CHAPITRE 1 :
CONSIDERATIONS GENERALES ET THEORIQUES
Dans ce chapitre, nous définissons les concepts de base
et développons les théories explicatives.
Il sied de dire que quatre concepts méritent
d'être soulignés pour mieux éclairer notre thème de
recherche, à savoir : facteur, phénomène et
enfant.
1.1. Facteur
1.1.1.
Définition
Selon le dictionnaire, un facteur est défini comme un
élément qui influe ou qui agit. (Dictionnaire Larousse, 2012).
Comprenons tout de suite que le facteur, c'est l'agent moteur
de l'action, il est, celui qui joue de l'influence dans l'activité, dans
la scène afin d'être motivé. Il est même le pont, le
bras de soutenance pour l'accomplissement de l'action criminelle qu'on observe
chez certains enfants de la rue.
Le concept facteur est aussi défini comme un
élément concourant à la production des biens et des
services. Toujours est-il qu'il joue un rôle de liaison, grâce
à son influence (Adam Smith, 1776).
Dans le cadre de notre étude, nous nous
intéressons aux facteurs explicatifs du phénomène enfant
de la rue qu'on constate en République Démocratique du Congo,
précisément sur toute l'étendue de la ville province de
Kinshasa. La commune de Ngaba, l'une de 24 communes de la province de Kinshasa
est le terrain de notre recherche.
1.1.2. Facteurs
susceptibles de favoriser le phénomène enfant de la
rue
Le phénomène enfants de la rue est complexe et
multifactoriel. Il est influencé par une combinaison de facteurs qui
peuvent varier d'un contexte à un autre. (Wikipédia).
D'une manière générale, voici quelques
facteurs susceptibles de favoriser ce phénomène (Jo Boyden,
1992) :
Ø Pauvreté et inégalités
économiques : Les enfants de familles défavorisées
sont plus susceptibles de se retrouver dans la rue en raison de la
pauvreté et du manque de ressources. Les inégalités
économiques croissantes peuvent également contribuer à
l'augmentation du nombre d'enfants de la rue.
Ø Instabilité familiale : Les
problèmes familiaux tels que la violence domestique, les abus physiques,
sexuels ou émotionnels, le divorce, la négligence ou le
décès des parents peuvent amener les enfants à quitter
leur domicile et à se retrouver dans la rue.
Ø Urbanisation rapide : L'urbanisation rapide dans
de nombreux pays peut entraîner une augmentation de la population urbaine
et une demande croissante de services de base tels que le logement,
l'éducation et les soins de santé. L'incapacité des
systèmes sociaux à répondre à cette demande peut
entraîner l'existence d'enfants vivant dans la rue.
Ø Migration et déplacement : Les enfants
qui fuient les conflits armés, les catastrophes naturelles, la
pauvreté ou d'autres formes de crises peuvent se retrouver sans abri
dans les zones urbaines où ils cherchent refuge.
Ø Manque d'accès à
l'éducation : L'absence d'accès à une
éducation de qualité peut être un facteur
déterminant dans la décision d'un enfant de quitter sa famille et
de vivre dans la rue. L'éducation peut offrir des opportunités
d'amélioration des conditions de vie, et son absence peut
perpétuer le cycle de la pauvreté.
Ø Stigmatisation sociale : Les enfants de la rue
peuvent être victimes de stigmatisation sociale, ce qui peut les conduire
à se sentir exclus et marginalisés. Cette stigmatisation peut
rendre difficile leur réintégration dans la société
et les inciter à rester dans la rue.
Ø Absence de protection sociale : L'absence de
filets de sécurité sociale adéquats, tels que des
programmes d'aide sociale, des services de protection de l'enfance et des
institutions de soutien familial, peut contribuer à la
vulnérabilité des enfants et les laisser sans protection.
Il est important de noter que ces facteurs ne sont pas
exhaustifs et qu'ils peuvent interagir de manière complexe. La
compréhension de ces facteurs est cruciale pour développer des
approches holistiques visant à prévenir et à
remédier au phénomène des enfants de la rue.
1.2.
Phénomène
1.2.1.
Définition
Un phénomène est défini comme un fait, ou
un événement qui frappe l'imagination. En fait un
phénomène est un fait social qui se produit après un lapse
de temps et à une période déterminée et par un
groupe d'individus donné. (Erny, 1992).
1.2.2.
