Séminaire CCA
Un état de l'art sur les modes de
contrôle organisationnel
Une illustration possible pour la métaphore
de Max Weber appliquée aux contrôles
bureaucratiques
Le contrôle par les résultats
présenté sous l'angle de la performance
Sommaire
1
Qu'entend-on par « modes de
contrôle » ?
3
1.1
Définition de R.N. Anthony : la notion d'influence
3
1.2
Définition de Mintzberg : les mécanismes de
coordination
3
1.3
Définition de Hopwood reprise par Chiapello
4
2
Pourquoi faire de la recherche sur les modes de
contrôle ?
5
2.1 Du
contrôle de gestion aux modes de contrôle
5
2.2 Quelles ont
été les voies de recherche explorées sur le thème
des modes de contrôle ?
6
2.3 Un
intérêt pratique : pour une combinaison optimale des modes de
contrôle dans chaque contexte organisationnel
6
3 Les
principaux résultats de recherche : typologies et facteurs de
contingence des modes de contrôle
7
3.1 Les principales
typologies
7
3.1.1 La typologie d'Anthony (1965 et 1993)
: les niveaux de contrôle
7
3.1.2 Les typologies de Ouchi (1977 et 1979)
: marchés, bureaucraties et clans
7
3.1.3 La typologie de Hofstede (1981) :
modèle cybernétique versus non cybernétique
9
3.1.4 La typologies de Mintzberg
(1982) : les mécanismes de coordination
9
3.1.5 La typologie de
Fiol (1991) : les modes historiques de convergence des buts
10
3.1.6 Quelques exemples de typologies de
synthèse : Bessire (1995) et Petitjean (2003)
11
3.1.7 Le modèle intégrateur
d'E. Chiapello (1996)
12
3.2 Les principaux
facteurs de contingence des modes de contrôle
13
4
Quelques pistes de recherche restant à explorer sur le
thème des modes de contrôle organisationnel
15
4.1 Y a-t-il un
mode dominant ou plusieurs modes complémentaires ? Les modes de
contrôle sont-ils tous compatibles entre eux ?
15
4.2 Les modes de
contrôle dans les « nouvelles » configurations
inter-organisationnelles et plus généralement les modes de
contrôle externe
15
4.3 Contrôle
contre confiance ?
16
Annexe : éléments de
bibliographie sur les modes de contrôle
16
1 Qu'entend-on par « modes de
contrôle » ?
Les termes suivants ont été rencontrés
dans la littérature : types de contrôle (Nogatchewsky, 2002),
styles de contrôle (Petitjean, 2001), formes de contrôle (Barel,
2001), modes de contrôle (Chiapello, 1996), modes de régulation
(Bessire, 1995), modes de convergence des buts (Fiol, 1991), mécanismes
de coordination (Mintzberg, 1982). Dans les articles consultés, ces
termes différents décrivent les mêmes facteurs d'influence
que nous désignons dans la suite par l'expression « modes de
contrôle ».
Les modes de contrôle visent à la maîtrise
du comportement des acteurs (aspect culturel ou social), de ce qu'ils font
(aspect mesure de résultats) et de la manière dont ils le font
(aspect bureaucratique ou procédural).
1.1 Définition de
R.N. Anthony : la notion d'influence
La première définition célèbre que
donne R.N. Anthony du contrôle de gestion [(1965, p. 17) :
« Le contrôle de gestion est le processus par lequel les
responsables s'assurent que les ressources sont obtenues et utilisées
avec efficacité et efficience dans l'accomplissement des objectifs de
I'organisation. »] s'élargit une vingtaine
d'années plus tard pour devenir une véritable définition
des modes de contrôle [« Le contrôle de gestion est le
processus par lequel les managers influencent d'autres membres de
l'organisation pour appliquer les stratégies » (1993, p.35)].
En effet, outre le fait que dans cette deuxième définition
l'accent est mis sur « les stratégies » plutôt
que sur les « objectifs », elle introduit la notion
d'influence des comportements des acteurs comme moyen de mettre en oeuvre les
stratégies de l'organisation.
L'idée est notamment reprise par Chiapello (1996, p.53)
et par Langevin et Naro (2003, p.2) qui définissent le
contrôle organisationnel comme « mécanisme dont la
finalité est d'influencer les comportement des acteurs de l'organisation
dans le sens attendu par cette dernière ».
