3. Les avantages et limites du marché des changes
Marocain
Le marché des changes n'est pas une fin en soi, sa
force réside dans l'usage qui en est fait, son efficacité
dépend des acteurs qui l'animent ; la moralité et les
qualifications professionnelles de ces derniers conditionnant largement son bon
fonctionnement.
En effet, il ne sert à rien d'avoir un marché
si les opérateurs pour lesquels il a été institué
ne savent pas s'en servir. A quoi servent les instruments de couverture du
risque de change si les entreprises ne parviennent pas à les
utiliser ?
Il est regrettable de constater que bon nombre d'entreprises
marocaines n'accordent à ce nouveau marché qu'un
intérêt dérisoire. Certains d'entre elles, ignorant son
existence n'en perçoivent même pas l'utilité. D'autres
estiment que ce marché demeure l'apanage de grands groupes dont la
manipulation est réservée à un cercle restreint de
spécialistes et de praticiens de banque...
A l'origine de cette attitude il y a :
v d'une part Un grand déficit d'information et de
formation dont il convient à tout prix de remédier,;
v et d'autre part, l'absence d'une véritable culture de
marché qui fait grandement défaut à nos chefs
d'entreprise, habitués à travailler dans un univers
administré, rythmé par la réglementation des prix et des
changes.
a/ Avantages :
L'institution du marché des changes au Maroc apporte
quatre innovations majeures :
La fin du monopole de Bank Al-Maghrib en matière de la gestion
centralisée des devises du pays ;
La détermination des taux de change par les banques en
fonction de l'offre et de la demande des devises, tout en restant, bien
entendu, à l'intérieur des marges d'intervention fixées
par la Banque Centrale ;
Le réajustement des dates de valeur à la norme
internationale en raccourcissant le délai d'exécution des
transactions, ramené à J+2 au lieu de J+3 comme ce fut le cas
auparavant ;
Enfin, l'introduction des techniques de couverture contre le risque
de change telles qu'elles se pratiquent sur les places financières
internationales.
De ces différentes innovations découlent les
avantages appréciables dont les opérateurs peuvent
bénéficier :
La connaissance immédiate de la cotation
applicable à leurs transactions, avec une date de valeur conforme
à la norme universelle ;
La possibilité de négociation de cette
cotation en faisant jouer la concurrence ;
La gestion du risque de change en se couvrant à
terme aussi bien à l'export qu'à l'import.
b. Limites :
Si tout le monde s'accorde à dire que le marché
des changes marocain a démarré dans de bonnes conditions et
fonctionne de manière plus ou moins satisfaisante, il est loin de
remplir pleinement la mission pour laquelle il a été
institué : à savoir aider les entreprises à
améliorer leur compétitivité et accroître leurs
performances sur les marchés extérieurs.
Certes, il est encore prématuré de porter un
jugement de valeur sur ce marché. Il s'agit d'un marché
très jeune qui ne traite pas l'ensemble des opérations et dont le
volume des transactions qui y sont effectués est encore modeste.
En outre, les obstacles auxquels se heurte ce marché
sont loin d'être négligeables. Ils sont d'ordre culturel,
structurel et professionnel et ils interpellent l'ensemble des acteurs qui
interviennent sur le marché.
Les obstacles
culturels :
Comment peut-on expliquer le peu d'intérêt
manifesté par les entreprises au fonctionnement de ce marché et
plus particulièrement à la gestion du risque de
change ?
Il y a une tradition historique au Maroc de vivre dans un
univers fortement administré. Jusqu'au début des années
90, la vie d'un financier d'entreprise comme celle d'ailleurs d'un banquier
était rythmée par la réglementation des prix et des
changes ; l'encadrement du crédit, la bonification des taux
d'intérêt, le financement sélectif, la tarification
uniforme de l'épargne et du crédit, la fixation
administrée des taux de changes... Bref, tout était
réglementé dans le moindre détail...
Les entreprises ont passé une grande partie de leur
vie professionnelle dans cet univers. Elles sont culturellement plus proches
des règlements que du marché. C'est ce qui empêche
d'ailleurs les trésoriers et les financiers d'entreprises de s'orienter
spontanément vers la prise en compte réelle des risques
financiers.
Les faiblesses
structurelles :
L'existence d'un marché monétaire fiable et
transparent est une condition au bon fonctionnement du marché des
changes. Or, l'absence pour le moment d'une grille de taux des prêts et
emprunts en dirham constitue un handicap pour les opérateurs qui
interviennent sur le marché à terme. Cette grille devant
être systématiquement affichée sur l'écran Reuter se
veut une composante essentielle dans le calcul du change à terme.
En outre, les opérations de swaps sont trop peu
utilisées par les banques. Bien qu'elles soient légalement
autorisées par la Banque centrale, les opérateurs n'en
perçoivent pas encore l'utilité. Et pourtant, les swaps apportent
un complément appréciable en matière de couverture du
risque de change.
Enfin, l'absence de techniques de couverture contre la
variabilité des taux d'intérêt risque de limiter
l'utilisation des swaps par les opérateurs qui souhaitent avoir une
vision globale de la couverture des risques dans le cadre d'une
véritable gestion financière.
Le manque d'information et de
formation :
Le marché des changes a donné lieu à la
création de nouveaux métiers. Si les banquiers s'y sont
préparés en formant des cambistes, les entreprises, en revanche,
n'ont fait subir à leurs trésoriers aucune formation
particulière. Or, ce sont ces trésoriers qui sont appelés
à dialoguer avec les cambistes. Non seulement ils doivent comprendre les
produits qu'on leur propose mais aussi savoir arbitrer et négocier en
connaissance de cause.
Quelle que soit la pertinence des instruments utilisés
dans ce marché, aucun résultat probant ne peut être
escompté si le trésorier ou le financier de l'entreprise à
qui sont destinés ces instruments n'est pas en mesure de les assimiler,
de les exploiter et d'en tirer profit.
On ne saurait donc trop insister sur le rôle
fondamental de la formation et du perfectionnement d'un personnel hautement
qualifié pour la réussite d'un tel marché.
|