Les déterminants de la mortalité infanto-juvénile au Tchad( Télécharger le fichier original )par Tao Vridaou Institut de Fomation et de Recherche Démographiques (IFORD) - Diplôme d'Etudes Supérieures Spécialisées en Démographie (DESSD) 2004 |
CHAPITRE VESSAI D'EXPLICATION DE LA MORTALITE DES ENFANTSDans la partie précédente, nous avons mis en évidence l'existence ou non des liens entre les facteurs inscrits dans notre cadre d'analyse et la mortalité des enfants. Ces relations peuvent être fallacieuses, car ne tenant pas compte de la présence des autres variables. L'objectif de ce chapitre est de vérifier la solidité des associations entre les composantes de la mortalité et les variables indépendantes. Pour identifier les facteurs explicatifs de la mortalité des enfants, l'application de la régression logistique s'est faite en trois étapes. D'abord, chacun des trois groupes de facteurs a été introduit dans le modèle24(*). L'influence différentielle de chaque groupe de facteurs a été mesurée en absence des variables intermédiaires (comportements des mères et caractéristiques biodémographiques des mères et des enfants) puis en présence de celles-ci. Ensuite, chacune des variables des trois groupes de facteurs et chacune des variables de comportement de la mères et les variables des caractéristiques biodémographiques de la mère et des enfants ont été introduites une à une (effets nets non contrôlés) avec les composantes de la mortalité (infantile et juvénile). Enfin, les trois groupes de facteurs ont été introduits séquentiellement dans le modèle de régression (pas à pas), jusqu'à l'obtention du modèle saturé (global)25(*). L'introduction des facteurs s'est faite suivant les niveaux définis dans le schéma d'analyse, dans l'ordre suivant : (1) facteurs culturels ; (2) facteurs socio-économiques ; (3) facteurs contextuels ; (4) caractéristiques comportementales de la mères et (5) caractéristiques biodémographiques de la mères et des enfants. Les effets nets non contrôlés sont définis comme étant les effets de ces variables indépendantes lorsqu'on les considèrent individuellement. Les effets nets contrôlés sont ceux dont les effets des autres variables indépendantes ont été contrôlés (comportementales et biodémographique). 5.1. Les effets des facteurs culturels sur la mortalité des enfantsLe tableau n°19 ci-dessous contient les résultats relatifs à l'influence des facteurs culturels sur la mortalité des enfants. Les effets nets non contrôlés confirment la tendance observée à l'analyse bivariée. On observe, au niveau net non contrôlé et comme au niveau net contrôlé que, la plupart des facteurs culturels n'ont pas toujours un effet significatif sur la mortalité des enfants quel que soit l'âge au décès. Les résultats de l'analyse montrent que l'âge de la mère et la parité atteinte (variables de contrôle) influent significativement sur la mortalité infantile. Celle-ci baisse avec l'âge de la mère, mais augmente avec le nombre de ses enfants nés vivants. Tableau 19 : Les effets nets non contrôlés et contrôlés des facteurs culturels sur la mortalité des enfants de moins de cinq ans.
Mi: risque des décès infantiles ; Mj: risque des décès juvéniles ; Mij: risque des décès infanto-juvéniles ; ns = relation non significative ; * = relation significative au seuil de 10% ; **= relation significative au seuil de 5% ; ***= relation significative au seuil de 1%.
