A. Justification du système
A côté du lien de filiation, le lien avec
le territoire est, lui aussi, un important mode d'attribution de la
nationalité d'origine. Ce système insiste, quant à lui,
sur la pertinence du lieu de naissance et/ou de résidence.210
L'importance du critère justifie qu'il soit pris en considération
par de nombreux systèmes. A ce propos, un certain auteur a
affirmé qu'« un individu né dans un pays et y vivant prendra
les moeurs, les habitudes, les façons de sentir et de penser des
habitants de ce pays, deviendra semblable à ceux-ci, s'agrégera
à leur groupe ».211
206 J. DE BURLET, op. cit., p. 21
207 Ibid.
208 En ce sens, voy. B. AUDIT, op. cit., p.
750
209 Ibid.
210 En ce sens, voy. D. GUTMANN, op. cit., pp.
242-243
211 MAURY cité par P. MAYER et V. HEUZE, op.
cit., p. 639
56
Ce système souligne donc la place essentielle
du milieu social (scolaire notamment) dans l'évolution
individuelle.212 Il favorise ainsi l'accès à la
nationalité de l'Etat d'accueil pour les enfants d'étrangers
nés ou résidant sur le territoire.213
Rappelons que le système du jus soli est
appliqué par le droit burundais. Mais contrairement au droit
français qui applique le double droit du sol, le droit burundais, lui,
applique le simple droit du sol. La naissance de l'enfant sur le sol burundais
suffit, le droit burundais n'exige pas qu'un de ses parents au moins y soit
lui-même né.
En droit français, la naissance en France n'est
à elle seule cause d'attribution de la nationalité
française que lorsqu'elle constitue le seul rattachement de l'enfant
à un Etat, et permet ainsi d'éviter
l'apatridie.214
Dans d'autres cas, c'est le double lien avec le
territoire français qui est pris en compte.
Ainsi, selon le double droit du sol et en application
de l'article 19-3 du code civil français, « est français
l'enfant, légitime ou naturel, né en France lorsqu'un de ses
parents au moins y est lui-même né ». Pour acquérir la
nationalité française, l'enfant doit donc naître en France
d'un parent étranger qui y est lui-même
né.215
Cependant, si le simple droit du sol n'est admis en
droit français que lorsqu'il permet d'éviter l'apatridie, nous ne
saurions passer sous silence le fait que, même en droit burundais, le
système a été institué dans l'intérêt
des enfants qui, à défaut de ce dernier, se trouveraient en
situation d'apatridie.
Comme le droit du sang, le droit du sol
présente quelques avantages même s'il ne manque pas
d'inconvénients.
212 En ce sens, voy. D. GUTMANN, op. cit., p.
243
213 Ibid.
214 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p.
648
215 J. BUBELLIN-DEVICHI (dir.), Droit de la
famille, Dalloz, Paris, 2001, p. 672
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B. Avantages et inconvénients du
système
Le système du droit du sol comporte des avantages
et des inconvénients.
1. Avantages
Le jus soli est supérieur au jus sanguinis en
ce sens qu'il permet tout d'abord de rapporter aisément la preuve de la
nationalité d'origine par la production du certificat de naissance de
l'individu dont la nationalité est contestée ; le fait que les
parents soient inconnus ou apatrides demeure sans influence sur le contentieux
de la nationalité.216
Deux autres avantages s'ajoutent à ce premier.
L'un, d'ordre social, est celui qui a été déjà
évoqué dans les précédents développements :
le jus soli a le mérite d'éviter l'apatridie,217 car
le lien avec le territoire permet d'attribuer la nationalité à
une personne qui, à défaut de ce critère, deviendrait
apatride ; l'autre est d'ordre économique : le jus soli permet
d'intégrer dans la population des pays qui, vieillis ou trop neufs,
souffrent d'un manque de main d'oeuvre, les enfants des travailleurs
étrangers.218 Le critère du jus soli convient donc
particulièrement à des pays qui appellent
l'immigration.219
2. Inconvénients
S'agissant des inconvénients, toute application
rigide du jus soli risque de conduire à des conflits de
nationalités.220 Ceci est d'autant plus réel que,
comme nous l'avons déjà précisé, l'application
simultanée de ce critère avec celui du jus sanguinis aboutit
à la situation de double nationalité.
