraire, dans le
1 v° infra, chapitre ler, titre I.
cadre de l'arbitrage les garanties de bonne justice doivent
être entièrement respectées1. L'arbitrage, soit
international soit interne, bénéficie d'une procédure
simplifiée, a condition que soient respectés quelques grands
principes. Seront ainsi toujours applicables les garanties fondamentales de
bonne justice, l'égalité entre les parties, le principe du
contradictoire, l'indépendance et l'impartialité du tribunal
arbitral. Le procès arbitral est un procès qui offre toutes les
garanties du procès équitable que l'on connalt en matière
judiciaire, sauf qu'il n'est pas public et qu'il n'est pas
nécessairement gratuit. Bref, la procédure d'arbitrage a vocation
a respecter les garanties contenues a l'article 6 de la Convention
Européenne des Droits de l'Homme. D'oü vient la question de
l'utilité d'examiner l'application de l'article 6 a l'arbitrage.
En effet, comme le remarque le professeur Charles
Jarrosson2, la simple lecture du texte de la Convention
européenne des droits de l'Homme montre qu'il n'est pas fait mention de
l'arbitrage; cette institution était loin de constituer un pole
d'intérêt pour ses rédacteurs. Pour fonder son argument, le
professeur Charles Jarrosson appuie sur l'article 1er de la
Convention qui énonce que les Hautes Parties contractantes reconnaissent
a toute personne relevant de leurjuridiction les droits et libertés
définis au Titre 1er . Pour lui, cet article ne donne pas un
quelconque argument en faveur de l'application de la Convention a l'arbitrage.
Il estime que la Convention européenne des droits de l'Homme a surtout
entendu viser les libertés publiques et leur respect par les seules
juridictions étatiques. L'Etat est seulement responsable du
dysfonctionnement de ses organes investis de la mission de juger. Donc,
l'arbitrage doit s'écarter du champ d'application de la Convention dans
la mesure oü il ne fait partie des organes étatiques; ~ La
Convention s'applique donc ratione personae a l'Etat et ratione materiae a ses
man quements constatés dans l'organisation ou le fonctionnement de ses
juridictions, et non pas ratione loci, pour tout exercice d'une activité
juridictionnelle sur son territoire. Ce dernier chef d'application aurait
été le seul - s'il avait pu être retenu - a
1 C'est ce qu'énonce l'article 1460 du NCPC:
<<Les arbitres règlent la procédure arbitrale sans
être tenus de suivre les règles établies pour les
tribunaux, sauf si les parties en ont autrement décidé dans la
convention d'arbitrage. Toutefois, les principes directeurs du procès
énoncés aux articles 4 a 10, 11 alinéa 1er et
13 a 21 sont toujours applicables a l'instance arbitrale.>>
2 Charles JARROSSON, << L'arbitrage et la Convention
européenne des droits de l'homme >>, Rev. arb., 1989, p. 573-
607.
justifier l'application de la Convention a l'arbitre statuant sur
le territoire d'un Etat contractant ))1.
Cependant, le professeur Charles Jarrosson constate une
coexistence pacifique entre l'arbitrage et la Convention dans la mesure oü
les textes da la convention font partie de l'ordre public international: il
apparaIt de plus en plus clairement qu'il existe une incompatibilité
matérielle entre l'application de la Convention européenne des
droits de l'Homme, même en imaginant de la modifier, et l'arbitrage. En
revanche, rien ne s'oppose et mieux: tout concourt a ce que les arbitres
puissent et doivent s'inspirer des principes qu'elle établit, en ce
qu'ils sont constitutifs d'un ordre public réellement international.
Entre l'arbitrage et la Convention européenne des droits de l'Homme,
mieux vaut une coexistence pacifique concrétisée par
l'inspiration que les arbitres puiseront dans les préceptes de la
Convention, qu'une dépendance contre nature qui passerait par
l'application d'un texte a un domaine qui lui est étranger. Ainsi, il
est possible de respecter les droits de l'Homme sans renier l'essence
même de l'arbitrage ))2.
C'est vrai que la Convention ne fait nulle part mention des
mots <<arbitre>> ou <<arbitrage >>. Mais, il serait
cependant trop hâtif d'en rester là et d'en déduire qu'il
n'existe aucun rapport entre la Convention et l'arbitrage. La
spécificité de la CEDH réside en la présence d'un
organe juridictionnel supranational chargé de veiller a l'application de
la Convention par les Etats membres. Ces organes juridictionnels ont connu
effectivement un développement spectaculaire dans leur activité
et leur autorité. <<Ils ont rapidementfranchi le pas qui
sépare la simple fonction de contrôle et de stricte application du
droit et celle de création du droit ))3. A vari dire, la
Convention est devenue une oeuvre prétorienne oü la jurisprudence
de la CEDH marque non seulement la dimension des droits de l'homme dans les
Pays membres, mais le sens de la Convention elle-même. De même, il
serait contradictoire de considérer que la convention telle
qu'interprétée par ses organes juridictionnels exprimerait des
principes faisant partie d'un ordre public véritablement international,
tout en soutenant qu'elle resterait étrangère a l'arbitrage qui
fait partie de l'idée de la justice. A cet égard, on
( Charles JARROSSON, ibid., p. 581, n°i6.
2 Charles JARROSSON, ibid., p. 607, n°63.
3 Charles JARROSSON, op. cit., p. 575.
constate que les organes de Strasbourg s'intéressent au
fonctionnement de la justice et non pas a sa structure, ainsi qu'à une
procédure d'arbitrage, tantôt forcé, tantôt
volontaire.
§i. L'application directe de l'article 6 a l'arbitrage
force
L'origine conventionnelle, ou a proprement parler volontaire,
est un élément essentiel de l'arbitrage; cela n'empêche pas
que le législateur peut souhaiter appliquer le régime juridique
de l'arbitrage a des juridictions d'exceptionh. Une première
conclusion se dégage de l'examen de cette jurisprudence: l'arbitrage
imposé - ou << forcé >> pour reprendre une expression
fréquemment employée - est soumis, de manière certaine,
aux garanties procédurales contenues dans l'article 6 de la
CESDH2. Cette conclusion se déduit de l'arrêt Lihtgow,
comme de l'arrêt Scarth, et de la décision de la Commission
européenne dans l'affaire Bramelid etMalstrom.
L'arrêt Lihtgow et autres c. Royaume- Uni rendu par la
Cour européenne le 8 juillet 1986, vit les demandeurs se plaindre de
n'avoir pu saisir un tribunal indépendant et impartial chargé de
déterminer les indemnités qui leur revenaient a la suite de la
nationalisation de certains de leurs biens. Ces indemnités avaient
été fixées par un organisme qualifié de <<
tribunal arbitral >>, composé d'un juriste nommé, pour le
présider, par le Lord Chancelier et des deux assesseurs
désignés par le ministre compétent. La Cour a
considéré que les garanties de l'article 6§1 trouvaient a
s'appliquer car on était, en réalité, en présence
d'une juridiction d'un type particulier certes, mais établie par la loi
au sens strict et oü la procédure ressemblait a celle des
juridictions ordinaires et non d'un véritable arbitrage voulu par les
parties en litige3.
Dans le même ordre d'idées, ce point de vue
était même dans l'affaire Scarth c. Royaume-uni qui donna lieu a
un arrêt rendu par la quatrième section de la <<
nouvelle>> Cour européenne le 22 juillet 1999. En l'espèce,
il s'agissait en l'occurrence d'une
1 C'est ce qu'il a fait en France pour la Commission arbitrale
des journalistes, mais en lui conservant un régime particulier lorsque
la sentence est rendue, puisque alors son seul dépôt au greffe
suffit a lui donner force exécutoire. Charles JARROSSON, op. cit., p.
582.
2 Pierre LAMBERT, op. cit., p. 15, n° 4.
3 CEDH, 8 juillet 1986, Lihtgow et autres c. le Royaume- Uni,
§ 201. Le texte de l'arrêt n'a été publié que
dans sa version anglaise; voir en annexe une traduction non officielle en
français, in L'arbitrage et la Convention européenne des droits
de l'homme, op. cit., pp. 7'-85.
procédure de recouvrement d'une créance soumise,
eu égard a son montant relativement dérisoire, a un arbitrage
selon les règles de la Scarborough Country Court. Le requérant
invoquait l'absence d'une audience publique et la Commission, unanime,
concluait a la violation de l'article 6 §1 de la Convention
européenne. Quant a la CEDH, elle déclara, également a
l'unanimité, << ne voir aucune raison de s'écarter de la
conclusion de la Commission >>1 , mais, a vrai dire, le
gouvernement britannique mis en cause ne formulait aucune contestation et l'on
se trouvait en présence d'un arbitrage que l'on peut considérer
comme imposé.
Dans le même esprit, dans les affaires Lars Bramelid et
Anne-Marie Malstrom c. la Suede, la Commission européenne estima, le 12
décembre 1983, que les arbitres doivent offrir les garanties
prévues par l'article 6 §1 de la Convention lorsqu'il s'agit d'un
<< arbitrage forcé >>, ou selon l'expression de la
Commission; c'est-à-dire lorsque l'arbitrage est imposé par la
loi, les parties n'ayant aucune possibilité de soustraire le litige a la
décision d'un comité d'arbitres. En l'espèce, il
s'agissait d'un litige sur le droit de rachat de la valeur des actions d'une
société anonyme qui devait être, selon la
législation suédoise en vigueur a l'époque,
obligatoirement tranché par trois arbitres. La Commission a conclu, a
l'unanimité, a une violation de l'article 6§1 de la Convention en
raison du fait que les parties n'avaient pas été traitées
sur un pied d'égalité en ce qui concerne la désignation
des arbitres2.
Cette application de l'article 6, a l'arbitrage forcé
ou imposé pour reprendre l'expression de la jurisprudence
européenne, est tout a fait justifiée dans la mesure oü le
tribunal arbitrait est établi par la loi. Pour le professeur Jarrosson,
l'arbitrage forcé est une fausse exception au régime de
l'arbitrage. Il est justement établi par la seule volonté
1 CEDH, 22 juillet 1999, Scarth c. le Royaume-Uni, § 29.
Le texte de l'arrêt n'a été publié que dans sa
version anglaise; voir en annexe une traduction non officielle en
français, in L'arbitrage et la Convention européenne des droits
de l'homme, ibid., pp. 85-89. L'arrêt est consultable dans sa version
anglaise sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=>carth%20%7C%20c.%2
0%7C%20le%20%7C%20Royaume-uni&sessionid=1007688&skin=hudoc-en
(consulté le 15 juin 2007).
2 Comm., 12 décembre 1983, Lars Bramelid et Anne-Marie
Malstrom c. la Suede, requête n° 8588/i9 et, 8589/79, voir le texte
de la décision en annexe in L'arbitrage et la Convention
européenne des droits de l'homme, ibid, pp.; La décision est
consultable dans sa version anglaise sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/portal.asp?sessionId=1007811&skin=hudoc-fr&action=request
(consulté le 15 juin 2007).
du législateur qui veut emprunter quelques aspects du
régime juridique de l'arbitrage et les imposer a certaines instances.
Donc, l'arbitrage forcé apparalt comme les autres organes
étatiques qui se soumettent a l'autorité de l'Etat. Or, la
question la plus sensible est celle de l'application de l'article 6 a
l'arbitrage volontaire qui est née de la volonté des
particuliers.
§2. L'application indirecte de l'article 6 a
l'arbitrage volontaire
L'origine contractuelle et volontaire de l'arbitrage se heurte
a l'application du droit a un procès équitable. Certains auteurs
ont soutenu que si des arbitres ne répondent pas aux conditions
d'indépendance et d'impartialité que prévoit l'article 6
de la Convention européenne, alors qu'ils ont été
librement choisis par les parties, celles-ci sont mal venues de s'en plaindre,
des lors qu'elles ont assumé leurs responsabilités en exprimant
librement leur volonté avant la naissance du litige1. Pour
Olivier JacotGuillarmod, il est manifeste, a-t-il écrit, que dans la
plupart des cas, les juridictions arbitrales n'offrent pas auxjusticiables
toutes les garanties procédurales énumérées a
l'article 6bi, mais cette situation n'est pas contraire a cette disposition
s'il apparaIt clairement a la lumière des circonstances de droit et de
fait que, par la convention arbitrale, les justiciables ont volontairement,
librement et légitimement renoncé a certaines garanties offertes
sans restrictions a ceux qui préfèrent soumettre leur
contestation civile auxjuridictions étatiques . Et cet auteur ajoutait:
Les plaideurs ne sauraient impunément tenir en même temps 'le
chaud et lefroidç c'est-à-dire choisir
délibérément la procédure arbitrale en raison de
ses avantages supposés, puis se plaindre ultérieurement devant
les organes de la Convention du non-respect intégral des garanties
procédurales 2
Au contraire, le Professeur Bruno Oppetit avait, a cet
égard, bien senti que << la justice, globalement
considérée et quelles que soient les voies par lesquelles elle
est rendue, tend a s'organiser de nos jours enfonction d'une éthique
communément partagée:
1 Ernest KRJNGS et Lambert MATRAY, <<Le juge et
l'arbitre >, Revue du droit international et droit comparé, 1982,
p.227 et s.
2 Olivier JACOT-GUTLLARMOD, <<L'arbitrage privé
face a l'article 6, 1 de la Convention européenne des droits de l'homme
>, in protection des droits de l'homme: la dimension
européenne - Mélange, en l'honneur de Gérard .J. Wiarda,
sous la direction de Franz MATSCHER et Hebert PETZOLD, éd. Carl Heymans
Verlag, Cologne, 1988, p. 292.
la notion de procès équitable; cette
nécessité qu'a pu exprimer enforme solennelle un texte (l'aussi
grande portée que la Convention européenne des droits de l'homme
et des libertésfondamentales (...) possède désormais une
résonance universelle: elle apparaIt comme la traduction d'exigences
supérieures, sans considération de la source (droit naturel,
principes généraux du droit, ordre public
<<réellement international) dont elle serait susceptible de
découler; cette philosophie du procès, sinon de lajustice dans
toutes ses modalités institutionnelles, transcende pro gressivement les
clivages nationaux ou techniques, pénètre dans les droits
positifs et contribue largement a restituer une unité de but a
lafonction dejuger,1.
Devant cette divergence doctrinale, de rares décisions
de la Commission européenne devraient nous éclairer davantage sur
la question posée par l'application des dispositions de l'article 6U1 de
la Convention a l'arbitrage volontaire. Rappelons d'abord que dans une
décision rendue le 5 mars 1962, dans l'affaire X c. RFA
(République fédérale d'Allemagne)2, la
Commission a légitimé le recours a l'arbitrage en
considérant que La conclusion d'un compromis d'arbitrage entre
particuliers s'analyse juridiquement en une renonciation partielle a l'exercice
des droits que définit l'article 6, 1" de la Convention (et) rien dans
le texte de cet article ni d'aucun autre article de la Convention, n'interdit
expressément pareille renonciation (...). La Commission ne saurait
davantage présumer que les Etats contractants, en acceptant les
obligations qui découlent de l'article 6b1 aient entendu s'engager a
empêcher les personnes placées sous leurjuridiction de confier a
des arbitres le règlement de certaines affaires .
Cependant, dans cette affaire, la Commission a apporté
deux précisions en ce qui concerne le recours a l'arbitrage volontaire.
D'une part, la Commission a indiqué que la validité d'un
arbitrage volontaire exige que le consentement des parties soit libre: la
clause compromissoire aurait pu, toutefois, se révéler contraire
a la Convention si (le requérant) ne l'avait signée que sous la
contrainte . D'autre part, aux yeux de la Commission la validité de
l'arbitrage volontaire est conditionnée par le respect des exigences du
procès équitable dans le déroulement de la
procédurale arbitrale : si la validité initiale du consentement
dont une clause compromissoire tire sa valeur
1Bruno OPPETIT, Théorie de l'arbitrage, PUF,
1998, p. 25.
2 Commission, 5 mars 1982, X. c. Allemagne, Rec. 8, p. 68,
cité par Alexis MOURRE, op. cit., p. 2070.
juridique, ne se trouve pas affectée après coup
lorsque l'arbitre, dans l'accomplissement des missions qu'elle lui
confère, se comporte d'une manière incompatible avec l'esprit de
la Convention, et notamment de l'article 6)).
Ainsi, on peut déduire que malgré le fait la
Commission admet l'arbitrage volontaire sous la condition de la liberté
du consentement des parties, elle indique que ce consentement puisse être
vicié, s'il se révèle, après coup, que dans
l'accomplissement sa mission, l'arbitre n'a respecté pas l'esprit de la
Convention européenne, et notamment des exigences du procès
équitable. Autrement dit, comme le Pierre Lambert a-t-il écrit, ~
la Commission considère qu'en ayant accepté une clause
d'arbitrage dans un contrat, les parties sont présumés n'avoir
recouru a une procédure d'arbitrage que pour autant qu'elle se
déroule selon les règles d'un procès équitable
~6. Cette position est une manière de contourner la question
posée.
