UNIVERSITE DU LAC TANGANYIKA (ULT)
FACULTE DE DROIT
LE REGIME JURIDIQUE DE LA DOUBLE NATIONALITE EN DROIT
BURUNDAIS
par : Jean-Baptiste BARUMBANZE et Caritas
NTARIMA
Sous la direction de :
M. Audace NIYONDIKO
|
Mémoire présenté et
défendu
publiquement en vue de l'obtention du grade de
Licencié en Droit
|
Bujumbura, janvier 2011
DEDICACES
A mes père et mère.
A mes frères et soeur.
A mes neveu et nièces.
A mes frères et soeurs membres de la
Communauté de l'Emmanuel.
Jean-Baptiste BARUMBANZE.
Caritas NTARIMA.
A mes père et mère.
A mon époux.
A mes enfants.
Aux familles de mes frères et
soeurs.
Enfin, à tous nos amis et connaissances qui ont
agrémenté notre vie estudiantine, nous disons sincèrement
merci.
REMERCIEMENTS
Ce travail n'aurait pas abouti s'il n'avait pas
bénéficié du concours de plusieurs personnes auxquelles
nous tenons à exprimer nos sentiments de profonde gratitude.
Nous remercions vivement toutes les personnes qui, de
l'école primaire à l'université, ont participé
à notre formation tant humaine qu'intellectuelle et plus
particulièrement, tous les professeurs de la faculté de Droit
à l'Université du Burundi et à l'Université du Lac
Tanganyika.
Nos sentiments de reconnaissance vont également
à l'endroit de Monsieur Audace NIYONDIKO, notre directeur de
mémoire, qui, malgré ses multiples obligations a
spontanément accepté de guider nos premiers pas de chercheurs.
Ses conseils avisés et sa rigueur scientifique nous ont
été d'une grande contribution.
Nous adressons nos sincères remerciements
à tous les responsables des différents services qui nous ont
fourni des renseignements et une documentation utiles à l'aboutissement
de ce travail. Nous pensons notamment au directeur de la diaspora, au chef du
service des archives, au conseiller chargé des affaires juridiques au
Ministère des relations extérieures et de la coopération
internationale, au président du Tribunal de Grande Instance en Mairie de
Bujumbura et aux présidents des Tribunaux de Résidence de Rohero
et de Nyakabiga.
Nous nous devons, en outre, d'être
reconnaissants à l'égard de toutes les personnes qui, pour leur
soutien inestimable, ont contribué à notre plein
épanouissement.
Que ce travail soit le couronnement des efforts de
toutes les personnes qui, par leur encouragement et leur soutien
matériel, ont participé à sa réalisation. Nous
mentionnons notamment la famille GATOGATO Emmanuel, Monsieur MANIRAKIZA
Jean-Berchmans, Madame NAHAYO Dorothée ainsi que les familles NTARIMA,
NKANIRA et NDIKUMASABO Etienne.
SIGLES ET ABREVIATIONS
1. A.G.N.U. : Assemblée Générale
des Nations-Unies
2. Al. : Alinéa
3. Art. : Article (s)
4. B.O.B. : Bulletin Officiel du Burundi
5. C. : Contre
6. Ch. Civ. : Chambre Civile
7. C.I.D.E. : Convention Internationale sur les
Droits de l'Enfant
8. C.I.J. : Cour Internationale de Justice
9. Cod. Nat. : Code de la Nationalité
10. C.P.F. : Code des Personnes et de la
Famille
11. C.P.A. : Cour Permanente d'Arbitrage.
12. D. : Décret
13. D.I. : Droit International
14. (dir.) : (sous la direction de)
15. D.-L. : Décret-loi
16. D.U.D.H. : Déclaration Universelle des Droits
de l'Homme
17. éd. : édition
18. etc. : et cætera
19. G.M. : Guerre Mondiale
20. H.C.R. : Haut Commissariat pour les
Réfugiés
21. Ibid. : Ibidem (même ouvrage, même
auteur, même page)
iv
22. L.G.D.J. : Librairie Générale de Droit
et de Jurisprudence
23. Lit. : Litera
24. L.S.R.G.L.A. : Librairie de la Société
du Recueil
Général des Lois et des
Arrêts
25. n° : numéro
26. N.U. : Nations-Unies
27. O.M. : Ordonnance Ministérielle
28. Op. cit. : Opere citato (ouvrage déjà
cité)
29. O.P.U. : Office des Publications
Universitaires
30. p. : page
31. P.I.D.C.P. : Pacte International relatif aux
Droits Civils et politiques
32. pp. : De la page...à la page...
33. P.U.F. : Presses Universitaires de
France
34. U.L.T. : Université du Lac
Tanganyika
35. U.N.E.S.C.O. : United Nations for
Educational, Scientific and Cultural Organization (Organisation des
Nations-Unies pour l'Education, la Science et la culture)
36. T. : Tome
37. Voy. : Voyez
Si l'acquisition de la nationalité revêt
incontestablement des intérêts pour l'acquéreur, il en va
encore davantage de la double nationalité.
1
INTRODUCTION GENERALE
La double nationalité ou la
binationalité est le produit objectif des mutations économiques
et culturelles s'opérant à l'échelle du monde. La
circulation des hommes, des produits et des idées, la grande
mobilité sociale et professionnelle, l'installation massive et durable
de populations étrangères issues d'aires géographiques et
culturelles différentes, en particulier dans les pays d'Europe
occidentale, sont autant de facteurs et de motifs qui favorisent le
phénomène et le rendent incontournable. Cela est d'autant plus
évident que même le Burundi a senti cette nécessité
de reconnaître, dans sa législation, la double nationalité
comme un droit que quiconque remplit les conditions déterminées
par la loi peut exercer.
Bien évidemment, le Burundi n'étant pas
un îlot et devant évoluer par rapport au monde contemporain, le
besoin s'est fait sentir de faire de l'évolution du droit de la
nationalité sa préoccupation. Le législateur burundais a
ainsi adopté la loi n°1/013 du 18 juillet 2000 portant
réforme du code de la nationalité modifiant le D-L n°1/93 du
10 août 1971 portant code de la nationalité burundaise qui
interdisait la double nationalité. De là, la matière de la
nationalité en droit burundais a connu une importante modification
législative, car la loi précitée venait consacrer le
principe de la double nationalité qui, sous l'empire de l'ancienne loi,
faisait défaut.
Ainsi, cette loi, à travers son article
1er, alinéa 4 admet formellement le principe en vertu duquel
toute personne qui le désire peut avoir la double nationalité si
elle remplit les conditions déterminées.
Par contre, l'article 1er litera a bis du
D-L n°1/93, disposait que « La nationalité burundaise se perd
à (...) l'acquisition volontaire d'une nationalité
étrangère ».
De même, en énumérant les
conditions de recevabilité de la demande en naturalisation, l'article 9
du même D-L énonçait, en son litera c que « la loi
nationale de l'intéressé ne peut pas lui permettre de conserver
son ancienne nationalité en cas d'acquisition d'une nouvelle
».
De ce qui précède, nous nous permettons
de conclure que la double nationalité était totalement interdite
sous l'empire de l'ancienne loi sur la nationalité.
2
L'intérêt de l'étude du
régime juridique de la double nationalité en droit burundais est
donc évident.
Inversement, la question de conflits de
nationalités, en l'occurrence, les conflits positifs, est une
problématique que suscite la double nationalité. Comment, par
exemple, sera résolu le problème du respect du devoir de
fidélité que chacun des Etats dont les intéressés
ont la nationalité est en droit d'attendre de ses ressortissants, si ces
Etats sont en guerre ? Comment l'intéressé pourra-t-il exercer
son service militaire pour deux Etats en même temps ? Lequel des Etats
est le plus habilité à exercer la protection diplomatique en
faveur de leurs ressortissants ? Quel sera, en outre, le comportement de l'Etat
national de l'individu lésé si la responsabilité incombe
à l'autre Etat dont la victime a également la nationalité
?
Il se pose, enfin, un autre problème toujours
lié au cumul de nationalités, celui de la loi applicable au
statut personnel d'un binational.
C'est à toutes ces questions que nous nous
attèlerons de répondre au cours de notre travail.
Nous allons essayer de cerner les contours de la
notion de nationalité, de la double nationalité et ses
différentes causes, ses avantages et ses inconvénients ainsi que
les solutions proposées pour résoudre certaines questions qu'elle
pose.
S'agissant de la méthodologie, nous
exploiterons essentiellement les textes juridiques tant internes
qu'internationaux.
Au point de vue du droit interne, outre la
constitution en vigueur actuellement, tant de textes législatifs et
réglementaires nous seront d'une grande utilité. Ainsi, en plus
de la loi n°1/010 du 18 mars 2005 portant promulgation de la Constitution
de la République du Burundi, la loi n°1/013 du 18 juillet 2000
portant réforme du code de la nationalité, elle-même
modifiant le D-L n°1/93 du 10 août 1971, sera évidemment au
centre de notre travail. Le décret n°100/156 du 14 octobre 2003
portant modalités pratiques d'acquisition de la nationalité
burundaise par naturalisation, sans oublier le D-L n°1/024 du 28 avril
1993 portant réforme du Code des Personnes et de la Famille (C.P.F.)
nous seront également d'une grande importance et biens d'autres textes
juridiques.
3
Sur le plan international, nous ferons notamment
recours à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
(D.U.D.H.) du 10 décembre 1948 et à la convention de La Haye du
12 avril 1930 relative aux conflits de lois sur la
nationalité.
Qui plus est, comme pour tout travail scientifique,
nous allons interroger les auteurs ayant émis des arguments probants en
matière de nationalité, en général, et de double
nationalité, en particulier. Ainsi, la doctrine française et
belge et bien d'autres dont les idées nous paraîtront utiles
seront consultées.
Des institutions notamment certains services du
ministère des relations extérieures et de la coopération
internationale, les tribunaux de grande instance et de résidence nous
seront d'une grande utilité. La jurisprudence tant nationale
qu'étrangère, en matière de double nationalité nous
sera aussi d'une importance capitale.
Les sites internet retiendront également notre
attention. Le présent travail comprend trois chapitres.
Le premier chapitre est consacré à
l'étude des notions générales sur le droit de la
nationalité. Le premier objectif est de définir certaines
notions-clefs dont la compréhension nous met sur les rails de celle de
la nationalité, en général et de la double
nationalité, en particulier. Le second est de fournir les
différents motifs qui sous-tendent l'acquisition de la
nationalité. Enfin, ce chapitre nous permet de comprendre que la double
nationalité, bien qu'elle ait été reconnue dans notre
pays, n'est pas perçue de la même manière partout dans le
monde.
Le deuxième chapitre est axé sur
l'analyse des facteurs juridiques de la double nationalité. Le parcours
de ce chapitre nous permet de savoir que la double nationalité est le
résultat, soit de l'application simultanée des modes
d'attribution de la nationalité, soit de l'acquisition de la
nationalité par les différents modes prévus par la loi qui
s'ajoute à la nationalité d'origine, soit même du
recouvrement de la nationalité, étant entendu que
l'intéressé doit, dans ce cas, conserver la nationalité
qu'il avait acquise au moment de la perte de celle dont le recouvrement est
entrepris.
Le troisième et dernier chapitre se focalise
sur la problématique de la double nationalité et les
différentes solutions aux conflits de nationalités.
Le travail se clôture par une conclusion
générale.
4
CHAPITRE I. NOTIONS GENERALES SUR LE DROIT DE LA
NATIONALITE
Une bonne compréhension de la
nationalité en général, et de la double nationalité
en particulier, suppose une étude des généralités
sur la nationalité (section 1), des fondements de la nationalité
(section 2) et des différentes positions adoptées par les Etats
à l'égard de la double nationalité (section
3).
Section 1. Généralités sur la
nationalité
Il est ici question d'une étude des
différentes notions dont la compréhension s'avère
nécessaire pour quiconque voudrait bien appréhender ce qu'est la
nationalité.
§1. Notion
Saisir le sens de la notion de nationalité
exige que celle-ci soit définie, que soient dégagés les
principes qui la régissent, les éléments qui la composent
et que sa nature juridique soit mise en lumière.
A. Définition
La nationalité se définit tant dans son
sens juridique que dans son sens sociologique. La notion juridique de la
nationalité se distingue ainsi de celle sociologique, même si les
auteurs sont toujours en quête de leur
coïncidence.1
1. Définition juridique
Aux termes de l'article 1er, alinéa
1er du code burundais de la nationalité, « La
nationalité est le lien juridique et politique qui rattache un individu
à la population constitutive d'un Etat souverain ».
1 Voy. B. AUDIT, Droit international
privé, 4e éd., economica, Paris, 2006, p. 743 ;
D. HOLLEAUX et alii, Droit international privé, Masson, Paris,
1987, p. 638 ; P. MAYER et V. HEUZE, Droit international privé,
Montchrestien, Paris, 2007, p. 24 ; J. DERRUPPE, Droit international
privé, 14e éd., Mémentos Dalloz, Paris,
2001, p. 13
5
Cette définition souligne un double lien,
juridique et politique, qui existe entre un individu et la population qui
constitue un Etat souverain et rejoint par là celle que nous propose le
Dictionnaire du vocabulaire juridique selon laquelle la
nationalité est une qualité détenue par chaque individu
dont l'appartenance à une même communauté politique et
territoriale est juridiquement reconnue par un Etat.2 La CIJ a
caractérisé plus précisément la nationalité
comme un lien juridique ayant à sa base un fait social de rattachement,
une solidarité effective d'existence, d'intérêts, de
sentiments, jointe à une réciprocité de droits et de
devoirs.3
Le concept juridique de nationalité se
distingue du concept sociologique même si la coïncidence entre les
deux est « souhaitable ».4
2. Distinction entre la nationalité juridique et
la nationalité sociologique
La nationalité de fait dite aussi sociologique
est l'appartenance à une communauté dont la notion relève
de la sociologie, mais dont le juriste doit rappeler les traits essentiels pour
définir et organiser en connaissance de cause la nationalité de
droit.5 De ce qui précède, on remarque que les deux
notions de nationalité ressortissent de deux domaines distincts : si la
nationalité de droit relève du domaine juridique, la
nationalité de fait relève d'un autre domaine, celui de la
sociologie.
Ainsi, la nationalité au sens sociologique peut
être définie comme le rattachement d'un individu à une
nation entendue comme un peuple partageant certaines traditions, certains
intérêts et certaines valeurs.6 La nationalité
de fait qui sert normalement de support à la nationalité de
droit, est elle-même liée à l'idée de
nation7 et les deux notions « ne sont guère
définissables ».8
2 R. CABRILLAC, Dictionnaire du
vocabulaire juridique, 3e éd., LexisNexis Litec, Paris,
2008, p. 281
3 En ce sens, voy. B. AUDIT, op.
cit., p. 741
4 Voy. infra, p.
6
5 En ce sens, voy . H.
BATIFFOL et P. LAGARDE, Droit international privé, T. I,
7e éd., L.G.D.J., Paris, 1981, p. 59
6 D. GUTMANN, Droit
international privé, 2e éd., Dalloz, Paris, 2000,
p. 242
7 D. HOLLEAUX et alii,
op. cit., p. 24
8 Ibid.
6
Le sentiment qui unit les membres d'un même pays
peut se fonder sur les facteurs divers : la race, la religion, l'idéal
commun, la langue, la proximité géographique, l'histoire
vécue ensemble, mais aucun d'eux n'est déterminant en soi et on
ne connaît pas la composition du ciment qui soude un peuple pour en faire
une nation.9
La doctrine affirme également que « (...)
la nationalité résulte du fait qu'une certaine population a
pendant un certain temps vécu sur un certain territoire et que cet
état de fait a créé une certaine mentalité
».10 M. HAURIOU le précise bien lorsqu'il écrit
que « la nationalité est une mentalité ».11
Donc, la nationalité de fait est le soubassement nécessaire de la
nationalité de droit12 et la coïncidence entre les deux
notions est le souhait de certains auteurs.13
3. Coïncidence souhaitable entre la
nationalité de fait et la nationalité de droit
Il est souhaitable que la nationalité juridique
coïncide avec la nationalité sociologique. Pendant des
siècles, les populations ont été liées au
territoire sur lequel elles vivaient et leur sujétion politique pouvait
varier avec le sort de celui-ci, lui-même dépendant des
vicissitudes militaires ou des alliances dynastiques.14
P. MAYER et V. HEUZE, lorsqu'ils
énumèrent les objectifs inspirant la politique de l'Etat en
matière de nationalité, abondent dans le sens de ce souhait quand
ils soulignent qu'un premier objectif, général, est celui d'une
coïncidence aussi parfaite que possible entre la nationalité de
droit et la nationalité de fait.15 Pour eux, parlant de la
législation française, le droit français de la
nationalité sera parfait si toutes les personnes qui se sentent
françaises et se comportent comme telles ont la nationalité
française, et si aucune des personnes qui ne présentent pas ces
caractères ne reçoit cette
nationalité.16
9 D. HOLLEAUX et alii,
op. cit., p. 24
10 Ibid.
11 M. HAURIOU cité par
B. AUDIT, op. cit., p.742 et P. MAYER et V. HEUZE, op. cit.,
p. 621
12 D. HOLLEAUX et alii,
op. cit., p. 24
13 Voy. supra, p. 4
14 B. AUDIT, op.
cit., p. 742
15 P. MAYER et V. HEUZE,
op. cit., p. 638
16 Ibid.
7
De la sorte, la dimension horizontale de la
nationalité selon laquelle « l'individu membre de la
communauté nationale a des attaches avec ses compatriotes avec lesquels
il partage une même histoire et une volonté de vivre ensemble
»17 devrait aller de pair avec sa dimension verticale. Cette
dernière dimension signifie que « l'individu est lié
politiquement et juridiquement à un Etat dont il est ressortissant en
vertu des règles posées par ce dernier
».18
Cependant, nous remarquons, et bien d'auteurs le
soulignent, que la coïncidence tant souhaitée entre la notion
juridique de nationalité et sa notion sociologique laisse à
désirer. « On ne peut (...) admettre de façon absolue la
subordination du concept juridique de nationalité au concept
sociologique. Pratiquement, elle peut se révéler difficile
à mettre en oeuvre lorsque plusieurs populations d'origine
différente coexistent sur le même territoire. Politiquement,
l'attribution de la même nationalité juridique à une
population même hétérogène, possède des
vertus tant pour la démocratie que pour la paix
».19
Précisons, par ailleurs, que l'existence des
différents modes d'acquisition et de perte de la nationalité
fausse la règle du jeu et les conséquences en sont connues.
Ainsi, parlant du droit burundais de la nationalité, par exemple, un
Burundais de fait peut ne pas l'être en droit ; un Burundais de droit
peut être, en fait, étranger.20
A défaut donc de pouvoir parler de
coïncidence entre la notion juridique et celle sociologique de
nationalité, il serait logique de parler, sinon
d'interdépendance, mais de complémentarité entre les deux
notions. La nationalité de droit ne saurait exister sans la
présence de certains éléments de fait qui lui servent de
support,21 tout comme la nationalité de fait ne saurait se
suffire à elle-même. La nationalité de droit est par
là « l'expression juridique de la nationalité de fait ; en
quelque sorte, la traduction de cette dernière sur le plan du droit
».22
17 P. COURBE, Droit
international privé, HACHETTE Supérieur, Paris, 2007, p.
222
18 Ibid.
19 D. GUTMANN, op.
cit., p. 242
20 Un Burundais qui perd sa
nationalité devient étranger s'il avait une autre
nationalité, étrangère tandis que certains
éléments de fait l'attachent au Burundi. A l'inverse, un
étranger qui acquiert la nationalité burundaise par
naturalisation ou par mariage est burundais de droit bien que certains
éléments de fait l'attachent à son Etat
d'origine.
21 Voy. supra, p.
5
22 D. HOLLEAUX et alii,
op. cit., p. 24
8
Définir la notion de nationalité est
d'une grande importance et il en va encore davantage de la compréhension
des différents principes auxquels les Etats se conforment dans
l'attribution du lien de nationalité.
B. Principes régissant l'attribution du lien de
nationalité
En proclamant le droit reconnu à chaque
individu d'avoir une nationalité, le droit international consacre un
principe de nécessité d'une nationalité (1) et si c'est
à l'Etat qu'il appartient de conférer cette dernière aux
individus, celui-ci doit être souverain (2) et possède, en la
matière, un pouvoir qu'il exerce en toute liberté
(3).
Il importe, toutefois, de préciser que cette
liberté est enfermée dans des limites qui tiennent aux
engagements internationaux auxquels l'Etat est partie et au caractère
effectif de la nationalité conférée par l'Etat à
ses nationaux.
1. Principe de nécessité d'une
nationalité
La DUDH du 10 décembre 1948 érige le
droit à une nationalité en un droit fondamental de la personne
humaine. En effet, aux termes de l'article 15 de la déclaration
susvisée, « Tout individu a droit d'avoir une nationalité.
Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni
du droit de changer de nationalité ».
Cette disposition condamne, en principe, les
congés de nationalité,23 c'est-à-dire qu'elle
condamne « toute institution en vertu de laquelle la nationalité se
perd automatiquement en raison de la survenance de certains
événements prévus par la loi comme devant entraîner
la perte de nationalité ».24 Elle condamne, en outre, le
principe d'allégeance perpétuelle,25
c'est-à-dire « toute situation de dépendance d'une personne
(...) envers l'Etat dont elle a la nationalité »26 qui
lui serait imposée toute sa vie durant.
23 F. RIGAUX et M. FALLON,
Droit international privé, T. II, Droit positif belge,
2e éd., Larcier, Bruxelles, 1993, p. 29
24 J. DE BURLET,
Précis de droit international privé congolais, Ferdinand
Larcier, Kinshasa, 1971, p. 27
25 F. RIGAUX et M. FALLON,
op. cit., p. 29
26 G. CORNU (dir.),
Vocabulaire juridique, 8e éd., P.U.F., Paris, 2000,
p. 47
9
La Déclaration des droits de l'enfant du 20
novembre 1959 abonde dans le même sens et dispose, en son article 3, que
« l'enfant a droit dès sa naissance à un nom et à une
nationalité ». C'est la consécration du principe selon
lequel la nationalité d'origine est un droit de
l'homme.27
Il résulte de ces deux dispositions que la
possession de la nationalité est le principe, le contraire étant
l'exception. Par ailleurs, les cas d'apatridie devraient, sinon être
supprimés, mais limités autant que possible car ils emportent de
graves conséquences.
Les deux précédents textes sont de
simples recommandations dépourvues comme telles de force normative et
ils se sont vu reconnaître une valeur morale dans les relations
internationales en raison même de la qualité de leur
origine.28 C'est pour cette raison que les textes suivants
revêtus « d'un caractère obligatoire »29 ont
vu le jour : le PIDCP du 16 décembre 1966 et la CIDE du 20 novembre
1989.
Ces instruments juridiques prévoient tour
à tour et respectivement que « Tout enfant a le droit
d'acquérir une nationalité »,30 que «
l'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès
celle-ci (...) le droit d'acquérir une nationalité »31 et
que « les Etats Parties veillent à mettre ces droits en oeuvre
conformément à leur législation nationale et aux
obligations que leur imposent les instruments internationaux applicables en la
matière en particulier dans le cas où faute de cela, l'enfant se
trouverait apatride ».32
Cependant, signalons pour ne pas exagérer que
« le statut de national n'est pas inhérent à l'existence
même de l'individu : il y a partout, de par le monde, des apatrides
»,33 mais il serait raisonnable de soutenir l'idée selon
laquelle « le droit à la nationalité est et reste un droit
individuel de l'homme ».34
27 F. RIGAUX et M.
FALLON, op. cit., p. 29
28 Ibid.
29 F. RIGAUX et M.
FALLON, op. cit., p. 30
30 Art. 24, al. 3, PIDCP du
16 déc. 1966, http : //www2.ohch/french/law/ccpr.htm
visité le 14 avril 2010 à 16h 10min.
31 Art. 7, al.
1er, CIDE du 20 nov. 1989, http : //
www.droitsenfant.com/cide.htm
visité le 14 avril 2010 à 15h 46min.
32 Art. 7, al. 2, convention
précitée
33 F. RIGAUX et M. FALLON,
op. cit., p. 30
34 Ibid.
10
C'est pour se conformer à ce principe de
nécessité d'une nationalité et aux instruments juridiques
internationaux auxquels ils sont parties que les Etats s'efforcent de
légiférer en matière de nationalité,35
mais il faut qu'il s'agisse des Etats souverains au sens du droit international
public.
2. Principe de souveraineté
étatique
La souveraineté est, par définition, la
« puissance suprême et inconditionnée dans laquelle l'ordre
international reconnaît un attribut essentiel de l'Etat (...)
».36
Il est admis par le droit international public que
seul un Etat souverain peut conférer une
nationalité.37 L'attribution de la nationalité est un
pouvoir reconnu à un Etat au sens international du mot,
c'est-à-dire une personne morale reconnue par les autres Etats et ayant
l'aptitude à représenter auprès de ces derniers les
intérêts de ses nationaux.38
Cette affirmation renferme « le seul principe de
droit international qui ait vraiment un caractère impératif
».39 Le principe que seul un Etat souverain peut se voir
reconnaître le pouvoir d'octroyer la nationalité a pour corollaire
la restriction du « pouvoir de chaque Etat de décider à
quelles conditions sa nationalité s'attribue, s'acquiert, se perd et se
recouvre sans qu'il puisse porter de norme relative à l'attribution ou
à la perte d'une nationalité étrangère
».40 Nous pouvons donc dire qu'en matière de
nationalité, le pouvoir de l'Etat se limite là où commence
celui des autres.
Il se pose la question de savoir s'il est
nécessaire que le gouvernement soit reconnu pour que la
nationalité octroyée puisse produire ses effets sur le plan
international. A cette question, on répond par la négative. Il
suffit que l'Etat soit reconnu sans qu'il soit nécessaire que son
gouvernement le soit.41 La doctrine donne l'exemple de la
période qui a suivi la libération française.
