I.1.3.5. L'accessibilité
sociale
Le recours aux soins de santé, comme nous l'avons dit
plus haut dépend beaucoup plus de la connaissance et de la
compréhension des parents, des symptômes de la maladie. Souvent
les mères non instruites sont influencées par certains membres
de la famille dans leurs prises de décision, alors que celles qui sont
instruites sont écoutées. L'éducation, plus
spécifiquement la scolarisation permet à la mère surtout,
d'acquérir, à la fois les réflexes favorables et les
moyens nécessaires à l'accession aux services de santé.
HAROUNA (1996) : « les mères instruites sont
matériellement et socialement plus proches des services modernes de
santé que leurs congénères non instruites ». En
outre, la scolarisation permet également à la mère de
mieux communiquer avec les personnels de santé. Le bien fondé de
l'instruction pour l'accessibilité sociale dans les centres de
santé n'est plus à démontrer. Celle-ci permet à la
mère d'avoir la possibilité d'accéder à un emploi
rémunéré, qui lui procure les moyens de prendre en charge
les frais de santé.
Cette revue de la littérature traitant les
déterminants de la mortalité des enfants de moins de cinq ans au
Tchad, est loin d'être exhaustive malgré sa densité, mais
nous a permis d'identifier les variables cruciales que cette étude
pourra sélectionner pour expliquer le lien que chacune d'elles
entretient avec les trois variables dépendantes qui sont la
mortalité infantile, juvénile et infanto-juvénile
et surtout la contribution de chaque facteur sur la mortalité des
enfants.
I.2. Les objectifs, les
hypothèses et cadre conceptuel
I.2.1.Les objectifs
L'objectif global de cette étude que nous
rappelons ici est de contribuer à l'amélioration des
connaissances sur les facteurs déterminants de la mortalité des
enfants au Tchad, pour orienter la politique actuelle de baisse de la
mortalité infanto-juvénile dans le cadre des objectifs du
millénaire de développement définis par l'Organisation des
Nations Unies (ONU).
Le premier objectif
spécifique est de mesurer l'influence des facteurs
socio-économiques, cultuels et contextuels sur la mortalité des
enfants au Tchad, en tenant compte des effets des variables
intermédiaires.
Le second objectif
spécifique cherche à évaluer le poids de
chaque groupe de facteurs dans la relation identifiée à
l'étape précédente.
I.2. 2. Les hypothèses
L'hypothèse principale de cette étude
s'énonce comme suit : les facteurs culturels, contextuels et
socio-économiques influencent la mortalité des enfants de
manière différentielle. Ainsi,
H1 : l'influence des facteurs culturels
est prépondérante sur la mortalité des enfants de moins
de cinq ans. En d'autres termes, la contribution des facteurs culturels est
plus importante que celle des facteurs socio-économiques et contextuels
dans les différences de niveaux de mortalités
observées.
H2 : l'impact des facteurs
socio-économiques, culturels et contextuels sur la mortalité des
enfants de moins de cinq ans se réalise par le canal des
caractéristiques biodémographiques de la mère et des
enfants ; et des caractéristiques comportementales de la
mère.
I.2.3. Le cadre conceptuel
Le cadre conceptuel, qui se définit
comme un ensemble cohérent qui met en relation les différents
concepts utilisés dans l'étude. Pour résumer et comprendre
les mécanismes à la base de la mortalité des enfants au
Tchad nous nous sommes inspirés du modèle de MOSLEY et CHEN
(1984). Il est fondé sur le postulat selon lequel : " La
survie de l'enfant est essentiellement déterminée par les
ressources sociales et économiques de la famille" (MOSLEY, cité
par AKOTO, 1985).
Cette construction par Moseley et Chen présente bien
l'avantage de prendre en compte la plupart des déterminants de la
mortalité des enfants et d'exposer les mécanismes d'action. Ce
qui rapproche les causes médicales à celles des sciences
sociales. Mais l'inconvénient majeur est que le modèle ne
distingue pas la période de l'enfance ; alors qu'on sait qu'au plus
bas âge, le taux de mortalité est beaucoup plus
élevé que d'autres périodes. Mosley et Chen n'ont pas
ténu compte de différence entre les niveaux individuel et
collectif qui peuvent parvenir à des résultats peu fiables.
Le schéma qui suit permet de distinguer les effets
des variables biodémographiques de la mère et des enfants d'une
part et ceux des variables comportementales de la mère d'autre part sur
le risque de mortalité des enfants.
Les conditions sociales et matérielles nationales
influencent les caractéristiques socio-économiques et culturelles
des ménages et les caractéristiques contextuelles (cadre de vie)
dans lesquelles se trouvent les ménages dont naissent et vivent les
enfants. Elles déterminent non seulement la disponibilité des
moyens matériels et financiers permettant d'accéder à une
bonne alimentation et de soins adéquats, mais agissent également
sur les comportements des individus en matière d'utilisation des
services de santé. Le cadre de vie du ménage influence aussi la
survie des enfants, à travers la transmission de l'agent vecteur de
maladie responsable de la détérioration de l'état de
santé de l'enfant.