Phénomène social
1.2.2.1. Notions des
phénomènes sociaux
Un phénomène social c'est un fait
généré par l'être humain. Il découle de
l'agir conscient d'une personne ou d'un groupe d'individus confrontés
à un événement quotidien (Erny, 1992).
Souvent, des phénomènes sociaux éclatent
les facteurs qui oppriment ou limitent les sujets. En raison du
mécontentement, des phénomènes sociaux se produisent et
visent à provoquer un changement des conditions existantes.
En sociologie, les phénomènes sociaux sont
compris comme tous les événements, tendances ou réactions
qui ont lieu au sein d'une société humaine établie. Ils se
traduisent par des modifications de comportements collectifs (Émile
Durkheim, 1894).
En d'autres termes, un phénomène social est une
partie du comportement conscient de la société, une
manière spécifique dont elle organise et structure ses
réactions. Elle est déterminée par les conditions de vie
objectives et subjectives dans lesquelles les gens vivent.
Ainsi, les phénomènes sociaux peuvent être
de nature différente, et répondre à certains
intérêts, voire être la conséquence d'autres types de
facteurs, comme l'économique. Cependant, étant de nature
éminemment sociale, leur perspective se limite aux relations entre les
individus qui constituent une communauté.
1.2.2.2.
Caractéristiques des phénomènes sociaux
Les phénomènes sociaux se distinguent des autres
types de phénomènes en ce que, liés à la
manière de penser et d'agir des personnes dans le cadre d'une
société, ils sont de nature subjective et relative. Dans certains
cas, ils répondent même à des caractéristiques de
l'imaginaire collectif (Émile Durkheim, 1894).
Ils sont différents des phénomènes
organique et psychique dans la mesure où ils se focalisent sur les
représentations et les actions, ils ont une existence qui n'est pas
seulement dans la conscience individuelle et qui n'est pas due seulement
à des consciences individuelles.
On parle de phénomènes sociaux pour tenter de
comprendre de manière systémique ou contextuelle les
décisions prises par un groupe. C'est-à-dire que pratiquement
tout peut être un phénomène social donné.
1.3. Enfant
1.3.1. Notions
Le mot « Enfant » vient du latin « infants
» qui signifie « celui qui ne parle pas ». C'est ainsi que chez
les Romains, le père avait le droit de vie et de mort sur ses enfants
(Encyclopédie encarta, 1993)
Lorsque l'on pose la question de savoir ce que c'est un
enfant ; il existe pratiquement plusieurs réponses et cela
dépend d'un pays à un autre. Dans plusieurs pays occidentaux,
l'enfant est considéré adulte à l'adolescence. En Inde,
par exemple, l'enfant est considéré adulte lorsqu'il atteint
l'âge du mariage, et cela parfois avant 15 ans. Dans certains pays
d'Afrique, les enfants entrent rapidement dans le monde des adultes et exercent
très tôt des responsabilités au sein de la famille.
Ainsi, c'est la loi de chaque pays qui règlemente ce
qu'un enfant, c'est-à-dire un mineur en établissant l'âge
de majorité. Il s'avère important ici de rappeler qu'il est de 20
ans au Japon et 18 ans en France (code Napoléon, 1804).
Dans cette étape d'évolution humaine, la loi
congolaise de 2009 définit l'enfant comme toute personne qui n'a pas
atteint l'âge de dix-huit ans. Cette loi continue à définir
un certain nombre de catégories d'enfant dont l'enfant à conflit
avec la loi à ces termes « l'enfant à
l'âge variant entre quatorze et dix-huit ans, qui commet un manquement
qualifié d'infraction à la loi pénale ».
Également l'enfance délinquante est
définie comme un « phénomène social pathologique qui
s'observe dans le comportement de toute personne, la vigueur et le charme de la
jeunesse et qui viole non seulement la loi pénale mais encore la morale
et les bonnes moeurs dans une société bien
déterminée ». Faudrait-il encore dire que l'enfance est
conçue comme la période de la vie partant de la naissance
jusqu'à la puberté (Encyclopédie encarta,
année).
La convention relative aux droits de l'enfant de 1989, qui a
été ratifiée par la quasi-totalité des pays du
monde, a voulu harmoniser les différentes lois internes. Cette nouvelle
disposition internationale précise qu'« un enfant est un être
humain âgé de moins de 18 ans », sauf si son pays lui accorde
la majorité plus tôt.