35 Pour se conformer au
principe de nécessité, le Burundi a pris soin de
légiférer en matière de nationalité. Ainsi, la loi
n°1/013 portant réforme du Code de la nationalité a vu le
jour le 18 juillet 2000, elle-même modifiant le D.-L. n°1/93 du 10
août 1971 portant Code de la nationalité burundaise.
36 G. CORNU, op.
cit., p. 829
37 D. HOLLEAUX et alii,
op. cit., p. 24
38 Y. LOUSSOUARN et alii,
Droit international privé, 8e éd., Dalloz,
Paris, 2004, p. 787
39 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit.,
p. 30
40 Ibid.
41 Y. LOUSSOUARN et alii,
op. cit., p. 787
11
Ainsi, après la libération, le fait que
le gouvernement provisoire n'était pas reconnu n'empêchait pas les
Français d'avoir la nationalité
française.42
Mais une seconde question se pose. C'est celle de
savoir si la dimension de l'Etat compte pour que celui-ci puisse attribuer une
nationalité opposable aux autres sujets de droit international. On
répond que « la reconnaissance de l'Etat est la seule condition ;
sa grandeur n'entre pas en ligne de compte ».43 On donne
l'exemple de la nationalité monégasque et celui de la cité
du Vatican qui donne une nationalité baptisée
citoyenneté.44
Si la souveraineté des Etats est un
préalable pour que ceux-ci puissent octroyer valablement la
nationalité, il faut ajouter que ces mêmes Etats sont
également libres dans la fixation des conditions d'attribution de la
nationalité.
3. Principe de liberté étatique dans le
choix des critères de nationalité
S'il est nécessaire que tout individu ait une
nationalité, tout Etat souverain, lorsqu'il détermine les
conditions d'octroi de la nationalité, agit en toute liberté. Le
droit international général laisse à chaque
législateur national la plus large liberté de choix des
critères déterminatifs de la nationalité, tant pour
l'attribution ou l'acquisition de cette nationalité que pour sa perte ou
son recouvrement.45 La compétence de l'Etat est
discrétionnaire et exclusive pour déterminer les conditions
d'octroi de sa nationalité46 en ce qu'il est un principe
universellement reconnu selon lequel chaque Etat est exclusivement
compétent pour conférer sa propre nationalité, ce qui
confère au droit de la nationalité un caractère «
unilatéral ».47 C'est pour souligner le caractère
exclusif de la compétence des Etats que la CIJ a affirmé que les
questions de nationalité étaient comprises dans le domaine
réservé.48
Cependant, si tout Etat dispose du pouvoir d'attribuer
ou de retirer sa nationalité selon des critères qu'il estime
appropriés, en application du principe sous analyse, il ne s'agit pas
d'un pouvoir qu'il exerce d'une façon absolue. Il existe des exceptions
à ce principe.
42 Y. LOUSSOUARN et alii,
op. cit., p. 787
43 Ibid.
44 Ibid.
45 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit.,
p. 31
46 R. RANJEVA et C. CADOUX,
Droit international public, E.D.I.C.E.F., Paris, 1992, p.
121
47 D. HOLLEAUX et alii,
op. cit., p. 23
48 P. MAYER et V. HEUZE,
op. cit., p. 625
12
C'est ainsi que l'Etat doit respecter ses engagements
internationaux et qu'il devrait se conformer au principe de la
nationalité effective.
Parlant de la première exception, ça se
passe de tout commentaire que les Etats sont tenus d'exécuter les
conventions qu'ils ont conclues. Il s'agit de l'application de l'adage «
pacta sunt servanda».
La deuxième exception, le principe de
l'effectivité de la nationalité, veut dire qu' « aucun Etat
ne peut imposer sa nationalité à des personnes physiques qui
n'auraient aucun lien ni avec son territoire ni avec ses sujets
».49
Précisons que ce principe de
l'effectivité joue un rôle non moins important dans les solutions
aux conflits de nationalités et nous aurons à y revenir dans nos
développements ultérieurs.50
Pour que tout individu puisse avoir une
nationalité, il faut qu'il y ait un Etat souverain qui la lui attribue
et ce dernier exerce son pouvoir en toute liberté. Il y a donc, d'un
côté, l'Etat qui donne cette nationalité et l'individu qui
la reçoit, d'un autre côté. Mais, il ne faut pas oublier
que la nationalité établit un lien entre l'Etat et
l'individu.
C. Les éléments de la
nationalité
La nationalité est attribuée par un Etat
(1) à un individu (2) qui lui est attaché juridiquement et
politiquement (3).
1. L'Etat donneur de nationalité
Le premier élément de la
nationalité, c'est l'Etat conférant la nationalité. Mais
il convient d'emblée de préciser la notion d'Etat donneur de
nationalité. Comme nous l'avons déjà évoqué,
seul peut donner la nationalité un Etat au sens international du mot,
c'est-à-dire une personne morale reconnue par les autres Etats et ayant
l'aptitude à représenter auprès de ces derniers les
intérêts de ses nationaux.51 Par là, nous
revenons au principe de la souveraineté étatique qu'il ne faut
jamais oublier. Le seul Etat qui peut attribuer valablement la
nationalité est un Etat souverain.
49 F. RIGAUX M. FALLON,
op. cit., p. 31
50 Voy. infra, p.
83
51 Voy. supra, p.
10
13
Seule la reconnaissance de l'Etat importe, celle de
son gouvernement n'a aucune influence sur l'attribution de la
nationalité.52 L'éclipse momentané du pouvoir
légitime et son remplacement par un gouvernement de fait non encore
reconnu par les autres Etats ne fait pas disparaître la
nationalité.53 En outre, peu importe la dimension
géographique de l'Etat,54 s'il a déjà fait
l'objet d'une reconnaissance.
En revanche, le principe de la souveraineté
entraîne une conséquence importante en ce que ne peuvent
conférer la nationalité les Etats fédérés
parce qu'ils n'exercent pas la souveraineté internationale. Seul l'Etat
fédéral peut donc conférer la nationalité. Ainsi,
par exemple, seuls les Etats-Unis d'Amérique sont internationalement
compétents pour octroyer la nationalité ; aucun des Etats
composant cette entité n'est juridiquement capable d'accorder ce lien
juridico-politique.
Mais au contraire de l'union fédérale,
l'union personnelle laisse subsister la souveraineté internationale des
Etats membres de cette union, et par conséquent, l'aptitude de ces
derniers à conférer la
nationalité.55
Il importe, enfin, de préciser qu'il est une
distinction à faire entre les notions d'Etat et de Nation. La
nationalité est conférée par un Etat et non par une
Nation.56 Une Nation est un groupement ethnique, religieux,
linguistique, économique, géographique, historique, qui se
caractérise par un vouloir-vivre collectif et qui ne coïncide pas
toujours avec un Etat au sens juridique.57 Elle évoque le
principe des nationalités en vertu duquel les peuples qui ont conscience
de former une Nation doivent constituer autant d'Etats
indépendants.58
La notion d'Etat se distingue donc de celle de Nation,
mais l'idéal à poursuivre est de réaliser la
coïncidence de l'Etat avec la Nation.59
L'Etat donne la nationalité, mais il faut qu'il
y ait quelqu'un qui la reçoit et il doit s'agir d'un
individu.
52 En ce sens, voy.
supra, p. 10
53 M. ISSAD, Droit
international privé, Les règles matérielles, O.P.U.,
Alger, 1983, p. 107
54 B. AUDIT, op.
cit., p. 744
55 M. ISSAD, op. cit., p.
107
56 Y. LOUSSOUARN et alii,
op. cit., p. 788
57 Ibid.
58 En ce sens, voy. M. ISSAD,
op. cit., p.108
59 En ce sens, voy. Y.
LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 788
14
2. L'individu bénéficiaire de la
nationalité
Quand bien même la doctrine admet que la
nationalité peut être octroyée aux personnes morales et aux
choses (navires, aéronefs ou bateaux de rivière),60 ce
sont des personnes physiques qui sont ici concernées.
Il ressort de la définition donnée dans
les précédents développements que la nationalité
est un lien unissant des individus et des Etats. La nationalité
étant liée à la personnalité juridique, et celle-ci
étant reconnue à chaque individu, toute personne physique est
appelée à jouir d'une nationalité.61 C'est ce
que confirme la DUDH du 10 décembre 1948 et d'autres conventions qui ont
été conclues ultérieurement. Et si « toute personne
physique peut acquérir une nationalité », ce principe
n'exclut pas que certaines personnes puissent avoir plusieurs
nationalités. En effet, le rattachement n'étant pas identique
dans tous les pays, une même personne peut se trouver liée
à plusieurs nationalités.62
Mais ce n'est pas là la seule cause de la
multiplicité de nationalités. Chaque Etat peut insérer
dans sa législation sur la nationalité une disposition permettant
à toute personne ayant déjà une nationalité d'en
acquérir une deuxième, dans les conditions
déterminées par la loi.
Cependant, le principe que tout individu doit avoir
une nationalité n'a pas toujours existé. Ainsi, dans l'ancien
droit romain, la nationalité n'était pas accordée aux
esclaves.63
Actuellement, il n'existe pas de personnes qui ne
peuvent pas avoir de nationalité, du moins théoriquement. Mais,
en fait, il existe des individus qui ne sont juridiquement et politiquement
rattachés à aucun Etat. Certains peuvent n'avoir reçu
aucune nationalité en raison des circonstances de leur naissance, ou
peuvent avoir perdu celle qu'ils avaient. Ce sont les apatrides proprement
dits.64
La nationalité est donnée par l'Etat
à un individu et entre une personne physique (l'individu) et une
personne morale (l'Etat) s'établit une relation dite lien juridico-
politique.
60 En ce sens, voy. Y.
LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 792
61 B. AUDIT, op.
cit., p. 745
62 M. ISSAD, op.
cit., p. 108
63 Y. LOUSSOUARN et alii,
op. cit., p. 792
64 B. AUDIT, op.
cit., p. 745
15
3. Le lien de nationalité entre l'individu et
l'Etat
Il faut rappeler que la nationalité est un lien
entre l'individu et l'Etat. Comme élément de la
nationalité, le lien de nationalité impose que soient
recherchés les critères dont s'inspire chaque Etat dans son
attribution et la nature juridique de ce lien.
S'agissant des critères suivant lesquels la
nationalité est attribuée, nous effleurons tour à tour et
distinctement les besoins de l'Etat (a), les aspirations individuelles (b) et
les nécessités internationales (c).
a. Besoins de l'Etat
La politique de l'Etat en matière de
nationalité, plus ou moins ouverte ou restrictive, est fonction de ses
caractéristiques territoriales, historiques et culturelles, de ses
ressources et de son environnement.65 La population de l'Etat est un
de ses éléments primordiaux66 en ce que, étant
nombreuse, elle « peut constituer un facteur de sécurité,
par le respect qu'elle impose, et de prospérité
économique, par le marché qu'elle représente
».67 Plus le besoin militaire, démographique, et
économique sera éprouvé par l'Etat, moins restrictives
seront les conditions d'attribution ou d'acquisition de la
nationalité.
A contrario, les conditions seront plus restrictives,
à mesure que ces besoins se feront beaucoup moins sentir.
Cependant, malgré ses besoins,
l'intérêt d'un Etat n'est pas de s'attacher comme nationaux des
personnes n'éprouvant pas à son égard un sentiment
d'appartenance, ni d'avoir une population trop hétérogène
et il pourrait se trouver en peine de faire respecter, le cas
échéant, un lien de nationalité ne reposant pas sur une
attache permanente (obligation militaire, particulièrement en cas de
conflit).68
65 B. AUDIT, op. cit.,
p. 748
66 Y. LOUSSOUARN et alii,
op. cit., p. 793
67 En ce sens, voy. B. AUDIT,
op. cit., p. 748
68 Ibid.
16
b. Aspirations individuelles
La solidité d'un Etat dépend, dans une
large mesure, de la volonté de ses nationaux de se considérer
comme tels.69 Cela exige que la nationalité des individus
soit « celle de l'Etat auquel ils se rattachent par les liens
sociologiques les plus étroits, et non imposée par un autre
».70 Il est logique d'ailleurs qu'on ne peut considérer
comme un national un individu qui ne veut pas l'être, de nationaliser les
gens par la force.71 Dans la mesure où la volonté des
individus n'est pas incompatible avec ses besoins, l'Etat doit en tenir
compte.72 La volonté individuelle des
bénéficiaires peut être exercée dans la mesure
où ceux-ci peuvent se voir offrir la possibilité de
répudier une nationalité ne correspondant pas, ou plus, à
un rattachement effectif.73
c. Nécessités internationales
En attribuant la nationalité, chaque Etat doit
garder à l'esprit qu'il n'est pas le seul sujet du droit international.
Il doit tenir compte de cet ensemble d'autres Etats dont il fait partie. Il
faut, en d'autres termes, tenir compte « de l'existence d'une
pluralité d'Etats et de nationalités ».74
L'intérêt de la communauté internationale est que les
individus n'aient qu'une nationalité, afin d'éviter les conflits
de nationalités.75
Pour atteindre cet objectif, il faut que « les
Etats n'attribuent leur nationalité qu'en fonction d'un lien social
effectif et prépondérant ; et (...) veillent à ne pas
maintenir ce lien juridique lorsqu'il a perdu son effectivité, par une
transmission
indéfinie par filiation nonobstant une
émigration avérée
(allégeance perpétuelle) ».76
69 Y. LOUSSOUARN et alii,
op. cit., p. 793
70 B. AUDIT, op. cit.,
p. 748
71 En ce sens, voy. Y.
LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 793
72 Idem, pp.
793-794
73 En ce sens, voy. B. AUDIT, op.
cit., p. 748
74 Y. LOUSSOUARN et alii,
op. cit., p. 794
75 B. AUDIT, op.
cit., p. 749
76 Ibid.
17
Cependant, exiger qu'un individu n'ait qu'une
nationalité serait « trop demander ».77 Si les cas
d'apatridie sont rares parce que les Etats n'omettent normalement pas
d'attribuer leur nationalité à des personnes présentant
avec eux un lien tel qu'il n'en existe de plus fort avec aucun autre, les cas
de double nationalité sont en revanche inéluctables.78
L'indépendance des Etats et leurs besoins internes ne leur permettent
pas de respecter scrupuleusement le principe qui veut que « chaque
individu ait une nationalité et n'en ait qu'une
».79
Précisons, néanmoins, que, comme la
nationalité a d'importantes implications internationales, le droit
international se permet de limiter la discrétion des Etats en la
matière, par exemple, à travers le mécanisme de la
reconnaissance et de l'opposabilité.80
Au cours de l'étude des éléments
de la nationalité, nous sommes revenus sur le fait que la
nationalité est un lien rattachant l'individu à l'Etat. Ce lien
est établi par une loi qui est de l'émanation de l'Etat,
maître de cette dernière et dont l'application, sur le plan
interne, lui incombe à travers ses organes.
L'étude des éléments de la
nationalité apparaît donc comme un préalable à celle
de sa nature juridique.
D. La nature juridique du lien de
nationalité
Le lien de nationalité est un lien légal
et non contractuel (1), un lien de droit public (2) et un lien de droit interne
(3).
1. Le lien de nationalité est un lien légal
et non contractuel
Au début du 19e siècle, une
doctrine abondante, notamment française, a soutenu que le lien de
nationalité était un contrat synallagmatique entre l'Etat et
l'individu.81 Cette thèse reposait sur la liberté des
parties et le libre choix de l'individu en matière de
nationalité.
77 Y. LOUSSOUARN et alii,
op. cit., p. 794
78 B. AUDIT, op.
cit., p. 749
79 Y. LOUSSOUARN et
alii, op. cit., p. 794
80 En ce sens, voy. R. KOLB,
Les cours généraux de droit international public de
l'académie de La Haye, éditions Bruyant, Bruxelles, 2003, p.
462
81 M. ISSAD, op.
cit., p. 114
18
Cependant, la théorie de
nationalité-contrat soutenue notamment par A. WEISS, selon laquelle
« c'est dans un contrat synallagmatique, intervenu entre l'Etat et chacun
des individus qui le composent, que se trouve le fondement juridique de la
nationalité »82 a été battue en
brèche. Même si l'individu manifeste sa volonté dans
l'acquisition ou la perte (en cas de renonciation) de sa nationalité, on
ne peut pas parler de contrat et la thèse de nationalité-contrat
ne peut pas être défendue.
L'octroi de la nationalité a pour fondement la
volonté unilatérale de l'Etat.83 Il s'agit là
d'une vérité qui est confirmée par les législations
internes des Etats. Ainsi, s'agissant du droit burundais, « La
qualité de Burundais s'acquiert, se conserve, et se perd dans les
conditions déterminées par la loi
».84
Cet article de la constitution de la République
du Burundi est l'expression du caractère légal du lien de
nationalité et ce dernier garde ce caractère alors même que
« son acquisition est subordonnée à la volonté de
l'intéressé ».85 Si les individus peuvent
réclamer une nationalité qui ne leur est accordée que sur
demande, la doctrine admet qu'il s'agit d' « une adhésion à
un statut de droit public, analogue dans une certaine mesure à la
demande d'emploi d'un fonctionnaire ».86 Il faut donc dire que
le lien de nationalité revêt un caractère public, en plus
de son caractère légal.
2. Le lien de nationalité est un lien de droit
public
Nous avons déjà souligné que
l'Etat dispose d'une compétence discrétionnaire dans la
détermination des conditions d'attribution, d'acquisition, de perte ou
de retrait de la nationalité . Ceci est un principe indiscutable et la
doctrine est du même avis. Le lien de nationalité est ainsi un
lien de droit public puisqu' « il est fixé
discrétionnairement par l'Etat en considération de ses besoins
propres ».87
82 A. WEISS cité par
P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 637
83 P. MAYER et V. HEUZE,
op. cit., p. 638
84 Art. 12, Loi n°1/010
du 18 mars 2005 portant promulgation de la constitution de la République
du Burundi, in B.O.B. n°3TER/2005
85 Y. LOUSSOUARN et alii,
op. cit., p. 794
86 Ibid.
87 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit.,
p. 795
19
La doctrine nous renseigne que, dans le passé,
certaines règles françaises ont été
édictées, pour des motifs d'ordre militaire.88 Il y a
lieu, en outre, d'ajouter que « Le droit de la nationalité
relève partiellement du droit administratif dans la mesure où la
naturalisation et la réintégration sont accordées par
décrets présidentiels ».89
Cette thèse publiciste a, cependant,
été combattue par les partisans de la thèse privatiste. On
a tout d'abord critiqué l'analyse publiciste en ce sens que le pouvoir
exécutif n'agirait pas en la matière de la même
manière que dans les autres ; il se bornerait à reconnaître
la qualité de français aux individus qui répondent aux
conditions posées par la loi ; de façon plus convaincante, on a
fait valoir que la nationalité est un des éléments de
l'état des personnes.90
Pour les défenseurs de la thèse
privatiste, l'Etat n'est ni objet, ni sujet, partie prenante au lien de
nationalité, mais seulement source de droit.91 On
relèvera d'ailleurs que le contentieux de la nationalité est
dévolu aux juridictions d'ordre judiciaire et que la preuve repose sur
la possession d'état, institution du droit civil.92 Et si la
thèse publiciste avance le fait que le droit de la nationalité
relève partiellement du droit administratif, la thèse antagoniste
dit que « le droit administratif et les juridictions administratives
n'interviennent que dans une mesure limitée, en matière
d'acquisition ou de déclaration de nationalité
».93
Loin de pouvoir mettre un terme à cette
controverse, une sorte de synthèse s'est dégagée. En tant
que lien entre l'Etat et l'individu, la nationalité appartient au droit
public et au droit privé.94 Au surplus, le droit de la
nationalité réalise un subtil alliage entre les règles
impératives et les règles volontaires tenant en compte ainsi des
intérêts de l'Etat et des souhaits des
particuliers.95
Pour H. BATIFFOL et P. LAGARDE, il serait plus juste
de dire que la nationalité constitue une législation autonome
entraînant des effets de droit public et des effets de droit
privé.96
88 En ce sens, voy. D.
HOLLEAUX et alii, op. cit., p. 26
89 Ibid.
90 Ibid.
91 En ce sens, voy. M.
ISSAD, op. cit., p. 116
92 Ibid.
93 Ibid.
94 En ce sens, voy. D. HOLLEAUX et alii,
op. cit., p. 27
95 Ibid.
96 H. BATIFFOL P. LAGARDE
cités par M. ISSAD, op. cit., p. 116
20
S'il est vrai que la nationalité entraîne
des effets de droit international, elle entraîne tout d'abord des effets
de droit interne ; d'où le droit de la nationalité doit faire
partie de l'arsenal juridique interne de chaque Etat.
3. Le lien de nationalité est un lien de droit
interne
Les nécessités internationales ne sont
prises en considération que dans la mesure où elles sont
compatibles avec les nécessités
internes.97
Considérée comme un lien de droit
interne, le lien de nationalité joue un rôle très important
en matière de compétence personnelle exercée par l'Etat
sur les personnes physiques. Ainsi sur le plan interne, la nationalité
permet en particulier la différenciation des nationaux d'avec les
étrangers. C'est en fonction de cette distinction que l'on peut
notamment opérer l'identification des normes s'appliquant aux premiers
mais pas aux seconds.98
Cependant, si le lien de nationalité est
à titre principal un lien de droit interne, ce caractère n'est
pas exclusif. Nous savons que la nationalité entraîne des effets
internationaux notamment en matière de protection diplomatique. En
outre, envisagée sur le plan international, la nationalité «
permet (...) à un Etat d'exercer (...) sa compétence sur certains
individus lorsqu'ils se trouvent sur un territoire étranger ou à
l'intérieur d'espaces internationalisés »,99
toujours dans le cadre de la compétence personnelle qui lui est
reconnue.
Nous pouvons donc nous permettre de dire que le lien
de nationalité est à titre secondaire un lien de droit
international. Nous rejoignons ainsi par là la position de P.-M. DUPUY
qui affirme que la nationalité des personnes physiques présente
à la fois un caractère interne et
international.100
La nationalité est, soit d'origine, soit
acquise, selon qu'elle est attribuée d'après les modes
prévus (jus soli et jus sanguinis) ou octroyée par d'autres modes
parmi lesquels se trouve la naturalisation.
97 Y. LOUSSOUARN et alii,
op. cit., p. 795
98 En ce sens, voy. P.-M.
DUPUY, Droit international public, 9e éd., Dalloz,
Paris, 2008, pp. 75-76
99 Idem, p.
76
100 Idem, p. 75
21
§2. La naturalisation
Aux termes de l'article 1er,
alinéa1er du code burundais de la nationalité, «
La naturalisation est l'acquisition volontaire de la nationalité
burundaise par un étranger qui ne l'a jamais possédée
auparavant ».
Contrairement aux autres modes d'attribution qui
confèrent la nationalité d'origine, la naturalisation est un mode
d'acquisition de la nationalité et l'intéressé ne peut se
voir octroyer cette dernière que s'il en formule la demande. Ceci
signifie que la naturalisation se trouve être une occasion
privilégiée où le candidat manifeste individuellement sa
volonté.
En outre, en matière de naturalisation,
l'administration dispose d'un important pouvoir discrétionnaire qui lui
permet de ne pas accorder la nationalité à un sujet remplissant
pourtant les conditions réglementaires, et quelquefois à
l'inverse d'en dispenser un candidat en fonction des nécessités
particulières.101
Il importe de souligner que la distinction entre la
grande naturalisation et la naturalisation ordinaire ou petite naturalisation
qui était faite par le droit belge a été
abandonnée. En effet, depuis l'abrogation en 1991 de l'alinéa 2
de l'ancien article 5 de la Constitution belge qui distinguait implicitement la
grande naturalisation de la naturalisation ordinaire, en précisant que
« seule la grande
naturalisation assimile l'étranger au Belge
pour l'exercice des droits politiques », le régime de la
naturalisation a été unifié : désormais, il n'y a
plus qu'une seule naturalisation qui a pour effet d'assimiler le
naturalisé au Belge du point de vue de l'exercice de tous les droits
sans exception.102
En droit burundais, on ne voit cette distinction ni
dans la législation sur la nationalité en vigueur, ni même
dans celle antérieure. Le droit burundais limite seulement les droits
politiques du naturalisé dans le temps. Ainsi, le code de la
nationalité prévoit, en son article 9, que « Les personnes
devenues burundaises par naturalisation ne jouissent des droits
d'éligibilité qu'après un délai de dix ans à
dater de la publication de l'acte de naturalisation au Bulletin Officiel
».
La naturalisation est évidemment un mode
d'acquisition de la nationalité ; mais il en existe d'autres dont
notamment l'option de nationalité.
101J. COMBACAU et S. SUR,
Droit international public, 8e éd., Montchrestien,
Paris, 2008, p. 329
102R. ERGEC, Introduction
au droit public, T. I, Le système institutionnel, 2e
éd., scientia, Bruxelles, 1994, p. 105
22
§3. L'option de nationalité
L'option de nationalité est une faculté
offerte par la loi à un individu de réclamer ou se faire
reconnaître une nationalité
déterminée.103 Le droit burundais prévoit deux
cas d'acquisition de la nationalité par option. Ainsi, aux termes de
l'article 5 du code burundais de la nationalité, « Peut
acquérir la nationalité burundaise par option : l'enfant
né de parents dont au moins un, par application des articles 2 et 3, est
burundais au moment de l'option ; en cas d'adoption plénière,
l'enfant adopté par une personne de nationalité burundaise,
à condition que l'intéressé réside au Burundi au
moment de la déclaration d'option ».
La déclaration d'option est faite devant le
Procureur de la République104 tandis que l'option est
agréée par ordonnance du Ministre de la
Justice.105
En droit belge, par contre, l'acquisition de la
nationalité par option résulte d'une décision du juge
judiciaire qui est appelé à agréer la déclaration
d'option faite par l'étranger.106
L'option de nationalité est un mode
d'acquisition de la nationalité, mais elle peut également
être à l'origine de la double nationalité si l'individu
à la faveur duquel cette faculté est ouverte avait
déjà une nationalité.