Les caractéristiques
socio-économiques et culturelles déterminent les
représentations sociales en matière de santé et de la
procréation ainsi que les moyens nécessaires à
l'utilisation des services de santé. Avant d'arriver aux causes de
décès, il y a lieu de relever certains facteurs qui favorisent le
relèvement du niveau de la mortalité de moins de cinq ans en
particulier, l'insuffisance des structures de santé, l'extrême
pauvreté et l'ignorance des mères qui sont des facteurs lointains
d'une part ; et d'autre part, les naissances précoces, tardives ou
trop rapprochées, fécondité élevée,
caractérisée par des intervalles entre les naissances très
courts.
Ce schéma est basé sur le principe selon lequel,
tous les déterminants socio-économiques, culturels,
environnementaux et politiques de la mortalité des enfants agissent
à travers une série commune de mécanismes biologiques ou
déterminants proches (intermédiaires) qui ont un impact direct
sur la mortalité. Il a donc l'avantage d'être un cadre logique
permettant d'étudier la mortalité comme un processus de maladie
chronique avec toutes ses origines multifactorielles. Par souci de
clarté, notre schéma conceptuel se schématise comme
suit :
Conditions sociales et
Matérielles nationales
Facteurs socio-économiques des parents
Facteurs culturels des parents
Mortalité des enfants de moins de cinq
ans
Caractéristiques biodémographiques de la
mère et des enfants
Caractéristiques comportementales de la mère
Facteurs contextuels
Figure2 : Le cadre conceptuel
de la mortalité des enfants de moins de cinq ans au Tchad
I.2.3.1 : Définitions de quelques concepts
Pour permettre une bonne compréhension des termes
utilisés dans cette recherche, nous en définissons quelques
concepts de base.
I.2.3.2. La mortalité infantile et
juvénile
Cette étude porte sur l'analyse des facteurs
explicatifs de la mortalité des enfants âgés de 0-4 ans
révolus. Elle porte sur trois composantes : La mortalité
infantile, la mortalité juvénile et la mortalité
infanto-juvénile. Commençons par définir la
mortalité infanto-juvénile ensuite infantile puis
juvénile
-Mortalité infanto-juvénile : est
la mortalité qui affecte les enfants de la naissance jusqu'au
5ème anniversaire (non inclus) et se rapporte au nombre de
décès d'enfants nés vivants de 0-4 ans révolus sur
le nombre des naissances durant la même période (dans un
même pays).
-Mortalité infantile : est en rapport
avec les décès infantiles de (0 à 11 mois révolus)
autrement dit la mortalité des enfants âgés de moins d'un
an.
-Mortalité juvénile : est celle
qui est en rapport avec les décès entre 1an et 4 ans
révolus. C'est à dire les décès d'enfants d'au
moins 1 an mais qui n'ont pas atteint leur 5ème
anniversaires.
I.2.3.3. Les déterminants de la mortalité
infanto-juvénile
La mortalité infanto-juvénile qui se
définit par le risque pour un enfant né vivant de mourir
avant son cinquième anniversaire est un phénomène
multiforme qu'il convient à notre avis de bien le situer dans son
contexte historique, géographique et social. Cette période
fragile de la vie humaine est aussi vieille que l'humanité. Etre
né vivant suppose déjà d'avoir échappé
à la mort foetale et de s'intéresser à ce qui se passe au
cours des cinq premières années de vie, c'est reconnaître
à cette période un caractère particulier de la fonction de
mortalité qui procède d'abord du risque de décès
très élevé qui s'y observe relativement aux âges
suivants. En Afrique au Sud du Sahara seul les vieillards courent des risques
supérieurs à ceux des enfants.
On se trouve devant un système de mortalité des
enfants qui se distinguent fondamentalement par leur niveau, leur calendrier
(âge au décès) ; par la structure des causes ultimes
qui concourent à l'occurrence d'un décès qui se rapportent
à toutes les caractéristiques individuelles liées aux
parents de l'enfant, celles de l'enfant lui-même et les
caractéristiques liées au ménage où vit l'enfant
qui peuvent influencer son risque de décéder de façon
directe ou indirecte ; leur mode de mesure, la recherche des
déterminants et l'identification des actions prioritaires à
mener.
Les caractéristiques socio-économiques
d'individus peuvent être appréhendées par le revenu
qu'il procure, par sa catégorie socioprofessionnelle, l'offre et le
prix.
Les caractéristiques culturelles dans notre
étude fait référence à la vie des
sociétés humaines, présente et passée, leur
croyance et leur pratique sociale.
Le cadre de vie du ménage ici est
l'environnement immédiat dans lequel vit les membres du ménage.
Bien que la variable région de résidence agisse au niveau
contextuel, elle fait partie du cadre de vie à notre avis quoi que
contextuel.
La littérature sur la mortalité distingue
souvent les variables proches ou intermédiaires celles qui agissent de
façon directe sur la mortalité des enfants sans que cette
influence soit médiatisée ; et d'autres variables
susceptibles d'influencer la survie de l'enfant par l'entremise des variables
intermédiaires. Il s'agit dans cette étude des facteurs indirects
qui peuvent être d'ordre socio-économiques, culturels ou
environnementaux.
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