Il conviendrait que les Etats combinent le jus soli et
le jus sanguinis et ne confèrent la nationalité « jus soli
» qu'à des individus dont la naissance sur leur territoire n'est
pas le résultat d'un pur hasard et qui n'auraient avec le pays de leur
naissance aucune attache sérieuse.221
216 En ce sens, voy. J. DE BURLET, op. cit., p.
22
217 Voy. Supra, p. 56
218 En ce sens, voy. J. DE BURLET, op. cit., p.
23
219 En ce sens, voy. B. AUDIT, op. cit., p.
750
220 J. DE BURLET, op. cit., p. 23
221 Ibid.
58
Cependant, les Etats ne sont pas en mesure
d'éviter la situation de conflit de nationalités. Nous savons, en
effet, qu'il est un principe de liberté étatique en
matière de nationalité selon lequel les Etats sont libres dans la
fixation des conditions d'attribution ou d'acquisition de la
nationalité. Des solutions sont là qui permettent de faire face
aux conflits de nationalités hélas difficiles à
éviter.
Le système du jus soli présente un autre
inconvénient. Il risque de se fonder sur un fait qui peut être le
résultat de circonstances fortuites.222
Le parcours du deuxième chapitre nous permet de
conclure qu'il existe plusieurs causes de la double nationalité dont la
plupart sont prévues par le droit burundais de la nationalité :
il s'agit du lien de filiation appliqué simultanément avec le jus
soli, du mariage, de l'adoption, de la naturalisation, du double jus sanguinis,
du recouvrement de la nationalité, etc.
Il reste à préciser que quelle que soit
la cause de la double nationalité, le droit burundais prévoit que
« la qualité de double national sera obligatoirement
mentionnée dans le registre-répertoire des actes modificatifs ou
déclaratifs de nationalité ».223
En vertu de l'article 29, alinéa 2 du code
burundais de la nationalité, il sera, en outre, clairement
indiqué le nom de l'autre Etat dont le double national est
ressortissant.
Le registre susmentionné est ainsi un important
outil dans la détermination de l'effectif des personnes ayant acquis la
qualité de double national selon le droit burundais. Cependant, le
Ministère de la Justice ne nous a pas permis d'avoir accès audit
registre, ce qui nous a empêchés d'atteindre cet
objectif.
La double nationalité a des causes multiples
mais encore elle entraîne beaucoup d'inconvénients quand bien
même elle ne manque pas d'avantages. Elle entraîne ainsi des
conflits de nationalités dits positifs, par opposition aux conflits
négatifs et tous ceux-là seront analysés, en même
temps que leurs solutions, au cours du troisième chapitre.
222 J. HANSENNE, op. cit., p. 262
223 Art. 29, al. 1er, Cod. Nat., in B.O.B.
n°8bis/2000
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CHAPITRE. III. PROBLEMATIQUE DE LA DOUBLE NATIONALITE ET
SOLUTIONS AUX CONFLITS DE NATIONALITES
Le cumul de nationalités ne doit pas être
considéré comme une situation anormale.224 Il s'agit
d'une situation fréquente et inévitable parce que, comme nous
l'avons souligné, les Etats gardent leur pleine liberté dans la
détermination des conditions d'attribution ou d'acquisition de leurs
différentes nationalités. Le caractère normal du cumul de
nationalités, et plus précisément de la double
nationalité, a été perçu par beaucoup d'Etats dans
le monde au point que certains en sont venus à consacrer la situation
comme un principe reconnu dans leurs législations internes respectives
en matière de nationalité.
La binationalité devient donc une
réalité et il ne saurait en être autrement car elle
comporte des avantages au bénéfice du double national (section
1).
Cependant, la double nationalité ne comporte
pas que des avantages, elle entraîne, en outre, des inconvénients,
des conflits dits positifs (section 2) auxquels il importe de remédier
par des solutions prévues par les différentes dispositions
juridiques tant internes qu'internationales (section 3).
A l'antipode des conflits positifs
générés par la double nationalité se trouvent des
conflits dits négatifs, rares, qui sont liés à la
situation d'apatridie. Ces derniers conflits seront étudiés
accessoirement aux conflits positifs qui constituent le thème central de
ce chapitre.
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