1.2 Définition
de Mintzberg : les mécanismes de coordination
H. Mintzberg insiste sur l'importance de l'articulation
entre les tâches et les acteurs qui doit accompagner la division du
travail, et développe le concept de « mécanismes de
coordination » qu'il décrit comme la « colle qui
maintient ensemble les parties de l'organisation » (1982, p. 19). Barel
(2001, P.8) montre que les associations « division du travail -
coordination » de Mintzberg et « délégation
d'autorité - contrôle » des théoriciens du
contrôle relèvent des mêmes problématiques.
1.3 Définition
de Hopwood reprise par Chiapello
Dans sa revue de littérature, E. Chiapello
définit le contrôle en reprenant la notion d'influence
rajoutée par Anthony en 1993 et en y incluant la notion
d'intentionnalité suggérée par d'Hopwood en 1974 :
« Nous définissons le contrôle comme toute influence
créatrice d'ordre, c'est-à-dire d'une certaine
régularité. On est dans une situation de contrôle, selon
cette définition, lorsque le comportement d'une personne est
infiuencé par quelque chose ou quelqu'un. [...] Notre définition
du contrôle englobe en fait les deux types de contrôle : celui mis
au point par le management et celui qui émerge des interactions de
toutes les influences pesant sur les
comportements. [...] Pour faire le parallèle avec
l'approche d'Hopwood (1974), nous parlons de contrôle pour la
résultante de I'ensemble des influences a l'oeuvre, et de modes de
contrôle pour définir les facteurs d'infiuence particuliers »
(Chiapello, 1996, pp.53-54).
Outre cette définition, on doit à Chiapello une
véritable conceptualisation du mode de contrôle, qualifié
de facteur d'influence, défini par six
caractéristiques : « la source de l'influence
{qui ou quoi exerce l'infiuence) », « ce sur quoi elle
s'exerce », « la réaction de celui qui est soumis
à l'infiuence et son attitude face au contrôle »,
« les moments privilégiés, s'il en est, où Ie
contrôle s'exerce », « le processus par lequel
l'infiuence s'exerce » et « le moyen, ou vecteur,
utilisé ».
D'après E. Chiapello (1996)
Cette déconstruction de la notion de mode de
contrôle lui permet ensuite de proposer un modèle qui
intègre les nombreuses typologies des modes de contrôle existant
dans la littérature (Chiapello, 1996).
2 Pourquoi faire de la recherche sur les modes de
contrôle ?
2.1 Du contrôle
de gestion aux modes de contrôle
Le point de départ fréquemment utilisé
pour justifier l'intérêt des recherches sur les modes de
contrôle réside dans les principales limites attribuées au
contrôle de gestion, vu comme mode de contrôle par les
résultats.
« Le contrôle de gestion n'est pas la
panacée », peut-on lire dans le paragraphe consacré aux
limites du contrôle de gestion dans l'article consacré à ce
domaine dans l'encyclopédie libre Wikipedia.org. Le contrôle par
les résultats et les théories de la motivation individuelle qui
le sous-tendent (exemple : théorie X versus théorie Y dans
les travaux de D. McGregor) ne sont pas toujours suffisants ni adaptés,
et nécessitent le recours à d'autres formes de contrôle
(Löning, 2003).
Ainsi, à la théorie X selon laquelle
l'être humain, naturellement averse au travail, n'y consent que sous la
contrainte, McGregor oppose une théorie Y dans laquelle l'individu,
autonome et responsable, peut éprouver une satisfaction dans son
travail, qui passe par l'atteinte d'objectifs fixés avec sa
hiérarchie. C'est cette deuxième théorie qui est à
l'origine de la Direction (Participative) Par Objectifs, base du contrôle
par les résultats. La principale limite de cette approche est qu'elle
n'est pas adaptée à toutes les situations organisationnelles. En
particulier, la culture de l'organisation (qui est dans certains cas
fondée sur une vision conforme à la théorie X,
héritage de la bureaucratie) ou la culture nationale (la logique de
contrats est moins naturelle dans un pays comme la France qu'aux Etats-Unis par
exemple) n'est pas nécessairement un terrain propice à la mise en
place d'un contrôle exclusif par les résultats (Löning,
2003).
Un point que notent également H. Bouquin et Y.