§4. La double nationalité
Aux termes de l'article 1er, alinéa
4 du code burundais de la nationalité, « La double
nationalité est la situation juridique d'un individu qui acquiert une
seconde nationalité en plus d'une nationalité d'origine
».
La lecture de cet article nous permet de conclure que
la double nationalité a été expressément
consacrée par le droit burundais. Cette situation juridique crée
des conflits de nationalités dits positifs , par opposition aux conflits
négatifs générés par le défaut de
nationalité ou l'apatridie.
103 G. CORNU, op. cit., p. 598
104 Art. 13, al. 1er, Loi n°1/013 du 18
juillet 2000 portant réforme du Code de la Nationalité, in
B.O.B. n°8bis/2000
105 Art. 16, loi précitée.
106 R. ERGEC, op. cit., p. 104
23
§5. L'apatridie
L'apatridie est la situation d'un individu qui, par
suite des conflits de législations nationales, ne peut revendiquer la
nationalité d'un Etat déterminé.107 Mais,
l'apatridie ne résulte pas des seuls conflits de législations,
une autre cause peut en être l'origine. Ainsi, le phénomène
d'apatridie est constitué par le fait que certains individus ont perdu
la nationalité d'un Etat sans acquérir celle d'un
autre.108 On distingue ainsi deux types d'apatridie : la
première est dite « institutionnelle », tandis que la seconde
est appelée « conjoncturelle ».109 Nous allons voir
que dans le but d'éviter pareille anomalie, le droit burundais a
prévu l'acquisition de la nationalité par présomption
légale.
§6. La présomption légale
La présomption est légale lorsque le
législateur tire lui-même d'un fait établi un autre fait
dont la preuve n'est pas apportée.110
La présomption légale se scinde en
présomption irréfragable et en présomption
réfragable.
En cas de présomption irréfragable, le
législateur impose de passer des faits connus aux faits inconnus de
manière, en principe, définitive.111
En cas de présomption simple, en revanche, il
est permis de démontrer que le fait que la loi présume n'existe
pas en l'espèce.112
Appliqué au droit burundais de la
nationalité, le principe de la présomption légale voudrait
que certaines circonstances de fait produisent certains effets en
matière du droit de la nationalité.
107 EN ce sens, voy. R. RANJEVA et C. CADOUX, op.
cit., p. 122
108 P.-M. DUPUY, op. cit., p. 77
109 En ce sens, voy. NGUYEN QUOC DINH et alii, Droit
international public, L.G.D.J., Paris, 1999, pp. 491492
110 S. GUINCHARD (dir .), Lexique des termes
juridiques, 16e éd., Dalloz, Paris, 2007, p.
385
111 P. DELNOY, Eléments de méthodologie
juridique, 1. Méthodologie de l'interprétation juridique, 2.
Méthodologie de l'application du droit, 2e éd.,
Larcier, Bruxelles, 2006, p. 240
112 Ibid.
24
Ainsi, le seul fait de naître sur le sol
burundais, d'être trouvé au Burundi ou d'avoir un père ou
une mère, si la filiation paternelle n'est pas établie, qui
acquiert ou recouvre la nationalité burundaise, permet à l'enfant
d'avoir la qualité de Burundais. C'est ce que prévoit l'article 3
du code burundais de la nationalité.
Mais, de ce que le litera b in fine dispose : «
sauf s'il est établi qu'il n'est pas né sur le sol burundais
», nous pouvons déduire que le législateur a prévu
l'admissibilité d'une preuve contraire et, dans ce cas, il y a lieu de
conclure qu'il s'agit d'une présomption réfragable.
Au regard du droit burundais, on peut avoir la
nationalité par présomption légale, mais aussi par
déclaration.
§7. La déclaration
La déclaration comme mode d'acquisition de la
nationalité est seulement ouverte à la femme. L'article 4,
alinéa 1er du code burundais de la nationalité
prévoit l'acquisition de la nationalité burundaise par
déclaration en faveur d'une femme étrangère qui
épouse un Burundais ou dont le mari acquiert cette qualité par
option. L'alinéa 2 de cet article subordonne la recevabilité de
la déclaration à la célébration d'un mariage valide
en disposant ainsi qu'il suit : « (...) l'acquisition de la
nationalité burundaise n'est attachée qu'à la
célébration d'un mariage valide ».
Par la déclaration, la femme
étrangère acquiert la nationalité par une manifestation
individuelle de sa volonté mais il existe d'autres modes qui permettent
à l'intéressé d'avoir une nationalité sans qu'il
ait pu manifester sa volonté. Parmi ces modes, on peut mentionner le
lien avec le territoire.
§8. Le droit du sol
Le système du droit du sol est basé sur
un fait ; la nationalité d'origine y est, en effet, fonction du lieu de
naissance de l'enfant, celui-ci se voyant attribuer la nationalité de
l'Etat sur le territoire duquel il naît.113 Le droit
burundais, en consacrant le principe de la présomption légale,
applique ce système. Les litera a et b de l'article 3 du code burundais
de la nationalité sont formels à ce sujet.
113 J. DE BURLET, op. cit., p. 22
25
Mais une précision s'impose pour le litera b.
Ce dernier attribue la nationalité burundaise à un enfant
trouvé au Burundi. Dans l'esprit de cette disposition, l'enfant
trouvé au Burundi est présumé avoir été
né au Burundi, sauf preuve contraire.
Le lien avec le territoire n'est pas le seul mode
d'attribution de la nationalité. Il y a, en outre, le lien de
filiation.
§9. Le droit du sang
Le droit du sang est un autre mode qui permet de
conférer la nationalité d'origine. Dans ce système, la
nationalité est transmise par filiation.114
En droit burundais, la nationalité par la
filiation est conférée à titre principal par le
père burundais, et à défaut du père, par la
mère burundaise. Ainsi, l'article 2 du code burundais de la
nationalité dispose de la manière suivante : « Est burundais
de naissance : l'enfant légitime né (...) d'un père ayant
la qualité de burundais (...), l'enfant naturel (...) qui fait l'objet
d'une reconnaissance volontaire, d'une légitimation ou d'une
reconnaissance judiciaire établissant sa filiation avec un père
burundais, l'enfant naturel (...) qui fait l'objet d'une reconnaissance
judiciaire établissant sa filiation avec une mère burundaise,
l'enfant désavoué par son père, pour autant qu'au moment
du désaveu sa mère possède la nationalité
burundaise ».
Il y a lieu de souligner que le droit burundais de la
nationalité, quant à la transmission de la nationalité des
parents à leurs enfants, est sujet à critique. En effet, il
consacre une inégalité entre l'homme et la femme car l'enfant ne
se voit transmettre la nationalité de sa mère qu'à
défaut d'établissement de la filiation paternelle.
Si les Etats prévoient dans leurs
législations internes des conditions d'attribution ou d'acquisition de
la nationalité, si les intéressés sentent la
nécessité d'avoir une nationalité et si, par ailleurs, le
droit international consacre le droit à la nationalité comme un
principe universel, c'est que cette dernière a ses fondements : les
institutions judiciaires et l'intéressé lui-même y trouvent
leur compte.
114 R. RANJEVA et C. CADOUX, op. cit., p.
121
26
Section 2. Fondements du droit de la
nationalité
La nationalité est indubitablement d'une
importance capitale et celle-ci se trouve être le fondement de son
acquisition. Elle entraîne, en effet, certains effets de droit
nécessaires à la plénitude de la personnalité
juridique (§1), elle permet de déterminer la loi applicable en cas
de conflit de lois (§2) ainsi que d'éviter l'apatridie
(§3).
§1. La nationalité : un des attributs de la
personnalité juridique
Outre le nom et le domicile, la nationalité est
un troisième attribut de la personnalité juridique. Toute
personne physique possédant la personnalité juridique a vocation
à avoir une nationalité quel que soit son âge ou sa
capacité juridique.115 La nationalité est un facteur
déterminant de la qualité de sujets de
droits.116
Pour L. LEAH, « La nationalité demeure
l'un des attributs nécessaires au bien-être matériel et
spirituel des individus. La nationalité confère une
identité ».117
Cette identité est, selon l'auteur, liée
à une implantation géographique qui implique le droit à la
protection des lois en vigueur sur le territoire relevant de la
compétence de l'Etat.118 L'auteur défend son argument
en plaçant la nationalité sur le plan matériel. Nous avons
déjà signalé que l'Etat a des responsabilités
touchant à la protection de ses ressortissants sur le territoire
d'autres Etats dans le cadre de la protection diplomatique.
Sur le plan de l'identité, la
nationalité donne à l'individu le sentiment d'appartenir à
une communauté et celui de sa propre valeur.119
Enfin, nous l'avons déjà
souligné, le PIDCP prévoit explicitement le droit pour chaque
enfant d'acquérir une nationalité.120
115 D. HOLLEAUX et alii, op. cit., p.
25
116 En ce sens, voy. H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op.
cit., p. 6
117 L. LEAH, Droits de l'homme, Questions et
Réponses, 2e éd., éditions U.N.E.S.C.O., Paris,
1997, p. 118
118 Ibid.
119 Ibid.
120 Voy. Supra, p. 9
27
S'il est donc convenu que la personnalité
juridique est l'aptitude à être titulaire de droits et
d'obligations, la nationalité est un élément important de
la personnalité sans lequel l'individu se voit refuser certains de ses
droits tandis que certaines obligations ne sauraient peser sur lui.
La nationalité est, bien entendu, un attribut
de la personnalité juridique mais elle est, en outre, un critère
de rattachement permettant de résoudre certains conflits de
lois.
§2. La nationalité : critère de
détermination de la loi applicable en cas de conflit de lois
Le conflit de lois est, par définition, le
« concours de deux ou plusieurs ordres juridiques émanant d'Etats
différents et susceptibles d'être appliqués à un
même fait juridique ».121 Le conflit de lois exige le
choix entre les lois de ces Etats celle qui sera appelée à
régir le rapport de droit considéré. Il faut donc trouver
un critère de rattachement permettant de déterminer, entre les
différentes lois susceptibles de s'appliquer, celle qui correspond le
mieux au cas en l'espèce.
La nationalité est ainsi souvent retenue comme
facteur de rattachement selon les cas.
C'est la solution défendue par A. WEISS
lorsqu'il note ce qui suit : « Si la loi est personnelle, sa puissance ne
connaît pas des limites géographiques : elle s'applique non pas
à tel lieu, à telle région déterminée ; elle
s'applique à des personnes, à raison de certaines qualités
qui leur sont propres, de certains traits qui leur sont inhérents et qui
les accompagnent dans leurs déplacements dans tous leurs séjours
à l'étranger ; elle doit donc les accompagner, elle aussi, elle
doit les régir toujours et partout ».122 Or, il faut
entendre par loi personnelle, la loi de la personne en cause,
déterminée à partir, soit de la nationalité (loi
nationale), soit du domicile (loi du domicile).123 Ici, le
critère de rattachement qui nous intéresse, c'est la
nationalité.
121 S. GUINCHARD (dir.), op. cit., p.
157
122 A. WEISS, Traité théorique et
pratique de droit international public, T. III. Les conflits de lois,
2e éd., L.S.R.G.L.A., Paris, 1912, p. 2
123 J. DERRUPPE, op. cit., p. 69
28
Précisons que la prise en considération
de la nationalité comme critère de
rattachement dans la résolution du conflit de
lois est préconisée par la méthode dite «
bilatérale ».124 La méthode est
bilatérale, car une catégorie juridique,
l'état
des personnes, est rattachée à une loi,
la loi du pays dont la personne est ressortissante, par le moyen d'un
critère de rattachement, la nationalité.125 Le
but
de cette méthode est, au fond, d'assurer
l'harmonie internationale des solutions.126
Ainsi, il y a lieu de distinguer les solutions selon
que l'on se place sur le plan soit personnel, soit réel.
A. Le statut personnel
La loi de la nationalité de
l'intéressé s'applique en ce qui concerne aussi bien le statut
individuel (1) que le statut familial (2).
1. Le statut individuel
a) Le nom est soumis à la loi
personnelle.127 Cependant, une précision s'impose pour cette
affirmation : la transmission du nom par filiation ou par mariage
paraît plutôt devoir être soumise
à la loi des effets de la filiation ou du
mariage.128
b) La capacité -donc l'incapacité- est
soumise à la loi nationale.129 En droit
burundais, l'état et la capacité de
l'étranger sont régis par la loi du pays dont il
relève.130
124 En ce sens, voy. F. MELIN, Droit international
privé, Droit des conflits de juridiction, Droit des conflits des
lois, Droit de la nationalité, Condition des étrangers en France,
3e éd., Gualino, Paris, 2008, p. 105
125 P. COURBE, op. cit., p. 33
126 F. MELIN, op. cit., p. 106
127 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p.
382
128 Idem, p. 382-383
129 D. GUTMANN, op. cit., p. 108
130 Art. 2 du CPF, in B.O.B.
n°6/93
29
2. Le statut familial
Les conditions de fond du mariage sont soumises
à la loi nationale de chaque époux.131
Le mariage est régi, quant à ses effets
sur la personne des époux, en l'absence de convention commune, par la
loi de la nationalité du mari au moment de la
célébration.132 Ici, le choix de la nationalité
comme critère de rattachement revêt un caractère
subsidiaire. On applique la loi de la nationalité du mari lorsque les
parties n'ont pas prévu leur propre convention.
Ailleurs, les effets du mariage sont régis par
la loi nationale des époux.133 Mais là encore une
précision s'impose. Si la loi nationale est considérée
comme une solution de principe, il est un cas qui exige une solution
subsidiaire. Ainsi, si les époux sont de nationalités
différentes, les effets du mariage sont régis par la loi de leur
domicile commun, s'ils n'ont ni nationalité, ni domicile commun, par la
loi du for.134
En outre, quant à ses effets sur la personne de
l'enfant, le mariage est régi par la loi de la nationalité du
père au moment de la naissance. C'est ce que prévoit le CPF
burundais, en son article 7 litera d.
Aux termes de l'article 8 du CPF, « Le divorce
d'étrangers ne peut être prononcé au Burundi qu'en vertu
des causes prévues par leur loi nationale, dans la mesure où
elles ne sont pas contraires à l'ordre public burundais ». Il
importe ici de faire remarquer que l'exception d'ordre public peut constituer
un obstacle à l'application de la loi nationale des époux
étrangers en cas de divorce.
B. Le statut réel
Aux termes de l'article 4, alinéa
1er du CPF, « Les actes de dernière volonté sont
(...) régis, quant à leurs substances et effets, par la loi
nationale du défunt ».
Le 2e alinéa de l'article
précité dispose que « (...) l'étranger faisant un
acte de dernière volonté au Burundi a la faculté de suivre
les formes prévues par sa loi nationale ».
131 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p.
117
132 Art. 7, lit. b du CPF, in B.O.B. n°6/93
133P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 117 134
Ibid.
30
Les actes sous seing privé peuvent être
passés dans les formes également admises par les lois nationales
de toutes les parties.135
L'acquisition de la nationalité procure un
avantage certain dans la mesure où elle permet de résoudre
certains conflits de lois, mais encore elle permet d'éviter la situation
d'apatridie.
§3. La nationalité : moyen d'éviter
l'apatridie
L'apatridie, telle qu'elle a été
définie, devrait être évitée, parce qu'elle
entraîne des effets néfastes au préjudice de
l'intéressé. C'est pourquoi certains moyens permettant de
l'éviter ont été prévus. Ainsi, la convention sur
la réduction des cas d'apatridie vise à faire obligation à
tout Etat d'assurer une nationalité à toute personne née
sur son territoire qui, dans le cas contraire, serait apatride, et à
empêcher un Etat de retirer la nationalité d'une personne dans le
cas où ce retrait en ferait un apatride.136
La lecture de la législation burundaise sur la
nationalité nous permet d'affirmer la volonté du
législateur de se conformer à l'exigence de la convention
susvisée. En ce sens, le droit burundais prévoit l'acquisition de
la nationalité par présomption légale. En outre, l'article
30 du code burundais de la nationalité subordonne la renonciation
à la qualité de Burundais à la possession d'une
nationalité étrangère.
Cependant, si la convention sur la réduction
des cas d'apatridie subordonne la perte de la nationalité à la
possession ou l'acquisition d'une autre nationalité, il faut
préciser que cette obligation se justifie uniquement en cas de
renonciation.
En revanche, il n'est guère possible de
soumettre à cette condition la déchéance à titre de
sanction. On ne saurait, en effet, exiger à l'Etat d'accorder une faveur
à celui dont le comportement l'incite à agir. C'est ainsi que,
selon l'article 33 du code burundais de la nationalité, toute personne
devenue Burundaise par déclaration, par option et par naturalisation, si
elle l'a acquise par dol, corruption d'un agent public ou par tout autre
procédé illégal, toute personne qui s'engage dans une
armée étrangère d'un Etat en guerre déclarée
contre le Burundi, peut être déchue de cette
qualité.
135 Art. 5 du CPF, in B.O.B.
n°6/93
136 L. LEAH, op. cit., p. 119
31
On se rend compte que le droit burundais n'exige pas,
avec raison bien sûr, la possession d'une autre nationalité avant
d'infliger la sanction de déchéance à
l'intéressé.
Si tous les Etats comprennent que chaque individu doit
avoir une nationalité, il est une situation, normale bien entendu,
à l'égard de laquelle les réactions des Etats
diffèrent : il s'agit de la double nationalité.
Section 3. Position de certains Etats à
l'égard de la double nationalité
Les Etats adoptent des positions différentes
à l'égard de la double nationalité, parmi lesquelles le
Burundi choisit la sienne.
§1. Vue globale
A l'égard de la double nationalité, les
Etats adoptent des positions suivantes :
Certains Etats interdisent expressément la
double nationalité et peuvent déchoir un double national de la
nationalité concernée. Ainsi, l'article 15 de la constitution
haïtienne précise que « La double nationalité
haïtienne et étrangère n'est admise dans aucun cas
».137
De même, l'article 10 de la constitution de la
République Démocratique du Congo prévoit que « La
nationalité congolaise est une et exclusive. Elle ne peut être
détenue concurremment avec aucune autre
».138
D'autres se contentent de ne pas reconnaître la
deuxième nationalité. Ainsi, la majorité des pays
autorisant la double nationalité ne la reconnaissent pas,
c'est-à-dire
'estàdire qu'ils considèrent
leurs citoyens comme possédant à un moment donné une seule
nationalité.139 C'est le cas notamment de la
France.140
Certains, en outre, ne l'interdisent que pour
l'exercice de certains mandats politiques ou fonctions publiques. En droit
australien, l'alinéa (i) de la section 44 de la constitution
précise que « toute personne qui est soumise à toute
reconnaissance d'allégeance, d'obéissance ou d'adhésion
à une puissance étrangère, ou est un sujet ou un citoyen
ou ayant droit aux droits ou privilèges
137 http : //
www.haiti-reference.com/histoire/constitutions/const-1987.htm
visité le 27/05/2010 à 11h 43min.
138 http : //
democratie.francophonie.org/IMG/pdf/constitution-de-la-RDC.pdf
visité le 04/01/2011 à 10h 32min.
139 http : //
fr.wikipedia.org.wiki/Double-nationalit%C3%A9
visité le 27/05/2010 à 11h 51min.
140 http: //
fr.wikipedia.org.wiki/Double-nationalit%C3%A9
visité le 27/05/2010 à 11h 51min.
32
d'un sujet ou d'un citoyen d'une puissance
étrangère (...) sera incapable d'être choisie ou de
siéger en tant que sénateur ou membre de la chambre des
représentants ». En d'autres termes, un double national ne peut
être candidat à des élections
fédérales.141
D'autres enfin reconnaissent purement et simplement la
double nationalité. En Espagne, la double nationalité est
explicitement reconnue par la constitution, dont l'article 11-3 énonce :
« L'Etat pourra conclure des traités de double nationalité
avec les pays ibéro-américains ou avec ceux qui ont maintenu ou
qui maintiennent des liens particuliers avec l'Espagne.
Les espagnols pourront se faire naturaliser sans
perdre leur nationalité d'origine, dans ces pays, même si ceux-ci
ne reconnaissent pas à leurs citoyens un droit réciproque
».142
De même, l'article 7, alinéa 3 de la
constitution rwandaise dispose que « la double nationalité est
permise ».143
§2. Le droit positif burundais
La loi n°1/013 du 18 juillet 2000 portant
réforme du code de la nationalité, après avoir
défini la double nationalité à l'article 1er ,
dispose, en son article 21, que « tout burundais, à qui la loi
attribue cette qualité à titre originaire, a droit d'avoir une
double nationalité ». Nous remarquons ainsi que la loi
précitée a marqué un pas très remarquable en
matière de nationalité par rapport à la loi du 10
août 1971 sur la nationalité. En effet, les articles 4, 6 et 9 de
l'ancienne loi subordonnaient l'acquisition de la nationalité burundaise
à la renonciation de la nationalité d'origine tandis que les
articles 14, 15 et 16 érigeaient l'acquisition de la nationalité
étrangère en une cause de perte de la nationalité
burundaise.
Depuis donc le 18 juillet 2000, date à laquelle
la loi susmentionnée a été modifiée par le D-L
n°1/013 qui lui a succédé, le Burundi reconnaît
expressément la double nationalité.
L'étude des notions générales sur
la nationalité, effectuée au cours de ce chapitre, nous a permis
de mettre en lumière le droit de la nationalité en
général
141 Droit de vote, ethnicité et nationalité
en Australie sur
fr.wikipedia.org/wiki/double-nationalit%C3%A9
visité le 27/05/2010 à 12h 08min.
142 http :
fr.wikipedia.org/wiki/constitution-espagnole-de-1978
visité le 04/01/2011 à 10h 48min.
143
http://www.la-constitution-en-afrique.org/article-22460032.html
visité le 04/01/2011 à 10h 40min.
33
et la double nationalité par ricochet,
étant entendu que cette dernière est une somme de deux
nationalités. En outre, nous avons pu montrer que l'acquisition de la
nationalité est justifiée pour plusieurs raisons et il en va
encore davantage de la double nationalité bien que des Etats adoptent
des positions différentes à son égard. Cependant, voulue
ou non, la double nationalité est et reste un phénomène
réel dont les facteurs sont diversifiés.
34
CHAPITRE II. LES FACTEURS JURIDIQUES DE LA DOUBLE
NATIONALITE
Le fait qu'un individu soit le national de deux Etats
ne constitue pas une impossibilité logique, et ne suppose aucun abus de
la part de l'un d'eux : on peut présenter avec un Etat certains liens
qui justifient l'inclusion dans sa population constitutive et avec un autre des
liens différents mais tout aussi solides, provoquant une réaction
identique.144 La double nationalité est donc un
phénomène réel et normal qui prend une allure de plus en
plus grande dans le monde contemporain. La double nationalité peut avoir
plusieurs facteurs juridiques différents. Ainsi, une personne peut se
voir attribuer la latitude de recouvrer son ancienne nationalité tout en
gardant la seconde nationalité acquise (section 1) ; elle peut aussi
acquérir une autre nationalité tout en conservant sa
nationalité d'origine (section 2). On peut, en outre, acquérir la
qualité de double national du père ou, à défaut
d'établissement de la filiation paternelle, de la mère (section
3) ; le statut de double national peut également se transmettre aussi
bien par le père que par la mère (section 4). Enfin, une autre
cause fréquente de binationalité réside dans le fait que
certains Etats connaissent l'attribution de la nationalité à
raison de la filiation tandis que d'autres préconisent une attribution
à raison de la naissance et que les deux systèmes peuvent
être appliqués simultanément (section 5).
Section 1. Le recouvrement de la nationalité
Il s'agit ici du recouvrement de la nationalité
d'origine effectué par l'intéressé qui l'avait perdue pour
certaines raisons (§1) et de celui effectué par l'enfant
adopté (§2).
§1. Le recouvrement de la nationalité
d'origine
Pour donner lieu à la situation de double
nationalité, le recouvrement de la nationalité d'origine suppose
que l'intéressé ait acquis une autre nationalité, qu'il
garde, à laquelle s'ajoute celle qu'il recouvre.
144 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p.
629
35
A. Condition préalable : une nationalité
acquise et gardée
Il se peut qu'une loi sur la nationalité
permette à une personne d'acquérir une nouvelle
nationalité en subordonnant cette acquisition à la perte de la
nationalité d'origine. Il s'agit, dans ce cas, d'une législation
caractéristique des Etats qui interdisent la double nationalité.
Il en était ainsi du D-L n°1/93 du 10 août 1971 portant code
de la nationalité burundaise.
D'un côté, le D-L ci-devant
évoqué n'a pas voulu violer le principe consacré par
l'article 15 de la DUDH qui prévoit que nul ne peut être
arbitrairement privé du droit de changer sa nationalité. D'un
autre côté, il s'est caractérisé par le refus
catégorique de la double nationalité. C'est dans ce sens qu'il
prévoyait la perte de la qualité de Murundi en cas d'acquisition
volontaire d'une nationalité
étrangère.145
La loi n°1/013 du 18 juillet 2000 portant
réforme du code de la nationalité permet à toute personne
d'acquérir la double nationalité et le recouvrement de la
nationalité d'origine en est une des causes.
B. Le recouvrement de la nationalité
Il résulte de l'article 22 du code burundais de
la nationalité que « Toute personne, ayant possédé la
nationalité burundaise à titre originaire et l'ayant perdue pour
avoir acquis une nationalité étrangère, peut redevenir
burundaise à condition d'en faire la demande et garder sa seconde
nationalité ». Il s'agit là d'une consécration
formelle de la double nationalité et l'article précité est
un article du chapitre III du code susmentionné, intitulé «
De la double nationalité ».
Tout comme l'acquisition de la nationalité, le
recouvrement de la nationalité exige qu'une certaine procédure
soit suivie.
