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REPUBLIQUE DU CAMEROUN Paix - Travail -
Patrie ******** MINISTÈRE DE
L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ******** UNIVERSITÉ DE
YAOUNDÉ ******** FACULTÉ DES SCIENCES JURIDIQUES ET
POLITIQUES ********
LE CONTRÔLE
Mémoire présenté et soutenu
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DES COLLECTIVITÉS
DÉCENTRALISÉES
REPUBLIC Peace -
MINISTRY
II THE UNIVERSITY
FACULTY
DE L'EXÉCUTION DU
TERRITORIALES AU CAMEROUN
en vue de l'obtention du diplôme de Pluralisme
Juridiques
Par :
NOAH AWONO Fabien Félicien Prosper
Titulaire d'une Licence en Droit Public
Sous la direction de :
Dr. ABENG MESSI
François Chargé de Cours
Sous la Supervision de :
Pr. PEKASSA NDAM Gérard Martin
Professeur Titulaire
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POLITICAL
OF CAMEROON Work - Fatherland ********
OF HIGHER EDUCATION
********
OF YAOUNDÉ
II
********
OF LAWS AND SCIENCES ********
BUDGET
Master en Théorie et
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ANNÉ ACADÉMIQUE : 2023-2024
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i
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
AVERTISSEMENT
« L'Université de Yaoundé II n'entend
donner ni approbation, ni improbation aux opinions émises dans ce
mémoire. Elles doivent être considérées comme
propres à leur auteur ».
II
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
DÉDICACE
À
Mes parents.
iii
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
REMERCIEMENTS
Nos infinis remerciements s'adressent à notre
Superviseur, Monsieur le Professeur PEKASSA NDAM Gérard Martin pour
avoir supervisé ce travail. Votre expertise, votre disponibilité
et votre bienveillance ont été des piliers fondamentaux dans la
conduite de ce travail.
Nous tenons à exprimer notre profonde gratitude
à notre Directeur, Dr. ABENG MESSI François auprès de qui
nous nous imprégnons des valeurs fondamentales de la recherche notamment
: l'humilité, le travail, la rigueur et la patience. Sans
réserve, il a accepté de diriger ce mémoire. Son
inconditionnelle disponibilité et ses conseils à la valeur
inestimable ont été déterminants pour la
réalisation de ce travail. Que ces mots traduisent autant que faire se
peut notre profonde et déférente gratitude à son
égard.
Qu'il nous soit également permis d'exprimer notre
révérencieuse gratitude au corps enseignant de la Faculté
des Sciences Juridiques et Politiques de l'Université de Yaoundé
II, dont la contribution à notre formation demeure éminente. Une
pensée va à l'endroit au chef de département de
Théorie et Pluralisme Juridiques, Monsieur le Professeur KENFACK Pierre
- Étienne. Celle-ci s'étend aux Professeurs : ONDOUA Alain
Franklin, NKOT Fabien, SIMO KOUAM Francis Ampère, TAMASANG Christopher,
TCHEUWA Jean - Claude, NGUELE ABADA Marcellin, BIAKAN Jacques, ABANE ENGOLO
Edgard Patrick, GUESSELE ISSEME Lionel Pierre et AKONO ONGBA SEDENA.
Nos remerciements vont en outre à l'endroit de M. AKONO
ESSAME Joseph pour ses conseils et orientations pour la réalisation de
ce travail.
In fine, le soutien sans faille et les encouragements
de mes proches, ont contribué à ce que cette année de
recherche soit moins pénible :
Amour et reconnaissance à mes parents, M. AWONO BIKIE
Désiré et Mme AMBOMO NOA Stéphanie, c'est au prix d'un
énorme sacrifice champêtre que vous aviez dû
défricher mon chemin de classe. Je vous serai éternellement
reconnaissant chers parents. Amour et reconnaissance à mes frères
et soeurs qui, n'ont cessé, de me soutenir depuis le début de ce
travail. Je vous serai infiniment reconnaissant.
iv
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
SIGLES, ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS
Al : Alinéa
Art : Article
ASJ : African Scientific Journal
CCAP : Contrôle citoyen de l'action
publique
CDBF : Conseil de Discipline
Budgétaire et Financière
CEMAC : Communauté Économique
et Monétaire de l'Afrique Centrale
CF : Contrôleur financier
CGCTD : Code Général des
Collectivités Territoriales Décentralisées
Coll : Collection
CM : Conseil Municipal
CONAC : Commission Nationale Anti -
Corruption
CONSUPE : Contrôle Supérieur de
l'État
CPI : Cour Pénal Internationale
CS : Cour Suprême
CTD : Collectivités Territoriales
Décentralisées
CTGPF : Code de transparence et de bonne
gouvernance dans la gestion des finances
publiques
DESS : Diplôme d'Études
Supérieures Spécialisées
DGB : Direction générale du
budget
DOB : Débats d'orientation
budgétaire
Éd : Édition
ENAM : École Nationale de
l'Administration et de Magistrature
FFI : Finance et Finance Internationale
GBO : Gestion budgétaire par
objectifs
GFP : Gestion et Finances Publiques
IMJST: International Multilingual Journal of
Science and Technology
INTOSAI : International Organization of
Supreme Audit Institutions
ISC : Institution Supérieure de
Contrôle
ISSAI : International Standards of Supreme
Audit Institutions
LGDJ : Librairie Générale de
Droit et de Jurisprudence
V
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
LOLF : Loi organique relative aux lois de
finances
MINFI : Ministère des finances
OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires
ONG : Organisation non gouvernementale
Op.cit : Opus citatum
PUCAC : Presses de l'Université
Catholique d'Afrique Centrale
PUF : Presses Universitaires de France
PUR : Presses Universitaires de Renne
PUQ : Presses de l'Université du
Québec
RAFL : Revue Africaine des Finances
Locales
RAFP : Revue Africaine des Finances
Publiques
RASJ : Revue Africaine des Sciences
Juridiques
RC/SJP : Revue CAMES/ Sciences Juridiques et
Politiques
RDP : Revue du Droit Public
REA : Revue des Études Anciennes
RFDA : Revue Française de Droit
Administratif
RFDC : Revue Française de Droit
Constitutionnel
RFEAP : Régime financier de
l'État et des autres entités publiques
RFFP : Revue Française de Finances
Publiques
RGD : Revue Générale de
Droit
RIDC : Revue Internationale de Droit
Comparé
RISA : Revue Internationale des Sciences
Administratives
TCS : Tribunal Criminel Spécial
TGI : Tribunal de Grande Instance
TPI : Tribunal de Première Instance
TRC : Tribunal Régional des Comptes
UE : Union Européenne
UEAC : Union Économique d'Afrique
Centrale
UEMOA : Union Économique et
Monétaire Ouest - africaine
UMOA : Union Monétaire Ouest -
africaine
Vol : Volume
vi
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
RÉSUMÉ
Le cadre législatif des CTD au Cameroun a
été renforcé par la loi no 2019/024 du 24
décembre 2019 portant Code général des
collectivités territoriales décentralisées. Cette loi
précise les principes de la décentralisation, les
compétences transférées aux CTD, ainsi que les
mécanismes de l'exécution et du contrôle budgétaire.
En complément, la loi no 2009/011 du 10 juillet 2009 portant
régime financier des collectivités territoriales
décentralisées établit des règles
spécifiques concernant l'élaboration, l'exécution et le
contrôle de l'exécution du budget des CTD, ainsi que les
obligations en matière de transparence et de responsabilité
financière. En effet, la question du financement de la
décentralisation figure en bonne place dans la loi portant Code
général des collectivités territoriales
décentralisées.
C'est encore conformément à l'esprit du principe
de l'autonomie financière que se réalise l'exécution des
opérations financières des CTD malgré les contrôles
susceptibles de s'appliquer. Dès lors, nous avons
privilégié la question de l'effectuation du contrôle de
l'exécution du budget des CTD en mettant prioritairement en
lumière la méthode juridique et accessoirement la méthode
sociologique.
Au bénéfice des considérations qui
précèdent, il ressort que le contrôle de l'exécution
du budget des CTD est axé sur la régularité et la
performance. En effet, la possibilité de sanctions en cas
d'irrégularités ou de mauvaise gestion joue un rôle
dissuasif important. Elle incite les gestionnaires publics à respecter
les règles et à adopter des comportements responsables, sachant
qu'ils peuvent être tenus responsables de leurs actes.
Mots - clés : CTD - budget -
contrôle de l'exécution - régularité - performance
et sanctions.
VII
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
ABSTRACT
The legislative framework for decentralized territorial
authorities in Cameroon has been strengthened by Law No 2019/024 of
December 24, 2019, which establishes the General Code of Decentralized
Territorial Authorities. This law outlines the principles of decentralization,
the competencies transferred to CTDs, and the mechanisms for budget execution
and control. Complementing this, Law No 2009/011 of July 10, 2009,
establishes specific rules regarding the preparation, execution and control of
CTD budgets, as well as obligations concerning transparency and financial
accountability. Indeed, the issue of financing decentralization is prominently
addressed in the General Code of Decentralized Territorial Authorities. The
enshrinement of the principle of free administration of territorial
authorities, underpinned by the affirmation of their administrative an
financial autonomy, embodies the legal personality of CTDs in accordance with
Article 11.
It is also in line with the spirit of financial autonomy that
the execution of CTD financial operations occurs despite applicable controls.
Therefore, we have prioritized the issue of controlling the execution of CTD
budgets, emphasizing the legal method primarily and the sociological method
secondarily.
In light of the above considerations, it appears that the
oversight of budget execution of decentralized local authorities is focused on
regularity and performance. Indeed, the possibility of sanctions in cases of
irregularities or mismanagement plays a significant deterrent role. It
encourages publics managers to adhere to the rules and adopt responsible
behaviors, knowing that they can be held accountable for their actions.
Keywords: Decentralized Territorial
Authorities (CTD) - budget - control of execution - regularity - performance
and sanctions.
viii
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
SOMMAIRE
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
PREMIÈRE PARTIE : UN CONTRÔLE
FORMELLEMENT STRUCTURÉ 30
CHAPITRE I : UN CADRE INSTITUTIONNEL NON
JURIDICTIONNEL
OPÉRATIONNEL 32
SECTION I : UN CONTROLE PRIORITAIREMENT CONFIE AUX ORGANES
EXTERNES AUX CTD 32
SECTION II : UN CONTROLE ACCESSOIREMENT CONFIE AUX ORGANES
EXTERNES AUX CTD 41
CHAPITRE II : UN CADRE INSTITUTIONNEL JURIDICTIONNEL
INACHEVÉ 50
SECTION I : L'EFFECTIVITE DES JURIDICTIONS DE DROIT COMMUN
50
SECTION II : L'EFFECTIVITE PARTIELLE DES JURIDICTIONS
FINANCIERES 58
SECONDE PARTIE : UN CONTRÔLE
MATÉRIELLEMENT AMÉNAGÉ 72
CHAPITRE I : UN CONTRÔLE DE LA
RÉGULARITÉ 74
SECTION I : LES DIMENSIONS DE LA REGULARITE 74
SECTION II : L'ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITE DES AGENTS
PUBLICS
DU FAIT DES IRREGULARITES 84
CONCLUSION DU CHAPITRE I 94
CHAPITRE II : UN CONTRÔLE DE PERFORMANCE
95
SECTION I : LA MESURE DE LA PERFORMANCE BUDGETAIRE 96
SECTION II : LA PRISE DE MESURES CONTRE LES DECIDEURS LOCAUX
DU FAIT
DE LA CONTRE - PERFORMANCE BUDGETAIRE 104
CONCLUSION GÉNÉRALE 112
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
1
INTRODUCTION GÉNÉRALE
2
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
Constitutionnalisée et renforcée par diverses
lois telles que la loi no 2004/017 du 22 juillet 2004 portant
Orientation de la décentralisation et la loi no 2019/024 du
24 décembre 2019 portant Code général des
collectivités territoriales décentralisées, la
décentralisation vise à rapprocher l'administration des citoyens,
à promouvoir le développement local et à renforcer la
démocratie participative.
Dans ce cadre, les CTD, comprenant les communes et les
régions, jouent un rôle essentiel dans la planification et
l'exécution des politiques publiques locales. Elles disposent de
compétences étendues en matière de développement
économique, social et culturel, ainsi que d'une autonomie
financière conséquente pour la gestion de leurs budgets.
Toutefois, cette autonomie doit être assortie de
mécanismes de contrôle rigoureux pour garantir la transparence, la
responsabilité et l'efficience dans l'utilisation des ressources
publiques. Le contrôle de l'exécution du budget des CTD s'inscrit
dans la logique de la nouvelle gouvernance financière. Dans la
construction doctrinale, « la nouvelle gouvernance financière
» est un modèle de gestion et de décision financière
publique inspiré des modes de gouvernance du secteur marchand et
caractérisé par « la responsabilisation des acteurs,
leur efficacité d'action et la transparence de leurs pratiques
»1. Dans le cas spécifique du Cameroun, la nouvelle
gouvernance financière renvoie à la nouvelle philosophie de
gestion publique, introduite par le régime financier de l'État de
2007 et confirmée par celui de 2018 caractérisée par le
passage d'une logique de moyens centrée sur la recherche de la
régularité budgétaire à une logique de performance
intégrant les préoccupations d'efficacité de l'action
publique, de transparence et de bonne gouvernance des finances publiques. C'est
d'ailleurs la raison pour laquelle le Professeur Charles - Étienne
LAKENE DONFACK la qualifie de « nouvelle orthodoxie financière
»2.
Depuis le début des années 2000, la
fièvre de la recherche de la performance financière qui a
traversé de nombreux pays d'Afrique francophone, n'a pas laissé
le Cameroun indifférent3. En effet, la
décentralisation aujourd'hui mobilise beaucoup de derniers publics
malgré la crise à laquelle sont encore confrontées les
finances locales camerounaises4. Parallèlement, leur gestion
est encore confrontée à de nombreuses difficultés qui
tendent à
1 BOUVIER (Michel), « Préface »,
in MILEBE VAZ Christian, La nouvelle gouvernance financière
publique dans les organisations du système des Nations Unies,
Paris, LGDJ, 2021, p. 9.
2 LAKENE DONFACK (Charles - Étienne), «
Constitution, Chambre des comptes, comptes publics en droit public financier
camerounais », RAFP, no 12, 2nd semestre
2022, p. 30.
3 MÉDÉ (Nicaise), « L'Afrique
francophone saisie par la fièvre de la performance financière
», RFFP, no 135, 2016, p. 350.
4 AKONO OLINGA (André), L'apport de la
performance au contrôle des finances locales au Cameroun,
Thèse de doctorat en Droit Public, Université de Yaoundé
II, 2020, p. 4.
3
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
entraver la réalisation des objectifs qui leur ont
été assignés. On dénombre ainsi : des
irrégularités5 au regard des normes de la
comptabilité publique6 et des indélicatesses
comptables, d'importantes malversations financières justifiées
par la multiplication des actes de corruption7 qui tendent à
y obtenir un droit de cité qui, en fin de compte, participent à
une perte significative des fonds devant servir au financement des politiques
publiques locales. Il apparaît donc plus qu'impératif, que la
collectivité satisfasse au mieux les besoins de la population vivant sur
son territoire. Cet objectif passe non seulement par l'amélioration de
la gestion financière de la collectivité, mais davantage par la
pratique d'un contrôle dynamique8 et efficace.
Le contrôle de l'exécution du budget des
collectivités territoriales décentralisées au Cameroun
soulève plusieurs interrogations. Malgré les avancées
législatives et institutionnelles, les défis majeurs subsistent
en termes de gestion financière locale. Les dysfonctionnements
budgétaires, la corruption, l'inefficacité administrative et le
manque de transparence sont autant de maux qui entravent la bonne gouvernance
locale. De plus, les mécanismes de contrôle existants, qu'ils
soient internes ou externes, peinent souvent à remplir pleinement leur
rôle, en raison de contraintes institutionnelles, logistiques et
humaines.
L'amélioration de la gouvernance des finances publiques
en général, et de celles locales particulier y reste primordiale.
Elle a pour corollaires, la protection des finances publiques à travers
l'impulsion d'une dynamique d'adoption des mesures économique, juridique
et politique sur les principes fondamentaux de la transparence et de la bonne
gouvernance dans la gestion des finances publiques. À l'analyse,
l'adoption de ces mesures au Cameroun constitue primo, une
manifestation des réformes auxquelles notre administration publique est
soumise ; secundo, une résultante de la nécessité
et surtout de l'obligation
5 Nous pouvons citer :
- Les fautes de gestion ;
- Les détournements de derniers publics ;
- Le non versement des fonds au trésor public ;
- L'absence des états d'émargement. Cette
incohérence managériale a par exemple été
relevée dans le cas
de l'arrêt no 72/AD/CSC/CDC/S2 du 29 septembre
2011 (commune urbaine de Garoua pour l'exercice
2004) ;
- La comptabilité de fait relevée également
dans l'arrêt no 118/P/S2 du 6 septembre 2012
(communauté
urbaine de Yaoundé pour l'exercice 2007) ;
- Le retard dans la production des comptes dans l'arrêt
no 187/D/S2 du 22 novembre 2012, compte de
gestion de la commune urbaine de Douala pour l'exercice 2009.
6 MAGNET (Jacques), Éléments de
comptabilité, Paris, LGDJ (3e éd.), Coll.
Système-Finances Publiques, 1996, p. 11.
7 CHARTIER (Jean - Louis), « Les
collectivités locales et la corruption », RFFP,
no 69, 2000, pp. 87 - 94.
8 LEJOUR (Baptiste), Du contrôle
budgétaire et financier au contrôle de gestion dans les
collectivités locales, Mémoire de D.E.S.S, Institut
d'Études politiques de Lyon, 2003, p. 4.
4
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
d'arrimer fondamentalement les finances publiques
camerounaises aux exigences de la nouvelle gouvernance financière
publique. Cette dernière est une approche managériale qui a
foncièrement pour objectif la mise en place d'un système de
gestion par performance.
À l'observation, les finances publiques locales
camerounaises sont imbibées de cette nouvelle philosophie qui innerve la
gestion publique. Elles « sont le « nerf de la guerre » en
ce qu'elles conditionnent la capacité des collectivités locales
à mettre en oeuvre les politiques publiques locales
»9 et d'atteindre leurs objectifs10. C'est dire
en effet, que les finances publiques sont à la base de toute action
administrative, et aucune activité administrative ne s'exerce sans les
finances publiques11.
Sur ces entrefaites, la présente étude se penche
sur la question, et se propose de mener une recherche sur « Le
contrôle de l'exécution du budget des collectivités
territoriales décentralisées au Cameroun ».
Ainsi, pour mieux l'appréhender, il est plus que nécessaire de
procéder à la construction scientifique de notre étude en
mettant un point d'honneur sur les cadres théorique (I) et
matériel (II), ainsi que les axes de ladite étude (III).
I- CADRE THÉORIQUE
L'étude sur le contrôle de l'exécution du
budget des collectivités territoriales décentralisées au
Cameroun prend en compte un cadre théorique précis. Ce cadre
théorique met en exergue la conjugaison du cadre contextuel
(A) et du cadre conceptuel (B) permettant de
mieux saisir les contours de notre sujet.
A- LE CADRE CONTEXTUEL
Le contrôle de l'exécution du budget des CTD au
Cameroun s'inscrit dans un cadre à la fois politique
(1) et juridique (2). Politiquement, le
Cameroun a entrepris une décentralisation pour renforcer la gouvernance
locale et favoriser le développement local. Juridiquement, le
foisonnement des textes relatifs à la décentralisation
définit les règles de gestion financière et les
mécanismes de contrôle des CTD.
9 YATTA (François Paul), « La gestion
des finances locales en Afrique : Convergence et Divergence des systèmes
», RAFL, éd. 2014, pp. 2 - 35.
10 OWONA (Joseph), La décentralisation
camerounaise, L'Harmattan Cameroun, 2011, p. 62.
11 LAKENE DONFACK (Charles - Étienne),
Finances publiques camerounaises, Paris, Berger-Levrault, mars 1987,
p. 16.
5
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
1- Le contexte politique
Le contrôle de l'exécution du budget des
collectivités territoriales décentralisées au Cameroun
s'inscrit dans un contexte politique marqué par la
décentralisation et la gouvernance locale. Depuis les années
1990, le Cameroun a entrepris des réformes visant à renforcer le
pouvoir et l'autonomie des collectivités locales, notamment en
matière de gestion budgétaire. Cependant, ces réformes
sont confrontées à des défis tels que la corruption, le
manque de transparence et de capacités institutionnelles.
Le contrôle de l'exécution du budget est donc
crucial pour garantir une gestion transparente et efficace des ressources au
niveau local, dans un contexte où la gouvernance et la reddition des
comptes sont des enjeux majeurs. Les lois constitutionnelles
révisées des pays d'Afrique noire francophone12 ont
singulièrement bouleversé la conception de l'autonomie locale en
matière de décentralisation territoriale dans un État
unitaire de type classique. Elles devancent en cela la révision de la
Constitution française du 4 octobre 1958, dont on connaissait
déjà l'ampleur de l'influence enregistrée sur le
constitutionnalisme africain.
Ce constat sonne opportunément le glas d'une opinion
fort répandue, bien que décriée par certains, selon
laquelle « l'étendue des droits africains, en ce domaine
(constitutionnel) comme en droit public en général, serait de peu
d'intérêt, car ils ne représentaient que de simples
prolongements des droits des pays industrialisés et plus
spécialement des anciennes métropoles. Ces droits ne seraient en
outre que le produit d'une influence générale et
omniprésente de modèles et conceptions élaborés
ailleurs, en ce sens qu'ils auraient la caractéristique d'être
sans réel impact, le mimétisme contribuant à leur
ineffectivité, leur principal office étant de remplir des
fonctions purement symboliques13 ». Contre toute attente
donc, outre son originalité sur des points tels que la protection des
minorités et des autochtones, le statut des religions, le
constitutionnalisme africain des années 1990 est marqué par
l'existence d' « écritures de la Constitution propres à
ces groupes de pays qui font que les questions constitutionnelles sont
élaborées de façon identique : les Constitutions sont
rédigées selon un même type de plan, les compétences
sont définies selon une même grille de répartition, les
institutions communes s'y retrouvent systématiquement, les mêmes
absences st silences s'y répètent. Autant
d'éléments qui créent entre les textes français et
ceux des États
12 On peut citer la loi constitutionnelle du 18
janvier 1996.
13 DU BOIS DE GAUDUSSON (Jean), « Le
constitutionnalisme en Afrique », in Les constitutions africaines
publiées en langue française, Bruylant, 1978, p. 3.
6
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
de succession française un effet de
familiarité14 ». De ces « airs de famille,
particularismes religieux, sociaux ou juridiques15 », on
pourrait même dire, qu'il se dégage un ensemble cohérent
tendant vers un arrimage aux normes de droit constitutionnel contemporain dans
le monde.
En effet, à l'instar de la France depuis 1946,
plusieurs pays d'Afrique noire francophone et Madagascar reconnaissent pour la
première fois dans leurs Constitutions, l'existence des
collectivités territoriales décentralisées à deux
ou trois niveaux, comme entités juridiques autonomes faisant partie
intégrante de leurs territoires. Certaines lois fondamentales
révisées de ces pays s'ouvrent en général par une
disposition liminaire commune qui proclame le caractère «
unitaire et décentralisé » de la
République16.
Au Cameroun, les acteurs du processus de
décentralisation mettent en oeuvre leurs activités dans le
respect de l'unité nationale, de l'intégrité du territoire
et de la primauté de l'État. Cette première orientation
législative est une donnée fondamentale de notre pays, où
la tentation sécessionniste s'est parfois manifestée d'une
manière plus ou moins sérieuse. L'histoire de la
décentralisation au Cameroun est antérieure à
l'indépendance du pays. Les premières communes de Yaoundé
et de Douala ont été créées en 1941. La loi
no 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la
Constitution du 02 juin 1972 qui a donné une impulsion nouvelle et un
rôle accru et déterminant à la décentralisation pour
améliorer et dynamiser le développement politique, social et
économique au Cameroun. Au sens de cette loi, deux dispositions
pertinentes peuvent servir d'assises normatives et précisément
constitutionnelles du droit public financier local. En premier lieu, l'on peut
se référer à l'article 2 du titre premier de cette loi
constitutionnelle qui dispose que : « La République du Cameroun
est un État Unitaire décentralisé17
». Cette disposition constitutionnelle, ne dissimule aucune
ambiguïté au sujet de la forme et du mode d'organisation
administrative de l'État. Il s'agit clairement de la
décentralisation administrative, à l'exclusion de la
décentralisation politique.
La décentralisation administrative postule non
seulement l'autonomie administrative, mais aussi l'autonomie financière
des CTD. Plus loin, au terme du titre X, consacré aux CTD, le
constituant camerounais détermine, non seulement la nature des
collectivités territoriales, mais également, les principes
fondamentaux régissant ces démembrements infra -
étatiques,
14 Ibid.
15 Ces expressions sont de Martine Viallet et
Didier Maus, « Préfaces », in Les constitutions africaines
publiées en langue française, op.cit., p. 2.
16 Art. 2, Loi constitutionnelle du Cameroun ; Art.
1er (nouveau) de la loi constitutionnelle de la France.
17 Art. 2 de la loi constitutionnelle du 18 janvier
1996.
7
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
ainsi que les missions qui leurs sont dévolues. Tel est
l'objet de l'article 55 de cette loi constitutionnelle. Au Cameroun,
l'autonomie financière qui constitue un versant constitutionnel de la
libre administration des CTD comprend l'autonomie fiscale et l'autonomie
budgétaire. L'autonomie financière constitue une condition de
réalisation de la décentralisation. S'agissant
particulièrement de l'autonomie budgétaire, les CTD camerounaises
bénéficient depuis l'avènement de la
décentralisation, d'un certain nombre de prérogatives en
matière de recettes et de dépenses. Ces prérogatives ne
leur confèrent pas une réelle autonomie18. Elles ne
mettent en oeuvre qu'un pouvoir budgétaire que leur confère la
loi19. Ce pouvoir, bien qu'affirmé par le législateur
reste strictement encadré au point où l'on s'interroge sur la
pertinence de la liberté des collectivités territoriales en
matière budgétaire20. La gouvernance est l'un des
enjeux de la décentralisation. On décentralise parce qu'il y a
des problèmes de gestion au niveau central qui empêchent
l'État de répondre aux besoins des citoyens. Mais, si on
n'anticipe pas sur les risques d'exclusion, de corruption, de confiscation du
pouvoir local, la décentralisation peut simplement signifier
transférer les problèmes du niveau central vers le niveau local
sans pour autant les résoudre.
Le Cameroun en général et les CTD en particulier
n'ont pas échappé à cette préoccupation du
contrôle car leurs finances ont été confrontées
à plusieurs maux : mauvaise gouvernance et détournements de
derniers publics ont sans nul doute accentué la problématique de
la qualité et de l'efficacité des mécanismes de
contrôle. Nous avons encore en mémoire le classement de l'ONG
Transparency International, qui a classé le Cameroun deux fois champion
du monde de la corruption21. Notre étude s'insère dans
un contexte politique marqué par des scandales de la corruption, de
détournement de derniers publics et de mauvaise gestion qui se
répandent, au sein des régions et des communes comme une
traînée de poudre. C'est pourquoi, le législateur
camerounais consacre des modalités de contrôle de
l'exécution du budget des CTD afin de « tordre le cou » aux
irrégularités survenues dans le processus de l'exécution
de la dépense publique locale. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle
« La fonction de contrôle des finances publiques est devenue un
des standards du droit et de la gestion des finances publiques dans le
monde22 ». En gros, le contexte politique de cette
18 MONGBAT (Alassa), DJODA (Jean-Marc), «
Recherche sur le pouvoir budgétaire des collectivités
territoriales décentralisées en droit public financier
camerounais », IMJST, Vol. 5, 2020, pp. 2203-2217, p. 2203.
19 Ibid.
20 Idem.
21 Classement de l'ONG Transparency International
de 1998 et 1999, «
https://issue.com/tranparency-international/docs
»/CPI - 1998, 1999. Lire Claude Assira, « Procès et
procédures : état de non droit permanent », in sous la
direction de Charlie Gabriel MBOCK, L'opération épervier au
Cameroun, un droit d'injustice, éd. Kiyikant, octobre 2011, p. 49
et s.
22 MÉDÉ (Nicaise), Finances
publiques Espace UEMOA/UMOA, Sénégal, L'harmattan, 2016, p.
323.
8
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
étude sur le contrôle de l'exécution du
budget des CTD au Cameroun est marqué par les défis persistant en
matière de gestion financière et de gouvernance au niveau
local.
Dans un pays où la décentralisation est un
pilier de la gouvernance publique, le contrôle efficace de
l'exécution du budget revêt une importance cruciale pour assurer
la transparence, la responsabilité et l'efficacité dans
l'utilisation des ressources publiques. Le contexte politique,
économique et institutionnel du Cameroun influence directement les
mécanismes et les pratiques de contrôle budgétaire au
niveau des CTD, et met en lumière l'urgence d'une analyse approfondie de
ces processus. La dynamique complexe entre l'État et les
collectivités locales, les ressources financières limitées
et la pression croissante pour répondre aux besoins des populations sont
autant de facteurs qui façonnent le contexte dans lequel s'inscrit cette
étude. En comprenant pleinement le contexte spécifique dans
lequel s'opère le contrôle de l'exécution du budget du
Cameroun, cette étude vise à fournir des recommandations
pragmatiques adaptées pour renforcer les mécanismes de
contrôle et améliorer la gestion financière des
collectivités territoriales décentralisées.
2- Le contexte juridique
Le contrôle de l'exécution du budget des
collectivités territoriales décentralisées au Cameroun est
encadré par une diversité de texte juridiques, notamment la
Constitution, les lois relatives à la décentralisation et
à la décentralisation fiscale et financière, ainsi que les
textes règlementaires et les directives émis par les
autorités compétentes.
Sans prétendre à l'exhaustivité de ces
textes, la Constitution Camerounaise reconnaît le principe de la
décentralisation23 et établit les bases de l'autonomie
financière24 des collectivités territoriales. Elle
dispose également les principes de transparence, de reddition des
comptes et de gestion rigoureuse des finances publiques. La
décentralisation au Cameroun, inscrite dans la loi no
2019/024 du 24 décembre 2019, vise à renforcer la gouvernance
locale et la participation citoyenne.
Depuis le 24 décembre 2019, la décentralisation
territoriale au Cameroun est harmonisée autour d'un texte constitutif :
le Code Général des Collectivités Territoriales
23 Art. 1er al. 2 de la Constitution
camerounaise du 18 janvier 1996.
24 L'autonomie financière doit « se
manifester par l'exercice d'une compétence fiscale et d'un pouvoir
budgétaire au niveau local », PHILIP (Loïc), « Les
garanties constitutionnelles du pouvoir financier local », RFDA,
no3, mai - juin 1992, p. 454.
9
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
Décentralisées25. Ce texte marque la
volonté des pouvoirs publics à accélérer le
processus de décentralisation amorcé depuis 1996. Dans cette
mouvance, on assiste à une évolution remarquable de la d'un
régime financier des CTD via la consécration d'une
autonomie administrative et financière. À ce titre, la
fiscalité locale, les dotations et les ressources propres acquises par
les CTD constituent les bases de la décentralisation
financière26.
Cependant, pour assurer une gestion financière
transparente et efficace, un cadre juridique solide est nécessaire. La
loi no 2009/011 du 10 juillet 2009 établit ce cadre en
définissant les principes budgétaires et les organes de gestion
financière au niveau local. La loi no 2009/011 du 10 juillet
200927, pose les fondements des finances locales en
énonçant les principes de l'équilibre budgétaire,
de l'annualité, de la sincérité et de la transparence.
Elle établit également la procédure budgétaire,
comprenant l'élaboration, l'adoption, l'exécution et le
contrôle du budget des collectivités territoriales
décentralisées. Les organes de gestion financière, tels
que les conseils municipaux et les conseils régionaux, sont
chargés de cette gestion.
Le contrôle financier des budgets locaux repose sur
plusieurs mécanismes institués par la loi no 2018/012
du 11 juillet 201828 et les textes règlementaires. Les
commissions de contrôle financier, composées de
représentants de l'État et des collectivités locales, sont
chargées de vérifier la régularité, la
sincérité et la conformité des opérations
financières des collectivités territoriales
décentralisées. Elles émettent des avis et des
recommandations visant à améliorer la gestion financière
locale. À travers des cas pratiques, il est possible d'illustrer
l'application du contrôle financier des budgets locaux au Cameroun. Par
exemple, des audits réalisés par les commissions de
contrôle financier ont révélé des
irrégularités dans la gestion des fonds publics dans certaines
collectivités. Les décisions prises suite à ces audits ont
souvent conduit à des mesures correctives et à des sanctions
administratives, démontrant ainsi l'efficacité du contrôle
financier dans la préservation des derniers publics.
Hormis le cadre contextuel, le cadre théorique de notre
étude prend également en compte le cadre conceptuel.
25 Loi no 2019/024 du 24 décembre
2019, portant Code Général des Collectivités Territoriales
Décentralisées.
26 YATTA (François Paul), La
décentralisation financière en Afrique, Succès,
problèmes et contraintes, Paris, PDM, 2000, p. 1.
27 Loi no 2009/011 du 10 juillet 2009
portant régime financier des collectivités territoriales
décentralisées.
28 Loi no 2018/012 du 11 juillet 2018
portant régime financier de l'État et des autres entités
publiques.
10
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
B- LE CADRE CONCEPTUEL
Émile DURKHEIM affirmait que le chercheur «
doit d'abord définir les choses dont il traite afin que l'on sache
et qu'il sache de quoi il est question29 ». A ce titre,
notre sujet repose sur certains concepts dont la compréhension
mérite une définition assez précise afin de donner sens
à leur usage dans le corps de nos développements. Il s'agit
précisément des concepts de contrôle, de
l'exécution, du budget et de
collectivités territoriales
décentralisées,
1- La définition du concept de « contrôle
»
Le concept de « contrôle » peut être
appréhendé sous une double acception, l'une littéraire
(a) et l'autre juridique (b).
a- L'acception littéraire
Dans son acception littéraire, le concept de
« contrôle » peut simplement signifier, la
vérification ou la surveillance. Dans le cadre de la gestion, le
contrôle se réfère à « l'analyse des
écarts entre prévisions et réalisations
»30.
Le concept de « contrôle » dans le cadre de
son acception littéraire, semble moins original et moins adapté
dans le cadre de notre étude. C'est la raison pour laquelle, ce concept
mérite une définition juridique plus précise pour la
compréhension de notre argumentaire.
b- L'acception juridique
La question du contrôle des finances publiques est un
immense sujet consubstantiel à la création et la gestion des
sociétés31. Elle se pose avec insistance et
pertinence, qu'elle n'épargne aucun pays adhérant à
l'idéologie de l'État de droit et de la démocratie.
Le contrôle de gestion financière des personnes
publiques apparaît aujourd'hui comme sinon un paramètre, du moins
un déterminant de la bonne gouvernance et de la démocratie. Il
participe de l'efficacité et de la transparence des finances locales
pour une meilleure offre de biens pour le citoyen32. Le citoyen qui
demeure par ailleurs, le contribuable par excellence. Il
29 DURKHEIM (Émile), Les règles de
la méthodologie, Paris, PUF, 1891, p. 34.
30 Dictionnaire Universel, Hachette
(4e éd.), p. 275.
31 GRANDGUILLAUME (Nicolas), Théorie
générale du contrôle, Paris, Economica, 1994, 187
p.
32 BENSOUDA (Noureddine), « Efficacité
et transparence des finances publiques pour une meilleure offre de biens pour
le citoyen », RFFP, no 100, Novembre 2007, pp. 333 -
336.
11
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
est alors admis à cet effet, que : « le
contrôle des finances publiques tire son fondement du principe du
consentement du peuple à l'impôt »33. On peut
dès lors remarquer, que : « tous les citoyens ont le droit de
constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la
nécessité de la contribution publique, de la consentir librement,
d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette,
le recouvrement et la durée »34. Encore mieux,
« la société a le droit de demander compte à tout
agent public de son administration »35. Une analyse
exégétique de ces dispositions suggère, qu'il s'agit
là, d'une matrice fondamentale de nombre de principes qui
régulent la vie financière des personnes publiques. Parmi ces
principes, se trouve indubitablement l'exigence de contrôle.
En effet, le contrôle dans une appréhension
préliminaire, est un examen, une vérification. Dans le cas
d'espèce, c'est une vérification exercée sur la gestion
des finances locales. Ces dernières s'entendent comme étant, les
finances des personnes morales de droit public, notamment les CTD dans le cadre
de notre étude. Elles constituent une variante des finances publiques.
À ce titre, Messieurs Paul Marie GAUDEMET, et Joël MOLINIER
relèvent que : « les finances publiques constituent une
richesse »36 et, un « moyen d'action des
collectivités publiques »37. Ces ressources sont
employées par ces personnes publiques, pour la satisfaction directe ou
indirecte des besoins d'intérêt général, même
si à l'observation du déploiement du secteur public aujourd'hui,
l'on peut avoir un sentiment de corrosion de l'intérêt
général38 pourtant inébranlable39.
Il faut préciser que le constituant camerounais de 1996, a
consacré deux types de CTD, les régions et les communes.