C'est le 4 mars 1987, dans une affaire R c. la
Suisse2, que la Commission s'est exprimée de manière
plus précise sur une question de fond, a l'occasion d'un arbitrage
volontaire. L'importance de cette affaire réside dans le fait qu'elle
représente la première fois oü la jurisprudence
européenne devait se prononcer sur un litige concernant un arbitrage
volontaire. En l'espèce, le requérant se plaignait du
délai déraisonnable d'un tribunal arbitral. La Commission
déclara que la responsabilité de l'Etat ne peut être mise
en cause pour les agissements des arbitres a moins que et dans la mesure oh les
juridictions étatiques aient été appelées a
intervenir >>. En plus, la Commission a relevé toute
ambiguIté en ajoutant a propos du grief fait par le requérant et
qui portait sur le délai, abusif selon lui, mis par les arbitres pour
statuer, que <<c'est dans la mesure oh le requérant a saisi
l'autoritéjudiciaire que le grief concernant la durée de la
procédure arbitrale peut entraIner une responsabilité de l'Etat
défendeur sur le terrain de la Convention, dans la limite des mesures
que l'autorité judiciaire peut prendre pour remédier a la
durée de l'arbitrage . La Commission a indiqué également
que ~ l'autoritéjudiciaire, unefois saisie, n'a exercé
qu'unefonction de contrôle. Ce contrôle devait être
exercé dans un délai raisonnable. Telfut le cas en
l'espèce . La Commission
1Pierre LAMBERT, op. cit., p. 13.
2 Requête n° 10881/84, décision et rapport,
volume 51, p. 83 ; voir le texte en annexe, in L'arbitrage et la Convention
européenne des droits de l'homme, pp.; Charles JARROSSON, op. cit.,
n° 28 et 29, p. 589; Olivier JACOTGUILLARMOD, op. cit., p. 202.
en déduit justement qu'aucune apparence de violation de
l'article 6 § 1 ne paralt imputable au Gouvernement suisse.
Dans ce contexte, il est évident que la Commission a
pris en compte la nature de la procédure d'arbitrage volontaire et le
cadre législatif qui réglemente une telle procédure. Elle
a estimé que les juridictions étatiques qui n'ont qu'une fonction
de contrôle, ne pouvaient être tenues pour responsables de la
durée antérieure a cette saisine, de sorte qu'aucune apparence de
violation de l'article 6, 10 de la Convention ne pouvait leur être
imputée. La Commission a vraisemblablement été
influencée par les excellents motifs du Tribunal fédéral
suisse qui, dans la même affaire, avait déclaré a propos de
l'article 6 § 1, que cette disposition parle uniquement des droits du
justiciable a ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable
par un tribunal établi par la loi. Elle ne saurait donc s'appliquer a un
tribunal arbitral dont les membres sont désignés librement par
les parties ... En revanche, elle était applicable a la procédure
de recours, des lors que celle-ci avait été conduite ... par une
juridiction établie par la loi '.
Cette décision R c. Suisse est d'une importance
capitale car, pour la première fois, un organe chargé de veiller
a l'application de la Convention européenne des droits de l'Homme
énonce, après avoir relevé qu'il s'agissait d'un arbitrage
volontaire et non forcé, que la Convention ne peut s'appliquer qu'aux
juridictions étatiques dans la mesure oü elles sont intervenues a
l'occasion d'un arbitrage. Le professeur Jarrosson salue cette solution qui est
pour lui une confirmation positive de la thèse selon laquelle la
Convention est inapplicable a l'arbitrage. Il ajoute que cette décision
de la Commission apporte un net démenti aux affirmations des auteurs
selon qui la Convention européenne des droits de l'Homme était
d'ores et déjà applicable a l'arbitrage '6.
Néanmoins, dans une décision rendue plus
récemment, le 27 novembre 1996, dans l'affaire Nordstrom-Janzon et
Nordstrom-Lethinen c. les Pays-Bas2, une petite nuance a
été apportée. Les requérants, de nationalité
finlandaise, invoquaient une violation de leur droit a un procès
équitable en raison du manque d'indépendance et
d'impartialité d'un des trois arbitres désignés par
l'Institut hollandais d'arbitrage,
1 Charles JARROSSON, op. cit., n° 28 et 29, p. 589
2 Comm., 27 novembre 1996, D.R. 87-B, p. 112, cité par
Alexis MOURRE, op.cit.
(Nederlands Arbitrage Instituut) pour trancher le litige qui
les opposait a une société locale. Tous les recours en droit
interne ayant été rejetés, les requérants
adressèrent une requête a la Commission européenne.
Dans une même motivation comme celle de l'affaire R. c.
Suisse, la Commission a vérifié l'existence d'un contrôle
par le juge national du respect de la Convention: la Commission estime que pour
déterminer si les tribunaux internes ont gardé un certain
contrôle sur la procédure d'arbitrage et si ce contrôle a
été exercé correctement dans le cas d'espèce, il y
a lieu de tenir compte non seulement du compromis d'arbitrage intervenu entre
les parties et de la nature de la procédure d'arbitrage privée,
mais également du cadre législatif prévoyant une telle
procédure (...). La Commission relève en particulier que le droit
néerlandais contient des dispositions permettant aux tribunaux d'annuler
une sentence arbitrale pour certains motifs . Ayant relevé l'existence
de ce contrôle par le juge national, et constatant que les motifs de
contestation d'une sentence arbitrale devant les juridictions nationales
varient d'un Etat contractant a l'autre , la Commission estime que l'on ne
saurait exiger au regard de la Convention que les Tribunaux internes veillent a
la conformité des procédures d'arbitrage avec l'article 6 de la
Convention. A certains égards en particulier quant a la publicité
- il est manifeste que les procédures d'arbitrage, souvent, n'ont pas
pour finalité de respecter l'article 6, et le compromis d'arbitrage
entraIne une renonciation a l'application sans restriction de cette
disposition. Par conséquent, pour la Commission, le fait que les parties
n'ont pas joui de toutes les garanties de l'article 6 ne doit pas
nécessairement entraIner l'annulation d'une sentence arbitrale;
cependant, chaque partie contractante doit pouvoir en principe décider
elle-même des motifs d'annulation d'une sentence arbitrale .
Elle ajouta que la loi néerlandaise1
édicte des règles qui permettent aux juridictions d'annuler une
sentence arbitrale sur la base de fondements spécifiques et -
1 C'est ainsi que la Commission juge
dénuéfondement en droit néerlandais l'argument
requérantes selon lequel la simple apparence d' manque
d'indépendance ou d'impartialité devrait, entralner l'annulation
d'une sentence arbitra Elle estime que l'article 6, § i de la Convention
n'exige pas que les juridictions néerlandais appliquent d'autres
critères pour décider d'annuler ou non une sentence arbitrale. A
cet égard, lejuge légitime que le droit néerlandais exige
motifs sérieux pour l'annulation d'une sentence déjà
prononcée, car pareille décision se solde souvent par
l'inutilité d'une procédure d'arbitrage longue et coüteuse
et l'investissement d'un travail et de sommes considérables dans une
nouvelle instance .
ce qui est plus décevant - que l'on ne saurait exiger
au regard de la Convention que les tribunaux internes veillent a la
conformité des procédures d'arbitrage avec l'article 6 §i,
(...) chaque Etat contractant pouvant, en principe, décider
lui-même du fondement sur la base duquel une sentence arbitrale peut
être annulée. Donc, on peut constater que selon la Commission,
c'est donc Etats parties a la Convention d'assurer, par les moyens qu'ils
estiment appropriés, l'application de la Convention.
L'importance de l'arrêt Nordstrom-Janzon et
Nordstrom-Lethinen c. les Pays-Bas, rend hâtive la conclusion selon
laquelle la Convention européenne des droits de l'Homme n'est pas
applicable l'arbitrage volontaire et ne peut l'être qu'à
l'arbitrage forcé. L'arrêt précité constate que
malgré le fait que la convention ne s'impose pas directement aux
arbitres, elle s'impose indirectement a travers le contrôle de l'Etat a
la procédure d'arbitrage. On ne peut donc, a notre avis, tirer de cette
décision la conséquence que la Convention ne serait en
totalité inapplicable a l'arbitrage. Le fait que la Commission
vérifie l'existence d'un certain contrôle des juridictions
nationales sur les sentences le prouve suffisamment. Il faut rappeler que le
juge national, juge du droit commun de la Convention, doit veiller a ne pas
prolonger dans son ordre juridique une situation manifestement contraire a la
Convention européenne des droits de l'homme, en laissant une situation
contraire a la Convention produire des effets dans l'ordre juridique interne.
Cette conclusion nous conduit légitimement a examiner
l'équité des procédures de résolution des litiges
selon l'article 6 de la convention.
Mutatis mutandis, cette conclusion peut être
appliquée aux autres modes de règlement de différends, y
compris la procédure UDRP qui soit donc fournir certains garanties
d'équité pour produire des effets juridiques dans l'ordre des
Etats membres a la CESDH. D'oü vient l'intérêt
d'évaluer la procédure UDRP selon les garanties offertes par
l'article 6.
Chapitre 2: L'évaluation du caractère
equitable de la procedure UDRP
On a vu a l'issue de notre analyse, dans le chapitre
précédent, que les organes juridictionnels de la CESDH ne sont
pas complètement désintéressés a l'arbitrage. Selon
Alexis Mourre, <<il n'existe donc ni exclusion ni incompatibilité.
La CEDH admet parfaitement l'arbitrage, et l'arbitrage n'a nulle raison de
craindre la CEDH ~6. Les organes de Strasbourg ont montré que
le recours a l'arbitrage n'est pas contraire a la CESDH. La même
conclusion peut être transposée a la procédure de l'UDRP
qui s'inscrit dans le champ théorique des modes alternatifs de
règlement des litiges. Néanmoins, comme il a été
dit, l'article 6 s'applique a l'arbitrage indirectement, malgré le fait
de son origine contractuelle et le fait que le litige est examiné par
des arbitres qui ne se soumettent pas a l'autorité de l'Etat. C'est la
notion de l'ordre public européen2 qui oblige a une telle
conclusion.
La Cour énonce elle-même dans l'arrêt
Loizidou qu' <<elle doit tenir compte de la nature particulière de
la Convention qui la fonde, instrument de l'ordre public européen pour
la protection des êtres humains >>3. Cette notion
prétorienne, constituée par la CESDH et consacré par la
jurisprudence de la CEDH, a pour ambition de sauvegarder les droits
fondamentaux des individus en garantissant le caractère
démocratique de la société composée des Etats
membres du Conseil de l'Europe. Selon la CEDH <<toute
interprétation des droits et libertés
énumérés doit se concilier avec l'esprit
général de la
1Alexis Mourre, op. cit., p. 2079.
2 Rappelons juste a cet égard que la CESDH a aussi une
signification particulière de la Convention dans l'ordre juridique
communautaire. Dans l'arrêt Hoechst, la Cour de justice a indiqué
que la CESDH revêt une signification particulière>> parmi
les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels les
Etats membres ont coopéré ou adhéré2.
Cette signification impose trois conséquences principales dans l'ordre
juridique communautaire: en premier lieu, elle impose le respect de la CESDH
par les institutions de la Communauté, parmi lesquelles figure la Cour
de justice elle-même. En deuxième lieu, elle impose aux Etats
membres de respecter la Convention lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit
communautaire ou contribuent a son application, ou encore lorsque la mesure
qu'ils adoptent s'inscrit dans une exception que ménage a leur
bénéfice une disposition du droit communautaire. Enfin, la CJCE
admet de la part des Etats membres qu'ils tirent argument des obligations que
leur impose la CESDH pour limiter l'étendue des obligations que leur
impose le droit communautaire. CJCE, 21 septembre 1989, Hoechst AG
c/Commission, aff. 46/87 et 227/88, §13, disponible sur
http://www.ena.lu/europe/cours-ligneJjustice-hoechstcommission-affaires-jointes-1989.htm
(consulté le 22 mai 2007).
3 CEDH, 23 mars 1995, Loizidou c/ Turquie, exception
préliminaire, § 93, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
view.aspIitem=3&portal=hbkm&action=html&highlight=%2C%20%7C%20LoiRid
ou%20%7C%20c/%20%7C%20Turquie&sessionid=9474568&skin=hudoc-fr
(consulté le 22 mai 2007).
Convention, destinée a sauvegarder et promouvoir les
idéaux et valeurs d'une société démocratiques
>>6. A la base de cet ordre démocratique se trouve bien
sür l'article 6 de la Convention qui exige des Etats et de leurs
institutions qu'ils garantissent, a toute personne le droit être
jugée équitablement. La raison principale de cette place
cardinale du droit a un procès équitable repose sur le fait que
son objectif vise a assurer une bonne administration de la justice et affirmer
l'effectivité des droits et libertés proclamés par la
convention2. Au nom de l'ordre public européen, dont
l'article 6 fait partie, le juge national ne peut pas permettre a un jugement
inéquitable de produire ses effets dans l'ordre juridique interne. Une
telle violation serait imputable a l'Etat. De cette situation
d'imputabilité, on a pu donc déduire que la Convention est
applicable a l'arbitrage, mais de façon indirecte et contingente. Par
exemple, en matière de reconnaissance de décisions
étatiques étrangères, la Cour a posé dans
l'arrêt Pellegrini c. Italie, le principe selon lequel les juridictions
d'un Etat partie a la Convention ne peuvent pas accorder l'exequatur a un
jugement d'un pays tiers, eu méconnaissant les garanties de l'article 6
de la Convention3.
Autrement dit, l'obligation incombe le juge national a
vérifier que le jugement étranger a été
adopté dans le respect des principes du procès équitable.
Cette << exception d'ordre public européen>> permet donc au
juge interne de ne pas exécuter un jugement étranger contraire
aux exigences du procès équitable. Par analogie, une sentence
issue d'une procédure de résolution de litiges en ligne ne peut
pas produire ses effets dans l'ordre juridique interne d'un Etat membre, s'il
est contraire aux exigences du droit a un procès équitable. De la
sorte, il convient d'aborder dans un premier temps, les garanties offertes par
l'article 6 (Section i), avant d'examiner ensuite la compatibilité de la
procédure de l'UDRP avec ces garanties (Section 2).
1CEDH, 7juil. 1989, Soering /e Royaume-Uni, req.
no14038/88, § 87, disponible sur
http, cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Soering%20%7C%20
e% 20%7C%20Royaume-Uni&sessionid=9474568&skin=hudoc-fr
(consulté le 22 mai 2007).
2 Frédéric SUDRE, op. cit., p. 333.
3 CEDH, 20 jullet 2001, Pellegrini c. Italie, requête no
3088 2/96, § 40, disponible sur
http, cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=2&portal=hbkm&action=html&highlight=Pellegrini%20%7C%20c.
%20%7C%20Italie&sessionid=10292850&skin=hudoc-fr (consulté
le 29 janvier 2007).
Section 1: Les garanties générales du
droit a un procès équitable
A travers son interprétation de l'article 6, la Cour
européenne cherche a assurer une bonne et uniforme application de
l'organisation et le fonctionnement de la justice dans les Etats membres en
imposant un nombre de règles ou des standards pour garantir
l'application du procès équitable dont elle-même est
l'auteur. L'analyse des garanties du procès équitable ne
s'arrête par au texte officiel de la convention. La Cour
européenne a par ailleurs considérablement enrichi ce texte, soit
en apportant une définition de ces éléments, soit aussi en
en déduisant des garanties << implicites >>. Certains
arrêts de la Cour ont donné naissance a plusieurs droits ou
principes, définis et délimités par la Cour, et que les
procédures internes doivent respecter. L'originalité principale a
cet égard, est la double dimension du droit au procès
équitable. La première réside dans la qualité du
tribunal (A), la seconde, dans la qualité de procédure
ellemême (B).
A. La qualité du tribunal
Selon la formulation de l'article 6 <<Toute personne a
droit a ce que sa cause soit entendue (...) par un tribunal indépendant
et impartial, établi par la loi... >>. La CEDH a
dégagé plusieurs principes pour éclairer cette
revendication en créant de sous- garantis qui donnent un sens
européen concernant la qualité du tribunal: La Convention
européenne des dro its de l'homme fait l'objet de la part du juge
européen d'une interprétation pro gressiste qui concourt sans
contexte au développement des droits garantis. Il apparaIt,
contrairement a une idée reçue, que ce résultat est moins
le produit d'une interprétation de la Convention qui s'appuierait sur
l'évolution commune des systèmes juridiques nationaux que d'une
démarche "constructive" du juge européen ))1.
§i. Un tribunal indépendant et impartial
Le droit a un procès équitable consiste a imposer
l'obligation positive aux Etats de mettre en cuvre les moyens permettant aux
individus d'avoir un procès équitable. Le
1 Frédéric SUDRE, <<A propos du dynamisme
interprétatif de la Cour européenne des droits de l'homme
>>, JCP G. n°28, 11 juillet 2001, pp. 1365-1368, doctr. I 335.
premier moyen qui garantit cette revendication est le fait que
toute personne a droit a ce que sa cause soit entendue par un tribunal
indépendant et impartial1. Selon la CEDH la
prééminence du droit dans une société
démocratique ne se conçoit guère sans la
possibilité d'accéder a une justice indépendante et
impartiale qui assure le droit de chacun a une bonne administration de la
justice. L'indépendance est appréciée a l'égard au
pouvoir exécutif comme a l'égard des parties en cause.
