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Le regime juridique de la double nationalite en droit burundais


par Jean-Baptiste BARUMBANZE
Université du Lac Tanganyika - Licence en droit 2011
  

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Section 2. Les points faibles de la double nationalité

Outre les avantages précédemment examinés, la double nationalité entraîne des difficultés dans l'accomplissement des obligations militaires et la mise en oeuvre du devoir de fidélité (§1), dans l'exercice des protections diplomatiques (§2) ainsi que dans le domaine d'état et de capacité des personnes (§3).

§1. Difficulté à accomplir les obligations militaires et le devoir de fidélité

Le conflit positif présente des difficultés au cas où les deux Etats qui reconnaissent une personne pour leur national lui réclame un devoir total d'allégeance. Ces difficultés naissent ainsi dans l'accomplissement du service militaire (A) ainsi que dans la mise en oeuvre du devoir de fidélité (B).

A. Accomplissement des obligations militaires

Pour comprendre l'ampleur du problème, il convient d'emblée de préciser que « l'Etat est fondé à réclamer de ses nationaux même à l'étranger l'assistance par les armes, qui est le premier devoir de tout citoyen vis-à-vis de la patrie menacée ».257 Le jus avocandi, c'est-à-dire le droit de mobiliser ses citoyens en cas de guerre, est aussi incontestable que d'usage universel258 et il appartient à l'Etat national de fixer « librement lui-même les conditions dans lesquelles ses nationaux (...) satisferont à leur obligation de service militaire ».259

Le double national éprouve, par conséquent, une difficulté de concilier ces obligations incompatibles car il est possible que l'un et l'autre Etat dont il a la nationalité en exigent l'exécution durant la même période.260

Le problème que nous soulignons ici est évident. Si la constitution burundaise en vigueur dispose, en son article 7, alinéa 1er que « Tous les citoyens sont tenus de s'acquitter de leurs obligations civiques et de défendre la patrie », cette dernière disposition crée une situation embarrassante au préjudice d'un binational car, indubitablement, en accomplissant son obligation à l'égard du Burundi, ce dernier y aura manqué à l'égard d'un autre Etat dont il est

257 En ce sens, voy. L. DELBEZ, op. cit., p. 194

258 Ibid.

259 Ibid.

260 En ce sens, voy. F. RIGAUX, Droit international privé, T. I, Théorie générale, Larcier, Bruxelles, 1977, p.

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également le national et qui lui impose, aussi une obligation de ce genre. Or, le manquement aux obligations résultant de la nationalité peut être sanctionné dans certaines conditions par la perte de celle-ci.261 Ceci est d'autant plus vrai qu'en agissant en faveur d'un seul des deux Etats, l'intéressé aura manqué à son devoir de fidélité, du moins si les deux Etats sont en guerre.

B. La mise en Suvre du devoir de fidélité

Le devoir de fidélité est étroitement lié à l'obligation militaire et sa mise en oeuvre se trouve être un autre problème juridique découlant de la double nationalité. Cette situation peut créer des conflits de devoirs,262 entraînant ainsi pour le binational le problème de « respect du devoir de fidélité que chacun des Etats est en droit d'attendre de ses sujets »263 au cas où une guerre serait déclarée entre les deux Etats. L'intéressé se trouve ainsi devant un dilemme : défendre l'Etat B et se comporter en ennemi de l'Etat A et vice-versa.

La conséquence de la situation est évidente. Il est hors de toute discussion que pareille situation fasse peser sur l'intéressé la lourde punition de la déchéance de la nationalité et c'est là la position du droit français. C'est ainsi que l'article 25, 4o du code civil français prévoit une cause de déchéance fondée sur le défaut de loyalisme : le fait de s'être « livré au profit d'un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France ».264

En droit burundais, « le double national ne peut se prévaloir de sa qualité d'étranger au Burundi pour se soustraire à l'exécution des obligations civiques ».265 L'interprétation de cette disposition nous mène à la conclusion que le binational qui y contrevient s'expose à des sanctions, notamment la perte de la nationalité burundaise.

261 D. GUTMANN, op. cit., p. 244

262 R. RANJEVA et C. CADOUX, op. cit., p. 122

263 F. RIGAUX, op. cit., p. 159

264 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 668

265 Art. 26 du Cod. Nat., in B.O.B.n°8bis/2000

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L'intéressé court ainsi le risque de se voir retirer la qualité de national au cas où, embarrassé par la situation, il s'abstient d'accomplir ses obligations militaires dans les deux pays dont il a la nationalité, pouvant de cette manière devenir apatride et perdant, par la même occasion, tout droit à la protection diplomatique dont l'exercice pose, par ailleurs également, problème en cas de double nationalité.

§2. Problème d'exercice de la protection diplomatique

Si la double nationalité entraîne tant de difficultés, c'est surtout dans l'exercice de la protection diplomatique que le problème apparaît puisque cet exercice n'est ouvert qu'à l'Etat national de la victime supposée d'un agissement illicite de l'Etat défendeur.

Il est question de déterminer la qualité pour introduire la réclamation. La question est aisément résolue dans les rapports entre l'un des Etats nationaux et un Etat aux yeux de qui la victime est de toute façon étrangère : celui-ci ne peut opposer à la réclamation d'un Etat qui la considère comme son ressortissant une irrecevabilité tirée de ce qu'elle aurait également la nationalité d'un autre.266

La question devient plus embarrassante lorsque changent les interlocuteurs dans l'affaire, plus précisément dans l'hypothèse d'une protection exercée par l'un des Etats nationaux contre l'autre. La pratique internationale n'y apporte pas de réponse uniforme.267

Les difficultés attachées à la double nationalité ne s'arrêtent pas là. La matière d'état et de capacité des personnes n'est pas épargnée par les problèmes juridiques découlant de la double nationalité.

266 J. COMBACAU et S. SUR, op. cit., p. 334

267 Voy. Infra, p. 72 et p. 84 ; aussi, Comparez J. VERHOEVEN, op. cit., p. 637 et D. CARREAU, Droit international, 5e éd., Pedone, Paris, 1997, p. 448

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§3. La double nationalité et les questions d'état et de capacité des personnes

Nous avons déjà souligné que la nationalité peut être un critère de rattachement lorsque l'on a besoin de déterminer la loi applicable en cas de conflit de lois. Si la question paraît facilement soluble en ce domaine lorsqu'il s'agit d'une nationalité « simple », la réalité est tout autre en cas de binationalité, quand il est question de déterminer laquelle, entre deux lois nationales, est susceptible de s'appliquer. La compétence de la loi nationale se heurte en tout domaine et plus précisément dans celui de l'état et de la capacité des personnes aux cas de double nationalité.268

L'autorité saisie est à ce moment embarrassée par la question de savoir laquelle des deux lois nationales il lui est loisible de choisir afin de l'appliquer au cas concret posé. Deux principes, celui de la primauté de la nationalité du for et celui de l'effectivité de la nationalité, sont susceptibles de contribuer à la résolution du problème quand bien même les solutions sont loin de recueillir l'unanimité.

Toutes les difficultés découlant de la double nationalité que nous venons de relever exigent que des solutions leur soient apportées.

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