Contrairement à la commune40, la mise en place de la
région se trouve encore dans les sentiers de la progressivité
consacrée par la constitution. Par ailleurs, l'institution communale
demande encore un champ d'investigation juridique particulièrement
profond, même si sous d'autres cieux, certains s'interrogent sur l'avenir
de cette dernière.
33 BESSALA (Alain Georges), Ajustement
Structurel et Droit Budgétaire Camerounais : contribution à
l'étude des Droits Budgétaires des États Africains sous
Ajustements Structurel, Thèse de Doctorat PhD en Droit Public,
Université de Yaoundé II, 2013 - 2014, p. 431.
34 Art. 14 de la Déclaration des Droits de
l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789.
35 Ibid., Art. 15.
36 GAUDEMET (Paul Marie), MOLINIER (Joël),
Finances publiques, Paris, budget / trésor, Tome 1,
Montchrestien (6e éd.), 1992, p. 16.
37 Ibid., p. 17.
38 PONTIER (Jean - Marie), «
L'intérêt général existe-t-il encore ? »,
Recueil Dalloz, 1998, pp. 327 et suivantes.
39 RANGEON (François), « Peut-on parler
d'un intérêt général local ? » in La
proximité en politique : Usages, rhétoriques, pratiques,
Rennes, PUR, 2005, pp. 45 - 46.
40 PEKASSA NDAM (Gérard Martin), « La
classification des communes au Cameroun », RASJ, no 1,
Vol. 6, 2009, pp. 229 - 266.
12
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
Le contrôle en clair, renvoie à la
vérification des actes et des documents. M. Gérard CORNU entend
par contrôle, une « opération consistant à
vérifier si un organe public, un particulier ou un acte respectent ou
ont respecté les exigences de leurs fonctions ou des règles qui
s'imposent à eux. Ex. contrôle fiscal, contrôle de la
régularité d'un compte »41. Dans son
acception juridique plus large, le concept de « contrôle »
renvoie à la « vérification de la conformité
à une norme, d'une décision, d'une situation, d'un comportement,
etc. »42.
Pour l'éminent auteur Michel BOUVIER, contrôler
c'est faire des investigations et mener des recherches sur la
sincérité et l'exactitude d'un fait, d'une pièce ou d'une
situation43. Poursuivant son propos, il précise, qu'il s'agit
des opérations de recherches et d'analyses44. Il parle
à cet effet, d'un « contrôle vérification
»45. Sous ce rapport, il faut relever, que la logique de
l'assimilation du contrôle à la vérification semble
rencontrer l'adhésion de M. Jean - François FABRE cité par
M. Cheickna TOURE46. Le chercheur l'appréhende comme une
mesure dont la finalité est de s'assurer qu'une chose est bien, telle
qu'on l'a déclarée, ou telle qu'elle doit être par rapport
à une norme donnée47. Eu égard à la
clarification du concept de « contrôle », le contrôle de
l'exécution du budget peut donc être appréhendé
comme un processus par lequel les autorités compétentes
vérifient si les dépenses prévues dans le budget d'une
collectivité territoriale décentralisée sont effectivement
réalisées conformément aux priorités et aux normes
établies. Souvent qualifié de « contrôle de gestion
», celui-ci trouve ses fondements au lendemain de la seconde guerre
mondiale suite aux efforts menés par les États-Unis
d'Amérique de conduire la guerre à moindre coût et de
maîtriser l'avenir des entreprises48. Aussitôt, il va
s'affirmer comme un véritable outil d'aide à la performance au
sein des entreprises et se répandre dans le monde
capitaliste.49
Parallèlement, la nouvelle culture managériale
résultant des réformes internationales au sein des États,
appréhende le contrôle de gestion comme un outil d'aide à
la performance qui viendra contribuer à l'efficacité des
politiques publiques50. KHEMAKHEM (1976) met
41 CORNU (Gérard), Vocabulaire
juridique, Association Henri Capitant, PUF, p. 236.
42 Ibid.
43 BOUVIER (Michel), Introduction au droit
fiscal général et à la théorie de
l'impôt, Paris, LGDJ (6e éd.), 2004, p. 1.
44 BOUVIER (Michel), Les finances locales,
Paris, LGDJ (12e éd.), 2013, p. 4.
45 Idem.
46 TOURE (Cheickna), « Le système de
contrôle des finances publiques au Mali », Afrilex, no 4,
https://www.afrilex.u-bordeaux4.fr.
47 FABRE (Jean-François), Le contrôle
des finances publiques, Paris, PUF, 1968, p. 8.
48 TCHATCHOUA NYA (Magloire), NJIKE NGOMESSE
(Désirée), KETCHANKEU (Pierre), « Perception des enjeux du
contrôle de gestion dans les municipalités au Cameroun : une
approche par le cadre théorique de l'acteur stratégique ? »,
FFI, Vol. 1, no 25, 2013, pp. 1 - 24., p. 3.
49 Ibid.
50 Idem.
13
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
l'accent sur la mobilité des énergies et des
ressources pour atteindre les objectifs fixés par l'entité. De
cette réflexion découle la définition suivante : «
le contrôle de gestion est le processus mis en oeuvre au sein d'une
entité économique pour s'assurer d'une mobilisation efficace et
performante des énergies et des ressources en vue d'atteindre l'objectif
que vise cette entité51 ». Qu'il s'agisse d'une
organisation publique ou privée, le contrôle de l'exécution
du budget est un processus qui vise à surveiller et à
évaluer la mise en oeuvre des dépenses prévues dans le
budget d'une entité.
Ce processus comprend différentes activités
telles que la vérification des dépenses effectuées par
rapport aux prévisions budgétaires, l'évaluation de la
conformité aux règles et aux réglementations en vigueur,
et l'analyse de l'efficacité et de l'efficience des dépenses
réalisées. En d'autres termes, le contrôle de
l'exécution du budget permet de s'assurer que les fonds alloués
dans le budget sont utilisés de manière transparente, responsable
et conforme aux objectifs fixés. Il contribue également à
détecter les écarts éventuels entre les prévisions
budgétaires et la réalité, ce qui permet d'identifier les
problèmes potentiels et de prendre des mesures coercitives si
nécessaire.
Le contrôle de la gestion des finances publiques est un
mécanisme indispensable à la bonne au niveau local. Cela est
d'autant plus important, que l'évolution de la situation
financière des CTD se conjugue à la complexification du secteur
local52. Le secteur local en pleine métamorphose, s'apparente
progressivement à un système dont le contrôle et la
régulation deviennent particulièrement malaisés à
assurer53.
En marge du concept de « contrôle », le mot
exécution qui apparaît dans l'intitulé de notre
thème de recherche mérite d'être défini.
2- La définition du concept d'« exécution
»
Le concept d'exécution peut être défini
sous un double angle. Il peut être défini sous l'angle
littéraire (a) et sous l'angle juridique
(b).
51 KHEMAKHEM (Abdellatif), La dynamique du
contrôle de gestion, Dunod (2e éd.), 1976, 587
p.
52 AKONO OLINGA (André), L'apport de la
performance au contrôle des finances locales au Cameroun,
Thèse de doctorat en Droit Public, op.cit., p. 5.
53 BOUVIER (Michel), Les finances locales,
op.cit., p. 20.
14
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
a- L'acception littéraire
L'exécution fait référence à une
« action d'exécuter, d'accomplir »54.
L'exécution renvoie en quelque sorte à «
l'accomplissement d'une obligation, d'un jugement »55.
Cette définition ne semble pas suffisante pour cerner les contours de
notre étude. C'est pourquoi, pour plus de clarté et de
précision, une acception juridique est extrêmement importante.
b- L'acception juridique
Dans son acception juridique, le mot «
exécution » renvoie à l' «
accomplissement, par le débiteur, de la prestation due ; fait de
remplir son obligation (impliquant donnée au créancier)
»56. Compte tenu de la définition du mot
« exécution », l'exécution du budget
dans le cadre de notre analyse, fait référence à la mise
en oeuvre des dépenses et des recettes prévues dans le budget
public d'une entité administrative ou gouvernementale. Cela comprend la
réalisation des dépenses autorisées pour différents
programmes et projets, ainsi que la collecte des recettes fiscales et autres
sources de financement prévues.
Cette phase de l'exécution budgétaire implique
également le suivi et le contrôle des dépenses
effectuées pour s'assurer qu'elles sont conformes aux autorisations
budgétaires et aux règles financières en vigueur. Elle
peut également impliquer des ajustements ou des réallocations de
fonds en cours d'exercice budgétaire pour répondre aux besoins
changeants ou aux situations d'urgence. L'exécution du budget comporte
donc deux phases, qu'il s'agisse de la dépense ou de la recette publique
: la phase administrative et la phase comptable. Mais avant de parler d'une
quelconque exécution, il sied de rappeler que celle-ci fait,
traditionnellement intervenir deux grandes catégories d'acteurs : les
ordonnateurs qui décident de l'opération en recette ou en
dépense et les comptables publics qui, procèdent au recouvrement
ou au paiement de ces opérations.
Afin d'assurer un contrôle de régularité
le plus étendu possible dans la gestion financière publique, les
fonctions d'ordonnateur et de comptable public sont confiées à
des autorités différentes dont les compétences sont
strictement délimitées. L'un et l'autre
bénéficient, également, d'une indépendance
réciproque. Une finalité et des exigences qui se confondent au
sein de ce que l'on nomme le principe de séparation des ordonnateurs et
des
54 Dictionnaire Universel, op.cit.,
p. 459.
55 Dictionnaire Larousse, p. 163.
56 CORNU (Gérard), Vocabulaire
juridique, Association Henri Capitant, PUF, p. 384.
15
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
comptables publics57. Les ordonnateurs disposent
d'une compétence particulièrement large dans la mesure où
les trois premières opérations de chaque phase budgétaire
relèvent de leurs prérogatives. Seul le maniement des derniers
publics leur est interdit, car réservé aux comptables publics.
Ces derniers sont donc les seuls agents autorisés à manier les
fonds publics, aussi bien en recette qu'en dépense. À ce titre,
ils ont la charge de contrôler les ordres de recouvrer et de payer
transmis par les ordonnateurs.
Le terme « exécution dans le cadre des finances
publiques locales ne se suffit pas. Il y a lieu de se demander ce que l'on
exécute. C'est pourquoi ce terme mérite d'être
complété par la définition du concept de « budget
».
3- La définition du concept de « budget
»
Le concept de « budget » est un mot
polysémique qui peut être entendu non seulement sous l'angle
littéraire (a), mais aussi sous l'angle juridique
(b).
a- L'acception littéraire
Sous l'angle littéraire, le budget peut être
défini comme un « état de prévision des recettes
et des dépenses d'un pays, d'un département, d'une famille, d'un
particulier, etc. »58. Il ressort de cette
définition une typologie de budget. Non seulement cette
définition du budget fait référence au budget
général de l'État, ce qui a été
qualifié de « recettes et dépenses d'un pays », mais
aussi au budget des collectivités locales, au budget familial et au
budget d'une personne physique. Cette définition littéraire du
budget semble plus large, c'est pourquoi, il est judicieux de
l'appréhender sous l'angle juridique.
b- L'acception juridique
Dans le cadre juridique, le concept de « budget
» peut, être défini au sens formel et au sens
matériel. Formellement, le budget est un « acte par lequel sont
prévues et autorisées les recettes et les dépenses des
organismes publics »59. Au sens matériel du terme,
il peut être appréhendé comme l'« ensemble des
recettes et dépenses d'un organisme public, autorisées et
effectuées au titre d'une année »60. Le
budget peut encore être défini comme un « état
prévisionnel et limitatif des dépenses et des recettes à
réaliser au cours d'une période donnée
57 Ibid.
58 Dictionnaire de Français Larousse,
p. 53.
59 CORNU (Gérard), Vocabulaire
juridique, idem., p. 124.
60 Idem.
16
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
par une unité économique
»61. L'établissement d'un budget implique des
choix, puis le respect de ceux-ci lors de l'exécution, mais au
préalable, une information sur l'avenir plus satisfaisante possible est
nécessaire62. La qualité de cette information
dépend de la nature de l'unité économique, de l'horizon
temporel dans lequel s'inscrit le budget.
Chaque année, les gouvernements préparent et
rendent publics les documents budgétaires qui vont définir leur
action économique et financière63. Ces documents sont
repris par les médias qui les dissèquent, en font une
présentation simplifiée et recueillent les commentaires de
nombreux spécialistes. Des groupes d'intérêt divers
vérifient si les mesures annoncées correspondent aux demandes
qu'ils ont faites et prennent position sur la place publique. S'ils ont une
telle couverture de presse et si l'opinion publique est interpellée par
les documents budgétaires, c'est qu'ils expriment clairement le
programme d'action d'un gouvernement, avec les contraintes qui sont les
siennes. C'est d'ailleurs ce que soulignait un premier ministre Québec,
René LÉVESQUE : « Un budget réussi, pourvu qu'on
sache le lire, c'est chaque année, la photo la plus précise qu'on
peut tirer d'une société, avec tout son pain et tout son
beurre64 ».
En fait, le budget est sans doute l'ensemble de documents le
plus important publié annuellement par un gouvernement. Il indique ses
priorités, puisque les ressources étant rares, des choix ont
dû être effectués par rapport à de multiples
possibilités. Il s'inscrit, ce faisant, dans une démarche
d'imputabilité car les choix étant explicites, une reddition de
comptes devra s'ensuivre. Mais à travers ces documents, il est
également possible de voir apparaître tout le fonctionnement d'un
État et la dynamique des rapports entre ses différentes
composantes. De même, si le budget permet de mieux comprendre
l'environnement concret de la gestion publique, il est aussi le reflet de la
part de la richesse collective consacrée à la production de biens
et de services publics65.
À la suite du législateur communautaire,
à travers les directives du 19 décembre 2011, le
législateur camerounais prend le soin d'internaliser et de s'approprier,
la programmation budgétaire comme une nouvelle logique ou
stratégie d'élaboration des budgets des personnes publiques.
Cette stratégie nouvelle, qui ne répudie pas totalement la teneur
de l'annualité budgétaire, consacre désormais la
programmation budgétaire. Celle-ci postule l'élaboration des
activités et actions des personnes publiques au-delà d'une
année budgétaire, mais dans
61 SILEM (Ahmed), ALBERTINI (Jean-Marie), Lexique
d'économie, Dalloz, (11e éd.), 2010, p. 118.
62 Ibid.
63 CLICHE (Pierre), Gestion budgétaire et
dépenses publiques, Québec, PUQ, 2009, p. 13.
64 LEVESQUE (René), Attendez que je me
rappelle, Montréal, Québec-Amérique, 525 p.
65 CLICHE (Pierre), op.cit.
17
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
une limite n'excédant pas trois (3) ans. De même,
en dépassement du principe de l'équilibre budgétaire
consacré par l'article 3566 de la loi du 10 juillet 2009
portant régime financier des CTD, le législateur camerounais du
11 juillet 2018, consacre désormais un principe de soutenabilité
budgétaire. En effet, tandis que l'équilibre budgétaire se
résume autour de l'interdiction de déficit ou excédent
budgétaire, le principe de soutenabilité budgétaire quant
à lui, autorise les personnes publiques à exécuter les
budgets déficitaires à condition de pouvoir assumer les
dépenses prioritaires inscrites dans les programmes
budgétaires.
Avant même de parler de l'exécution et du
contrôle de l'exécution, le budget des CTD au Cameroun est mis en
oeuvre par l'étape préalable qu'est l'élaboration.
L'élaboration du budget, du latin « Laborare », qui
signifie « travailler », l'élaboration du budget des CTD est
une étape qui désigne l'ensemble des opérations ou des
activités juridiques préalables à l'exécution du
budget des personnes publiques. À cet effet, l'élaboration du
budget des CTD au Cameroun se déroule en trois phase67
à savoir : la préparation, le vote ou l'adoption et
l'approbation.
La préparation du budget local est une notion qui met
en exergue deux approches complémentaires : l'une classique et l'autre
moderne. Dans son approche classique, la préparation du budget des
personnes publiques consiste à déterminer les prévisions
de recettes et de dépenses d'une personne publique. En revanche, la
conception moderne consacrée en droit positif camerounais par les lois
no 2007/006 du 26 décembre 2007, portant régime
financier de l'État, et la loi no 2018/011 du 11 juillet
2018, portant régime financier de l'État et des autres
entités publiques, consacrent l'élaboration des programmes comme
articulation nouvelle de l'élaboration du budget des personnes
publiques. Il s'agit, au-delà des prévisions de recettes et de
dépenses, de déterminer les projets, activités et action
à réaliser par les pouvoirs publics au cours du prochain exercice
budgétaire ou encore durant une période triennale.
L'adoption du budget communal ou régional quant
à elle, est une phase qui incombe à l'organe
délibérant de chacune des CTD ci-dessus évoquées.
Telle est la teneur de l'article 422 alinéa 1er du
CGCTD68.
En ce qui concerne l'approbation du budget des CTD, elle en mise
en oeuvre
66 L'article 35 de la loi no 2009/011 du
10 juillet 2009, portant régime financier des collectivités
territoriales décentralisées dispose à cet effet que :
« le budget est voté en équilibre en recettes et en
dépenses ».
67 Les phase de l'élaboration du budget des
CTD au Cameroun sont : la préparation, le vote ou l'adoption et
l'approbation.
68 L'article 422, al. 1er du CGCTD dispose
à cet effet que : « le budget de la collectivité
territoriale, est voté, par l'organe délibérant, au plus
tard le 15 Novembre de chaque année ».
18
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
par les organes d'approbation tels que, les organes
délibérants des CTD et les autorités de tutelle des CTD.
En effet, « le budget de la Collectivité Territoriale est
approuvé par arrêté du représentant de l'État
dans un délai de quinze (15) jours suivant la date de sa
réception par celle-ci. Passé ce délai, le budget est
réputé approuvé69 ».
Hormis le concept de « budget », le concept de
« collectivité territoriale décentralisée » qui,
apparaît dans l'intitulé de notre thème de recherche
mérite à son tour d'être défini.
4- La définition du concept de «
collectivité territoriale décentralisée »
Au sens du Vocabulaire juridique de Gérard
CORNU, une collectivité territoriale décentralisée ou
locale, corollaire de la « décentralisation
administrative » renvoie à un « ensemble
d'habitants d'une même partie du territoire ayant des
intérêts communs gérés par des organes
administratifs qui lui sont propres70 ». Autrement dit,
les CTD renvoient donc à des entités administratives locales
dotées d'une certaine autonomie qui est à la fois administrative
et financière permettant de gérer les affaires locales dans un
cadre défini par la loi. C'est dans cette perspective que, la loi
no 2004/017 du 22 juillet 2004 portant loi d'Orientation de la
Décentralisation définit les collectivités territoriales
comme des personnes morales de droit public71 jouissant d'une
autonomie administrative et financière pour la gestion des
intérêts régionaux et locaux.
Au Cameroun, cela peut inclure les communes, les
régions et autres entités territoriales. Eu égard à
cette définition, il ressort qu'au sein d'un État
unitaire dont l'organisation est décentralisée72,
comme c'est d'ailleurs le cas du Cameroun, les CTD sont des
circonscriptions administratives dotée de la
personnalité morale et de l'autonomie administrative et
financière73. En définissant l'autonomie
financière, Monsieur André ROUX martèle qu'elle «
revêt une double dimension. En premier lieu, c'est la reconnaissance
d'une capacité juridique de décision qui, en matière de
recettes, implique un véritable pouvoir fiscal, le pouvoir de
créer et, de lever l'impôt et, qui en matière de
dépenses implique la liberté de décider d'affecter les
ressources à telle ou telle dépense. En second lieu, c'est la
possibilité pour les collectivités régionales ou locales
d'assurer le financement de leurs
69 Art. 426 du CGCTD.
70 SILEM (Ahmed), ALBERTINI (Jean - Marie),
Lexique d'économie, op.cit., p. 171.
71 Art. 4 (4) de la loi no 2004/017 du 22
juillet 2004 portant loi d'Orientation de la Décentralisation.
72 AVRIL (Pierre), GICQUEL (Jean), Lexique de
droit constitutionnel, PUF (4e éd.), p. 23.
73 Ibid.
19
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
dépenses par des ressources propres en volume
suffisant74 ». Pour cet auteur, le pouvoir fiscal local
est d'abord un pouvoir normatif, c'est-à-dire le pouvoir de créer
les recettes fiscales. Or, ce pouvoir de création de recette appartient
au Parlement en vertu du principe de la légalité fiscale.
Ensuite, le pouvoir fiscal local est budgétaire, c'est-à-dire le
pouvoir de percevoir l'impôt et de l'utiliser librement. Cette conception
extensive du pouvoir fiscal local ne fait pas l'unanimité en doctrine.
La raison semble être simple. Doter les collectivités locales du
pouvoir de créer les recettes fiscales serait une atteinte au principe
de la légalité fiscale dans un État dont la forme
revêt un caractère unitaire et décentralisé. C'est
pourquoi l'autonomie financière s'entend pour certains « comme
la situation d'une collectivité locale disposant d'un pouvoir propre de
décision et de gestion de ses recettes et des dépenses
regroupées en un budget nécessaires pour l'exercice de ses
compétences75 ». Autrement dit, «
l'autonomie implique un pouvoir fiscal local, accompagné d'un
pouvoir budgétaire autonome dotant les collectivités locales de
la capacité de disposer d'un budget propre, distinct du budget
général de l'État, et dont l'exécution se fait
indépendamment de toute contrainte extérieure ou
précisément de toute influence étatique76
». Cependant, le pouvoir fiscal local ne serait qu'un
élément du pouvoir budgétaire. L'on peut soutenir cet avis
par le fait que le fiscal constitue un élément du
budgétaire. En droit budgétaire, l'impôt constitue une
matière budgétaire et une recette permanente du budget. A
l'analyse, l'étude sur le pouvoir budgétaire des
collectivités territoriales se situe dans le vaste champ de la
décentralisation financière. En effet, finances publiques et
décentralisation ne s'excluent pas l'une de l'autre. La première
constitue la condition sine qua non de réalisation de la
décentralisation. La seconde quant à elle ne peut être
effective que si les collectivités territoriales
décentralisées disposent des moyens nécessaires pour
financer le développement local. Pour ce faire, elles ont besoin d'un
véritable pouvoir budgétaire qui constitue une condition de
l'autonomie financière77 et permet la réalisation de
la décentralisation78 . En vertu du principe de
subsidiarité79, le législateur leur
74 ROUX (André), « L'autonomie
financière des collectivités locales en Europe »,
Rapport introductif, AIJC, 2006, p. 499 ; du même auteur, «
Le principe constitutionnel de la libre administration des collectivités
territoriales », RFDA, 1992, Vol. 8, no 3, pp.
435-452.
75 ESSONO OVONO (Alexis), « L'autonomie
financière des collectivités locales en Afrique noire
francophone. Le cas du Cameroun, de la Côte-d'Ivoire, du Gabon et du
Sénégal », REA, Bordeaux 4, pp. 1 - 24, p. 2.
76 MONEMBOU (Cyrille), « Le pouvoir
règlementaire des collectivités locales dans les États
d'Afrique noire francophone (les cas du Cameroun, du Gabon et du
Sénégal) », RC/SJP, no 002/2015, pp. 79
- 111, p. 97.
77 PHILIP (Loïc), « L'autonomie
financière des collectivités territoriales », CCC
no 12, Dossier : le droit constitutionnel des
collectivités territoriales - mai 2002, in
www.conseil-constitutionnel.fr
consulté, le 30 décembre 2023 à 14h59 min.
78 OLIVA (Éric), « La conception de
l'autonomie locale, quel contenu ? quelle effectivité ? »,
G&FP, 2017/no 2, pp. 13 - 24, p. 13.
79 Comme on l'a expliqué, «
principe d'origine ancienne ayant trouvé son premier essor dans la
pensée sociale catholique, le principe juridique de subsidiarité
implique une double obligation qui découle directement de sa
20
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
accorde un certain nombre de compétences en
matière financière pour gérer les affaires publiques
locales80. C'est au regard de ce principe qu'il est reconnu aux CTD
d'exercer certaines compétences au niveau local dans l'optique de
limiter l'intervention de l'État sans toutefois
l'effacer81.
Les CTD qui bénéficient de cette autonomie
financière au Cameroun sont de deux types à savoir les
régions et les communes82. C'est d'ailleurs la raison pour
laquelle Georges VEDEL affirme que : « Ce n'est pas l'État qui
a changé la vieille société ; c'est la nouvelle
société qui a changé l'État83
». Nous ne pouvons envisager aborder ce sujet sans avoir saisi la notion
même de décentralisation qui est au coeur du droit
budgétaire des collectivités territoriales
décentralisée, même si elle n'est pas un terme clé
de notre sujet.
Le concept de décentralisation n'est certes pas
identifié dans l'intitulé de notre mémoire, mais il
revêt un intérêt fondamental pour la compréhension de
notre argumentaire.
La décentralisation, elle peut être entendue
comme un processus par lequel certaines responsabilités gouvernementales
et administratives sont transférées des autorités
centrales à des entités locales, telles que les
collectivités territoriales décentralisées, l'objectif
étant de rapprocher la prise de décision des citoyens et de
promouvoir le développement local. Autrement dit, la
décentralisation est le « fait de donner le pouvoir de
décision, dans la gestion administrative, à des
collectivités territoriales ou à des personnes publiques
distinctes de l'État »84. L'opération
constituante amorcée depuis quelques années au Cameroun et qui
s'est achevée avec la promulgation par le Président de la
République, de la Loi no 96/06 du 18 janvier 1996 portant
révision de la Constitution du 2 juin 1972, n'a donné
naissance ni à un
double origine étymologique. Provenant à la
fois du terme subsidium, signifiant "renfort, ressource"(idée de
secours), et du terme subsidiarius, signifiant "en réserve"(idée
de secondaire), ce principe oblige, d'une part, le niveau supérieur de
compétence à demeurer "en réserve"et donc de laisser
intervenir le plus possible les niveaux inférieurs, et impose d'autre
part, à ce niveau supérieur de venir "en renfort"et donc au
secours des niveaux inférieurs dès lors que ceux-ci ne sont plus
en mesure d'intervenir », DEROSIER (J.-P.), « « Et au
milieu coule la rivière » : la subsidiarité et la
frontière rhénane. Signification juridique, implication possibles
et portées positives de deux articles 72, alinéa 2 : la
subsidiarité, entre principe et objectif », in BRISSON
(Jean-François) (dir.), Les transferts de compétence aux
collectivités locales, Paris, L'Harmattan, 2009, pp. 91 - 108, pp.
93 - 94.
80 DELCAMP (Alain), « Principe de
subsidiarité et décentralisation », RFDC, n°
23, 1995, pp. 609 - 624.
81 PONTIER (Jean - Marie), « La
subsidiarité en droit administratif », RDP, 1986, pp. 1515
- 1537.
82 Art. 2(1) de la loi no 2019/024 du 24
décembre 2019 portant CGCTD ; Art. 55 Al. 1 de la loi constitutionnelle
du 18 janvier 1996.
83 VEDEL (Georges), « Décentralisation
et finances locales : clés pour la réflexion »,
RFFP, no 38, 1992, pp. 9 - 13, p. 10.
84 RUDELLE (Christian), Dictionnaire des termes
juridiques, Édimages, 1992, p. 83.
21
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
État fédéral ni à un «
État régional »85.
Le constituant a marqué sa préférence
pour un « État unitaire décentralisé86
». S'il n'y a pas révolution, il faut cependant reconnaître
qu'une évolution significative a été opérée.
L'article 1er al. 2 de la Constitution du 2 juin 1972 disposait que
« la République du Cameroun est un État unitaire ». Le
constituant du 18 janvier 1996 y a ajouté le qualificatif «
décentralisé ». Il s'agit d'une solution de compromis qui
renvoie dos-à-dos les tenants du fédéralisme et ceux de
l'État unitaire centralisé. Mais c'est un choix qui est loin
d'être accepté par tous, en particulier par les tenants du
fédéralisme87. Quoi qu'il en soit, cette option a pour
corollaire la constitutionnalisation de la décentralisation territoriale
au Cameroun. L'histoire constitutionnelle du Cameroun enseigne que la
constitutionnalisation de la décentralisation en 1996 n'est pas une
opération nouvelle. Le constituant avait inséré, pour la
première fois, dans le texte constitutionnel du 4 mars 1960, en son
article 46, une disposition qui faisait des provinces et des communes des
« collectivités locales de l'État du Cameroun ».
Celles-ci devaient s'administrer librement par des conseils de élus,
être dotées de la personnalité morale et jouir de
l'autonomie financière88.
Pour mieux mener notre analyse, il est judicieux de joindre au
cadre théorique, le cadre matériel.
II- LE CADRE MATÉRIEL
Le cadre matériel intègre l'objet de
l'étude, la matière essentielle ou plutôt la substance de
la recherche. Dans le cadre de cette recherche, il prendra corps à
partir de la précision de la revue critique de la littérature
(A), l'objet de l'étude (B), de
l'intérêt et de la méthode d'analyse (C)
et des axes de l'étude (D).
A- LA REVUE CRITIQUE DE LA LITTÉRATURE
La revue critique de la littérature est une prospection
intelligente et évaluative qui favorise l'émersion et la
circonscription de l'objet de l'étude. Cette prospection est intimement
liée à la détermination de la problématique.
Autrement dit, « il ne saurait y avoir
85 GUIMDO DONGMO (Bernard - Raymond), « Les
bases constitutionnelles de la décentralisation au Cameroun
(Contribution à l'étude de l'émergence d'un droit
constitutionnel des collectivités territoriales
décentralisées) », RGD, no 1,
décembre 1998, Vol. 29, pp. 79 - 100., p. 81.
86 Art. 1er de la Loi constitutionnelle
no 96/06 du 18 janvier 1996.
87 Ibid.
88 Idem.
22
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
de problématique pertinente sans une solide revue
de la littérature89 ». À cet effet,
réfléchir sur le contrôle de l'exécution du budget
des CTD au Cameroun nous a conduit inéluctablement à nous
interroger sur les orientations et options des réflexions de certains
auteurs qui, à n'en point douter, ont constitué un gouvernail
à notre question de recherche.
La décentralisation budgétaire au Cameroun a
été un sujet d'intérêt croissant pour les
chercheurs.
Dès lors, toutes les structures au sein d'un
État, usant des derniers publics, sont soumises au
contrôle90, qui, est gage de la préservation de
l'intérêt général. C'est d'ailleurs la raison pour
laquelle M. André BARILARI estime que « l'action publique en
général et la gestion du dernier public en particulier doit faire
l'objet d'un contrôle particulier afin de non seulement de
prévenir ou sanctionner les détournements à des fins
privées ou étrangère à l'intérêt
général, mais aussi de garantir qu'elle exerce
conformément aux décisions prises par les instances
légitimes qui expriment la souveraineté des citoyens. La
démocratie exige, plus que tout autre régime, contrôle et
transparence dans le domaine des finances publiques »91.
Ainsi, un contrôle correctement effectué constitue le corollaire
indispensable et logique d'un régime qui entend oeuvrer dans le sens de
l'intérêt général92, pour la
réalisation du bien commun. Face à « un constat
généralisé de stagnation de l'action publique, de
malversations financières, d'opacité administrative et surtout de
corruption dans la gestion des affaires publiques »93, le
Cameroun s'est engagé dans un vaste processus de modernisation de sa
gestion publique94. L'objectif étant la recherche d'une plus
grande efficacité de l'action publique et la transparence pour une
meilleure offre des biens et services aux citoyens.
Dans la même logique, Christian DESCHEEMAEKER pense que,
la transformation des mécanismes de contrôle a pour fondement les
principes généraux du droit et est manifestée par un
alourdissement des procédures et une modernisation des méthodes
de
89 OLIVIER (Lawrence), BEDARD (Guy), FERRON
(Julie), L'élaboration d'une problématique de recherche,
Paris, l'Harmattan, 2005, Coll. Logiques sociales, pp. 10 - 11.
90 YAMPILI ABDOURAHMANOU, « Le contrôle
de l'exécution des budgets des établissements publics
spéciaux au Cameroun : Le cas de la CNPS et de la CAA »,
IMJSTP, no 1, Vol. 9, Janvier 2024, p. 6959.
91 BARILARI (André), « La nouvelle
gouvernance financière de l'État et l'évolution des
dispositifs de contrôle », La revue du trésor,
no 6, juin 2005, p. 275.
92 HASSANA (Barnabas), « L'évolution
des finalités du contrôle de la dépense publique au regard
des nouvelles réformes de finances publiques camerounaises »,
IMJST, no 7, Vol. 5, Juillet 2020, p. 1227.
93 AKONO OLINGA (André), « La
codification de la transparence et de la bonne gouvernance dans les finances
publiques des États de la CEMAC », Annales africaines,
Vol. 1 no 18, avril 2023, p. 42.
94 SADOA (Arnaud Claude), L'adaptation du
contrôle des finances publiques à la nouvelle gouvernance
financière au Cameroun, Mémoire de master en Droit Public,
Université de Strasbourg, 2022 - 2023, p. 1.
23
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
contrôle95. Michel PRAT et Sylvie CHAIGNAU
PEYROUX96, n'en disent pas autrement en assimilant la transformation
à la modernisation97. Ils rejoignent ainsi Michel BOUVIER et
Jean-Marie PONTIER qui expriment une idée semblable en opinant
respectivement, que la recherche de l'efficacité est devenue un
impératif, justifie à certains égards, les transformations
du contrôle des finances locales98 ; et « si les
finalités du contrôle (...) demeurent les mêmes
qu'auparavant, le sens de ce contrôle a profondément
changé, et il est possible de parler de transmutations
»99. Restant dans la même logique, Michel BOUVIER,
Marie - Christine ESCLASSAN et Jean - Pierre LASSALE, semble marquer son
adhésion à cette appréciation. Ils se montrent favorables
à la thèse de la transformation du contrôle avec la
complexification du secteur public local qui se présente aujourd'hui en
forme satellitaire100.
Ensemble, ces travaux offrent un aperçu approfondi de
la décentralisation budgétaire et de ses implications pour la
gouvernance locale et la gestion des finances publiques au Cameroun. Ils
soulignent l'importance de renforcer la transparence, la responsabilité
et la participation citoyenne pour garantir l'efficacité et l'efficience
des CTD dans la fourniture de services publics. C'est à la
lumière de ces travaux que l'objet de notre étude sera
structuré.
B- L'OBJET DE L'ÉTUDE
L'objet de l'étude s'articule autour de la construction
de la problématique ou la question de recherche (1)
conjuguée à la formulation de l'hypothèse de recherche
(2).
1- La problématique
La question de recherche ou problématique s'entend de
« l'ensemble construit autour d'une question principale, des
hypothèses de recherche et des lignes d'analyse qui permettront de
traiter le sujet choisi »101. Dans cette perspective, la
personnalité morale ainsi que l'autonomie administrative et
financière concédée par l'État aux CTD explique que
ces
95 DESCHEEMAEKER (Christian), « La
transformation des contrôles. L'alourdissement des procédures
», RFFP, no 87, Septembre 2004, pp. 203 - 217.
96 PRAT (Michel), CHAIGNAU - PEYROUX (Sylvie),
« La modernisation des méthodes de contrôle »,
RFFP, no 87, Septembre 2004, pp. 219 - 230.
97 PRAT (Michel), CHAIGNAU - PEYROUX (Sylvie), «
La modernisation des méthodes de contrôle »,
op.cit.
98 BOUVIER (Michel), Les finances locales,
op.cit., p. 146.
99 PONTIER (Jean - Marie), « Les
transmutations du contrôle sur les collectivités territoriales
décentralisées », La semaine juridique. Administrations
et Collectivités territoriales, no 44, 5 Novembre 2012,
p. 6.
100 BOUVIER (Michel), ESCLASSAN (Marie - Christine), LASSALE
(Jean - Pierre), Finances Publiques, Paris, LGDJ, Montchrestien
(18e éd.), 2019 - 2020, p. 961.
101 BEAUD (Michel), L'art de la thèse, Paris,
éd. La découverte, 2006, p. 55.
24
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
entités infra - étatiques possèdent ou
disposent des ressources et exécutent des dépenses en toute
liberté à côté, ou en dehors de l'État. Il
s'agit là de l'implication financière d'un principe fondamental
du droit de la décentralisation : le principe de la libre administration
des CTD. C'est encore conformément à l'esprit de ce principe que
se réalise l'exécution des opérations financières
des CTD malgré les contrôles susceptibles de s'appliquer à
ces dernières. Comme le souligne Hans KELSEN, « le droit
positif ne reconnaît que la centralisation et la décentralisation
partielles »102. C'est dire qu'en matière de
décentralisation, l'autonomie des structures
décentralisées doit toujours être relative et non absolue.
C'est ce qui découle même de la règle de
subsidiarité.
Cependant en matière de finances publiques locales,
l'on constate que la décentralisation financière rime avec une
certaine centralisation qui parait excessive. En effet, l'intention du
législateur de doter les CTD d'un certain nombre de pouvoir en
matière budgétaire ne serait qu'apparente voire trompeuse au
regard de l'encadrement strict dudit pouvoir. D'où la question la
question du contrôle de l'exécution du budget des CTD. Dès
lors, comment s'effectue le contrôle de l'exécution du
budget des collectivités territoriales décentralisées au
Cameroun ?
2- L'hypothèse de recherche
Dans le domaine du droit budgétaire des
collectivités territoriales décentralisées, la question du
contrôle de l'exécution du budget des CTD est un sujet qui
soulève des enjeux fondamentaux en matière de bonne gestion et
gouvernance locale. À ce titre, le contrôle de
l'exécution du budget des collectivités territoriales
décentralisées au Cameroun s'effectue de manière
particulière.