La méthode d'appréciation de la Cour est
clairement énoncée dans l'arrêt Langborger c. Suede dans
lequel la Cour relève clairement l'exigence de l'indépendance du
juge au sein du tribunal, aussi bien au niveau du mode de désignation,
que de la durée du mandat des membres de la juridiction, et de
l'existence d'une protection contre les pressions extérieures. : pour
établir si un organe peut passer pour "indépendant", il
échet de prendre en compte, notamment, le mode de désignation et
la durée du mandat de ses membres, l'existence d'une protection contre
les pressions extérieures et le point de savoir s'ily a ou non apparence
d'indépendance))2.
Pour une illustration du défaut d'indépendance,
la Cour indique que des lors qu'un tribunal compte parmi ses membres une
personne se trouvant - comme en l'espèce - dans un état de
subordination defonctions et de services par rapport a l'une des parties, les
justiciables peuvent légitimement douter de l'indépendance de
cette personne. Pareille situation met gravement en cause la confiance que
lesjuridictions se doivent d'inspirer dans une société
démocratique ))3. Dans ce contexte, la Cour européenne
a condamné la France dans l'arrêt Beaumartin c. France du 24
novembre 1994 au motif de l'absence d'équité de procédure
dans la mesure oü le Conseil d'Etat a recouru a un renvoi
préjudiciel au ministre des Affaires étrangères pour
l'interprétation des traités internationaux4. Le juge
strasbourgeois a considéré qu'il y avait une violation
1 Stéphanie SOLER,
<<L&indépendance et
l&impartialité >>, in La diffusion du modèle
européen du procès équitable, op. cit., pp. 271-299.
2CEDH, 22 juin 1989, Langborger c. Suede,
requête no11179/84, § 32, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Langborger%20%7C%20
c.%20%7C%20Su%E8d&sessionid=896671&skin=hudoc-fr (consulté
15 mai 2007).
3CEDH, 22 octobre 1984, Sramek c. Autriche,
Requête no 8790/79, § 42, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=2&portal=hbkm&action=html&highlight=Sramek%20%7C%20c.%
20%7C%20Autriche&sessionid=896671&skin=hudoc-fr (consulté
15 mai 2007).
4CEDH, 24 novembre 1994, Beaumartin c. France, §
36- 39, disponible sur
de l'indépendance du juge au sens de l'article 6§1
du fait que la France pourrait être en position favorable grace a
l'interprétation par l'autorité ministérielle. Depuis
lors, le Conseil d'Etat se reconnalt explicitement la compétence
d'interpréter lui-même les traités internationaux.
Cependant, cela ne l'empêche pas de prendre en compte les
interprétations du ministre des Affaires étrangères comme
un simple avis1.
En ce qui concerne l'impartialité du tribunal, le juge
européen établit une distinction entre impartialité
objective et subjective2. L'impartialité subjective, ou
personnelle, correspond a ce que peut penser le juge dans son for
intérieur3 ; elle est présumée.
L'impartialité objective ou organique amène a s'interroger sur
les indices objectifs laissant penser que le juge a un a priori sur le litige
qu'il doit trancher. Autrement dit, il faut que le tribunal donne toute
apparence de garantie organique pour exclure tout doute légitime dans
l'esprit du public. Elle est appréciée au cas par cas, mais de
manière presque constante a travers le prisme de l'apparence de justice,
la Cour appliquant alors un adage de droit anglais : Justice must not only be
done, it must also be seen to be done ))4.
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=4&portal=hbkm&action=html&highlight=Beaumartin%20%7C%2
0c.%20%7C%20France&sessionid=896671&skin=hudoc-fr (consulté
15 mai 2007).
1 Pean-:ierre MARGUENAUD, La Cour européenne des droits
de l'homme, Dalloz 2ème édition, 2005, p. 91.
2 Cette distinction a été
révélée a partir de l'arrêt Piersack du 1er
octobre 1982 oü la Cour a jugé que ((Si l'impartialité
se définit d'ordinaire par l'absence de préjugé ou de
parti pris, elle peut, notamment sous l'angle de l'article 6 § i (art.
6-i) de la Convention, s'apprécier de diverses manières. On peut
distinguer sous ce rapport entre une démarche subjective, essayant de
déterminer ce que tel juge pensait dans son for intérieur en
telle circonstance, et une démarche objective amenant a rechercher s'il
offrait des garanties suffisantes pour exclure a cet égard tout doute
légitime ; CEDH, Piersack c. Belgique, requête no
8692/79, § 30, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=2&portal=hbkm&action=html&highlight=:iersack%20%7C%20c.
%20%7C%20Belgique&sessionid=897223&skin=hudoc-fr (consulté
15 mai 2007).
3 Sur la base de ces critères, la Cour
européenne a, par exemple, rendu le 23 avril 1996 un important
arrêt de condamnation dans l'affaire "Remli c/ France" en raison du
défaut d'impartialité d'un jury criminel dans lequel l'un des
jurés avait tenu des propos racistes devant témoin. Toutefois,
dans une affaire similaire (arrêt "GREGORY c/ROYAUME-UNI" du 25
février 1997), la Cour européenne a statué en sens
contraire et refusé de condamner, parce que le juge avait ordonné
un complément d'instructions et pris des mesures suffisantes, a ses yeux
pour garantir l'impartialité du jury.
4 Il nefautpas seulement que lajustice soit rendue, ilfaut
aussi qu'elle donne l'apparence d'être rendue . Richard ROGERS, avant
propos, Le procès équitable et la protection juridictionnelle du
citoyen, actes du Colloque organisé a Bordeaux les 29 et 30 septembre
2000, par l'Institut des droits de l'homme des avocats européens et
l'Institut des
Parmi les indices objectifs d'impartialité se trouve en
tout premier lieu la question du cumul de différentes fonctions dans une
même procédure1 : cumul des fonctions de poursuite et
d'instruction, de poursuite et de jugement, d'instruction et de jugement, ou
consultative et juridictionnelle. Un tel cumul est en principe
interdit2, mais certains assouplissements3 sont admis en
raison du role minime du magistrat lors de l'exercice d'une des fonctions
cumulées: la crainte que lajuridiction dejugement ait pu ne pas
être impartiale sefonde sur lefait que l'un desjuges avait
interrogé des témoins lors de l'instruction préparatoire.
Incontestablement, pareille situation peut susciter chez le prévenu des
doutes sur l'impartialité du juge, mais on ne saurait pourtant les
considérer comme objectivementjustifiés qu'enfonction des
circonstances de la cause; qu'un juge de première instance ait
déjà eu a connaItre de l'affaire avant le procès ne
saurait en soi justifier des appréhensions quant a son
impartialité ))4.
droits de l&homme du barreau de Bordeaux,
Bruxelles, Bruylant, 2001. cet adage est cité a propos de
l'indépendance du tribunal, CEDH, 17 janvier 1970, Delcourt c .Belgique,
requête no 2689/65, § 31, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..asp?item=2&portal=hbkm&action=html&highlight=Delcourt%20%7C%20c%
20%7C%20.Belgique&sessionid=896671&skin=hudoc-fr (consulté
15 mai 2007).
1 La Cour de cassation francaise, elle, s'est
référée a des dispositions de droits internes, comme
l'article 49 du Code de procédure pénale qui interdit la
participation du juge d'instruction au jugement du fond afin de répondre
aux attentes de la CESDH. V0 a cet égard,
Gérardin-Sellier Nathalie << La composition des juridictions a
l'épreuve de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits
de l'homme >>, Revue trimestrielle des droits de l'homme, n°48,
octobre 2001, p. 965 et s.
2 Par exemple a propos du Président d'une Cour d'assises
ayant participé a l'instruction; CEDH, De Gubber c. Belgique,
préc.: Ou sur la dualité de fonctions consultative et
juridictionnelle au sein du Conseil d'Etat luxembourgeois; CEDH, 28 septembre
1995, Procola c. Luxembourg, n° 27/1994/474/555 ; disponible sur http:
cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Procola%20%7C%20c.%
20%7C%20Luxembourg&sessionid=896671&skin=hudoc-fr (consulté
15 mai 2007).
3 A cet titre, la Cour a jugé qu'unjuge de
première instance ou d'appel, dans un système comme le danois,
ait déjà pris des décisions avant le procès,
notamment au sujet de la détention provisoire, ne peut donc passer pour
justifier en soi des appréhensions quant a son impartialité (...)
sauf, comme en l'espèce, si la décision sur la détention
provisoire impliquait de s'assurer de l'existence de soup cons
particulièrement renforcés . CEDH, 24 mai 1989, Hauschildt c.
Danemark, requête no10486/83 § 50- 52, disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/portal.asp?sessionld=896671&skin=hudoc-fr&action=request
(consulté 15 mai 2007).
4CEDH, 22 février 1996, Bulut c. Autriche,
n° 59/1994/506/588, § 33, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..asp?item=2&portal=hbkm&action=html&highlight=Bulut%20%7C%20c.%20
%7C%20Autriche&sessionid=896671&skin=hudoc-fr (consulté 15
mai 2007).
Outre le problème du cumul des fonctions, l'exigence
d'impartialité a également soulevé le problème de
la participation au délibéré d'organes ou de personnes
ayant participé a la procédure, mais sans être
qualifiés, au sens de leur droit interne, de<< partie a la
procédure >>. On peut souligner a cet égard, le cas des
commissaires du Gouvernement devant le Conseil d'Etat
français1, qui a fait l'objet du si célèbre et
tant commenté arrêt Kress contre France rendu le 7 juin 2001. La
Cour y a condamné la France pour défaut d'impartialité du
tribunal, estimant concevable qu'un plaideur puisse éprouver un
sentiment d'inégalité si, après avoir entendu les
conclusions du commissaire dans un sens défavorable a sa these a l'issue
de l'audience publique, il le voit se retirer avec les juges de la formation de
jugement afin d'assister au délibéré dans le secret de la
chambre du conseil ))2.
§2. Un tribunal établi par la loi
Les mots <<tribunal>> et <<loi>>
reçoivent une interprétation autonome, détachée du
droit interne. La CEDH attribue effectivement une conception extensive a la
notion de <<loi>> en lui donnant un sens matériel et non pas
formel. Cette conception n'est pas forcément la distinction
traditionnelle entre les pays de common law et les pays continentaux. Dans son
arrêt Kruslin c. France, la Cour a donné explicitement la
signification de ce terme en jugeant que Dans un domaine couvert par le droit
écrit, la "loi" est le texte en vigueur tel que lesjuridictions
compétentes l'ont interprété en ayant égard, au
besoin, a des données techniques nouvelles ))3. Il en
résulte que la loi au sens matériel désigne l'ensemble du
droit en vigueur, qu'il soit législatif, réglementaire, ou
jurisprudentiel.
1 Dans un autre arrêt du 28 septembre 1995 ("Procola
contre Luxembourg") la Cour européenne a sanctionné aussi le
manque d&impartialité structurelle du Conseil
d&Etat du Luxembourg et condamné le Luxembourg pour
violation de l&article 6-1 de la Convention parce que, au sein
du Comité du Contentieux du Conseil d&Etat
luxembourgeois, quatre de ses cinq membres avaient eu a se prononcer, dans le
cadre de leurs fonctions juridictionnelles, sur la légalité
d&un règlement qu&ils avaient
examiné auparavant dans le cadre de leur mission de caractère
consultatif.
2CEDH, 7juin 2001, Kress c. France, requête
no 39594/98 § 81, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
view.aspIitem=3&portal=hbkm&action=html&highlight=Kress%20%7C%20c.%20
%7C%20France&sessionid=897223&skin=hudoc-fr (consulté 15
mai 2007).
3CEDH, 24 avril 1990, Kruslin c. France, requête
no11801/85, § 29 : disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
view.aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=kruslin&sessionid=1028
6697&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).
Dans le même esprit, la légalité du
tribunal fait l'objet d'une acception matérielle. il est a souligner que
le procès de type juridictionnel n'est pas exclusif dans l'acception de
l'article 6 § 1 tel qu'interprété par la CEDH. La Cour a
dans un premier temps précisé que le terme tribunal implique
seulement que l'autorité appelée a statuer doit avoir un
caractère judiciaire, c'est-à-dire être indépendante
du pouvoir exécutif comme des parties en cause; il ne se rapporte
aucunement a la procédure a suivre ))1, puis, dans un second
temps, que peu importe (...) la nature (...) de l'autorité
compétente en la matière (juridiction de droit commun, organe
administratif, etc.) ))2, cette autorité constitue un
<<tribunal>> au sens de l'article 6 § 1 car elle est
indépendante de l'exécutif comme des parties en cause, ses
membres sont nommés pour cinq ans et la procédure qui se
déroule devant elle offre les garanties nécessaires
))3.
Il est aujourd'hui clairement établi que par
"tribunal", l'article 6 § 1 n'entend pas nécessairement une
juridiction de type classique, intégrée aux structures
judiciaires ordinaires du pays ))4. La Cour adopte des
critères autonomes pour donner au tribunal une définition
uniforme afin de ne pas reprendre la qualification interne. En d'autres termes,
l'interprétation autonome montre l'attachement a une définition
matérielle du tribunal qui confirme en définitive la tendance a
considérer que le champ du procès équitable n'est pas
enserré dans des limites strictes définies, a priori, par les
Etats.
§3. Un tribunal de pleinejuridiction
D'une manière générale, selon la Cour
européenne la notion de <<tribunal>> n'est pas
nécessairement une juridiction de type classique et reçoit une
acception << autonome>> au sens de la Convention (on reviendra a
une analyse approfondie de cette
1CEDH, 27juin 1968, Neumeister c. Autriche,
requête no 1936/63, § 24, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=3&portal=hbkm&action=html&highlight=Ceumeister%20%7C%20
c.%20%7C%20Autriche&sessionid=897223&skin=hudoc-fr
(consulté le 29 janvier 2007).
2CEDH, 16 juillet 1971, Ringeisen c. Autriche,
requête no 2614/65, § 94, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=2&portal=hbkm&action=html&highlight=Ringeisen%20%7C%20c.
%20%7C%20Autriche&sessionid=897223&skin=hudoc-fr (consulté
le 29 janvier 2007).
3 Ibid., § 95.
4CEDH, 28juin 1984, Campbell et Fell c. Royaume-Uni,
requête no 7819/77; 7878/7, § 76, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=7&portal=hbkm&action=html&highlight=Campbell%20%7C%20et
%20%7C%20Fell%20%7C%20c.%20%7C%20Royaume-Uni&sessionid=897223&skin=hudoc-fr
(consulté le 29 janvier 2007) : voir, mutatis mutandis,
l'arrêt Xc. Royaume-Uni du 5 novembre 1981, série A no
46, p. 23, par. 53
notion dans la prochaine section). Selon le juge
européen le << tribunal>> se caractérise au plan
matériel par sa fonction juridictionnelle: Trancher, sur la base de
normes de droit et a l'issue d'une procedure organisée, toute question
relevant de sa competence ~1. Il s'agit selon la terminologie de la
Cour dans l'affaire Albert et Le Compte d'<<un organe judiciaire de
pleine juridiction>>2. Autrement dit, le contrôle du
juge ne doit pas être trop limité, sous peine de vider la notion
du tribunal de sa substance. Cela étant, selon la Cour, un
contrôle restreint a l'examen de la motivation des faits et au
détournement de la procédure ne suffit pas de caractériser
le tribunal3.
Le tribunal de pleine juridiction emporte principalement le
fait que le juge exerce un contrôle complet4 de
légalité et que le juge national soit compétent <<
pour les points de fait comme pour les questions de droit>>5.
En d'autres termes, il s'agit la compétence de décider, et plus
précisément le pouvoir de rendre une decision obligatoire, qu'une
autorité non judiciaire n'auraitpas lepouvoir de modifier
6.
B. L'équité de laprocédure
Selon les termes de l'article 6 <<Toute personne a droit a
ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un
délai raisonnable>>. L'interprétation
1CEDH, 22 octobre 1984, Sramek c. Autriche, § 36,
disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..asp?item=2&portal=hbkm&action=html&highlight=Sramek%20%7C%20c.%
20%7C%20Autriche&sessionid=906223&skin=hudoc-fr (consulté
le 15juin 2007).
2CEDH, 10 février 1983, Albert etLe Compte c.
Belgique, requête no 7299/75; 7496/76 § 29, disponible
sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Albert%20%7C%20et%2
0%7C%20Le%20%7C%20Compte%20%7C%20c%20%7C%20Belgique&sessionid=906223&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007).
3CEDH, 28 juin 1990, Obermeier c. Autriche,
requête no11761/85, § 70, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..asp?item=2&portal=hbkm&action=html&highlight=@bermeier%20%7C%20
c.%20%7C%20Autriche&sessionid=906223&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007).
4 S'agissant é cet égard que le Cour
européenne a une positon en matière civile plus souple que en
matière pénale en ce qui concerne la signification du
contrôle du juge. Catherine MAMONTOFF, <<Une judiciarisation
tributaire de l&existence d&un contrôle de
pleine juridiction >>, in La diffusion du modèle européen
du procès équitable, op. cit., pp. 198-214.