Pesqueux (1999) : « Face a l'irréductible autonomie des agents
que la chaine taylorienne avait tenté d'asservir, le contrôle de
gestion se pose comme un cadre cohérent de I'orientation des
comportements. Les personnes y sont supposées agir dans un cadre
contractuel, visant des résultats après avoir
négocié des ressources ». Batac et Carassus (2004)
précisent d'après les travaux d'Hofstede que la pertinence des
méthodes classiques de « contrôle
bureaucratique » implique le respect d'hypothèses telles que
« l'absence d'ambiguïté des objectifs, la
possibilité de mesurer les résultats, la connaissance des
conséquences des actions correctrices et le caractère
répétitif des actions. »
2.2 Quelles ont
été les voies de recherche explorées sur le thème
des modes de contrôle ?
Langevin et Naro notent d'après Kren1(*) que les travaux de recherche en
contrôle ont principalement emprunté deux voies la
« théorie behaviorale » et le modèle
principal-agent de la théorie de l'agence. Ainsi, la première
voie a pour objectif d'« identifier les relations entre les
systèmes de contrôle et leurs conséquences sur les
attitudes et comportements et, plus généralement, sur la
performance. » (Langevin et Naro, 2003). L'autre voie, plus
spécifique au contrôle de gestion, s'attache à
étudier « l'impact sur l'effort et la performance de l'agent
de différentes formes de contrat, c'est-à-dire de
différentes formes de systèmes d'évaluation et de
rémunération » (Langevin et Naro, 2003). Comme le
notent ces auteurs, les modes de contrôle étudiés dans ces
deux perspectives ont en commun leur caractère intentionnel
« systèmes de contrôle »,
« systèmes d'évaluation et de
rémunération »). La recherche en contrôle
organisationnel a également étudié des formes de
contrôle plus spontanées, souvent regroupées sous le
vocable « contrôle par la culture ». Bouquin et
Pesqueux (1999) font notamment références à ces travaux
dans leur présentation des modes de contrôle : « A
la suite de D. Bollinger et G. Hofstede (1987) et de Ph. d'Iribarne (1989), des
travaux de recherche comme ceux de H. Loning (1994) ont permis d'approfondir le
thème de l'impact de la culture nationale sur les modes de
contrôle ».
2.3 Un
intérêt pratique : pour une combinaison optimale des modes de
contrôle dans chaque contexte organisationnel
E. Chiapello souligne l'intéret de « recenser
les modes de contrôle », et d' « Identifier les
situations organisationnelles auxquelles ils sont adaptés »
avec un intérêt pratique évident, celui de savoir quel(s)
mode(s) de contrôle mettre en oeuvre dans une situation organisationnelle
donnée (Chiapello, 1996). Dans cet article de référence,
outre la présentation de son modèle de synthèse des
typologies des modes de contrôle, elle fait un état de leurs
facteurs de contingence révélés dans la
littérature. L'objectif est de pouvoir identifier une situation
organisationnelle donnée à l'aide des facteurs de contingence,
pour savoir quelle est le mode (ou la combinaison de modes) de contrôle
le plus adapté dans ce cas.
Bien qu'initié depuis un quart de siècle, le
recensement des mécanismes de contrôle n'est, sauf erreur,
toujours pas exhaustif. La difficulté tient au grand nombre et à
la grande hétérogénéité des
mécanismes que l'on regroupe dans un mode de contrôle dit
« social » ou « par la culture » qui
semble faire office de fourre-tout. A titre d'exemple, l'article de G.
Nogatchewsky et S. Sponem (2002) montre que l'e-mail est un outil de
contrôle et de pilotage qui tend à se substituer à des
outils plus traditionnels (les procédures, le contrôle comptable)
de contrôle dans certaines situations.
3 Les principaux résultats de recherche :
typologies et facteurs de contingence des modes de contrôle
3.1 Les principales
typologies
3.1.1 La typologie d'Anthony (1965 et 1993) : les niveaux de
contrôle
RN Anthony (1993) distingue trois types de processus de
planification et contrôle :
- la planification stratégique
- le contrôle de gestion
- le contrôle des tâches
Pour lui, planification et contrôle sont présents
dans ces trois catégories, mais à des degrés
différents (la planification domine nettement dans la première
catégorie, le contrôle prend le dessus dans le contrôle des
tâches, et les deux activités sont d'importance équivalente
dans le contrôle de gestion).