C- L'INTÉRÊT ET LA MÉTHODE DE
L'ÉTUDE
Traditionnellement, tout travail scientifique présente
nécessairement un intérêt et une méthode d'analyse.
À cet effet, notre étude ne déroge pas à ces
exigences scientifiques et mérite de mettre en exergue un
intérêt (1) qui peut être varié, et
une méthode (2) qui est à la fois prioritaire et
complémentaire.
102 KELSEN (Hans), Théorie générale du
droit et de l'État, Paris et Bruxelles, LGDJ et Bruylant, 1997, p.
355.
25
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
1- L'intérêt de l'étude
L'étude sur le contrôle de l'exécution du
budget des collectivités territoriales décentralisées
revêt un intérêt varié, c'est-à-dire un
intérêt théorique (a) et un
intérêt pratique (b).
a- L'intérêt théorique
Au plan théorique, le contrôle de
l'exécution du budget des CTD au Cameroun vise la transparence, la bonne
gestion des finances publiques locales. La notion de transparence est de plus
en plus l'une des notions les plus usuelles de la gestion publique moderne et
gage de la bonne gouvernance financière. Définie comme «
la mise en oeuvre satisfaisante de l'ensemble des mécanismes
destinés à assurer la production, la fiabilité,
l'accessibilité et l'intelligibilité de l'information
budgétaire des personnes publiques - sous réserve des secrets
légitimement protégés -, à temps et pour la
durée utile103 », la transparence est un principe
qui irrigue toute la vie financière publique.
La transparence est l'exigence de contrôle,
d'information et d'intégrité des acteurs d'exécution du
budget des entités publiques. Elle suppose aussi la lisibilité,
l'accessibilité et l'intelligibilité de la législation
financière104. Prévu par la loi n° 2018/012
portant RFEEP, la loi n° 2018/011 du 11 juillet 2018 portant CTGFP et la
loi n° 2019/024 portant CGCTD, l'impératif de transparence exige
désormais du contrôleur financier spécialisé la
vérification exhaustive et fiable des informations sur les
activités passées, présentes et futures des
collectivités locales ou des établissements publics afin de
contribuer à une meilleure prise des décisions des acteurs de
l'exécution du budget (ordonnateurs, régisseurs, comptables). Une
fois que la transparence et la bonne gouvernance financière sont
remplies par la fonction de contrôle de l'exécution du budget, on
assiste au processus de décentralisation qui constitue l'axe fondamental
de promotion du développement de la démocratie et de la bonne
gouvernance au niveau local105. L'intérêt du
contrôle de l'exécution du budget des CTD réside dans la
volonté de mettre en oeuvre des mécanismes de gestion saine des
finances publiques locales afin de promouvoir notamment mais non exclusivement
le développement local. Autrement dit, au plan théorique,
l'intérêt du contrôle de l'exécution du budget des
CTD au Cameroun est multiple et revêt une importance capitale pour
plusieurs raisons.
103 SY (Aboubakry), La transparence dans le droit
budgétaire de l'État en France, Paris, LGDJ, 2017, p. 6.
104 Art. 2 Al. 2 de la loi no 2018/11 du 11 juillet
2018 portant CTGFP.
105 Art. 5(2) de la loi portant CGCTD.
26
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
Le contrôle de l'exécution du budget permet de
garantir la transparence dans la gestion des fonds publics au niveau local. En
rendant compte de l'utilisation des ressources financières, il renforce
la redevabilité des autorités locales envers les citoyens. En
surveillant les dépenses et en identifiant les éventuelles
irrégularités, le contrôle budgétaire contribue
à prévenir la corruption et la fraude au sein des CTD. En
analysant l'efficacité et l'efficience des dépenses, le
contrôle de l'exécution du budget permet d'identifier les domaines
où des améliorations peuvent être apportées, et
d'optimiser ainsi l'utilisation des ressources disponibles. Un contrôle
efficace de l'exécution du budget renforce la gouvernance locale en
favorisant des processus décisionnels transparents et responsables, et
en renforçant la confiance des citoyens dans leurs autorités
locales. En garantissant que les fonds utilisés conformément aux
priorités définies, le contrôle budgétaire contribue
à améliorer la qualité des services publics fournis aux
citoyens au niveau local.
Un contrôle rigoureux de l'exécution du budget
contribue à assurer la stabilité financière des CTD en
évitant les déficits budgétaires et en garantissant une
gestion prudente des ressources. En résumé, au plan
théorique, l'intérêt du contrôle de
l'exécution du budget des CTD au Cameroun réside dans sa
capacité à promouvoir la transparence, la responsabilité,
l'efficacité et la gouvernance démocratique au niveau local, tout
en garantissant une utilisation optimale des ressources financières pour
répondre aux besoins des citoyens.
Hormis l'intérêt théorique, notre
étude repose également sur un intérêt pratique.
b- L'intérêt pratique
Au plan pratique, le contrôle de l'exécution du
budget des CTD au Cameroun permet non seulement de constater des
irrégularités administratives (faute de gestion, gestion de fait)
et des infractions pénales (détournement de derniers publics
locaux, corruption) dans la gestion du budget local, mais aussi de faire
endosser la responsabilité financière aux acteurs de ladite
exécution, coupables des irrégularités
susmentionnées. Cette responsabilité financière a une
double dimension. Elle revêt une dimension administrative,
c'est-à-dire, la prise des sanctions administratives à l'encontre
des acteurs de l'exécution du budget des CTD. La responsabilité
financière revêt également une dimension juridictionnelle,
c'est-à-dire, la prise des sanctions par la juridiction
financière spécialisée (Chambre des comptes de la Cour
suprême) ou par les juridictions répressives à l'encontre
desdits acteurs.
Eu égard aux différents intérêts,
notre étude sera menée sous l'angle d'une méthode
précise qui, permettra d'atteindre des résultats fiables.
27
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
2- La méthode de l'étude
Traditionnellement, « la première obligation
d'un scientifique [...] est de décrire sa méthode, la
manière dont il perçoit l'objet de son étude et la mesure
dans laquelle sa propre subjectivité affecte l'objet de
celle-ci106 ». Nous ne dérogeons pas à cette
exigence scientifique dans le cadre de notre travail, car la question de la
méthode est justement au coeur de toute oeuvre
scientifique107. D'après Madeleine GRAWITZ, la méthode
d'analyse est appréhendée comme « une démarche
intellectuelle essentielle pour parvenir à la vérité, et
de prouver cette vérité le cas échéant. Elle permet
d'expliquer le processus d'établissement du résultat
obtenu108 ». Ainsi, notre travail sera prioritairement
abordé sous l'angle de la méthode juridique ou du positivisme
juridique (a) et éventuellement sous l'angle de la
méthode sociologique (b).
a- La méthode prioritaire : la méthode
juridique
À la vérité, la méthode juridique
ou positivisme juridique appelle à la conjugaison concomitante de la
dogmatique et la casuistique. La première convoquée,
c'est-à-dire, la dogmatique juridique ou la méthode
exégétique est « un exercice d'exploitation des fonds et
des tréfonds de la pensée dont les moindres nuances doivent
être busquées et explicitées109 ».
Cette méthode consiste à interpréter les dispositions
pertinentes des instruments normatifs c'est-à-dire, Constitution, codes,
lois, actes règlementaires régissant de manière
générale le cadre règlementaire de la
décentralisation au Cameroun et en particulier le contrôle de
l'exécution du budget des CTD. C'est dans cette logique que Marie-Anne
COHENDET soutient à propos de la dogmatique juridique qu' « il
s'agit du domaine de la science du droit consacré à
l'interprétation et à la systématisation des normes
juridiques. Elle consiste pour l'essentiel dans la discipline,
l'interprétation et la tentative de compléter les règles
de droit en comblant des carences de la législation110
».
Dans le même sens, Jean-Louis BERGEL affirme que :
« la recherche juridique est effectivement une recherche scientifique
et se caractérise par l'examen des phénomènes
106 SALMON (Jean), Le droit international à
l'épreuve au tournant du XXIe siècle, Cours
Euro-méditerranéens, Bancaja de droit international,
Valencia, Vol. VI, 2002, pp. 35 - 363, p. 53.
107 KAMTO (Maurice), Pouvoir et droit en Afrique noire
francophone : Essai sur le fondement du constitutionnalisme francophone,
Paris, éd. LGDJ, 1987, p. 47.
108 GRAWITZ (Madeleine), Méthodes des sciences
sociales, Paris, Dalloz (11e éd.), 2000, p. 71.
109 KAMTO (Maurice), TCHEUWA (Jean-Claude), Manuel de
méthodologie et exercices corrigés de droit international,
éd. PUCAC, 2010, p. 85.
110 COHENDET (Marie - Anne), Méthodes de travail :
droit public, Paris, Montchrestien (3e éd.), 1998, p.
209.
28
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
sociaux, la doctrine, les textes et la
jurisprudence111 ». A travers la casuistique, il sera
question d'observer et de discuter les règles et solutions
jurisprudentielles régissant le contrôle de l'exécution du
budget consacrées par le juge financier Camerounais, saisi d'une
question relative aux opérations financières des CTD. La
méthode sociologique, bien qu'accessoire, sera d'une importance cruciale
dans le cadre de notre étude.
b- La méthode complémentaire : la
méthode sociologique
Accessoirement à la méthode juridique, la
méthode sociologique ou positivisme sociologique est utilisée car
comme le dit Michel VIRALLY, « nul ne saurait contester, en effet, que
le contenu du droit, son niveau de développement technique, la
façon dont il s'applique dépendent directement de celui auquel
est parvenue la société qu'il ordonne du point de vue
économique, culturel, éthique, religieux...
»112. En effet, la science du droit ne se limite pas
à l'analyse exégétique ou logico-conceptuelle des normes
juridiques, elle intègre selon elle, les aspects sociologiques qui
permettent de sortir du formalisme113. Dans le cadre de notre
travail, elle permet de scruter concrètement des influences de
l'environnement sur le comportement des acteurs de contrôle, mais
également sur le comportement des acteurs d'exécution de la
dépense publique locale.
Une fois la méthode d'analyse mise en oeuvre, notre
sujet sera davantage structuré autour de deux techniques de recherches
à savoir : la recherche documentaire et la recherche numérique.
S'agissant de la recherche documentaire, elle consiste à consulter
différents ouvrages et autres publications de la doctrine qui traitent
d'une manière générale le régime financier de
l'État et d'une manière particulière le régime
financier des collectivités territoriales décentralisées
au Cameroun afin de parvenir à des résultats envisagés. La
recherche numérique quant à elle, sera pour nous, un
complément à la recherche documentaire à travers
l'actualisation des données et de nouvelles informations
nécessaires relatives au contrôle de l'exécution du budget
des CTD. C'est à la lumière de cette approche
méthodologique que l'on étudiera l'efficacité du
contrôle de l'exécution du budget des CTD au Cameroun. Compte tenu
de la question et de l'hypothèse de recherche, l'étude du
contrôle de l'exécution du budget des collectivités
territoriales décentralisé sera structurée autour de deux
grands axes.
111 BERGEL (Jean - Louis), Méthodes de droit et
théorie générale du droit, Dalloz, (2e
éd.), p. 35.
112 VIRALLY (Michel), Le phénomène
juridique, LGDJ, 1966, p. 37.
113 VIRALLY (Michel), Le phénomène
juridique, op.cit.
29
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
III- LES AXES
Eu égard à la démarche
méthodologique adoptée, il apparaît que le contrôle
de l'exécution du budget des CTD est formellement structuré
(Première partie), et matériellement
aménagé (Seconde partie).
30
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
PREMIÈRE PARTIE : UN
CONTRÔLE FORMELLEMENT STRUCTURÉ
31
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
Le contrôle de l'exécution du budget des CTD au
Cameroun est un processus formellement structuré, essentiel pour assurer
la transparence et la responsabilité dans la gestion des finances
publiques locales. Ce contrôle commence dès l'élaboration
du budget, où les prévisions de recettes et de dépenses
sont établies selon les besoins et les priorités des
collectivités territoriales. Une fois le budget approuvé par les
autorités compétentes, le contrôleur financier veille
à son exécution en respectant strictement les lignes
budgétaires définies. Il s'assure que les dépenses
engagées correspondent aux crédits votés et que les
recettes prévues sont effectivement recouvrées.
Pendant l'exécution du budget, le contrôleur
financier exerce une surveillance continue pour garantir que les fonds publics
sont utilisés de manière efficace et conformément aux
objectifs fixés. Cela inclut la vérification des engagements de
dépenses, l'examen des pièces justificatives et l'autorisation
des paiements. Le contrôleur financier s'assure que toute ces
opérations financières respectent les procédures
règlementaires et les principes de la comptabilité publique. Ce
suivi rigoureux permet de prévenir les abus, les fraudes et les erreurs
dans l'utilisation des fonds publics.
Le contrôle de l'exécution du budget des CTD au
Cameroun est encadré par une législation spécifique qui
définit les rôles et les responsabilités des
différents acteurs impliqués. La loi de finances et les textes
règlementaires relatifs aux finances publiques locales fixent les
procédures et les normes à respecter.
À ce titre, ce mécanisme est formellement
structuré en ce qu'il repose, non seulement sur un cadre institutionnel
non juridictionnel opérationnel (Chapitre I), mais
aussi et surtout, sur un cadre institutionnel juridictionnel inachevé
(Chapitre II).
32
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
CHAPITRE I : UN CADRE INSTITUTIONNEL NON
JURIDICTIONNEL OPÉRATIONNEL
Le cadre institutionnel non juridictionnel du contrôle
de l'exécution du budget des CTD au Cameroun est opérationnel
grâce à une structuration claire des responsabilités et des
procédures, impliquant des organes internes et des organes externes des
collectivités territoriales. Les organes internes des CTD incluent
principalement les services de contrôle financier interne et les conseils
municipaux et régionaux. Les services de contrôle financier
interne, souvent intégrés aux directions financières des
collectivités territoriales, jouent un rôle crucial en surveillant
quotidiennement les opérations budgétaires et comptables.
Les conseils municipaux et régionaux, en tant
qu'instances de délibération, examinent les rapports financiers
périodiques pour suivre l'exécution du budget et adopter des
mesures correctives nécessaires.
Dans ce cadre institutionnel non juridictionnel, le
contrôle de l'exécution du budget des CTD est un contrôle
prioritairement confié à des organes internes aux CTD
(Section I), et accessoirement confié à des
organes externes (Section II) aux CTD.
SECTION I : UN CONTROLE PRIORITAIREMENT CONFIE AUX
ORGANES EXTERNES AUX CTD
Les audits internes réalisés par les organes
internes des CTD constituent une couche de vérification. Ces audits
évaluent l'efficacité des systèmes de contrôle
interne, la conformité des opérations financières, et
identifient les irrégularités ou inefficacités
potentielles. Les conclusions et recommandations de ces audits sont cruciales
pour améliorer les pratiques de gestion financière et renforcer
la transparence et la responsabilité au sein des CTD. Ces
mécanismes de contrôle interne, intégrés et
coordonnés, assurent une gestion budgétaire saine et conforme aux
standards de bonne gouvernance.
Paragraphe I : Le contrôle diligenté par
les agents de contrôle de l'exécution du budget
des CTD
Le contrôle de l'exécution du budget des CTD au
Cameroun peut être diligenté par deux agents publics dont le
statut et les missions demeurent séparés. Il s'agit
principalement
33
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
de l'ordonnateur (A) et du receveur municipal
ou régional communément appelé comptable public
(B).
A- L'ordonnateur
Depuis longtemps, et contrairement au Cameroun, la notion
d'ordonnateur constitue un réel objet d'étude pour l'ensemble de
la doctrine française114. Toutefois, la doctrine s'accorde
pour reconnaître que cette notion demeure difficile à
appréhender dans sa globalité du fait de son
hétérogénéité115. C'est pourquoi,
il est intéressant de l'envisager comme un concept, dont le contenu
devrait être identifié et appréhendé sous un double
angle, statutaire, c'est-à-dire, qui privilégie l'étude de
ses responsabilités, et fonctionnel, qui s'attache à
définir ses compétences personnelles116.
Du point de vue de la définition, l'ordonnateur est
généralement appréhendé comme « une
catégorie d'agent public de l'État, des collectivités
territoriales et des établissements publics seuls compétents pour
prescrire l'exécution des recettes et des dépenses publiques
»117. Il s'agit d'une transposition du texte
communautaire, qui aux termes de l'article 8 de la directive CEMAC
no 02/11-UEAC-190-CM-22 relative au règlement
général de la comptabilité public, définit
l'ordonnateur comme étant « toute personne ayant qualité
au nom de l'État pour prescrire l'exécution des recettes et des
dépenses inscrites au budget de l'État ». Le
décret no 2020/375 du 7 juillet 2020 portant règlement
général de la comptabilité publique reprend la
définition du législateur communautaire en définissant
l'ordonnateur comme « toute personne ayant qualité pour
prescrire les recettes et les dépenses publiques inscrites au budget de
l'État, ou des entités concernées
»118. Ces définitions corroborent celle que propose
le Vocabulaire juridique, aux termes duquel l'ordonnateur «
est une autorité administrative chargée de prescrire
l'exécution des recettes et des dépenses des personnes publiques.
Il constate les droits des organismes publics, liquide les recettes, engage et
liquide
114 THÉBAULT (Stéphane), L'ordonnateur en droit
public financier, LGDJ, 2007, p. 408.
115 Ibid.
116 KAMDOM DJEYA (Gabriel Yves), La responsabilité
des ordonnateurs dans le système financier public contemporain :
étude comparée des droits camerounais et français,
Thèse de doctorat en Droit Public, Université de Lille &
Université de Yaoundé II, 2019, p. 26.
117 Voir, Art. 64 (1) de la loi no 2018/012 du 11
juillet 2018 portant régime financier de l'État et des autres
entités publiques. Cette loi abroge la loi no 2007/006 du 26
décembre 2007 portant régime financier de l'État qui
constitue la pierre angulaire de la mise en place de la budgétisation
par programme axée sur la performance.
118 Voir, Art. 4, Al. 1 du décret no
2020/375 du 7 juillet 2020 portant règlement général de la
comptabilité publique.
34
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
les dépenses. C'est celui qui donne les ordres aux
comptables publics »119.
Au demeurant, la notion d'ordonnateur renvoie aux
autorités centrales, déconcentrées et
décentralisées bénéficiant d'un statut particulier
leur attribuant des pouvoirs de décisions en matière
d'exécution du budget120. En clair, les ordonnateurs sont
aussi bien des responsables politiques que des agents publics se trouvant, du
fait des fonctions qu'ils exercent, dans la situation de prendre des
décisions ayant une incidence financière.
Dès lors, s'appesantir sur le nouveau statut de
l'ordonnateur après la réforme introduite par le nouveau
régime financier de l'État de 2018 s'impose.
Traditionnellement, l'ordonnateur est chargé de
l'exécution des recettes et des dépenses inscrites au budget de
l'État ou des entités concernées. À ce titre, en
matière de recettes, il constate les droits de l'État et des
organismes publics, liquide et émet les titres de créances
correspondants. Et, en matière de dépenses, il juge de
l'opportunité conformément aux objectifs visés par la loi
de finances et aux budgets votés, les engage, les liquide et les
ordonnance dans les limites des crédits disponibles. Mais avec le
nouveau régime financier de l'État, l'ordonnateur s'est vu
attribuer une nouvelle fonction. Il s'agit de la fonction managériale
qui confère à ce dernier le statut de manager public. À
cet effet, il convient de ressortir le contenu de cette nouvelle attribution
afin d'indiquer en quoi consiste la fonction managériale de
l'ordonnateur, ainsi que les implications de cette fonction sur le statut de
l'ordonnateur. Cette fonction découle de la mise en oeuvre du budget
programme. Ainsi, l'ordonnateur est chargé de :
? Définir les objectifs et les priorités sur
lesquels se fondent les programmes indicatifs ; ? Sélectionner et
adopter les programmes indicatifs ;
? Préparer, négocier et conclure les marchés
;
? La coordination, la programmation et le suivi de la mise en
oeuvre des programmes ; ? Assurer une exécution adéquate, rapide
et efficace des programmes121.
En clair, la fonction managériale exige des
ordonnateurs les qualités de managers publics. Car, il est non seulement
tenu de fixer les objectifs généraux, mais surtout de mobiliser
les moyens pour atteindre les objectifs initialement fixés et les
résultats escomptés. Il va sans dire
119 GUINCHARD (Serge), DEBARD (Thierry), Lexique des
termes juridiques, Paris Dalloz (25e éd.), 2017 - 2018,
p. 1449.
120 LAKENE DONFACK (Charles - Étienne), Finances
publiques camerounaises, op.cit., p. 216.
121 NGUIMFACK VOUFO (Théophile), BANA (Lucy), « La
rénovation du statut de l'ordonnateur dans la loi no 2018/012 du 11
juillet 2018 portant régime financier de l'État et des autres
entités publiques », IMJST, Vol. 6, no 9, septembre 2021,
pp. 4082 - 4091, p. 4084.
35
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
qu'avec cette fonction managériale, l'ordonnateur
associera à sa fonction administrative, celle de bonne exécution
des programmes122 et de production du rapport annuel de
performance123.
Dans ce contexte, il a semblé utile pour des besoins
opérationnels, que l'ordonnateur puisse désigner un responsable
pour la coordination des actions, des activités et des tâches de
chaque programme, à savoir le responsable de programme. À en
croire le Professeur Gérard Martin PEKASSA NDAM, ce dernier est «
une personne physique à qui incombe l'obligation légale de
faire bon usage des crédits publics qui lui sont affectés dans le
cadre de l'accomplissement d'une mission de service public
»124. Sa mission principale réside dans
pilotage125 et la coordination126 de l'ensemble du
programme et trouve son fondement dans le nouveau régime financier de
l'État qui dispose : « sur la base des objectifs
généraux fixés par le ministre, le responsable de
programme détermine les objectifs spécifiques, affecte les moyens
et contrôle les résultats des services chargés, sous sa
responsabilité de la mise en oeuvre du programme. Il assure du respect
des dispositifs de contrôle interne et de contrôle de gestion
»127. Il faut pourtant rappeler que le responsable de
programme est d'office désigné ordonnateur
délégué. En ce sens, il reçoit une
délégation de compétence limitée que l'on ne
saurait classer dans la catégorie des délégations de
pouvoirs qui dessaisissent le déléguant.
L'ordonnateur n'est donc pas le seul agent à pouvoir
effectuer le contrôle du budget local, le comptable public est
également concerné par ce dernier, puisque c'est lui qui
détient le monopole du maniement des fonds publics au sein de la
collectivité locale.
B- Le comptable public
Le comptable public ou le receveur municipal ou
régional, peut être appréhendé comme un «
agent nommé par le ministre des finances et placé sous son
autorité dont la mission est d'assurer le maniement (perception,
versement) des fonds des organismes publics, de tenir la comptabilité
des opérations qu'ils effectuent et de conserver les pièces
justificatives de ces opérations (...) »128.
À la différence de l'ordonnateur qui, dans le cadre de la
décentralisation financière est, une personnalité
élue (cas du maire ou du président du
122 Voir l'article 51 (1) de la loi no 2007/006 du 26
décembre 2007 portant régime financier de l'État.
123 Voir le manuel de pilotage et d'exécution du budget
programme, janvier 2013, p. 13.
124 PEKASSA NDAM (Gérard Martin), « La dialectique
du responsable de programme en finances publiques camerounaises : recherche sur
les nouveau acteurs budgétaires », in MÉDÉ Nicaise.
(dir.), Les nouveaux chantiers des finances publiques en Afrique,
Mélange en l'honneur de Michel BOUVIER, Dakar, L'Harmattan, 2029,
p. 308
125 Voir, Manuel de pilotage et d'exécution du budget
programme, op.cit., p. 23.
126 Ibid.
127 Voir, Art. 69 de la loi de 2018 précitée.
128 CORNU (Gérard), Vocabulaire juridique,
Association Henri Capitant, op.cit., pp. 192-193.
36
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
Conseil régional), le comptable quant à lui, est
généralement un agent public, nommé, désigné
ou préposé auprès d'une CTD pour assurer la
vérification des dépenses et le suivi des recettes.
Les comptables publics placés auprès des
Collectivités Territoriales Décentralisées sont
dénommés : Receveur Régional, lorsqu'ils sont
placés auprès des Régions ; Receveur Municipal, lorsqu'ils
sont placés auprès de la Commune, de la Communauté Urbaine
ou de la Commune d'Arrondissement129. Ceux-ci sont des agents
publics régulièrement préposés aux comptes et
habilités à effectuer, à titre exclusif au nom de la
Collectivité, des opérations de recouvrement des recettes et de
règlement des dépenses ou de maniement de titres, soit au moyen
des fonds et des valeurs dont ils ont la garde, soit par virement interne
d'écriture, soit par l'intermédiaire d'autres
comptables130. Le comptable public, au moment de la phase comptable
d'exécution du budget, exécute toutes les opérations de
recettes et de dépenses du budget de la Collectivité, ainsi que
toutes les opérations de la trésorerie et de financement.
Avant de procéder aux opérations de
d'encaissement et de décaissement, le receveur régional ou le
receveur municipal effectue un contrôle de régularité des
opérations budgétaires de la collectivité. À ce
titre, le comptable public, qu'il s'agisse du receveur régional ou du
receveur municipal, a une double fonction : la fonction de caissier et la
fonction de payeur. En tant que caissier, le comptable public a le monopole de
la manutention des derniers publics de la collectivité, soit
directement, soit par l'intermédiaire d'agents sous son contrôle
et de sa responsabilité.
En tant que payeur, le comptable public a la charge de faire
les vérifications sur la régularité des opérations
décidées par l'ordonnateur. Cela signifie qu'il revient au
comptable public de vérifier que l'ensemble des pièces qui lui
ont été fournies au regard de la nomenclature, soient
complètes, précises et cohérentes au regard de la
catégorie de la dépense, de sa nature et de son
objet131. En cas de pièces manquantes ou
d'irrégularité flagrante, telle l'absence de contrat obligatoire
au regard du droit des marchés publics, le comptable devra suspendre le
paiement et interpeller l'ordonnateur sur l'insuffisance des pièces sans
toutefois lui imposer une certaine marche à suivre132.
Autrement dit, le comptable
129 Art. 2 du décret no 2023/475 du 7 novembre
2023 précisant certaines attributions et fixant les avantages des
avantages des comptables publics placés auprès des
Collectivités Territoriales Décentralisées.
130 Op.cit., Art. 5, al. 1.
131 « Le contrôle de légalité, limite de
la compétence du comptable public », Disponible en ligne sur
https://www.atd13.fr/le-controle-de-legalite-limite-de-la-competence-du-comptable-public,
Consulté lundi, 20 mai 2024 à 16h31 min.
132 Ibid.
37
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
public doit s'abstenir de payer une dépense
mandatée sur des crédits irrégulièrement ouverts,
une dépense mandatée sur des crédits insuffisants, en cas
de mauvaise imputation budgétaire.
Cette solution permet au comptable public d'une part de se
protéger tout en demeurant dans les limites de son contrôle, et
d'autre part de laisser à l'ordonnateur assumer seul la
responsabilité de l'absence d'éventuelles pièces
justifiant le paiement d'une dépense.
Toutefois, l'ordonnateur peut passer outre le refus du
comptable et lui adresser un ordre de réquisition, auquel il
doit se conformer. Dans ce cas, il engage sa propre responsabilité qui
va se substituer à celle du comptable public.
À la différence de l'ordonnateur qui,
conformément à l'esprit du principe de la séparation de
l'ordonnateur et du comptable est juge de l'opportunité, le comptable
public quant à lui est juge de la régularité. Tel est
l'esprit de l'article 16 alinéa 1 du décret no 2023/475 du 7
novembre 2023 qui dispose que : « le comptable public est
implicitement considéré quitte de sa gestion si
l'arrêté définitif du compte constate la
régularité des opérations exécutées
»133. À ce titre, le comptable public
vérifie les différents éléments financiers des
titres de paiement (pour la dépense). Ces vérifications portent
sur la qualité de l'ordonnateur, l'imputation budgétaire de la
dépense, la disponibilité budgétaire des crédits,
l'exactitude des calculs de liquidation de la dépense, la justification
du « service fait », le caractère libératoire du
règlement et la prescription quadriennale.
Le receveur municipal ou régional a également
pour mission de contrôle de surveiller le flux de la trésorerie.
Dans le cas d'espèce, surveiller de près les entrées de la
trésorerie provenant des différentes sources de recettes locales,
telles que les impôts, les taxes, les frais de services, etc., ainsi que
les sorties de trésorerie pour les dépenses prévues dans
le budget. Le comptable public doit également élaborer les
prévisions de la trésorerie régulières pour
anticiper les besoins de trésorerie à court et à moyen
terme, et identifier les périodes de surplus ou de déficit de la
trésorerie. Le receveur municipal ou régional doit comparer
régulièrement les flux de trésorerie réels avec les
prévisions et les budgets pour identifier les écarts et les
raisons sous-jacentes, et ajuster les plans de gestion de trésorerie en
conséquence.
Hormis le contrôle effectué par l'ordonnateur et
le comptable public en tant qu'agents de l'exécution du budget local,
celui-ci s'opère également par les organes
délibérants.
133 Art. 16, al. 1 du décret no 2023/475 du
7 novembre 2023 précisant certaines attributions et fixant les avantages
des avantages des comptables publics placés auprès des
Collectivités Territoriales Décentralisées.
38
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
Paragraphe II : Le contrôle opéré
par les organes délibérants
Le Cameroun, comme de nombreux pays, a mis en place un
système de décentralisation pour rapprocher la gestion publique
des citoyens et améliorer l'efficacité administrative. Le
contrôle par l'organe délibérant est une innovation de la
loi de 2019134. Ce contrôle porte sur l'exécution du
budget ainsi que sur les programmes et projets y
afférents135.
Ce nouveau type de contrôle peut apparaitre comme un
moyen pour les collectivités locales de prendre en charge leurs affaires
locales et s'autogérer, mais ne permet pas de garantir une
spécificité pour les collectivités à statut
spécial, en raison de son application à toutes les
CTD136. Les CTD au Cameroun sont principalement les régions
et les communes. Les organes délibérants, pour assurer le
contrôle de l'exécution du budget des CTD sont : soit
désignés directement par le peuple (A), soit
indirectement désignés par le peuple (B).
A- Les organes délibérants directement
désignés par le peuple
Au Cameroun, les CTD comprennent les régions et les
communes. Les organes délibérants de ces collectivités
sont le Conseil Municipal et l'Exécutif Communal137 pour ce
qui est des Communes, et le Conseil Régional et l'Exécutif
Régional pour ce qui est des Régions.
Cependant, les organes délibérants directement
désignés par le peuple sont les Conseillers Municipaux,
élus à un mandat de cinq (5) ans138
renouvelables139. Cet organe délibérant (Conseil
Municipal) exerce des missions de contrôle dans le cadre du budget
communal. Tel est l'objet de l'article 104 de la loi no 2009/011 du
11 juillet 2009, qui dispose en effet que « lors de l'examen du budget
ou du compte administratif, l'organe délibérant exerce un
contrôle sur l'exécution du budget, ainsi que les programmes y
afférents140 ».
L'organes délibérant exerce un contrôle a
priori, dans la mesure où, il a le pouvoir d'approuver le budget des
CTD. Avant son adoption, le budget est examiné et débattu au sein
du conseil. Cette étape permet aux conseillers de contrôler les
dépenses prévues et de
134 La loi no 2019/024 du 24 décembre 2019
portant CGCTD.
135 Ibid., art. 482.
136 YAMTCHEU KAYE (Estelle Audrey), « Le régime
financier des collectivités territoriales décentralisées
à statut spécial au Cameroun », RAFP, no
2 (10), pp. 1 - 22, p. 14.
137 L'article 164 (1) de la no 2019/024 du 24
décembre 2019 portant CGCTD dispose à cet effet que : «
Les organes de la Commune sont : le Conseil Municipal et l'Exécutif
Communal ».
138 Telle est la teneur de l'article 169 (1) de la loi
no 2012/001 du 19 avril 2012 portant code électoral
modifiée et complétée par la loi no 2012/017 du
21 décembre 2012, qui dispose que : « Les conseillers
municipaux sont élus pour cinq (05) ans au suffrage universel, direct et
secret ».
139 Ibid., Art. 169 (2), qui dispose qu' : «
Ils sont rééligibles ».
140 Art. 104 de la loi no 2009/011 du 10 juillet
2009 portant régime financier des collectivités territoriales
décentralisées.
39
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
s'assurer de leur cohérence avec les priorités
et les besoins de la population locale. Les organes délibérants
sont chargés de suivre l'exécution du budget des CTD tout au long
de l'année. Ils examinent régulièrement les rapports
financiers et les comptes rendus d'exécution budgétaire pour
évaluer la réalisation des objectifs fixés et pour
détecter d'éventuelles irrégularités ou anomalies.
Les organes délibérants exercent un contrôle sur les
dépenses engagées par l'exécutif local. Ils veillent
à ce que les dépenses soient effectuées
conformément aux priorités établies dans le budget
approuvé et qu'elles respectent les règles et les
procédures en vigueur. Les organes délibérants peuvent
décider de réaliser des audits ou des évaluations
spécifiques sur certains aspects de la gestion financière de la
CTD. L'exigence de Ces audits permettent de vérifier la
conformité aux normes comptables et aux règlements en vigueur,
ainsi que d'identifier les domaines nécessitant des
améliorations.
L'article 105 de la loi no 2009/011 du 10 juillet
2009 ajoute en effet que « l'organe délibérant peut
constituer des commissions ad hoc sur des sujet intéressant la gestion
financière de la collectivité territoriale, les rapports de cette
commission, sont soumis à l'appréciation de l'organe
délibérant141 ».
De ce qui précède, l'on peut retenir que les
organes délibérants directement désignés par le
peuple jouent un rôle majeur dans la prise de décisions ayant une
incidence budgétaire, mais ceux désignés indirectement par
le peuple exercent également des missions budgétaires.
B - Les organes délibérants indirectement
désignés par le peuple
Les organes délibérants indirectement
désignés par le peuple sont le Président de
l'Exécutif Communal pour ce qui est des Communes, et les Conseillers
Régionaux et le Président du Conseil Régional pour ce qui
est des régions.
En ce qui concerne le Président de l'Exécutif
Municipal, il est placé à la tête de l'exécutif
communal. Il s'agit généralement le maire. Ce dernier est
élu au scrutin uninominal majoritaire à deux (2) tours.
L'élection est acquise au premier tour à la majorité des
suffrages exprimés142. Pour ce qui est des Conseillers
Régionaux, il en existe quatre - vingt - dix (90), élus pour un
mandat de cinq (05) ans143. Le Conseil Régional, en tant
qu'organe délibérant des régions comprend les
délégués des départements élus au suffrage
universel
141 Art. 105 de la loi no 2009/011 du 10 juillet
2009 portant régime financier des collectivités territoriales
décentralisées.
142 Voir Art. 200 (1) de la loi portant CGCTD.
143 Art. 275 (2) de la loi portant CGCTD.
40
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
indirect et les représentants du commandement
traditionnel élus par leurs pairs144. Elles s'assurent que
toutes les opérations financières respectent les lois et
règlements en vigueur, ainsi que les directives budgétaires
adoptées par l'organe délibérant. Cela inclut la
vérification des procédures de passation des marchés
publics, la conformité des dépenses aux autorisations
budgétaires, et la régularité des recettes. Les
commissions évaluent également l'efficacité et
l'efficience de l'utilisation des fonds publics, en analysant si les objectifs
budgétaires sont atteints et si les ressources sont utilisées de
manière optimale.
En cas de détection d'irrégularités ou de
dysfonctionnements, ces organes proposent des mesures correctives à
l'exécutif local et peuvent recommander des ajustements
budgétaires. Elles jouent un rôle consultatif en formulant des
avis et des recommandations pour améliorer la gestion
budgétaire.
Le contrôle concomitant opéré par les
commissions ad hoc de l'organe délibérant, permet de
détecter rapidement des anomalies. À cet effet, grâce
à un suivi continu, les commissions peuvent identifier et corriger les
écarts budgétaires avant qu'ils ne deviennent des
problèmes majeurs. Ces commissions peuvent également
améliorer la gouvernance, en assurant une gestion rigoureuse et
responsable des ressources publiques, ce contrôle contribue à une
meilleure gouvernance locale et à la confiance des citoyens dans les
institutions publiques.
En somme, les commissions ad hoc de l'organe
délibérant jouent un rôle indispensable dans le
contrôle concomitant de l'exécution budgétaire,
garantissant une gestion financière saine, transparente et conforme aux
intérêts de la collectivité.
Puisqu'on parle d'un cadre institutionnel non juridictionnel
opérationnel, le contrôle de l'exécution du budget des CTD
au Cameroun va au-delà des organes internes des collectivités
territoriales décentralisées. Ce contrôle est
également effectué par les organes externes des
collectivités territoriales décentralisées.
144 Ibid., Art. 275 (3).
41
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
SECTION II : UN CONTROLE ACCESSOIREMENT CONFIE AUX
ORGANES EXTERNES AUX CTD
Outre le contrôle par les organes internes des CTD qui
permet de prévenir les irrégularités, les fraudes et les
inefficacités dans l'utilisation des fonds publics au niveau local, le
contrôle effectué par les organes externes des CTD est d'une
importance capitale pour renforcer le cadre institutionnel non juridictionnel.