5CEDH, 21 septembre 1993, 2umtobel c. Autriche,
Requête no 12235/86, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..asp?item=4&portal=hbkm&action=html&highlight=]umtobel%20%7C%20c.
%20%7C%20Autriche&sessionid=906223&skin=hudoc-fr (consulté
le 15 juin 2007).
6CEDH, 19 avril 1994, Van den Hurk c. Pays-Bas, §
45, disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=906223&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007).
du terme << équitablement >> par la CEDH a
donné naissance a plusieurs principes, sortes de garanties
procédurales << implicites >> a l'article 6. Ainsi en est-il
du principe d'égalité des armes, garantie fondamentale du
procès équitable, qui découle de l'exigence que pose
l'article 6 § 1 que la cause soit << entendue équitablement
>>. Ce principe impose que toute partie a une action civile ou
pénale ait une possibilité raisonnable d'exposer sa cause au
tribunal dans des conditions qui ne la désavantage pas d'une
manière appréciable vis-à-vis de la partie adverse. Ce
principe impose un équilibre entre les parties a un procès.
Découle également de l'exigence d'équité de la
procédure, le principe du contradictoire, qui impose au juge de veiller
a ce que tous les éléments du litige fassent l'objet d'un
débat entre les parties, mais également, l'interprétation
progressiste de la Cour impose au juge l'obligation de motivation des
décisions de justice. Bref, la CEDH impose un ensemble des garanties qui
assurent l'équité de la procédure en donnant une autre
dimension du droit a un procès équitable.
§i. L'égalité des armes
Le droit a un procès équitable inclut le respect
du principe d'égalité des armes1. Cela signifie que
chaque partie doit se voir offrir une possibilité raisonnable de
présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une
situation de net désavantage par rapport a son adversaire2.
Un juste équilibre doit donc être maintenu entre les parties pour
rendre la justice effective3. L'effectivité apparalt comme la
scour jumelle de
1 Hélène SURREL,
<<L&égalité des armes >>, in La
diffusion du modèle européen du procès equitable, op.
cit., pp. 299- 329.
2 Dans une série d&arrêts de
condamnation ("Borgers c/ Belgique" du 30 octobre 1991"; "Lobo Machado c/
Portugal" du 20 février 1996; "Vermeulen c/ Belgique" du 20
février 1996 ; "Van Orshoven c/ Belgique" du 25 juin 1997, "KDB et JJ c/
Pays-Bas" du 27 mars 1998, et enfin "Reinhardt et Slimane Kaid c/ France" du 31
mars 1998), la Cour européenne a mis en cause le role du Parquet
près les Cours de cassation, en reprochant aux avocats
généraux auprès des Cours suprêmes de ne pas
respecter le principe de l'égalité des armes entre toutes les
parties au sens de l'article 6-1 de la Convention européenne, et en leur
faisant grief notamment : d'avoir communication du rapport et des projets des
conseillers rapporteurs, alors que les autres parties n'y ont pas accès
; de ne pas communiquer leurs conclusions écrites aux parties a la
procédure; d'avoir la parole en dernier a l'audience ; d'assister
ensuite au délibéré avec les magistrats du
siège.
3Voir, parmi d'autres, l'arrêt Ankerl c. Suisse
du 23 octobre 1996, § 38, disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=906223&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007).
l'équité1.Dans son arrêt
Delcourt du 17 janvier 1970, le juge européen a annoncé que
malgré le silence de l'article 6, l'égalité des armes fait
partie essentielle de la notion du procès équitable: le principe
de l'égalité des armes n'épuise pas le contenu de ce
paragraphe; il ne constitue qu'un aspect de la notion plus large de
procès équitable devant un tribunal indépendant et
impartial ))2.
Dans l'affaire DeHaes et Gi9sels c. Belgique, la Cour a
rappelé la signification de ce principe qui suppose un équilibre
entre les parties: le principe de l'égalité des armes - l'un des
éléments de la notion plus large de procès
équitable - requiert que chaque partie se voie offrir une
possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions
qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport
a son adversaire ))3. Selon la Cour l'exigence de
l'égalité des armes, au sens d'un <<juste
équilibre>> entre les parties, vaut en principe aussi bien au
civil qu'au pénal4. Ce principe implique que les parties
puissent participer a égalité a la recherche de la
preuve5, et il suppose, en outre, que les parties disposent des
mêmes moyens pour faire valoir leurs arguments6.
1 Bertrand FAVREAU, <<Aux sources du procès
équitable ; une certaine qualité de la justice >>, in Le
procès équitable et la protection juridictionnelle du citoyen,
op. cit., pp. 7-21.
2 CEDH, du 17 janvier 1970, Delcourt c. Belgique, § 28,
disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=delcourt&sessionid=899
542&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).
3 CEDH, 24 février 1997, DeHaes et Gi9sels c. Belgique,
§ 53, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=DeHaes%20%7C%20et%
20%7C%20Gijsels%20%7C%20c.%20%7C%20Belgique&sessionid=899542&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007). 4CEDH, 27 octobre 1993, Dombo
Beheer B.V. c. Pays-Bas, requête no14448/88, § 30,
disponible sur http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=dombo&sessionid=8995
42&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).
5Tel n'est pas le cas, par exemple, lorsque au
cours du procès en première instance, le Ministère public
décida, sans en informer le juge, de ne pas divulguer certaines preuves
au nom de l'intérêt public. CEDH, 16 janvier 1993, Rowe et Davis
c. Royaume-Uni, disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=899.'42&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007).
6Tel n'est pas le cas, par exemple, lorsqu' une partie
est empêchée de répondre aux observations écrites
présentées au tribunal constitutionnel par l'avocat de l'Etat.
CEDH, 23 juin 1993, Ruiz-Mateos c. Espagne, § 63 disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=RuizMateos%20%7C%20c.%20%7C%20Espagne&sessionid=899542&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007). 6CEDH, 30 octobre 1991,
Borgers c. Belgique, § 24, disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp1q7/search.asp?sessionid=8qq.'42&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007).
Par exemple, dans l'affaire Dombo Beheer B.V. c
Pays-Bas1, le requérant, une société a
responsabilité limitée, avait intenté une action civile
contre une banque pour prouver l'existence d'un accord verbal lui accordant des
facilités de crédit sur compte courant. Deux personnes uniquement
avaient assisté a la réunion au cours de laquelle cet accord
aurait été passé : l'une représentant le
requérant et l'autre la banque. Toutefois, seule la personne
représentant la banque avait été autorisée par le
tribunal national a déposer comme témoin. La
société requérante s'était vue refuser le droit de
citer son représentant au motif que celui-ci s'identifiait a elle. Les
Juges de Strasbourg, cependant, relevèrent que, pendant les
négociations pertinentes, les deux représentants avaient agi sur
un pied d'égalité, chacun d'eux étant habilité a
traiter au nom de son mandant et que l'on voyait mal, dès lors, pourquoi
ils ne purent pas déposer tous les deux. La société
requérante ayant ainsi été placée dans une
situation de net désavantage par rapport a la banque, la CEDH conclut a
une violation de l'article 6(1).
D'ailleurs, l'égalité des armes en tant que
composante2 de la notion du droit a un procès
équitable est associé aussi au principe de contradictoire,
c'est-à-dire la faculté pour une partie a une instance civile de
prendre connaissance des observations ou pièces produites par l'autre,
ainsi que de les discuter: le principe de l'égalité des armes
représente un élément de la notion plus large de
procès équitable, qui en globe aussi le droit fondamental au
caractère contradictoire de l'instance ))3. Dans ce contexte,
les apparences d'une bonne justice doivent faire une attention
particulière au principe de
1Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas,
précité.
2 En mettant en ouvre les principes fondamentaux du droit
communautaire, la CJCE dépasse le cadre de l'article 6 tel qu'il est
appliquée par la CEDH. Cette extension est centrée principalement
au respect des droits de la défense comme une composante de la notion du
procès équitable. Dans l'arrêt Fiskano du 29 juin 1994, la
CJCE a jugé que << le respect des droits de la défense dans
toute procédure ouverte a l' encontre d'une personne et susceptible
d'aboutir a un acte faisant grief a celle-ci constitue un principe fondamental
du droit communautaire et doit être assuré, même en
l'absence de toute réglementation concernant la procédure en
cause . Fiskano AB c. Commission des Communautés
européenne, C-135/92, disponible sur
http://eur-
lex.europa.eu/smartapi/cgi/sga
doc?smartapi!celexplus!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=61992J0135
(Consulté le 15 juin 2007) : V0 également,
Jean-Pierre SPITZER, <<Le procès équitable devant la cour
de justice des communautés européennes >>, in Le
procès équitable et la protection juridictionnelle du cito yen,
op. cit., pp. 101-114.
3 Ruiz-Mateos c. Espagne, précité § 63 ;
l'arrêt Brandstetter c. Autriche du 28 aoüt 1991, § 66
disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=RuizMateos%20%7C%20c.%20%7C%20Espagne&sessionid=899542&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007).
l'égalité des armes et de contradictoire comme
l'essence du droit de la défense1. Ces principes concernent
tant les procédures civiles que pénales2.
Par ailleurs, il faut noter que selon la jurisprudence de la
CEDH, il y une distinction a la fois théorique et aussi pratique entre
l'égalité des armes et le principe de contradictoire. D'une part,
l'égalité des armes, au sens de juste équilibre entre les
parties, ne s'applique qu'entre les parties en litige et non pas entre une
partie et une juridiction indépendante3. Par contre, le
principe de contradictoire concerne non seulement les parties entre elles, mais
aussi les parties et le ministère public4, et même les
parties et une juridiction indépendante, et les parties et un tiers a la
procédure, et
1 CEDH, 30 octobre 1991, Borgers c. Belgique, § 24,
disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Borgers%20%7C%20c.%
20%7C%20Belgique&sessionid=899542&skin=hudoc-fr (consulté
le 15 juin 2007).
2 Pourtant dans les affaires pénales, le principe de
l'égalité des armes se confond partiellement avec les garanties
spécifiques de l'article 6(3) et il lui est accordé une
portée beaucoup plus large. Par exemple, la CEDH a conclu, en l'affaire
Bönisch c. Autriche, a la violation de l'article 6(1) parce qu'un
témoin cité par la défense ne s'était pas vu
accorder les mêmes prérogatives qu'un autre témoin expert
désigné par l'accusation. CEDH, 6 mai 1985, Bönisch c.
Autriche, disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp1q7/search.asp?sessionid=8qq.'42&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007). En outre, la Commission a estimé,
dans l'affaire Jespers c. Belgique, que le principe d'égalité des
armes ainsi que l'article 6(3)b imposaient l'obligation aux autorités
d'instruction et d'investigation de communiquer tous les éléments
pertinents qu'elles détiennent ou auxquels elles ont accès,
susceptibles d'aider l'accusé a se disculper ou a obtenir une
atténuation de sa peine. Cette règle s'étend même
aux éléments susceptibles de saper la crédibiité
d'un témoin de l'accusation. Dans l'affaire Foucher c. France du 18 mars
1997, la CEDH affirma que lorsqu'un défendeur désireux d'assurer
luimême sa défense se plaint d'une atteinte a ses droits de la
défense, en ce qu'il n'aurait pu ni accéder a son dossier
pénal ni obtenir une copie des pièces y figurant, et se
révèle par conséquent incapable de préparer une
défense adéquate, ily a violation du principe
d'égalité des armes combiné a l'article 6(3).
3 CEDH, 18 février 1997, Nideröst-Huber c. Suisse,
n° 104/1995/610/698, disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Nider%F6stHuber&sessionid=906223&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007).
4 Dans un arrêt en date du 3 octobre 2006, la Cour
européenne des droits de l&homme a condamné la
France pour rupture de l&égalité des armes en ce
qu&elle permet au Procureur général
d&exercer son droit d&appel pendant 2 mois a
compter de la date du jugement (art. 505 C. proc.pén.), alors que le
délai accordé au prévenu pour faire appel
n&est pas aussi long. La Cour contredit ainsi la jurisprudence
de la Cour de cassation aux termes de laquelle "le délai plus long dont
bénéficie le ministère public pour faire appel
n&est pas contraire a l&exigence
d&un procès équitable posé par
l&article 6-1 Conv. E.D.H. dès lors que le prévenu
bénéficie également d&un droit
d&appel et d&un délai lui permettant de
l&exercer utilement" (Crim., 27 juin 2000, Bull. crim.,
n°243). CEDH, BEN NACEUR c. FRANCE, 3 octobre 2006, requête no
63879/00, disponible sur
http://fdv.univ-lyon3.fr/publication/gazette/C.E.D.H.
3 octobre 2006.pdf (consulté le 15 juin 2007).
couvre toute les phases de la procédure, y compris celle
de l'expertise technique si celleci a une influence prépondérante
sur la décision du juge1.
D'autre part, le juge européen distingue entre
l'égalité des armes et le contradictoire en matière de
communication des pièces aux parties. En principe, le
déséquilibre d'informations est sanctionné sur la base du
principe de l'égalité des armes, et l'égal défaut
de transmission d'information sur la base du droit a une procédure
contradictoire2. Par exemple, l'affaire Van Orshoven c.
Belgique3 concernait un docteur en médecine faisant l'objet
d'une procédure disciplinaire. Le requérant avait
interjeté appel contre une décision prononçant sa
radiation du tableau de l'ordre des médecins, mais la Cour de cassation
avait rejeté son pourvoi. Il se plaignait qu'à aucun moment de la
procédure devant la Cour de cassation, il n'avait pu répondre aux
conclusions de l'avocat général (qui ne lui avaient d'ailleurs
même pas été communiquées). Les Juges de Strasbourg
estimèrent que, compte tenu de l'enjeu de la procédure pour le
requérant et de la nature des conclusions de l'avocat
général, l'impossibilité pour l'intéressé
d'y répondre avant la cloture de l'audience avait méconnu son
droit a une procédure contradictoire. Celui-ci implique en principe la
faculté pour les parties a un procès de prendre connaissance de
toute pièce ou observation présentée au juge et de la
discuter. Partant, il y a avait eu violation de l'article 6(1).
§2. La motivation de la decision
Selon la CEDH, la mise en place de l'obligation du
procès équitable découlant de l'article 6, oblige les
tribunaux nationaux a motiver leurs décisions, a la fois dans les
affaires civiles et pénales, mais il ne peut pas se comprendre comme
exigeant une réponse détaillée a chaque argument:
L'article 6 par. i (art. 6-i) oblige les tribunaux a motiver leurs
décisions, mais il ne peut se comprendre comme exigeant une
réponse détaillée a chaque argument. De même, la
Cour européenne n'est pas appelée a
1CEDH, 18 mars 1997, Mantovanelli c. France, n°
8/1996/627/8 10, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=mantovanelli&sessionid=
906223&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).
2 Frédéric SUDRE, op. cit., p. 372.
3CEDH, 25 juin 1997, Van Orshoven c. Belgique, n°
95/1995/601/689, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Aan%20%7C%20@rshov
en%20%7C%20c.%20%7C%20Belgique&sessionid=906223&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007).
rechercher si les arguments ont été
adéquatement traités ))1. Cependant, l'étendue
de ce devoir peut varier selon la nature de la décision et doit
s'analyser a la lumière des circonstances de chaque
espèce2; seules les questions fondamentales pour l'issue du
procès requièrent une réponse spécifique dans le
jugement.
Dans l'affaire Hiro Balani c. Espagne3, le
requérant avait présenté un moyen exigeant une
réponse spécifique et explicite. Le tribunal s'abstint de fournir
cette réponse, sans qu'il soit possible de savoir s'il avait
négligé ledit moyen ou bien s'il avait voulu le rejeter et, dans
cette dernière hypothèse, pour quelles raisons. La CEDH conclut
par conséquent a une violation de l'article 6(1). L'objectif de
l'exigence de la motivation de justice est de garantir l'effectivité de
la décision juridique afin que les parties au procès aient le
droit non seulement de présenter leurs arguments, mais aussi le droit
d'être vraiment entendues.
§3. La publicité des débats
La publicité de la procédure (débats et
prononcé de la décision) est également un principe
fondamental consacré par l'article 6 § 1. Ladite publicité
protège les justiciables contre une justice secrète
échappant au contrôle du public4; elle constitue aussi
l'un des moyens de contribuer a préserver la confiance dans les cours et
tribunaux. Par la transparence qu'elle donne a l'administration de lajustice,
elle aide a atteindre le but de l'article 6 § 1 : le procès
équitable, dont la garantie compte parmi les principes de toute
société démocratique au sens de la Convention
))5.
1CEDH, 19 avril 1994, Van de Hurk c. Pays-Bas,
requête no16o34/9o, § 61, disponible sur
http, cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Aan%20%7C%20de%20
%7C%20Hurk%20%7C%20c.%20%7C%20Pays-Bas&sessionid=906223&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007). 2CEDH, Ruiz Torija et Hiro
Balani c. Espagne du 9 décembre 1994, série An° 303-A et -B,
p. 12, § 29, et pp. 29-30, § 27), disponible sur
http, cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Higgins&sessionid=9062
23&skin=hudoc-fr (consulté le 15 juin 2007).