Le contrôle est donc particulièrement
présent dans les processus de contrôle de gestion (contrôle
des résultats) et le contrôle des tâches (contrôle de
l'exsécution des actions). Ces deux modes de contrôle sont repris
par la plupart des typologies plus récentes.
3.1.2 Les typologies de Ouchi (1977 et 1979) : marchés,
bureaucraties et clans
La prise en compte des facteurs de contingence du
contrôle que sont la connaissance du processus de transformation et la
capacité à mesurer les résultats conduit à la
typologie des modes de contrôle schématisée par W. Ouchi
(1979) :
Il distingue ainsi le contrôle des résultats et
le contrôle des comportements, et propose un mode de contrôle
alternatif dans les cas où à la fois le processus de
transformation est méconnu et les résultats sont difficilement
mesurables : le contrôle clanique. En effet, en situation de forte
incertitude quantitative et qualitative sur le travail effectué par les
acteurs, une certaine autonomie assortie de confiance est nécessaire. Le
contrôle s'effectue alors principalement bien avant l'action,
c'est-à-dire lors du recrutement des acteurs. L'acteur recruté
satisfait un certain nombre de critères censés garantir sa
capacité et sa volonté d'agir dans le sens attendu par
l'organisation, même en l'absence de contrôle formel.
Ce troisième mode de contrôle, limité par
Ouchi à la sélection du personnel (la standardisation des
qualifications chez Mintzberg) a fait l'objet d'un élargissement dans
les travaux suivants (contrôle par la culture, ou contrôle
social).
W.G. Ouchi propose ensuite dans Markets, bureaucraties and
clans (1980) un autre mode de contrôle fondé sur les
mécanismes du marché (concurrence, ajustement par les prix,
recherche de I'intérêt individuel). Dans cette dernière
typologie, les deux premiers modes de contrôle de la typologie de 1977
(contrôle des résultats et contrôle des comportements) sont
regroupés sous la dénomination « contrôle
bureaucratique », et le troisième mode de contrôle,
toujours qualifié de « contrôle clanique »,
devient moins restrictif que dans sa première mouture de 1977, pour
désigner finalement un contrôle par lequel les objectifs et
valeurs des individus coïncident avec ceux de l'organisation.
3.1.3 La typologie de Hofstede (1981) : modèle
cybernétique versus non cybernétique
Alors que la plupart des travaux s'inscrivent dans un
modèle cybernétique du contrôle (Chiapello, 1996 ;
Bouquin et Pesqueux, 1999), la typologie de G. Hofstede distingue les processus
cybernétiques de contrôle (routine, expert, essais-erreurs) des
processus non cybernétiques (intuitif, jugement, politique). A la
rationalité d'un pilotage basé sur une information disponible
dans le modèle cybernétique du contrôle, Hofstede oppose
des situations où l'incertitude règne soit uniquement sur les
actions à entreprendre (contrôle intuitif), soit également
sur la mesure des objectifs (contrôle par jugement), soit à la
fois sur le choix des actions, la mesure des objectifs, et même sur les
objectifs eux-mêmes.
3.1.4 La typologies de Mintzberg (1982) : les
mécanismes de coordination
Mintzberg distingue dans ses différents travaux six
mécanismes de coordination :
- L' « ajustement mutuel » : la
coordination se fait au moyen d'une communication informelle et
spontanée entre les acteurs.
- La « supervision directe » : une
personne donne à un ou plusieurs opérateurs les instructions sur
le travail à effectuer, et réalise elle-même le
contrôle d'exécution du travail
- La « standardisation des
procédés » : chaque poste de travail est défini
en précisant les tâches à effectuer, la manière de
les effectuer ainsi que les rythmes de travail. L'autonomie, source
d'incertitude, est étouffée (par exemple : le travail
à la chaîne).
- La « standardisation des
résultats » : le résultat attendu de l'opérateur
est défini avant l'action en fonction d'objectifs explicites et
mesurables
- La « standardisation des
qualifications » : les compétences nécessaires à
l'exécution du travail, définies ex-ante
déterminent choix de l'opérateur, supposé effectuer
le travail dans le sens attendu par l'organisation en contrepartie de la
confiance et de l'autonomie qui lui sont accordées
- La « standardisation des normes » : ce
sont des normes, des valeurs établies pour l'organisation dans sa
globalité, auxquelles les membres adhérent, qui encadrent le
travail
En premier lieu, il convient de rappeler que l'absence du
terme « contrôle » dans cette typologie ne doit pas
occulter la proximité des deux problématiques
« contrôle » et
« coordination » : les mécanismes de
coordination recensés par H. Mintzberg sont bel et bien des modes de
contrôle (Barel, 2001). Ensuite, comme le note E. Chiapello, cette
typologie mélange la façon de contrôler (ce que
décrivent les deux premiers mécanismes) et l'objet du
contrôle (les quatre mécanismes suivants) (Chiapello, 1996).