Ce contrôle inclut d'une part, le contrôle diligenté par les
organes dépendant de la Présidence (Paragraphe
I) et d'autre part, le contrôle effectué par le
contrôleur financier (Paragraphe II) en tant qu'organe
dépendant du MINFI.
Paragraphe I : Le contrôle diligenté par
les organes dépendant de la Présidence de la
République
En matière de contrôle de l'exécution du
budget des CTD au Cameroun, les organes dépendant de la
présidence jouent un rôle important dans la supervision et la
régulation des activités financières desdites CTD.
Leur action vise à garantir une gestion
financière transparente, efficace et responsable au niveau local,
contribuant ainsi à renforcer la bonne gouvernance et la confiance des
citoyens au sein des CTD.
En tant qu'organes dépendant de la Présidence,
le contrôle de l'exécution du budget des CTD au Cameroun est
amorcé par les services du ministère délégué
à la Présidence de la République chargé du Conseil
Supérieur de l'État (CONSUPE) (A) et poursuivi par le Conseil de
Discipline Budgétaire et Financière (CDBF) (B).
A- Le contrôle amorcé par les services du
ministère délégué à la Présidence de
la République chargé du contrôle supérieur de
l'État
Institution Supérieure de Contrôle des Finances
publiques, Le CONSUPE est l'auditeur gouvernemental externe145, car
placé en dehors du gouvernement. Il relève de l'autorité
Président de la République de qui il reçoit les
instructions. Il rend compte à travers le Secrétariat
Général de la Présidence de la République. Ses
agents sont en théorie indépendants vis-à-vis de l'organe
audité, mais pas de leur hiérarchie. Réorganisé par
décret
145 L'article 2 (1) du décret no 2013/287 du
04 septembre 2013 portant organisation des services du Contrôle
supérieur de l'État dispose à cet effet que : «
Les services du Contrôle supérieur de l'État
constituent l'institution supérieure de contrôle des finances
publiques (ISC) du Cameroun. Ils sont chargés de l'audit externe (...)
».
42
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
présidentiel no 2013/287 du 04 septembre
2013, il joue un rôle central dans la protection de la fortune
publique146. Il audite les CTD, les établissements,
entreprises publiques et parapubliques, les établissements et
associations confessionnels ou laïcs bénéficiant des
concours financiers, avals ou garanties de l'État, les autres personnes
morales publiques sur le plan administratif, financier et
stratégique147. Son champ d'action va au-delà de la
barrière des structures étatiques ou subventionnées par
l'État. Il peut sur instruction du Président de la
République, effectuer des contrôles spécifiques
auprès des organismes privés d'intérêt public
présentant un caractère stratégique pour le
Cameroun148.
Ses missions consistent à l'appréciation de la
qualité de la gestion des services et organismes contrôlés.
Il constate les irrégularités, les entorses à la
règlementation, la mesure et l'appréciation de
l'efficacité, de l'efficience et de l'économie de la gestion. Il
statue aussi sur la sincérité et la fidélité des
états financiers produits par la structure auditée. Il prend
connaissance de l'organe à auditer, détermine ses besoins en
information, recense les actes administratifs de portée
générale, les textes, arrêtés, circulaires et autres
actes administratifs censés encadrer les comportements des agents et mis
au point dans l'organe à auditer conformément à la loi.
En ce qui concerne la gestion des crédits publics, il
détermine les manquements énumérés par la loi du 5
décembre 1974, modifiée par celle du 8 juillet 1978. On distingue
les irrégularités mentionnées aux articles 3, 4 et 5 pour
ceux relatifs à la gestion de l'État et des collectivités
publiques et celles citées aux articles 6 et 7 relatifs à la
gestion des entreprises de l'État.
Est considérée comme irrégularité
au sens de la présente loi, toute faute commise préjudiciable
à la puissance publique, ne ressortissant pas nécessairement de
la compétence des tribunaux répressifs ou de commerce. Le CONSUPE
interagit aussi en amont de la gestion des structures auditées en vue du
renforcement des capacités des managers et du
146 BAKITI BA MBOG BINYET (Joseph Olivier), « Effet de
l'action du contrôle supérieur de l'État sur l'offre des
services publics au Cameroun », ASJ, no 8, Vol. 3,
2021, pp. 157 - 186, p. 161.
147 Ibid.
148 Telle est la teneur de l'article 2 (2) du décret
no 2013/287 du 04 septembre 2013 portant organisation des services
du Contrôle supérieur de l'État qui dispose que : «
Les services du Contrôle supérieur de l'État peuvent,
sur instruction du Président de la République, effectuer des
contrôles spécifiques auprès des organismes privés
poursuivant un objet ayant un lien avec le service public, et présentant
un caractère stratégique pour l'économie ou la
défense nationale ».
43
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
personnel par des actions de formation continue et de
sensibilisation149. Le Conseil Supérieur de l'État
(CONSUPE) au Cameroun, joue un rôle fondamental dans l'audit et le
contrôle de l'exécution du budget des CTD. En tant qu'organe
externe de contrôle, le CONSUPE assure la vérification de la
conformité, de la régularité et de l'efficience des
opérations financières des CTD150.
Le CONSUPE, créé pour garantir la bonne
gouvernance financière, a pour mandat d'effectuer des audits et des
contrôles sur les finances publiques au niveau national et local. Ses
compétences s'étendent à : l'audit des comptes et des
opérations financières des CTD, la vérification de la
conformité des dépenses publiques par rapport aux lois et
règlements en vigueur, l'évaluation de l'efficacité et de
l'efficience dans l'utilisation des ressources publiques et la détection
et la prévention des fraudes et des irrégularités
financières.
Tout comme le CONSUPE, le CDBF, en tant qu'organe
dépendant de la présidence exerce le contrôle de
l'exécution du budget des CTD au Cameroun.
B- Le contrôle poursuivi par le Conseil de Discipline
Budgétaire et Financière
Au Cameroun, le contrôle de l'exécution du budget
des CTD est également assuré par le Conseil de Discipline
Budgétaire et Financière. Ce conseil est chargé de veiller
à la régularité des opérations financières
et comptables des CTD, en garantissant notamment le respect des règles
budgétaires et financières établies.
Le CDBF peut être saisi pour examiner des cas de
non-conformité aux règles budgétaires, de mauvaise gestion
financière ou d'autres infractions relevant de sa compétence. Il
peut alors mener des enquêtes, prendre des mesures correctives et,
recommander des sanctions en cas de manquements
avérés151. En collaboration avec d'autres organes, le
CDBF
149 BAKITI BA MBOG BINYET (Joseph Olivier), « Effet de
l'action du contrôle supérieur de l'État sur l'offre des
services publics au Cameroun », op.cit., p. 162.
150 Tel est l'objet de l'article 2 (3) du décret
no 2013/287 du 04 septembre 2013 portant organisation des
services
du Contrôle supérieur de l'État qui
dispose que : « Dans l'exercice de leurs attributions, les services du
Contrôle
supérieur de l'État effectuent :
- Un contrôle de conformité et de
régularité ;
- Un contrôle financier ;
- Un contrôle de performance ;
- Un contrôle de l'environnement ;
- Un contrôle des systèmes d'information.
».
151 Telle est l'esprit de l'article 1er (1) du
décret no 97/049 du 5 mars 1997 portant organisation et
fonctionnement du Conseil de Discipline Budgétaire et Financière
qui dispose que : « Le Conseil de Discipline Budgétaire et
Financière est chargé de la sanction des responsabilités
des ordonnateurs et gestionnaires des crédits publics et entreprises
publiques. À ce titre, il sanctionne les irrégularités et
fautes de gestion commises par :
44
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
contribue à renforcer le dispositif global de
contrôle administratif visant à assurer une gestion transparente,
légale et efficace des ressources publiques par les CTD au Cameroun. Son
action est essentielle pour promouvoir la responsabilité et la bonne
gouvernance au niveau local.
Le CDBF peut exercer des actions conjoncturelles avec les
juridictions répressives au Cameroun dans le cadre du contrôle de
l'exécution du budget des CTD. Cette collaboration vise à
garantir que les infractions détectées lors des enquêtes
menées par le CDBF soient traitées de manière
appropriée sur le plan judiciaire152.
Lorsque le CDBF identifie des cas de mauvaise gestion
financière, de détournement de derniers publics ou d'autres
infractions graves, il peut transmettre ces dossiers aux juridictions
compétentes pour enquête et poursuites judiciaires. Les preuves
recueillies par le CDBF peuvent ainsi servir de base à des actions
judiciaires visant à sanctionner les responsables des actes
répréhensibles.
Cette action conjoncturelle entre le CDBF et les juridictions
répressives renforce l'efficacité du contrôle de
l'exécution du budget des CTD, assurant que les cas de violation de la
loi soient traités de manière rigoureuse et que les acteurs des
infractions soient tenus responsables de leurs actes. La conjugaison des
actions dans la collaboration entre le CDBF et les juridictions
répressives contribue à promouvoir la transparence, la
responsabilité et la bonne gouvernance dans la gestion des finances
publiques au niveau local.
Hormis les organes dépendant de la présidence,
le contrôle de l'exécution du budget des CTD est également
assuré par l'organe dépendant du ministère des finances
à savoir : le contrôleur financier.
- Les ordonnateurs et gestionnaires de crédits de
l'État, les collectivités territoriales
décentralisées, des
entreprises et organismes publics ou parapublics et toute
autre personne agissant en cette qualité ; - Les commissaires
aux comptes, censeurs et commissaires du Gouvernement auprès des
entreprises
publiques et toute autre personne agissant en cette
qualité. ».
152 Le CDBF peut exercer une action conjoncturelle avec les
juridictions répressives. C'est d'ailleurs le sens de l'article 18 (3)
du décret no 97/049 du 5 mars 1997 portant organisation et
fonctionnement du Conseil de Discipline Budgétaire et Financière
qui dispose que : « Si l'instruction fait apparaître des faits
susceptibles d'être qualifiés de crimes ou délits, le
Président du Conseil transmet le dossier à l'autorité
judiciaire compétente. Cette transmission vaut plainte au nom de
l'État, de la collectivité publique ou de l'entreprise
concernée contre le mis en cause ».
45
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
Paragraphe II : Le contrôle effectué par
le contrôleur financier
Le contrôleur financier est nommé par le Ministre
des finances auprès des ordonnateurs. Il est chargé d'effectuer
un contrôle a priori sur la liasse de chaque opération
financière de recettes ou de dépenses pour s'assurer de la
conformité au budget et à la règlementation en vigueur.
Il effectue donc une vérification sur la
régularité de l'opération financière. Il
vérifie notamment la bonne imputation de la dépense, la
disponibilité des crédits, l'évaluation correcte de la
dépense, l'existence d'un acte d'engagement préalablement
visé. Il contrôle et apure les caisses d'avance et les mises
à disposition des fonds. Il a ainsi un rôle d'appui-conseil de
l'ordonnateur au sens de la circulaire no
00003672/C/MINFI/SG/DGB/DCOB du 23 mai 2019 précisant les attributions
des contrôleurs financiers à la lumière des dispositions de
la loi no 2018/012 du 11 juillet 2018 portant RFEAP.
En effet, il convient d'abord d'analyser le statut du
contrôleur financier (A), avant de s'appesantir sur ses
missions (B).
A - Le statut du contrôleur financier
Au Cameroun, le contrôleur financier est un agent dans
la chaîne d'exécution de la dépense publique. Agent
nommé153 par le ministre des finances, son statut lui
confère une autorité et une responsabilité
spécifiques en matière de supervision des dépenses
publiques au niveau local. Il bénéficie
généralement d'un statut officiel, souvent défini par des
décrets ou des arrêtés ministériels, qui lui
confèrent des prérogatives juridiques et administratives pour
mener à bien ses missions de contrôle.
C'est une innovation dans la loi no 2018/012 du 11
juillet 2018154 : il a existé des contrôleurs en droit
financier camerounais dans le cadre des décrets, mais aucune loi portant
droit financier ne faisait mention de leur substance jusqu'à ce dernier
texte.
En tant que fonctionnaire de l'État, le
contrôleur financier peut bénéficier de certains avantages
et de protections liés à son statut, tels que la
sécurité de l'emploi, des garanties en
153 Tel est l'esprit de l'article 115 alinéa
1er du décret no 2020/375 du 07 juillet 2020
portant règlement général de la comptabilité
publique qui dispose à cet effet que : « un contrôleur
financier est nommé auprès des ordonnateurs principaux, ainsi
qu'auprès des ordonnateurs secondaires placés à la
tête des services déconcentrés ».
154 Loi no 2018/012 du 11 juillet 2018 portant
régime financier de l'État et d'autres entités
publiques.
46
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
matière de rémunération et d'avantages
sociaux, ainsi que des possibilités de formation et de
développement professionnel. Son statut peut également lui
conférer une certaine indépendance dans l'exercice de ses
fonctions, lui permettant d'opérer de manière impartiale et
objective dans ses évaluations et recommandations.
Le statut du contrôleur financier peut en outre inclure
des obligations spécifiques en termes de déontologie et
d'éthique professionnelle, visant à garantir
l'intégrité et la fiabilité de son travail. Ces
obligations peuvent inclure des restrictions en matière de conflits
d'intérêts, des règles de confidentialité et de
discrétion, ainsi que des normes de comportement professionnel. Le
contrôleur financier se présente alors comme un conseiller de
l'ordonnateur. Toutefois, il exerce ses missions propres.
B - Les missions du contrôleur
financier
Partis du cadre général de la gestion des
finances publiques, du rôle et des modalités d'intervention du
contrôleur financier dans la chaîne PPBS ( Planification -
Programmation - Budgétisation - Suivi/Évaluation), de son
rôle dans la contractualisation publique, son devoir de maîtrise de
la Nomenclature Budgétaire de l'État en passant par des
procédures budgétaires et le reporting des activités du
CF, les travaux initiés par la Division du Contrôle
Budgétaire, de l'Audit et de la Qualité de la dépense ont
également porté l'attention du CF sur la place des impôts
et taxes dans les procédures budgétaires.
En tant qu'agent désigné par le ministre des
finances pour garantir en ses lieux et place, l'orthodoxie dans
l'exécution des budgets publics à travers des avis et visas, le
contrôleur financier, assure à cet effet, la centralisation des
opérations budgétaires des ordonnateurs auprès desquels il
est placé, par une bonne tenue des fiches de suivi des engagements et
des ordonnancements155. Une action vaste enrobée de
règles déontologiques spécifiques avec pour socle des
normes internationales et nationales156. Il s'agit des règles
déontologiques de l'INTOSAI s'adressant aux contrôleurs du secteur
public157. Des règles respectivement édictées
par les normes ISSAI 130 et ISSAI 140. D'un autre côté, il s'agit
de la loi no 2018/011 du 11 juillet 2018 portant code de
transparence et de bonne gouvernance en
130 « Le contrôleur financier : juge de la
régularité et acteur essentiel dans la chaîne
d'exécution du budget de l'État », Disponible en ligne
sur
https://www.dgb.cm/le-controleur-financier-juge-de-la-regularite-et-acteur-essentiel-dans-la-chaine-dexecution-du-budget-de-letat,
op.cit.
156 Ibid.
132 Idem.
47
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
son article 52 (1) 158. Ainsi, le contrôleur
financier a pour mission d'apposer son visa budgétaire159
préalable à l'exécution de toute dépense publique.
L'absence de visa du contrôleur financier est un cas de suspension
absolue de paiement pour le receveur municipal. Le délai prévu
pour l'apposition dudit visa est de 72 heures. Ce principe peut être
atténué lorsque ce dernier a adressé une demande
d'informations ou de documents complémentaires. Dans ce cas, le
délai est suspendu jusqu'à la production des informations et
documents sollicités.
Sous peine d'être taxé de fantaisiste, le refus
de visa doit être motivé. Il faut noter que si le visa du
contrôleur financier ne peut être outrepassé que sur
l'autorisation du ministre des finances160 (visa budgétaire
préalable, visa de validation, accord pur et simple du visa, visa avec
observation, visa de réserve...), son avis quant à lui prend la
forme d'une lettre motivée qui ne lie pas l'ordonnateur et n'a aucun
effet contraignant dans la gestion quotidienne. Concernant par exemple
l'apposition du visa relativement à la question des impôts et
taxes locaux dans les procédures budgétaires, il est convenu que
les outils de sécurisation des recettes fiscales, la maîtrise des
règles fiscales par les acteurs de la chaîne de la dépense
représentent un enjeu majeur pour la bonne exécution du budget
des collectivités territoriales décentralisées. Ceci exige
la vigilance de la part des contrôleurs financiers dans les
procédures de liquidation et de retenues des impôts et taxes sur
l'ensemble des actes dont ils sont appelés à contrôler la
régularité, ainsi que la conformité. Ainsi, le
contrôleur financier exerce un contrôle a priori161 et
un contrôle a posteriori162 des opérations
budgétaires.
133 L'article 52 alinéa 1er de la loi
no 2018/011 du 11 juillet 2018 portant code de transparence et de
bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques au Cameroun dispose
à ce titre que, « Les obligations des agents de l'État
sont régies par des règles déontologiques claires et
largement connues de tous ».
159 Telle est la teneur de l'article 70 alinéa 2 de la
loi no 2018/012 du 11 juillet 2018 portant régime financier
de l'État et des autres entités publiques qui dispose que :
« le contrôleur financier est chargé des contrôles
a priori par l'apposition d'un visa préalable des opérations
budgétaires, les propositions d'acte de dépense qui luis sont
transmises par le ministre ou ses ordonnateurs délégués
selon les modalités définies par le ministre chargé des
finances ».
160 Tel est le sens de l'article 70 alinéa 3 du
même texte qui dispose que : « il ne peut être
passé outre au refus de visa que sur autorisation écrite du
Ministre chargé des finances. Dans ce cas, la responsabilité du
Ministre chargé des finances se substitue à celle du
Contrôleur Financier ».
161 Tel est l'objet de l'article 116 alinéa
1er du décret no 2020/375 du 07 juillet 2020
portant règlement général de la comptabilité
publique qui dispose que : « les contrôles a priori
exercés par les contrôleurs financiers portent sur les
opérations budgétaires. Tous les projets d'actes des ordonnateurs
portant engagement de dépenses, notamment les marchés publics ou
contrats, baux administratifs, arrêtés, mesures ou
décisions émanant d'un ordonnateur, sont soumis au visa
préalable du contrôleur financier ».
162 Voir l'article 119 alinéa 1er du
même texte, qui dispose que : « les contrôles a posteriori
sont inopinés ou non, sur pièces ou sur place, sur les actes des
ordonnateurs et des comptables. Ces contrôles ont pour objet de
vérifier la bonne application des lois et règlements en vigueur
en matière de gestion des finances publiques ».
48
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
Il convient de souligner que, le régime financier de
l'État et des autres entités publiques, retient la
responsabilité du contrôleur financier pour des visas qu'il
appose, tout particulièrement lorsqu'une faute identifiée a
été occasionnée par la défaillance du
contrôle qu'il aurait dû effectuer.
Il faut par ailleurs mettre en exergue la
nécessité d'une remontée de données fiables et leur
archivage qui s'alignent désormais au système de
dématérialisation des supports physiques, l'archivage
électronique de supports de la dépense, leur uniformisation et la
sécurisation desdites données163. Toute chose qui
concourt à relever qu'en tant qu'acteur d'exécution du budget, le
contrôleur financier doit connaître toutes les procédures,
afin de mieux assurer d'une part le contrôle des dépenses
engagées, et de bien exercer d'autre part, ses fonctions de
centralisateur des opérations budgétaires, d'informateur du
ministre au travers du reporting.
Le contrôleur financier effectue également un
contrôle de la solde et des pensions. À ce titre, il est
chargé de mettre en oeuvre les techniques de contrôle des
effectifs et des rémunérations, des éléments
constitutifs d'un bulletin de solde et des pensions, les cas de fraudes,
irrégularités et anomalies régulièrement
rencontrés à la lecture d'un bulletin de solde ou de pension, et
les solutions pour y remédier164.
Son action devrait permettre un meilleur suivi des positions
des personnels de l'État dans les ministères, les
Établissements publics et les CTD, en vue de l'assainissement du fichier
de solde165. À ce titre, le CF joue un rôle crucial
dans la supervision des paiements de solde et des pensions.
163 « Le contrôleur financier : juge de la
régularité et acteur essentiel dans la chaîne
d'exécution du budget de
l'État », op.cit.
164 Ibid.
165 Idem.
49
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
CONCLUSION DU CHAPITRE I
Au terme de ce chapitre qui portait sur un cadre
institutionnel non juridictionnel opérationnel, il ressort que, ce cadre
n'est opérant qu'avec la conjugaison des organes internes et externes de
contrôle de l'exécution du budget des collectivités
territoriales décentralisées au Cameroun.
Le contrôle par les organes internes des CTD est
d'autant plus important qu'il favorise une gestion financière optimale
en corrigeant rapidement les erreurs et en améliorant les processus
budgétaires. Il permet aussi aux dirigeants des CTD de rendre compte de
leur gestion, renforçant ainsi la culture de la reddition de comptes. En
assurant une utilisation efficiente des ressources, le contrôle interne
contribue directement au développement économique et social des
collectivités locales, en alignant les dépenses avec les
priorités locaux.
Cependant, le contrôle par les organes internes, bien
qu'important, demeurent insuffisant pour renforcer la bonne gouvernance et la
bonne gestion des ressources publiques au niveau local. C'est dans cette
perspective que, le contrôle par les organes externes des CTD est non
négligeable, car ces organes externes apportent une expertise
indépendante qui permet de détecter les anomalies et les abus que
les organes qui effectuent le contrôle interne du budget des CTD
pourraient négliger.
50
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
CHAPITRE II : UN CADRE INSTITUTIONNEL JURIDICTIONNEL
INACHEVÉ
Le contrôle de l'exécution du budget des CTD au
Cameroun représente un pilier essentiel pour assurer une gestion
transparente et efficace des finances publiques locales. Cependant,
malgré les avancées réalisées dans la
décentralisation et la mise en place des institutions de contrôle,
le cadre institutionnel juridictionnel demeure incomplet. Cette situation
entraîne des défis significatifs dans la reddition de comptes et
la transparence des opérations financières au niveau local,
compromettant ainsi l'atteinte des objectifs de bonne gouvernance. L'absence
des juridictions financières spécialisées pour les CTD
limite l'efficacité du contrôle budgétaire. Actuellement,
les tâches de vérification sont principalement attribuées
à la Chambre des comptes de la CS dont le mandat couvre une vaste gamme
d'entités publiques. À ce titre, le cadre institutionnel
juridictionnel inachevé est la résultante de l'effectivité
des juridictions de droit commun (Section I), et de
l'effectivité partielle des juridictions financières
(Section II).
SECTION I : L'EFFECTIVITE DES JURIDICTIONS DE DROIT
COMMUN
L'effectivité des juridictions de droit commun dans le
cadre du contrôle de l'exécution du budget des
collectivités territoriales décentralisées au Cameroun est
un sujet complexe qui révèle plusieurs lacunes et défis.
Bien que ces juridictions jouent un rôle crucial dans la
régulation et la supervision des finances locales, leur
efficacité est souvent entravée par des contraintes
institutionnelles et opérationnelles, ce qui impacte la transparence et
la gestion des fonds publics au niveau local.
Même si l'efficacité de ces juridictions demeure
entravée, il convient tout de même de les analyser, car, elles
font partie des institutions qui protègent la fortune publique. Ces
juridictions sont entre autres : les juridictions inférieures
(Paragraphe I), et les juridictions supérieures
(Paragraphe II).
51
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
Paragraphe I : Les juridictions inférieures
Les juridictions inférieures jouent un rôle
essentiel mais souvent sous-estimé dans le cadre du contrôle de
l'exécution du budget des CTD au Cameroun. Ces juridictions comprennent
principalement les juridictions de premier degré (A),
et le Tribunal criminel spécial (B), chargées de
protéger la fortune publique au niveau local.
A- Les juridictions de premier degré
Les juridictions de premier degré dans le cadre du
contrôle de l'exécution du budget des CTD au Cameroun sont le
Tribunal de Première Instance et le Tribunal de Grande Instance. Il
convient donc d'analyser la composition desdites juridictions avant
d'identifier leurs attributions.
En ce qui concerne le TPI, l'article 14 de la loi
no 2006/015 dispose : « Le Tribunal de Première
Instance comprend :
? Au siège : un Président, un ou plusieurs
juges, un greffier en chef, des greffiers ; ? À l'instruction : un ou
plusieurs juges d'instruction, un ou plusieurs greffiers ;
? Au parquet : un procureur de la République, un ou
plusieurs substituts du procureur de la République. ».
Toute affaire soumise à ce tribunal est tranchée
par un seul magistrat. Exceptionnellement, en matière sociale, le TPI
est complété par des assesseurs conformément à
l'article 133166 du code du travail.
Ainsi, le TPI a une double dimension en ce qui concerne sa
compétence : territoriale ou ratione loci et matérielle
ou ratione materiæ167. Relativement à sa
compétence territoriale, d'après l'article 13 de la loi de 2006
précitée, il est créé un TPI par
arrondissement168. Toutefois, suivant les nécessités
de service, le ressort du tribunal peut comprendre plusieurs
arrondissements169. Le TPI siège au Chef - lieu de
l'arrondissement.
166 L'article 133 (1) du code du travail dispose que : « Les
tribunaux statuant en matière sociale se composent :
d'un magistrat, président ; d'un assesseur employeur et
d'un assesseur travailleur choisis parmi ceux figurant sur les listes
établies conformément à l'article 134 ; d'un greffier
».
167 KALIEU ELONGO (Yvette Rachel), « Organisation
judiciaire du Cameroun », in Répertoire quinquennal
OHADA, 2006 - 2010, pp. 93 - 122, p. 98.
168 Ibid.
169 Idem.
52
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
En ce qui concerne sa compétence matérielle, et
conformément l'article 15 de la loi de 2006, le TPI est compétent
en matière civile, commerciale et sociale et en matière
pénale. Mais dans le cadre de notre sujet, il convient d'insister
exclusivement en matière pénale. Car, les
irrégularités avérées lors du contrôle de
l'exécution du budget des CTD par le TPI, et qualifiées
d'infraction sur le plan pénal peuvent faire l'objet de sanction par
ladite juridiction si celles-ci (les infractions) relèvent de sa
compétence.
Autrement dit, en matière pénale, le TPI est
compétent pour le jugement des infractions qualifiées de
délits ou de contraventions, des demandes de mise en liberté
formées par toute personne détenue et poursuivie devant lui, pour
une infraction de sa compétence ; il statue aussi en matière de
délinquance juvénile, pour des crimes commis par des mineurs sans
coauteur ou complice majeur170.
Tout comme l'organisation du TPI, celle du Tribunal de Grande
Instance a été revue par la nouvelle loi portant organisation
judiciaire du Cameroun en ses articles 16 et suivants. L'article 17 de la loi
no 2006/015 du 29 décembre 2006 dispose que : « Le
Tribunal de Grande Instance comprend . Au siège . un Président,
un ou plusieurs juges, un greffier en chef, des greffiers ; À
l'instruction . un ou plusieurs juges d'instruction, un plusieurs greffiers ;
Au parquet . un Procureur de la République, un ou plusieurs substituts
du procureur de la République. ».
Le Président, les juges d'instruction, les juges, les
greffiers en chef, les greffiers du TPI du siège d'un TGI peuvent
cumulativement avec leurs fonctions respectives être nommés aux
mêmes fonctions au TGI171.
Toute affaire soumise au TGI est jugée par un seul
magistrat ; toutefois, le tribunal peut siéger en formation
collégiale composée de trois membres, sur ordonnance du
Président prise d'office ou sur réquisitions du ministère
public ou à la requête d'une partie. Exceptionnellement, en
matière sociale, le TGI est composé conformément aux
dispositions du code du travail.
En ce qui concerne ses attributions, la compétence
territoriale du TGI doit être distinguée de sa compétence
matérielle.
170 KALIEU ELONGO (Yvette Rachel), « Organisation judiciaire
du Cameroun », op.cit., p. 98.
171 Ibid.
53
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
En ce qui concerne sa compétence territoriale,
d'après l'article 16 de la loi de 2006, il est créé un TGI
par département172. Toutefois, suivant les
nécessités de service, le ressort d'un TGI peut, être
étendu à plusieurs départements173. Le TGI
siège au Chef - lieu du département. Pour ce qui concerne sa
compétence matérielle, conformément à l'article 18
de la loi de 2006, le TGI est compétent en matière civile,
commerciale et sociale, et en matière pénale. Mais comme nous
l'annoncions dans le cadre du TPI, nous préférons insister sur sa
compétence en matière pénale174.
En matière pénale, le TGI est compétent
pour des crimes et délits connexes, les demandes de mise en
liberté formées par toute personne détenue et
renvoyée devant lui, pour toute infraction relevant de sa
compétence.
Bien que les juridictions de premier degré soient
compétentes de certaines infractions tendant à vicier la bonne
exécution du budget des CTD, il n'en demeure pas moins de mener une
analyse su le tribunal criminel spécial, qui lui aussi, contribue
à la protection de la fortune publique.
B- Le Tribunal criminel spécial
L'évocation de son nom seul fait sursauter bon nombre
de gestionnaires des fonds publics. Le Tribunal criminel spécial, est
devenu un véritable cauchemar pour certains hauts cadres de
l'administration. On se souvient pourtant qu'à sa création, une
bonne tranche de la population ne vendait pas cher la peau de cette
juridiction, au regard de nombreuses critiques dont elle avait fait l'objet.
L'un des reproches que les citoyens faisaient à ce tribunal était
la discrimination basée sur le critère financier175.
Aux termes de la loi mettant sur pied le TCS en effet, ne sont justiciables de
cette juridiction que les justiciables suspectés d'avoir
détourné les derniers publics à hauteur de cinquante
millions (50 000 000) de FCFA au moins. Ceux au passif de qui sont mis des
atteintes à la fortune publique inférieures à ce montant
ne méritent pas l'attention du TCS. C'est le TGI et le TPI qui sont
compétents pour juger ces « petits » présumés
voleurs.
172 Idem.
173 Idem.
174 Idem.
175 TAKAM (Dieudonné), « Le Tribunal criminel
spécial au Cameroun », Disponible en ligne sur
https://www.cabinettakam.com/index.php/le-cabinet//publications/165-le-tribunal-criminel-special-au-cameroun,
Consulté jeudi le 6 juin 2024 à 20h17 min.
54
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
Avant l'entrée en vigueur de la loi instituant le TCS,
toutes les affaires inhérentes aux indélicatesses avec la gestion
de la fortune publique relevaient de plein droit de la compétence du
TGI176. Certains n'ont pas compris où se trouvait la
nécessité de créer un autre tribunal pour lutter contre
les détournements de derniers publics. D'autres estimant que si
l'efficacité de la protection des biens publics passait par la naissance
d'une juridiction spéciale, il fallait alors que tous les cas de
malversations financières publiques soient renvoyés devant cette
nouvelle juridiction177. L'une des particularités du TCS est
qu'il s'agit d'un tribunal statuant en premier et en dernier ressort. Ce qui
signifie que ses jugements sont sans appel. Autrement dit, lorsque le TCS a
rendu une décision, aucune voie de recours ordinaire n'est
possible178. Ce qui constitue le principal reproche que bon nombre
de spécialistes du droit pénal, et notamment les Avocats, font
à cette juridiction. Dans l'ordonnancement juridique classique en effet,
toute décision rendue par un tribunal doit pouvoir normalement faire
l'objet d'appel. Cette voie de recours fondamentale en droit permet à
celui qui, étant partie au procès, n'est pas satisfait du
jugement rendu par le tribunal de porter l'affaire devant la Cour d'Appel
territorialement compétente. C'est ce qu'on appelle le principe du
double degré de juridiction179.
En vertu de ce principe, l'affaire portée devant la
juridiction d'appel, qui est une juridiction supérieure au tribunal, est
à nouveau examinée, afin de voir si l'appel est fondé ou
non. Avec cette particularité, qu'en appel, le dossier est jugé
par les magistrats ayant plus d'expérience que ceux officiant au
tribunal. Et non pas par un seul juge, mais par un collège d'au moins
trois juges. Ce qui diminue sensiblement les risques d'erreurs
judiciaires180. Et c'est probablement conscient de la
réalité de ce risque que le législateur camerounais a
prévu dans la loi régissant le TCS que toutes les affaires y
soient jugées en collégialité. Étant entendu
qu'après le verdict, aucun appel n'est recevable.
Que faire donc si l'on n'est pas satisfait d'un jugement
prononcé par le Tribunal criminel spécial ?
176 TAKAM (Dieudonné), « Le Tribunal criminel
spécial au Cameroun », op.cit.
177 Ibid.
178 Idem.
179 Idem.
180 Idem.
55
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
La loi en interdisant l'appel a néanmoins
autorisé le pourvoi en cassation181. C'est une voie de
recours ouverte contre toutes les décisions rendues en dernier ressort.
Et qui permet à la partie ayant perdu le procès de porter
l'affaire devant la Cour suprême. Cette voie de recours est
extraordinaire, en ce sens qu'elle est sans effet sur la sentence
prononcée, laquelle doit être exécutée malgré
tout. De plus, le pourvoi en cassation ne doit pas être fondé sur
les faits, mais essentiellement sur le droit. En d'autres termes, pour que le
pourvoi soit recevable, il faut avoir indiqué clairement la disposition
légale qui a été violée par la décision
attaquée. C'est malheureusement la seule voie de recours dont disposent
les justiciables du TCS. Il en résulte que la loi créant ce
tribunal veut que ses décisions soient acceptées même si on
n'est pas d'accord de l'appréciation que le tribunal a donnée aux
faits. Toute chose qui contribue à faire craindre le TCS.
Compte tenu du principe de double degré de juridiction,
il ressort que les parties déboutées insatisfaites des jugements
rendus par les juridictions inférieures, peuvent soit faire appel, soit
pourvoir devant les juridictions supérieures.
Paragraphe II : Les juridictions supérieures de
contrôle
Les juridictions supérieures concernées par le
contrôle de l'exécution du budget des CTD au Cameroun sont : la
Cour d'appel (A), qui intervient contre les jugements des
juridictions inférieures telles que le TPI et le TGI ; et la Cour
Suprême (B), qui officie en cassation contre les
décisions de la Cour d'appel et même des jugements du TPI et du
TGI en matière financière.
A - La Cour d'appel
La Cour d'appel est une juridiction supérieure devant
laquelle, peuvent être contestés des jugements rendus par les
juridictions inférieures à l'occasion des infractions
constatées lors du contrôle de l'exécution du budget des
CTD.
Il existe actuellement sur le territoire camerounais dix Cours
d'appel calquées sur l'organisation administrative par régions.
Une Cour d'appel est créée au niveau de chaque région et a
son siège au Chef - lieu de la région182.
181 TAKAM (Dieudonné), « Le Tribunal criminel
spécial au Cameroun », op.cit.
182 KALIEU ELONGO (Yvette Rachel), « Organisation judiciaire
du Cameroun », op.cit., p. 103.
56
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
En ce qui concerne sa composition, l'article 19 de la loi de
2006 mentionne que la Cour d'appel comprend :
? Au siège : un Président, un ou plusieurs vice
- présidents, un ou plusieurs conseillers, un greffier en chef, des
greffiers ;
? Au parquet : un Procureur général, un ou
plusieurs avocats généraux, un ou plusieurs substituts du
Procureur général, un ou plusieurs
attachés183.
Pour exercer ses attributions, la Cour d'appel peut
désormais revêtir deux formations : les chambres et
l'assemblé.
La Cour d'appel est matériellement compétente
pour statuer sur les appels à l'encontre des décisions rendues
par les juridictions de premier degré184, les appels
formés contre les ordonnances du juge d'instruction, le contentieux de
l'exécution de ses décisions et sur tout autre cas prévu
par la loi. La Cour d'appel est également compétente pour
statuer, par renvoi de la Cour suprême sur les arrêts ayant fait
l'objet de cassation. Ces arrêts peuvent porter sur des litiges de droit
moderne ou de droit traditionnel. Sur le plan territorial, la Cour d'appel est
compétente à l'égard de tous les tribunaux qui ont leur
siège dans son ressort. Les décisions rendues par les Cour
d'appel peuvent faire l'objet d'un pourvoi devant la Cour suprême.
B - La Cour suprême
La Cour suprême est la plus haute juridiction du
Cameroun qui statue sur les décisions qui peuvent avoir une dimension
financière, rendues par la Cour d'appel185. Son siège
est à Yaoundé, la capitale du Cameroun et son ressort couvre tout
le territoire de la République. L'organisation et le fonctionnement de
la Cour suprême sont désormais fixés par la loi de 2006.
À ce titre, il convient d'examiner d'une part sa composition et d'autre
part, ses compétences.
À la lecture de l'article 4 de la loi de 2006, la Cour
suprême est composée :
? Au siège : d'un Premier Président,
président de la Cour suprême, de présidents de chambres ;
de conseillers, de conseillers maîtres, de conseillers
référendaires, du greffier en chef de la Cour suprême, de
greffiers en chef de chambres, de greffiers ;
183 KALIEU ELONGO (Yvette Rachel), « Organisation judiciaire
du Cameroun », op.cit., p. 103.
184 Tribunal de première instance, tribunal de grande
instance, tribunal de premier degré, tribunal coutumier, « Alkali
courts » et « customary courts ».