3CEDH, 9 décembre 1994, Hiro Balani c. Espagne,
requête no18o64/91, disponible sur
http, cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Hiro%20%7C%20Balani
%20%7C%20c.%20%7C%20Espagne&sessionid=906223&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007).
4 Caroline PICHERAL, <La publicité des audiences
>>, in La diffusion du modèle européen du procès
équitable, op. cit., pp. 253-271.
5 CEDH, 24 novembre 1997, Werner c. Autriche, § 45,
disponible sur
Le principe de publicité de la procédure peut
connaltre certaines limitations, prévues a l'article 6 § 1, seconde
phrase, qui concerne le déroulement des débats devant le juge.
Ces assouplissements au principe de publicité des débats ont
été admis par la Cour également en ce qui concerne le
prononcé public des décisions : soit que les jugements des
tribunaux inférieurs a l'image de la révision aient
été rendus publiquement1, soit que l'accès du
public a cette décision ait été assuré par d'autres
moyens, comme la possibilité de demander une copie de l'arrêt au
greffe du tribunal et sa publication ultérieure dans un recueil officiel
de jurisprudence2. En toute hypothèse, il peut y avoir
renonciation a la publicité de la procédure de la part du
justiciable, a condition encore une fois que cette renonciation soit faite sans
équivoque: Ni la lettre ni l'esprit de [l'article 6 § iJ
n'empêchent une personne d'y renoncer de son plein gré de
manière expresse ou tacite, mais pareille renonciation doit être
non équivoque et ne se heurter a aucun intérêt public
important ))3.
§B. Le délai raisonnable
La durée raisonnable de la procédure
préserve effectivement la crédibilité de la
procédure et son efficacité4. La Cour apprécie
le caractère raisonnable du délai en fonction de trois
critères principaux5: la complexité de l'affaire, du
comportement du
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..asp?item=2&portal=hbkm&action=html&highlight=Oerner%20%7C%20c.%
20%7C%20Autriche%2C&sessionid=906223&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007).
1CEDH, 8 décembre 1983, Axen c. Allemagne,
§ 32, disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=906223&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007). 2 CEDH, 22 février 1984, Sutter
c. Suisse, § 34, disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=906223&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007). 3CEDH, 21 février
1990, Häkansson etSturesson c. Suède, § 66, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..asp?item=2&portal=hbkm&action=html&highlight=Oerner%20%7C%20c.%
20%7C%20Autriche%2C&sessionid=906223&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007).
4 Frédéric SUDRE, op. cit., p. 391. L'exemple
français ilustre bien la fréquence des condamnations pour
délai déraisonnable d'une procédure, qu'elle soit
pénale ('affaire Kemmache c. France du 27 novembre 1991, n°s
41/1990/232/298 et 53/1990/244/315) ou administrative ( H. c. France du 26
octobre 1989).
5 La CJCE se fonde sur ces critères
dégagés par le juge strasbourgeois pour apprécier le
délai raisonnable dans le système juridictionnel communautaire,
dans le cadre un pourvoi contre un arrêt du TPI. La CJCE a fait appel a
la position du juge européen pour constater la durée excessive de
la procédure devant le TPI en jugeant que : <<Le caractère
raisonnable du délai de la procédure devant le Tribunal doit
être apprécié en fonction des circonstances propres de
chaque affaire et, notamment, de l'enjeu du litige pour
l'intéressé, de la complexité de l'affaire ainsi que
requérant et de l'attitude des autorités
publiques. Le terme de << critères >> est souvent
utilisé a propos de la méthode qu'utilise la Cour pour
apprécier le délai raisonnable. Il s'agit pourtant plus
d'appliquer une appréciation mécanique1 en
réunissant un <<faisceau d'indices >> que de critères
au sens strict.
Signalons qu'en matière de << droits et
obligations a caractère civil >>, le délai pris en compte
court a compter de la saisine du juge jusqu'à la fin de la
procédure, voies de recours incluses2 ou la durée de
procédure administrative préliminaire3. En ce qui
concerne les << accusations en matière pénale >>, le
délai court a compter du jour oü les soupçons portant sur le
justiciable produisent des effets sur sa situation juridique, soit ~ dès
l'instant qu'une personne se trouve "accusée"; il peut s'agir d'une date
antérieure a la saisine de la juridiction de jugement [...], celles
notamment de l'arrestation, de l'inculpation et de l'ouverture des
enquêtes préliminaires [...]. L'"accusation" , au sens de
l'article 6 § 1, peut se définir "comme la notification officielle,
émanant de l'autorité compétente, du reproche d'avoir
accompli une infraction pénale", idée qui correspond aussi a la
notion de "répercussions importantes sur la situation" du suspect
))4.
Après cette démonstration des droits garantis
par l'article 6 de la CESDH, la question qui se pose est de savoir si la
procédure de résolutions des litiges en ligne de type l'UDRP
garantirait les mêmes droits aux individus. C'est ce qu'on examinera par
la suite.
du comportement du requérant et des autorités
compétentes. Une procédure devant le Tribunal portant sur
l'existence d'une infraction aux règles de concurrence, dont la
durée a été d'environ cinq ans et six mois,
dépasse, tout en tenant compte de la relative complexité de
l'affaire, les exigences liées au respect du délai raisonnable .
La CJCE, 17 décembre 1998, Baustahlgewebe GmbH c. Commission des
Communautés européennes, Affaire C-185/95 P, disponible sur
1 Frédéric SUDRE, op. cit., p. 392.
2CEDH, 6 mai 1981, Buchholz c. Allemagne, §
50-53, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
view.asp?item=2&portal=hbkm&action=html&highlight=BuchholR%20%7C%20c.
%20%7C%20Allemagne&sessionid=906223&skin=hudoc-fr (consulté
le 15 juin 2007).
3CEDH, 13 mars 1992, Xc. France, disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=906223&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007). 4CEDH, 15 juillet 1982, Eckle
c. Allemagne, , § 73, disponible sur
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?sessionid=906223&skin=hudoc-fr
(consulté le 15 juin 2007).
Section 2 : La conformité contestée de la
procédure UDRP avec les garanties
du droit a un procès équitable
On a vu plus haut que le recours a l'arbitrage est
considéré comme une renonciation partielle aux garanties offertes
par l'article 6. Donc, la clause compromissoire attribuant compétence
aux organes de résolution des litiges institués
conformément aux règles UDRP et imposée dans les
conditions générales des contrats d'enregistrement de noms de
domaine ne peut suffire a remettre en cause la validité de la
renonciation partielle a l'exercice du droit a un procès
équitable qui en découle. La base contractuelle de la
procédure UDRP ne pose donc pas de difficulté particulière
dans ce contexte.
Or, il faut rappeler que lorsque les parties soumettent leur
litige a une procédure extrajudiciaire, ils ne renoncent pas au droit de
soumettre un litige a un tribunal mais uniquement un tribunal étatique.
Pourtant, on a vu que le fonctionnement de la procédure UDRP s'appuie
sur la technologie de l'Internet. C'est une procédure
électronique qui se déroule uniquement en ligne et échappe
a toute intervention de la part du juge judiciaire. Donc, la question se pose
de savoir quel est l'intérêt de poser l'hypothèse de
l'applicabilité indirecte de l'article 6 a la procédure UDRP. Une
telle conclusion est plutôt hâtive dans la mesure oü le role
du juge national n'est pas complètement marginalisé dans le
fonctionnement de cette procédure. Selon l'article 4k des principes
directeursl de l'UDRP, le juge national peut trouver un role a
jouer. Dans
lArticle 4 K: Possibi~ité de recourir aux
tribunaux:
<<La procédure administrative obligatoire
visée au paragraphe 4 ne vous interdit pas, non plus qu'elle n'interdit
au requérant, de porter le litige devant un tribunal compétent
appelé a statuer indépendamment avant l'ouverture de cette
procédure administrative obligatoire ou après sa cloture. Si une
commission administrative décide que votre enregistrement de nom de
domaine doit être radié ou transféré, nous
surseoirons a l'exécution de cette décision pendant dix (io)
jours ouvrables (selon les usages établis au lieu de notre siège)
après en avoir été informés par l'institution de
règlement compétente. Nous exécuterons ensuite cette
décision, a moins d'avoir reçu de vous dans ce délai de
dix (io) jours ouvrables un document officiel (par exemple la copie d'une
plainte, portant le tampon d'enregistrement d'un greffe de tribunal) attestant
que vous avez engagé des poursuites judiciaires a l'encontre du
requérant en un for dont le requérant a accepté la
compétence conformément au paragraphe 3)b)xiii) des règles
de procédure. (En règle générale, ce sera soit au
lieu de notre siège, soit a celui de votre adresse telle qu'elle figure
dans notre répertoire. Pour plus de précision, voir les
paragraphes 1 et 3)b)xiii) des règles de procédure). Si nous
recevons un document de cette nature dans le délai de dix (io) jours
ouvrables imparti, nous n'exécuterons pas la décision de la
commission administrative et nous ne prendrons aucune autre mesure tant que
nous n'aurons pas reçu i) preuve
un premier temps, on soulignera les signes
d'incompatibilité de la procédure UDRP avec les exigences de
l'article 6 de la CESDH (A), ensuite, on abordera le contrôle qui juge
pourrait le sur cette procédure (B).
A. Les symptômes d'incompatibilité avec les
exigences du procès equitable
La première critique de la procédure UDRP se
situe dans le processus même d'élaboration de la procédure.
On sait bien que la procédure UDRP est un type d'une législation
privée, fruit des efforts de l'ICANN et de l'OMPI. Le manque de
représentativité (tant au niveau de la structure que de la
composition du Conseil d'administration de l'ICANN) et la carence de
crédibilité sont inhérents au processus législatif
de l'ICANN. Il met en exergue le caractère privé et fermé
de la négociation de ce processus oü aucun Etat Membre ni aucune
ONG ne furent impliqués en temps réel. De plus, il faut rappeler
que c'est par un lobby des titulaires de droits de marques que, cette
procédure fut finalement initiée. Egalement, la participation de
l'OMPI (organisation mondiale de la propriété intellectuelle),
chargée de protéger les droits de marques, dans
l'élaboration de la procédure suscite quelques soucis dans la
mesure oü l'OMPI pourrait favoriser les détenteurs de droits de
propriété intellectuelle au détriment de détenteurs
de noms de domaine litigieux.
Au surplus, sous l'angle de la comptabilité de la
procédure de l'UDRP avec les exigences du droit a un procès
équitable, plusieurs critiques peuvent être adressées, dans
ce contexte, a la procédure UDRP.
§i. La procedure de 1'UDRP : un forum du shopping
La première difficulté par rapport a
l'évaluation du caractère équitable de la procédure
UDRP se situe au niveau de la saisine des organes chargés d'appliquer
les règles de l'UDRP. Effectivement, le mode de saisine des organes de
résolution des litiges constitue un aspect problématique
fondamental, compte tenu du role du demandeur, titulaire de droits sur une
marque. Selon les Règles UDRP, le plaignant choisit librement l'organe
qu'il saisit parmi les institutions accréditées par l'ICANN.
satisfaisante a nos yeux d'un règlement entre les
parties; ii) preuve satisfaisante a nos yeux du rejet ou du retrait de votre
action en justice; ou iii) copie d'un jugement par lequel un tribunal
compétent vous déboute de votre action en justice ou dit que vous
n'avez le droit de continuer a utiliser votre nom de domaine >>.
Les institutions de règlement sont des entités
publiques ou privées offrant des services de résolution
alternative des litiges. Ces institutions prennent souvent la forme
d'organisations ou d'associations dont l'objet est de mettre
l'expérience de leurs membres (experts, arbitres ou panélistes)
au service de l'arbitrage et de la médiation. L'institution de
règlement la plus représentative est une institution publique
créée au sein même de l'OMPI : le Centre d'Arbitrage et de
Médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété
Intellectuelle (OMPI). Les institutions de règlement
agréées par l'ICANN sont : le National Arbitration Forum
(NAF)1; le E-Resolution (qui a cessé son
activité)2; le CPR Institute for Dispute Resolution
(CPR)3 ; et l'Asian Domain Name Dispute Resolution Center
(ADNDRC)4.
Or, dans une étude élaborée par Milton
Mueller5, l'analyse de la jurisprudence révèle des
différences importantes de jurisprudence entre certains organes de
résolution
1 Forndé en 1986, le National Arbitration Forum a
été sélectionné et agréé par l'ICANN
le 23 décembre 1999 pour participer, avec d'autres institutions de
règlement, a la résolution extrajudiciaire des différends
relatifs aux noms de domaine. Ses panélistes rendent leurs
décisions sur le fondement des principes UDRP. Le National Arbitration
Forum est aussi compétent pour les litiges de noms de domaine concernant
le .us, le .kids.us. Site internent:
arb-forum.com et
spécialement sur les litiges relatifs aux noms de domaine :
arb-forum.com/domains.
2 Centre canadien de résolution alternative des litiges
spécialisé dans les modes électroniques de
règlement des litiges (MERL). Ce fut l'une des premières
institutions de règlement agréées par l'Icann (le 1er
janvier 2000) pour l'application des principes directeurs régissant le
règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (Principes
UDRP), mais E-Resolution a désormais cessé cette activité.
Site Internet :
www.eresolution.ca
3 Center for Public Ressources - Institue for Alternative
Dispute Resolution Fondé en 1979, le CPR est basé a New York. Il
a pour objectif de favoriser le recours aux méthodes alternatives de
règlement des litiges (Alternative Dispute Resolution). Le CPR est l'une
des institutions de règlement agréés par l'ICANN le 22 mai
2000 pour l'application des principes régissant le règlement
uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (Principes UDRP). Site
Internet:
www.cprard.org
4 L'ADNDRC est l'une des institutions de règlement
(agréée par l'Icann le 28 février 2002) pour la
résolution extrajudiciaire des litiges relatifs aux noms de domaine sur
le fondement des principes UDRP. L'ADNDRC regroupe trois panels: The Hong Kong
International Arbitration Centre (HKIAC) ; The China Economic and Trade
Arbitration Commission (CIETAC) ; The Korean Internet address Dispute
Resolution Committee (KIDRC). Site de l'ADNDRC -
www.adndrc.org; Site du HKIAC
-
www.hkiac.org; Site du CIETAC
-
www.cietac.org.cn; Site du
KIDRC -
www.idrc.or.kr.
5 Milton MUELLER, <<Rough Justice. An analysis of ICANN
Uniform Dispute Resolution Policy>>, novembre 2000, disponible sur
http://legal.edhec.com/DTIC/ArticlesE/Articledns5.htm
(consulté le 15 juin 2007). Etude des décisions rendues en
application des règles énoncées par l'ICANN, entre le 1er
décembre 1999 et le 1er novembre 2000. L'approche étant
statistique, il s'agit moins d'une étude juridique qu'une étude
de sociologie du droit - si l'on peut dire que les règles UDRP
relèvent du droit.
des litiges. Si les statistiques montrent que le plaignant
obtient gain de cause dans environ 80% des cas en moyenne, le taux de
succès varie fortement d'un organe de résolution a l'autre,
allant d'environ 50% chez eResolution a environ 80 % auprès des autres
organes accrédité. Il observe que certains centres comme l'OMPI
ou le NAF ont a priori convaincu de la mauvaise foi du titulaire du nom de
domaine et jugent souvent en faveur du titulaire de marque.
Comme le remarque Alexandre Cruquenaire, le fait que le choix
de l'organe de résolution des litiges est laissé au seul
plaignant risque d'ouvrir la voie a un véritable Forum shopping. Cette
situation est inquiétante pour l'évolution future de ce
mécanisme de résolution des litiges car la diffusion de plus en
plus large des statistiques risque de renforcer la tendance, déjà
relativement marquée, a privilégier les organes de
résolution des litiges plus sensibles aux arguments des plaignants,
titulaires de marque. On peut dès lors sérieusement craindre le
développement d'une concurrence entre les organes de résolution
accrédités afin d'attirer vers eux un maximum de plaintes. Il en
résulterait un durcissement d'une jurisprudence pourtant
déjà favorable aux plaignants dans 80 % des cas. A vraie dire,
cette situation met en cause l'indépendance de certains centres de
résolution des litiges: l'indépendance des organes de
résolution des litiges pourrait être mise en doute. En effet,
peut-on encore parler d'égalité des armes lorsque la
procédure permet au plaignant de choisir un organe de résolution
du litige qui présente des statistiques particulièrement
favorables au type d'argument qu'il invoque? ))1.
Dans le même ordre d'idées, si l'article 7 des
règles d'application de la procédure UDRP2
énonce le principe selon lequel les tiers décideurs doivent
être impartiaux et indépendants, cette disposition confie au tiers
décideur le soin de révéler toute
1 Alexandre CRUQUENAIRE, Le règlement extrajudiciaire
des litiges relatifs aux noms de domaine Analyse de laprocédure UDRP,
Bruylant, 2002, p. 158.
2Article 7 des règles d'application de
l'UDR; Impartialité et indépendance:
<<Tout membre d'une commission doit être impartial
et indépendant et, avant d'accepter sa nomination, doit faire connaItre
a l'institution de règlement toute circonstance de nature a soulever un
doute sérieux sur son impartialité ou son indépendance.