145 Art. 15, lit. a, D-L n°1/93 du 10 août
1971 portant Code de la nationalité, in B.O.B.
n°9/71
36
1. La procédure en recouvrement
La loi burundaise sur la nationalité
prévoit la possibilité de recouvrer la nationalité
burundaise par simple déclaration pour toute personne l'ayant
possédée à titre originaire et l'ayant perdue, par
application de l'ancien code burundais de la nationalité, en raison de
l'acquisition volontaire d'une nationalité étrangère.
Selon l'article 39, la déclaration est souscrite devant le Ministre de
la Justice.
En droit français, on parle de
réintégration par déclaration.146 Les personnes
qui ont perdu leur nationalité française peuvent y être
réintégrées sur une simple déclaration de
volonté, dans deux cas où la perte de nationalité
résulte elle-même d'une déclaration : acquisition
volontaire d'une nationalité étrangère, mariage avec un
étranger .
Mais en plus de la déclaration, le droit
français subordonne la réintégration à une autre
condition : l'ancien Français doit avoir conservé ou acquis avec
la France des liens manifestes, notamment d'ordre culturel, professionnel,
économique ou familial.147
En droit burundais, pareille exigence n'est pas
prévue par la loi. Le droit burundais ne fait pas de la conservation des
liens d'attachement avec le Burundi une condition de recevabilité de la
demande en recouvrement de la nationalité. On présume ainsi le
danger que cet état de choses puisse engendrer : une personne qui
demande de recouvrer la nationalité burundaise, après un long
séjour à l'étranger, risque d'avoir perdu tout lien
d'attachement avec le Burundi.
Selon l'article 40 du code burundais de la
nationalité, le recouvrement de la nationalité burundaise donne
lieu au paiement d'un droit dont le montant est fixé par Ordonnance
conjointe du Ministre de la Justice et du Ministre des Finances. Il n'y a
qu'une catégorie de personnes qui sont dispensées du paiement de
ce droit : il s'agit des indigents.
Il convient de souligner que l'ordonnance qui
était prévue par le Code a vu le jour le 30 juillet 2001. Il
s'agit de l'OM n°550/540/523/2001 portant fixation des frais de recouvrement de
la nationalité burundaise.
146 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p.
670
147 Ibid.
37
Ainsi, aux termes de l'article 1er de cette
ordonnance, « Les frais relatifs au recouvrement de la nationalité
burundaise sont fixés à cinq mille Francs Burundais (5000fBu)
».
2. Publication de l'acte de recouvrement
L'acte de recouvrement doit être porté au
registre-répertoire des actes modificatifs ou déclaratifs de
nationalité et sa prise d'effet est subordonnée à sa
publication au Bulletin Officiel.148
La procédure en recouvrement de la
nationalité peut aussi être ouverte en faveur de l'enfant
adopté.
§2. Le recouvrement de la nationalité par
l'enfant adopté
Aux termes de l'article 1er, alinéa
1er de la loi n°1/004 du 30 avril 1999 portant modification des
dispositions du Code des personnes et de la famille relatives à la
filiation adoptive, l'adoption s'entend de la création par jugement d'un
lien de filiation entre deux personnes qui, sous le rapport du sang, sont
généralement étrangères l'une à
l'autre.
Sous l'empire de l'ancienne loi sur la
nationalité, l'enfant burundais adopté par une personne de
nationalité étrangère perdait ipso facto la
nationalité burundaise.
En revanche, avec la loi n°1/013 du 18 juillet
2000 portant réforme du code de la nationalité, le recouvrement
de la nationalité burundaise effectué par un enfant adopté
lui permet d'acquérir la qualité de double national à
condition de garder la nationalité étrangère de son auteur
adoptif. Il aura donc la nationalité qu'il avait perdue par suite de son
adoption par un étranger mais dont le recouvrement lui fait
réacquérir et la nationalité étrangère,
celle qu'il avait acquise à ce moment précis de l'adoption. C'est
ce qui ressort de l'article 23 du code burundais de la nationalité
lorsqu'il dispose que « L'enfant adopté peut, à sa
majorité, demander de recouvrer la nationalité burundaise sans
perdre celle de son auteur adoptif ».
Ainsi, l'expression « recouvrer la
nationalité burundaise sans perdre celle de son auteur adoptif »
signifie acquérir la double nationalité.
148 Art. 41, Cod. Nat., in B.O.B.
n°8bis/2000
38
Le recouvrement de la nationalité n'est pas la
seule cause de la double nationalité, il y a aussi l'acquisition de la
nationalité.
Section 2. L'acquisition de la nationalité
La nationalité d'origine étant
conservée par l'intéressé, l'acquisition d'une autre
nationalité permet à ce dernier d'avoir la qualité de
double national. On peut ainsi devenir double national par adoption (§1),
par naturalisation (§2) et par mariage (§3).
§1. L'acquisition de la nationalité par
adoption
La double nationalité étant
consacrée comme principe en droit burundais, il est fort normal et
logique que l'enfant étranger adopté par un Burundais ait la
double nationalité s'il garde sa nationalité
étrangère. En droit burundais, l'acquisition de la
nationalité par adoption est prévue par l'article 5 litera
b.
En vertu de cette disposition « peut
acquérir la nationalité burundaise : en cas d'adoption
plénière, l'enfant adopté par une personne de
nationalité burundaise, à condition que l'intéressé
réside au Burundi au moment de la déclaration d'option
».
La lecture de cette disposition nous amène
à faire l'observation suivante : seule l'adoption plénière
produit des effets en matière de nationalité. Or, la mention
d'une chose implique l'exclusion d'une autre. La conclusion suivante se
dégage : l'adoption simple ne permet pas, du moins en droit burundais,
d'acquérir la nationalité et, par conséquent, ne
confère pas la double nationalité.
Ailleurs, l'adoption simple confère la
nationalité. Mais, à la différence de l'adoption
plénière « l'adoption simple n'exerce de plein droit aucun
effet sur la nationalité ».149 Ainsi, par exemple, en
droit français, l'adoption plénière d'un enfant
étranger par un Français entraîne l'attribution de la
nationalité française d'origine.150
149 M. REVILLARD, Droit international privé et
communautaire : pratique notariale, 6e éd.,
Defrénois, Paris,
2006, p. 234
150 Idem, p. 24
39
En revanche, l'enfant qui a fait l'objet d'une
adoption simple par une personne de nationalité française peut,
jusqu'à sa majorité, déclarer qu'il réclame la
qualité de Français, pourvu qu'à l'époque de sa
déclaration il réside en France.151
Cependant, cette condition de résidence ne
s'impose pas dans tous les cas en droit français. L'obligation de
résidence est supprimée lorsque l'enfant a été
adopté par une personne de nationalité française n'ayant
pas sa résidence habituelle en France.152
Nous remarquons donc que le droit burundais exige la
résidence au Burundi en cas d'adoption plénière alors que
cette condition s'impose en cas d'adoption simple en droit
français.
La naturalisation est un autre mode d'acquisition de
la nationalité et peut être à l'origine de la double
nationalité.
§2. L'acquisition de la nationalité par
naturalisation
La double nationalité peut résulter
« de ce qu'une personne acquiert du fait (...) de sa naturalisation une
seconde nationalité sans que la législation de l'Etat d'origine
fasse de cet événement une cause de perte de sa propre
nationalité, ou que celle de l'Etat d'accueil subordonne sa faveur
à une renonciation à la nationalité d'origine
».153
Le droit burundais reconnaît la double
nationalité, comme le précise l'article 21 du code burundais de
la nationalité. En vertu de cet article, en effet, « Tout
burundais, à qui la loi attribue cette qualité à titre
originaire, a le droit d'avoir une double nationalité
».
En outre, le Code prévoit que toute personne
peut acquérir la nationalité burundaise par naturalisation
lorsque certaines conditions de fond et de forme sont
réunies.
151 En ce sens, voy., F. MELIN, op. cit., p.
221
152 M. REVILLARD, op. cit., p. 24
153 J. COMBACAU et S. SUR, op. cit., p.
333
40
A. Conditions de fond de recevabilité de la
requête en naturalisation
Les conditions de fond de la naturalisation sont
limitativement énumérées à l'article 7 du code
burundais de la nationalité et reprises à l'article 2 du
Décret n°100/15 du 14 octobre 2003 portant modalités pratiques
d'acquisition de la nationalité burundaise par naturalisation. La
lecture de ces deux dispositions nous permet de relever cinq conditions, dont
les trois premières peuvent être constatées objectivement,
tandis que les deux dernières supposent une appréciation
subjective de l'administration.
1. Condition d'âge
Au moment de la demande, l'intéressé
doit être âgé de vingt-et-un ans au moins, ou, s'il s'agit
d'un enfant dont la demande est introduite en même temps que celle de son
père ou de sa mère, de vingt ans au
plus.154
Pour cette condition d'âge, le droit burundais
prévoit deux cas possibles : le cas où la demande est
formulée à titre principal et où l'intéressé
doit avoir un âge minimum de vingt-et-un ans et celui où
l'intéressé introduit la demande accessoirement à celle de
son père ou de sa mère. Dans ce dernier cas, un âge maximum
de vingt ans est exigé.
En principe donc, ne peut acquérir la
nationalité burundaise par naturalisation, toute personne qui n'a pas
atteint l'âge de vingt-et-un ans, l'exception ne pouvant être
admise qu'en cas de demande d'un enfant introduite accessoirement à
celle de ses parents. Ici, l'âge se prouve par la production « des
extraits de l'acte de naissance (...) ou, à défaut, tous
documents en tenant lieu».155
154 Art. 7, lit. a, de la loi n°1/013 du 18 juillet 2000
portant réforme du Code de la nationalité, in B.O.B.
n°8bis/2000
155 Art. 4 du D. n°100/156 du 14 octobre 2003 portant
modalités pratiques d'acquisition de la nationalité burundaise
par naturalisation, in B.O.B. n°10/2003
41
2. Absence de condamnation
Le candidat à la naturalisation doit
être exempt de toute condamnation résultant d'un crime ou d'un
délit.156 Ici, la loi précise bien qu'il doit s'agir
d'un crime ou d'un délit qui constitue un obstacle à
l'acquisition de la nationalité par naturalisation.
Par conséquent, parmi les personnes ayant
déjà subi une condamnation, seules celles qui l'ont
été pour contravention peuvent acquérir la
nationalité burundaise par naturalisation.
Selon l'esprit de la loi sous analyse, « une
société a le droit de s'opposer à l'acquisition de la
nationalité par une personne ayant subi des condamnations attestant un
comportement gravement délictuel ».157
3. Condition de résidence permanente
L'intéressé doit avoir
résidé en permanence au Burundi pendant une durée d'au
moins dix ans.158 La résidence permanente au Burundi pendant
ce délai est une garantie sérieuse d'assimilation à la
communauté burundaise. Cette condition prévue par le droit
burundais est analogue à celle que le droit français qualifie de
condition de stage. En droit français, en effet, le code civil
subordonne la naturalisation à l'accomplissement d'un stage
antérieur, consistant en une résidence habituelle en France
pendant les cinq années qui précèdent le
dépôt de la demande.159
Le code civil français distingue ainsi la
condition de stage et la condition de résidence. Cette dernière
condition signifie, en droit français du moins, que le candidat à
la naturalisation doit résider en France au moment de la signature du
décret de naturalisation.160 Le droit burundais est muet
à ce propos ; il ne précise pas si l'intéressé doit
obligatoirement résider au Burundi, au moment de la signature du
décret de naturalisation.
156 Art. 2, lit. b, du D. n°100/156, in B.O.B.
n°10/2003
157 P. COURBE, op. cit., p. 240
158 Art. 2, lit. d, du D. n°100/156, in B.O.B.
n°10/2003
159 P. COURBE, op. cit., p. 240
160 Ibid.
42
Cependant, si, en principe, le délai de
résidence est fixé à un minimum de dix ans par le droit
burundais, ce dernier a prévu une exception en la matière. Le
délai de dix ans est réduit à cinq ans en faveur des
étrangers mariés à des burundaises ainsi qu'à des
étrangers qui ont rendu des services exceptionnels au
Burundi.161
4. Condition de moralité
Le requérant doit être de bonnes
conduite, vie et moeurs.162 Nul ne peut donc être
naturalisé, s'il n'est pas de bonnes conduite, vie et moeurs. Si la loi
exige le respect de cette condition, elle veut signifier que dans l'examen de
la recevabilité des demandes de naturalisation, il est tenu compte du
comportement social du postulant.163
A propos de cette condition de moralité, il se
pose la question de détermination de bonnes conduite, vie et moeurs.
Quel est, en effet, le contenu de ce qu'il convient d'appeler moralité ?
Dans la jurisprudence française, il a été jugé que
le candidat à la naturalisation, divorcé ou père de trois
enfants mineurs qui s'était soustrait à son obligation
alimentaire ne justifie pas de bonnes vie et moeurs.164 Le droit
burundais ne donne pas de précision à ce propos.
5. Condition d'attachement et d'assimilation
En vertu de l'article 7, litera c, « le
requérant doit justifier de son attachement à la nation
burundaise et de son assimilation aux citoyens burundais ». Mais ici se
pose la question de connaître les critères de justification de
cette condition. Le Décret n°100/156 du 14 octobre 2003 portant
modalités pratiques d'acquisition de la nationalité burundaise
par naturalisation, en son article 2, litera d y répond de la
manière suivante : « Peuvent notamment être
considérés comme critères de justification de
l'attachement à la nation burundaise et d'assimilation aux citoyens
burundais : la connaissance de la langue nationale, le Kirundi ; le fait
d'être domicilié au Burundi et d'y posséder des biens ;
l'exercice d'une activité professionnelle ».
161 Art. 2, lit. d, du D. n°100/156, in B.O.B.
n°10/2003
162 Art. 2, lit. b, D. n°100/156, in B.O.B.
n°10/2003
163 P. COURBE, op. cit., p. 240
164 Idem, pp. 240-241
43
Afin de pouvoir prouver que les conditions qui
viennent d'être énumérées sont réunies pour
permettre à l'intéressé de se voir conférer la
nationalité par le procédé de la naturalisation, certaines
pièces doivent être fournies et celles-ci font l'objet du point
concernant les conditions de forme et de procédure.
B. Les conditions de forme et de
procédure.
Après le dépôt de la requête
de l'intéressé (1) et l'enquête de l'administrateur
communal (2), le dossier est transmis au Ministre de la Justice (3) qui propose
à l'autorité compétente de prendre la décision de
naturalisation (4). Cette dernière, une fois prise, doit être
signifiée à l'intéressé (5) avant de faire objet de
l'enregistrement et de la publication (6).
1. Dépôt de la requête.
Toute requête en naturalisation portant la
signature de celui qui la forme165
« doit être adressée au Ministre de
la Justice sous couvert du Procureur de la République compétent.
Celui-ci en informe l'administrateur communal du lieu de résidence du
requérant ».166 En vertu de l'article 6 du Décret
n°100/156,
« Dès la réception de la
requête en naturalisation, le Procureur de la République
procède à son affichage par extrait afin de permettre à
toute personne qui aurait d'éventuelles objections à formuler de
les lui faire connaître. L'affichage dure au moins trois mois
».
Après l'affichage de la requête
effectué par le Procureur de la République, cette dernière
fait l'objet d'un second affichage, celui effectué par l'administrateur
communal.
En effet, en vertu de l'article 7, alinéa
1er du Décret « Dès la réception du
dossier, l'administrateur communal procède à l'affichage par
extrait de la requête en naturalisation. L'affichage dure au moins trois
mois ».
Il importe de préciser que la requête en
naturalisation doit être accompagnée des pièces
établissant que les conditions de sa recevabilité sont
réunies.
165 Art. 3 du D. n°100/156 du 14 octobre 2003
portant modalités pratiques d'acquisition de la nationalité par
naturalisation, in B.O.B. n°10/2003
166 Art.5 du D. n°100/156, in B.O.B.
n°10/2003
44
L'article 4 du Décret énumère les
pièces suivantes :
· un curriculum vitae du requérant :
celui-ci permet à l'autorité compétente d'avoir des
renseignements suffisants sur les services déjà rendus au Burundi
par l'intéressé.
· des extraits d'acte de naissance du
requérant et de ses enfants mineurs ou, à défaut, tous
documents en tenant lieu : ce document servira à la détermination
de l'âge du requérant.
· un certificat de nationalité du
requérant ou tout autre document prouvant sa nationalité
;
· une attestation délivrée par les
services d'immigration établissant la durée de séjour au
Burundi ; le cas échéant, ce document sera accompagné des
pièces établissant que l'intéressé peut
bénéficier de la réduction du délai prévue
par l'article 2, litera d du présent décret ;
· une attestation de bonnes conduite, vie et
maeurs ;
· un extrait du casier judiciaire, pour prouver
l'absence de condamnation pour crime ou délit ;
· tous documents prouvant l'attachement du
requérant au Burundi et son assimilation aux citoyens
burundais.
2. Enquête de l'administrateur communal
L'administrateur communal du lieu de résidence
du requérant, après avoir reçu et affiché la
requête en naturalisation, procède aux investigations. Il «
vérifie notamment si le requérant remplit les conditions
exigées par l'article 2 du présent décret
».167
Aux termes de l'article 7, alinéa 3 du code
burundais de la nationalité, « après clôture de
l'enquête dont la durée ne peut excéder six mois à
dater du jour de la réception du dossier, l'administrateur communal
transmet au Procureur de la République sous pli confidentiel les
résultats de l'enquête ».
167 Art. 7, al. 2 du décret n°100/156 du 14
octobre 2003, in B.O.B. n°10/2003
45
3. Transmission du dossier au Ministre de la
Justice
Le procureur de la République, après
s'être assuré que tous les éléments requis par la
loi et le présent décret ont été réunis,
transmet le dossier complet accompagné de son rapport au Ministre de la
Justice.168
4. Décision de l'autorité
compétente
La naturalisation est octroyée par
décret sur proposition du Ministre de la Justice. Il s'agit donc d'un
acte émanant du Président de la République. C'est par
là que nous admettons que la naturalisation est un mode d'acquisition de
la nationalité par décision de l'autorité
publique.
En droit belge, la naturalisation est accordée
par acte du pouvoir législatif conformément à l'article 9
de la constitution.169
Il importe de rappeler que même si elle est
recevable, la demande n'est pas toujours admise : l'opportunité de la
décision relève du pouvoir d'appréciation de
l'autorité compétente,170 ce qui signifie qu'elle peut
prendre une décision d'octroi ou de refus de la
nationalité.
Il convient, en outre, de préciser qu'une
commission consultative pour la naturalisation, chargée de donner des
avis en la matière, a été créée par
Ordonnance du Ministre de la Justice.171
5. Signification de la décision
La décision d'octroi ou de rejet de la
naturalisation est signifiée au requérant endéans deux ans
à dater de son enregistrement à l'office du Procureur de la
République compétent.172
168 Art. 8 du décret précité, in
B.O.B. n°10/2003
169 R. ERGEC, op. cit., pp. 104-105
170 Voy. Supra, p. 21
171 Art. 1er, O.M. n°550/1158 du 28 novembre
2006 portant nomination des membres de la commission consultative pour la
naturalisation, inédit.
172 Art. 15, al. 1er du D. n°100/156 du 14
octobre 2003, in B.O.B. n°10/2003
46
Lorsque la requête en naturalisation a
été rejetée, aucune autre requête ne peut être
introduite avant l'expiration d'un délai de trois ans à dater de
la signification de la décision de rejet par le Ministre de la Justice.
C'est ce qui ressort de l'article15, alinéa 2 du présent
décret.
6. Enregistrement et publication
En vertu de l'article 16 du Décret n°100/156 du
14 octobre 2003, le décret de la naturalisation est enregistré au
registre-répertoire des actes modificatifs ou déclaratifs de
nationalité et publié par extrait au Bulletin Officiel du Burundi
selon le modèle défini par Ordonnance du Ministre de la
Justice.
Aux termes de l'article 17 du Décret
précité, « Les frais d'enquête et de publication sont
déterminés par Ordonnance conjointe des Ministres des Finances et
de la Justice ». Ils sont fixés à cinquante mille francs
burundais, pour l'enquête et à dix mille francs burundais par
tranche de une à douze lignes, pour la
publication.173
La naturalisation permet à
l'intéressé d'avoir la qualité de double national par
elle-même, mais la double nationalité peut s'acquérir
également par le biais d'un acte juridique, le mariage.
§3. L'acquisition de la nationalité du
conjoint
D'une façon générale, l'un des
époux a la possibilité d'acquérir la nationalité de
son conjoint. Cependant, le droit burundais de la nationalité se
caractérise par sa particularité par rapport à la
règle générale.
A. Pratique générale
Pour comprendre comment l'un des époux se
trouve en situation de double nationalité, lorsqu'il acquiert la
nationalité de son conjoint, il faut partir de deux postulats de
départ selon lesquels il est difficile d'exiger que la
nationalité d'origine soit perdue,174 d'une part, et la
nécessité « de tenir compte (...) du désir des
époux d'avoir la même nationalité »,175
d'autre part.
173 Art. 1er, O.M. conjointe n°550/540/713 du
17 juin 2004 fixant les frais d'enquête et de publication,
inédit.
174 En ce sens, voy. B. AUDIT, op. cit., p.
753
175 Ibid.
47
Le mariage doit donc normalement ouvrir la
possibilité d'acquérir la nationalité du conjoint, soit
par naturalisation, soit par déclaration.176
Il faut, en outre, tenir compte du principe moderne
selon lequel le mariage avec un étranger (ou une
étrangère) ne doit pas produire d'effet automatique sur la
nationalité. Ce principe a été consacré par
diverses résolutions internationales, notamment la résolution
1040 (XI) dans laquelle fut ouverte à la signature et à la
ratification la convention sur la nationalité de la femme mariée
du 20 février 1957, par l'AGNU et par la convention des Nations Unies du
1er mars 1980 sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination à l'égard des femmes.
Ainsi, ces deux instruments juridiques internationaux
énoncent respectivement que « ni la célébration ni la
dissolution du mariage entre ressortissants étrangers, ni le changement
de nationalité du mari pendant le mariage, ne peuvent ipso facto avoir
d'effet sur la nationalité de la femme »177 et que
« les Etats parties (...) garantissent en particulier que ni le mariage
avec un étranger, ni le changement de nationalité du mari pendant
le mariage ne change automatiquement la nationalité de la femme (...) ni
ne l'oblige à prendre la nationalité du mari (...)
».178 Ces deux dispositions internationales ont ceci de commun
qu'elles refusent tout effet automatique du mariage sur la nationalité
de la femme.
L'opposition à une transmission automatique de
la nationalité par mariage explique donc que l'époux qui acquiert
la nationalité du conjoint trouve une occasion de manifester sa
volonté. Il le fera, soit par une demande en naturalisation, soit, comme
c'est le cas au Burundi, par déclaration et la nationalité du
conjoint ne lui sera octroyée que si certaines conditions se trouvent
réunies.
176 B. AUDIT, op. cit., p. 753
177 Art. 1er de la convention sur la
nationalité de la femme mariée, http : //
untreaty.un.org/French/TreatyEvent2001/14htm
visité le 27/05/2010 à 11h 22min.
178 Art. 9, alinea 1er de la convention sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination à
l'égard des femmes du 1er mars 1980,
http : //
www.un.org/womenwatch/daw/cedaw/text/convention.htm
visité le 27/05/2010 à 10h 47min.
179 Voy. Supra, p. 24
48
B. Particularité du Burundi
En droit burundais, la loi permet à une femme
étrangère qui épouse un Burundais ou dont le mari acquiert
cette qualité par option d'acquérir la nationalité
burundaise par déclaration.179
Il résulte de ce qui précède
qu'un étranger qui épouse une Burundaise ne peut pas
acquérir la nationalité burundaise. La loi consacre ainsi
l'inégalité entre l'homme et la femme pourtant condamnée
par la convention du 1er mars 1980.
En outre, la loi sous analyse est contraire à
la constitution. En effet, l'article 19, alinéa 1er de la
constitution de la République du Burundi dispose de la manière
suivante : « Les droits et les devoirs proclamés et garantis (...)
par (...) la convention sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination à l'égard des femmes font partie intégrante
de la constitution de la République du Burundi ».
Le 2ème alinéa de l'article
précité ajoute que « Ces droits fondamentaux ne font l'objet
d'aucune restriction ou dérogation, sauf dans certaines circonstances
justifiables par l'intérêt général ou la protection
d'un droit fondamental ».
Il résulte de ce qui précède que
l'article 4, alinéa 1er du code burundais de la
nationalité est inconstitutionnel en ce qu'il consacre une
discrimination à l'égard de la femme car aucune circonstance ne
justifie la restriction ou la dérogation en matière d'acquisition
de la nationalité.
1. Conditions de la déclaration
L'article 4, alinéa 2 du code burundais de la
nationalité soumet l'acquisition de la nationalité burundaise
à la célébration d'un mariage valide. Il découle de
cette affirmation que la nullité du mariage entraîne la perte de
la nationalité burundaise. Il y aura déchéance de la
nationalité burundaise car celle-ci aura été acquise par
dol. C'est dans ce sens que l'article 33 du code burundais de la
nationalité prévoit que « peut être déchue de
la nationalité toute personne devenue burundaise par application des
article 4, 5, ou 6, si elle l'a acquise par dol (...) ».
49
Cependant, en cas de nullité du mariage, la
sanction de déchéance n'est pas toujours infligée à
l'époux dont le mariage lui fait conférer la nationalité
de son conjoint. En droit français, la nullité du mariage ne rend
caduque l'acquisition de la nationalité française que si
l'intéressé l'avait contracté de mauvaise
foi.180 Si donc l'époux était de bonne foi, la
nullité du mariage n'a aucunement pour effet de lui retirer la
nationalité qu'il avait acquise par ce fait.
A propos de l'acquisition de la nationalité par
mariage évidemment, il convient de faire remarquer que, contrairement au
droit français, le droit burundais n'a pas aggravé les conditions
d'acquisition de la nationalité.
En droit français, pour éviter des
mariages de complaisance, les conditions d'acquisition de la nationalité
française par mariage sont régulièrement aggravées.