185 KALIEU ELONGO (Yvette Rachel), « Organisation judiciaire
du Cameroun », ibid., p. 104.
57
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
? Au parquet : d'un Procureur général, d'un
premier avocat général, d'avocats généraux.
Par ailleurs, la Cour suprême comprend une chambre
judiciaire, une chambre administrative, une chambre des comptes, une formation
des chambres réunies, une assemblée générale, un
bureau, un secrétaire général, un greffe186.
Chaque chambre comprend des sections et une formation de sections
réunies. En outre, chaque chambre est composée d'un
président, de conseillers, d'un ou de plusieurs avocats
généraux, d'un greffier en chef, des greffiers. Toutefois,
chacune de ces chambres à également une composition
propre187.
De manière générale, la Cour
suprême statue sur des pourvois formés à l'encontre des
décisions entachées d'incompétence, de la
dénaturation des faits de la cause ou des pièces de la
procédure, du défaut, de la contradiction ou de l'insuffisance
des motifs, du vice de forme, de la violation de la loi, de la non
réponse aux conclusions des parties ou aux réquisitions du
ministère public, de détournement de pouvoir, de la violation
d'un principe général du droit et du non - respect de la
jurisprudence de la Cour suprême ayant statué en Sections
Réunies d'une chambre ou en Chambres Réunies188.
Tout acte juridictionnel des juridictions inférieures
devenu définitif et entaché de violation de la loi peut
être déféré à la Cour suprême par le
Procureur Général de ladite Cour.
De manière spécifique, les trois chambres de la
Cour suprême ont chacune une compétence qui lui est
propre189. La chambre judiciaire est compétente pour
connaître190 :
Des décisions rendues en dernier ressort par les Cours
et tribunaux en matière civile, commerciale, pénale, sociale et
de droit traditionnel ;
Des actes juridictionnels émanant des juridictions
inférieures et définitifs, dans tous les cas où
l'application du droit est en cause ;
Des demandes de mise en liberté en cas de pourvoi
recevable ;
De toute autre matière qui lui est expressément
attribuée par la loi191.
186 KALIEU ELONGO (Yvette Rachel), « Organisation judiciaire
du Cameroun », op.cit.
187 Ibid.
188 Art. 35 de la loi no 2006/016 du 29
décembre 2016 fixant l'organisation et le fonctionnement de la Cour
suprême.
189 Sur les compétences des chambres administratives et de
comptes, voir plus loin.
190 KALIEU ELONGO (Yvette Rachel), « Organisation judiciaire
du Cameroun », ibid., p. 105.
58
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
Même si les juridictions de droit commun sont
effectives, leur efficacité demeure limitée en raison de
l'effectivité partielle des juridictions financières.
SECTION II : L'EFFECTIVITE PARTIELLE DES JURIDICTIONS
FINANCIERES
Le Cameroun dispose de plusieurs textes régissant le
contrôle de l'exécution du budget des CTD. Malgré la
création des juridictions financières spécialisées
par ces textes, il ressort que certaines d'entre elles ne sont pas encore
effective sur le territoire national : on parle de l'effectivité
partielle des juridictions financières. Cette effectivité
partielle implique non seulement, l'absence des juridictions financières
spécialisées (Paragraphe I) et l'existence d'une
juridiction de substitution : la Chambre administrative de la Cour
suprême (Paragraphe II).
Paragraphe I : L'absence des juridictions
financières spécialisées
L'absence des juridictions financières
spécialisées dans le cadre du contrôle de
l'exécution du budget des CTD au Cameroun pose de nombreux défis
et limites à la gouvernance locale efficace. Cette absence se traduit
par l'absence des tribunaux régionaux des comptes (A)
et l'absence de la Cour des comptes (B).
A - L'absence des tribunaux régionaux des
comptes
Au Cameroun, l'absence de mise en place effective des
tribunaux régionaux des comptes a des implications significatives pour
la gouvernance financière et la gestion des ressources publiques des
collectivités territoriales décentralisées. Même si
ces tribunaux ont été créés par la loi
no 2006/017 du 29 décembre 2017 fixant l'organisation, les
attributions et le fonctionnement des tribunaux régionaux des comptes,
leurs missions sont provisoirement dévolues à la Chambre des
comptes de la Cour suprême.
Malgré l'absence d'une mise en place effective des
tribunaux régionaux des comptes au Cameroun, il existe une loi fixant
l'organisation, les attributions et le fonctionnement des tribunaux
régionaux des comptes à savoir : la loi no 2006/017 du
29 décembre 2006.
191 KALIEU ELONGO (Yvette Rachel), « Organisation judiciaire
du Cameroun », op.cit.
59
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
Au sens de l'article 41 de la Constitution camerounaise du 18
janvier 1996, les tribunaux régionaux des comptes sont des juridictions
inférieures192.
D'après l'article 3 de la loi no 2006/017, le
tribunal régional des comptes est composé :
Au siège : d'un Président, de Présidents
de section, de juges, de greffiers, de greffiers en service extraordinaire, de
juges en service extraordinaire, d'auditeurs, d'auditeurs
stagiaires ; Au parquet : du Procureur Général
près de la Cour d'appel du siège du tribunal, des substituts
du Procureur Général près de ladite Cour, des substituts
du Procureur Général en service extraordinaire.
En ce qui concerne sa compétence, elle est aussi bien
territoriale que matérielle. Relativement à sa compétence
territoriale, d'après l'article 2 alinéa 2 de la loi
no 2006/017, il est créé un tribunal régional
des comptes par région et son siège est fixé au Chef -
lieu de ladite région. Toutefois, suivant les nécessités
de service, le ressort d'un TRC peut être étendu à
plusieurs régions193.
Pour ce qui est de sa compétence matérielle, il
ressort à l'article 9 de la loi précitée que le TRC est
compétent194 pour contrôler et statuer sur les comptes
publics des collectivités territoriales décentralisées de
son ressort et de leurs établissements publics ; il est également
compétent pour connaître des comptes qui lui sont attribués
par la chambre des comptes de la Cour suprême ; enfin, il connaît
de toute autre matière qui lui est expressément attribuée
par la loi195.
Autrement dit, Le contrôle de l'exécution du
budget des CTD par les TRC repose sur un cadre juridique rigoureux. Ce cadre
est défini par plusieurs textes législatifs dont la Constitution
et les lois spécifiques sur le régime financier des CTD, qui
établissent des règles de transparence et de
responsabilité financière. Les TRC ont été
institués pour s'assurer que les comptes publics des CTD sont
gérés de manière régulière et
sincère, contribuant ainsi à une meilleure gouvernance locale.
Les TRC jouent un rôle central en tant que juridictions
inférieures, dans ce processus en examinant et en jugeant les comptes
des CTD. Leur mission inclut la vérification de la
192 L'article 41 de la Constitution camerounaise du 18 janvier
1996 dispose à cet effet que : « (...) Elle statue
souverainement sur les décisions rendues en dernier ressort par les
juridictions inférieures des comptes... ».
193 KALIEU ELONGO (Yvette Rachel), « Organisation judiciaire
du Cameroun », op.cit., p. 114.
194 Sous réserve des attributions de la chambre des
comptes.
195 Ibid., p. 114.
60
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
régularité des comptes, l'évaluation de
la gestion des comptables publics, et la sanction des
irrégularités. C'est dans cette perspective que les
comptabilités de fait sont, outre l'administration, l'audit interne ou
externe, l'audit de l'Institution Supérieure de Contrôle des
Finances Publiques, découvertes par le tribunal régional des
comptes196.
Les procédures de contrôle commencent par la
transmission des comptes annuels des CTD aux TRC, suivi d'un examen
préliminaire pour vérifier leur complétude. Les comptes
sont ensuite instruits en détail, avec des auditions et des
enquêtes complémentaires si nécessaire. Les TRC
délibèrent ensuite sur les comptes et rendent des
jugements197 qui peuvent inclure des recommandations ou des
sanctions198. Ce processus détaillé garantit que
chaque étape de la gestion financière des CTD est scrutée
et corrigée si besoin.
Tout comme les tribunaux régionaux des comptes, la Cour
des comptes, juridictions financière prescrite par la directive CEMAC de
2011 est jusqu'à nos jours non effective sur le territoire camerounais,
pour apporter son expertise dans le cadre du contrôle
budgétaire.
B - L'absence de la Cour des comptes
Si l'on en croit à Jean BODIN, « les finances
publiques sont le nerf de la république »199. De ce
point de vue, elles constituent le point névralgique de la chose
publique, doivent être sécurisées et faire l'objet d'une
gestion saine. Signe des temps, aujourd'hui, même le législateur
communautaire est conscient de la nécessité d'une gestion
orthodoxe des fonds publics. Cela étant, à la fin de son ouvrage
relatif au contrôle de l'État sur le continent africain, (J.M)
BRETON suggérait que les organisations sous régionales
196 Telle est la teneur de l'article 29 (1) de la loi
no 2006/017 du 29 décembre 2017 fixant l'organisation, les
attributions et le fonctionnement des tribunaux régionaux des comptes
qui martèle en fait que : « Les comptabilités de fait
sont découvertes, soit par l'administration, soit par un audit interne
ou externe, soit par une mission d'audit de l'Institution de Contrôle
Supérieure des Finances Publiques, soit par le Tribunal Régional
des Comptes ».
197 En tant que juridiction inférieure, juridiction
financière de premier degré, le tribunal régional des
comptes rend des jugements qui peuvent être provisoires ou
définitifs conformément à la loi no 2006/017 du
29 décembre 2017 fixant l'organisation, les attributions et le
fonctionnement des tribunaux régionaux des comptes.
198 Ainsi, le comptable public peut être l'objet de la
sanction des responsabilités comme l'indique l'article 35 (1)
de la loi no 2006/017 du 29 décembre 2017
fixant l'organisation, les attributions et le fonctionnement des
tribunaux régionaux des comptes dispose à cet
effet que : « Le comptable public est présumé
responsable
personnellement et pécuniairement :
- des défauts comptables constatés dans ses
comptes ;
- de l'exercice des contrôles par la loi et les
règlements ;
- du recouvrement des recettes et du paiement des
dépenses régulièrement justifiées ;
- de la conservation des fonds et valeurs ;
- du maniement des fonds et mouvements de
disponibilités ;
- de la tenue de la comptabilité de son poste.
».
199 Cité par BUISSON (Jacques), Finances
publiques, Dalloz (15e éd.), 2012, p. 3.
61
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
puissent jouer un rôle appréciable dans l'ancrage
institutionnel des principes de contrôle des finances
publiques200. C'est dans cette optique que le législateur
communautaire a instauré des mécanismes de surveillance
multilatérale des politiques budgétaires aux niveaux de la
CEMAC201 et de l'UE. Faisant spécifiquement sienne la
suggestion de (J.M) BRETON, le législateur communautaire CEMAC adopta
deux générations de directives en matière de finances
publiques. Les directives de première génération sont
adoptées en 2008. L'adoption des directives de la seconde
génération interviennent en 2011 pour remédier aux
incohérences et insuffisances de celles de 2008 susvisées, et les
abroger. Ces directives de 2011 prises en exécution de celle portant
Code de transparence adoptée le 19 décembre 2011, sont au nombre
de cinq (5) :
? La Directive no 01/1/11-UEAC-190-cm-22 relative aux
lois de finances ;
? La Directive no 02/08-UEAC-190-CM portant
Règlement général sur la comptabilité
publique ;
? La Directive no 03/03-UEAC-190-CM portant
nomenclature budgétaire ;
? La Directive no 04/08-UEAC-190-CM-17 relative aux
opérations financières de
l'État ;
? La Directive no 05/08-UEAC-190-CM-17 relative au
plan comptable de l'État.
Au-delà du souci de l'harmonisation du droit public
financier dans la zone CEMAC, l'adoption des directives
précitées, visait en filigrane la promotion d'une gestion
financière responsable au sein des États de cet espace
communautaire. Il s'ensuit que l'éradication des maladies infantiles des
finances publiques africaines202 : la corruption, le
détournement des derniers publics et la gabegie, est l'un de ses
objectifs primordiaux.
La directive CEMAC de 2011 relative aux lois des finances,
compte tenu des innovations remarquables qu'elle recèle, aura
particulièrement retenu l'attention de l'opinion publique
nationale203. Sans être exhaustif, ces innovations sont : le
renforcement du contrôle parlementaire des derniers publics, la
consécration du budget programme, la démocratisation
200 OUEDRAOGO (Djibrihina), L'autonomisation des
juridictions financières dans l'espace UEMOA : Étude sur
l'évolution des Cours de comptes, Thèse pour le doctorat,
Université de Montesquieu de Bordeaux IV, p. 43.
201 Pour des développements sur la question, lire
(Daniel) AVOM et (Désiré) GBETNKOM, « La surveillance
multilatérale des politiques budgétaires dans la zone CEMAC :
bilan et perspectives », Monde et développement, no 123,
2003, pp. 107 - 125.
202 DIARRA (Éloi), « Pour un observatoire des
finances publiques africaines », Afrilex, p. 2.
203 KOUA (Samuel Éric), « La prescription de la
CEMAC pour la création d'une Cour des comptes : le cas du Cameroun
», G&FP, 2020/6 no 6, pp. 113 - 122., p. 114.
62
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
des processus budgétaires et la prescription de la Cour
des comptes comme ISC204.
Indéniablement, la prescription de la Cour des comptes
comme ISC aux États membres de la CEMAC, est l'innovation la plus
saisissante dans le domaine du contrôle des finances publiques. Cette
prescription procède de l'article 72 de la Directive no
01/1/11-UEAC-190-CM-22 du 19 décembre 2011. Cet article dispose en effet
que : « Le contrôle juridictionnel des opérations
budgétaires et comptables des administrations est assuré par une
Cour des Comptes qui doit être créée dans chaque
État (...). Elle est l'Institution Supérieure de Contrôle
dans chaque État ».
Afin que nul n'en ignore, on entend par ISC, l'organe de
nature juridictionnelle ou non, indépendant et autonome des trois
pouvoirs, qui, au sein d'un État, assure au niveau le plus
élevé le contrôle de la gestion des finances publiques, et
coordonne l'activité des autres organes de contrôle. Pour faire
bref, « Les ISC sont des organes supérieurs qui veillent
à ce que les actes financiers de l'administration fassent l'objet de
suivi selon les normes comptables »205.
Traditionnellement, chaque État a le droit de choisir librement sa forme
d'ISC. C'est pourquoi il existe une diversité d'ISC dans le monde. La
nature de l'ISC peut varier d'une culture juridique à l'autre.
Classiquement, la doctrine distingue trois modèles d'ISC : le
modèle juridictionnel ou latino206, le modèle
anglo-saxon207 et le modèle allemand (mixte)208.
En marge de ces trois modèles précités, il existe le
modèle administratif en vigueur notamment au Cuba, au Mali et au
Cameroun. Ici, ce sont les services du CONSUPE209/l'inspection
générale de l'État qui tiennent lieu d'ISC.
Parallèlement à ces considérations,
l'État de droit et la démocratie constituent les prémisses
essentielles pour le contrôle indépendant des finances
publiques210. Toute ISC ne peut prétendre être du
niveau, que si elle est consacrée par une législation.
L'existence
204 KOUA (Samuel Éric), « La prescription de la
CEMAC pour la création d'une Cour des comptes : le cas du Cameroun
», op.cit.
205 GONZALE (B), ALLII, « Les ISC et leurs stratégies
de communication », RISA, no 3, Vol. 4, 2008, p.
463.
206 Qui a pour ISC la Cour des comptes. Pratiquent ce
modèle, la France, l'Espagne, le Portugal, le Bre2sil et la plupart des
États francophones d'Afrique, etc.
207 Ici, l'ISC renvoie à un organe
généralement rattaché au parlement, mais vis-à-vis
duquel il est inde2pendant. Comme exemples d'ISC relevant de ce modèle,
on peut citer : le National Audit Office (NAO) en Angleterre, le
Vérificateur Général au Canada, Le Government
Accountability Office (GAO) en Corée du Nord, l'Office National
d'Audit en Chine et l'Auditeur Général en Inde.
208 Modèle mixte en ce qu'il combine des
éléments d'ordre administratif et juridictionnel. Comme les juges
fédéraux allemands, ses membres sont nommés à
vie.
209 Au Cameroun, les services CONSUPE tiennent lieu d'ISC. Tel
est l'objet de l'article 2 alinéa 1er du décret no
2013/287 du 04 septembre 2013 portant organisation des services du
Contrôle supérieur de l'État qui dispose que « les
services du Contrôle supérieur de l'État constituent
l'institution supérieure de contrôle des finances publiques (ISC)
du Cameroun. Ils sont chargés de l'audit externe ».
210 Déclaration de Lima cité par BATIA EKASSI
Sandrine dans sa thèse de doctorat,
63
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
d'institutions opérationnelles faisant l'objet d'une
sécurité juridique devient donc un impératif, voire une
nécessité dans les démocraties où prévaut
« l'État de droit »211.
La déclaration de Lima précise à cet
effet que « l'établissement des Institutions supérieures
de contrôle des finances publiques et le niveau d'indépendance qui
leur est nécessaire doivent être précisés dans la
Constitution. Les modalités peuvent être détaillées
dans les textes de loi »212. L'existence d'un cadre
constitutionnel et législatif approprié et l'application des
dispositions de ce cadre sont donc des exigences formelles pour toute ISC qui
se veut efficace213.
Au Cameroun, l'institution qui se rapproche réellement
de ces exigences textuelles et qui semble vêtir la carrure d'une ISC,
n'est que la Chambre des comptes de la Cour suprême214. On
relèvera que la Cour des comptes prescrite par le droit communautaire
CEMAC aura deux types de missions : les missions juridictionnelles et les
missions non juridictionnelles. La directive CEMAC de 2011 met en exergue les
missions de contrôle de la Cour des comptes. À ce titre, la Cour
devra exercer deux types de mission de contrôle à savoir : les
missions juridictionnelles et les missions non juridictionnelles.
En ce qui concerne les missions juridictionnelles, il faut
noter que la Cour assurera le jugement et l'apurement des comptes publics, et
sanctionnera les irrégularités constatées durant ses
investigations sur le compte apuré215. Selon DESHEEMAEKER,
pour la Cour, juger un compte c'est vérifier que le comptable public a
rempli correctement sa tâche216.
D'évidence, si lors du jugement d'un compte, des
irrégularités y sont constatées, la Cour doit par un
jugement, mettre en jeu la responsabilité personnelle et
pécuniaire du contrôlé217. Bien entendu, «
Ce jugement ne tranche pas un litige, mais s'assure de
211 NGUELE ABADA (Marcellin), État de droit et
démocratie : Contribution à l'étude de l'évolution
politique et constitutionnelle au Cameroun, Thèse de doctorat en
Droit Public (NR), Université de Paris 1 - Panthéon Sorbonne,
janvier 1995, p. 4. (Une définition usuelle de l'État de droit
entendu comme « soumission de l'État au droit »), cité
par BATIA EKASSI Sandrine, p. 46.
212 Art. 3 de la Section 5 de la déclaration de Lima, p.
7. Citée par BATIA EKASSI Sandrine.
213 BATIA EKASSI (Sandrine), L'Institution
supérieure de contrôle des finances publiques au Cameroun,
Thèse de doctorat en Droit Public, Université de Yaoundé
II, 2015 - 2016, p. 46.
214 Ibid.
215 KOUA (Samuel Éric), « La prescription de la
CEMAC pour la création d'une Cour des comptes : le cas du Cameroun
», op.cit., p. 114.
216 DESHEEMAEKER (Christian), « Changer les
procédures juridictionnelles de la Cour : une réforme attendue et
de grande ampleur », G&FP, no 10, octobre 2009, p.
700.
217 Les sanctions dont ils sont passibles devant cette Cour sont
: les déchéances et les amendes (débets).
64
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
l'accomplissement parfait d'une obligation
répétitive »218. Un litige suppose la
présence de deux parties devant le juge : le demandeur et le
défendeur. Or, tel n'est pas le cas en matière d'apurement des
comptes publics par le juge des comptes. En l'espèce, le comptable
public défère juste ses comptes à ce dernier afin qu'il
les juge.
A contrario, des procédures contentieuses des autres
juridictions, il n'y a pas de débat contradictoire dans le contentieux
devant le juge des comptes. Quoi qu'il en soit, après avoir jugé
le compte, la Cour sous analyse, rendra un arrêt déclarant le
compte contrôlé quitte, en avance ou en débet.
Fait notable, la Cour des comptes, objet de cette
étude, est compétente pour contrôler y compris au plan
juridictionnel les ordonnateurs219, et sanctionner les fautes de
gestions commises par ceux-ci220. De la sorte, elle s'éloigne
de la Cour des comptes française et de l'actuelle Chambre des comptes de
la Cour suprême du Cameroun, qui ne peuvent contrôler au sens
juridictionnel du terme les ordonnateurs, ni sanctionner les fautes de gestions
commises par eux. En France, ces fautes sont sanctionnées par la Cour de
discipline budgétaire et financière. Au Cameroun, si la loi
portant régime financier de l'État précitée,
à travers son article 76, élargit la compétence de ladite
chambre en lui permettant notamment de juger les fautes de gestion des
ordonnateurs, en l'état actuel de la pratique du contrôle de
l'exécution du budget dans ce pays, réprimées par le
CDBF221.
C'est dire que la Cour des comptes prescrite au par le
législateur CEMAC au États membres, au plan fonctionnel,
s'assimile à une forme de fusion entre la Cour des comptes
française et la Cour de discipline budgétaire et
financière de l'hexagone.
218 VACHIC (J - P ), « La sauvegarde des droits de
l'hommes en matière de jugement des comptes », in (Dir. Alexis
DIPANDA MOUELLE et Maurice KAMTO), Justice, Procédures
juridictionnelles et Protection des droits de l'homme en Afrique, p.
82.
219 En matière de dépense publique, les
ordonnateurs principaux sont : les chefs des départements
ministériels et des institutions constitutionnelles (Sénat, AN,
Conseil économique et social, CC, etc.). En matière de recettes,
le Ministre des finances est l'ordonnateur principal de l'État alors que
les autres chefs de départements ministériels sont des
ordonnateurs secondaires.
220 Ainsi qu'il ressort de l'article 74 de la Directive
no 01/1/11-UEAC-190-CM-22 du 19 décembre 2011 : «
Toute personne appartenant au cabinet d'un membre du gouvernement, tout
fonctionnaire ou agent d'un organisme soumis à un titre quelconque au
contrôle de la Cour des comptes et toute personne à qui est
reproché un des faits énumérés à l'article
75 de la présente directive, peut être sanctionné pour
faute de gestion ».
221 Fonctionnellement parlant, il est l'équivalent de la
Cour de discipline budgétaire et financière au Cameroun.
65
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
La Cour des comptes est avant tout juge de la
sincérité des comptes publics222. Contrairement au
juge pénal qui statue in rem et in persona, le juge des comptes se
limite à la stricte appréciation des actes du comptable public.
Il ne saurait, lors de l'appréciation de la responsabilité de ce
dernier, tenir compte de sa personnalité au moment où il
concevait le compte scruté. On dit alors que devant le juge des comptes,
on a à faire à un contentieux subjectif223. C'est un
truisme, la fonction sanctionnatrice de la Cour sous analyse la particularise
des modèles d'ISC ne relevant pas du modèle latin. En effet, la
Cour a le pouvoir de sanctionner les irrégularités
avérées lors de ses investigations sur les comptes à lui
déférés. Or, les modèles d'ISC allemand,
anglo-saxon et de type CONSUPE n'ont pas de pouvoir sanctionnateur. Ils
constatent juste des irrégularités et formulent des observations
y afférentes224. À charge pour les organes
sanctionnateurs compétents de tirer les conséquences de droit et
de prononcer les sanctions le cas échéant. À titre
d'exemple, l'ISC actuelle du Cameroun (CONSUPE) se limite à la
constatation des irrégularités commises, lors de
l'exécution du budget, par les ordonnateurs et autres agents publics
hormis les comptables, dont la responsabilité disciplinaire et
financière relève de la compétence de la Chambre de
comptes de la Cour suprême225. Il incombe au CDBF de les
sanctionner.
Au vu de sa fonction sanctionnatrice, sus relevée, la
Cour risque bousculer certaines habitudes en matière de gestion des
finances publiques. En fait, jusque-là en France et dans les
États francophones d'Afrique, les ministres sont irresponsables sur le
plan de la discipline budgétaire et financière. Note un auteur :
« Il est couramment admis que les ministres ordonnateurs principaux
doivent disposer d'une certaine latitude, d'une marge de manoeuvre pour
décider de l'opportunité des dépenses à engager ;
il sera donc inutile de les incomber de règles paralysantes et leur
responsabilité est d'autant plus atténuée
»226. Or, au regard de la Directive no
01/1/11-UEAC-190-CM-22 du 19 décembre 2011 : « En cas de faute
de gestion telle que définie à l'article 75 de la présente
directive, tous les ordonnateurs encourent, en raison de l'exercice de leurs
attributions, les responsabilités que prévoit la constitution de
chaque État, sans préjudice des sanctions prononcées par
la Cour des comptes ».
222 Pour Christophe NYOBE NLEND, Chef de la Division de la
Magistrature et des greffes à l'ENAM : « Le
juge des comptes est le juge de la sincérité
des écritures comptables » (Cours d'Éthique et
Déontologie du Magistrat, (Année académique 2012 -
2013).
223 PHILIP (Loïc), Finances publiques, les
dépenses, le droit budgétaire et financier, Paris, Cujas,
2000, p. 353.
224 KOUA (Samuel Éric), « La prescription de la CEMAC
pour la création d'une Cour des comptes : le cas du
Cameroun », op.cit., p. 115.
225 Ibid.
226 TOURE (Cheickna), « Le système de contrôle
des finances publiques au Mali », Afrilex, no 4, 2004,
p. 156.
66
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
En marge des missions juridictionnelles de contrôle, la
Cour des comptes devra exercer des missions non juridictionnelles de
contrôle budgétaire. À ce titre, les missions non
juridictionnelles de la Cour s'articulent autour de la fonction de conseil ou
d'assistance des pouvoirs publics, d'information227, de
contrôle de gestion, d'audit228, d'évaluation des
performances ainsi que de certification de la régularité, de la
fidélité et de la sincérité des comptes
publics229. Le contrôle de gestion concerne l'ordonnateur. Il
porte sur la qualité de la gestion de derniers publics. Il vise
spécifiquement à s'assurer de l'utilité de la
dépense publique qui a été prescrite par l'ordonnateur.
L'amélioration de la qualité de la
dépense publique est l'une des finalités primordiales du juge
financier. La future Cour des comptes, pour rationaliser la dépense
publique, devra, au-delà des audits de régularité,
réaliser des audits de performances. Ces derniers ont pour objet la
vérification des écarts éventuels existants entre les
moyens déployés et les objectifs atteints pour s'assurer que
l'entité auditée a économisé ou non. Ce type
d'audit s'assure donc du respect de la loi des trois « E »
(efficacité, économie et efficience) par l'opération de la
dépense scrutée230.
Malgré l'absence des tribunaux régionaux des
comptes et de la cour des comptes, la chambre des comptes de la cour
suprême officie en tant que juridiction de substitution.
Paragraphe II : L'existence d'une juridiction de
substitution : la Chambre des comptes de la Cour suprême
Contrairement à la chambre judiciaire et administrative
de la Cour suprême qui n'ont pas de textes d'application et sont
régies par une loi générale, la chambre des comptes est
régie par une loi spéciale, la loi no 2003/005 du 21
avril 2003231 ses attributions, son organisation et son
fonctionnement.
Elle est considérée comme une juridiction de
substitution en raison l'ineffectivité des tribunaux régionaux
des comptes et de la Cour des comptes sur le territoire national.
227 À travers la publication de ses rapports, elle
informera les pouvoirs publics et l'opinion nationale sur les
irrégularités commises lors de l'exécution du budget.
228 Il s'agit de l'audit de conformité, de l'audit de
performance et de l'audit financier. Ce dernier consiste à
déterminer si les états financiers sont fidèles.
229 À l'instar du compte général de
l'État.
230 KOUA (Samuel Éric), « La prescription de la
CEMAC pour la création d'une Cour des comptes : le cas du Cameroun
», op.cit., p. 116.
231 Loi no 2003/005 du 21 avril 2003 fixant les
attributions, l'organisation et le fonctionnement de la Chambre des Comptes de
la Cour Suprême.
67
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
Puisqu'elle exerce provisoirement des missions des
juridictions susmentionnées, il convient d'analyser son organisation
(A), avant de s'appesantir sur ses attributions
(B).
A - L'organisation de la Chambre des comptes de la Cour
suprême
La chambre des comptes de la Cour suprême, en tant que
juridiction de substitution comprend :
- Une section de contrôle et de jugement des comptes des
comptables des collectivités territoriales décentralisées
et de leurs établissements publics, sous réserve des attributions
dévolues aux juridictions inférieures des comptes ;
- Une section de contrôle et de jugement des comptes des
entreprises du secteur public et parapublic ;
- Une section des pourvois232.
La chambre des Comptes est composée d'un siège,
d'un Ministère Public et d'un greffe233.
En ce qui concerne le siège, il comprend : le
Président de la Chambre ; les Présidents de section ; les
conseillers ; les conseillers maîtres ; les conseillers
référendaires ; les Auditeurs et les Auditeurs
stagiaires234.
Les fonctions du Ministère Public sont exercées
par le Procureur Général près de la Cour
suprême235.
Le greffe de la chambre des comptes de la Cour suprême
comprend : le greffier en chef de la Chambre des Comptes ; les greffiers des
sections ; les greffiers236.
Toutefois, en dehors de son organisation, la Chambre des
comptes de la Cour suprême a également des attributions en
matière de contrôle budgétaire d'une manière
générale, et particulièrement le contrôle de
l'exécution du budget des CTD.
232 Art. 13 de la loi no 2003/005 du 21 avril 2003
fixant les attributions, l'organisation et le fonctionnement de la Chambre des
Comptes de la Cour Suprême.
233 Art. 14 de la loi no 2003/005 du 21 avril 2003
fixant les attributions, l'organisation et le fonctionnement de la Chambre des
Comptes de la Cour Suprême.
192 Ibid., Art. 15.
235 Loi no 2003/005 du 21 avril 2003 fixant les
attributions, l'organisation et le fonctionnement de la Chambre des Comptes de
la Cour Suprême, op.cit., Art. 17.
236 Ibid., Art. 16.
68
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
B - Les attributions de la Chambre des comptes de la
Cour suprême
La juridiction des comptes présente au Cameroun est la
structure constituée de tribunaux régionaux des comptes et de la
Chambre des comptes de la Cour suprême. Encore non effectifs
jusqu'à nos jours, les tribunaux régionaux des comptes
consacrés par la loi du 29 décembre 2006, voient leurs
attributions provisoirement exercées par la Chambre des comptes de la
Cour suprême237. Cette dernière, assure
conformément à la loi du 21 avril 2003 la certification des
comptes des comptables publics de l'État, des établissements
publics, des CTD et des entreprises publiques.
Dans ce sillage, la Constitution du 18 janvier 1996 de la
République du Cameroun ordonne que la Cour suprême, est la plus
haute juridiction en « matière judiciaire, administrative et de
jugement des comptes». Elle prévoit l'existence d'une Chambre des
comptes au sein de cette juridiction. En vertu de l'article 41 de la
Constitution, « la Chambre des comptes est compétente pour
contrôler et statuer sur les comptes publics de l'État et de tous
ses démembrements notamment : les entreprises et les
établissements publics ainsi que les collectivités territoriales
décentralisées ». Elle statue souverainement sur les
décisions rendues en dernier ressort par les juridictions
inférieures des comptes238.
Il convient d'abord de rappeler les attributions de la Chambre
des comptes telles qu'elles figurent dans la Constitution, et d'analyser les
transformations apportées par la loi de 2003, la loi de 2006, la loi de
2007 sur le régime financier de l'État ainsi que le décret
de 2013 sur le Règlement Général de la Comptabilité
Publique.
Ceci étant, le cadre juridique est posé par la
loi no 2003/005 du 21 avril 2003 relative aux attributions,
l'organisation et le fonctionnement de la Chambre des comptes de la Cour
suprême, précise en substance que la fonction juridictionnelle de
contrôle des comptes est son activité principale239.
L'examen de la gestion, autre attribution traditionnellement reconnue à
toute juridiction financière n'est malheureusement pas de son
ressort.
237 « La juridiction des comptes : un acteur au service
de la sincérité dans la gestion des finances publiques »,
Disponible sur
https://rfp.cm/la-juridiction-des-comptes--un-acteur-au-service-de-la-sincerite-dans-la-gestion-des-finances-publiques/,
Consulté vendredi, 7 juin 2024 à 15h42 min.
238 Ibid.
239 Idem.
69
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
Structurée en sections, la Chambre des comptes est
composée d'un Président, de présidents de sections, de
conseillers et d'auditeurs. Le ministère public y est
représenté par le Procureur Général et les
magistrats sont nommés par décret du Président de la
République.
Toutefois, la loi de 2003 a une compréhension
restrictive, voire en recul ou en contradiction avec la Constitution. Elle
réduit la compétence de la Chambre des comptes aux comptes des
comptables publics patents ou de fait240. Cette malencontreuse
écriture a amené certaines entreprises publiques et parapubliques
ainsi que certaines sociétés d'économie mixte qui n'ont
pas de comptable public à estimer qu'elles ne rentrent pas dans le champ
de compétence de la Chambre des comptes241. Ce
problème est aujourd'hui résolu pour la plupart des entreprises,
grâce à une sensibilisation de la Chambre des comptes
auprès des organes de gestion242.
La Chambre des comptes en tant que juridiction
financière exerçant les missions de contrôle en lieu et
place des tribunaux régionaux des comptes a donc pour mission d'assister
le parlement dans le contrôle de l'exécution de la loi de finances
; de certifier la régularité, la sincérité et la
fidélité du compte général de l'État ; de
juger les ordonnateurs, les contrôleurs financiers et les comptables
publics, de contrôler la légalité financière et la
conformité budgétaires de toutes les opérations de
dépenses et de recettes de l'État ; d'évaluer
l'économie, l'efficacité et l'efficience de l'emploi des fonds
publics au regard des objectifs fixés, des moyens utilisés et des
résultats attendu ainsi que la pertinence et la fiabilité des
méthodes, indicateurs et données permettant de mesurer la
performance des politiques et administrations publiques.
240 « La juridiction des comptes : un acteur au service
de la sincérité dans la gestion des finances publiques »,
Disponible sur
https://rfp.cm/la-juridiction-des-comptes--un-acteur-au-service-de-la-sincerite-dans-la-gestion-des-finances-publiques/,
op.cit.
241 Ibid.
242 Idem.
70
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
CONCLUSION DU CHAPITRE II
Au terme de ce chapitre qui portait sur le cadre
institutionnel juridictionnel inachevé, une analyse a été
menée sur l'effectivité des juridictions de droit commun et
l'effectivité partielle des juridictions financières. Il ressort
que le cadre institutionnel juridictionnel de contrôle de
l'exécution du budget des CTD au Cameroun reste incomplet,
reflétant des défis significatifs qui entravent une gestion
financière optimale et transparente. La décentralisation, bien
que promue comme moyen d'améliorer l'efficacité et la
proximité de la gouvernance, souffre encore des mécanismes de
contrôle et de supervision insuffisamment développés. Les
instances juridictionnelles, notamment les tribunaux régionaux des
comptes et la cour des comptes ne sont pas toujours effectifs jusqu'à
nos jours sur le territoire national pour offrir leur expertise, en tant que
juridictions financières spécialisées, dans le cadre du
contrôle de l'exécution du budget de l'État et même
celui des CTD.
71
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE
Au terme de cette première partie qui portait sur un
contrôle formellement structuré, il ressort que le contrôle
de l'exécution du budget des CTD au Cameroun présente une
structure formelle bien définie, mais qui nécessite des
améliorations pour garantir une gestion financière optimale et
transparente. Les dispositifs institutionnels en place, incluant des organes
juridictionnels et des organes non juridictionnels fournissent un cadre
juridique et procédural visant à assurer la reddition de comptes
et la discipline budgétaire.
Cependant la mise en oeuvre de ce cadre souffre de limitations
en termes de ressources humaines et matérielles, ainsi que
d'indépendance et d'impartialité opérationnelles des
organes de contrôle.
L'infrastructure juridique et institutionnel prévoit
des mécanismes de contrôle a priori et a
posteriori, permettant une surveillance continue et une évaluation
ex post des pratiques budgétaires.
En marge d'un contrôle formellement structuré, le
contrôle de l'exécution du budget des collectivités
territoriales décentralisées s'effectue également à
travers un contrôle matériellement aménagé.
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
72
SECONDE PARTIE : UN
CONTRÔLE MATÉRIELLEMENT AMÉNAGÉ
73
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
Le contrôle de l'exécution du budget des CTD au
Cameroun est conçu de manière à assurer une gestion
optimale des ressources publiques tout en respectant les principes de
décentralisation. Ce contrôle matériellement
aménagé s'appuie sur une infrastructure juridique et
institutionnelle robuste, visant à garantir la conformité des
dépenses aux prévisions budgétaires et aux objectifs de
développement local. Les mécanismes mis en place incluent des
audits internes et externes et des rapports de performance, permettant une
évaluation rigoureuse de la gestion financière des
collectivités territoriales. Les institutions clés, telles que la
Chambre des comptes de la Cour suprême, le TCS, le TGI et le TPI jouent
un rôle éminemment important dans la surveillance et la protection
de la fortune publique, en s'assurant que les fonds publics sont
utilisés de manière efficace, efficiente et transparente.