Si, a un moment quelconque de la procédure administrative, apparaissent
des circonstances nouvelles de nature a soulever un doute sérieux sur
l'impartialité et l'indépendance du membre de la commission,
celui-ci fait immédiatement connaItre ces circonstances a l'institution
de règlement. Dans un tel cas, l'institution de règlement a toute
latitude pour nommer un suppléant >>.
circonstance de nature a soulever un doute sérieux sur
son impartialité ou son indépendance et, le cas
échéant, de solliciter son remplacement. En effet, ce sont les
règles supplémentaires des organes de résolution des
litiges qui déterminent les conditions d'un éventuel remplacement
non volontaire des tiers décideurs. Or, les solutions retenues par les
différents organes de résolution des litiges peuvent être
diamétralement opposées.
A titre d'exemple, les règles de l'OMPI ne permettent
pas aux parties de solliciter le remplacement d'un tiers décideur,
tandis que les règles supplémentaires de eResolution le
permettent a tout moment et celles du NAF uniquement pendant une période
de temps limitél. De même, les raisons susceptibles de
fonder un remplacement varient d'un organe de résolution a l'autre. Il
n'est pas admissible qu'une question aussi essentielle puisse être
réglée de manière totalement différente en fonction
de l'organe de résolution des litiges. La concurrence qui en
résulte rend plus problématique encore la possibilité de
choix offerte au seul plaignant.
§2. Une modalité imprécise de
désignation du tiers décideur
Les modalités de désignation des tiers
décideur siégeant dans les panels sont fort peu claires. Dans
l'hypothèse d'un panel de trois personnes, l'article 6, e, des
règles UDRP2 prévoit que les parties fournissent
chacune une liste de personnes désirées. Par contre, la situation
est nettement incertaine en ce qui concerne les panels composés d'une
seule personne puisque les règles UDRP mentionnent simplement le fait
que l'organe de résolution des litiges saisi désigne un tiers
parmi ceux inscrits sur sa liste. Si, officiellement, l'on invoque le recours
au hasard pour désigner le tiers siégeant dans un panel d'une
personne, une analyse statistique révèle toutefois des
données
lAlexandre CRUQUENAIRE, ibid., p. 159.
2Article 6 des règles d'application de l'UDRP ;
Nomination de la commission et délai pour le prononcé de la
décision;
Chaque institution de règlement établit et
rend publique une liste contenant les nom et qualités de membres
potentiels de commission.
b) Si nile requérant, nile défendeur n'a
opté pour la commission composée de trois membres (paragraphes
3.b)iv) et 5.b)iv)), l'institution de règlement désigne, dans les
cinq (5) jours suivant la date a laquelle elle a reçu la réponse,
ou suivant l'expiration du délai imparti pour présenter une
réponse, un expert unique choisi sur sa liste de membres potentiels de
commission. Les taxes et les honoraires, pour l'expert unique, sont
intégralement a la charge du requérant.
particulièrement inquiétantes. Il s'agit
vraiment de règles d'appréciation a géométrie
variable.
Ainsi, une équipe dirigée par le professeur
Michel Geist1 a montré clairement que sur les 131 experts
inscrits sur sa liste, le NAF a désigné les six mêmes
personnes dans plus de 50 % des cas (512 sur 966 recensées dans
l'étude). Encore frappant, ces mêmes statistiques indiquent que
ces experts présentent des pourcentages de décisions favorables
aux demandeurs sensiblement au dessus de la moyenne des autres
panélistes (94 % de décisions favorables). L'étude montre
que cette pratique du complainant-friendly panelists, est fréquente dans
plusieurs centres de résolution de litiges. Pire, en ce qui concerne
l'OMPI, l'étude montre que dans le cas d'un panel unique, le plagiant
gagne des 83 % des cas, tandis que lorsque le panel est composé de
triple personne, le plaignant gagne des 60% des cas. Cette situation montre
clairement la différence entre le panel d'un unique membre et celui des
triples membres au regard du sort du litige.
Dans ces conditions, il devient difficile d'accréditer
la version officielle de l'emprise du seul hasard sur la désignation des
tiers composant les panels. Sans aucun doute, cette pratique met en
évidence le fait que la fonctionnalité de la procédure de
l'UDRP est contradictoire avec les exigences de l'article 6 de la CESDH: Le man
que total de transparence sur le processus de désignation des tiers
siégeant dans des panels a composition unipersonnelle constitue
incontestablement une violation des exigences d'impartialité et
d'indépendance de l'organe décisionnel ~+.
Une des recommandations de l'étude du professeur Michel
Geist est la généralisation du recours a des panels a trois
membres, aux seuls frais du demandeur (les Règles UDRP prévoient
un partage des frais lorsque le défendeur sollicite un panel a
composition plurielle). Afin d'éviter les frais inutiles, l'étude
recommande enfin que cette nouvelle règle fasse une exception en cas de
défaut. Cette dernière proposition est contredite par Alexandre
Cruquenaire qui l'estime non appropriée3. Ce dernier souhaite
justement généraliser les panels a trois membres, sans souffrir
aucune exception. En effet, si l'élément principal conduisant a
la désignation de panels triples est la crainte de
1 Michel GEIST,
Fair.com? : an examination of the
allegations of systematic unfairness in the ICANN UDRP disponible a l'adresse,
http://aix1.uottawa.ca/--geist/geistudrp.pdf,
p. 8, (consulté le 15 juin 2007). 2Alexandre CRUQUENAIRE,
op. cit., p. 161.
3Alexandre CRUQUENAIRE, ibid., p. 162.
l'incompétence de certains membres de panels, il
convient d'être d'autant plus attentif dans le cadre de procédure
en ligne oü le défendeur n'est pas présent pour
défendre son point de vue. Le risque de décisions
incohérentes ou erronées est d'autant plus grand qu'un seul point
de vue est exprimé au cours de l'instance.
§3. Une atteinte incontestable au droit de la defense
Les articles 4, a1, et 2, a, des Règles UDRP
prévoient, a charge de l'organe de règlement des litiges saisi,
une obligation de notification de la plainte au défendeur. L'article 2,
a, précise que cette obligation n'est qu'une obligation de moyen. En
effet, il dispose que Pour transmettre une plainte au défendeur, il
incombe a l'institution de règlement d'employer les moyens dont il peut
raisonnablement disposer pour que le défendeur reçoive
effectivement notification . Pour déterminer si l'organe de
règlement des litiges a satisfait a son obligation, l'article 2, a,
établi ensuite une présomption, qui semble indiscutable, lorsque
différents moyens ont été utilisés. La plainte doit
être envoyée sous forme électronique (par courrier
électronique) et sous forme papier a l'adresse postale ou au
numéro de fax du défendeur, voir le détenteur du nom de
domaine.
Cette technique peut paraltre normale dans la mesure oü
l'utilisation de moyens électroniques de notification ne constitue pas
davantage un élément de nature a porter atteinte aux droits de la
défense. En effet, on constate actuellement l'utilisation de moyens de
télécommunication, de courrier électronique et de la
signature électronique dans la procédure judiciaire et
extrajudiciaire2. De même, il convient d'observer que le seul
recours a la présomption de connaissance ne peut en lui-même
constituer une violation des droits de la défense ou une atteinte au
principe du contradictoire. Par contre, la combinaison de cette technique
particulière de notification avec l'extrême brièveté
du délai de réponse accordé au défendeur et a
l'absence de recours interne en cas de décision par défaut,
paralt constituer une atteinte aux principes du contradictoire et du respect
des droits de la défense. Dans ces conditions, on ne peut en effet se
lArticle 4 a) dispose que: <<L'institution de
règlement examine la plainte pour en vérifier la
conformité administrative aux principes directeurs et aux
présentes règles et, si la plainte est conforme, transmet
celle-ci (accompagnée de la page de couverture explicative prescrite par
les règles supplémentaires de l'institution de règlement)
au défendeur... >>. 2 v° , infra, chapitre 2, titre 1.
satisfaire d'une vague présomption de connaissance de
la procédure, ainsi que le prévoient les règles UDRP.
Dans le même esprit, le délai qui est
laissé au défendeur pour transmettre sa réponse a la
plainte est de vingt jours seulement (article 5 des règles
UDRP)1. Organiser correctement une défense dans un
délai aussi bref constitue un risque pour assurer pleinement l'exercice
du droit a la défense2. Par contre, le plaignant dispose du
temps qu'il souhaite pour peaufiner l'argumentation de la plainte puisqu'il
décide du moment de l'introduction de l'instance. Les principes du
contradictoire et de l'égalité des armes ne semblent dès
lors pas adéquatement pris en considération.
§B. Une lacune au niveau de motivation de decision
L'article 15 de la procédure UDRP3 se montre
particulièrement flexible quant au choix des règles applicables :
les panels statuent sur la base des principes directeurs et des règles
d'application mais également en vertu de tout principe ou règle
de droit qu'ils jugent applicables. Ce dernier point rend les décisions
indéterminées voire incertaines. Dès lors, rien interdit
les panels d'ignorer la force corrective indirecte qu'exercent les arrêts
des juridictions nationales en appel et peuvent continuer a appliquer leur
interprétation. Dans le même sens, on peut légitimement
s'interroger sur la possibilité de créer dans ce contexte, une
jurisprudence cohérente, non seulement entre les
1 L'article 5 c) dispose que <<Si le requérant a
choisi de faire statuer sur le litige un expert unique et que le
défendeur opte pour la commission de trois membres, le défendeur
est tenu de payer la moitié du montant des taxes et honoraires
fixés dans les règles supplémentaires de l'institution de
règlement pour une commission de trois membres. Ce paiement doit
être effectué en même temps que la réponse est remise
a l'institution de règlement. Si le montant requis n'est pas
versé, le litige sera tranché par un expert unique >>.
2 Dans ce contexte, M. FroomVin propose de tripler ce
délai au minimum et d'utiliser la réception de l'ensemble des
pièces comme point de départ. ~l établit une comparaison
avec un procès traditionnel et met en exergue le fait que ce
délai de 20 jours soit ridiculement bref puisqu'il s'agit, durant ce
délai, de trouver un avocat, de réunir les preuves (dont
certaines peuvent se situer a l'étranger si le droit de marque du
demandeur est incertain), de préparer son argumentation et de la
soumettre. Michael FROOMKIN, << "Uniform dispute resolution
policy"-causes and partial cures>>, BrooklynLaw Review vol.67 number 3,
2002 pp.605-718 p.688, cite par Alexandre CRUQUENA~RE, op. cit., p. 159.
3 L'article 15 d) ajoute que <<La décision de la
commission est formulée par écrit, motivée, indique la
date a laquelle elle a été rendue et comporte le nom de l'expert
unique ou des membres de la commission >>.
différents organes de résolution des litiges,
mais aussi au sein du même organe1. Rappelons aussi a cet
égard qu'il n'ya pas de degré d'appel au niveau interne en vue de
minimiser les différences d'interprétation d'un panel a
l'autre.
§;. Une inégalité au niveau du recours
judiciaire
Un des objectifs de la procédure était d'assurer
un recours judiciaire après avoir perdu en procédure UDRP.
L'article 4k des principes directeur de la procédure UDRP dispose que:
Si une commission administrative décide que votre enregistrement de nom
de domaine doit être radié ou transféré, nous
surseoirons a l'exécution de cette décision pendant dix (10)
fours ouvrables (...) après en avoir été informés
par l'institution de règlement compétente. Nous
exécuterons ensuite cette décision, a moins d'avoir reçu
de vous dans ce délai de dix (1 0) fours ouvrables un document officiel
(...) attestant que vous avez engagé des poursuitesfudiciaires a
l'encontre du requérant en un for dont le requérant a
accepté la compétence conformément au paragraphe 3)b)xiii)
des règles deprocédure '.
On constate que si le demandeur dispose du temps qu'il
souhaite pour porter plainte, a contrario, le défendeur est
cadenassé dans des délais stricts pour y répondre. Ce
désavantage se poursuit au niveau des recours judiciaires : s'il perd en
procédure UDRP, le détenteur de marques n'est pas enfermé
dans des délais pour introduire un recours. En cas de rejet de sa
plainte, le demandeur est libre d'introduire un recours judiciaire sans aucune
contrainte de temps. A l'inverse, le détenteur du nom de domaine
litigieux ne disposera que d'un délai de 10 jours dès lors que le
transfert ou la radiation du nom de domaine est exigé. A ce titre,
Alexandre Cruquenaire indique que Les Règles UDRP présentent sur
ce point un déséquilibre important au détriment du
1 Le Centre d'arbitrage et de médiation de
l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) a
créé et mis a disposition un nouvel instrument d'information en
ligne qui présente un panorama concis des tendances relevées dans
les décisions prises en application des Principes directeurs
régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de
domaine (principes UDRP), qui constituent une procédure rapide et
économique de règlement des litiges relatif aux adresses
Internet. La synthèse des avis des commissions administratives de l'OMPI
sur certaines questions relatives aux principes UDRP contient des informations
sur des points courants et importants touchant aussi bien au fond qu'aux
procédures qui ont été étudiés en relation
avec plus de 7000 litiges examinés jusqu'à présent par
l'OMPI dans le cadre des principes UDRP. La synthèse est disponible a
l'adresse
http://arbiter.wipo.int/domains/search/overview/index.html
(consulté le 15 juin 2007).
défendeur. Les principes de l'égalité des
armes et du respect des droits de la défense s'en trouvent donc
incontestablement écornés ~6.
En tout état de cause, il faut rappeler que la
procédure de l'UDRP n'exclut pas l'intervention du juge avant, pendant
ou même avant la clôture de la procédure. Cela dit, qu'il y
a une possibilité d'une interaction entre le système national et
le modèle transnational étable par la procédure UDRP. Sous
cet angle, on peut demander comment le juge national, juge du droit commun de
la CESDH, va traiter les symptômes de l'incompatibilité de la
procédure UDRP avec les exigences du droit a un procès
équitable. C'est ce qu'on abordera par la suite.
B. Les effets d'incompatibilité avec l'article 6 sur
lejuge national
L'ICANN, une société privée s'est fondue
dans un régime contractuel pour imposer ses règles a ceux qui
enregistrent un nom de domaine. Dans ce contexte, la resolution de litiges
représente la pierre angulaire du système établi par
l'ICANN. On a vu plus haut que le fonctionnement de cette procédure
englobe quelques contradictions avec le droit a un procès
équitable. A ce stade, il est bien établi que le contrôle
du respect des exigences de l'article 6, § ler, CESDH par les organes
extrajudiciaires de règlement des différends est assuré
par les tribunaux internes. En cas de défaillance de ce contrôle,
les organes de Strasbourg sont susceptibles de sanctionner les manquements de
l'Etat signataire concerné. C'est le juge qui représente a cet
égard, le point de contact entre le cyberespace et la CESDH (2). Cette
situation n'est pas nouvelle dans la mesure oü il y a une jurisprudence
française confortée a la même hypothèse dans le
cadre d'arbitrage international (i).
§i. La jurisprudence francaise en matière du
contrôle de l'arbitrage international
D'une manière générale, il existe de
nombreux points de contact entre la procédure arbitrale internationale
et le juge judiciaire: si l'arbitrage se déroule en France ou est soumis
a la loi de procédure française, le juge peut avoir a intervenir
par le jeu de
lAlexandre CRUQUENAIRE, op. cit., p. 163.
l&article 1493 du nouveau Code de
procédure civile1; si la sentence a été rendue
en France, le juge intervient aussi comme juge de l'annulation; en cas
contraire, il peut avoir a connaltre de la décision ayant accordé
l'exequatur2. Pourtant la jurisprudence française a pris est
une position spécifique en ce qui concerne l'application de l'article 6
de la CESDH a l'arbitrage. Deux affaires principales peuvent nous
éclairer la situation a ce sujet.
Tout d'abord, l'affaire Cubic qui marque la position de la
Cour de cassation au regard de l'application de l'article 6 de la CESDH aux
procédures de l'arbitrage. En l'espèce, une société
américaine, nommée Cubic, avait en 1977 conclu divers contrats de
fourniture de système d'armement avec le ministère de la Guerre
iranien. Ces contrats comportaient une clause compromissoire prévoyant
que toute réclamation ou tout différend découlant du
contrant sera tranché par arbitrage, selon les lois de l'Etat de l'Iran
en vigueur a la date de la conclusion du contrat. A la suite de
événements révolutionnaire de 1979, l'exécution du
contrat a été interrompue, le ministère de la
défense de la République islamique a saisi la Cour internationale
d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale (CCI). Après un
désaccord concernant la désignation du président du
tribunal arbitral, la société Cubic a assigné la Chambre
de commerce internationale devant le tribunal de grande instance de Pairs.