Enfin, Y. Barel relève un paradoxe concernant le dernier
mécanisme, puisque les normes sont tour à tour décrites
comme productions d'« analystes des normes » (elles sont
alors intentionnelles) et comme résultantes de la culture de
l'organisation (elles sont alors spontanées dès lors que la
culture n'est pas volontairement instrumentalisée à des fins de
contrôle).
3.1.5 La typologie de Fiol (1991) : les modes
historiques de convergence des buts
M. Fiol a recours aux grands courants des théories des
organisations pour réaliser une typologie historique des modes de
convergence des buts.
Courant historique
de théorie
des organisations
|
Mode de
convergence
des buts
|
Taylorisme et fordisme
|
Contrôle des activités par les réglements
et les procédures
|
Ecole des relations humaines
|
Contrôle des comportements par les facteurs de
satisfaction au travail
|
Théorie Y de McGregor, Théorie de l'agence
|
Contrôle de gestion par les résultats
|
Approches culturelles
|
Contrôle par l'adhésion à des valeurs
communes
|
Comme le note Chiapello (1996), le second mode de convergence
des buts relève en fait du contrôle du « contexte
affectif du travail », plutôt que du contrôle des
comportements. M. Fiol lève en partie l'ambiguité laissée
par Mintzberg sur le contrôle par les normes, en signalant les risques
inhérents aux tentative d'instrumentalisation de la culture
organisationnelle ou de sélection systématique des individus sur
des critères d'appartenance au « clan ».
L'idée est que la culture de l'organisation peut, dans certains cas,
jouer naturellement le rôle d'un mode de contrôle
particulèrement adapté aux situations de complexité et
d'incertitude qui limitent la pertinence du contrôle par les
résultats. En revanche, les modifications artificielles de la culture
organisationnelle, afin de l'utiliser comme mode de contrôle, sont
souvent hasardeuses voire contreproductives (Löning, 2003).
3.1.6 Quelques exemples de typologies de
synthèse : Bessire (1995) et Petitjean (2003)
D. Bessire propose une synthèse des typologies des
modes de contrôle respectives de W.G. Ouchi et de Capet et alii, qui lui
sert ensuite à analyser leur place dans les entreprises de la grande
distribution (commerce de détail) en France. Elle regroupe ainsi deux
à deux quatre modes de contrôle (la culture, les marchés,
les règles et la hiérarchie) selon le caractère direct ou
indirect du contrôle qui s'exerce sur les comportements.
Typologie des modes de régulation (D.
Bessire, 1995)
De son côté, J.L. Petitjean reprend les travaux
de Ouchi, Mintzberg et Fiol notamment, et les synthétise en une
typologie selon le type de contrôle (administratif et
bureaucratique ; marchand ; social et culturel), son objet (les
comportements et les actions ; les résultats ;
l'identité et la culture).
Les trois grands types de contrôle (JL
Petitjean, 2003)
On le voit, la plupart des typologies présentées
ici (Ouchi, Mintzberg, Fiol, Bessire, Petitjean) s'accordent sur une
distinction entre trois catégories de contrôle : le
contrôle des actions, le contrôle des résultats, et le
contrôle culturel. Néanmoins, ces typologies ne se recoupent que
de manière imparfaite avec des classifications plus originales telles
que celles d'Anthony et Hofstede. L'article de référence d'E.
Chiapello (1996) propose un modèle pour résoudre cette
difficulté.