Cette approche structurée du contrôle
budgétaire permet d'identifier et de corriger les dysfonctionnements,
les fraudes et les gaspillages potentiels, tout en promouvant la
responsabilité et la reddition de comptes des gestionnaires publics. En
outre l'aménagement matériel du contrôle inclut les
objectifs dudit contrôle. Cette organisation méthodique et
proactive du contrôle budgétaire vise non seulement à
prévenir les irrégularités, mais aussi à renforcer
la capacité des CTD à gérer leurs ressources de
manière autonome et à répondre efficacement aux besoins de
leur population. Ainsi, le contrôle du budget, dans sa dimension
matériellement aménagée, est essentiel pour la bonne
gouvernance et le développement durable des CTD au Cameroun. Ce
contrôle est matériellement aménagé dans la mesure
où, il est axé sur un contrôle de la
régularité (Chapitre I), et sur un
contrôle de performance (Chapitre II), dont
l'inobservation des règles budgétaires entraîne ipso jure
des sanctions qui peuvent être juridictionnelles ou non
juridictionnelles.
74
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
CHAPITRE I : UN CONTRÔLE DE LA
RÉGULARITÉ
Ce qui caractérise les opérations
budgétaires en général, c'est l'existence d'un certain
nombre de règles que les acteurs sont tenus de respecter243.
Car, l'utilisation des ressources collectives par les gestionnaires publics
élus ou non doit s'inscrire dans le respect rigoureux de principes et
procédures établis et les informations y relatives doivent
être portées à la connaissance du citoyen, aussi bien par
ces gestionnaires que par une instance de contrôle
indépendante244. D'ailleurs, le respect des lois est une
expression de l'État de droit245. Le citoyen ne supporte les
prélèvements que s'il a une garantie que les fonds qui se sont
soustraits à sa décision sont utilisés de manière
transparente, conforme aux règles de droit et aux décisions des
assemblées délibérantes qui adoptent les
budgets246 : c'est un contrôle de la
régularité.
Ce contrôle met à cet effet en exergue, les
dimensions de la régularité (Section I), ainsi
que l'engagement de la responsabilité des agents publics du fait des
irrégularités (Section II).
SECTION I : LES DIMENSIONS DE LA REGULARITE
La régularité dans le cadre du contrôle de
l'exécution du budget des CTD au Cameroun revêt une importance
capitale pour la gouvernance financière locale. Cette
régularité se manifeste par l'application stricte des lois et
règlements en vigueur, visant à garantir que chaque
dépense soit justifiée, validée et conforme aux objectifs
budgétaires prédéterminés.
En effet, le contrôle de l'exécution
budgétaire local implique plusieurs dimensions, notamment la
conformité juridique, qui veille à ce que les procédures
financières respectent les cadre législatif et
règlementaire ; la régularité comptable, assurant une
tenue rigoureuse des comptes et des rapports financiers ; et l'efficience des
dépenses publiques, qui mesure
243 HASSANA (Barnabas), « L'évolution des
finalités du contrôle de la dépense publique au regard des
nouvelles réformes de finances publiques camerounaises »,
IMJST, Vol. 5, no 7, juin 2020, pp. 1227 - 1240, p.
1228.
244 Ibid.
245 Idem.
246 Idem.
75
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
l'utilisation optimale des ressources disponibles pour
atteindre des résultats escomptés. Autrement dit, la
régularité implique non seulement la conformité
(Paragraphe I), mais aussi la règle du service fait
(Paragraphe II).
Paragraphe I : La conformité
La conformité dans le cadre de la
régularité des opérations budgétaires locales
implique que les dépenses et les recettes des CTD soient strictement
alignées sur les lois, les règlements et normes établis,
garantissant ainsi une utilisation appropriée et justifiable des fonds
publics. Cette conformité est surveillée par divers
mécanismes de contrôle. Les agents et organes de contrôle de
régularité jouent un rôle déterminant pour assurer
la conformité formelle (A) et la conformité
matérielle (B).
A- La conformité formelle
La conformité formelle dans le cadre du contrôle
de régularité est l'objectif poursuivi par les agents comme le
comptable public et le contrôleur financier. Ces acteurs vérifient
la régularité des opérations budgétaires, notamment
le contrôle de la qualité de l'ordonnateur, le contrôle des
pièces justificatives, etc.
Le coeur du contrôle de la qualité de
l'ordonnateur par le comptable public ne fait pas de difficulté : ainsi
que l'indique la lettre de l'article 19 du décret de 2012, il s'agit de
contrôler la qualité de l'ordonnateur qui a signé l'ordre
de payer, adressé au comptable public, le « mandat » qui
constitue l'ordonnancement247. Ce contrôle comprend trois
points bien identifiés : d'abord, vérifier que le mandat est
signé et par qui ; ensuite vérifier si le signataire a bien
été nommé ordonnateur de la CTD ; si ce n'est pas le cas,
vérifier si le signataire a reçu délégation de
l'ordonnateur et si le mandat entre dans le champ de sa
délégation248.
La vérification de ce que l'engagement juridique a
été pris par la personne juridiquement compétente pour
engager la CTD ou un établissement peut en revanche, sembler pertinente
et consistante : on peut estimer qu'il est du rôle du comptable public de
bloquer une dépense correspondant à une subvention, un contrat,
un recrutement, une prestation résultant d'un acte pris
incompétemment.
247 DUTHEILLET DE LAMOTHE (Louis), « Étendu du
contrôle de la qualité de l'ordonnateur par le comptable »,
G&FP, 2018/4, no 4, pp. 94 - 99, p. 94.
248 Ibid.
76
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
Mais un tel contrôle nous semble impossible : il se
heurte frontalement au principe selon lequel les comptables : « n'ont
pas le pouvoir de se faire juges de la légalité » des
actes administratifs249.
Le comptable public doit donc en principe tenir pour
légaux les justificatifs qui lui sont donnés par l'ordonnateur,
qu'il s'agisse de normes générales ou de décisions
administratives non règlementaires. Le reste regarde le respect des
contrôles prévus par la nomenclature, ce qui n'interdit pas
d'ailleurs au comptable d'interpréter les actes qui lui sont fournis et
de vérifier que les justificatifs sont précis, complets et
cohérents.
Les opérations de liquidation sont effectuées en
principe à la demande des créanciers. Les ordonnateurs -
liquidateurs, au vu des pièces justificatives, procèdent à
la liquidation après vérification de ces pièces.
Au Cameroun comme en France, le contrôle de la loi de
finances repose sur le contrôle des pièces relatives aux
opérations budgétaires250. Il ne s'agit pas ici de
vérifier la juridicité ou la légalité des
opérations financières, mais plutôt procéder au
contrôle des pièces relatives aux opérations c'est -
à - dire au recouvrement251. C'est ainsi que toute
proposition d'engagement de la dépense par exemple quelle que soit sa
nature (décret, arrêté, lettre de commande, contrat, etc.),
doit être soumis au contrôleur avec des pièces
justificatives. À ce titre, en tant qu'agent désigné par
le ministre des finances pour garantir en ses lieux et place, l'orthodoxie dans
l'exécution des budgets publics à travers des avis et visas, le
contrôleur financier, assure à cet effet, la centralisation des
opérations budgétaires des ordonnateurs auprès desquels il
est placé, par une bonne tenue des fiches de suivi des engagements et
des ordonnancements252.
L'absence de visa du contrôleur financier est un cas de
suspension absolue de paiement pour le receveur municipal. Le délai
prévu pour l'apposition dudit visa est de 72 heures. Ce principe peut
être atténué lorsque ce dernier a adressé une
demande d'informations
249 CE, Sect., 1971 - 02 - 05, Ministre de l'économie
et des finances c/ Sieur BALME, p. 105, « (...) qu'il
résulte de ces dispositions que les comptables
doivent exercer leur contrôle sur la production des justifications mais
alors même qu'il leur appartient, pour apprécier la
validité des créances, de donner aux actes administratifs une
interprétation conforme à la règlementation en vigueur,
ils n'ont pas le pouvoir de se faire juges de leur légalité
».
250 HASSANA (Barnabas), « L'évolution des
finalités du contrôle de la dépense publique au regard des
nouvelles réformes de finances publiques camerounaises »,
op.cit., p. 1229.
251 Ibid.
247 « Le contrôleur financier : juge de la
régularité et acteur essentiel dans la chaîne
d'exécution du budget de l'État », Disponible en ligne
sur
https://www.dgb.cm/le-controleur-financier-juge-de-la-regularite-et-acteur-essentiel-dans-la-chaine-dexecution-du-budget-de-letat,
op.cit.
77
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
ou de documents complémentaires. Dans ce cas, le
délai est suspendu jusqu'à la production des informations et
documents sollicités. Concrètement, le contrôle est rendu
possible du fait de la transmission au contrôleur financier, de toutes
les pièces justifiant l'engagement de la dépense.
C'est ainsi que le contrôleur se livre alors à
l'examen de la régularité juridique c'est-à-dire
imputation des crédits et disponibilité des crédits. Ici,
le contrôle est nécessairement plus formel que celui exercé
au stade de l'engagement de la dépense253. Le
contrôleur financier et comptable qui, sont les principaux intervenants
dans le circuit se soucient accessoirement si la dépense engagée
ordonnancée est légale, leur souci premier porte sur l'existence
de certaines pièces précises qui sont des conditions sine qua
none de la suite à donner a1 l'opération.
C'est ainsi que le contrôleur vérifie certes la
régularité du dossier de l'engagement de la dépense, de
l'accréditation du gestionnaire du crédit, du niveau des prix
dans la mercuriale lorsqu'il s'agit d'un marché public, de l'existence
des crédits, mais surtout il assure que les pièces y relatives
sont conformes. Dans d'autres pays, le visa d'engagement de la dépense
publique est une exigence et par conséquence constitue la pièce
maîtresse sur laquelle porte le contrôle financier à cette
étape de la dépense du droit commun. Pour ce qui est des
comptables par exemple, ils ne s'attèlent qu'à vérifier
les pièces sanctionnant le passage dans les étapes
précédentes d'engagement, de la liquidation et de
l'ordonnancement.
Outre la conformité formelle, la
régularité budgétaire implique également la
conformité matérielle.
B- La conformité matérielle
Les bonnes pratiques imposent la conformité de la
pratique budgétaire aux principes, règles et procédures
consacrées par la loi et règlement. Autrement dit, dans un
État de droit, l'ensemble des activités politiques, sociales et
financière est régi par des règles et principes
juridiques254. C'est bien - sûr pour répondre à
cette exigence d'État de droit que le système de contrôle
de conformité est instauré. Ce contrôle a pour objectif de
vérifier l'exacte application des règles et principes dans un but
préventif et répressif. Pour le faire, les organes ou
institutions de ce contrôle doivent s'appuyer sur des règles et
principes budgétaires255.
253 HASSANA (Barnabas), « L'évolution des
finalités du contrôle de la dépense publique au regard des
nouvelles
réformes de finances publiques camerounaises »,
op.cit., p. 1229.
254 Ibid.
255 Idem.
78
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
Le droit financier est innervé par un ensemble des
règles et principes. L'exercice du contrôle de conformité
doit reposer avant tout sur l'exploitation des données contenues dans la
loi de finances de l'année et dans les documents comptables des
administrations financières. Son efficacité suppose une
véritable implication des organes et le souci d'un examen scrupuleux des
règles et principes qui peuvent être comme des véritables
boussoles pour ces derniers256. Autrement dit, les principaux
acteurs intervenant dans les différentes étapes ou qui
interviennent lors de la collecte des recettes et d'engagement des
dépenses publiques doivent respecter les règles et principes qui
encadrent ces processus. C'est d'ailleurs l'occasion pour les contrôleurs
de s'assurer le respect par les principaux intervenant dans les processus de
l'autorisation accordée par le paiement, même si celle - ci n'a
qu'une valeur habilitative257 et non impérative par rapport
à l'ordonnateur de crédit qui est, aucunement obligé
d'effectuer la dépense autorisée telle quelle258.
Ainsi, l'appréciation de l'opportunité de la
dépense par exemple revient à l'ordonnateur, seulement celui - ci
n'a pas la faculté de franchir la barre de crédit
autorisée par la loi de finances. La dépense autorisée
n'est pas potentielle, elle n'est pas encore réelle encore faut - il
engager. Et bien plus, la conformité matérielle en dépit
de dysfonctionnement pratique propre à la procédure camerounaise
de contrôle de la dépense publique qui, pour les différents
organes de contrôle d'insister sur les formalités259,
la régularité matérielle porte tout de même sur le
fond des règles elles - mêmes. En principe il s'agit de
vérifier l'exacte application des différents instruments
juridiques qui gouvernent les finances publiques. Ces instruments juridiques
sont entre autres les lois et règlements et éventuellement la
constitution voire les conventions intégrées dans l'ordre
juridique financier interne260. Ces acteurs doivent également
vérifier la conformité des opérations aux principes telles
que le principe d'annualité, le principe d'équité, le
principe de la spécialité, le principe d'unité, le
principe de l'universalité.
Les contraintes relatives à la bonne exécution
des budgets des CTD imposent le respect des règles, principes et
procédures par tous les intervenants dans la chaîne de
l'exécution budgétaire. Il en est de même des projections
effectuées en amont de l'exécution
256 Idem.
257 BIDIAS (Benjamin), Les finances publiques et
l'Économie financière de la République
fédérale du Cameroun, 1ere éd., 1971, p.
69.
258 BILOUNGA (Steve - Thiery), La réforme du
contrôle de la dépense publique au Cameroun,
op.cit., p. 324.
259 Ibid.
260 CONAN (Mathieu), La non obligation de
dépenser, Thèse de doctorat en Droit Public, Paris II, 2004,
pp. 48 et suivantes.
79
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
afin de satisfaire aux exigences de crédibilité
et de sincérité des budgets et des comptables publics. Autrement
dit, les bonnes pratiques imposent la conformité budgétaire aux
principes, règles et procédures consacrées par la loi et
règlements.
Nous pouvons ainsi dire non sans quelques raisons, que l'un
des soucis majeurs du contrôle de conformité réside dans
l'optique de préserver cette égalité financière qui
est d'ailleurs gage de l'État de droit financier. En
réalité, la conformité dont il est question c'est la
conformité de ce qui est prévu par les textes et ce qui est
finalement, ou entrain d'être réalisé. À titre
illustratif, il s'agit entre autres :
- Le strict respect de la séparation des fonctions
d'ordonnateur et de comptable afin de garantir la sécurité des
fonds publics et assurer une division rationnelle du travail ;
- Le respect du calendrier budgétaire par divers
intervenants261 ;
- Le respect de la règlementation en matière de
commande publique ;
- Le respect par des divers acteurs budgétaires de leurs
rôles respectifs ; - Le respect des différentes étapes de
la dépense publique262.
La préservation de la légalité
financière a pour conséquence l'usage normal des derniers des CTD
toute chose qui concourt à l'amélioration des conditions de vie
des CTD, ou mieux de sa population. En matière financière, le
principe de légalité suppose que toutes les opérations
financières réalisées par les personnes publiques doivent
être encadrées et contenues dans les textes juridiques en
emportant toutes les conséquences possibles à tout acte
juridique. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la conformité est un
moyen de concrétisation du principe de la légalité
financière. Que ce soit une vérification des règles de
fond ou un contrôle des règles de forme, l'objectif final est
d'assurer une opération légale des recettes ou des
dépenses263.
Par contrôle de conformité, la
sécurité et même l'intégrité des
opérations escomptées en fin de compte par le principe de la
légalité sont garanties, au bénéfice de
l'intérêt général. C'est ce qui justifie le besoin
de renforcer ces contrôles dans le circuit de réalisation de la
dépense au Cameroun et ceci dans l'optique de parvenir à une
bonne maîtrise de cette opération financière que le
principe de la légalité financière
recherche264. La conformité est
261 BILOUNGA (Steve - Thiery), op.cit., p. 326.
262 BOUVIER (Michel) et autres, Finances Publiques,
Paris, LGDJ, 1993, p. 289.
263 HASSANA (Barnabas), « L'évolution des
finalités du contrôle de la dépense publique au regard des
nouvelles réformes de finances publiques camerounaises »,
op.cit., p. 1229.
264 Les étapes dont il est question sont : engagement,
liquidation, ordonnancement et paiement.
80
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
l'une des exigences de la régularité, mais il ne
faut pas perdre de vue que la règle du service fait également
partie intégrante des dimensions de la régularité.
Paragraphe II : La règle du service fait
La règle du service fait revêt une importance
capitale dans le cadre du contrôle de la régularité des
opérations budgétaires. Cette règle, qui régit les
relations entre l'administration publique et ses fournisseurs ou prestataires
de services, constitue un pilier essentiel de la gestion transparente et
efficace des ressources publiques au niveau local.
Cependant, cette règle est non absolue dans la mesure
où elle est assortie de quelques dérogations. C'est la raison
pour laquelle nous examinerons la consistance de la règle du service
fait (A), et les exceptions (B) à
ladite règle.
A - La consistance de la règle du service
fait
La règle du service fait, édictée par le
seul règlement général de la comptabilité publique,
interdit, en principe, les paiements des dépenses publiques avant que
les bénéficiaires aient exécutés les prestations
qui en sont les contreparties265. Comme on n'ose pas la qualifier de
principe général de droit - ce qu'elle n'est pas - on appelle la
règle du service fait, dans la littérature administrative, «
règle fondamentale de la comptabilité publique »,
« pilier fondamental du droit de la comptabilité publique
»266, « pièce maîtresse du droit
public financier »267, etc. Les expressions ne manquent
pas pour dire son importance, même si cela ne dit rien sur sa
portée ni son insertion dans la hiérarchie des normes.
Naturellement, aucun texte ne définit ce qu'est le
« service fait ». Mais la notion même de « service fait
» trahit l'origine de cette expression : le service dont il est question
est celui du fonctionnaire, ou plus généralement l'agent public :
c'est une « règlementation déjà ancienne et
confirmée par le statut général comme par les principes de
la comptabilité publique »268. Le fonctionnaire
fait son service, on le paie, il ne le fait pas...en principe, on ne le paie
pas. C'est d'ailleurs en matière de fonction publique que la
règle de service fait donne lieu à l'essentiel de la
jurisprudence et des écrits doctrinaux. Mais, même en
matière de
265 CLAMOUR (Guylain), TERNEYRE (Philippe), Financement et
contrats publics, éd. Cream, p. 32.
266 LEFEBVRE (Barbara), Une règle d'or de la
comptabilité publique : le paiement après service fait, Rev.
Trésor, 1995, p. 667.
267 AMSELEK (Pierre), Une instruction en clair - obscur :
la règle du service fait. Mélanges en l'honneur de P - M.
GAUDEMET, Economica, 1984, p.421.
268 PLANTEY (Alain), La Fonction Publique, Traité
Général, Litec, 2e éd., 2001,
no 1235.
81
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
fonction publique, la règle est tout sauf simple : le
service partiellement fait, le service mal fait, le service impossible, etc.,
donnent lieu à des discussions montrant que la notion de service fait
n'est pas aussi manichéenne qu'il paraît. Le Professeur AMSELEK a
pu parler à son sujet d' « institution en clair - obscur
».
Toute théorique, quel que soit sa pertinence, n'a de
réelle importance qu'une fois traduite dans la réalité
concrète quotidienne269. C'est ainsi que la
régularité formelle tire toute sa pertinence lorsqu'elle est
traduite sur le plan matériel ou lorsqu'elle est effective.
Et comme la précision en vaut la règle, il n'est
pas exagéré de préciser que, le contrôle de
l'effectivité a toujours existé au Cameroun contrairement
à ce beaucoup le faisaient remarquer. Ce contrôle n'était
pas seulement trop développé. Les récentes réformes
des finances publiques270 engagées par les autorités
camerounaises ont davantage milité dans le sens de renforcement du
contrôle de l'effectivité de la dépense publique. Autrement
dit, le contrôle de la régularité substantielle ou
matérielle n'était pas trop ressenti jusqu'à une date
récente. En dépit de la forte concentration du système de
contrôle des finances publiques camerounaises au contrôle de la
régularité, les récentes réformes ont pu instaurer
plus que par le passé, un mariage assez serré entre le
contrôle de la régularité formelle et le contrôle de
la régularité matérielle271 ou
d'effectivité. C'est d'ailleurs une bonne
homogénéité entre le formel et le matériel dans la
mesure où, le respect des règles de forme n'exclut pas la
violation de celles de fond. Pour dire autrement, le respect des règles
formelles peut mettre un pan de voile sur des irrégularités dans
la réalisation physique272 de la dépense.
L'effectivité matérielle ou le service fait, est
donc une investigation qui vise pour le contrôleur de se rassurer que la
prestation qui a présidé à l'initiative de la
dépense publique a été bel et bien
réalisé273. Ainsi, les contrôleurs doivent,
avant toute certification ou liquidation, s'assurer que les prestations et les
livraisons constituent l'équivalent réel des sommes à
décaisser et qu'elles ont été effectivement
exécutées selon les règles de l'art274. Le
contrôle de conformité matérielle vise donc une
proportionnalité entre les prestations et les sommes à
269 HASSANA (Barnabas), « L'évolution des
finalités du contrôle de la dépense publique au regard des
nouvelles réformes de finances publiques camerounaises »,
op.cit., p. 1231.
270 Voir à cet effet l'article 2 de la loi
no 2007/006 du 26 décembre 2007 portant régime
financier de l'État du Cameroun (dont le régime de 2018 n'a pas
explicitement abrogé).
271 BILOUNGA (Steve - Thiery), op.cit., p. 320.
272 Ibid.
273 Idem., p. 341.
274 Idem.
82
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
décaisser. Mais en sus de cela, ce contrôle a
aussi pour objectif le respect des standards qualitatifs.
La règle du service fait ne voudrait pas tout
simplement signifier la réalisation physique d'un ouvrage ou d'une
prestation. Autrement dit, la livraison d'un bien ou la prestation de service
à elles seules ne suffisent pas pour parler
d'effectivité275. Il y a effectivité si et seulement
s'il existe une équivalence entre le service rendu et la quantité
ou le montant des crédits à sortir de la fortune
publique276. Ainsi donc, contrôler l'effectivité
signifie tout d'abord, s'assurer que les prestations ou services
réalisés sont équivalents des sommes que l'on
apprête à sortir des caisses de l'État ou des CTD.
Ainsi, le but n'est pas d'appauvrir l'agent qui rend service
à l'État ou à la collectivité territoriale par la
réalisation des prestations, ni de l'État ou de la CTD qui
bénéficie des prestations et paie la créance ainsi
générée. Mais qu'il y a une sorte d'égalité
ou équivalence entre les sommes et les prestations afin qu'aucune des
parties ne soit lésée.
Le contrôle du respect des standards qualitatifs se
justifie par le fait que, dans certaines situations et qui est d'ailleurs
récurent au Cameroun, d'importantes sommes d'argent étaient
décaissées sans une quelconque prestation en
contrepartie277. On dira alors que le contrôle de
l'effectivité a un double objectif. En dehors du fait qu'il doit veiller
à l'équivalence, il doit également assurer que les
prestations ont été physiquement réalisées selon
les règles de l'art278. Notamment en respectant les
critères et standards qualitatifs en rapport avec la réalisation
des ouvrages ou des services des CTD.
Même si la règle du service fait est prise en
compte par le comptable public, celle - ci demeure cependant assortie de
dérogation.
B- Les exceptions à la règle du service
fait
La règle du service fait dans le cadre du
contrôle de l'exécution du budget des CTD au Cameroun stipule que
les paiements ne peuvent être effectués que pour des services
réellement fournis, des travaux effectivement réalisés, ou
des biens effectivement livrés. Cependant, il existe des exceptions
à cette règle pour répondre à certaines
situations
275 HASSANA (Barnabas), op.cit., p. 1231.
276 Ibid.
277 Idem., p. 1232.
278 Guide Pratique du contrôle budgétaire
élaboré par la Direction Générale du Budget,
version de mars 2002, p.
40.
83
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
spécifiques. Si la règle du service fait
était aussi simple que d'aucuns le prétendent et si elle avait la
valeur quasi - constitutionnelle (puisqu'il est question de protection des
derniers publics) que les comptables publics lui prêtent sans le dire,
alors on n'y toucherait qu'avec stupeur et tremblements279. On le
fait au mieux par voie règlementaire - qui est effectivement le niveau,
dans la hiérarchie des normes, auquel cette supposée «
règle d'or » se situe - mais aussi et surtout par de simples
circulaires et autres directives émanant de la direction de la
comptabilité publique ou visées par elle280.
Au titre des aménagements textuels, on trouve
naturellement le régime des avances du Code des marchés
publics281, les acomptes, les dépenses d'urgence et les
indemnités et autres dépenses obligatoires.
En ce qui concerne les avances, elles peuvent être
accordées aux prestataires, fournisseurs, ou entrepreneurs dans le cadre
des marchés publics pour faciliter l'exécution des travaux, la
fourniture de biens ou de services. Ces avances sont généralement
prévues dans les termes du marché et sont remboursables sur les
paiements futurs.
S'agissant des acomptes, ils peuvent être versés
en cours d'exécution des marchés publics, sur la base des
prestations partiellement réalisées, après
vérification et certification par les services compétents.
En cas d'urgence ou de force majeure, des dépenses
peuvent être engagées et payées avant la réalisation
complète du service ou la livraison des biens. Cela inclut les
situations d'urgence, les catastrophes naturelles, ou tout autre
évènement nécessitant une intervention
rapide282.
Concernant les indemnités et autres dépenses
obligatoires, certaines dépenses comme les indemnités, les
pensions, et les traitements des agents publics peuvent être
payées sans exigence préalable de service fait283.
Cependant, lorsque les règles régissant la
régularité des opérations budgétaires ne sont pas
respectées, la responsabilité des agents publics (agents publics
internes aux CTD) chargés de l'exécution et du contrôle
budgétaire local peut être engagée.
279 CLAMOUR (Guylain), TERNEYRE (Philippe), Financement et
contrats publics, op.cit., p. 36.
280 Ibid.
281 Idem.
282 Idem.
283 Idem.
84
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
SECTION II : L'ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITE DES
AGENTS PUBLICS DU FAIT DES IRREGULARITES
L'engagement de la responsabilité des agents publics en
raison des irrégularités budgétaires constitue un sujet
d'une importance capitale dans le domaine de la gestion des finances publiques.
Cette question soulève des enjeux majeurs en termes de transparence,
d'intégrité et de bonne gouvernance. Fondée sur des
principes juridiques stricts, cette responsabilité est encadrée
par des mécanismes de contrôle rigoureux et peut entraîner
des conséquences sévères pour les agents fautifs.
Ainsi, il convient d'analyser d'une part, la
responsabilité financière et budgétaire des agents publics
des CTD (Paragraphe I), et d'autre part, la
responsabilité pénale des agents publics du contrôle de
l'exécution du budget des CTD (Paragraphe II).
Paragraphe I : La responsabilité
financière et budgétaire des agents publics des CTD
La responsabilité financière et
budgétaire des agents publics des CTD s'inscrit dans le cadre de la
bonne gouvernance et de la gestion transparente des ressources publiques. Celle
- ci revêt, une importance particulière dans un contexte ou la
décentralisation est présentée comme un levier majeur pour
le développement local et la participation citoyenne.
L'examen de la responsabilité financière et
budgétaire des agents publics des CTD consiste à analyser la
responsabilité financière de l'ordonnateur (A),
ainsi que la responsabilité budgétaire du comptable public
(B).
A - La responsabilité financière de
l'ordonnateur
La responsabilité financière des ordonnateurs
s'inscrit dans la problématique plus globale de la modernisation des
finances publiques ou, si l'on veut, de la gouvernance
financière284. Elle marque un saut qualitatif vers la
recherche de la performance dans les administrations publiques. Faut - il le
rappeler, l'ordonnance no 62/OF du 7 février 1962 portant
régime financier de la République Fédérale du
Cameroun avait consacré un budget de moyens285. Celui - ci se
caractérisait par le manque de prévisibilité à
moyen terme, surtout, par un manque de contrôle de performance. Mais avec
la raréfaction des ressources, la
284 ENGOUTOU (Jean - Luc), NGUECHE (Sylvie), MBALLA ELOUNDOU
(Aimé Christel), « La responsabilité financière des
ordonnateurs en droit public camerounais », RFFP, no
157, 2022, p. 95.
285 ENGOUTOU (Jean - Luc), NGUECHE (Sylvie), MBALLA ELOUNDOU
(Aimé Christel), « La responsabilité financière des
ordonnateurs en droit public camerounais », op.cit.
85
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
démocratisation et la diffusion de la culture de la
performance au sein des couches socio - économiques, le budget de moyen
a montré des signes d'essoufflement286.
La responsabilité financière de l'ordonnateur
dans le cadre du contrôle de régularité est un sujet
crucial pour assurer la bonne gestion des ressources publiques. Tout d'abord,
l'ordonnateur, qui peut être le maire ou le président du conseil
régional est chargé de l'exécution du budget de la
collectivité locale. Il doit veiller à ce que les dépenses
respectent les orientations budgétaires et les règles de la
comptabilité publique. Ensuite, l'ordonnateur est tenu de rendre des
comptes sur l'utilisation des fonds publics. Cela signifie qu'il doit fournir
des justificatifs de toutes les dépenses engagées et garantir la
transparence dans la gestion financière de la collectivité
locale.
Par ailleurs, la responsabilité financière de
l'ordonnateur implique également une obligation de gestion rigoureuse
des fonds publics. À ce titre, il doit s'assurer que les dépenses
sont effectuées dans le respect des règles de la
comptabilité publique et dans l'intérêt
général.
Tout manquement à ces obligations peut être
qualifié de faute de gestion et, par voie de conséquence,
entraîner des sanctions.
Contrairement à l'État de droit
antérieur, la faute de gestion fait désormais l'objet, depuis
2018, d'une définition expresse dans la législation portant
régime financier de l'État et des autres entités
publiques. Il s'agit réellement d'une définition si l'on s'en
tient, sur le plan formel, aux termes de l'article 87 suivants
lesquels287 : « En cas de faute de gestion telle que
définie à l'article 88 (...) ». Sur le plan
substantiel, l'article 88 (1) de la loi no 2018/012 du 11 juillet
2018 procède à une déclinaison des éléments
qui permettent de reconnaître ou d'identifier la faute de
gestion288. En plus de cette innovation, le nouveau régime
financier de l'État et des autres entités publiques apporte plus
de clarté et d'intelligibilité dans l'appréhension de la
faute de gestion, comme pour remédier a1 l'insécurité
juridique et judiciaire jusqu'alors prégnante289. En effet,
l'article 88 (1) de la loi de 2018 précitée, définit la
faute de gestion comme : « tout acte, omission ou négligence
commis par tout agent de
286 Ibid.
287 Idem.
288Idem.
289 En se contentant d'énoncer, en son article 51 (1)
que : « L'ordonnateur a la responsabilité de la bonne
exécution des programmes [...] ». Cette disposition a son
pendant au niveau local dans la loi de 2019 portant CGCTD. Il s'agit en effet
de l'article 466 aux termes duquel : « Les ordonnateurs sont tenus de
rendre compte de l'exécution des programmes et projets ».
86
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
l'État, d'une Collectivité territoriale
décentralisée ou d'une entité publique, par tout
représentant, administrateur ou agent d'organismes, manifestement
contraire à l'intérêt général ».
»290.
Pour mesurer toute la portée de l'innovation de cette
disposition, il convient de rappeler aux souvenirs la définition
antérieure de la faute de gestion, telle que posée par l'article
3 de la loi no 74/18 du 5 décembre 1974 relative au
contrôle des ordonnateurs, gestionnaires et gérants des
crédits publics et des entreprises de l'État, modifiée par
la loi no 76/4 du 8 juillet 1976 : « Est considérée
comme irrégularité au sens de la présente loi, toute faute
de gestion préjudiciable aux intérêts de la puissance
publique (...)
Chef de la structure administrative pour le fonctionnement de
laquelle ont été affectés des crédits, la
responsabilité de l'ordonnateur ne se limite pas aux aspects strictement
financiers291. Elle couvre aussi tous les actes de sa gestion tant
administrative que politique, et est engagée dès la commission
d'une faute de gestion292. En matière financière en
général et comptable en particulier, les articles 3 et 6 de loi
du 5 décembre 1974 relative au contrôle des ordonnateurs,
gestionnaires de crédits publics et des entreprises d'État,
modifiée par la loi du 8 juillet 1976 ont dégagé, de
manière non exhaustive, les différentes
irrégularités constitutives de la faute de gestion, c'est -
à - dire, préjudiciable aux intérêts de la puissance
publique293. Il s'agit de l'engagement d'une dépense sans
avoir qualité pour le faire, sans crédits disponibles ou sans
pièces justificatives ; de l'engagement d'une dépense sans visa
ou réquisition de l'autorité compétente ou sans
justification du service fait ; de la passation des marchés ou des
recrutements en violation de la règlementation en vigueur en la
matière ; de la modification irrégulière de l'affectation
des crédits ou de l'utilisation à des fins personnelles des
agents ou des biens de l'État294.
Sans préjudice des poursuites susceptibles d'être
engagées devant les juridictions répressives compétentes
lorsque la faute de gestion tend à se muer à un
détournement de derniers publics, la responsabilité
financière de l'ordonnateur est engagée au Cameroun
290 Cette définition et cette catégorisation sont
reprises par les articles 4 (1), 10 et 12 du décret no
2020/375 du 7
juillet 2020 portant règlement général de la
comptabilité publique.
291 BILOUNGA (Steve Thiery), « Les relations entre
l'ordonnateur et les comptables à la lumière de la loi du 26
décembre 2007 portant régime financier de l'État du
Cameroun », G&FP, 2017/3, no 3, pp. 109 - 116, p.
110.
292 Ibid.
293 Idem.
294 BILOUNGA (Steve Thiery), « Les relations entre
l'ordonnateur et les comptables à la lumière de la loi du 26
décembre 2007 portant régime financier de l'État du
Cameroun », op.cit., p. 111.
87
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
devant le CDBF qui, manifestement officie en tant que juge de
gestion alors qu'il n'en est pas un en principe, eu égard de son essence
administrative295.
En tranchant cette question, née du conflit des lois,
l'institution supérieure de contrôle s'affirme comme le seul
organe compétent en la matière au Cameroun, à l'exclusion
de tout autre organe administratif, notamment le CDBF rattaché aux
services du CONSUPE. La loi portant régime financier de l'État et
d'autres entités publiques du 11 juillet 2018 a transféré
cette compétence à la juridiction des comptes, pour se conformer
aux standards internationaux et aux directives communautaires. C'est en
application de ces nouvelles dispositions que la Chambre des comptes de la Cour
suprême a été saisie d'une dénonciation de mauvaise
gestion visant le Maire et le Receveur municipal de la commune de NGOMEDZAP.
Sur la question d'un éventuel conflit de loi et de
compétence entre le CDBF et la Chambre des comptes de la Cour
suprême, la juridiction financière a apporté une
réponse sans équivoque dans son arrêt affirmant : «
que l'exclusivité du contrôle juridictionnel des
entités publiques et autres entités publiques étant
constitutionnellement dévolue à la Chambre des comptes, la
sanction des irrégularités et fautes de gestion ressortit
logiquement de la compétence de cette juridiction
»296. De cet arrêt, il découle que le CDBF ne
saurait conserver sa compétence en matière de sanction de la
faute de gestion. L'institution supérieure de contrôle du Cameroun
confirme ainsi, sa compétence exclusive en matière de sanction
juridictionnelle de la faute de gestion. À ce titre, cette juridiction
peut prononcer en fonction des cas, des amendes spéciales, des mises en
débet ou des déchéances. Les premières sanctions
sont infligées en fonction de la valeur du préjudice subi par la
personne publique. Leur montant varie entre 200 000 et 2 000 000 FCFA. Les
mises en débet, quant à elles, sont mises à la charge de
l'agent fautif pour le montant du préjudice réel subi par la
personne publique. Les déchéances, enfin, sont constituées
par des interdictions momentanées d'assumer certaines fonctions
publiques.
L'ordonnateur n'est pas le seul responsable devant la
juridiction financière, le receveur municipal, peut également
voir sa responsabilité engagée du fait des
irrégularités.
295 C'est un organe administratif à fonctionnement
quasi juridictionnel rattaché au ministère
délégué à la présidence de la
République chargé du contrôle supérieur de
l'État. Il est chargé de prendre des sanctions à
l'encontre des agents publics posant des actes en violation de l'orthodoxie
financière publique.
296 Arrêt no 01/CDC/CSC/SR/DBF de la Chambre
des comptes de la Cour suprême du 15 février 2024 Commune de
NGOMEDZAP c/ Mme TSOUNGUI BLEUE REGINE EPSE BOAMA et M. EKANG EKANG Jules.