Le droit français institue un délai de communauté de
vie,181 délai en deçà duquel l'époux ne
peut pas acquérir la nationalité du conjoint par mariage. Ce
délai (qui était d'un an) est porté à deux ans si
le déclarant peut justifier, en outre, d'une résidence
ininterrompue en France pendant au moins un an à compter du mariage, et
à trois années s'il ne justifie pas d'une telle
résidence.182 Il n'y a rien de pareil en droit
burundais.
2. La procédure en déclaration
L'article 10 du code burundais de la
nationalité prévoit que « La femme étrangère
acquiert par mariage la nationalité de son conjoint burundais par simple
déclaration ». Cette déclaration reçue et
enregistrée par l'officier de l'état-civil est souscrite à
tout moment pendant ou après la célébration du mariage.
Nous venons de voir que le droit français assigne un délai
à cette déclaration.
Il convient, cependant, de souligner que si la
déclaration est nécessaire pour acquérir la
nationalité par mariage, elle n'est pas suffisante. L'article12 du
même code soumet la prise d'effet de la déclaration à son
enregistrement ; autrement dit, « cette déclaration prend effet de
plein droit à partir de son enregistrement » par l'officier de
l'état-civil.
180 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p.
658
181 En ce sens, voy. M. REVILLARD, op. cit., p.
35
182 Idem, p. 36
50
Les causes de la double nationalité que nous
venons d'effleurer sont des modes d'acquisition de la nationalité, mais
il n'est pas exclu que l'intéressé puisse acquérir la
double nationalité de sa mère ou de son père.
Section 3. L'acquisition de la double
nationalité par la mère ou par le père
Un enfant mineur peut, à défaut
d'établissement de la filiation paternelle, acquérir la double
nationalité de la mère. Par déduction, il se comprend bien
que le père ayant la qualité de double national peut, lui aussi,
la transmettre à ses enfants mineurs au cas où la filiation
paternelle à leur égard serait dûment
établie.
Ces deux derniers cas sont prévus par le code
burundais de la nationalité en son article 25. Selon le prescrit de cet
article, « est binational de plein droit l'enfant mineur lorsque son
père ou, si la filiation paternelle n'est pas établie, lorsque sa
mère acquiert une double nationalité».
Il va de soi que les deux cas produisent cet effet car
« l'acquisition d'une nationalité nouvelle par une personne doit
(...) entraîner le même effet à l'égard de ses
enfants mineurs (...), afin de ne pas provoquer une disparité de statuts
au sein de la famille ».183 Or, il est convenu que les enfants
ont, au départ, la nationalité de leurs parents, du moins s'il
s'agit d'une nationalité jure sanguinis à laquelle s'ajoute la
nationalité nouvellement acquise, celle-ci entraînant des effets
collectifs à l'égard de la famille.
L'individu peut non seulement se voir transmettre la
double nationalité de son père ou de sa mère, mais aussi
il peut avoir la double nationalité de ses parents, chacun lui
transmettant sa nationalité.
Section 4. La transmission par filiation maternelle et
paternelle (double droit du sang)
Si nous admettons l'équivalence de la
paternité et de la maternité, il est normal que l'enfant se voit
transmettre et la nationalité de sa mère et la nationalité
de son père. Il y aura ainsi transmission de la nationalité jure
sanguinis par la mère aussi bien que par le
père.184
183 B. AUDIT, op. cit., p. 752
184 Idem, p. 761
51
Sous peine d'en faire un apatride, on ne saurait
décider autrement que d'attribuer à l'enfant la
nationalité de chacun de ses parents.
Ainsi, un enfant issu des oeuvres d'un Burundais et
d'une Anglaise aura la double nationalité. En effet, en droit burundais,
l'enfant né d'un père ayant la qualité de Burundais est
Burundais de naissance ;185 la loi anglaise de 1981 décide
que l'enfant d'un citoyen186 britannique devient britannique par
filiation.187 L'enfant sera donc burundais si l'on considère
la nationalité burundaise de son père et anglais si l'on
considère la nationalité anglaise de sa mère.
Outre la transmission par filiation maternelle et
paternelle, l'application simultanée des modes d'attribution de la
nationalité d'origine peut aussi donner lieu à la double
nationalité.
Section 5. L'application simultanée des
critères du droit du sang et du droit du sol
La double nationalité peut résulter du
fait que le pays d'origine confère à une personne sa
nationalité en application du jus sanguinis, tandis que le pays
d'accueil applique le système du jus soli.188 Il s'agit d'une
situation fréquente car les Etats sont libres, rappelons-le, dans la
détermination des conditions d'attribution de la
nationalité.
Ainsi, un enfant né sur le territoire
britannique d'un parent ayant la nationalité burundaise est bipatride.
En application de la loi burundaise, l'enfant aura la nationalité
burundaise, mais en même temps, de ce que « tout enfant né au
Royaume-Uni de parents étrangers établis au Royaume-Uni au moment
de la naissance de l'enfant est britannique »,189 cet enfant a
des liens d'attache avec l'Etat britannique, du simple fait de sa naissance sur
le territoire de ce dernier. De ce fait, l'enfant aura la double
nationalité.
185 Voy. Supra, p. 25
186 La loi britannique ne distingue pas à cet
égard selon qu'il s'agit du père ou de la mère ; chacun
d'eux transmet la nationalité jure sanguinis.
187 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p.
789
188 D. GUTMANN, op. cit., p. 245
189 http : //
fr.wikipedia.org/wiki/jus-soli
visité le 27/05/2010 à 12h 16min.
52
Cependant, si l'application simultanée des deux
critères permet à l'intéressé d'avoir la double
nationalité, le droit français a institué la
faculté de répudiation permettant à la personne née
à l'étranger de renoncer à la nationalité
française qui lui avait été attribuée par filiation
« si un seul des parents est français » et cela, « dans
les six mois précédant sa majorité et (...) dans les douze
mois la suivant ».190 Dans ce dernier cas, l'enfant n'aura la
double nationalité que s'il renonce à sa faculté de
répudiation ou « si le parent étranger (...) acquiert la
nationalité française durant la minorité de l'enfant
».191
Selon les options politiques du moment, chacun des
Etats peut appliquer le système qu'il juge lui être utile.
Certains Etats peuvent d'ailleurs combiner les deux critères.
L'application de l'un et l'autre de ces systèmes est
justifiée.
§1. Application du droit du sang
L'adoption du droit du sang est toujours
justifiée pour un Etat car ce droit entraîne indéniablement
des avantages quand bien même des inconvénients n'en manquent
pas.
A. Justification du système
Selon le système du jus sanguinis, le lien de
filiation doit être considéré comme un critère
pertinent d'attribution de la nationalité à la personne :
l'enfant d'un ressortissant d'un Etat se verra ainsi reconnaître la
même nationalité que son parent.192 On parle de
nationalité transmise par filiation. Le critère de jus sanguinis
comme mode d'attribution de la nationalité d'origine est pertinent dans
la mesure où « le mode de vie et les valeurs de l'enfant sont
nécessairement influencés par ceux de son parent
».193 Aussi paraît-il judicieux de tenir compte de
l'origine de la personne pour l'intégrer à la population
juridiquement constitutive d'un Etat.194
190 E n ce sens, voy. M. REVILLARD, op. cit., p.
23
191 Ibid.
192 D. GUTMANN, op. cit., p. 242
193 Ibid.
194 Ibid.
53
Le caractère pertinent du système est
affirmé par d'autres auteurs. Ainsi, selon B. AUDIT, « Le facteur
premier de formation de la personnalité est le milieu familial.
L'individu y acquiert la langue dite « maternelle », les coutumes, la
religion, les premiers modes de pensée. La filiation constitue donc un
critère incontestable d'attribution d'une nationalité
».195
Le système du jus sanguinis est appliqué
par le droit burundais de la nationalité. Cependant, il convient de
faire remarquer que ce dernier opère une distinction en matière
de filiation.
Contrairement au droit français qui attribue la
nationalité française à l'enfant dont un seul des parents
est français « sans qu'il y ait lieu de distinguer selon qu'il
s'agit du père ou de la mère »,196 le droit
burundais, lui, consacre la primauté du jus sanguinis
paterni.
La filiation paternelle permet de reconnaître la
qualité de Burundais seulement à l'enfant légitime et
l'enfant naturel reconnu ou ayant fait l'objet d'une légitimation par le
père.197 Autrement dit, la transmission de la
nationalité par le sang est en principe réservée au
père.
La filiation maternelle revêt, quant à
elle, une importance subsidiaire. Elle vient ainsi au secours de l'enfant
naturel non reconnu par le père et de l'enfant désavoué
par son père ;198 en un mot, seuls les enfants
illégitimes ont la nationalité burundaise de leur mère,
mais à la seule condition que la filiation maternelle soit
établie la première.
Nous remarquons donc que l'enfant ne peut pas avoir la
nationalité par filiation maternelle dans les autres cas que ces deux
derniers. Par là, le législateur rompt le principe de
l'égalité de l'homme et de la femme, quant à la
transmission de la nationalité à leurs enfants, principe pourtant
consacré par la convention sur l'élimination de toutes les formes
de discrimination à l'égard des femmes à laquelle le
Burundi est partie.199
195 B. AUDIT, op. cit., p. 750
196 Idem, p. 775
197 Voy. Supra, p. 25
198 Voy. Supra, p. 25
199 En ce sens, voy. Art. 19 de la loi n°1/610 du 18 mars
2005 portant promulgation de la constitution de la République du
Burundi, in B.O.B. n°3TER/2005
54
Ce dernier point de vue nous permet d'affirmer que la
législation burundaise sur la nationalité se situe à une
époque où se trouvait la législation belge,
c'est-à-dire à la veille de l'entrée en vigueur du nouveau
code de la nationalité belge (loi du 28 juin 1984)200 car
cette législation « se distinguait par l'inégalité
qu'elle maintenait (...) entre l'homme et la femme
».201
Un pas reste donc à faire pour le Burundi dans
la mise en oeuvre de la convention susmentionnée, ce qui, par ailleurs,
lui permettra de se mettre en accord avec les principes internationaux et de se
conformer à l'article 19 de la constitution de la République du
Burundi.202
Cependant, malgré les critiques
élevées à son égard, le droit burundais de la
nationalité a le mérite d'attribuer la qualité de
Burundais sans distinguer selon qu'il s'agit d'un enfant légitime ou
naturel du moment que la filiation légitime ou naturelle est
dûment établie à l'égard du
père.203
Les Etats ont des raisons de choisir ce
système, même si à ses avantages s'ajoutent des
inconvénients.
B. Avantages et inconvénients du droit du
sang
Le lien de filiation a non seulement des avantages mais
aussi des inconvénients. 1. Les avantages
Le jus sanguinis fait coïncider habituellement la
nationalité avec la race ; l'individu se trouve par, conséquent,
soumis à la loi de la race, c'est-à-dire à des lois
adaptées, en principe, à son tempérament et au milieu
auquel il est appelé à vivre.204
En outre, le jus sanguinis répond à
« l'idée d'éducation familiale, créatrice de
pensées et de sentiments communs ».205
200 J. HANSENNE, Introduction au droit
privé, édition Kluwer, Bruxelles, 2000, p. 263
201 Idem, p. 264
202 Voy. Supra, p. 48
203 Voy. Supra, p. 25
204 J. DE BURLET, op. cit., p. 21
205 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p.
639
55
2. Les inconvénients
Au titre des inconvénients, dans la mesure
où une famille est amenée à vivre, à travailler et
à se développer en dehors de son pays d'origine, l'octroi aux
enfants de cette famille de la nationalité de leurs père et
mère risque de constituer un sérieux handicap pour ces
enfants.206 Il aura pour conséquence de faire de ces derniers
des étrangers par rapport au milieu local dans lequel ils seront
appelés à évoluer et de les soumettre à un statut
personnel qui risque de s'avérer inadapté à leur
mentalité.207
Un autre inconvénient s'ajoute à ce
premier. Il s'agit de celui relatif à la preuve de la nationalité
ainsi acquise : pour établir sa nationalité, l'individu doit
prouver celle de son auteur et ainsi de suite.208
Enfin, l'attribution de la nationalité jure
sanguinis se prête à une transmission indéfinie
malgré l'émigration définitive de l'ascendant dont on
tient cette nationalité.209
§2. Application du droit du sol
L'importance du lien avec le territoire justifie son
adoption. Ceci est d'autant plus vrai que le système comporte des
avantages à côté de ses inconvénients.
A. Justification du système
A côté du lien de filiation, le lien avec
le territoire est, lui aussi, un important mode d'attribution de la
nationalité d'origine. Ce système insiste, quant à lui,
sur la pertinence du lieu de naissance et/ou de résidence.210
L'importance du critère justifie qu'il soit pris en considération
par de nombreux systèmes. A ce propos, un certain auteur a
affirmé qu'« un individu né dans un pays et y vivant prendra
les moeurs, les habitudes, les façons de sentir et de penser des
habitants de ce pays, deviendra semblable à ceux-ci, s'agrégera
à leur groupe ».211
206 J. DE BURLET, op. cit., p. 21
207 Ibid.
208 En ce sens, voy. B. AUDIT, op. cit., p.
750
209 Ibid.
210 En ce sens, voy. D. GUTMANN, op. cit., pp.
242-243
211 MAURY cité par P. MAYER et V. HEUZE, op.
cit., p. 639
56
Ce système souligne donc la place essentielle
du milieu social (scolaire notamment) dans l'évolution
individuelle.212 Il favorise ainsi l'accès à la
nationalité de l'Etat d'accueil pour les enfants d'étrangers
nés ou résidant sur le territoire.213
Rappelons que le système du jus soli est
appliqué par le droit burundais. Mais contrairement au droit
français qui applique le double droit du sol, le droit burundais, lui,
applique le simple droit du sol. La naissance de l'enfant sur le sol burundais
suffit, le droit burundais n'exige pas qu'un de ses parents au moins y soit
lui-même né.
En droit français, la naissance en France n'est
à elle seule cause d'attribution de la nationalité
française que lorsqu'elle constitue le seul rattachement de l'enfant
à un Etat, et permet ainsi d'éviter
l'apatridie.214
Dans d'autres cas, c'est le double lien avec le
territoire français qui est pris en compte.
Ainsi, selon le double droit du sol et en application
de l'article 19-3 du code civil français, « est français
l'enfant, légitime ou naturel, né en France lorsqu'un de ses
parents au moins y est lui-même né ». Pour acquérir la
nationalité française, l'enfant doit donc naître en France
d'un parent étranger qui y est lui-même
né.215
Cependant, si le simple droit du sol n'est admis en
droit français que lorsqu'il permet d'éviter l'apatridie, nous ne
saurions passer sous silence le fait que, même en droit burundais, le
système a été institué dans l'intérêt
des enfants qui, à défaut de ce dernier, se trouveraient en
situation d'apatridie.
Comme le droit du sang, le droit du sol
présente quelques avantages même s'il ne manque pas
d'inconvénients.
212 En ce sens, voy. D. GUTMANN, op. cit., p.
243
213 Ibid.
214 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p.
648
215 J. BUBELLIN-DEVICHI (dir.), Droit de la
famille, Dalloz, Paris, 2001, p. 672
57
B. Avantages et inconvénients du
système
Le système du droit du sol comporte des avantages
et des inconvénients.
1. Avantages
Le jus soli est supérieur au jus sanguinis en
ce sens qu'il permet tout d'abord de rapporter aisément la preuve de la
nationalité d'origine par la production du certificat de naissance de
l'individu dont la nationalité est contestée ; le fait que les
parents soient inconnus ou apatrides demeure sans influence sur le contentieux
de la nationalité.216
Deux autres avantages s'ajoutent à ce premier.
L'un, d'ordre social, est celui qui a été déjà
évoqué dans les précédents développements :
le jus soli a le mérite d'éviter l'apatridie,217 car
le lien avec le territoire permet d'attribuer la nationalité à
une personne qui, à défaut de ce critère, deviendrait
apatride ; l'autre est d'ordre économique : le jus soli permet
d'intégrer dans la population des pays qui, vieillis ou trop neufs,
souffrent d'un manque de main d'oeuvre, les enfants des travailleurs
étrangers.218 Le critère du jus soli convient donc
particulièrement à des pays qui appellent
l'immigration.219
2. Inconvénients
S'agissant des inconvénients, toute application
rigide du jus soli risque de conduire à des conflits de
nationalités.220 Ceci est d'autant plus réel que,
comme nous l'avons déjà précisé, l'application
simultanée de ce critère avec celui du jus sanguinis aboutit
à la situation de double nationalité.
Il conviendrait que les Etats combinent le jus soli et
le jus sanguinis et ne confèrent la nationalité « jus soli
» qu'à des individus dont la naissance sur leur territoire n'est
pas le résultat d'un pur hasard et qui n'auraient avec le pays de leur
naissance aucune attache sérieuse.221
216 En ce sens, voy. J. DE BURLET, op. cit., p.
22
217 Voy. Supra, p. 56
218 En ce sens, voy. J. DE BURLET, op. cit., p.
23
219 En ce sens, voy. B. AUDIT, op. cit., p.
750
220 J. DE BURLET, op. cit., p. 23
221 Ibid.
58
Cependant, les Etats ne sont pas en mesure
d'éviter la situation de conflit de nationalités. Nous savons, en
effet, qu'il est un principe de liberté étatique en
matière de nationalité selon lequel les Etats sont libres dans la
fixation des conditions d'attribution ou d'acquisition de la
nationalité. Des solutions sont là qui permettent de faire face
aux conflits de nationalités hélas difficiles à
éviter.
Le système du jus soli présente un autre
inconvénient. Il risque de se fonder sur un fait qui peut être le
résultat de circonstances fortuites.222
Le parcours du deuxième chapitre nous permet de
conclure qu'il existe plusieurs causes de la double nationalité dont la
plupart sont prévues par le droit burundais de la nationalité :
il s'agit du lien de filiation appliqué simultanément avec le jus
soli, du mariage, de l'adoption, de la naturalisation, du double jus sanguinis,
du recouvrement de la nationalité, etc.
Il reste à préciser que quelle que soit
la cause de la double nationalité, le droit burundais prévoit que
« la qualité de double national sera obligatoirement
mentionnée dans le registre-répertoire des actes modificatifs ou
déclaratifs de nationalité ».223
En vertu de l'article 29, alinéa 2 du code
burundais de la nationalité, il sera, en outre, clairement
indiqué le nom de l'autre Etat dont le double national est
ressortissant.
Le registre susmentionné est ainsi un important
outil dans la détermination de l'effectif des personnes ayant acquis la
qualité de double national selon le droit burundais. Cependant, le
Ministère de la Justice ne nous a pas permis d'avoir accès audit
registre, ce qui nous a empêchés d'atteindre cet
objectif.
La double nationalité a des causes multiples
mais encore elle entraîne beaucoup d'inconvénients quand bien
même elle ne manque pas d'avantages. Elle entraîne ainsi des
conflits de nationalités dits positifs, par opposition aux conflits
négatifs et tous ceux-là seront analysés, en même
temps que leurs solutions, au cours du troisième chapitre.
222 J. HANSENNE, op. cit., p. 262
223 Art. 29, al. 1er, Cod. Nat., in B.O.B.
n°8bis/2000
59
CHAPITRE. III. PROBLEMATIQUE DE LA DOUBLE NATIONALITE ET
SOLUTIONS AUX CONFLITS DE NATIONALITES
Le cumul de nationalités ne doit pas être
considéré comme une situation anormale.224 Il s'agit
d'une situation fréquente et inévitable parce que, comme nous
l'avons souligné, les Etats gardent leur pleine liberté dans la
détermination des conditions d'attribution ou d'acquisition de leurs
différentes nationalités. Le caractère normal du cumul de
nationalités, et plus précisément de la double
nationalité, a été perçu par beaucoup d'Etats dans
le monde au point que certains en sont venus à consacrer la situation
comme un principe reconnu dans leurs législations internes respectives
en matière de nationalité.
La binationalité devient donc une
réalité et il ne saurait en être autrement car elle
comporte des avantages au bénéfice du double national (section
1).
Cependant, la double nationalité ne comporte
pas que des avantages, elle entraîne, en outre, des inconvénients,
des conflits dits positifs (section 2) auxquels il importe de remédier
par des solutions prévues par les différentes dispositions
juridiques tant internes qu'internationales (section 3).
A l'antipode des conflits positifs
générés par la double nationalité se trouvent des
conflits dits négatifs, rares, qui sont liés à la
situation d'apatridie. Ces derniers conflits seront étudiés
accessoirement aux conflits positifs qui constituent le thème central de
ce chapitre.
Section 1. Avantages de la double
nationalité
La double nationalité permet à
l'intéressé de cumuler les droits et les protections
diplomatiques (§1), de bénéficier des effets des
traités (§2) et d'avoir droit à un double passeport
(§3).
224 J. COMBACAU et S. SUR, op. cit., p.
333
60
§1. Le cumul des droits et des protections
diplomatiques
La double nationalité entraîne
indéniablement des avantages, en ce sens que le double national voit ses
droits et protections diplomatiques cumulés.
A. Le cumul des droits
La double nationalité n'est
généralement pas préjudiciable aux intérêts
des individus concernés. Ceux-ci peuvent, en effet, exercer les droits
reconnus par les deux Etats en cause à leurs nationaux.225 Le
double national se trouve donc dans une situation privilégiée par
rapport à un simple national. Ceci se comprend aisément. S'il est
convenu que la nationalité permet à l'intéressé de
jouir des droits à l'égard de l'Etat dont il est le national, il
est a fortiori compréhensible que « ses droits sont accrus puisque
dans chaque pays il a le statut d'un national ».226
Il s'en suit donc que le double national se trouve
dans une situation réconfortante dans tous les cas. S'il arrive qu'un
droit ne soit pas prévu par la législation de l'un des deux Etats
dont il a la nationalité, il en bénéficiera dans l'autre ;
de nombreuses facilités lui sont ainsi offertes comparativement à
un simple national.
Ainsi, le double national a le libre accès aux
emplois publics dans les deux pays dont il a la nationalité.
De même, la double nationalité offre des
avantages en matière des protections diplomatiques en ce sens que
celles-ci sont cumulées.
B. Le cumul des protections diplomatiques
Par définition, la protection diplomatique est
l' « action par laquelle un Etat décide d'endosser, de prendre
à son compte la réclamation d'un de ses nationaux contre un autre
Etat et de porter par là le litige sur le plan international par voie
diplomatique ou juridictionnelle ».227
225 F. MELIN, op. cit., p. 214
226 J. DERRUPPE, op. cit., p. 16
227 G. CORNU (dir.), op. cit., p.
688
61
Tout individu soumis à l'allégeance de
deux Etats est susceptible de pouvoir bénéficier de la protection
diplomatique exercée par ces derniers. Cela est d'autant plus logique
qu'« un individu possédant deux ou plusieurs nationalités
pourra être considéré par chacun des Etats dont il a la
nationalité comme son ressortissant ».228
Ainsi, le droit burundais de la nationalité, en
prévoyant qu' « à l'étranger, le citoyen burundais
bénéficiant d'une double nationalité a droit à la
protection diplomatique et aux services consulaires »229
s'inscrit dans la perspective de la disposition de la convention de La Haye du
12 avril 1930 concernant certaines questions relatives aux conflits de lois sur
la nationalité qui accorde à chacun des Etats dont
l'intéressé a la nationalité la compétence de le
défendre.
Le cumul de nationalités se traduit donc pour
l'intéressé par un certain nombre de facilités en ce sens
qu'il pourra théoriquement invoquer la protection diplomatique
liée à chacune d'elles ; selon l'Etat tiers à l'encontre
duquel il est appelé à faire jouer cette protection, l'une peut
être plus efficace que l'autre.230
En matière de protection diplomatique, «
la responsabilité internationale d'un Etat ne peut être
engagée que si l'Etat national de l'individu lésé prend
fait et cause pour lui ».231 En d'autres termes, l'Etat donneur
de nationalité endosse, prend à sa charge la réclamation
de l'individu lésé par un fait internationalement illicite commis
à l'étranger.
La protection diplomatique, telle qu'elle a
été définie, se distingue de la protection fonctionnelle.
Tandis que la première est accordée par l'Etat à ses
nationaux ou à certaines catégories d'autres individus, la
seconde est exercée par une organisation internationale au profit de ses
fonctionnaires.232
En outre, la notion ne doit pas être confondue
avec la protection dont jouissent les agents diplomatiques grâce aux
immunités diplomatiques.233
228 Art. 3 de la convention de La Haye du 12 avril 1930
sur certaines questions relatives aux conflits de lois sur la
nationalité.
229 Art. 27 du Cod. Nat., in B.O.B.
n°8bis/2000
230 En ce sens, voy. B. AUDIT, op. cit., p.
761
231 M. DEYRA, Droit international public,
Gualino éditeur, Paris, 2007, p. 166
232 L. CAVARE, Droit international public positif,
T. I, Notion de droit international public, structure de la
société internationale, 3e éd., éditions
A. PEDONE, Paris, 1973, p. 295
233 En ce sens, voy. D. RUZIE, Droit international
public, 19e éd., Dalloz, Paris, 2008, p. 72
62
L'endossement de la réclamation de l'individu
fait dans le cadre de la protection diplomatique tire son fondement dans le
lien qui existe entre l'Etat et l'individu (1) ; il entraîne en outre
certaines conséquences (2) tandis que sa recevabilité est
subordonnée à certaines conditions (3).
1. Fondement de la protection diplomatique
La protection diplomatique vient de l'idée que
le ressortissant fait partie du portefeuille de l'Etat, lui appartient, et si
on lui cause préjudice, c'est l'Etat lui-même qui est
préjudicié.234 Les propos d'E. de Vattel, lorsqu'il
note que « quiconque, traite mal un citoyen porte indirectement
préjudice à l'Etat qui doit protéger ce citoyen
»235 sont très expressifs. Cette idée se comprend
aisément car les nationaux d'un Etat constituent son « patrimoine
humain »236 et il est logique que celui-ci doit être
protégé où qu'il se trouve. La doctrine affirme
elle-même que « la population de l'Etat est un de ses
éléments primordiaux ».237
Il résulte de ce qui précède que
lorsque l'Etat prend fait et cause pour son national, celui-ci n'exerce pas un
droit reconnu à la personne protégée.
