Partie 3 : Marché des changes marocain
L'instauration d'un marché des changes au Maroc en 1996
constitue incontestablement une des principales manifestations concrètes
de l'intégration de l'économie marocaine dans le circuit de la
mondialisation et de la globalisation financière.
Fini le temps où les banques se limitaient à
jouer un rôle de « boîte à lettre »
entre leurs clients et la Banque Centrale pour acheter ou céder des
devises sur la base d'un taux de change administré et
indifférencié.
Aujourd'hui, les banques marocaines sont dotées de
véritables vitrines technologiques, dénommées salles des
marchés, habilitées à effectuer des opérations
d'achat et de vente de devise dont les taux de change sont librement
négociables entre les parties.
Grâce à ce nouveau marché, les
exportateurs et les importateurs marocains peuvent non
seulement négocier des taux de change préférentiels,
mais aussi se couvrir contre le risque de change.
Comment fonctionne t-il au Maroc ? Quelles sont ses
limites ? Comment les entreprises peuvent-elles l'utiliser ? Quels
genres d'opérations peuvent-elles y effectuer ? Comment
peuvent-elles en tirer profit ?
A ces différentes questions, je tenterai d'apporter des
réponses concrètes dans les pages qui suivent.
Deux points seront plus particulièrement
examinés :
· La spécificité du marché des
changes marocain ;
· Et la Convertibilité du Dirham, ses enjeux et
ses contraintes ;
Chapitre 1 : La spécificité du
marché des changes Marocain
La création d'un marché des changes
interbancaire au Maroc est le couronnement d'un long processus de
déréglementation et de libéralisation entamé par
les pouvoirs publics depuis le début des années 80 dans le cadre
de la mise en oeuvre des programmes d'ajustement structurel.
Encadré et contrôlé par Bank Al-Maghrib,
ce marché donne la possibilité aux banques de conserver et de
gérer des positions de change pour traiter aussi bien entre elles
qu'avec la clientèle, les opérations de change au comptant,
à terme, de swap et de dépôt en devise.
Conçu initialement pour fonctionner en interne dans un
cercle fermé interbancaire marocain, ce marché a
été ouvert en janvier 1997 au marché international des
capitaux en permettant aux banques d'effectuer des opérations de change
devise contre devise auprès de leurs correspondants
étrangers.
L'objectif étant de permettre aux banquiers marocains
d'améliorer sensiblement les conditions d'exécution des ordres en
devises de leur clientèle, développer les techniques de
couverture à terme et promouvoir l'émergence d'un marché
monétaire interne en devise par des opérations de prêts et
d'emprunts interbancaires en monnaies étrangères.
1. Le régime antérieur
1.1. La gestion centralisée des devises par
Bank Al Maghrib
Avant le 3 juin 1996, la gestion de l'ensemble des
transactions en devises était un monopole de Bank Al-Maghrib. Tous les
ordres d'achat et de vente des devises émanant des intermédiaires
agrées devaient impérativement transiter par le canal de la
Banque Centrale. La totalité des recettes d'exportation de biens et
services ainsi que tous les autres produits, revenus ou moyens de paiements
internationaux avait un caractère obligatoirement cessible auprès
de l'Institut d'Emission ; à l'exception toutefois de quelques cas
limités, liés à la gestion des comptes en devises.
Sur un plan plus pratique, les banques agrées
étaient tenus d'acheter ou de vendre leurs soldes de devises à
Bank Al-Maghrib sur une base quotidienne et dans le cadre d'une
procédure complexe.
1.2. Cotation de date de
valeur :
C'est la Banque Centrale qui déterminait
quotidiennement les cours officiels de devises. Elle communiquait au
système bancaire les taux acheteurs et vendeurs des devises par rapport
au dirham pour les transferts et paiements. En outre, elle publiait
hebdomadairement les taux de change pour les opérations du change
manuel, billets de banque et chèques de voyage.
La date de valeur des opérations entre les banques et
Bank Al-Maghrib était calculée sur la base de J + 3. Le jour de
l'initiation de l'opération, ni les banques agrées ni les clients
ne connaissaient le taux de change applicable à leur transaction, car ce
taux n'était publié par Bank Al-Maghrib que le lendemain (soit J
+ 1).
1.3. Les étapes préparatoires
à l'institution du marché des changes
D'importantes mesures libérales ont été
graduellement adoptées par les autorités monétaires pour
préparer les opérateurs à s'acclimater à un embryon
du marché des changes. Parmi ces mesures, nous avons retenu les plus
fondamentales :
o Ouverture des comptes en dirhams convertibles et en devises
auprès des banques marocaines par les exportateurs de biens et services
et les ressortissants marocains à l'étranger dans des limites
fixées par la réglementation des changes ;
o Instauration d'un système de couverture de change
à terme par la Banque Centrale ;
o Mobilisation en devises des créances nées
permettant une compensation entre le produit de vente d'une exportation et le
règlement d'une importation de matières
premières ;
o Libéralisation des emprunts extérieurs avec la
suppression de l'autorisation préalable des autorités
monétaires ;
o Proclamation de la convertibilité du dirham pour les
opérations courantes avec l'extension de la délégation
bancaire, plus particulièrement en matière d'investissement
étranger et d'assistance technique ;
o Modernisation du système bancaire et financier, avec
la suppression de l'encadrement du crédit, la libéralisation des
taux d'intérêt et la promotion d'un marché monétaire
reflétant la réalité des prix : composante
essentielle du fonctionnement du marché des changes...
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