88
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
B - La responsabilité financière et
budgétaire du comptable public
Les receveurs municipaux et régionaux, comptables
publics, sont soumis aux règles de discipline, de tenue de comptes et de
comptabilité, de recouvrement des recettes, de paiement des
dépenses et de responsabilités applicables aux comptables du
Trésor297. À ce titre, ils ont qualité de
comptable principal et sont par conséquent astreints à la
production d'un compte de gestion298. Les receveurs municipaux et
régionaux sont ainsi tenus de rendre compte de leur gestion à
raison de la sacralité des derniers publics299, dont ils
détiennent l'exclusivité du maniement. En effet, les derniers
publics sont des biens publics qui ne peuvent faire l'objet d'utilisation
privative et sont de ce fait, dotés d'une protection
particulière. Cette protection réside dans l'obligation de
reddition des comptes, imposée aux comptables publics. Manier les
derniers publics, en dépense ou en recette, expose paraît - il
à la tentation300. L'obligation de répondre des
irrégularités (faute de gestion, gestion de fait)
constatées dans leur gestion, passe par la mise en jeu de leur
responsabilité.
Rendant compte personnellement et pécuniairement des
opérations financières dont ils ont la charge durant l'exercice
de leurs fonctions, les comptables publics voient leur responsabilité
engagée lorsqu'un préjudice est causé à la personne
publique suite à des irrégularités relevées
à l'article 42 du règlement général de la
comptabilité publique. Il en est ainsi des déficits de caisse ou
des manquants en derniers et valeur ; de défaut de recouvrement de
recettes ordonnancées, de paiement irrégulier d'une
dépense suite à un défaut de contrôle ou de
l'imputation d'une dépense indue à l'État. Le comptable
public est alors mis en débet administratif par le ministre des
Finances, ou en débet juridictionnel à l'issue d'une
procédure devant la Chambre des comptes de la Cour
suprême301.
Conformément à l'article 35 alinéa 5 de
la loi du 21 avril 2001 fixant les attributions, l'organisation et le
fonctionnement de cette juridiction, lorsque les comptes sont en débet,
la Chambre des comptes constitue le comptable débiteur. Le MINFI
procède alors au
297 Art. 4 du décret no 94/232 du 5
décembre 1994 précisant le statut et les attributions des
receveurs municipaux.
298 AMOUGOU MBETOUMOU (Estelle Delphine), « Aspects de la
responsabilité des receveurs municipaux en droit public financier
camerounais », IMJST, Vol. 7, no 7, Juillet 2022, pp.
5081 - 5096, p. 5082.
299 Ibid.
300 DUFRESNOY (Philippe), « La responsabilité des
comptables publics : une assurance raisonnable de la régularité
des comptes », G&FP, 2018/2, no 2, pp. 102 - 104,
p. 102.
301 Il convient toutefois de relever la non - conformation
jusqu'à ce jour de l'État camerounais au droit communautaire dans
le cadre de la CEMAC. En effet, les articles 91 et 92 de la Directive
no 02/11 - UEAC - 190 - CM - 22, relative au règlement
général de la comptabilité publique nécessite pour
sa concrétisation que chaque État membre se dote d'une Cour des
comptes. Malgré sa position de proue dans cette communauté, le
Cameroun ne s'est pas encore doté de cette juridiction des comptes et se
contente encore d'une simple Chambre des comptes.
89
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
recouvrement des sommes dues qui sont réservées,
le cas échéant, à la personne morale concernée. Les
arrêtés de débets, quel qu'en soit le type, sont
exécutoires dès leur notification au comptable concerné et
susceptibles de recours devant le juge des comptes sans effet
suspensif302.
En ce qui concerne la responsabilité personnelle des
comptables publics, elle est mise en oeuvre au travers d'un ensemble des
sanctions qui lui sont infligées à titre personnel et qui visent
à sanctionner son indiscipline au sein de l'administration, ou alors
réprimer toute violation de la loi pénale. Sur le plan
disciplinaire, les receveurs municipaux et régionaux sont soumis au
pouvoir hiérarchique du Ministre des finances et du Ministre de la
décentralisation et du développement local, qui ont le pouvoir
d'engager leurs responsabilités disciplinaires. Ainsi, chaque fois
qu'ils ont omis d'exécuter leurs missions, ils peuvent voir leur
responsabilité être engagée sur le plan disciplinaire.
Cette responsabilité permet à l'autorité
hiérarchique de prononcer une sanction non pécuniaire contre un
agent qui aurait commis une faute de service.
Pour ce qui est de la responsabilité pécuniaire,
il s'agit de l'obligation de réparer sur ses fonds propres, le
préjudice que le receveur municipal ou régional a causé
à la collectivité territoriale. À ce titre, les
manquements du comptable public à son obligation de contrôle des
actes émis par l'ordonnateur303, son inobservation des
règles de la comptabilité publique, bref des
irrégularités constatées dans sa gestion, causent à
la collectivité locale un préjudice304.
Au regard des irrégularités telles que les
fautes de gestion et les gestions de fait, le comptable public peut être
l'objet de sanctions par la juridiction des comptes. Ces sanctions peuvent
être des amendes, des débets et même des
déchéances.
Toutefois, lorsque le préjudice financier est
qualifié d'infraction par le CONSUPE, le CDBF ou même la Chambre
des comptes de la Cour suprême, le comptable public et l'ordonnateur
peuvent voir leur responsabilité pénale engagée.
302 BILOUNGA (Steve Thiery), « Les relations entre
l'ordonnateur et les comptables à la lumière de la loi du 26
décembre 2007 portant régime financier de l'État du
Cameroun », op.cit.
303 CHOUVEL (François), Finances publiques,
Gualino (23e éd.), 2020, p. 160.
304 DUTHEILLET DE LAMOTHE (Olivier), VANDENDRIESSCHE (Xavier),
« La notion de préjudice financier en dépenses »,
GFP, Vol. 100, no 2 - 2020/ Mars - Avril 2020, p. 112.
90
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
Paragraphe II : La responsabilité pénale
des agents publics du contrôle de l'exécution du budget des
CTD
La responsabilité pénale des agents publics
impliqués dans l'exécution du budget des CTD au Cameroun, en
raison des irrégularités, est régie par le droit
pénal camerounais. En général, les agents publics peuvent
être tenus responsables pénalement pour des infractions ayant une
incidence financière ou budgétaire.
Il convient donc d'examiner au préalable des faits
générateurs de la responsabilité pénale des agents
publics internes des CTD (A), avant de s'appesantir sur la
mise en oeuvre de cette responsabilité (B) proprement
dite par des juridictions répressives.
A - Les faits générateurs de la
responsabilité pénale des agents publics internes aux
CTD
Le comptable public voit sa responsabilité
engagée lorsqu'il se comporte comme un délinquant, c'est -
à - dire que dans la réalisation de ses missions, il commet un
acte expressément interdit par la loi305. Dès lors, il
tombe sous le coup de la sanction pénale. En effet, le Vocabulaire
juridique appréhende la responsabilité pénale comme
une obligation de répondre des infractions commises et de subir la peine
prévue par le texte qui les réprime306. On
déduit donc de cette définition de la responsabilité
pénale que, les faits générateurs de celle - ci sont des
infractions ayant, dans le cadre des finances publiques locales une incidence
financière. La sanction pénale désigne l'ensemble des
peines prévues par le Code pénal, qui ont pour objectif de
sanctionner l'auteur des infractions pénales telles que la concussion,
l'enrichissement illicite, le détournement de derniers publics et la
corruption.
Au Cameroun, certains textes précisent les
hypothèses suivant lesquelles le comptable public ou l'ordonnateur
serait responsable de violation de la loi pénale307. Sans
prétendre à l'exhaustivité, l'on peut par exemple
mentionner le décret no 94/232 du 5 décembre 1994
précisant le statut et les attributions des receveurs municipaux, en son
article 13 qui relève que « Tout receveur municipal qui ne peut
établir de distinction entre les fonds et valeurs qu'il détient
ès - qualités et ceux qu'il possède à titre
personnel, est présumé coupable de concussion ». Or la
concussion est réprimée à l'article 137 du Code
pénal. Dans le même ordre d'idées, le dictionnaire
encyclopédique de finances publiques présente la concussion
305 AMOUGOU MBETOUMOU (Estelle Delphine), « Aspects de la
responsabilité des receveurs municipaux en
droit public financier camerounais », op.cit., p.
5084.
306 Ibid.
307 Idem.
91
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
comme une infraction aux règle du droit
budgétaire et de la comptabilité publique, et la définit
comme le fait d'ordonner l'établissement ou la perception
d'impôts, droits ou taxes non autorisées par la loi, ou encore le
fait de consentir sans autorisation de la loi, à des exonérations
d'impôts, droits ou taxes ou encore le fait de délivrer
gratuitement des produits de l'établissement public de
l'État308.
En outre, l'on peut par exemple mentionner la Convention
interaméricaine de lutte contre la corruption qui définit
l'infraction d'enrichissement illicite comme « une augmentation
significative du patrimoine d'un fonctionnaire qu'il ne peut raisonnablement
justifier par rapport aux revenus perçus légitimement dans
l'exercice de ses fonctions »309. Le propre dans cette
infraction est qu'une personne voit son patrimoine croître, mais ne peut
pas s'appuyer sur ses revenus légitimes pour en justifier
raisonnablement la légitimité et la légalité des
sources. Ce qui entraîne un allègement, un contournement, ou un
renversement de la charge de la preuve. La personne est ainsi, appelée
à s'expliquer sur les sources et les moyens d'accroissement de sa
fortune, sans que personne ne puisse prouver qu'elle a commis une
infraction.
C'est après constatation des infractions
susmentionnées (concussion, enrichissement illicite, détournement
de derniers publics, corruption...etc.) par les juridictions répressives
que, la responsabilité pénale des agents publics internes des CTD
chargé de l'exécution et du contrôle budgétaire est
mise en oeuvre.
B - La mise en jeu de la responsabilité
pénale des agents publics internes aux CTD
Les irrégularités dans l'exécution du
budget des CTD peuvent inclure des actes tels que la mauvaise gestion des
fonds, le non - respect des procédures légales, l'octroi des
contrats sans appel d'offres, entre autres. Lorsque de telles
irrégularités sont découvertes, les agents publics
responsables peuvent faire l'objet d'enquête et de poursuites
pénales.
Au plan pénal, les juridictions répressives ne
sont compétentes que si la faute reprochée (faute de service ou
personnelle) à l'ordonnateur et au comptable public est constitutive de
crime ou de délit, en vertu du principe du droit pénal selon
lequel il n'y a pas
308 PHILIP (Loïc), Dictionnaire encyclopédique de
Finances publiques, Economica, 1991, p. 1344.
309 Art. IX de la Convention interaméricaine de la lutte
contre la corruption du 29 mars 1996.
92
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
d'infraction, pas de sanction sans texte qui les
prévoie : « nullum crimen nulla poena sine lege ».
La responsabilité pénale des ordonnateurs, des
gestionnaires de crédits et des comptables publics peut être mise
en oeuvre dans le cadre des fautes de gestion qui constituent en même
temps des infractions pénales.
Compte tenu du développement des poursuites
pénales, introduites le plus souvent par les victimes, se constituant
partie civile et en déclenchant l'action publique, la
responsabilité pénale de ces agents publics se trouve
engagée à l'occasion des actes de détournement de derniers
publics, de concussion, de la corruption...etc. Il est crucial de noter que la
responsabilité pénale nécessite généralement
la preuve d'une intention criminelle ou de grave négligence de la part
des agents impliqués. Les sanctions peuvent aller de peines d'amende
à des peines privatives de liberté, en fonction de la
gravité des infractions commises et des circonstances spécifiques
de chaque cas.
En ce qui concerne les actes de détournement de
derniers publics, ce sera essentiellement l'oeuvre du TCS, du TPI et du TGI. Le
TCS sera compétent pour connaître des irrégularités
et des fautes de gestion qualifiables de crimes ou de délits, et portant
sur des infractions de détournement de derniers publics et des
infractions connexes lorsque le préjudice est d'un montant minimum de
cinquante millions (50 000 000) FCFA310. Le TPI sera
compétent pour connaître des irrégularités et fautes
de gestion qualifiables de délits lorsque le préjudice est d'un
montant inférieur ou égal à dix millions (10 000 000) FCA.
Le TGI quant à lui sera compétent pour connaître des
irrégularités et fautes de gestion qualifiables de crimes ou de
délits connexes, lorsque le préjudice est d'un montant
supérieur ou égal à dix millions (10 000 000) FCFA.
L'infraction de détournement de derniers publics par un agent public de
l'État ou des CTD est punie d'un emprisonnement à
vie311 au cas où la valeur des biens détournés
excède cinq cent mille (500 000) francs ; d'un emprisonnement de quinze
(15) à vingt (20) ans312 lorsque cette valeur est
supérieure à cent mille (100 000) francs et inférieure ou
égale à cinq cent mille (500 000) francs et au cas où
cette valeur est égale ou
310 Telle est la teneur de l'article 2 de la loi no
2011/028 du 14 décembre 2011 portant création d'un Tribunal
Criminel Spécial qui dispose que : « Le Tribunal est
compétent pour connaître, lorsque le préjudice est d'un
montant minimum de 50 000 000 F CFA, des infractions de détournement de
derniers publics et des infractions connexes prévues par le Code
Pénal et les Conventions Internationales ratifiées par le
Cameroun ».
311 Art. 184, Al. 1 (a) de la loi no 2016/007 du 12
juillet 2016 portant Code pénal.
312 Ibid., Art. 184, Al. 1(b).
93
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
inférieure à cent mille (100 000) francs,
l'emprisonnement est de cinq (05) à dix (10) ans et d'une amende de
cinquante mille (50 000) francs à cinq cent mille (500 000)
francs313.
En ce qui concerne l'infraction de concussion, elle est
prévue par les articles 137 et 142 du code pénal. La concussion
est punie d'un emprisonnement de deux (2) à dix (10) ans et d'une amende
de vingt mille (20 000) à deux millions (2 000 000) de francs CFA. La
juridiction compétente pour connaître de cette infraction est le
TGI.
Pour ce qui est de l'infraction de corruption, la CONAC exerce
une activité remarquable314. À travers ses rapports,
on voit des avancées dans le cadre de la lutte contre cette infraction
en général, et d'une volonté dynamique de remplir les
missions assignées. La CONAC exerce donc une action conjoncturelle avec
les juridictions répressives, en enquêtant sur les cas de
corruption et en traduisant les responsables en justice dans le but de
promouvoir la transparence dans l'administration publique au Cameroun.
L'infraction de corruption est réprimée par les articles
134315 et 134 - 1316 du code pénal camerounais.
313 Idem., Art. 184, Al. 1 (c) de la loi portant code
pénal.
314 NDJIE MGBA (Marc Stéphane José), « La
lutte contre la corruption au Cameroun : un effort inachevé »,
RIDC, 2018/70 - 1, pp. 159 - 185, p. 183.
315 En ce qui concerne la corruption active, en principe,
l'alinéa 1 de l'article 134 de la loi no 2016/007 du 12
juillet 2016 portant Code pénal dispose que : « Est puni d'un
emprisonnement de cinq (05) à dix (10) ans et d'une amende de deux cent
mille (200 000) à deux millions (2 000 000) de francs, tout
fonctionnaire ou agent public national, étranger ou international qui,
pour lui - même ou pour un tiers, sollicite, agrée ou
reçoit des offres, promesses, dons ou présents pour faire,
s'abstenir de faire ou ajourner un acte de sa fonction ».
316 En ce qui concerne la corruption passive, en principe,
l'alinéa 1 de l'article 134 - 1 de la loi no 2016/007 du 12
juillet 2016 portant Code pénal dispose à cet effet que : «
Quiconque, pour obtenir soit l'accomplissement, l'ajournement ou le refus
d'accomplissement d'un acte, soit des faveurs ou des avantages tels que
prévus à l'article 134 ci - dessus, fait des promesses, offres,
dons, présents ou cède à des sollicitation tendant
à la corruption, est puni des peines prévues à l'article
134 alinéa 1 ci - dessus, que la corruption ait ou non produit son effet
».
94
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
CONCLUSION DU CHAPITRE I
En conclusion, le contrôle de l'exécution du
budget des CTD au Cameroun est axé sur la vérification de la
régularité des dépenses et des recettes. Cette approche
vise à garantir la conformité des actions financières des
collectivités locales avec les lois et règlements en vigueur.
Cependant, pour renforcer l'efficacité du
contrôle de la régularité des opérations
budgétaires, il est impératif de mettre en place des
mécanismes de suivi et d'évaluation plus robuste, permettant une
analyse plus approfondie de la performance financière et l'impact des
dépenses sur le développement local. Le contrôle de la
régularité des opérations budgétaires est essentiel
pour assurer la bonne gestion des ressources publiques et maintenir la
confiance des citoyens dans leurs institutions locales. En cas de non -
conformité aux règles et règlementations en vigueur, des
sanctions de nature juridictionnelle ou non juridictionnelle peuvent être
appliquées aux agents fautifs des CTD.
Le contrôle de l'exécution du budget des CTD au
Cameroun n'est pas exclusivement axé sur la régularité des
opérations budgétaires. Celui - ci prend également en
compte le contrôle de performance.
95
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
CHAPITRE II : UN CONTRÔLE DE
PERFORMANCE
Relever le défi de la rationalisation de la gestion
publique317 implique de profondes mutations au niveau local, et
davantage la revue du système de contrôle des finances locales de
façon à le réorienter vers un nécessaire
contrôle de performance318. De ce fait, inhérent en
toute activité humaine, et encore plus en tout exercice d'un mandat
confié, « les contrôles doivent permettre de s'assurer du
respect des normes et de l'atteinte des objectifs »319.
C'est à ce stade que se trouve le sens du contrôle de
performance.
La question de la performance de l'action publique continue
à se poser avec acuité dans les stratégies de gouvernance
que ce soit sous la pression des idéologies ou sous celle des opinions
publiques, nationales ou internationales, de plus en plus
éduquées et attentives à l'usage fait de leurs
ressources320. En outre, l'exigence de la performance est aussi le
fait des bailleurs de fonds vis - à - vis de ceux qui reçoivent
des crédits dans le cadre du financement des programmes de
développement321. Il y a donc un mouvement
généralisé qui amène les administrations à
se préoccuper de rendre des comptes de l'usage des derniers publics, et
ce, bien au - delà de la question des montants dépensé, au
- delà même de la régularité de l'emploi des fonds,
pour prouver l'efficacité et l'utilité de la dépense
publique322.
En toute évidence, l'appropriation de cette exigence
managériale justifie la mesure de la performance budgétaire
(Section I) et la prise de mesures contre les décideurs
locaux du fait de la contre - performance budgétaire (Section
II).
317 À notre sens, cette ambition passe par la
maîtrise des dépenses de plus en plus croissantes face à
une
raréfaction des ressources publiques, et l'instauration
d'une bonne gouvernance financière avec la mise en place de bonnes
pratiques de gestion.
318 AKAKPO (Maxime), « Le contrôle de performance :
comment et avec qui ? », in MÉDÉ Nicaise., (dir.),
La
LOLF dans tous ses états, pp. 153 - 168,
cité par AKONO OLINGA André dans sa thèse de doctorat
319 Ibid.
320 AKONO OLINGA (André), op.cit., p. 323.
321 Ibid.
322 Art. 83, al. 2, de la loi no 2018/012 du 11
juillet 2018 portant régime financier de l'État et des autres
entités publiques.
96
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
SECTION I : LA MESURE DE LA PERFORMANCE BUDGETAIRE
La mesure de la performance budgétaire occupe une place
centrale dans la gestion financière moderne, offrant un cadre essentiel
pour évaluer, ajuster et optimiser l'utilisation des ressources
financières au sein des collectivités locales. Ce processus
complexe et stratégique dépasse largement la simple comparaison
des résultats réels par rapport aux prévisions
budgétaires ; il englobe une série de méthodologies
sophistiquées et d'indicateurs clés visant à fournir une
vue d'ensemble précise et dynamique de la santé financière
des collectivités territoriales décentralisées.
Quoi qu'il en soit, la mesure de la performance
budgétaire s'effectue par le contrôle des indicateurs de
performance (Paragraphe I), et par la densification des
procédés de contrôle de performance (Paragraphe
II).
Paragraphe I : Le contrôle des indicateurs de
performance
Le contrôle de performance de la gestion publique est
une option de vérification, qui milite en faveur de la consolidation de
la culture de reddition des comptes dans les administrations publiques.
Le contrôle de performance est une «
activité permettant de s'assurer de la réalisation des objectifs
avec efficacité, efficience et économie, sur la base
d'indicateurs prédéfinis, après mise en oeuvre des
stratégies, des programmes et des actions de l'administration avec
l'allocation conséquente des ressources publiques ».
Le contrôle des indicateurs de performance est
conditionné par le choix des objectifs (A) et
indicateurs (B).
A - La prédéfinition des objectifs
budgétaires des CTD
La gestion budgétaire par objectifs (GBO) est une
nouvelle approche de gestion du budget de l'État et même des
CTD323. Elle propose de gérer les ressources
financières et humaines de façon efficiente et efficace pour
réaliser des objectifs précis et apporter une plus grande
transparence dans l'exécution des politiques publiques324.
Elle s'articule autour d'un budget présenté sous forme
programmatique et d'une démarche de performance325.
323 « Comprendre la GBO - Gestion du Budget par Objectifs
», Disponible en ligne sur
https://www.gbo.tn/fr/comprendre-la-gbo,
Consulté lundi, 17 juin 2024 à 19h26 min.
324 Ibid.
325 Idem.
97
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
Le programme est la pierre angulaire de cette approche de
gestion du budget, « il traduit une politique publique
déterminée relevant d'une même mission et regroupe un
ensemble homogène de sous - programmes et d'activités contribuant
directement à la réalisation des objectifs de la politique
publique dudit programme »326.
La définition des objectifs budgétaires des CTD
est crucial dans la gestion financière et opérationnelle de ces
entités. Ces objectifs servent à orienter les efforts des CTD
vers l'atteinte des résultats escomptés, tout en assurant leur
alignement avec les objectifs globaux de ces entités infra -
étatiques327. Pour ce faire, le processus commence par une
analyse approfondie des besoins financiers spécifiques de chaque CTD,
incluant les prévisions de revenus, les coûts fixes et variables,
ainsi que les investissements requis pour soutenir les activités
opérationnelles.
La fixation des objectifs budgétaires se fait en
utilisant le cadre SMART (Spécifique, Mesurable, Atteignable,
Réaliste et Temporellement défini), ce qui permet de garantir que
les objectifs sont clairs et réalisables. Il est également
crucial d'impliquer les responsables des CTD et d'autres parties prenantes dans
ce processus pour assurer une compréhension commune et un engagement
envers les objectifs définis. Cette consultation favorise une meilleure
acceptation des objectifs et encourage une approche collaborative pour leur
réalisation.
L'utilisation de données historiques et d'analyses de
tendances est une pratique courante pour établir des prévisions
budgétaires réaliste et précises328. Cela
permet aux décideurs d'anticiper les besoins futurs et d'ajuster les
objectifs en conséquence. De plus, les objectifs budgétaires
doivent être suffisamment flexibles pour s'adapter aux changements
imprévus dans l'environnement externe et interne de la
collectivité329. Cela nécessite une révision
régulière des objectifs pour refléter les ajustements
nécessaires et maintenir la
pertinence des objectifs fixés. Une fois
définis, les objectifs budgétaires sont mis en oeuvre à
travers une communication claire et une allocation appropriée des
ressources nécessaires à leur réalisation. Le suivi
rigoureux des performances est assuré à l'aide d'indicateurs
clés de performance qui permettent d'évaluer
régulièrement les progrès vers
326 « Comprendre la GBO - Gestion du Budget par Objectifs
», Disponible en ligne sur
https://www.gbo.tn/fr/comprendre-la-gbo,
op.cit.
327 Ibid.
328 Idem.
329 Idem.
98
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
l'atteinte des objectifs. Les résultats obtenus sont
ensuite analysés pour identifier les écarts éventuels par
rapport aux objectifs et de prendre des mesures correctives si
nécessaire330.
Dans le cadre du contrôle des indicateurs de
performance, la prédéfinition des objectifs budgétaire des
CTD vaut autant que la prédéfinition des indicateurs de
performance.
B - La prédéfinition des indicateurs de
performance
La prédéfinition des indicateurs de performance
est une étape critique dans la planification stratégique des CTD,
visant à évaluer efficacement ses progrès et ses
résultats. Ce processus commence par une analyse des objectifs des CTD,
permettant ainsi de déterminer les domaines clés où la
performance doit être mesurée. Chaque indicateur de performance
doit être aligné avec les objectifs spécifiques, ce qui
nécessite une définition claire et précise de ce que l'on
souhaite mesurer. Les indicateurs doivent être pertinents, c'est-
à - dire qu'ils doivent véritablement refléter la
performance dans le domaine concerné et être significatifs pour
les décideurs et les parties prenantes impliquées.
En clair, un bon indicateur doit être pertinent, c'est -
à - dire, simple, compréhensible, produit annuellement à
un coût raisonnable, mesurable, fiable et
vérifiable331. C'est un outil d'évaluation et d'aide
à la décision grâce auquel, on va pouvoir mesurer une
situation ou une tendance de façon relativement objective, à un
instant donné, ou dans le temps et l'espace332. Cette
appréhension semble rencontrer l'adhésion de M. Raphaël
POLI. Il pense à juste titre, que : « un indicateur doit
être pertinent, synthétique ou sélectif, clair et
immédiatement interprétable, bien défini et disponible au
cours du temps à un coût compatible avec l'usage que l'on attend
de son usage »333.
La prédéfinition des indicateurs de performance
implique également une sélection judicieuse des données
à collecter et des méthodes de mesure à utiliser. Cela
inclut souvent l'établissement de benchmarks ou de
références pour évaluer la performance actuelle par
rapport à des normes ou à des objectifs
précédemment définis.
330 Idem.
331 AKONO OLINGA (André), op.cit., p. 325.
332 SOHINTO (David Mahouna), « Les indicateurs de
performance vus par un contrôle des finances publiques », in
MÉDÉ Nicaise., (dir.), La LOLF dans tous ses
états, pp. 243 - 254.
333 POLI (Raphaël), « Les indicateurs de performance de
la dépense publique », RFFP, no 82, 2003, pp.
107 - 114.
99
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
Une fois les indicateurs définis, il est essentiel
d'établir des mécanismes de collecte, de suivi et de rapport des
données de manière régulière et
systématique. Cela garantit que les informations pertinentes sont
disponibles pour évaluer la performance en temps réel et prendre
des décisions éclairées.
En fin, la prédéfinition des indicateurs de
performance est un processus itératif qui nécessite une
révision périodique pour s'assurer que les mesures
utilisées restent pertinentes et alignées sur les objectifs
organisationnels en constante évolution. Cela permet aux
collectivités locales de maintenir sa capacité à
répondre aux défis du marché et à saisir les
opportunités de croissance tout en assurant une performance optimale
à tous les niveaux.
À l'analyse, les indicateurs constituent la
représentation de mesures d'un certain nombre de réalités
comme : la quantité, la qualité, le temps, au - delà des
trois (03) « E »334. Sous ce rapport, les indicateurs de
performance participent des exigences de la logique de la gestion par la
performance335. Ainsi, il convient de rappeler que cette logique est
à l'origine de la réforme du cadre de la gestion publique en vue
de l'orienter vers les résultats et la recherche de l'efficacité.
Le budget des CTD passe ainsi d'un modèle structuré par nature
des moyens avec pour seul contrôle, la conformité avec les
autorisations de dépenses, à un modèle structuré
par les finalités des politiques publiques, contrôlé par
les résultats obtenus ou encore par l'effectivité336.
C'est ainsi que le cadre de gestion devient indiqué pour la mise en
oeuvre du contrôle de performance par la vérification de ses
indicateurs.
Outre le contrôle des indicateurs de performance de la
gestion publique, la mesure de la performance prend également en compte
la densification des procédés de contrôle de
performance.
Paragraphe II : La densification des
procédés de contrôle de performance337
La densification des procédés de contrôle
de performance représente une évolution cruciale dans la gestion
financière moderne. Ce processus complexe et essentiel vise à
optimiser la surveillance et la gestion des ressources financières au
sein des CTD quelle que soit leur taille ou leur secteur d'activité.
334 AKONO OLINGA (André), op.cit., p. 325.
335 Ibid.
336 EYEBIYI (H. G), GARBA (T), « Finances locales et LOLF :
La performance jusqu'au niveau décentralisé ? », in
MÉDÉ Nicaise, (dir.), La LOLF dans tous ses
états, pp. 203 - 234.
337 AKONO OLINGA (André), Ibid., p. 327.
100
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
En effet, face à un environnement économique de
plis en plus compétitif et volatil, les CTD doivent non seulement
assurer une gestion rigoureuse de leurs budgets mais aussi pouvoir anticiper et
réagir efficacement aux changements et aux défis financiers. Eu
égard à ces considérations, la densification des
procédés de contrôle de performance se justifie non
seulement par la survivance du contrôle de gestion (A),
mais aussi par l'émergence de l'évaluation des politiques
publiques (B).
A - La survivance du contrôle de
gestion338
S'il y a faute de gestion, alors la gestion a
été contrôlée, donc l'on peut parler de
contrôle de gestion dans la gestion budgétaire locale au
Cameroun339. C'est un contrôle qui permet s'intéresse
à la performance. À cet esprit, le contrôle de performance
est considéré comme « un système de pilotage mis
en oeuvre par un responsable de programme dans son champ d'attribution en vue
d'améliorer le rapport entre les moyens engagés et soit
l'activité développée, soit les résultats obtenus
dans le cadre déterminé par une démarche
stratégique préalable ayant fixé les orientations
»340. À l'analyse, cette définition est
celle qui nous est proposée par le rapport de WEISS341. En
France, elle a été retenue par la circulaire
interministérielle du 21 juin 2001 ayant pour objet, le
développement du contrôle de gestion dans les administrations
publiques. Le contrôle de gestion devient ainsi, « une
impérieuse obligation avec la démarche de performance
»342. Il a pour objectif : « d'analyser et de
mettre en évidence les sources potentielles d'amélioration de
l'efficacité de la gestion »343. Toute chose qui
semble être partagée à travers l'affirmation selon laquelle
: le contrôle de gestion « a pour but de comparer des
résultats par rapport aux objectifs donnés afin de corriger les
actions et de rapprocher les résultats des objectifs
»344.
En toute évidence, le contrôle de gestion est
exercé suivant des spécificités propres à chaque
organe qui l'exerce dans une administration, même locale fût -
elle. En clair, « il n'existe pas un modèle de contrôle
de gestion unique pour toutes les organisations, mais des
338 Idem.
339 Idem.
340 Cette définition est tirée du site officiel
du ministère du budget de France :
www.performance-publique.budget.gove.fr.
341 Il s'agit du rapport de travail produit par le groupe
« amélioration de la gestion publique », encore appelé
rapport WEISS d'octobre 2000.
342 MORDACQ (Frank), La LOLF : un nouveau cadre
budgétaire pour reformer l'État, Paris, Dalloz, 2006, p.
253.
343 Ibid., p. 254.
344 COURBET (Gérard), « Le contrôle de
gestion dans les collectivités territoriales », Politiques et
Management Public, no 3, Vol. 20, 2002, pp. 201 - 207.
101
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
modèles multiples de ce contrôle de gestion
qui doivent tenir compte des spécificités des administrations
pour lesquelles il est développé »345. En
outre, le contrôle de gestion est appelé à s'adapter aux
caractéristiques des missions, leurs objectifs et davantage le contexte
de son implémentation. Les éléments constitutifs du
contrôle de gestion sont donc : l'analyse des coûts, l'analyse
comparative, les techniques de planification, les outils budgétaires et
les indicateurs couplés aux tableaux de bord.
Le développement du contrôle de gestion est
fondamental, voire indispensable dans le cadre de la réforme de la
gestion publique. Le système de contrôle de gestion vise le
contrôle de la mise en oeuvre de la stratégie. Il est distinct du
contrôle opérationnel. Le contrôle opérationnel
s'appréhende alors comme « le contrôle indissociable des
opérations quotidiennes »346. Ce dernier, si son
objectif n'est pas de vérifier la réalisation de la
stratégie, il constitue néanmoins un préalable quelques
fois incontournable à la bonne tenue du contrôle de gestion, dans
la mesure où « il permet de créer les
éléments fondamentaux du système d'information qui vont
être utilisés pour alimenter les outils de contrôle
»347. Le contrôle de gestion dans le secteur public
apparaît aujourd'hui avec beaucoup de spécificités à
côté de son modèle originel. C'est un contrôle qui
doit intégrer les réalités selon lesquelles, d'abord, les
administrations contrôlées ne sont pas soumises à la
concurrence quoiqu'orientées à la logique de performance.
Ensuite, c'est un contrôle qui doit dorénavant s'appliquer aux
activités de service, différentes de celles industrielles sur
lesquelles le contrôle s'abattait déjà. Enfin, ce
contrôle doit s'adapter aux spécificités et missions
fondamentales des administrations publiques, notamment : les missions
régaliennes, les missions de service public et davantage la quête
de l'intérêt général.
Au regard des analyses qui précèdent, l'on peut
se donner la liberté d'affirmer, que « la performance et le
contrôle de gestion sont fortement liés »348.
Le contrôle de gestion agit comme un outil de pilotage de la performance.
La mesure cde cette dernière se base sur les
345 ZUGUETTA (Stéphane), Le contrôle de la
gestion dans les administrations de l'État. Éléments de
méthodologie, Paris, Jouve Imprimeur, 2003, p. 18.
346 Ibid., p. 22.
347 Idem.
348 ZAHED (Mahrez), La démarche de performance dans la
gestion locale, L'Harmattan, 2017, p. 108.
102
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
outils de la gestion, et ce pour une plus grande transparence
dans la gestion349, et donc on ne peut dissocier les
deux350.
En tout état de cause, l'intégration de la
performance dans la gestion budgétaire locale au Cameroun,
légitime la survivance du contrôle de gestion dans
l'administration publique en général, et son émergence
dans la sphère des services et non concurrentielle.
Hormis la survivance du contrôle de gestion,
l'émergence de l'évaluation des politiques publiques constitue
également un attribut du contrôle de performance.
B - L'émergence de l'évaluation des
politiques publiques351
L'exigence d'un contrôle de performance dans la gestion
budgétaire locale, a fait naître la pratique de l'audit et de
l'évaluation des politiques publiques au niveau local. Ainsi, «
évaluer une politique publique, c'est rechercher si les moyens
juridiques, administratifs, financiers mis en oeuvre permettent de produire les
effets attendus de cette politique et d'atteindre les objectifs qui lui ont
été fixés »352. En bonne logique, une
bonne évaluation est une opération spécifique,
menée dans le cadre d'une méthodologie précise
pilotée par des spécialistes suivant une période bien
déterminée. Elle se conclut par la production d'un rapport.
En effet, l'évaluation des politiques publiques
s'effectue par la réalisation des audits externes dans ce cadre. Elle
s'intéresse le plus souvent, en terme d'efficacité socio -
économique, aux impacts lointains des politiques impliquant plusieurs
acteurs dont les CTD, et sans se limiter aux actions financées sur
crédits budgétaires, alors que la mesure de la performance
s'attache à apprécier l'impact de l'action de l'État ou
des CTD. Une évaluation permet donc de guider ou réviser le choix
des objectifs d'efficacité socio - économiques à retenir
en vue de contribuer de manière efficace a1 un impact lointain
recherché. Elle permet également d'éclairer les
décideurs sur les choix des modalités de mise en oeuvre de
politiques susceptibles de les aider à atteindre les objectifs de
performance353. L'évaluation apparaît alors, comme
« l'activité de rassemblement, d'analyse et
d'interprétation de l'information concernant la mise en oeuvre et
l'impact de mesure visant à agir sur une situation sociale,
349 GUENOUN (Marcel), Le management de la performance
publique locale, Thèse de doctorat en Sciences de
gestion, Université Paul CEZANNE, 2009, p. 217.
350 Ibid.
351 AKONO OLINGA (André), op.cit., p. 329.
352 Décret du 22 janvier 1990 relatif à
l'évaluation des politiques publiques en France.
353 MORDACQ (Frank), La LOLF : un nouveau cadre
budgétaire pour reformer l'État, op.cit., p.
369.
103
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
ainsi que la préparation de mesures nouvelles
»354. Cette réalité n'est pas
étrangère dans la gouvernance locale en général, et
des collectivités locales en particulier. C'est justement à ce
niveau que l'on perçoit une montée en puissance de
l'évaluation des politiques publiques. Cette dernière
représente un champ particulier d'intervention, une démarche
nouvelle pour les collectivités locales et les acteurs propres au
secteur local. En effet, ce moyen d'action publique activement vulgarisé
par les thèses du New Public Management, « se distille
progressivement dans les discours politico - administratifs et s'instillent
doucement dans les pratiques au niveau territorial ».
De manière générale, le
développement de l'évaluation de politiques publiques au niveau
territorial, s'inscrit dans la logique de la décentralisation, qui
contribue sans doute à remettre en cause la tradition jacobine du
pouvoir hiérarchisé et vertical.
En toute évidence, la pratique de l'évaluation
dans la gouvernance locale au Cameroun est émergente355.
Cette caractéristique procède de la progressivité qui
demeure substantielle à toute réforme. Seulement, cet état
de chose ne constitue pas un obstacle à ce que, les évaluations
doivent permettre de porter un jugement sur les politiques publiques
développées, de s'interroger sur leur adaptation au contexte et
aux besoins, sur le niveau des moyens globaux à mettre en oeuvre, sur
les opérateurs et les leviers d'action les plus efficaces356.
Elle permet alors de redéfinir les objectifs stratégiques et les
ressources à mobiliser pour l'atteinte des objectifs fixés.