Ce fondement de l'endossement fait que ce dernier
emporte certaines conséquences sur le plan international.
2. Conséquences de la protection
diplomatique
Une fois l'endossement de la réclamation
accepté par l'Etat, il entraîne d'importantes
conséquences.
Ainsi, dès que l'affaire est portée sur
le plan international, la réclamation s'internationalise. En d'autres
termes, ce qui est en cause maintenant, ce n'est plus une question relevant du
droit interne de l'Etat contre lequel l'action est menée, mais une
question de droit international, celle-là même que
l'étranger n'a pas pu faire trancher avec succès par les
autorités nationales de l'Etat.238 A partir du moment
où l'Etat saisit, en protection de son national, une instance judiciaire
internationale, l'affaire prend une ampleur internationale.
234 En ce sens, voy. E. KAGISYE, Cours de droit des
affaires, inédit, 2e licence, Droit, Bujumbura, U.L.T.,
2008-2009, p. 100
235 E. de Vattel cité par E. CANAL-FORGUES et P.
RAMBAUD, Droit international public, éditons Flammarion, Paris,
2007, p. 450
236 M. DEYRA, op. cit., p. 87
237 Voy. Supra, p. 15
238 En ce sens, voy. J. COMBACAU et S. SUR, op.
cit., p. 534
63
En outre, le principe que la protection diplomatique
suppose l'endossement de la réclamation de la personne
lésée par l'Etat entraîne une conséquence importante
: « changement du statut de la réclamation (...) en ce que, par la
voie de l'endossement, elle devient interétatique, c'est-à-dire
met face à face l'Etat auquel le dommage est imputé et l'Etat
protecteur qui se substitue purement et simplement au particulier
».239 Le particulier s'éclipse donc complètement
devant l'intervention de l'Etat qui se substitue à lui dans sa
réclamation.
L'endossement de la réclamation fait par l'Etat
n'est recevable que si plusieurs conditions sont remplies.
3. Conditions de recevabilité de la protection
diplomatique
Pour que l'endossement de la réclamation puisse
avoir lieu, le réclamant doit justifier d'un rattachement avec l'Etat
protecteur (a), adopter une attitude correcte (b) et épuiser les voies
de recours internes (c).
a. La nationalité de la victime
Un Etat ne peut exercer sa protection diplomatique
qu'au profit de ses nationaux, c'est-à-dire des personnes physiques qui
lui sont rattachées par un lien de nationalité.240 La
conséquence de cette règle est importante. Il n'y a pas de
protection diplomatique dont puissent bénéficier les personnes
sans nationalités (apatrides),241 sauf disposition contraire.
La jurisprudence internationale est constante sur ce point et s'exprime de
façon catégorique : « En l'absence d'accords particuliers,
seul le lien de nationalité donne à l'Etat le droit de protection
diplomatique ».242
Signalons à toutes fins utiles que l'Etat n'est
pas obligé d'intervenir, dans tous les cas, même pour ses
nationaux. La doctrine nous renseigne que la décision d'exercer la
protection diplomatique pour le compte d'un national est en
général discrétionnaire et un gouvernement s'abstiendra
normalement de le faire pour une personne qui possède sa
nationalité alors que ce lien apparaît dans son cas
formel.243
239 J. COMBACAU et S. SUR, op. cit., p.
535
240 NGUYEN QUOC DINH et alii, op. cit., p.
772
241 J. VERHOEVEN, Droit international public,
Larcier, Bruxelles, 2000, p. 636
242 NGUYEN QUOC DINH et alii, op. cit., pp.
772-773
243 B. AUDIT, op. cit., p. 763
64
Cependant, si l'Etat peut s'abstenir d'assurer la
protection internationale de son national, la jurisprudence admet que « Le
national ne saurait renoncer à l'exercice de cette protection
».244 Il s'agit de l'interdiction de la clause Calvo, du nom de
son inventeur, homme d'Etat et jurisconsulte argentin, qui vécut de 1824
à 1906,245 selon laquelle « Les contrats conclus entre
certains Etats du centre et du sud de l'Amérique et des étrangers
ne peuvent être appréciés que par les juridictions internes
».246
b. La conduite du réclamant
Il s'agit de la théorie des « clean hands
» qui implique que la victime ne puisse se voir reprocher une conduite
incorrecte comme une action contraire au droit interne ou international, ou une
imprudence.247
Par conséquent, l'individu qui affiche une
attitude incorrecte dans un pays d'accueil perd tout droit à la
protection diplomatique. L'étranger résidant dans un pays est
tenu à une certaine attitude faite de discrétion, de
loyauté envers l'Etat sur le territoire duquel il se
trouve.248 S'il se méconduit, il mérite une sanction
de la part de l'Etat de sa résidence, et il serait inconcevable, voire
illogique qu'il puisse se prévaloir de la protection diplomatique du
moment que le traitement par lui subi a été dicté par son
comportement fautif.
c. L'épuisement préalable des voies de
recours internes
La protection diplomatique ne peut intervenir qu'en
l'absence de voies de recours internes ou si celles-ci ont été
épuisées.249 Cette règle a pour but de ne pas
privilégier d'emblée le ressortissant étranger par rapport
aux citoyens d'un
Etat.250
244 L. CAVARE, T. I, op. cit., p.
292
245 L. DELBEZ, Les principes
généraux du droit international public, Droit de la paix, droit
préventif de la guerre, droit de la guerre, 3e éd., L.G.D.J.,
Paris, 1964, p. 373
246 L. CAVARE, Droit international public positif,
T. II, Les modalités des relations juridiques internationales, Les
compétences respectives des Etats, 3e éd.,
éditions A. PEDONE, Paris, 1973, p. 442
247 M. DEYRA, op. cit., p. 166
248 L. CAVARE, T. I, op. cit., p.
287
249 M. DEYRA, op. cit., p. 167
250 R. KOLB, op. cit., p. 463
65
Il importe de faire remarquer que la règle de
l'épuisement préalable des voies de recours internes ne joue pas
si l'individu ne s'est pas soumis à l'ordre juridique étranger,
par exemple s'il subit des dommages par l'action d'un Etat tiers sur le
territoire de l'Etat dont il est ressortissant.251
Comme avantage de la double nationalité, outre
les protections diplomatiques exercées par les Etats dont il a la
nationalité, l'individu tire aussi profit des traités
ratifiés par ceux-là.
§2. Le bénéfice des effets des
traités
La double nationalité procure un avantage
indéniable à l'intéressé en matière de
traités. En effet, ce dernier « peut, toujours dans un Etat tiers,
prétendre bénéficier des traités les plus
favorables passés avec cet Etat par chacun de ceux dont il tient la
nationalité ».252 Ainsi, par exemple, si une personne X
a la nationalité des Etats A et B et que ces derniers ont conclu,
chacun, des conventions avec l'Etat C, celui-ci ne peut pas invoquer le fait
que l'intéressé bénéficie du traité conclu
avec l'Etat A, pour lui refuser l'avantage qu'il pourrait tirer du
traité passé avec l'Etat B.
L'avantage que le double national tire de sa
qualité en matière de traités est certain en ce sens que,
dans ce domaine même, l'application du principe d'effectivité de
la nationalité, comme solution au conflit de nationalités, est
écartée. En matière de traités, dans
l'hypothèse où l'intérêt du conflit de
nationalités est l'application d'un traité conclu par l'Etat du
for avec l'un des deux Etats dont l'intéressé a la
nationalité, le respect par l'Etat du for de la souveraineté de
l'Etat contractant devrait l'obliger à appliquer le traité
à tous les individus que cet Etat reconnaît comme ses nationaux
même s'ils possèdent « plus effectivement » la
nationalité d'un Etat tiers.253
Non seulement la double nationalité permet
à l'intéressé de jouir des avantages sur le plan de
l'application des traités à son égard, mais aussi la
situation rend sa liberté d'aller et de venir de plus en plus
accrue.
251 NGUYEN QUOC DINH et alii, op. cit., p.
740
252 En ce sens, voy. B. AUDIT, op. cit., p.
761
253 H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit., p.
84
66
§3. Le droit à un double
passeport
La double nationalité procure un autre avantage
de taille sur le plan de la mobilité internationale. La circulation
internationale de l'intéressé se trouve facilitée par la
possibilité d'obtenir plusieurs passeports.254 Cette
idée se comprend aisément car chacun des Etats à
l'allégeance desquels l'individu est soumis lui délivre un
passeport.
Si la constitution burundaise prévoit que
« Tous les citoyens burundais ont le droit de circuler et de
s'établir n'importe où sur le territoire national, ainsi que de
le quitter et d'y revenir »,255 il va de soi que
l'intéressé se voit reconnaître cette liberté
à l'égard du Burundi, mais aussi à l'égard d'un
autre Etat dont il est également citoyen et dont la législation
fondamentale interne prévoit sans doute une disposition similaire. Le
double national navigue ainsi sans problème entre son pays d'origine et
son pays d'accueil et, pour reprendre les propos de Hichem, cette
qualité lui « permet d'être un citoyen du monde
».256
Nous pouvons donc simplement dire que la double
nationalité permet à l'intéressé de quitter chez
lui pour aller chez lui : lorsqu'il quitte, par exemple, le Burundi pour aller
au Royaume-Uni dont il est également le national, il va chez lui et
lorsqu'il quitte ce dernier pays pour revenir au Burundi, il revient chez
lui.
Ainsi, une personne ayant la double
nationalité, par exemple burundaise et suisse a un avantage certain au
point de vue de la libre circulation. Etant au Burundi, elle voyage facilement
dans la région, notamment en Ouganda et au Rwanda tandis que,
étant en Suisse, elle peut circuler facilement dans toute
l'Europe.
Il est incontestablement admis que la double
nationalité offre beaucoup de facilités au regard des avantages
précédemment relevés. Cependant, des inconvénients
sont là qui requièrent des remèdes et ce sont là
les points faibles de la double nationalité.
254 J. DERRUPPE, op. cit., p. 16
255 Art.33 de la loi du 18 mars 2005 portant promulgation
de la constitution de la République du Burundi, in B.O.B.
n°3TER/2005
256 http : //
www.actualite.el-annabi.com/archive-actualite/article.php3?id-article=3796
visité le 04/01/2011 à 10h 06min.
159
67
Section 2. Les points faibles de la double
nationalité
Outre les avantages précédemment
examinés, la double nationalité entraîne des
difficultés dans l'accomplissement des obligations militaires et la mise
en oeuvre du devoir de fidélité (§1), dans l'exercice des
protections diplomatiques (§2) ainsi que dans le domaine d'état et
de capacité des personnes (§3).
§1. Difficulté à accomplir les
obligations militaires et le devoir de fidélité
Le conflit positif présente des
difficultés au cas où les deux Etats qui reconnaissent une
personne pour leur national lui réclame un devoir total
d'allégeance. Ces difficultés naissent ainsi dans
l'accomplissement du service militaire (A) ainsi que dans la mise en oeuvre du
devoir de fidélité (B).
A. Accomplissement des obligations militaires
Pour comprendre l'ampleur du problème, il
convient d'emblée de préciser que « l'Etat est fondé
à réclamer de ses nationaux même à l'étranger
l'assistance par les armes, qui est le premier devoir de tout citoyen
vis-à-vis de la patrie menacée ».257 Le jus
avocandi, c'est-à-dire le droit de mobiliser ses citoyens en cas de
guerre, est aussi incontestable que d'usage universel258 et il
appartient à l'Etat national de fixer « librement lui-même
les conditions dans lesquelles ses nationaux (...) satisferont à leur
obligation de service militaire ».259
Le double national éprouve, par
conséquent, une difficulté de concilier ces obligations
incompatibles car il est possible que l'un et l'autre Etat dont il a la
nationalité en exigent l'exécution durant la même
période.260
Le problème que nous soulignons ici est
évident. Si la constitution burundaise en vigueur dispose, en son
article 7, alinéa 1er que « Tous les citoyens sont tenus
de s'acquitter de leurs obligations civiques et de défendre la patrie
», cette dernière disposition crée une situation
embarrassante au préjudice d'un binational car, indubitablement, en
accomplissant son obligation à l'égard du Burundi, ce dernier y
aura manqué à l'égard d'un autre Etat dont il
est
257 En ce sens, voy. L. DELBEZ, op. cit., p.
194
258 Ibid.
259 Ibid.
260 En ce sens, voy. F. RIGAUX, Droit international
privé, T. I, Théorie générale, Larcier,
Bruxelles, 1977, p.
68
également le national et qui lui impose, aussi
une obligation de ce genre. Or, le manquement aux obligations résultant
de la nationalité peut être sanctionné dans certaines
conditions par la perte de celle-ci.261 Ceci est d'autant plus vrai
qu'en agissant en faveur d'un seul des deux Etats, l'intéressé
aura manqué à son devoir de fidélité, du moins si
les deux Etats sont en guerre.
B. La mise en Suvre du devoir de
fidélité
Le devoir de fidélité est
étroitement lié à l'obligation militaire et sa mise en
oeuvre se trouve être un autre problème juridique découlant
de la double nationalité. Cette situation peut créer des conflits
de devoirs,262 entraînant ainsi pour le binational le
problème de « respect du devoir de fidélité que
chacun des Etats est en droit d'attendre de ses sujets »263 au
cas où une guerre serait déclarée entre les deux Etats.
L'intéressé se trouve ainsi devant un dilemme : défendre
l'Etat B et se comporter en ennemi de l'Etat A et vice-versa.
La conséquence de la situation est
évidente. Il est hors de toute discussion que pareille situation fasse
peser sur l'intéressé la lourde punition de la
déchéance de la nationalité et c'est là la position
du droit français. C'est ainsi que l'article 25, 4o du code civil
français prévoit une cause de déchéance
fondée sur le défaut de loyalisme : le fait de s'être
« livré au profit d'un Etat étranger à des actes
incompatibles avec la qualité de Français et
préjudiciables aux intérêts de la France
».264
En droit burundais, « le double national ne peut
se prévaloir de sa qualité d'étranger au Burundi pour se
soustraire à l'exécution des obligations civiques
».265 L'interprétation de cette disposition nous
mène à la conclusion que le binational qui y contrevient s'expose
à des sanctions, notamment la perte de la nationalité
burundaise.
261 D. GUTMANN, op. cit., p. 244
262 R. RANJEVA et C. CADOUX, op. cit., p.
122
263 F. RIGAUX, op. cit., p. 159
264 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p.
668
265 Art. 26 du Cod. Nat., in
B.O.B.n°8bis/2000
69
L'intéressé court ainsi le risque de se
voir retirer la qualité de national au cas où, embarrassé
par la situation, il s'abstient d'accomplir ses obligations militaires dans les
deux pays dont il a la nationalité, pouvant de cette manière
devenir apatride et perdant, par la même occasion, tout droit à la
protection diplomatique dont l'exercice pose, par ailleurs également,
problème en cas de double nationalité.
§2. Problème d'exercice de la protection
diplomatique
Si la double nationalité entraîne tant de
difficultés, c'est surtout dans l'exercice de la protection diplomatique
que le problème apparaît puisque cet exercice n'est ouvert
qu'à l'Etat national de la victime supposée d'un agissement
illicite de l'Etat défendeur.
Il est question de déterminer la qualité
pour introduire la réclamation. La question est aisément
résolue dans les rapports entre l'un des Etats nationaux et un Etat aux
yeux de qui la victime est de toute façon étrangère :
celui-ci ne peut opposer à la réclamation d'un Etat qui la
considère comme son ressortissant une irrecevabilité tirée
de ce qu'elle aurait également la nationalité d'un
autre.266
La question devient plus embarrassante lorsque
changent les interlocuteurs dans l'affaire, plus précisément dans
l'hypothèse d'une protection exercée par l'un des Etats nationaux
contre l'autre. La pratique internationale n'y apporte pas de réponse
uniforme.267
Les difficultés attachées à la
double nationalité ne s'arrêtent pas là. La matière
d'état et de capacité des personnes n'est pas
épargnée par les problèmes juridiques découlant de
la double nationalité.
266 J. COMBACAU et S. SUR, op. cit., p.
334
267 Voy. Infra, p. 72 et p. 84 ; aussi, Comparez
J. VERHOEVEN, op. cit., p. 637 et D. CARREAU, Droit
international, 5e éd., Pedone, Paris, 1997, p.
448
70
§3. La double nationalité et les questions
d'état et de capacité des personnes
Nous avons déjà souligné que la
nationalité peut être un critère de rattachement lorsque
l'on a besoin de déterminer la loi applicable en cas de conflit de lois.
Si la question paraît facilement soluble en ce domaine lorsqu'il s'agit
d'une nationalité « simple », la réalité est
tout autre en cas de binationalité, quand il est question de
déterminer laquelle, entre deux lois nationales, est susceptible de
s'appliquer. La compétence de la loi nationale se heurte en tout domaine
et plus précisément dans celui de l'état et de la
capacité des personnes aux cas de double
nationalité.268
L'autorité saisie est à ce moment
embarrassée par la question de savoir laquelle des deux lois nationales
il lui est loisible de choisir afin de l'appliquer au cas concret posé.
Deux principes, celui de la primauté de la nationalité du for et
celui de l'effectivité de la nationalité, sont susceptibles de
contribuer à la résolution du problème quand bien
même les solutions sont loin de recueillir
l'unanimité.
Toutes les difficultés découlant de la
double nationalité que nous venons de relever exigent que des solutions
leur soient apportées.
Section 3. Solutions aux conflits de
nationalités
Les conflits de nationalités se scindent en
conflits positifs (§1), résultant de la double nationalité
et en conflits négatifs (§2), ceux-ci étant le
résultat de l'apatridie. On perçoit la nécessité
d'examiner les conflits négatifs dont l'étude, bien que
n'étant pas principalement concernée par notre travail, est de
nature à assurer la complétude de la compréhension de la
notion de conflit de nationalités.
§1. Conflits positifs
La résolution des conflits positifs de
nationalités passe par leur prévention (A), leur
élimination (B), la suppression de certains de leurs effets (C),
l'adoption de la solution tenant compte de la fonction que remplit la
nationalité (D) ainsi que par d'autres solutions diverses
(E).
268 En ce sens, voy. B. AUDIT, op. cit., p.
497
71
A. Prévention des conflits
La première solution aux conflits de
nationalités consiste dans la prévention de la situation de
double nationalité. Pour y parvenir, les Etats procèdent à
la conclusion des conventions tendant à réduire les cas de cumul
de nationalités. C'est le cas de la Convention de Strasbourg du 6 mai
1963 adoptée dans le cadre du conseil de l'Europe. Celle-ci « vise
à pallier les inconvénients de la plurinationalité et
à en prévenir la survenance en exigeant de chaque partie qu'elle
délie de son allégeance tout ressortissant qui acquiert
volontairement la nationalité d'un autre Etat.269 L'article
1er de la convention susvisée est formel à ce sujet.
En vertu de cette disposition, « Les ressortissants majeurs des Parties
contractantes qui acquièrent, à la suite d'une manifestation
expresse de volonté, par naturalisation, option ou
réintégration, la nationalité d'une autre Partie, perdent
leur nationalité antérieure, ils ne peuvent être
autorisés à la conserver ».
Qui plus est, la Convention des NU du 20
février 1957 sur la nationalité des femmes mariées «
qui exclut toute (sic) effet automatique du mariage sur la nationalité
de la femme »270 est de cette catégorie des conventions
dont le rôle est d'assurer la prévention des cas de cumul de
nationalités.
Les deux instruments juridiques nous proposent une
solution, mais ce n'est pas à proprement parler une solution car le
problème n'a pas eu l'occasion de se poser ; il s'agit en
réalité d'un refus catégorique du principe même de
la double nationalité.
La doctrine antérieure à la
deuxième guerre mondiale semble avoir été unanime au sujet
de la prévention des conflits de nationalités.271
Toutefois, de nos jours, les esprits ont considérablement
évolué et certains auteurs n'hésitent pas à
qualifier cette directive de droit international sur la prévention des
conflits de nationalités de « principe abstrait et tout
théorique » en invitant les législateurs nationaux à
« ne pas être obnubilés par la crainte de créer des
cas de double nationalité ».272
269 J. COMBACAU et S. SUR, op. cit., p.
334
270 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p.
634
271 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p.
32
272 Ibid.
72
On ne saurait donc pas, à l'heure actuelle,
prêcher en faveur de cette solution dont l'adoption systématique
par les Etats n'aurait pour effet que de faire reculer le droit de la
nationalité.
Nous pensons que c'est la raison pour laquelle l'Etat
burundais n'a souscrit à aucune convention relative à la
prévention des conflits de nationalités, la double
nationalité ayant été consacrée par la loi n°1/013
du 18 juillet 2000 portant réforme du code de la
nationalité.
Il reste que lorsque les lois nationales sur la
nationalité sont ouvertes, celles-ci donnent naissance à des cas
de conflits de nationalités dont l'élimination peut être
envisagée.
B. Elimination des conflits : renoncement à l'une
des nationalités
Les mesures prévues pour éliminer les
conflits positifs consistent le plus souvent en possibilités de
renonciation de la nationalité. Sans uniformiser ni coordonner les
règles relatives à l'attribution de leur nationalité,
plusieurs Etats peuvent convenir des solutions communes tendant à
éliminer certains conflits entre deux nationalités
respectives.273
Une technique recommandée par les articles 6 et
11 de la Convention du 12 avril 1930 relative aux conflits de lois sur la
nationalité et mise en oeuvre par l'article 2, §2, de la convention
européenne du 6 mai 1963 sur la réduction des cas de
pluralité de nationalités et les obligations militaires en cas de
pluralité de nationalités consiste à prévoir la
faculté, pour le bipatride, de renoncer à l'une de ses
nationalités.
Ainsi, les deux articles de la première
convention disposent respectivement que « Sous réserve du droit
pour un Etat d'accorder une plus large faculté de répudier sa
nationalité, tout individu possédant deux nationalités
acquises sans manifestation de volonté de sa part pourra renoncer
à l'une d'elles, avec l'autorisation de l'Etat à la
nationalité duquel il entend renoncer » et que « La femme qui,
d'après la loi de son pays, a perdu sa nationalité par suite de
son mariage, ne la recouvre que si elle en fait la demande et
conformément à la loi de ce pays [et] dans ce cas, elle perd la
nationalité qu'elle avait acquise par suite de son mariage
».
273 F. RIGAUX, T. I, op. cit., p.
160
73
L'article 2, §2, de la convention de Strasbourg
assure la mise en oeuvre de la convention du 12 avril 1930 dans la mesure
où il dispose que l'autorisation de renoncer à la
nationalité prévue par celle-ci « ne sera pas refusée
par la Partie contractante dont le ressortissant majeur possède de plein
droit la nationalité, s'il a depuis au moins dix ans, sa
résidence habituelle hors du territoire de cette Partie et à la
condition qu'il ait sa résidence habituelle sur le territoire de la
Partie dont il entend conserver la nationalité ».
L'exercice effectif de pareille renonciation
élimine les conflits de nationalités pour autant que l'Etat
à la nationalité duquel il est renoncé admette la perte de
celle-ci par l'effet de la renonciation.274
La solution qui consiste à renoncer à
l'une des nationalités, pour éliminer les conflits de
nationalités, n'est pas prévue par le code burundais de la
nationalité.
A défaut de pouvoir éliminer les
conflits de nationalités, il y a lieu de supprimer certains de leurs
effets.
C. Suppression de certains effets du conflit de
nationalités
Une troisième méthode de solution «
consiste, non pas à éliminer le conflit, mais à
écarter l'un ou l'autre de ses effets jugé
particulièrement nocif »275. La suppression de certains
effets du conflit de nationalités est une solution
préconisée dans le domaine de la protection diplomatique (1)
ainsi que dans celui des obligations militaires (2).
1. La protection diplomatique
A titre de rappel, la question de la protection
diplomatique est résolue par l'article 4 de la convention de La Haye du
12 avril 1930 en vertu duquel : « Un Etat ne peut exercer sa protection
diplomatique au profit de l'un de ses nationaux à l'encontre d'un Etat
dont celui-ci est aussi le national ».
274 F. RIGAUX, T. I, op. cit., p.
160
275 Idem, p. 161
74
Cette disposition semble s'être
dégagée de l'affaire Canevaro qui opposa l'Italie au Pérou
et dont la décision a été rendue le 3 mai 1912. A cette
occasion, le tribunal de la Cour Permanente d'Arbitrage, présidé
par le juriste français Renault, rendit une décision de principe
sur les conflits de nationalités en matière de protection
diplomatique des personnes physiques.276 Après avoir
constaté que Canevaro avait autant la nationalité
péruvienne qu'italienne, le tribunal décida que « Le
prétendant à la protection diplomatique ne peut pas avoir la
nationalité de l'Etat qui est à l'origine du dommage
».277
Ce principe dégagé par l'arrêt
Canevaro et repris par la Convention de La Haye a fait l'objet d'une
application par des Etats.
En effet, la pratique de nombreux Etats, dont la
France, est-elle de s'abstenir d'exercer la protection diplomatique d'un
national qui a également la nationalité de l'Etat
défendeur.278
Le droit burundais de la nationalité n'apporte
pas de solution à ce problème. Il affirme seulement que « Le
citoyen burundais bénéficiant d'une double nationalité a
droit à la protection diplomatique (...) »,279 sans
toutefois préciser ce qui adviendrait si l'intéressé avait
également la nationalité de l'Etat défendeur. On ne
recense aucun cas de protection diplomatique exercée par l'Etat du
Burundi en faveur d'un Burundais ayant également une nationalité
étrangère, ni même d'un Burundais ayant une seule
nationalité.