3.1.7 Le modèle intégrateur d'E. Chiapello
(1996)
En se basant sur sa conceptualisation du mode de
contrôle, E. Chiapello construit un modèle permettant de
réconcilier les différentes typologies issues de ce domaine de
recherche. L'idée est que chacune des typologies se positionne à
un ou plusieurs niveaux d'analyse du concept de mode de contrôle. Ces
niveaux d'analyse sont les caractéristiques des modes de
contrôle que nous présentions en première partie :
« la source de l'influence (qui ou quoi exerce
l'infiuence) », « ce sur quoi elle s'exerce »,
« la réaction de celui qui est soumis à l'infiuence et
son attitude face au contrôle », « les moments
privilégiés, s'il en est, où Ie contrôle
s'exerce », « le processus par lequel l'infiuence
s'exerce » et « le moyen, ou vecteur,
utilisé ». Ainsi, la plupart des typologies que nous
présentons ici se recoupent sur la distinction entre contrôle des
actions, contrôle des résultats, et contrôle culturel. Ces
trois modes de contrôle représentent à la fois l'objet du
contrôle (ce sur quoi s'exerce le contrôle) et le moyen
utilisé pour contrôler. Ces typologies s'inscrivent donc dans au
moins deux des dimensions mises en évidence dans le modèle d'E.
Chiapello. La taxinomie d'Anthony peut être vue comme basée sur
l'objet du contrôle (la stratégie, sa déclinaison et sa
mise en oeuvre aux différents niveaux de l'entreprise, et enfin la
tâche). Elle représente également une distinction des modes
de contrôle selon le moment où ils s'exercent. Ainsi, la
planification stratégique a lieu avant l'action, tandis que le
contrôle de gestion et le contrôle des tâches se
déroulent pendant et après l'action. Cette classification
relève donc d'un autre niveau de définition du mode de
contrôle que celles basées sur l'objet et les moyens du
contrôle. De même, la typologie de Hofstede représente une
autre caractéristique du concept de mode de contrôle (les
mécanismes et processus de contrôle), et appartient donc à
un autre niveau d'analyse.
Le modèle de Chiapello intègre ainsi les
principales typologies en les classant selon le niveau d'analyse du concept de
mode de contrôle auquel elles appartiennent. Pour chaque dimension du
mode de contrôle, elle propose une typologie de synthèse. Son
modèle comprend alors six tableaux (un par caractéristique du
concept de mode de contrôle) et intègre pas moins de dix-huit
typologies.
3.2 Les principaux
facteurs de contingence des modes de contrôle
La plupart des typologies des modes de contrôle sont
construites après mise en évidence de facteurs de contingence de
ces modes de contrôle. Ces facteurs indiquent les conditions type
d'utilisation des différents modes de contrôle. Ainsi, dans la
typologie de Ouchi (1977), ce sont la connaissance du processus de
transformation et la capacité à mesurer les résultats qui
conduit à segmenter le contrôle en trois modes correspondant
à quatre situations organisationnelles (cf 3.1.2.). H. Mintzberg va plus
loin en proposant directement une correspondance entre les mécanismes de
coordination qu'il met en évidence et des formes organisationnelles
type, chacune (sauf la dernière) dominée par un mode de
contrôle particulier (la dernière étant celle où
aucun mode de contrôle ne domine, Mintzberg la qualifie de
« politique »).
Dans son travail de synthèse de la littérature
sur les modes de contrôle, Chiapello relève les facteurs de
contingence présents dans les typologies des modes de contrôle.
Ces facteurs de contingence sont les suivants :
- les caractéristiques du travail effectué ou la
technologie employée (Perrow, 1967, 1981),
-les caractéristiques des outputs, objectifs ou
résultats (Merchant, 1982 ; Ouchi, 1977 ;
Hofstede, 1981). Les auteurs de cette catégorie
s'appuient également sur les facteurs de type I (caractéristiques
du travail ou de la technologie),
- les caractéristiques de l'échange (Ouchi, 1980
; Karpik, 1989),
- les caractéristiques de l'environnement (Burns et
Stalker, 1961),
-les modèles intégrés (Child, 1984 ;
Mintzberg, 1982, 1990) qui manient une pluralité de
types de facteurs de contingence
D'après E. Chiapello (1996)
Elle présente dans son article un tableau de
synthèse des principales typologies des modes de contrôle et de
leurs facteurs de contingence, que nous reproduisons ci-après. Cet
article est, à notre connaissance, le travail le plus complet sur les
facteurs de contingence des modes de contrôle (dans la littérature
française, s'entend).