En dernière analyse, la standardisation de l'objet du
contrôle administratif participe à des mesures de rationalisation
de ce dernier au Cameroun. De ce fait, cette standardisation se manifeste non
moins par la consolidation du contrôle de régularité,
qu'à travers la construction d'un système de contrôle de
performance dans la gestion publique locale. Ce décor nous offre
l'efficacité et de l'efficience dans la gouvernance financière
locale357.
Cependant, une fois que les objectifs budgétaires
fixés ne sont pas atteint, des mesures peuvent être prises
à l'encontre des décideurs des CTD en vue d'une meilleure
gouvernance à venir.
354 LECA (Jean), « L'évaluation dans la
modernisation de l'État », Politiques et Management
Public, no 2, Vol. 11, 1993, pp. 161 - 172.
355 AKONO OLINGA (André), op.cit., p. 331.
356 Ibid.
357 Idem.
104
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
SECTION II : LA PRISE DE MESURES CONTRE LES DECIDEURS
LOCAUX DU FAIT DE LA CONTRE - PERFORMANCE BUDGETAIRE
La prise de mesures contre les décideurs locaux en
raison de contre - performances est un processus complexe visant à
assurer la responsabilité financière et la transparence dans la
gestion des collectivités territoriales. Les contre - performances
budgétaires se manifestent par des écarts significatifs entre les
prévisions budgétaires et les réalisations effectives,
peuvent entraîner des déséquilibres financiers graves,
mettant en péril les services publics et le développement
local.
Cependant, pour faire face à ces situations, plusieurs
mesures sont susceptibles d'être prises contre les décideurs
locaux. Mais, nous n'insisterons que sur deux à savoir : la prise de
mesures par les organes délibérants des CTD (Paragraphe
I), et la prise de mesures par les citoyens des CTD
(Paragraphe II).
Paragraphe I : La prise de mesures par les organes
délibérants des CTD
La prise de mesures contre les décideurs locaux par les
organes délibérants des CTD en cas de contre - performance
budgétaire est un processus essentiel pour garantir la bonne gestion des
finances publiques au niveau local. Les organes délibérants, tels
que les conseils municipaux et régionaux jouent un rôle central
dans ce mécanisme de contrôle. En tant qu'entités
responsables de l'adoption et de la surveillance des budgets, ils
possèdent plusieurs leviers pour intervenir en cas de dérives
budgétaires.
Ces interventions incluent la réduction des futurs
budgets des CTD (A), et la non - reconduction des candidatures
des décideurs locaux défaillants (B).
A - La réduction des futurs budgets des
CTD
La réduction des futurs budgets des CTD par les organes
délibérants est un sujet complexe, influencé par divers
facteurs économiques, politiques sociaux. Les CTD, entités
clés dans la gouvernance locale, dépendent fortement des
transferts de l'État et de leurs propres ressources fiscales pour
financer les services publics essentiels.
105
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
Cependant, plusieurs raisons conduisent à la
réduction de ces budgets à savoir : la non- atteinte des
objectifs budgétaires fixés358, la constatation des
irrégularités359, etc.
La réduction de futurs budgets comme mesure par les
organes délibérants, est une mesure potentiellement efficace pour
promouvoir la gouvernance et la gestion responsable des ressources publiques au
sein des CTD360. Les organes délibérants,
possèdent le pouvoir de décider des allocations
budgétaires361 en fonction des critères de performance
et de conformité. Lorsqu'une CTD ne respecte pas les règles de
bonne gouvernance, telles que la transparence financière,
l'efficacité dans l'utilisation des fonds, ou lorsqu'elle est
impliquée dans des scandales de corruption, ces organes peuvent
décider de réduire ses futurs budgets comme forme de sanction.
Cette décision est souvent motivée par la nécessité
de garantir que les fonds publics sont utilisés de manière
appropriée et de dissuader les comportements
inappropriés362.
Hormis la réduction des budgets futurs en cas de non
atteinte des objectifs fixés, l'organe délibérant peut
également ne plus reconduire le mandat des élus locaux qui se
sont montrés défaillants dans le cadre de leurs missions
budgétaires.
B - La non - reconduction des candidatures des
décideurs locaux défaillants
La non - reconduction des candidatures des décideurs
locaux défaillants en matière budgétaire par les organes
délibérants est une mesure visant à renforcer la
responsabilité et la transparence des élus locaux en
matière de gestion des finances publiques locales. Cette approche se
fonde sur l'idée que les élus ayant failli à leurs
responsabilités budgétaires ne devraient pas être
reconduits dans leurs fonctions afin de protéger les
intérêts des citoyens et d'assurer une gestion rigoureuse et
efficace des ressources publiques.
Les décideurs locaux jouent un rôle crucial dans
l'allocation des ressources financières de leurs collectivités.
Ils sont responsables de la préparation et de l'exécution des
budgets locaux, de la gestion des dépenses et des recettes, ainsi que de
la surveillance des projets de
358 La non - atteinte des objectifs fixés peut inciter
l'organe délibérant à ne plus reconduire le mandat de
l'élu local qui s'est montré défaillant dans le cadre de
l'exécution du budget.
359 Tel est également le cas des
irrégularités constatées par l'organe
délibérant.
360 La réduction des futurs budgets est une mesure
potentiellement efficace, qui permet de promouvoir la bonne gouvernance et la
bonne gestion des ressources publiques au niveau local.
361 L'on comprend qu'avec la DOB, l'organe
délibérant est un maillon important de la procédure de
l'élaboration du budget local en fonction des critères de
performance et de conformité.
362 Le fait pour l'organe délibérant de
réduire les futurs budgets permet de dissuader les comportements
inappropriés afin de garantir une utilisation appropriée des
fonds publics.
106
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
développement. Lorsqu'ils échouent dans ces
responsabilités, les conséquences peuvent être graves,
entraînant des déficits budgétaires, une augmentation de la
dette publique locale, et une diminution de la qualité des services
publics offerts aux citoyens.
La non - reconduction des mandats constitue donc une sanction
politique visant à éviter la perpétuation des pratiques
budgétaires inadéquates363. Elle envoie un message
clair aux autres élus locaux quant à l'importance de la rigueur
financière et de la transparence. Cette mesure est
généralement prise par les organes délibérants,
tels que les conseils municipaux et régionaux, qui ont le pouvoir de
valider ou de rejeter les candidatures pour les élections locales.
En outre, cette approche peut avoir un effet dissuasif,
incitant les décideurs locaux à adopter des pratiques
budgétaires plus prudentes et transparentes pour éviter
d'être écartés de la vie politique. La crainte de ne pas
être réélu peut encourager une gestion plus responsable, un
meilleur contrôle des dépenses publiques, et une plus grande
attention à l'équilibre budgétaire364. Cela
peut également renforcer la confiance des citoyens de leurs élus,
sachant que ceux - ci seront tenus responsables de leurs actions
financières.
Cependant, la mise en oeuvre de cette mesure nécessite
une évaluation rigoureuse et impartiale des performances
budgétaires des élus365. Il est essentiel
d'établir des critères clairs et objectifs pour déterminer
les défaillances budgétaires afin d'éviter toute
politisation ou instrumentalisation de ce processus. Des mécanismes de
contrôle et de vérifications indépendants peuvent
être mis en place pour garantir l'objectivité de
l'évaluation.
Une fois que les objectifs budgétaires ne sont pas
atteints, des mesures peuvent également être prises par les
citoyens pour exprimer leur mécontentement.
Paragraphe II : La prise de mesures par les citoyens
des CTD
La prise de mesures par les citoyens des collectivités
territoriales décentralisées est une réponse directe aux
défis et aux besoins spécifiques rencontrés au niveau
local. Ces
363 La non - reconduction des mandats est une sanction
politique qui permet à l'organe délibérant de
protéger les intérêts de la collectivité afin de
fournir un meilleur service public aux citoyens. C'est dans cette perspective
que l'alinéa 2 de l'article 14 du CGCTD dispose que : « Il peut
toutefois, en début d'exercice budgétaire, mandater le chef de
l'Exécutif à l'effet de défendre les intérêts
des Collectivités Territoriales concernées en toute
matière ».
364 La non - reconduction des mandats constitue une mesure
dissuasive permettant d'assurer la bonne gestion des ressources publiques et la
bonne gouvernance au niveau local.
365 L'organe délibérant doit évaluer
impartialement les performances budgétaires des élus locaux afin
de garantir la transparence dans l'utilisation des ressources publiques.
107
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
mesures peuvent revêtir plusieurs formes et visent
généralement à améliorer la gouvernance, à
renforcer la transparence et à promouvoir le développement
durable.
Les citoyens des CTD peuvent ainsi, prendre des mesures contre
les acteurs d'exécution et de contrôle budgétaire qui se
montrent défaillants aux objectifs fixés dans le cadre du vote du
budget. Ces mesures sont entre autres les manifestations pacifiques
(A) et le non - renouvellement des mandats des élus
locaux défaillants en matière budgétaire
(B).
A - Les manifestations pacifiques
Les manifestations pacifiques des citoyens des
collectivités territoriales décentralisées en raison de la
contre - performance budgétaire locale expriment souvent le
mécontentement face à la gestion financière
inadéquate ou aux décisions politiques qui affectent leur
qualité de vie. Ces manifestations visent généralement
à attirer l'attention sur les besoins non satisfaits, à demander
des comptes aux responsables politiques locaux et à encourager des
réformes pour améliorer la transparence et l'efficacité de
la gestion des fonds publics au niveau local.
L'implication du citoyen dans le contrôle des finances
publiques peut, à n'en point douter, booster la
gouvernance366. En effet, bien que n'ayant pas de pouvoir de
sanctions au sens pénal ou administratif du terme, les citoyens ont la
possibilité d'attirer l'attention des autorités administratives,
ou judiciaires sur les dérives éventuelles
constatées367. Ces dernières peuvent alors prendre
leurs responsabilités qui d'ailleurs se manifestent sous
différentes formes : pour les autorités administratives, il
s'agit d'une prise de sanctions disciplinaires si tant est que les faits sont
avérés368; pour les autorités judiciaires,
l'ouverture d'une information judiciaire et éventuellement, le
prononcé de sanctions conformément à la
loi369.
Les manifestations pacifiques constituent des réponses
à la contre -performance budgétaire des élus locaux
mettant en lumière plusieurs aspects clés. Les citoyens
protestent souvent contre une mauvaise gestion financière, incluant des
dépenses non justifiées, une mauvaise allocation des ressources,
et un manque de transparence dans l'utilisation des fonds publics. Ils peuvent
également manifester en raison de la mauvaise qualité des
services
366 MANSARE (Augustin), « L'émergence d'un
contrôle citoyen des finances publiques en Afrique francophone »,
Note d'Analyse Politique, no 87, Avril 2020, pp. 1 - 7., p.
6.
367 Ibid.
368 Idem.
369 Idem.
108
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
publics. Lorsque ces irrégularités sont
avérées, les citoyens peuvent décider de ne plus
reconduire les mandats des élus locaux défaillants en
matière budgétaire.
B - Le non renouvellement des mandats des élus
locaux défaillants en matière
budgétaire
Le non - renouvellement des mandats des chefs des
exécutifs locaux défaillants en matière budgétaire
peut être une mesure de responsabilité importante. Cela signifie
que les dirigeants locaux qui ne parviennent pas à gérer
efficacement les finances publiques pourraient être remplacés
à la fin de leur mandat, d'autant plus que, « la fonction de
contrôle des finances publiques est devenue un des standards du droit et
de la gestion des finances publiques dans le monde »370.
Si le contrôle effectué par les organes de l'État, qu'ils
soient administratifs, politiques ou juridictionnels, est ancré dans la
pratique institutionnelle, le contrôle citoyen, quant à lui, est
relativement nouveau.
Ce contrôle émanant de la culture
démocratique qui a investi en Afrique le domaine public, donne au
citoyen toute la légitimité pour veiller à l'utilisation
du budget de l'État dont il est le contribuable371. Les
origines de ce contrôle sont lointaines et peuvent être
trouvées dans la déclaration française des droits de
l'homme et du citoyen de 1789372.
En Afrique francophone, à l'instar des pays occidentaux
et dans une certaine mesure des pays africains non francophones, on assiste
à une implication croissante des citoyens dans la gestion de la chose
publique373. Si par le passé, le citoyen semblait
détaché et désintéressé de la chose
publique, motivé par la pensée que tout ce qui est public n'est
à personne - aujourd'hui, cette perception a largement changé et
tend à être supplantée par un regard bienveillant, voire
exigeant sur la res publica374. Ainsi, les pouvoirs publics
sont-ils tenus d'ouvrir leur gouvernance à l'oeil citoyen.
En finances publiques locales, c'est plutôt le concept
de contrôle citoyen de l'action publique (CCAP) qui est utilisé.
Celui-ci « renvoie au processus qui vise à renforcer la
performance des collectivités locales à travers un engagement
civique et une participation
370 MÉDÉ (Nicaise), op.cit., p. 323.
371 MANSARE (Augustin), « L'émergence d'un
contrôle citoyen des finances publiques en Afrique francophone »,
op.cit., p. 2.
372 En effet, l'article 15 de la déclaration
française des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que :
« la société a le droit de demander compte à tout
agent public de son administration ».
373 MANSARE (Augustin), ibid., p. 2.
374 Idem.
109
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
active des citoyens afin d'instaurer une culture de la
transparence et de l'inclusion et d'amener les élus et les organes de
gestion des collectivités locales à rendre compte de leurs
décisions »375. Le citoyen est ainsi mis en
capacité de comparer les autorisations budgétaires
accordées par le parlement avec les réalisations des CTD, en vue
d'apprécier par lui-même, les écarts éventuels, les
imperfections, voire les dérives qui pourraient en
résulter376.
Ce mécanisme assure au citoyen un suivi plus clair de
l'action publique et lui donne la possibilité d'appliquer des sanctions
à l'égard des autorités si ces dernières se
montraient défaillantes dans l'accomplissement de leur
mission377. Les sanctions dont il est question ici ne peuvent
qu'être envisagées dans le cadre d'un régime
démocratique où les citoyens, à travers des
élections libres et transparentes, peuvent décider de ne pas
reconduire leurs élus (élus locaux) au pouvoir pour cause
d'insuffisance de résultats378. Cependant,
l'analphabétisme en Afrique francophone reste une barrière
à la participation active des citoyens dans le processus politique, car
ce facteur conditionne la capacité du citoyen - électeur à
congédier ceux de ces représentants qui ne répondraient
pas à leurs engagements et leur devoir379.
375
https://www.iedafrique.org/la-fiche-d-evaluation-par-la.html,
cité par MANSARE Augustin.
376 MANSARE (Augustin), ibid., p. 3.
377 Idem.
378 MANSARE (Augustin), « L'émergence d'un
contrôle citoyen des finances publiques en Afrique francophone »,
op.cit., p. 3.
379 Ibid.
110
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
CONCLUSION DU CHAPITRE II
Le contrôle de performance dont il était question
dans ce chapitre revêt une importance cruciale pour assurer une gestion
financière efficace et transparente dans les CTD. Ce processus vise
à garantir que les ressources publiques sont utilisées de
manière optimale pour répondre aux besoins des citoyens et
promouvoir le développement local durable. À travers des
mécanismes tels que les audits réguliers, le reporting financier
détaillé et l'évaluation de la performance, les
autorités locales peuvent surveiller l'exécution
budgétaire, détecter les irrégularités et
améliorer la responsabilité des gestionnaires publics.
La performance possède autant de facettes qu'il y a
d'observateurs d'une CTD et de rationalités présentes dans ladite
CTD. On peut ainsi identifier une performance financière, mais aussi
sociale, environnementale, opérationnelle, etc. De ce fait, la
performance ne peut être définie d'un seul point de vue
(opérationnel, social, financier, etc.), mais comme un dosage de toutes
ces dimensions. La difficulté majeure tient au fait que les champs de la
performance ne se recoupent pas forcément et qu'il peut même y
avoir des antagonismes entre ces différentes facettes.
111
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE
Au terme de cette seconde partie de notre devoir qui, portait
sur un contrôle matériellement aménagé, le
contrôle de l'exécution du budget des CTD au Cameroun
présente à la fois des avantages substantiels et des défis
significatifs. Ce type de contrôle favorise la transparence et la
responsabilité dans la gestion des finances publiques locales, en
permettant une vérification détaillée des dépenses
et des recettes. De plus, il offre la possibilité de détecter
précocement des irrégularités financières, ce qui
est essentiel pour prévenir la corruption, les détournements de
derniers publics, la concussion, bref, la mauvaise gestion financière au
niveau local.
Cependant, les défis persistent, notamment en termes de
ressources humaines et
financières limitées pour assurer un
contrôle uniforme et efficace au niveau local. Le contrôle
matériellement aménagé du budget des CTD au Cameroun doit
être ancré dans le respect rigoureux des principes et
règles en vigueur pour assurer une gestion financière
transparente, responsable et équitable. Cela nécessitera des
efforts concertés pour surmonter les défis existants et pour
promouvoir une gouvernance financière durable et efficace,
répondant ainsi aux attentes des citoyens au niveau local. On peut
retenir d'une manière générale que la finalité du
contrôle de l'exécution du budget des CTD au Cameroun se
caractérise d'une part, par la régularité380,
et d'autre part, on assiste à l'introduction de la
performance381.
380 HASSANA (Barnabas), « L'évolution des
finalités du contrôle de la dépense publique au regard des
nouvelles
réformes de finances publiques camerounaises »,
op.cit., p. 1238.
381 Ibid.
CONCLUSION GÉNÉRALE
112
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
113
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
La gestion et le contrôle de l'exécution du
budget des collectivités territoriales décentralisées au
Cameroun représente un défi majeur dans le cadre de la
décentralisation administrative et financière. Ce travail explore
en profondeur les mécanismes et les effets du contrôle de
l'exécution du budget des CTD.
La décentralisation budgétaire est essentielle
pour renforcer la gouvernance locale et promouvoir la démocratie
participative. Au Cameroun, elle vise à autonomiser les CTD en leur
donnant la responsabilité de gérer leurs propres affaires,
notamment à travers la planification, l'élaboration et
l'exécution de leurs budgets. Cette approche est
considérée comme un levier potentiel pour stimuler le
développement local en permettant une meilleure adaptation des
politiques publiques aux réalités locales.
Autrement dit, la décentralisation est un mode
d'organisation de l'État et de partage de pouvoir dans l'État qui
implique autant une nouvelle conception, qu'une configuration
rénovée du système financier justifiée par le
développement des finances locales382. De ce fait, les
finances locales sont aujourd'hui traversées par la philosophie de la
nouvelle gouvernance financière publique383. Elle constitue
une réalité dans le système financier camerounais en
général, et dans le régime financier des CTD en
particulier384. Elle constitue une véritable
révolution financière par l'introduction d'une logique de
performance dans la gestion des finances publiques non seulement de
l'État, mais aussi et surtout des collectivités infra -
étatiques comme les CTD385. L'objectif de la nouvelle
gouvernance financière publique était de faire passer la
philosophie managériale logique de moyens à une logique de
résultats386. L'exécution du budget des CTD est
encadrée par plusieurs mécanismes de contrôle. Sur le plan
juridique, les lois et règlements définissent les
procédures à suivre tout au long du cycle budgétaire,
depuis la préparation jusqu'au contrôle postérieur. Le
contrôle interne joue un rôle éminemment important en
établissant des systèmes et des procédures pour assurer la
transparence, la régularité et la conformité des
opérations financières. Parallèlement, le contrôle
externe est assuré par la juridiction financière
spécialisée telle que la Chambre des comptes de la Cour
suprême, chargée de vérifier la régularité
des comptes et la légalité des dépenses.
382 AKONO OLINGA (André), op.cit., p. 382.
383 Ibid.
384 Idem.
385 Idem.
386 Idem.
114
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
Malgré les efforts déployés, plusieurs
défis persistent dans la gestion et le contrôle de
l'exécution du budget des collectivités territoriales
décentralisées au Cameroun. Les capacités administratives
limitées au niveau local entravent souvent une gestion financière
efficace, tandis que la complexité des procédures et la lourdeur
administrative peuvent ralentir la mise en oeuvre des projets locaux. De plus,
la dépendance financière des CTD vis - à - vis du pouvoir
central limite leur autonomie et leur capacité à répondre
aux besoins locaux de manière proactive. En outre, la persistance de la
corruption et des pratiques opaques, compromettent la bonne utilisation des
ressources publiques et sapent la confiance des citoyens au sein des
collectivités locales.
Cependant, pour améliorer la gestion et le
contrôle de l'exécution du budget des CTD au Cameroun, plusieurs
perspectives clés doivent être explorées. Il est crucial de
renforcer les capacités administratives locales par le biais de
formations continues et du développement des compétences. La
promotion de la transparence et de la reddition des comptes est essentielle,
impliquant la publication régulière des informations
budgétaires et l'adoption de mécanismes de contrôle
robustes. Il est également nécessaire de renforcer les organes de
contrôle externe pour assurer une supervision efficace et impartiale. En
parallèle, la promotion d'une véritable décentralisation
fiscale et le renforcement des ressources propres des collectivités
locales sont indispensables pour accroître leur autonomie
financière.
Les principes de la libre administration, d'autonomie locale
et de la personnalité juridique réaffirmés dans le CGCTD,
démontrent bien la volonté des pouvoirs publics à
maintenir les Régions et les Communes au centre de leur propre gestion.
Cependant, elles exercent leurs activités dans le respect de
l'unité nationale, de l'intégrité du territoire et de la
primauté de l'État387. Les ressources propres des
Régions et des Communes et celles qui sont transférées par
l'État constituent des derniers publics, dont la gestion doit
obéir aux procédures et mécanismes officiels en vigueur et
est soumise aux contrôles de tutelle et des institutions
spécialisée.
Même si nous l'avons pas évoqué,
l'autorité de tutelle joue un rôle très important dans le
registre du contrôle administratif du budget des CTD. D'une
manière générale, les actes et les
délibérations des collectivités territoriales sont en
principe soumises à l'approbation du
387 Tel est le sens de l'article 2, alinéa 2 de la loi
du 24 décembre 2019 portant CGCTD qui dispose que les Régions et
les Communes sont les CTD de la République, « Elles exercent
leurs activités dans le respect de l'unité nationale, de
l'intégrité du territoire et de la primauté de
l'État ».
115
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
représentant de l'État388.
L'approbation est un procédé de tutelle qui s'exerce sur les
délibérations et les décisions des collectivités
territoriales389. Selon ce procédé, « l'acte
pris par l'autorité « sous tutelle » ne peut
entrer en vigueur tant que n'est pas survenue l'approbation qui, selon les
textes, peut être expresse - l'autorité de tutelle manifeste
clairement sa volonté d'approuver le texte (ou de le
désapprouver) - ou tacite - le silence de l'autorité de tutelle,
pendant un délai dont la durée peut varier, vaut approbation
»390.
En finances publiques locales, le pouvoir d'approuver le
budget voté par l'organe délibérant est reconnu au
représentant de l'État. L'article 426 du CGCTD dispose à
cet effet que « le budget de la Collectivité Territoriale est
approuvé par arrêté du représentant de l'État
dans un délai de quinze (15) jours suivant la date de sa
réception par celle-ci. Passé ce délai, le budget est
réputé approuvé ». Il s'agit du Préfet en
ce qui concerne les budgets des communes, et du Gouverneur en ce qui concerne
les budgets des régions. L'article 76 du même texte précise
que cette autorisation est préalable. Toute chose qui atteste que les
budgets locaux ne peuvent être exécutés sans l'approbation
du représentant de l'État. Ces dispositions renforcent le pouvoir
de la tutelle dans le processus budgétaire local391. Il se
pose en effet un problème de légitimité392. En
effet, comment un représentant de l'État, de surcroit
nommé détient le pouvoir de suspendre un organe élu
?393 Ce pouvoir reconnu au représentant de l'État est
en contradiction avec les exigences de la démocratie394. Bien
plus, le représentant de l'État qui approuve le budget, peut le
modifier « d'office ». Cette modification intervient lorsque le
budget voté n'est pas conforme à la législation. Dans, ce
cas, le représentant de l'État adresse une mise en demeure
à l'organe délibérant. Au cas où ce dernier ne
réagit pas, le budget est modifié d'office395.
La loi consacre ainsi une autre forme de tutelle qu'est le
pouvoir de substitution d'action396. La substitution d'action est
définie par le Dictionnaire de droit administratif
388 BIPELE KEMFOUEDIO (Jacques), « La tutelle
administrative dans le nouveau droit camerounais de la décentralisation
», ASFJP/Uds, Tome 9, 2005, pp. 83 - 110.
389 MONGBAT (Alassa), DJODA (Jean - Marc), « Recherche
sur le pouvoir budgétaire des collectivités territoriales
décentralisées en droit public financier camerounais »,
op.cit., p. 2210.
390 VANG LANG (Agathe), GONDOUIN (Geneviève), INSERGUET
- BRISSET (Véronique), Dictionnaire de droit administratif,
Paris, Sirey (7e éd.), 2015, 515 p., pp. 38 - 39.
391 MONGBAT (Alassa), DJODA (Jean - Marc), ibid., p.
2211.
392 Idem.
393 Idem.
394 Idem.
395 Art. 422 (1) de la loi du 24 décembre 2019 portant
CGCDT.
396 PLESSIX (Benoît), « Le pouvoir de substitution
d'action », in COMBEAU (Pascal) (dir.), Les contrôles
de l'État sur les collectivités territoriales aujourd'hui,
Paris, L'Harmattan, 2007, pp. 67 - 88 ; du même auteur :
116
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
comme « un procédé très
rigoureux permettant notamment à une autorité de tutelle de
prendre une décision à la place de l'autorité
décentralisée »397. Ce pouvoir de
modification du budget reconnu au représentant de l'État
constitue une véritable arme redoutable lui permettant de défaire
le budget selon ses intérêts personnels398. Pouvant se
substituer à l'organe délibérant, le représentant
de l'État serait tenté de modifier les budgets dans lesquels il
n'y trouve aucun intérêt399. Ainsi, la tutelle dans le
droit budgétaire des CTD constitue une atteinte à la
liberté locale et s'apparente à une sorte de « fonction
maudite »400.
En réalité, le pouvoir d'approbation du budget
reconnu au représentant de l'État limite les pouvoirs de l'organe
délibérant en matière budgétaire. En
conséquence, les sessions budgétaires sont devenues des sessions
de fête pour les conseillers. Ils y vont tout simplement pour approuver
le projet de budget auquel ils n'ont pas participé à
l'élaboration et percevoir leurs perdiems401.
En fin de compte, l'approbation apparaît ainsi comme un
autre mécanisme de contrôle qu'exerce la tutelle sur les
collectivités en matière budgétaire. L'autorité de
tutelle vérifie notamment le respect des ratios fixés aux termes
de l'article 38 de la loi no 2009/011 du 10 juillet 2009, portant
fiscalité locale. Il faut ajouter que le pouvoir d'approbation du budget
des collectivités locales par l'autorité de tutelle, est
également un contrôle de performance, car l'autorité de
tutelle a également vocation à vérifier la
cohérence des programmes de la collectivité locale avec les
politiques publiques nationales.
« Une prérogative de puissance publique
méconnue : le pouvoir de substitution d'action », RDP,
no 119, 2003, pp. 579 - 629.
397 VANG LANG (Agathe), GONDOUIN (Geneviève), INSERGUET -
BRISSET (Véronique), op.cit., p. 456.
398 MONGBAT (Alassa), DJODA (Jean - Marc), op.cit., p.
2211.
399 Ibid.
400 RUFFAT (Jocelyne), « La tutelle, une fonction maudite
», Politiques et Management Public, no 1, Vol. 7,
1989, pp. 113 - 146.
401 KANKEU (Joseph), « L'autonomie des
collectivités territoriales décentralisées : quelle
autonomie », Juridis Périodique, no 85, 2011,
pp. 90 - 99., p. 97.
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Le contrôle de l'exécution du budget des
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> PRAT (Michel), CHAIGNAU - PEYROUX (Sylvie), « La
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no 87, Septembre 2004, pp. 219 - 230.
> ROUX (André), « Le principe constitutionnel
de la libre administration des collectivités territoriales »,
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> RUFFAT (Jocelyne), « La tutelle, une fonction
maudite », Politiques et Management Public, no 1, Vol.
7, 1989, pp. 113 - 146.
> SOHINTO (David Mahouna), « Les indicateurs de
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> TAKAM (Dieudonné), « Le Tribunal criminel
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> TCHATCHOUA NYA (Magloire), NJIKE NGOMESSE
(Désirée), KETCHANKEU (Pierre), « Perception des enjeux du
contrôle de gestion dans les municipalités au Cameroun : une
approche par le cadre théorique de l'acteur stratégique ? »,
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l'exécution des budgets des établissements publics
spéciaux au Cameroun : Le cas de la CNPS et de la CAA »,
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123
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
> YAMTCHEU KAYE (Estelle Audrey), « Le régime
financier des collectivités territoriales décentralisées
à statut spécial au Cameroun », RAFP, no
2 (10), pp. 1 - 22.
> YATTA (François Paul), « La gestion des
finances locales en Afrique : Convergence et Divergence des systèmes
», RAFL, éd. 2014, pp. 2 - 35.
IV. LEXIQUES ET DICTIONNAIRES
1- Dictionnaires littéraires
> Dictionnaire Universel, Hachette (4e
éd.), 1507 p.
> Dictionnaire de Français Larousse, 455 p.
2- Lexiques et dictionnaires juridiques
> AVRIL (Pierre), GICQUEL (Jean), Lexique de droit
constitutionnel, PUF (4e éd.), 155 p. > CORNU
(Gérard), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant,
PUF, (8e éd.), 2007, 986 p.
> GUINCHARD (Serge), DEBARD (Thierry), Lexique des
termes juridiques, Paris Dalloz (25e éd.), 2017 - 2018,
1200 p.
> PHILIP (Loïc), Dictionnaire
encyclopédique de Finances publiques, Economica, 1991, 2 Tomes,
1700 p.
> RUDELLE (Christian), Dictionnaire des termes
juridiques, Édimages, 1992, 221 p.
> SILEM (Ahmed), ALBERTINI (Jean-Marie), Lexique
d'économique, Dalloz, (11e éd.), 2010, 855 p.
> VANG LANG (Agathe), GONDOUIN (Geneviève),
INSERGUET - BRISSET (Véronique), Dictionnaire de droit
administratif, Paris, Sirey (7e éd.), 2015, 515 p.
IV. TEXTES JURIDIQUES
> Constitution camerounaise du 18 janvier 1996
> Loi no 2003/005 du 21 avril 2003 fixant les
attributions, l'organisation et le fonctionnement de la Chambre des Comptes de
la Cour Suprême
> Loi no 2004/017 du 22 juillet 2004 portant loi
d'Orientation de la décentralisation
> Loi no 2006/017 du 29 décembre 2006
fixant l'organisation, les attributions et le fonctionnement des tribunaux
régionaux des comptes
124
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
> Loi no 2009/011 du 10 juillet 2009 portant
régime financier des collectivités territoriales
décentralisées
> Loi no 2011/028 du 14 décembre 2011
portant création d'un Tribunal Criminel Spécial
> Loi no 2012/001 du 19 avril 2012 portant Code
électoral modifiée et complétée par la loi no
2012/017 du 21 décembre 2012
> Loi no 2006/016 du 29 décembre 2016
fixant l'organisation et le fonctionnement de la Cour suprême
> Loi no 2016/007 du 12 juillet 2016 portant
Code pénal
> Loi no 2018/011 du 11 juillet 2018 portant
Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances
publiques au Cameroun
> Loi no 2018/012 du 11 juillet 2018 portant
régime financier de l'État et des autres entités
publiques
> Loi no 2019/024 du 24 décembre 2019
portant Code général des collectivités territoriales
décentralisées au Cameroun
> Décret no 97/049 du 5 mars 1997 portant
organisation et fonctionnement du Conseil de Discipline Budgétaire et
Financière
> Décret no 2013/287 du 04 septembre 2013
portant organisation des services du Contrôle supérieur de
l'État
> Décret no 2020/375 du 7 juillet 2020
portant règlement général de la comptabilité
publique > Décret no 2023/475 du 7 novembre 2023
précisant certaines attributions et fixant les
avantages des comptables publics placés auprès
des Collectivités Territoriales
Décentralisées
125
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
TABLE DES MATIÈRES
AVERTISSEMENT I
DÉDICACE II
REMERCIEMENTS III
SIGLES, ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS IV
RÉSUMÉ VI
ABSTRACT VII
SOMMAIRE VIII
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
PREMIÈRE PARTIE : UN CONTRÔLE FORMELLEMENT
STRUCTURÉ 30
CHAPITRE I : UN CADRE INSTITUTIONNEL NON
JURIDICTIONNEL
OPÉRATIONNEL 32 SECTION I : UN
CONTROLE PRIORITAIREMENT CONFIE AUX ORGANES
EXTERNES AUX CTD 32 Paragraphe I : Le contrôle
diligenté par les agents de contrôle de l'exécution du
budget
des CTD 32
A- L'ordonnateur 33
B- Le comptable public 35
Paragraphe II : Le contrôle opéré par les
organes délibérants 38
A- Les organes délibérants directement
désignés par le peuple 38
B - Les organes délibérants indirectement
désignés par le peuple 39
SECTION II : UN CONTROLE ACCESSOIREMENT CONFIE AUX
ORGANES
EXTERNES AUX CTD 41 Paragraphe I : Le contrôle
diligenté par les organes dépendant de la Présidence de
la
République 41
A- Le contrôle amorcé par les services du
ministère délégué à la Présidence de
la
République chargé du contrôle
supérieur de l'État 41
B- Le contrôle poursuivi par le Conseil de Discipline
Budgétaire et Financière 43
Paragraphe II : Le contrôle effectué par le
contrôleur financier 45
A - Le statut du contrôleur financier 45
B - Les missions du contrôleur financier 46
126
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
CONCLUSION DU CHAPITRE I 49
CHAPITRE II : UN CADRE INSTITUTIONNEL JURIDICTIONNEL
INACHEVÉ 50
SECTION I : L'EFFECTIVITE DES JURIDICTIONS DE DROIT COMMUN 50
Paragraphe I : Les juridictions inférieures 51
A- Les juridictions de premier degré 51
B- Le Tribunal criminel spécial 53
Paragraphe II : Les juridictions supérieures de
contrôle 55
A - La Cour d'appel 55
B - La Cour suprême 56
SECTION II : L'EFFECTIVITE PARTIELLE DES JURIDICTIONS FINANCIERES
58
Paragraphe I : L'absence des juridictions financières
spécialisées 58
A - L'absence des tribunaux régionaux des comptes 58
B - L'absence de la Cour des comptes 60
Paragraphe II : L'existence d'une juridiction de substitution :
la Chambre des comptes de
la Cour suprême 66
A - L'organisation de la Chambre des comptes de la Cour
suprême 67
B - Les attributions de la Chambre des comptes de la Cour
suprême 68
CONCLUSION DU CHAPITRE II 70
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE 71
SECONDE PARTIE : UN CONTRÔLE MATÉRIELLEMENT
AMÉNAGÉ 72
CHAPITRE I : UN CONTRÔLE DE LA
RÉGULARITÉ 74
SECTION I : LES DIMENSIONS DE LA REGULARITE 74
Paragraphe I : La conformité 75
A- La conformité formelle 75
B- La conformité matérielle 77
Paragraphe II : La règle du service fait 80
A - La consistance de la règle du service fait 80
B- Les exceptions à la règle du service fait 82
SECTION II : L'ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITE DES
AGENTS PUBLICS
DU FAIT DES IRREGULARITES 84
Paragraphe I : La responsabilité financière et
budgétaire des agents publics des CTD 84
A - La responsabilité financière de l'ordonnateur
84
B - La responsabilité financière et
budgétaire du comptable public 88
127
Le contrôle de l'exécution du budget des
Collectivités Territoriales Décentralisées au
Cameroun
Paragraphe II : La responsabilité pénale des
agents publics du contrôle de l'exécution du
budget des CTD 90
A - Les faits générateurs de la
responsabilité pénale des agents publics internes aux
CTD 90
B - La mise en jeu de la responsabilité pénale des
agents publics internes aux CTD 91
CONCLUSION DU CHAPITRE I 94
CHAPITRE II : UN CONTRÔLE DE PERFORMANCE
95
SECTION I : LA MESURE DE LA PERFORMANCE BUDGETAIRE 96
Paragraphe I : Le contrôle des indicateurs de performance
96
A - La prédéfinition des objectifs
budgétaires des CTD 96
B - La prédéfinition des indicateurs de performance
98
Paragraphe II : La densification des procédés de
contrôle de performance 99
A - La survivance du contrôle de gestion 100
B - L'émergence de l'évaluation des politiques
publiques 102
SECTION II : LA PRISE DE MESURES CONTRE LES DECIDEURS
LOCAUX DU FAIT
DE LA CONTRE - PERFORMANCE BUDGETAIRE 104
Paragraphe I : La prise de mesures par les organes
délibérants des CTD 104
A - La réduction des futurs budgets des CTD 104
B - La non - reconduction des candidatures des décideurs
locaux défaillants 105
Paragraphe II : La prise de mesures par les citoyens des CTD
106
A - Les manifestations pacifiques 107
B - Le non renouvellement des mandats des élus locaux
défaillants en matière
budgétaire 108
CONCLUSION DU CHAPITRE II 110
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE 111
CONCLUSION GÉNÉRALE 112
BIBLIOGRAPHIE 112
TABLE DES MATIÈRES 112
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