Notons que c'est la déclaration de Genève de
1924 qui fut, un texte international qui définit pour la première
fois les droits spécifiques à l'enfant.
La R.D.C n'a pas été muette à cette
matière en promulguant la loi 01/009 du 10 Janvier 2009 relative
à la protection de l'enfant.
1.3.2. Loi sur la
protection de l'enfant
Pourtant, la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009, portant
protection de l'enfant considère que dans son article 190 le
délaissement d'un enfant en un lieu quelconque est puni d'un an à
cinq ans de servitude pénale principale et d'une amande de cent mille
à deux cents mille francs congolais, ... En connivence, de ce qui
précède, le dépliant de la MONUSCO, sur
l'Aide-mémoire pour les Policiers » reconnait que « Un enfant
en rupture avec le milieu familial ou dans la rue est une personne en situation
difficile que le policier doit protéger » (Makuru, 2006).
1.4. Enfant de la
Rue
1.4.1.
Définition
Pour Susanna Agneli (2010), l'enfant ou jeune de la rue «
est un mineur sans protection adéquate et qui a élu domicile dans
la rue, celle-ci étant considérée au sens large du terme
et incluant les immeubles inoccupés, les terrains vagues, etc. »
Cité par SavoMakuru Jolie (2006), Massiala, (1990),
tire du dictionnaire encyclopédique de l'enfant de la rue, la
définition suivante : « l'enfant de la rue est toute personne,
fille ou garçon n'ayant pas atteint l'âge adulte, et pour qui la
rue est devenue la demeure habituelle et le moyen d'existence ».
Signalons qu'en RDC les concepts « Shégués
» ou « phaseurs » leur convient bien malgré que certains
d'entre eux ne l'acceptent alors que cela se justifie par leurs
comportements.
Les âges des enfants de la rue varient entre 5 et 16
ans, mais il y en a d'autres qui sont âgés de 3 ou 4 ans aux
côtés des frères plus âgés qui assurent leurs
protections. Les filles sont en effet moins visibles car moins
influencées, ne quittant pas trop le toit paternel. Et si elles
descendaient dans la rue, elles sont utilisées comme domestiques,
prostituées ou comme ouvrières.
Ce terme « enfant de la rue » a une connotation
négative et désigne les enfants qui ont choisi de leur gré
d'abandonner leurs familles respectives, ou ceux délaissés par
ces dernières et ont finalement élu domicile dans les rues et
vivent dans le vagabondage et dans la mendicité. Ils vivent dans la
méconduite et dans l'indiscipline notoire, dans la débauche,
dans le jeu, dans des trafics et d'autres pratiques assimilées aux
infractions telles que vol, détournement, violences sexuelles pourtant
réprimés par la législation en vigueur (centre d'accueil
Ndako Ya Biso, 2006).
Le terme « enfants ou jeunes de la rue » renvoie
à une expression générale qui regroupe l'ensemble des
enfants d'une tranche d'âge comprise entre 6 et 18 ans passant tout ou
une partie de leur journée dans la rue. Ce sont des enfants qui sont en
rupture totale ou quasi-totale avec leur famille et leur groupe d'appartenance,
connaissant une présence permanente dans la rue.
Ils dorment dans des abris de fortune qu'offre la ville
(immeubles ou bâtiments non achevés, auvents de magasins, ponts,
hangars...) ou dans des espaces ouverts en plein air si les conditions
climatiques le permettent. Ce sont les enfants pour lesquels la rue est devenue
la demeure habituelle et la source principale de moyens de survie. Pour ces
jeunes, l'accoutumance et la dépendance à la rue sont tributaires
de la durée dans la rue, et de leur mode de vie.
Luc Sibiri Kabore (2000) démontrera que « Les
lieux populaires tels que les grands magasins, les salles de cinéma, les
bars, les marchés, les restaurants, les gares routières, les
mosquées sont leurs points d'attraction, points qui leur offrent de
multiples occasions de commettre des infractions ».
Généralement organisés en groupe sous
« l'encadrement » et la protection d'un leader, les enfants de la rue
vivent dans un monde de violences, de drogue et dans des conditions
d'hygiène qui les exposent très souvent au rejet de
l'entourage.