La société Cubic demandait au tribunal d'une
part de prononcer la nullité du contrat conclu entre elle et la Chambre
de commerce international pour l'organisation de l'arbitrage, et d'autre part,
elle prétendait que le règlement de l'arbitrage de la Chambre de
commerce internationale est contraire de l'article 6 de la CESDH en raison de
la nature vraisemblablement juridictionnelle de la Cour et de l'atteinte a
l'indépendance des arbitres qui en résultaient. Le TGI rejeta les
demande de la société Cubic par un jugement du 21 mai 1997,
confirmé par la Cour de Pais le 15 septembre 1998 qui a jugé que
la CESDH ne s'applique pas au litige dans la mesure oü l'institution
d'arbitrage ne
1 Article 1493 du NCPC: <<Si pour les arbitrages se
déroulant en France ou pour ceux a l&égard
desquels les parties ont prévu l&application de la loi de
procédure française, la constitution du tribunal arbitral se
heurte a une difficulté, la partie la plus diligente peut, sauf clause
contraire, saisir le président du tribunal de grande instance de Paris
selon les modalités de l&article 1457 >>.
2 Serge GUINCHARD et Frédéric FERRAND,
Procédure civile; Droit Internet et Droit communautaire, Dalloz,
Précis, 28e édition, 2006, pp. 1347 et s; LoIc CADIET
et Emmanuel JEULAND, Droitjudiciaire privé, Litec, Manuel, 5e
édition, 2006, pp. 675 et s ; Yves GUYON, L'arbitrage, Economica,
1995.
représente pas véritablement une juridiction
sous l'autorité d'un Etat membre: La convention européenne des
droits de l'homme, qui a été signée entre les
gouvernements membres du Conseil de l'Europe, s'impose aux Etats signataires et
non pas a une association qui ne constitue pas unejuridiction ~6.
Saisie sur le pourvoi la société Cubic, la Cour
de cassation a rendu son arrêt le 20 février 2001 en rejetant les
demandes. Pour la haute juridiction L'article 6-i de la Convention de sauve
garde des droits de l'homme, qui ne concerne que les Etats et les juridictions
étatiques, est sans application en la matière et au surplus,
lesjuges dufond ayant souverainement retenu qu'une société ne
démontrait pas avoir été, en l'espèce,
privée des garanties d'un procès équitable, tant sur le
délai raisonnable de jugement que sur l'indépendance et
l'impartialité des arbitres n'était pas fondée a invoquer
la violation du texte précité 2
· D'une
première lecture, l'arrêt peut monter que la Cour de cassation
écarte généralement l'application de l'article 6 de la
CESDH aux procédures d'arbitrage. Il serait erroné d'en
déduire de façon générale l'affirmation que cette
Convention est inapplicable en matière d'arbitrage. Deux remarques
doivent être faite a cet égard.
En premier lieu, la portée de cet arrêt doit
être limitée a l'espèce, selon l'expression de la Cour de
cassation. En effet, la société Cubic n'a pas attaqué la
sentence arbitrale de la CCI, mais elle a dirigé ses critiques contre
l'institution d'arbitrage et le contrat impliquant l'organisation de
l'arbitrage avec cette dernière. Autrement dit, la société
américaine, au lieu de s'attacher a démontrer in concreto qu'elle
n'avait pas bénéficié d'un procès équitable,
prétendait que les causes du règlement de la Chambre de commerce
internationale étaient, par elle-même, et in abstracto contraires
a la Convention européenne des droits de l'homme. La question
posée a la haute juridiction était donc de savoir si, avant
même qu'une quelconque sentence ait été prononcée,
le
1 Société Cubic Defense inc. c/ Chambre de
commerce internationale,. CA de Paris, 1er ch., A., 15 septembre
1998; Revue d'arbitrage, 1999, p. 103, note Pierre LALIAE.
2 Cass. 1re civ., 20 février 2001 :
Société Cubic Defense Systems Inc. c. Chambre de commerce
internationale (C.C.I.) - Pourvoi no 99-12.574; D. 2001,
jurisprudence, Informations rapides, p. 903; Gaz. Pal., 13 décembre 2001
n° 347, P. 29 et s; Alexis MOURRE, <<Réflexions sur quelques
aspects du droit a un procès équitable:, in L'arbitrage et la
Convention européenne des droits de l'homme, Actes du séminaire
du 4 mai 2001 conçu par les institut des droits de l'homme des barreaux
de Paris et de Bruxelles et organisé par l'institut de formation
continue du barreau de Paris, sous la présidence de Monsieur le
bâtonnier Georges Flécheux, Bruylant 2001, pp. 24 - 55.
règlement d'arbitrage adopté par les parties,
pouvait être censuré sur le fondement d'une possible
contrariété a la Convention. Dans ce contexte précis,
l'arrêt de la Cour de cassation doit être examiné. Les
garanties offertes par l'article 6 n'étaient nullement en question.
En deuxième lieu, selon l'article 1er de la
CESDH, les Etats membres doivent assurer les garanties posées par la
Convention a Toute personne relevant de leur juridiction '. Au sens de ce
texte, la juridiction de l'Etat signifie le pouvoir que celui-ci exerce de fait
sur une personne. Donc, cette article n'implique pas les tribunaux arbitraux
dans la mesure oü ils sont des juridictions privées, qui n'ont pas
de for, qui ne représentent pas d'Etat, et qui ne constituent pas des
organes dont les violations sont imputables a l'Etat. De ce point du vue, on
peut constate que la Convention ne s'impose pas directement aux arbitres. Or,
comme le soutiennent certains auteurs, cette conclusion n'écarte pas
totalement l'application de la Convention a l'arbitrage, soit interne ou
international.
Les garanties offertes par l'article 6 font pleinement partie
de la conception de l'ordre public européen. L'Etat doit, par
conséquent, veiller au respect par les arbitres des principes
posés par la Convention, et censurer une sentence qui les violent. Par
ce biais, la Convention s'applique indirectement a l'arbitrage. En laissant une
situation contraire a la Convention produire ses effets dans l'ordre juridique
français1, le juge rendrait cette violation imputable Etat.
En d'autres mots, au nom de la Conception française de l'ordre public
international, le juge français applique d'une façon indirect la
Convention a l'arbitrage et peut sanctionner toute sorte
d'irrégularité de la procédure d'arbitrage au regard des
garanties offertes par l'article 6 de la dite Convention2.
1 Cette position est appliquée constamment en ce qui
concerne la reconnaissance de décisions étatiques
étrangères. Par exemple, la Cour de cassation a jugé que
Cass, ayant jugé que: la Convention européenne de sauve garde des
droits de l'homme et des libertésfondamentales ne crée pas
d'obligations qu'à l'égard des Etats qui y sont parties, ce qui
n'est pas le cas de la République du Gabon; dès lors, le juge de
l'exequatur n'était pas tenu de répondre a des conclusions
inopérantes invoquant la violation a l'étranger de l'article 6 de
la Convention . Cass. civ., 1er ch., 10 juillet 1990, Mommeja c/
Tordjeman, RCDIP, 1991, p. 757.
2 Alexis MOURRE, op. cit., p. 31. Par un jugement du 18
novembre 1987, la Cour d'appel de Paris a jugé que les arbitres doivent
((assurer eux-mêmes les conditions d'un procès équitable,
conforme aux principes généraux et fondamentaux et, en tant que
de besoin, aux dispositions de l'article 6 de la Convention de sauve garde des
droits de l'homme . (4) CA. Paris, 18 novembre 1987, Revue d'arbitrage, 1988,
p. 657, note Philippe FOUCHARD.
Cette solution a été confirmée par la
Cour de cassation dans l'affaire NIOC qui pose la pierre d'angle de
l'édifice en consacrant le droit au juge en des termes qui attestent de
l'attachement de la France a l'arbitrage international. En l'espèce, un
accord de participation a été conclu en 1968 entre l'Etat
d'Israël et la National Iranian Oil Company (NIOC), société
de droit public iranien, pour la construction, l'entretien et l'exploitation
d'un oléoduc reliant le Golfe d'Eilat a la côte d'Ashquelon. Cet
accord contient une clause compromissoire, aux termes de laquelle en cas de
litige chaque partie nommera un arbitre. Si ces arbitres ne règlentpas
le litige d'un commun accord, ou s'ils ne se mettentpas d'accord sur le choix
du troisième arbitre, il sera demandé au Président de la
Chambre de commerce internationale de Paris de nommer ce troisième
arbitre . Il s'agit donc d'un arbitrage ad hoc, la clause ne faisant
référence ni au siège de l'arbitrage, ni t un
règlement d'arbitrage. La procédure retenue pour la constitution
du tribunal et la solution des difficultés de fond ou de constitution du
tribunal est très fréquente en pratique (3). La NIOC choisit un
arbitre, puis se prévaut de la clause compromissoire devant l'Etat
d'Israël qui, refusant de désigner son arbitre, paralyse la
procédure. Empêchée de faire valoir ses prétentions
au fond, la NIOC se sent victime d'un déni de justice et demande l'appui
du juge étatique pour surmonter l'obstruction. Ces arguments ont
été refusés devant le TGI de Paris par un jugement du 9
février 2000 au motif que le déni de justice n'est pas
établi. Par contre, les demandes de la société NIOC ont
été accueillies par la Cour d'appel de Paris qui a rendu deux
arrêts, le 29 mars 2001 et le 8 novembre 2001, en constatant la
créance de l'Etat d'Israël et nommant un arbitre pour lui. Les
arrêts de la Cour d'appel font l'objet d'un pourvoi devant la Cour de
cassation1.
L'Etat d'Israël s'oppose a l'interprétation du
déni de justice et soutient que la procédure arbitrale
n'était pas totalement paralysée dans la mesure oü la NIOC
pouvait toujours renoncer a l'arbitrage et déférer le fond du
litige a une juridiction étatique. La Cour de cassation rejette le
pourvoi articulé par l'Etat d'Israël, en appuyant sur le
caractère fondamental du fait d'accéder au juge comme une
garantie de l'article 6 de la CESDH et comme une composante de l'ordre public
international: l'impossibilité pour
1 Cass. civ., ch.1er, 1er février 2005, Israel c/ la
National Iranian Oil Company (NIOC), 01-13742N° de pourvoi : 02- 15237;
Bulletin 2005 I n° 53 p.45 ; Simon HOTTE, D. 2005, n°39,
jurisprudence, p. 2727.
une partie d'accéder au juge, flit-il arbitral,
chargé de statuer sur sa prétention, a l'exclusion de
toutejuridiction étatique, et d'exercer ainsi un droit qui relève
de l'ordre public international consacré par lesprincipes de l'arbitrage
international et l'article 6. 1, de la Convention européenne des droits
de l'homme, constitue un déni dejustice qui fonde la compétence
internationale du président du tribunal de grande instance de Paris,
dans la mission d'assistance et de coopération dujuge étatique a
la constitution d'un tribunal arbitral, dès lors qu'il existe un
rattachement avec la France .
Cette exception de l'ordre public a conduit la Haute
juridiction a annuler une sentence arbitrale dans le cadre de la Chambre de
commerce internationale au motif que la procédure d'arbitrage n'a pas
respecté l'égalité entre les parties dans la
désignation des arbitres: Le principe de l'égalité des
parties dans la désignation des arbitres est d'ordre public et on nepeut
y renoncer qu'après la naissance du litige ~1.
On peut donc déduire que l'arbitrage international,
comme manifestation d'une certaine forme de justice, doit répondre aux
exigences du procès équitable au sens de l'article 6 de la CESDH,
sous peine de perdre tout crédit et toute efficacité dans l'ordre
juridique interne des Etats membres a ladite Convention. La jurisprudence
française a déjà montré que la garantie des droits
fondamentaux a l'oeuvre dans le procès est assurée en
matière d'arbitrage international. Mutatis mutandis, cette conclusion
doit être transposée a la procédure de l'UDRP.
§2. La jurisprudence française en
matière du contrôle de la procedure UDRP
Compte tenu du fait que les organes de résolution des
litiges institués en vertu des Principes directeurs et Règles
UDRP échappent directement a la juridiction des organes de Strasbourg,
il incombe aux Etats signataires d'assumer une telle fonction avant d'accorder
un effet juridique aux décisions de ces organes dans leur ordre
juridique
1 En l'espèce, un accord de consortium a
été conclu, le 26 mars 1981, entre la société Dutco
construction, de Dubai, et les deux sociétés allemandes BKMI et
Siemens, en vue de la construction a Oman d'une cimenterie ; qu'il y
était stipulé que tous différends seront tranchés
selon le règlement d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale,
par trois arbitres nommés conformément a ce règlement.
Cass. civ., 1er ch., 7 janvier 1992, Siemens et autres c/
société Dutco construction, pourvoi n° 89-18708 et n°
89-18726 Bulletin 1992 I N° 2p. 2 ; Revue de l'arbitrage, 1992, n° 3,
p. 471, note Pierre BELLET ; RTD. co., 1992, p. 796, obs. Jean-Claude
DUBARRY.
respectif. Les insuffisances relevées dans la
procédure UDRP par rapport aux exigences de l'article 6, § ler,
CEDH sont importants. Ces vices procéduraux justifient une sanction par
les juridictions étatiques des Etats signataires de la Convention. A
défaut, les actes des tribunaux nationaux pourraient participer d'une
violation des dispositions de la CEDH et, partant, engager la
responsabilité de l'Etat concerné.
Donc, il nous semble que les tribunaux de l'ordre judiciaire
qui seraient saisis d'un recours postérieur a une décision UDRP
ne pourraient accorder a pareille décision qu'une portée
extrêmement réduite, voire nulle, en fonction des circonstances.
Les juridictions de l'ordre judiciaire ne peuvent en effet cautionner les
insuffisances de la procédure UDRP en octroyant une pleine valeur
juridique aux décisions résultant de la procédure de
l'UDRP. Il nous semble cependant que le tribunal doit alors examiner le litige
dans son ensemble, en tenant compte du caractère très
simplifié et de l'objet confiné de la procédure UDRP afin
de limiter la portée des décisions qui en proviennent.
A défaut, d'un précédent concernant in
concreto l'application de l'article 6 a l'UDRP, la jurisprudence
française a montré a plusieurs reprise sa position en ce qui
concerne la valeur juridique d'une décision issue de la procédure
UDRP. La référence principale dans ce contexte, est l'affaire
<< Miss France >>.
En l'espèce, la société Miss France et
l'Association Miss France, Miss Europe, Miss Univers sont parvenues a obtenir
le transfert des noms de domaine missfrance.biz,
missfrance.org,
missfrance.net, missfrance.info et
missfrance.tv devant le Centre d'Arbitrage et de Médiation de
l'OMPIl. Ces noms de domaine, avaient été
effectivement enregistrés par une association appelée <<
Miss Francophonie >>. Cette dernière souhaite contester la
décision rendue par un expert unique de l'OMPI et
bénéficier ainsi du recours prévu l'article 4(k) des
principes directeurs de la procédure UDRP. Elle saisit donc la Cour
d'appel d'un recours en annulation sur le fondement des dispositions du Nouveau
code de procédure civile (Livre IV, Titre V) relatives a l'arbitrage
international.
L'association demanderesse soutient que la procédure de
règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (UDRP) est
une procédure d'arbitrage international et que par conséquent,
les décisions rendues a l'issue de cette procédure doivent
être
1 Décision D2002-0695, 24 septembre 2002; OMPI,
D2002-0695, Société Miss France et Comité Miss France,
Miss Europe, Miss Univers Association contre Comité Miss Francophonie et
Michel Le P., disponible sur
http://www.wipo.int/amc/en/domains/decisions/html/2002/d2002-0695.html
(consulté le 15 juin 2007).
considérées comme des sentences arbitrales. Pour
qualifier ainsi une décision UDRP, elle invoque le fait que
l'enregistrement des noms de domaine concernés s'est effectué
<< auprès de diverses unités d'enregistrement
situées dans plusieurs pays >>, ce qui << met en jeu les
intérêts du commerce international >>, conformément a
l'article 1492, alinéa 1er du Nouveau code de procédure civile
(<< est international l'arbitrage qui met en cause des
intérêts du commerce international >>).
La Cour d'appel de Paris a déclaré
l'irrecevabilité d'un recours judiciaire en annulation contre une
décision issue de l'UDRP dans la mesure oü celle-ci ne constitue
pas une sentence arbitrale: Considérant que s'il existe bien ainsi un
consentement, même s'il est différé (...) le
mécanisme administratifproposé par l'ICANN dans
l'intérêt de la gestion du système des noms de domaine en
vue de demander a des experts, tout en protégeant d'un recours les
responsables du système d'adressage, de se prononcer, sous
réserve de la vérification des tribunaux, sur certains aspects
spécifiques du contentieux découlant pour le titulaire d'un droit
de marque, de l'enregistrement ou de l'usage abusif d'un nom de domaine, ne
constitue pas un arbitrage ~6. Il est erroné de conclure que
selon cette décision, le juge refuse généralement de
contrôler la procédure UDRP.