D'après E. Chiapello (1996)
Les conclusions de l'article d'E. Chiapello font des modes de
contrôle et de leurs facteurs de contingence les fondements d'un
modèle du contrôle organisationnel plus large que le modèle
classique du contrôle de gestion. Ce modèle élargi serait
plus apte à traiter des situations organisationnelles s'éloignant
de l'idéal-type du contrôle de gestion, à savoir
« l'entreprise industrielle privée concurrentielle de grande
taille ».
4 Quelques pistes de recherche restant à explorer sur
le thème des modes de contrôle organisationnel
4.1 Y a-t-il un
mode dominant ou plusieurs modes complémentaires ? Les modes de
contrôle sont-ils tous compatibles entre eux ?
Si la littérature développe
particulièrement le contrôle par les résultats (le
contrôle de gestion) et ses limites, la recherche est plus récente
sur les autres modes de contrôle, et en particulier sur leur poids face
aux contrôle de gestion dans les organisations. Nous formulons
l'hypothèse que le contrôle bureaucratique (contrôle de
gestion et contrôle par les procédures selon Ouchi) est le mode de
contrôle dominant dans la plupart des organisations, bien qu'ils ne
soient pas les plus pertinents dans tous les cas. Cette hypothèse
demande à être vérifiée à grande
échelle, et bien entendu en fonction des facteurs de contingence.
Outre la question d'un éventuel mode de contrôle
dominant se pose le problème de la compatibilité des modes de
contrôle. En effet, à moins qu'un seul mode de contrôle soit
présent dans l'organisation, ce qui semble hautement improbable, le
contrôle s'exerce selon plusieurs modalités qui interagissent
entre elles. Peut-on librement associer plusieurs modes de contrôle dans
une organisation, ou bien y a-t-il des risques d'incompatibilité ?
La question reste à traiter, dans le prolongement de travaux tels que
ceux de Y. Barel (2001).
4.2 Les modes de
contrôle dans les « nouvelles » configurations
inter-organisationnelles et plus généralement les modes de
contrôle externe
Les typologies présentées ici relèvent
presque exclusivement d'un contrôle interne à l'organisation,
c'est-à-dire exercé par l'état major (ou plus
généralement par les managers) sur les autres membres de
l'organisation (Chiapello, 1996). Restreindre ainsi le spectre des modes de
contrôle revient à se priver de l'étude de l'ensemble des
modalités du contrôle externe, qu'il soit exercé par les
actionnaires (considérés comme externes à l'organisation
notamment depuis la Théorie de l'agence), par des institutions
réglementaires, ou par d'autres organisations en relation avec la
structure étudiée (partenariats, réseaux par exemple). En
élargissant ainsi l'étude des modes de contrôle à
l'environnement externe de l'organisation, les recherches en contrôle
organisationnel rejoignent le champ de la gouvernance des organisations, qui
traite abondamment des questions du contrôle externe. Le problème
de cohérence des deux approches se pose.
4.3 Contrôle
contre confiance ?
Les champs du contrôle organisationnel et de la
gouvernance des organisations se recoupent également sur la question de
la relation entre contrôle et confiance. Certains travaux menés en
contrôle organisationnel soulignent l'importance de la confiance,
notamment dans les contrôles claniques (Ouchi, 1980 ; Bornarel,
2005) et le contrôle de gestion (Khlif, 2002) et en font même
parfois un mode de contrôle à part entière, tout à
fait pertinent dans des cas particuliers. Pour autant, un contrôle
organisationnel uniquement basé sur la confiance aurait pour effet
d'exacerber les tentations opportunistes des individus (Bornarel, 2005). La
confiance est donc très liée au contrôle, mais ne peut s'y
substituer totalement. Des travaux en gouvernance des entreprises ont
également étudié la confiance 2(*), de même que des travaux
en contrôle inter-organisationnel 3(*). Là encore, peut-on concilier les approches de
la confiance en contrôle organisationnel, en contrôle
inter-organisationnel et en gouvernance ?
Annexe :
éléments de bibliographie sur les modes de contrôle
Anthony R.N. (1993), La fonction contrôle de gestion,
Paris. Publi-Union, traduit de I'américain (première
édition américaine : 1988)
Barel Y. (2001), « Complémentarité et
contradictions des formes de contrôle : le cas de la grande distribution
», Finance Contrôle Stratégie - Volume 4, N° 2, juin
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* 2 Par exemple Charreaux G.,
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* 3 Par exemple GUIBERT N et
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