Il en ressort que le milieu de socialisation de la mère n'a pas d'effet significatif sur le phénomène étudié. Ceci peut s'expliquer par le fait que le milieu dans lequel la mère s'est socialisée ne peut influencer directement la mortalité de moins de cinq ans. Ce sont les comportements des mères qui peuvent avoir des effets sur la santé de l'enfant. En revanche, l'appartenance religieuse de la mère influence la survenue de cas de décès particulièrement chez les tout petits enfants (moins d'un an). Cependant, l'impact de la religion n'est que partiel, en ce sens que cette variable discrimine uniquement les enfants des femmes musulmanes et ceux de sans religion : le risque de décès est environ 3 fois plus élevé chez ces derniers que chez les premiers. La prise en compte des variables intermédiaires dans l'analyse renforce cet écart, même si dans l'ensemble l'effet de la religion perd quelques peu de sa signification statistique. Cela est perceptible à travers l'accroissement de la marge d'erreur tolérable, qui passe de 1% à 5%. L'intervalle intergénésique et le rang de naissance de l'enfant sont les variables intermédiaires qui contribuent à cette situation. Ainsi, on constate une forte association entre les naissances trop rapprochées (intervalle intergénésique de moins de deux ans) et un risque de décès élevé chez les nourrissons. Les enfants appartenant aux familles moins nombreuses (moins de cinq enfants, sont les moins exposés au risque de mortalité. L'appartenance ethnique de la mère influence de façon différentielle la survenue des cas de décès chez les enfants, en fonction de l'âge de ces derniers. C'est chez les moins d'un an que la mortalité présente une grande variabilité ethnique. On remarque que, cette variabilité présente les enfants des mères Sara comme les moins exposés au risque de mortalité, comparativement aux enfants des mères appartenant aux autres groupes ethniques. Toutefois, la différence entre ces enfants et ceux des groupes Gorane, Baguirmi et Lac Iro n'est pas statistiquement significative, au regard du risque considéré et lorsqu'on ne tient pas compte de l'effet des variables intermédiaires. Les groupes ethniques au sein desquels le risque de mortalité infantile est le plus élevé sont : Peul, Tandjilé et Fitri-batha. La prise en compte des variables intermédiaires (comportements et caractéristiques biodémographiques) dans l'analyse maintient les deux premiers groupes à leurs places mais attribue la troisième place au groupe kanembou. En dépit de ce classement, on observe que le risque de mortalité dans ces trois groupes est 3 fois plus élevé que dans le groupe Sara. S'agissant de la période juvénile, l'effet de l'appartenance ethnique ne se manifeste qu'à travers le groupe Lac Iro (au seuil de 1%) et ,dans une moindre mesure, les groupes Gorane et Tandjilé (seuil de 10%). Le risque de la mortalité passe du simple au quadruple lorsqu'on compare les enfants des Sara à ceux de Lac Iro, alors que la comparaison de la situation sanitaire des enfants des Sara à celle des Gorane et des Tandjilé attribue aux deux derniers groupes un risque de 87% et 62% plus élevé, en l'absence des variables intermédiaires. La prise en compte de celles-ci annule l'effet de ces deux groupes, tout ramenant le risque de mortalité juvénile chez les Tandjilé à environ le triple (2,7) de celui observé chez les Sara. Ce qui précède conduit au constat selon lequel les différences de mortalité infanto-juvénile en général ne s'observent finalement qu'entre les groupes Tandjilé, Kebbi et Fitri-Batha d'une part et le groupe Sara d'autres part, compte non tenu des variables intermédiaires. Cependant, le contrôle de la relation précédente par l'effet de celles-ci permet de ne retenir en définitive que les groupes Tandjilé et Kebbi chez qui les enfants sont plus exposés au risque de décès que ceux du groupe Sara. Tous ces résultats corroborent bien la thèse selon laquelle les comportements des individus sont régis par le modèle culturel de référence c'est-à-dire l'ethnie. Les comportements différentiels peuvent expliquer ces différents niveaux de mortalité des enfants selon l'ethnie de la mère. En ce qui concerne le niveau d'instruction des parents, les résultats du tableau 19 montre que sa relation avec la mortalité des enfants diffère selon qu'il s'agit de la mère ou du père. Le niveau d'instruction de la mère n'agit que sur la mortalité infantile, avec ou sans l'intervention des variables intermédiaires. Mais, son effet est plus ou moins mitigé, dans la mesure où il ne manifeste à travers aucune des modalités de cette variable. En revanche, le niveau d'instruction du père n'influence que la mortalité juvénile et par un effet d'entraînement, la mortalité infanto-juvénile. La contribution des variables intermédiaires dans cette relation n'est que marginale. Ainsi, le risque de mortalité juvénile baisse avec l'augmentation du niveau d'instruction du père. Toutefois, la présence des variables intermédiaires attribue une légère surmortalité aux enfants dont les pères ont atteint le niveau primaire au profit de ceux dont les pères ne sont pas instruits. En effet, le fait que le père soit instruit diminue le risque de mortalité significativement. Cela peut s'expliquer, d'une part, du fait que le père à le pouvoir de décision dans le ménage, il lui faut un minimum de connaissances pour que les soins accordés aux enfants, les vaccinations et l'alimentation soient bien appropriés. D'autre part, du point de vu économique, le niveau d'instruction du père peut aussi déterminer la qualité de soin, la qualité et quantité des aliments donnés à l'enfant * 24 Toutes les analyses intègrent l'âge de la mère et la parité atteinte comme variable de contrôle. * 25 A cette étape, l'analyse a porté uniquement sur la mortalité infantile et la mortalité juvénile. |
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