1.4.2. Rapport entre
phénomène enfant de la rue et délinquance
Il y a lieu à ce stade, de
préciser le rapport entre la délinquance et le
phénomène enfants de la rue. Pour Gilbert Robin
cité par Fernand Cortez (1998) « La délinquance est
l'aboutissement d'un processus d'inadaptation sociale. Elle se
décèle par le vol, le banditisme, les coups et blessures
volontaires, le recel, l'abus de confiance, l'escroquerie, la drogue, les
délits sexuels... En effet, le qualificatif de délinquant
définit une position plus qu'une manière d'être ».
1.4.3. Type d'enfants de
la rue
Les enfants de la rue sont à différencier des
enfants dans la rue qui sont ceux pour qui la rue est devenue la source de
moyens d'existence dans la journée, mais qui rentrent dans leurs
familles en fin de journée. Leurs revenus reviennent le plus souvent aux
parents, qui encouragent alors les activités de l'enfant.
Savo, Makuru Jolie (2006) citant Beaumauk (1996) d'une
manière globale distingue le jeune de la rue en quatre
catégorie : « Le jeune ou l'enfant de la rue, des jeunes
totalement abandonnés, des enfants partiellement abandonnés, des
enfants « clés au cou » et des enfants qui travaillent
»
Pour Tessier (1998), il existe trois types d'enfants qui
partagent leur visibilité dans la rue : les enfants de la rue qui
vivent en permanence et ont rompu tous les liens familiaux et scolaires ;
les enfants de la rue qui travaillent et rentrent presque tous les soirs dans
une famille ; les enfants de la rue qui sont des fumeurs, qui vivent
temporairement et exceptionnellement dans les rues. L'auteur conclut que ces
différentes catégories interagissent entre elles.
1.4.4. Causes du
phénomène enfant de la rue
Nous avons évoqué plus haut que les enfants qui
ont élu domicile dans la rue n'ont pas toujours été
là, ils n'ont pas toujours été des enfants des rues. Ils
le sont devenus par un concours de circonstances d'ordre macrosocial : les
inégalités sociales et la situation d'injustice qui poussent les
enfants à abandonner leur foyer, les facteurs économiques et
politiques. Ces facteurs conduisent à la désorganisation
familiale et communautaire.
Pour Lucchini (1999), « Les dures et pénibles
expériences familiales, marquées en général par des
relations familiales troublées, le caractère provisoire des
liens, et l'abandon de la part des familles, en général en jeune
âge, induisent chez ces jeunes de forts sentiments
d'insécurité, d'anxiété, de méfiance,
d'indifférence, de rancune et d'agressivité. Ces aspects
expliquent l'échec scolaire et professionnel, la délinquance, la
fugue des maisons et des foyers de substitution ». Ces enfants vont alors
élaborer des stratégies de maintien et de survie. Ces
stratégies peuvent être durables et évoluer vers un mode de
vie.
Ils sont en « situation de rue » car c'est
précisément cette situation qui doit être qualifiée,
et dont les discours et comportements des enfants sont des
révélateurs. Il est donc absolument indispensable de comprendre
ce contexte dans lequel évoluent les enfants.
Stoecklin (1980) pense qu'il est plus respectueux de
comprendre la façon dont les acteurs vivent leur situation. Ainsi, il
définit la situation de rue comme la combinaison, toujours variable
selon les contextes et les individus, entre, d'une part, les contraintes qui
pèsent sur les enfants marginalisés et, d'autre part, les
stratégies que ces enfants développent pour faire de la rue un
espace de survie. Tout projet d'aide doit donc tenir compte de ces
compétences, plus ou moins développées et
différenciées selon les contextes.
1.4.5. Activités
des enfants de la rue
L'arrivée dans la rue d'un enfant se dessine à
travers un cheminement. Ce cheminement est visible surtout par les
activités exercées. La pratique des activités vise la
survie de ces enfants.
Beaucoup d'enfants des rues exercent une activité. Ce
sont généralement de petits métiers riches dans leur
diversité et pratiqués de manière quotidienne et assidue.
Il s'agit en fait d'une incessante quête quotidienne pour trouver de quoi
subsister non seulement pour eux-mêmes mais aussi, le cas
échéant, pour leur famille. Dans cette quête de survie, les
enfants embrassent toute sorte d'activités susceptibles de leur procurer
des revenus : « Il y en a qui volent, il y en a qui essuient les
vitres des voitures, il y en a qui gardent les véhicules.