En effet, la Cour d'appel a refusé justement de traiter
une décision UDRP de la même manière qu'une sentence
arbitrale dans la mesure oü il n'y a pas d'accord mutuel entre les parties
pour recourir a la procédure UDRP. Pour la Cour d'appel, la clause
incorporée par référence au contrat d'enregistrement d'un
nom de domaine prévoyant la compétence d'une institution de
règlement pour résoudre un litige relatif a ce nom de domaine ne
peut être assimilée a une convention d'arbitrage Autrement dit,
c'est l'absence d'origine conventionnelle qui a conduit a
l'irrecevabilité du recours en annulation, un système proprement
appliqué a l'arbitrage. Mais, la non-application du
1 DI Cah. jurid., jurispr., et le commentaire d'E.
Gilet, Une décision UDRP n'est pas une sentence arbitrale, DI Cah.
jurid., chron., 22 sept. 2004; Juris-Data n° 2004-247553 ; Forum
des Droits sur l'Internet;
Legalis.net; Gaz. Pal. 4
déc. 2004, n° 339, p. 51 ; Frédéric GLAIZE,
<<Une décision rendue par le Centre d'arbitrage et de
médiation de l'OMPI est-elle une sentence arbitrale ? >>, RLDI
2005/1, Eclairage n° 3, p. 13; Pascal DE CANDE, <<Ni un arbitrage ni
une médiation >>, Expertises, janv. 2005, p. 25; Christophe CARON,
<<La procédure UDRP ne rime pas avec arbitrage! >>, Com.
com. electr. 2005, Comm. n°38 ; Pascal TREFIGNY, <<Noms de domaine :
la procédure de médiation en matière de noms de domaine
(principes UDRP) : Recours, mode d'emploi... >>, Propr. ind. n° 1,
Janv. 2005, comm. 6; JCP G 2004, II 10156.
régime d'arbitrage n'accorde pas a la procédure
UDRP une immunité contre tout contrôle judiciaire. D'oü vient
l'intérêt d'avancer l'exception de l'ordre public
européen.
Comme on l'a constaté en matière d'arbitrage
international, c'est par le biais de l'article 6 et le manquement aux exigences
du procès équitable, une décision UDRP peut être
contrôlée; c'est la théorie des obligations positives qui
met a la charge des Etats le devoir de faire respecter les droits garantis dans
les relations entre particuliers. C'est toute la spécificité du
système CESDH, qui oblige les Etats a éviter par tous moyens -
choisis librement - qu'il ne soit porté atteinte a un droit garanti mais
qui n'énonce pas de normes générales et abstraites au
regard desquelles tel contrat privé pourrait être jugé
illicite.
Rappelons, avant de conclure, que la CEDH considère que
<<L'article 6 par. 1 s'applique indépendamment de la
qualité des parties comme de la nature de la loi régissant la
contestation et de l'autorité compétente pour trancher; il suffit
que l'issue de la procédure soit déterminante pour des droits et
obligations de caractère privé >1. C'est grace a
cette conception élargie que l'article 6 peut se trouver comme une
composante du principe de prééminence du droit en assurant un
visage humanisé pour les moyens de résolution des litiges en
ligne.
1CEDH, 9 décembre 1994, Raffineries grecques
Stran et Stratis Andreadis c. Grèce, requête
no13427/87, § 39, disponible sur
http, cmiskp.echr.coe.int tkp197
vie..aspIitem=7&portal=hbkm&action=html&highlight=Campbell%20%7C%20et
%20%7C%20Fell%20%7C%20c.%20%7C%20Royaume-Uni&sessionid=897223&skin=hudoc-fr
(consulté le 29 janvier 2007).
Conclusion
A l'issue de notre analyse, on peut constater d'abord, que la
procédure de l'UDRP ne représente pas un champ de vie juridique.
Le fonctionnement de cette procédure électronique s'inscrit
théoriquement dans la famille des modes alternatifs de règlements
des différends. Donc, la logique numérique n'échappe pas
complètement a la logique juridique actuelle. On peut aussi
déduire que l'inscription de la procédure UDRP dans l'ordre
juridique ne relève pas d'une intervention législative
spécifique, mais cette inscription se fait par l'enjeu de qualification
juridique qui donne a la doctrine et a la jurisprudence la possibilité
de retrouver leur role dans le système juridique. A vrai dire, il ne
faut pas attendre l'intervention du législateur pour réguler tous
les problèmes issus de l'Internet. C'est la réflexion
jurisprudentielle et doctrinale qui doit assumer cette tâche. La CEDH
nous fournit un modèle a cet égard.
Par sa jurisprudence évolutive, la CEDH a enrichi et
élargi la Convention européenne des droits de l'homme et l'a
adapté aux conditions d'aujourd'hui. Cette évolution peut traiter
effectivement des problèmes issus de l'Internet. On a vu que la lecture
extensive de l'article 6 de la Convention peut donner lieu a une application de
la convention a une procédure électronique issue de l'Internet,
comme l'UDRP. Ce constat n'est qu'un résultant dans la place du premier
rang de la Convention dans l'hiérarchie des sources du droit de l'ordre
juridique français.
En guise de conclusion, on peut aussi constater que le
débat sur la disparition de souveraineté des Etats face a la
mondialisation et plus spécialement, l'Internet, est un débat
faussél. Toute stipulation contraire va donner au monde
virtuel créé par l'Internet le visage d'une zone de non-droit,
voire une jungle dans laquelle les droits de l'homme seraient voilés
sans aucun remède. En effet, parce que l'Internet est un monde qui
dépasse les frontières étatiques, l'Etat doit se
moderniser et repenser son role afin de s'adapter aux défis de la
mondialisation. Cette adaptation exige que l'Etat ne soit pas le seul
régulateur de la vie sociale. Ce n'est pas la relation haut-bas qui
fonctionne dans ce cas l' , mais plutôt l'inverse. L'Etat doit laisser un
large champ d'action pour les acteurs
1 Pierre DE SENARCLENS, Mondialisation, souveraineté, et
theories des relations internationales, Armand Colin 1998, p. 242.
privés dans la régulation de l'Internet, et
conserve son rôle dans le contrôle de la légalité des
normes produites par ces acteurs.
En effet, l'Internet et plus généralement la
mondialisation ne montre pas le déclin de l'Etat, mais plutôt la
transformation de ses finalités: .....plus qu'à un
dépérissement de la puissance publique, on assiste au
renouvellement de sesfonctions avec le passage d'un Etat interventionniste,
exerçant son pouvoir par voie de reglementation hiérarchique, a
un Etat régulateur, soucieux de consultation, d'influence et d'arbitrage
des intérêts desparticuliers ))6. La démocratie
moderne et l'efficacité de l'action publique exigent que l'Etat s'ouvre
aux citoyens, aux acteurs sociaux ou privés, afin de mieux exercer sa
souveraineté. Il est temps que les nouvelles régulations
technologies s'inscrivent dans un processus démocratique, tant ce qui
concerne leur élaboration qu'au titre de leur mise en cuvre2.
C'est une forme de démocratie participative qui peut optimiser la
politique de l'Etat dans le monde actuel. C'est comme en déduit Hubert
Védrine, La démocratie participative peut aussi bien
régénérer la démocratie représentative que
précipiter son discrédit ))3.
1 Vincent BAUDRAND et Gérard MARIE-HENRY, La
mondialisation, Studyrama, Coll. Géopolitique, 2006, p. 90.
2 Cyril ROJINSKY, << Cyberespace et nouvelles
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CE, 28 octobre 2002, requête du M. Christian X,
n° 222188
CE, Ass., Avis, 12 avril 2002, requête de SA
financière Labeyrie, n° 239693 CE, Ass., 6 décembre
2002, requête de M. et Mme Johnny X, n° 223088 CE, 3
décembre 2003, requête de la pharmacie du soleil, n°
246134 CE, 30 décembre 2003, requête de Beausoleil et Mme Richard,
n° 251120 CE, 31 mars 2004, requête de Sté Etna
Finance, n° 243579
CE, 5 juillet 2004, requête de Sté sud parisienne de
construction, n° 236840 CE, 4 février 2005, requête de
Sté GSD Gestions, n° 269001
CE, 20 avril 2005, requête de Fondation d'Aguesseau et
autres, n° 261706
CE, 6 janvier 2006, requête de Sté Lebanese
Communication Group, n° 279596
- La Cour de Cassation
Cass. civ., 1er ch., 10 janvier 1984, n° de
pourvoi 82-16968
Cass. Ass. plén., 14 juin 1996, demande de M. Kloeckner,
n° de pourvoi 93-21710
Cass. com., 29 avril 1997, deamnde de M.
Ferreira, n° de pourvoi 95-20001
Cass. com., 1er décembre 1998,
demande de Mme Oury, n° de pourvoi 96-20189 Cass. civ., 1er
ch., 10 juillet 1990, Mommeja c/ Tordjeman.
Cass. civ., 1er ch., 7 janvier 1992, Siemens et
autres c/ société Dutco construction, pourvoi n°
89- 18708 et n° 89-18726
Cass. Ass. plén., 5 février 1999, COB c. Oury,
n° de pourvoi 97-16440
Cass. com., 5 octobre 1999, Campenon
Bernard SGE, n° de pourvoi : 98-30001
Cass. 1er ch. Civ., 14 décembre 1999,
Société les Éditions Plon et a. c/ Mme Mitterrand et
autres. Cass. crim., 4 mai 2000, demande de M. Pellumbi Arjan, n° de
pourvoi : 99-84001
Cass. 1re civ., 20 février 2001 :
Société Cubic Defense Systems Inc. c. Chambre de commerce
internationale (C.C.I.) - Pourvoi no 99-12.574.
Cass. com., 9 octobre 2001, SA
Unibéton, n° de pourvoi 98-21987 : 98-22017 : 98-22016 98- 22015
Cass. civ., 1er ch., Arrêt du 9 décembre
2003, Société Castellblanch / Société Champagne
Louis Roederer
Cass. civ., 2e ch., 16 novembre 2004, Colas
(Sté) c. URSSAF de Paris, n° de pourvoi 03-30 189 Cass. civ.,
ch.1er, 1er février 2005, Israël c/ la National Iranian Oil
Company (NIOC), n° 13742.
Cass. Com., 11 janvier 2005,
Société Hugo Boss c/ Société Reemtsma
Cigarettenfabriken Gmbh ;
Cass. com., 27 septembre 2005, Octo
gone immobilier (Sté) c. Directeur général des
impôts, n° de pourvoi : 03-20665
Cass. Com., 20 mars 2007,
Société Gep industries c/ Société HSM
Schuhmarketing Gmbh (allemande), l'arrêt attaqué (CA d'Angers, 9
mars 2004), n° 04-19679.
- La Cour d'appel
CA Paris, 14 mai 1997, Sté Compagnie
générale d'immobilier Georges V et autres c. Agent
judiciaire du Trésor
CA Paris, A, 27 mai 1997, n° 97/4669P, EDITIONS PLON, S.A c/
Madame Danielle GOUZE épouse MITTERAND
CA de Paris, 1er ch., A., 15 septembre 1998
Société Cubic Defense inc. c/ Chambre de commerce
internationale.
CA Paris, 4ème ch., section A, 26 avril 2006, Monsieur
Ferdinand S. et la société SA Normalu c/ Société
Sarl
CA Paris, 4ème ch., sect. B, 17 février 2006,
Carpoint Inc., Sociétés
Carpoint.com LLC, Microsoft Corp. et
Microsoft France c/ Société 3D Soft,
· Les ressources électroniques
La Cour européenne des droits de l'homme :
http://www.echr.coe.int/echr
Le Conseil d'Europe :
http://www.coe.int/DefaultFR.asp
Europa, le portait de l'Union Européenne :
http://www.europa.eu/index
fr.htm Le service public de la diffusion du droit : http
://
www.legifrance.gouv.fr/
Centre d' arbitrage et médiation de l' OMPI
http://www.wipo.int/amc/fr/domains/index.html
Internet corporation for assigned names and numbers,
http:iicann.org/tr/french.html Forum des droits sur Internent
http://www.forumInternet.org/
Domaines infos, revue électronique,
http://www.domaininfo.fr/
Juriscom, revue électronique,
http://www.juriscom.net/index.php
Droit § Technologies, revue électronique
http://www.droit-technologie.org/
Lex Electronica, revue électronique du Centre de recherche
en droit public de l'Université de Montréal,
http://www.lex-electronica.org/
Table des matières
SOMMAIRE 3
LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS 4
INTRODUCTION 5
Objet de recherche : 7
Justification du choix 11
Méthode et plan 12
TITRE I: LA PROCEDURE DE L'UDRP : UN MECANISME QUI PARTICIPE A LA
REGULATION DE L'INTERNET 13
Chapitre 1 : De la réglementation a la corégulation
de l'Internet 15
Section i: La réglementation étatique face a la
logique de l'Internet 15
A. La spécificité de l'Internet etla
création d'un monde post- westphalien 16
B. L'Internet; un nouveau défi pour la
réglementation étatique 23
§ 1. De nouveaux défis pour se déclarer
territorialement compétent 24
a) Le critère de l'accessibilité du site 24
b) Le critère du public visé et l'indice
linguistique 26
§ 2. De nouveaux défis pour appliquer le droit
national 29
a) L'affaire Gubler : l'impuissance de l'Etat 30
b) L'affaire Yahoo ; l'absence des valeurs communes 31
Section : L'émergence d'autres formes de
régulation de l'Internet 36
A. L'insuffisance de l'autorégulation 36
B. La corégulation ; une nouvelle voie émergente
41
Chapitre 2: Les modes alternatifs de règlement des
différends au service de la corégulation del'Internet
45
Section 1. La contribution de l'Internet au développement
des modes alternatifs de règlement des
différends 45
A. Typologie des modes alternatifs de règlement des
différends MARD 46
§ 1. Les MARD ; Une catégorie matériellement
non limitée 46
§ 2. Les MARD ; une catégorie juridiquement
limitée 51
B. Le passage aux modes électroniques de règlement
des litiges MERL 55
§ 1. Un environnement juridique favorable au
développement des moyens de résolution des litiges en
ligne 55
§ 2. L'apport de l'Internet dans l'enrichissement des MERL
59
a) Quelques exemples de techniques utilisées dans les
MERL 60
b) Les domaines de recours aux MERL sur Internet 63
i) Dans le cas des conflits de consommation 64
2) Dans le cas des conflits liés a un contenu illicite ou
préjudiciable 66
Section : La procédure de l'UDRP : une
illustration de la réussite des MERL dans la régulation
d'Internet 67
A. La mise en perspective de la procédure UDRP 67
§ 1. La genèse de la procédure UDRP 68
§2. La nature sui generis de la procédure UDRP 75
a) La spécificité propre à la
procédure UDRP 75
b) La spécificité de la procédure de l'UDRP
au sein des MARD 78
B. La structure et lefonctionnement de la procédure UDRP
81
§ 1. Les principes réagissant la procédure
UDRP 81
§2. Le déroulement de la procédure UDRP 84
TITRE II : L'APPRECIATION DU CARACTERE EQUITABLE DE LA PROCEDURE
UDRP SELON LE MODELE EUROPEEN 89
Chapitre 1 : L'applicabilité potentielle de l'article 6 a
la procedure UDRP: Quelles frontières
pour le droit a un procès equitable 95
Section i: Le droit a un procès équitable; d'une
garantie formelle a un droit substantiel 96
A. La signification de l'article 6 comme un droit substantiel
96
§ 1. Le procès équitable ; un critère
d'appréciation du respect par les Etats des droits substantiels
garantis par la convention 96
§2. Le procès équitable ; un moyen de
protection des droits substantiels non garantis par la Convention
99
§3. Le procès équitable, un droit substantiel
en tant que tel 101
B. Les contentieux civils ; une illustration de la
substantialité de l'article 6 102
§ 1. La patrimonialité comme critère
d'application de l' article 6 103
§2. Le droit à un procès équitable ;
une notion « attrape tout » 106
Section : L'expérience des organes de Strasbourg en
matière d'arbitrage 111
A. La renonciation comme un obstacle a l'application de
l'article 6 111
§ 1. L'interdiction de la renonciation
générale 113
§2. La possibiité de la renonciation partielle
114
B. La nature de l'arbitrage comme un obstacle a l'application de
l'article 6 117
§ 1. L'application directe de l' article 6 à
l'arbitrage forcé 120
§2. L'application indirecte de l'article 6 à
l'arbitrage volontaire 122
Chapitre 2: L'évaluation du caractère equitable de
la procedure UDRP 128
Section i: Les garanties générales du droit a un
procès équitable 130
A. La qualité du tribunal 130
§ 1. Un tribunal indépendant et impartial 130
§2. Un tribunal établi par la loi 134
§3. Un tribunal de pleine juridiction 135
B. L'équité de laprocédure 136
§1. L'égalité des armes 137
§2. La motivation de la décision 141
§3. La publicité des débats 142
§4. Le délai raisonnable 143
Section : La conformité contestée de la
procédure UDRP avec les garanties du droit a un procès
équitable 145
A. Les symptômes d'incompatibilité avec les
exigences du procès équitable 146
§ 1. La procédure de l'UDRP : un forum du shopping
146
§2. Une modalité imprécise de
désignation du tiers décideur 149
§3. Une atteinte incontestable au droit de la
défense 151
§4. Une lacune au niveau de motivation de décision
152
§5. Une inégalité au niveau du recours
judiciaire 153
B. Les effets d'incompatibilité avec l'article 6 sur
lejuge national 154
§ 1. La jurisprudence française en matière du
contrôle de l'arbitrage international 154
§2. La jurisprudence française en matière du
contrôle de la procédure UDRP 159
CONCLUSION 163
BIBLIOGRAPHIE 165
TABLE DES MATIERES 181