Il reste que cette limite des Etats en matière
de protection diplomatique est fondée. Elle n'est au fond que la
conséquence logique du principe de la liberté étatique, si
on veut bien entendre la liberté non comme le désordre, mais
comme la faculté pour chaque Etat de rechercher lui-même l'ordre
à établir : chaque Etat ayant reconnu que les autres peuvent
légitimement déterminer eux-mêmes leurs ressortissants,
doit respecter le jeu de la loi étrangère sur le territoire
où elle est en vigueur, à l'encontre de ses agents diplomatiques
et consulaires, dont la mission est subordonnée à la
compétence première de la loi locale.280
276 B. TCHIKAYA, Mémento de la jurisprudence
du droit international public, 4e éd., HACHETTE
Supérieur,
Paris, 2007 , p. 24
277 Ibid.
278 B. AUDIT, op. cit., p. 762
279 Art. 27 du Cod. Nat., in B.O.B
.N°08/2000
280 H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit., pp.
80-81
75
Ainsi donc, permettre l'exercice « d'une telle
action reviendrait à s'immiscer, au nom du droit de la condition des
étrangers tel que l'envisage le réclamant, dans le traitement par
le défendeur de ceux qu'il tient de son côté pour ses
nationaux ».281
La suppression des effets du conflit de
nationalités s'applique également en matière d'obligations
militaires.
2. Les obligations militaires
La solution de principe consiste dans la dispense du
service militaire (a) et n'affecte pas la double nationalité dans
d'autres domaines (b).
a. Solution de principe
Le cumul de nationalités entraîne le
cumul d'obligations militaires et nous avons déjà
évoqué le fait que cet état de choses crée, au
préjudice de l'intéressé, une situation embarrassante,
d'où de nombreuses conventions bilatérales ou
multilatérales par lesquelles les Etats sont convenus de
décharger le bipatride de l'accomplissement de ses obligations
militaires dans l'un des deux pays ont été
conclues.282 Ces conventions déterminent le critère de
rattachement (telle la résidence) en vertu duquel le bipatride doit
faire son service militaire dans l'un des pays Parties au traité, les
autres Etats renonçant à lui imposer les obligations militaires
qui découlent normalement de la nationalité également
établie à leur égard.283
Au titre des conventions dont l'objet est de
résoudre les conflits de nationalités en matière
d'obligations militaires, nous pouvons mentionner la Convention de Strasbourg
conclue le 6 mai 1963 dans le cadre du Conseil de l'Europe. Cette convention
pose une règle générale que « tout individu qui
possède la nationalité de deux ou plusieurs Parties contractantes
n'est tenu d'accomplir ses obligations militaires qu'à l'égard
d'une seule de ces Parties ».284
281 J. COMBACAU et S. SUR, op. cit., p.
335
282 En ce sens, voy. F. RIGAUX, T. I, op. cit.,
p. 161
283 Ibid.
284 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p.
633
76
En plus de cette convention multilatérale (elle
est en vigueur entre neuf Etats dont la France285), des conventions
bilatérales ont été également passées,
toujours dans l'optique de supprimer les effets néfastes du cumul de
nationalités.
La Belgique a ainsi conclu plusieurs traités
bilatéraux pour résoudre les difficultés que provoque, en
matière d'obligations militaires, une double
nationalité.286 Les premières conventions conclues par
la Belgique avec des pays amis et portant, soit incidemment, soit
expressément sur le service militaire datent du siècle
passé ou au début de ce siècle : il y en eut avec la
Bolivie, les Etats-Unis, la France, les Pays-Bas et le
Portugal.287
En outre, il y a lieu de mentionner qu'un arrangement
amiable avait été conclu à Bonn le 22 octobre 1983 entre
les représentants des gouvernements belge et allemand, selon lequel il
serait souhaitable de n'appeler les bipatrides belgo-allemands sous les
drapeaux que dans l'Etat où ils ont leur résidence habituelle et
de tenir compte du service militaire accompli dans les forces armées de
l'autre Etat avant de procéder à
l'appel.288
Notons, en plus, que la solution qui consiste dans la
dispense des obligations militaires n'est pas toujours conventionnelle. La
dispense peut aussi revêtir un caractère unilatéral. Ainsi,
le code français du service national dispense, dans certains cas, du
service actif en temps de paix le Français qui possède
également la nationalité d'un autre
Etat.289
La solution burundaise résultant de l'article
26 du code de la nationalité qui consiste à ne prendre en
considération que sa propre nationalité et à laisser, par
conséquent, subsister les obligations militaires à charge du
bipatride n'est pas satisfaisante du tout. Il s'agit d'une solution avantageuse
du point de vue de la défense de la patrie mais qui n'est pas de nature
à assurer la protection de l'intéressé dans ses relations
avec l'autre Etat dont il a également la nationalité, avec toutes
les conséquences que pareille situation peut entraîner comme nous
l'avons précédemment souligné.290
285 B. AUDIT, op. cit., p. 788
286 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p.
14
287 Ibid.
288, F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit.,
p. 15
289 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p.
633
290 Voy. supra, p. 68
77
Soulignons que l'Etat burundais n'a jusqu'ici souscrit
à aucune convention internationale relative aux obligations
militaires.
La conclusion des conventions n'est envisageable que
lorsque les Etats s'entendent pour supprimer les effets néfastes du
cumul de nationalités et ne peut avoir que ce seul objectif en
matière d'obligations militaires.
b. Limite de la solution
Très souvent, les dispositions conventionnelles
relatives aux obligations militaires en cas de double nationalité
prévoient expressément que la solution apportée à
ce problème particulier n'affecte pas la condition juridique des
intéressés en matière de nationalité, ce qui permet
à l'Etat ayant renoncé à soumettre son ressortissant
à des obligations militaires d'attacher tous autres effets au lien
d'allégeance qu'il revendique.291 L'exemple concret allant
dans ce sens est celui des conventions bilatérales passées par la
Belgique. Ces instruments précisent souvent que leurs dispositions
n'affectent en rien la condition juridique des intéressés en
matière de nationalité ; en d'autres termes, le conflit de
nationalités persiste ; seul un de ses effets est
réglé.292
Cela est d'autant plus vrai et logique que l'Etat ne
s'est engagé, par voie conventionnelle, que de s'abstenir de tout
exercice de sa compétence personnelle du seul point de vue des
obligations militaires et rien que cela. Le lien d'allégeance subsiste
donc pour les autres obligations du national à l'égard de l'Etat
donneur de nationalité et un raisonnement contraire serait synonyme du
refus du principe même de la double nationalité.
La règle qui consiste à supprimer les
effets néfastes du cumul de nationalités ne résout pas
tous les problèmes juridiques attachés à la double
nationalité. Elle se limite aux cas de protection diplomatique et
d'obligations militaires. Ainsi, il y a lieu de retenir une autre solution,
celle qui prend en compte la fonction que la nationalité est
appelée à remplir.
291 F. RIGAUX, T. I, op. cit., p.
161
292 En ce sens, voy. F. RIGAUX et M. FALLON, op.
cit., p. 14
78
D. La solution fonctionnelle du conflit de
nationalités
La règle de la solution fonctionnelle
s'applique à divers cas de conflits de nationalités.
1. Principe
La solution fonctionnelle consiste à «
apprécier la nationalité de fait en fonction du résultat
à atteindre ».293 L'adoption d'une telle solution exige
que soit abandonnée toute attitude dogmatique qui ferait
prévaloir de façon systématique et générale,
ou la nationalité du for, ou celles des deux nationalités,
effectivement pratiquée au profit d'une approche pragmatique, le choix
entre la nationalité du for et la nationalité
étrangère étant alors fonction du problème
posé au juge et du résultat à
atteindre.294
Pour les partisans de la solution fonctionnelle, il
conviendrait de substituer au principe absolu de la primauté de la
nationalité du for une recherche de la « fonction que remplit la
nationalité dans l'hypothèse considérée
».295 Cette solution s'oppose donc à celle prenant en
compte la nationalité de l'autorité saisie en ce qu'elle est
contre toute adoption d'une règle générale et abstraite
applicable à tous les cas et veut qu'à chaque problème
concret qui se pose il soit apporté une solution
appropriée.
2. Application du principe
La solution fonctionnelle est prévue par la
Convention de La Haye du 12 avril 1930 et s'applique en cas de conflit entre la
nationalité de l'Etat du for et une nationalité
étrangère (a) et celui de conflit entre les nationalités
de deux Etats tiers (b).
293 D. HOLLEAUX et alii, op. cit., p.
23
294 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p.
791
295 D. GUTMANN, op. cit., p. 246
79
a. Conflit entre la nationalité de l'Etat du for
et une nationalité étrangère
Simple règle permissive, l'article 3 de la
Convention du 12 avril 1930 n'interdit pas à l'Etat contractant
d'attacher à une situation particulière les effets
découlant de la nationalité étrangère et que
l'éviction de celle-ci par la nationalité de l'Etat du for aurait
fait écarter.296
Comme nous l'avons déjà
précisé, la solution est ici adoptée en fonction de
l'objectif poursuivi par l'autorité saisie.
C'est le cas, par exemple, lorsqu'une loi belge
impose, dans une matière particulière, de faire prévaloir
la nationalité étrangère sur la nationalité belge,
comme en cas de séquestre de biens ennemis.297
Qu'un sujet ennemi puisse se prévaloir en
même temps de la nationalité de l'Etat du for, ne suffit pas
à le faire échapper aux mesures frappant les sujets ennemis, si
son comportement a démontré qu'il méritait ce dernier
qualificatif.298
Normalement, il se comprend bien qu'il serait
difficile de sacrifier sa propre nationalité au profit d'une
nationalité étrangère, mais, bien entendu, poursuivant son
propre intérêt, celui de sanctionner le binational, l'Etat du for
y procède facilement et, à plus forte raison, il ne pourrait pas
hésiter d'opérer un choix lorsque le conflit se pose entre deux
nationalités étrangères.
b. Conflit entre les nationalités de deux Etats
tiers
Quand une personne ayant la nationalité d'un
Etat avec lequel le pays d'accueil a conclu un traité de
réciprocité et la nationalité d'un autre Etat
réclame le bénéfice du traité, le pays d'accueil
doit reconnaître les effets juridiques découlant de l'obligation
conventionnelle qu'il a contractée.299
Ainsi, dans tous les pays du Marché Commun, le
ressortissant d'un autre Etat membre qui aurait en même temps la
nationalité d'un Etat tiers a le droit de jouir de la condition
privilégiée qui découle de la première
nationalité sans que le
296 F. RIGAUX, T. I, op. cit., p. 16
297 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p.
25
298 F. RIGAUX, T. I, op. cit., p.
163
299 Idem, p. 164
80
pays d'accueil puisse refuser la jouissance de ces
droits pour le motif que l'intéressé se rattache plus
effectivement à l'Etat tiers.300
En plus de celles précédemment
évoquées, d'autres solutions aux conflits de nationalités
existent.
E. Autres solutions
L'autorité saisie peut être
confrontée à un cas où l'intéressé a en
même temps la nationalité de son Etat et la nationalité
étrangère (A), tout comme il peut avoir à trouver une
solution au cas d'un individu ayant deux nationalités toutes
étrangères (B).
1. Cas de conflit mettant en cause la nationalité
de l'autorité saisie : primauté de la nationalité du
for
La règle de la primauté de la
nationalité du for a ses propres raisons de s'appliquer.
a. Enoncé du principe
Quand l'une des nationalités en conflit est
celle du juge saisi, celui-ci ne peut qu'appliquer purement et simplement sa
propre loi sans égard à aucune autre et il en va de même de
l'autorité administrative.301
La règle de la primauté de la
nationalité du for a fait l'objet des législations nationales ou
a reçu des applications dans les juridictions internes des
différents Etats, notamment au Burundi, en Belgique, en France,
etc.
En droit burundais, « pour le règlement
d'éventuels conflits de nationalité, le juge saisi fera
application de la loi burundaise ».
En droit belge, la jurisprudence est claire. En effet,
« Pour le juge belge, seule la nationalité belge du binational peut
être retenue ».302
En droit français, selon un arrêt
Kasapyan de la première chambre civile du 17 juin 1968, le juge doit
prendre en compte la nationalité française lorsque
300 F. RIGAUX, T. I, op. cit., p.
164
301 En ce sens, H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op.
cit., p. 79
302 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p.
24
81
l'individu bénéficie à la fois de
la nationalité française et une nationalité
étrangère.303
En droit burundais, les cas de jurisprudence mettant
en cause les justiciables ayant la double nationalité sont presque
inexistants.304
Le principe de la primauté de la
nationalité du for, malgré ses limites, ne manque pas de
fondements.
b. Justification du principe.
Le principe de la primauté de la
nationalité du for se trouve justifiée aussi bien dans l'ordre
interne que dans l'ordre international.
1°. Dans l'ordre interne.
En droit, la règle est justifiée par le
fait que le juge et l'administration ne peuvent se mettre en opposition avec le
pouvoir dont ils tiennent leur mission et que, par conséquent, ils ne
peuvent faire prévaloir une autre conception de l'ordre international
que celle qu'a choisie le législateur.305 Il est donc
aisément compréhensible que l'autorité saisie
considère la nationalité du for car la pratique traditionnelle
des Etats est qu'elle n'a à tenir compte que de la nationalité
conférée par l'Etat dont elle tient ses pouvoirs.306
Dans les exemples déjà donnés, l'intéressé
sera considéré comme Burundais au Burundi, comme Belge en
Belgique et comme Français en France.
Il s'en suit que, dans l'ordre interne, l'application
du principe est justifiée par le principe de séparation des
pouvoirs : les règles d'attribution de la nationalité
étant fixées par le législateur, les autorités
administratives et judiciaires chargées de l'application de la loi ne
s'estiment pas fondées à remettre en cause les dispositions
édictées par le premier.307
En outre, d'un point de vue théorique, le
principe de la primauté de la nationalité de l'autorité
saisie s'appuie notamment sur l'idée selon laquelle, puisque
chaque
303 F. MELIN, op. cit., p. 214
304 Le seul cas d'un burundo-néerlandais qui a
été relevé dans le tribunal de résidence de Rohero
ne mérite pas une attention particulière de notre part car on ne
nous a pas permis d'accéder à tous les éléments que
nécessite un jugement pour être cité. En plus, il ne s'agit
pas à proprement parler d'un cas de conflit de nationalités,
quand bien même se trouve impliqué un double national dans cette
affaire.
305 En ce sens, voy. D. HOLLEAUX et alii, op. cit.,
p. 28
306 En Ce sens, voy. B. AUDIT, op. cit., p.
762
307 Ibid.
82
législateur a seul compétence pour
déterminer ses nationaux, l'autorité saisie ne saurait
écarter la nationalité du for de l'intéressé,
fut-elle dénuée de toute effectivité, sans introduire un
cas de perte de la nationalité non prévu par la
loi.308
Enfin, d'un point de vue pratique, cette fois-ci, il
présente l'avantage de la simplicité d'application et de la
sécurité juridique.309
2°. Dans l'ordre international
Dans l'ordre international, on justifie ce principe de
solution par la souveraineté et l'égalité des Etats dans
l'attribution de leur nationalité.310 Un Etat est
fondé à s'en tenir aux choix qu'il a effectués, alors
même qu'il n'a pu lui échapper que certains de ceux-ci pouvaient
se traduire par des cumuls de nationalités et il n'en serait
éventuellement autrement que s'il attribuait sa nationalité en
l'absence de tout rattachement sérieux.311
308 En ce sens, voy. D. GUTMANN, op. cit., p.
246
309 D. GUTMANN, op. cit., p. 246
310 B. AUDIT, op. cit., p. 762
311 Ibid.
83
2. Cas de conflit de nationalités
étrangères
Lorsque le conflit positif de nationalités se
situe entre deux nationalités étrangères, le rôle de
l'autorité ou de la juridiction consiste d'abord à
vérifier si la personne en cause remplit les conditions auxquelles les
lois étrangères attribuent leur nationalité de
manière à s'assurer qu'il y a vraiment cumul et à
déterminer les nationalités étrangères en
cause.312
Elle doit ensuite trancher le conflit, soit en
considérant la nationalité la plus effective (a), soit en prenant
en compte une nationalité unique parmi les deux (b).
a. Solution en faveur de la nationalité
effective
La solution de la nationalité effective
s'applique dans diverses matières du droit international.
1°. Principe
La théorie de la nationalité effective
se conçoit comme étant un « raisonnement consistant à
privilégier, en cas de pluralité de nationalités, le lien
correspondant à la réalité des attachements de la personne
concernée à un Etat ».313
En Droit International Public, seule la
nationalité effective est prise en compte, à savoir celle ayant
à sa base un fait social de rattachement, une solidarité
effective d'existence, d'intérêts, de sentiments joints à
une réciprocité de droits et de devoirs.314 Ce
principe de la nationalité effective veut dire, d'après la CIJ
qui a eu à juger l'affaire Notteböhm, que la nationalité
accordée par un Etat, pour être opposable à un Etat tiers,
ne devrait pas être fictive.315
D'après la Cour d'appel de Bruxelles, la
détermination de la nationalité effective ou active « doit
se faire en recherchant tous les faits susceptibles d'indiquer une
préférence de la part de [l'intéressé] (sic),
d'établir le lien le plus effectif
312 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p.
25
313 R. CABRILLAC, op. cit., p. 281
314 M. DEYRA, op. cit., p. 87
315 D. CARREAU, op. cit., p. 337
84
qu'avait la personne intéressée avec une
des législations de ce pays et de faire prévaloir la
nationalité effective ou active ».316
Notons que la notion de nationalité effective
est une question de fait laissée à l'appréciation
souveraine du juge de fond. Certains critères permettent ainsi au juge
de faire son appréciation. Il peut s'agir notamment de : la connaissance
de la langue nationale, les séjours prolongés, la possession
d'immeubles, les attaches familiales, historiques ou présentes,
l'acquisition d'un diplôme dans un établissement du pays,
l'exercice d'un emploi dans le secteur public,317 la
résidence de l'individu,318 le domicile, le comportement de
la personne constitué notamment par le choix du pays où il a
effectué le service militaire, la nationalité des enfants ou du
conjoint,319 son mode de vie, le passeport qu'elle
possède,320 le siège de ses affaires,321
etc.
Même si nous avons dit que la nationalité
effective est une question de fait, il reste que la solution n'en est pas, pour
autant, dépourvue de fondement juridique : le Droit International Public
admet que chaque Etat détermine législativement sa population
mais dans la mesure où cette législation prétend
s'appliquer à des individus qui en fait lui échappent, elle perd
son autorité internationale car elle ne contribue plus à une
répartition objective des personnes : les Etats tiers sont donc
fondés à examiner si en fait un individu donné
relève de l'autorité de tel ou tel
Etat.322
Cette attitude que la nécessité a
imposée en cas de conflits de deux nationalités
étrangères, peut valoir même dans le cas extrême
où une personne ne serait réclamée que par un seul Etat,
mais à l'encontre de toute allégeance réelle.
Précisons en effet que la protection diplomatique ne peut être
exercée par l'Etat qu'en faveur de l'individu dont la nationalité
est effective et cela, même en dehors de toute question de conflit de
nationalités.
Le principe de la nationalité effective
s'applique dans différents domaines de la vie juridique.
316 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p.
26
317 Ibid.
318 F. MELIN, op. cit., p. 214
319 En ce sens, voy. D. HOLLEAUX et alii, op.
cit., p. 23
320 En ce sens, voy. Y. LOUSSOUARN et alii, op.
cit., p. 790
321 H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit., p.
84
322 H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit., p.
83
85
2°. Application du principe
Le caractère effectif de la nationalité
s'applique à tout conflit où il est question de déterminer
lequel, entre deux Etats est habilité à exercer la protection
diplomatique en faveur du binational ainsi que dans tous les cas où
l'autorité saisie fait face à un conflit qui exige la
détermination de l'un ou l'autre des Etats dont la loi s'applique en
matière d'état et de capacité des personnes.
-La protection diplomatique
En matière de protection diplomatique, la
double nationalité entraîne une situation de conflit dans la
mesure où il se pose la question de savoir lequel entre deux Etats dont
la personne lésée a la nationalité est le plus
compétent pour assurer sa protection. La question se résout de la
manière suivante : la protection diplomatique ne peut être mise en
oeuvre que par l'Etat dont la nationalité est la plus effective,
étant entendu que celle-ci ne peut être exercée contre
l'Etat dont la victime a également la nationalité, fut-elle moins
effective.323
Le principe de la nationalité effective a
été appliqué par la CIJ dans l'affaire
Notteböhm.324
Ainsi, Friedrich Notteböhm, né en
Allemagne, à la fin du XIXe siècle, s'établit
au Guatemala, en 1905. Il conserva les relations étroites (familiales et
professionnelles) avec l'Allemagne. A la veille de la seconde GM, il obtient,
en moins d'un mois, la nationalité du Liechtenstein. Ce qui ne
l'empêcha pas d'être traité, durant la seconde GM, comme
ressortissant ennemi par le Guatemala et lui vaut d'être interné
et de faire l'objet de mesures contre ses biens. Le Liechtenstein prend fait et
cause pour son national et porte, finalement, l'affaire devant la CIJ. Le
problème était de savoir si le Liechtenstein pouvait exercer sa
protection diplomatique à l'égard de Notteböhm, ce qui
supposait l'opposabilité de la nationalité du Liechtenstein au
Guatemala. La Cour écarte, tout d'abord, comme étant sans
pertinence le fait que les autorités de police
guatémaltèques auraient reconnu le changement de
nationalité, en procédant à certaines formalités,
car il s'agissait de formalités résultant des déclarations
de Notteböhm.
323 J. VERHOEVEN, op. cit., p. 637
324 D. RUZIE, op. cit., p. 261
86
Examinant la situation de Notteböhm, la Cour
constate que la nationalité acquise au Liechtenstein était
inopposable au Guatemala, en raison de l'absence d'effectivité de cette
nationalité, qui ne reposait pas sur un rattachement de fait
suffisamment étroit entre l'intéressé et le Liechtenstein.
Ses liens avec ce dernier pays étaient, en effet, très
ténus.
L'application du principe de l'effectivité de
la nationalité ne se limite pas seulement à la protection
diplomatique, mais s'étend également à la question
d'état et de capacité des personnes.
-L'état et la capacité des
personnes
La double nationalité crée des conflits
de nationalités en matière d'état et de capacité
des personnes en raison de l'incertitude qui pèse sur le statut
personnel lorsque celui-ci est régi par la loi nationale.
Pour trancher ce conflit, le juge doit rechercher et
faire prévaloir la nationalité effective, c'est-à-dire
celle que pratique l'intéressé par son
comportement.325 C'est là la solution qui s'impose lorsque le
juge a affaire à un cas où la personne en cause a deux
nationalités étrangères.
Ainsi par exemple, si le mineur a une double
nationalité étrangère et si un conflit de
représentation se pose devant les tribunaux français, ceux-ci
retiendront la nationalité effective de
l'intéressé.326
La jurisprudence burundaise ne fait état
d'aucun cas mettant en cause un justiciable ayant deux nationalités
toutes étrangères.
L'autorité saisie d'un cas où la
personne en cause a deux nationalités peut, non plus choisir celle qui
lui paraît la plus effective, mais considérer une seule
nationalité et uniquement celle-là.
b. Considération de la nationalité unique
de l'intéressé
La solution qui consiste à ne prendre en
considération qu'une seule nationalité est
préconisée par l'article 5 de la Convention de La Haye du 12
avril 1930. Ainsi, dans un Etat tiers, l'individu possédant plusieurs
nationalités devra être traité comme s'il n'en avait
qu'une.
325 J. DERRUPPE, op. cit., p. 16
326 M. REVILLARD, op. cit., p. 591
87
La doctrine reconnaît en outre cette solution,
lorsqu'une juridiction internationale est saisie. Ainsi donc, lorsqu'une
juridiction internationale est requise de sanctionner l'utilisation qu'a faite
ou que veut faire, un Etat de sa compétence à l'égard de
l'un de ses nationaux, elle doit en principe retenir la nationalité de
l'Etat qui se prétend compétent, s'il l'a réellement
attribuée, sans se demander si, par ailleurs, l'individu concerné
ne possède pas aussi une ou plusieurs nationalités, même
plus effectives.327
Par exemple, si l'Etat A veut protéger contre
l'Etat B son national, peu importe que celui-ci ait également la
nationalité de l'Etat C, même si elle est la plus effective,
pourvu que la nationalité A ait tout de même l'effectivité
minimale sans laquelle elle est inopposable à l'Etat B.
La solution donne ainsi à l'autorité
saisie la latitude de prendre arbitrairement en considération une seule
des deux nationalités, sans aucun critère objectif.
Le droit burundais de la nationalité ne
prévoit pas de solution en cas de conflit de deux nationalités
toutes étrangères. Ainsi, saisi d'un tel cas, le juge burundais
se trouvera embarrassé. Et, puisqu'il doit, de toute façon,
trancher, il le fera sans aucun critère objectif avec le danger que cet
état de choses peut susciter.
Le parcours de toutes les solutions aux conflits
positifs de nationalités nous révèle que la liste de ces
solutions est très étendue et, en la matière, les
solutions adoptées ne rencontrent pas l'assentiment de tous les
auteurs.
Certains font prévaloir la nationalité
qui correspond à leur idéal tandis que d'autres donnent le choix
au demandeur ou tiennent compte de l'ordre chronologique dans lequel les deux
nationalités ont été attribuées ou du
domicile.328
Nous pouvons ainsi dire qu'il n'y a pas de solution
juridiquement satisfaisante au cumul de nationalités, comme d'ailleurs
l'avait bien affirmé M. ISSAD.329 Pour ce dernier auteur, la
solution est politique et suppose des choix et des renoncements, étant
entendu qu'on n'appartient pas à deux nations à un
degré
égal.330
327 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p.
630
328 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p.
790
329 M. ISSAD, op. cit., p. 123
330 Ibid.
88
Mais malgré ces critiques, les solutions
restent nécessaires pour résoudre les conflits positifs de
nationalités et, à plus forte raison, pour résoudre les
conflits négatifs résultant de l'apatridie qui, elle, est une
situation tellement préjudiciable pour
l'intéressé.
§2. Conflits négatifs
C'est pour faciliter la compréhension du
lecteur que nous abordons ce sujet, car il lui est nécessaire de savoir
que, à côté des conflits positifs de nationalités,
il existe des conflits négatifs.