Parmi ces activités, il y en a qui revêtent des
formes relativement acceptables, mais d'autres revêtent une forme
marginale, et nous les qualifions de formes de déviance. Ces
comportements ne sont pas isolés mais sont renforcés par un
ensemble de pratiques entretenues par les enfants et par un conditionnement
social de leur milieu de vie. Nous y reviendrons dans les chapitres suivants
pour analyser plus profondément les logiques qui sous- tendent cette
errance.
1.4.5.1. Activités
rémunératrices ou lucratives des enfants de la rue
Les activités lucratives dans la rue ne sont pas
stables et presque tous les enfants ont des périodes pendant lesquelles
ils n'exercent aucune activité. La finalité de l'ensemble de ces
activités est la consommation. Ils évoluent dans une logique
d'immédiateté (ici et maintenant) si bien que les profits de ces
différentes activités disparaissent dans la consommation
immédiate.
Les activités sont diversifiées suivant les
intérêts et les aptitudes de chaque enfant. Cependant, il y a une
catégorisation dans la pratique des activités : les plus
petits et les nouveaux arrivés n'ont pas le même champ
d'activités même si parfois ils sont utilisés » par
les grands pour commettre des vols.
On retrouve assez souvent les plus petits et les nouveaux
arrivés dans les activités suivantes :
ï La plonge : beaucoup d'enfants travaillent comme
plongeurs dans les Restaurants.
ï La vente d'eau : souvent employés par les
femmes pour la vente d'eau glacée.
ï Le portage des bagages : les enfants aident les
vendeuses à porter leurs légumes et autres marchandises moyennant
de modiques pièces d'argent.
ï Le balayage et le ramassage d'ordures aux abords des
lieux publics.
ï La recherche de cuivre, de l'aluminium, des bouteilles,
des boîtes usagées... à travers les poubelles, les tas
d'ordures et dans les concessions. Tous ces objets seront revendus.
Une autre activité non moins importante
découverte par les enfants et jugée rémunératrice,
c'est le gardiennage des chaussures et les autres lieux de prière. En
plus de cela, les enfants avec leur boîte de tomate procurent de l'eau
aux fidèles musulmans pour les ablutions. Pour les plus grands et les
jeunes qui se sont fortement enracinés on les retrouve plus dans les
activités suivantes :
ï Le parking
ï Le gardiennage de véhicules
ï Le docker dans les marchés et les gares
routières.
Outre ces activités valorisantes qui peuvent être
considérées comme conformistes, ils existent d'autres pratiques
(bien que ce soit des activités qui procurent des avantages
pécuniaires) qui ne s'inscrivent pas tout à fait dans les limites
de ce qui est acceptable pour la société.
1.4.5.2. Activités
déficientes
Ce sont des comportements prohibés qui vont contre les
principes socialement admis. La déviance s'applique à un ensemble
de conduites variées ayant en commun le non-respect des normes
généralement acceptées.
a. Vol et délinquance
Le vol est pratiqué par la majeure partie des enfants
vivants dans la rue. Pour les plus petits, les opérations de vol sont
moins organisées, mais pour les plus grands ou les aînés de
la rue, ce sont des opérations bien organisées allant très
souvent jusqu'à l'utilisation d'armes blanches. Les objets volés
sont généralement les portables, les porte-monnaie, les
rétroviseurs, les autoradios.... Le terme « volé »
est usité par certains enfants sans aucune gêne (Centre d'accueil
Ndako Ya Biso, 2006).
Certains affirment voler par égoïsme. Ils sont
frustrés par l'inégale répartition des biens et de
l'argent. Ils supportent difficilement le fait que les autres aient de l'argent
et qu'eux ils n'en ont pas. Il ressort la question de la distribution
inégale de richesses dans le monde et le fossé grandissant entre
pauvres et riches. Les avantages certains que procurent les actes de vols
contribuent à enraciner davantage certains enfants dans la rue :
« Si chaque jour tu peux gagner 5000 francs par le vol et que tu es
habitué à manger du bon, tu ne veux absolument plus repartir
parce que quand tu es habitué à l'argent du vol, tu ne
peux plus repartir (Centre d'accueil Ndako Ya Biso, 2006).
b. Pratiques sexuelles
dévalorisantes
Certains jeunes, fascinés par l'argent se laissent
entraîner dans des pratiques sexuelles néfastes. C'est notamment
la pratique de la pédophilie qui est très fréquente dans
le milieu de la rue de Ouagadougou (Luc Sibirikabore, 2000). Les
pédophiles sont généralement des personnes
extérieures, des adultes et parfois des étrangers qui sodomisent
les enfants contre de petites sommes d'argent. Ces sommes, bien qu'elles soient
modiques, contribuent à renforcer la motivation et à aiguiser
l'intérêt des enfants pour la pratique de ces actes.
Désormais ce sont les enfants eux-mêmes qui courent vers les
exploiteurs parce qu'ils ont besoin de l'argent pour survivre. Ce ne sont pas
des activités valorisantes mais elles procurent quelques avantages
suffisants pour garder l'enfant aussi longtemps dans la dépendance.
Ils sont alors Victimes de l'exploitation sexuelle, mais
recourent à la prostitution. Il est très difficile pour un enfant
qui a vécu dans de telles pratiques de pouvoir revenir en
arrière. Il est obligé dans cette situation de poursuivre sa
« carrière » qui ne sera rien d'autre que
l'endurcissement de son caractère, que l'installation dans la
« carrière délinquante ».
c. Mendicité
La mendicité est une activité relativement plus
facile. Elle est la première activité exercée par tous les
enfants. Il y a peu d'enfants vivant dans la rue qui ne pratique pas la
mendicité. Mais au fur et à mesure que l'enfant prend de
l'âge et grandit dans la rue, il est obligé d'abandonner cette
activité. Il est de plus en plus gêné de mendier, mais
surtout il n'attire plus la pitié des gens. Il est grand et personne ne
s'intéresse plus à lui, mais ils utilisent certains petits pour
mendier à leur compte. Même étant dans l'incapacité
de mendier, les plus grands se nourrissent toujours - pas uniquement - des
revenus de la mendicité des plus petits.
La mendicité dans ce sens, non seulement contribue
à mettre des enfants dans la rue, mais aussi et surtout contribue
à les maintenir dans ce milieu aussi longtemps que leur
personnalité est confrontée à une situation de
complète aliénation. La relative facilitée de cette
pratique, les gains qu'elle génère, et l'idée de
solidarité et de pitié qu'elle suscite font qu'elle joue une
fonction importante dans la relation de l'enfant à la rue. Cette
fonction peut comporter deux (2) dimensions : survie et solidarité
(Centre d'accueil Ndako Ya Biso, 2006 ).
1.5. Etudes
antérieures
Nous ne sommes pas le premier chercheur à nous
intéresser à la problématique des enfants de la rue.
Ainsi, nous consacrons cette présente section à la
présentation des certaines études qui ont abordé
explicitement ou implicitement cette problématique avant la
nôtre.
1.5.1. Etude de
NsimbaNdongo (2010)
NsimbaNdongo a réalisé une étude sur
l'environnement familial des jeunes délinquants à Kinshasa. Dans
cette étude, il a essayé d'analyser l'état psychologique
des familles des jeunes « kuluna » en établissant
une relation entre leur environnement familial et leurs conduites
délictueuses. Il a aussi analysé l'image des jeunes qui se
livrent aux actes des vandalismes et celle qu'ils se font de l'autorité
parentale.
Il a utilisé la méthode clinique et
l'étude de cas, et a travaillé avec sept jeunes
« Kuluna » de la commune de Kinsenso.
Son étude a abouti aux conclusions selon lesquelles la
majorité des jeunes Kuluna proviennent du milieu familial
dysfonctionnel, caractérisé par l'appauvrissement des rôles
de responsabilités de membres. Certains jeunes ont été
rejetés avant même leur naissance et d'autres ont
été à la base de divorce ou séparation de leurs
parents.
Aux seins de leurs familles respectives règnent des
irrégularités dans le style de vie entre parents et enfants.
1.5.2. Etudes de
NsumbuNansadi (2015)
Dans son étude intitulée « violence et
comportement agressif des enfants dites de la rue », NsumbuNansadi a
voulu vérifier l'hypothèse selon laquelle, la pauvreté, le
manque d'affection et d'encadrement ainsi que la marginalisation seraient les
causes de comportement agressif des enfants dits de la rue.
Le chercheur a utilisé les études de cas de cinq
sujets avec la technique du test de famille.
Après analyse et interprétation des
données, NsumbuNansadi a abouti aux résultats selon lesquels les
enfants de la rue sont victimes de manque d'affection, d'encadrement et de la
marginalisation. Et sans espoir d'un lendemain meilleur, quelques-uns se
refugieraient dans la drogue, le viol, la prostitution et la violence, etc.
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