Il faut en effet montrer qu'à l'opposé
de la double nationalité qui a des avantages et des
inconvénients, il existe une autre situation, bien sûr
désavantageuse, car elle comporte beaucoup d'inconvénients au
préjudice de l'intéressé. L'apatridie est ainsi une
situation problématique (A) à laquelle on tente de
remédier (B).
A. Position du problème
L'apatridie place l'intéressé dans une
situation déplorable car il n'est soumis à l'allégeance
d'aucun Etat ; en d'autres termes, aucun Etat ne le considère comme son
national. Il se pose ainsi, en pareille circonstance et en raison de la
situation précaire de l'apatride, le problème de rattachement
lorsqu'il est besoin de déterminer la loi applicable à
l'intéressé, en matière de statut personnel. En outre,
l'apatride peut être expulsé de partout et ne peut obtenir de
passeport.
B. Différentes solutions
Les solutions résultent aussi bien du droit
interne (1) que du droit international (2).
1. Solution de droit interne
Les remèdes généraux à
l'apatridie dont peut user le législateur consistent tout d'abord
à aménager l'attribution et l'acquisition de sa
nationalité de manière à éviter qu'échappe
à son emprise quiconque a un lien avec le pays suffisamment effectif
pour que les pays étrangers ne le considèrent pas comme
leur
89
ressortissant.331 C'est dans ce sens que le
droit burundais a consacré les modes d'attribution de la
nationalité tendant à éviter l'apatridie.
Mais c'est surtout dans l'organisation des cas de
perte de la nationalité que peut se manifester la préoccupation
d'éviter l'apatridie.332 En ce sens, nous rappelons le fait
que les Etats subordonnent, à travers leurs législations
respectives, la perte de la nationalité à l'acquisition d'une
autre.
L'apatride bénéficie aussi d'un statut que
lui aménage le droit international. 2. Solution de droit
international
Il y a lieu d'améliorer le statut de l'apatride
sur le plan de sa protection internationale (a) ainsi que sur le plan de son
statut personnel (b).
a. La protection internationale
Il faut mettre à part la situation de
l'apatride réfugié, c'est-à-dire celui qui, par crainte
d'une persécution, a quitté le pays dans lequel il avait sa
résidence habituelle.333
Le réfugié bénéficie en
effet de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, et du protocole de
New York du 31 janvier 1967, qui lui accordent entre autres avantages, une
protection internationale assurée par le HCR.
En revanche, l'apatride proprement dit, peut seulement
invoquer les dispositions de la Convention de New York sur le statut des
apatrides du 28 septembre 1954 qui organisent pas mal de protections. Celles-ci
sont prévues par différentes dispositions de la convention
susvisée, notamment les articles 14, 15, 16, respectivement pour la
propriété intellectuelle, les droits d'association et le droit
d'ester en justice.
L'article 14 dispose de la manière suivante :
« En matière de protection de la propriété
industrielle notamment d'invention, dessins, modèles, marques de
fabrique, nom commercial, et en matière de protection de la
propriété littéraire, artistique et scientifique, tout
apatride bénéficiera dans le pays où il a sa
résidence habituelle de la protection qui est accordée aux
nationaux dudit pays.
331 H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit., p.
82
332 Idem, p. 83
333 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p.
635
90
Dans le territoire de l'un quelconque des autres Etats
contractants, il bénéficie de la protection qui est
accordée dans ledit territoire aux nationaux du pays dans lequel il a sa
résidence habituelle ».
A son tour, l'article 15 prévoit que « Les
Etats contractants accorderont aux apatrides qui résident
régulièrement sur leur territoire, en ce qui concerne les
associations à but non politique et non lucratif et les syndicats
professionnels, un traitement aussi favorable que possible et de toute
façon, un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui qui est
accordé dans les mêmes circonstances aux étrangers en
général ».
Enfin, l'article 16, §2, énonce que «
dans l'Etat contractant où il a sa résidence habituelle, tout
apatride jouira du même traitement qu'un ressortissant en ce qui concerne
l'accès aux tribunaux, y compris l'assistance judiciaire et l'exemption
de la cautio judicatum solvi.
Cependant, malgré la protection assurée
par cette convention, son application se heurte à la résistance
des impératifs nationaux en matière de
démographie.334
Ce précédent texte juridique
prévoit également des dispositions applicables à
l'apatride en matière de statut personnel.
b. Le statut personnel
Concernant le statut personnel de l'apatride, en
dehors de certaines thèses restées isolées qui proposent
le rattachement à la loi de la dernière nationalité de
l'intéressé ou à la loi du lieu de naissance, la loi du
domicile ou de la résidence rallie les suffrages de la doctrine et de la
jurisprudence dominante.335 Il résulte de ce qui
précède que le statut de l'apatride ne peut être
régi par sa loi nationale, qui n'existe pas. On procède donc
à l'application d'un critère subsidiaire, critère
d'exception par rapport à la loi nationale applicable aux personnes qui
justifient d'une nationalité.
La prise en considération du domicile de
l'apatride ou, à défaut de son domicile, de sa résidence
comme critère de son rattachement est prévue par la Convention
des NU du 28 septembre 1954 qui reprend sur la plupart des points
la
334 En ce sens, voy. R. RANJEVA et C. CADOUX, op.
cit., pp. 122-123
335 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p.
792
91
Convention de Genève du 28 juillet 1951
applicable aux réfugiés. Il s'agit de l'article 12 de cette
Convention.
L'alinéa 2 de l'article précité
prévoit le respect des « droits précédemment acquis
par l'apatride et découlant du statut personnel, et notamment ceux qui
résultent du mariage ».
Les précédents développements
nous permettent de conclure que, malgré la protection internationale
dont il bénéficie, l'apatride continue à souffrir d'un
sérieux handicap à cause de la situation précaire qui le
caractérise, comparé à une personne qui a une
nationalité. La meilleure solution serait donc de lui attribuer la
nationalité pour enfin lui permettre de jouir des droits et des
protections attachés à la nationalité.
Le lien avec le territoire est un critère
efficace permettant d'éviter l'apatridie car il est de nature à
attribuer la nationalité à une personne qui,
autrement,
92
CONCLUSION GENERALE
L'on ne comprend la notion de double
nationalité que si l'on essaie de comprendre celle de « simple
» nationalité. Cette dernière se conçoit comme
étant un lien juridico-politique entre l'individu et l'Etat.
La notion de nationalité nous fournit, en
outre, une différence entre la nationalité sociologique et la
nationalité juridique, la coïncidence entre les deux, même si
elle n'est pas toujours possible, est plus que souhaitable.
De surcroît, l'attribution de la
nationalité est dominée par certains principes de droit
international.
Ainsi, la nationalité se veut nécessaire
pour les individus. Elle est attribuée par un Etat souverain qui exerce
son pouvoir discrétionnairement.
De là apparaissent deux éléments
de la nationalité auxquels vient s'adjoindre le troisième, celui
du lien entre l'individu et l'Etat qui évoque les critères dont
s'inspire chaque Etat dans l'attribution de sa nationalité. Ces
critères veulent que, dans son rôle de donneur de
nationalité, l'Etat tienne compte de ses besoins, des aspirations des
individus demandeurs de nationalité, dans la mesure où les
intérêts de ces derniers s'avèrent compatibles avec les
siens, sans oublier bien sûr que les nécessités
internationales doivent également entrer en ligne de compte.
En outre, la triple nature juridique de la
nationalité nous révèle que le lien de nationalité
est un lien légal, en dépit de l'opinion contraire tendant
à lui conférer le caractère contractuel. Il est aussi un
lien de droit public en ce que seul l'Etat peut accorder la nationalité
à l'intéressé, quand bien même une partie de la
doctrine soutient l'idée que la nationalité constitue une
législation autonome produisant des effets de droit privé et des
effets de droit public. De même, la nationalité est un lien de
droit interne entraînant des effets internationaux.
La nationalité peut être, soit d'origine
si elle est attribuée selon les modes prévus, c'est-à-dire
le lien de filiation et le lien avec le territoire, soit acquise si elle est
conférée par naturalisation, par déclaration, par option
et par recouvrement.
93
deviendrait apatride. Il s'agit d'une
présomption qui a été prévue par la loi dans le but
de réduire autant que possible les situations d'absence de
nationalité.
La nationalité est un critère de
rattachement dans tous les cas où l'on a besoin de déterminer la
loi applicable dans l'hypothèse de conflit de lois, elle assure la
plénitude de la personnalité juridique tandis que son acquisition
permet d'éviter l'apatridie.
La plupart des modes d'attribution ou d'acquisition de
la nationalité sont celles-là même qui se trouvent
être les facteurs juridiques de la double nationalité. A
l'égard de cette dernière, les Etats adoptent des attitudes
différentes, mais il faut mentionner que le Burundi adopte une attitude
de reconnaissance pure et simple de la binationalité.
Ainsi donc, comme facteurs juridiques de la double
nationalité, outre l'application simultanée du jus soli et du jus
sanguinis, cette situation peut résulter du recouvrement de la
nationalité, de la naturalisation, de la transmission de la
nationalité aussi bien par le père que par la mère, de la
transmission de la double nationalité par le père ou par la
mère, etc.
A ce niveau, il convient de souligner que le droit
burundais consacre une inégalité entre l'homme et la femme car,
d'un côté, la loi prévoit la possibilité pour une
femme étrangère d'acquérir la nationalité de son
mari burundais alors que le contraire n'est pas possible, d'un autre
côté, seul l'homme confère, en principe, sa
nationalité aux enfants, la femme ne pouvant la leur conférer
qu'à titre subsidiaire, lorsque la filiation paternelle n'est pas
établie.
En plus, en droit burundais, au contraire de
l'adoption simple, seule l'adoption plénière confère la
nationalité et, partant, la double nationalité à
l'adopté.
La double nationalité crée des conflits,
soit positifs, soit négatifs.
Ainsi, sans ignorer qu'elle procure des avantages
à l'intéressé notamment en augmentant les chances de la
protection diplomatique, en accroissant la liberté d'aller et de venir
et les droits du double national, la double nationalité plonge
l'intéressé dans une situation embarrassante, en matière
d'obligations militaires, elle crée le problème d'exercice de la
protection diplomatique et ce problème s'accentue lorsque la
prétendue victime a également la nationalité de l'Etat
défendeur.
Des problèmes naissent aussi en matière
d'état et de capacité des personnes.
94
La doctrine propose des solutions dont la plupart
résultent des conventions internationales, notamment la prise en
considération de la nationalité unique de
l'intéressé, de la solution qui tient compte du but à
atteindre, la prise en compte de la nationalité la plus effective et
celle de la nationalité du for. C'est cette dernière qui est
préconisée par le droit burundais même si elle n'est pas
satisfaisante. Ce dernier prévoit également une solution en
matière d'obligations militaires qui n'est qu'un expédient car
elle laisse subsister les obligations civiques à charge d'un double
national sans prévoir une solution au cas où ce dernier se
verrait appelé sous les drapeaux par un autre Etat dont il a aussi la
nationalité et cela, au même moment.
En cas de conflit de deux nationalités
étrangères, le droit burundais ne prévoit aucune
solution.
Les conflits négatifs, quant à eux, sont
le résultat de l'apatridie. L'apatride connaît ainsi des
problèmes de rattachement, en matière de statut personnel, des
problèmes de protection diplomatique tandis qu'il a toujours la crainte
de se voir expulsé, etc.
Des conventions internationales ont été
conclues en vue d'assurer la protection de l'apatride et de déterminer
le critère de son rattachement en matière de statut personnel.
Là aussi, les solutions ne sont pas satisfaisantes car les exigences
nationales en matière démographique passent avant les
intérêts des apatrides.
Sur le terrain de la pratique, notre constat est que
les cas de jurisprudence sont limités. Nous ne prétendons pas
avoir épuisé l'étude de tous les contours de la question.
Le sujet mérite d'être approfondi et nous espérons que
d'autres chercheurs voudront bien nous compléter.
Nous déplorons en outre que certaines des voies
que nous avions voulues emprunter dans le but d'améliorer notre travail
ne nous aient pas été accessibles.
Cependant, par de-là toutes les
difficultés rencontrées, les efforts fournis nous ont permis de
détecter quelques lacunes dans l'arsenal juridique burundais, ce qui
nous amène à émettre les recommandations suivantes
:
Le législateur burundais devrait permettre
à la femme de conférer sa nationalité à ses enfants
sans aucune autre considération ; permettre à un mari
étranger d'acquérir la nationalité burundaise de son
épouse ; compléter l'article 28 du code burundais de la
nationalité, en indiquant au juge la solution à adopter en cas de
conflit de deux nationalités étrangères ; en
matière de protection
95
diplomatique, clarifier la situation de la victime,
lorsque celle-ci a également la nationalité de l'Etat
défendeur ;
L'Etat du Burundi devrait inventorier les Etats dont
les nationaux ont également la nationalité et conclure avec eux
des conventions tendant à résoudre tous les conflits positifs de
nationalité, plus particulièrement en matière
d'obligations militaires.
96
BIBLIOGRAPHIE.
I. Textes juridiques internes et internationaux. A.
Textes internationaux
1. Convention de La Haye du 12 avril 1930 relative aux
conflits de lois sur la nationalité.
2. Déclaration universelle des droits de l'homme
du 10 décembre 1948.
3. Convention de Genève du 28 juillet 1951
relative au statut des réfugiés.
4. Convention des N.U. du 28 septembre 1954 relative au
statut des apatrides.
5. Convention des N.U. du 20 février 1957 sur la
nationalité des femmes mariées.
6. Déclaration des droits de l'enfant du 20
novembre 1959.
7. Convention de Strasbourg du 6 mai 1963 sur la
réduction des cas de pluralité de nationalités et les
obligations militaires en cas de pluralité de
nationalités.
8. Pacte international relatif aux droits civils et
politiques du 16 décembre 1966.
9. Protocole de New York du 31 janvier 1967 relatif au
statut des réfugiés.
10. Convention des N.U. du 1er mars 1980 sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination à
l'égard des femmes.
11. Arrangement amiable germano-belge de Bonn du 22
octobre 1983 relatif aux conflits de nationalités en matière
d'obligations militaires.
12. Convention internationale sur les droits de l'enfant
du 20 novembre 1989.
97
B. Textes internes.
1. Décret-loi n°1/93 du 10 août 1971
portant Code de la nationalité burundaise, in B.O.B.
n°9/71, pp. 304-308.
2. Décret-loi n°1/024 du 28 avril 1993 portant
réforme du Code des personnes et de la famille, in B.O.B.
n°6/93, pp. 213-243.
3. Loi n°1/004 du 30 avril 1999 portant
modification des dispositions du Code des personnes et de la famille relatives
à la filiation adoptive, in B.O.B. n°6/99, pp.
399-408.
4. Loi n°1/013 du 18 juillet 2000 portant réforme
du Code de la nationalité, in B.O.B. n°8bis/2000, pp.
579-584.
5. Ordonnance ministérielle
n°550/540/523/2001 du 30 juillet 2001 portant fixation des frais de
recouvrement de la nationalité burundaise, in B.O.B.
n°7bis/2001, p. 792.
6. Décret n°100/156 du 14 octobre 2003 portant
modalités pratiques d'acquisition de la nationalité burundaise
par naturalisation, in B.O.B. n°10/2003, pp. 687-689.
7. Ordonnance ministérielle conjointe
n°550/540/713 du 17 juin 2004 fixant les frais d'enquête et de
publication, inédit.
8. Loi n°1/010 du 18 mars 2005 portant promulgation de
la constitution de la République du Burundi, in B.O.B.
n°3TER/2005, pp. 3-35.
9. Ordonnance ministérielle n°550/1158 du 28
novembre 2006 portant
nomination des membres de la commission consultative pour
la naturalisation, inédit.
98
II. Jurisprudence.
1. CPA, Affaire Canevaro, Italie c.
Pérou, 3 mai 1912.
2. CIJ, Arrêt Notteböhm, 6 avril
1955.
3. 1ère Ch. Civ., Arrêt
Kasapyan, 17 juin 1968.
4. TCHIKAYA, B., Mémento de la jurisprudence
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4e éd., economica, Paris, 2006, 901p.
2. BATIFFOL, H. et LAGARDE, P., Droit international
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3. BUBELLIN-DEVICHI, J. (dir.), Droit de la famille,
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juridique, 3e éd., LexisNexis Litec, Paris, 2008,
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6. CARREAU, D., Droit international,
5e éd., Pedone, Paris, 1997, 664p.
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positif, Tome I, La notion de droit international public, structure de la
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10. CORNU, G., Vocabulaire juridique,
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privé, 4e éd., édition Kluwer, Bruxelles,
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8e éd., Dalloz, Paris, 2004, 979p.
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privé, 9e éd., Montchrestien, Paris, 2007,
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Droit des conflits de juridiction, Droit des conflits de lois, Droit de la
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et communautaire : pratique notariale, 6e éd.,
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32. RIGAUX, F., Droit international privé,
Tome I. Théorie générale, Larcier, Bruxelles, 1977,
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Larcier, Bruxelles, 1993, 923p.
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19e éd., Dalloz, Paris, 2008, 299p.
35. VERHOEVEN, J., Droit international public,
Larcier, Bruxelles, 2000, 856p.
36. WEISS, A., Traité théorique et
pratique de droit international privé, Tome III. Les conflits des
lois, 2e éd., L.S.R.G.L.A., Paris, 1912, 761p.
IV. Cours.
1. KAGISYE, E., Cours de droit des affaires,
inédit, 2e Licence, Droit, Bujumbura, U.L.T., 2008-2009,
104p.
2. KOLB, R., Les cours généraux de
droit international public de l'académie de La Haye, Editions
Bruylant, Bruxelles, 2003, 1155p.
V. Sites internet.
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www.actualite.el-annabi.com/archive-actualite/article.php3?id-article=3796
2. http : //
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www.droitsenfant.com/cide.htm
8. http: //
www.haiti-reference.com/histoire/constitutions/const-1987.htm
9. http: //
www.un.org/womenwatch/daw/cedaw/text/convention.htm
10. http: //www2.ohch/french/law/ccpr.htm
102
11. http ://
www.la-constitution-en-afrique.org/article-22460032.htm
103
TABLE DES MATIERES
DEDICACES............................................................................
..i
REMERCIEMENTS ii
SIGLES ET ABREVIATIONS.
................................................. iii
INTRODUCTION GENERALE.
.....................................................1
CHAPITRE I. NOTIONS GENERALES SUR LE DROIT DE LA
NATIONALITE 4
Section 1. Généralités sur la
nationalité 4
§1. Notion 4
A. Définition.
..............................................................................4
1. Définition juridique 4
2. Distinction entre la nationalité juridique et
la nationalité sociologique 5
3. Coïncidence souhaitable entre la
nationalité de fait et la nationalité de
droit.
.....................................................................................6
B. Principes régissant l'attribution du lien de
nationalité.............................8
1. Principe de nécessité d'une
nationalité...............................................8
2. Principe de souveraineté
étatique...................................................10
3. Principe de liberté étatique dans le
choix des critères de nationalité.......... 11
C. Les éléments de la
nationalité.......................................................12
1. L'Etat donneur de
nationalité........................................................12
2. L'individu bénéficiaire de la
nationalité...........................................14
3. Le lien de nationalité entre l'individu et
l'Etat....................................15
a. Besoins de
l'Etat.......................................................................15
b. Aspirations
individuelles.............................................................16
c. Nécessités
internationales............................................................16
104
D. La nature juridique du lien de
nationalité..........................................17
1. Le lien de nationalité est un lien
légal et non contractuel........................17
2. Le lien de nationalité est un lien de droit
public..................................18
3. Le lien de nationalité est un lien de droit
interne.................................20
§2. La
naturalisation.....................................................................21
§3. L'option de
nationalité..............................................................22
§4. La double
nationalité................................................................22
§5.
L'apatridie............................................................................23
§6. La présomption
légale...............................................................23
§7. La
déclaration........................................................................24
§8. Le droit du
sol........................................................................24
§9. Le droit du
sang......................................................................25
Section 2. Fondements du droit de la
nationalité.................................... 26
§1. La nationalité : un des attributs de la
personnalité juridique...................26
§2. La nationalité : critère de
détermination de la loi applicable en cas de
conflitde lois.
.......................................................................27
A. Le statut personnel.
..................................................................28
1. Le statut
individuel....................................................................28
2. Le statut
familial.......................................................................29
B. Le statut
réel...........................................................................29
§3. La nationalité : moyen d'éviter
l'apatridie.......................................30 Section 3. Position de
certains Etats à l'égard de la double nationalité....
......31
§1. Vue
globale...........................................................................31
§2. Le droit positif burundais.
.........................................................32
105
CHAPITRE II. LES FACTEURS JURIDIQUES DE LA DOUBLE
NATIONALITE...................................................34
Section 1. Le recouvrement de la
nationalité.........................................34
§1. Le recouvrement de la nationalité
d'origine......................................34
A. Condition préalable : une nationalité
acquise et gardée.........................35
B. Le recouvrement de la
nationalité..................................................35
1. La procédure en
recouvrement......................................................36
2. Publication de l'acte de
recouvrement..............................................37
§2. Le recouvrement de la nationalité par
l'enfant adopté..........................37 Section 2. L'acquisition de
la
nationalité.............................................38
§1. L'acquisition de la nationalité par
adoption......................................38
§2. L'acquisition de la nationalité par
naturalisation................................39
A. Conditions de fond de recevabilité de la
requête en naturalisation............40
1. Condition
d'âge........................................................................40
2. Absence de
condamnation...........................................................41
3. Condition de résidence
permanente.................................................41
4. Condition de
moralité.................................................................42
5. Condition d'attachement et
d'assimilation.........................................42
B. Les conditions de forme et de
procédure..........................................43
1. Dépôt de la
requête...................................................................43
2. Enquête de l'administrateur
communal............................................44
3. Transmission du dossier au Ministre de la Justice.
..............................45
4. Décision de l'autorité
compétente...................................................45
5. Signification de la
décision.......................................................
45
6. Enregistrement et publication 46
106
§3. L'acquisition de la nationalité du
conjoint.......................................46
A. Pratique
générale.....................................................................46
B. Particularité du
Burundi.............................................................48
1. Conditions de la
déclaration........................................................
48
2. La procédure en
déclaration.........................................................49
Section 3. L'acquisition de la double nationalité par la mère ou
par le père.....50
Section 4. La transmission par filiation maternelle et
paternelle (double
droitdu
sang).............................................................
50
Section 5. L'application simultanée des
critères du droit du sang et du droit
dusol.
........................................................................51
§1. Application du droit du
sang.......................................................52
A. Justification du
système.............................................................52
B. Avantages et inconvénients du droit du sang.
....................................54
1. Les
avantages...........................................................................54
2. Les
inconvénients.....................................................................55
§2. Application du droit du
sol.........................................................55
A. Justification du
système..............................................................55
B. Avantages et inconvénients du
système............................................57
1.
Avantages..............................................................................57
2.
Inconvénients..........................................................................57
CHAPITRE. III. PROBLEMATIQUE DE LA DOUBLE NATIONALITE
ET SOLUTIONS AUX CONFLITS DE
NATIONALITES.
...............................................59
Section 1. Avantages de la double
nationalité........................................59 §1. Le cumul
des droits et des protections diplomatiques..........................
60
A. Le cumul des
droits................................................................
60
B. Le cumul des protections
diplomatiques..........................................60
107
1. Fondement de la protection
diplomatique..................................... 62
2. Conséquences de la protection diplomatique.
62
3. Conditions de recevabilité de la protection
diplomatique 63
a. La nationalité de la victime 63
b. La conduite du réclamant 64
c. L'épuisement préalable des voies de
recours internes 64
§2. Le bénéfice des effets des
traités 65
§3. Le droit à un double passeport
66
Section 2. Les points faibles de la double
nationalité 67
§1. Difficulté à accomplir les
obligations militaires et le devoir de fidélité 67
A. Accomplissement des obligations
militaires.................................. 67
B. La mise en oeuvre du devoir de fidélité
68
§2. Problème d'exercice de la protection
diplomatique 69
§3. La double nationalité et les questions
d'état et de capacité des
personnes.........................................................................
70
Section 3. Solutions aux conflits de
nationalités.....................................70 §1. Conflits
positifs......................................................................70
A. Prévention des
conflits...............................................................71
B. Elimination des conflits : renoncement à l'une
des nationalités................72
C. Suppression de certains effets du conflit de
nationalités........................73
1. La protection
diplomatique...........................................................73
2. Les obligations
militaires............................................................
75
a. Solution de
principe...................................................................75
b. Limite de la
solution..................................................................77
D. La solution fonctionnelle du conflit de
nationalités..............................78
108
1.
Principe.................................................................................78
2. Application du
principe...............................................................78
a. Conflit entre la nationalité de l'Etat du for
et une nationalité étrangère.......79
b. Conflit entre les nationalités de deux Etats
tiers..................................79 E. Autres
solutions.......................................................................80
1. Cas de conflit mettant en cause la nationalité
de l'autorité saisie :
primautéde la nationalité du
for........................................................80
a. Enoncé du
principe...................................................................
80
b. Justification du
principe............................................................. 81
1°. Dans l'ordre
interne..................................................................81
2°. Dans l'ordre international.
.........................................................82
2. Cas de conflit de nationalités
étrangères...........................................83
a. Solution en faveur de la nationalité
effective......................................83 1°.
Principe.......................
.........................................................83 2°.
Application du
principe.............................................................
85
b. Considération de la nationalité unique
de l'intéressé.............................86 §2. Conflits
négatifs.....................................................................
88
A. Position du problème.
...............................................................88
B. Différentes
solutions..................................................................88
1. Solution de droit
interne..............................................................88
2. Solution de droit
international....................................................
89
a. La protection internationale 89
b. Le statut personnel 90
CONCLUSION GENERALE 92
BIBLIOGRAPHIE.....................................................................96
TABLE DES
MATIERES..........................................................103
109
|