INTRODUCTION
« Et qui pardonne au crime en devient complice
»1, disait Voltaire. A travers cette citation, force est
de remarquer non seulement la nécessité d'une justice
pénale impartiale mais également la nécessité pour
les criminels de répondre de leurs actes. Ainsi, il est juste que chaque
personne ayant commis une infraction réponde de ces actes devant les
juridictions compétentes en la matière, tant au niveau national
qu'international.
Le droit international est une discipline relativement
jeune2 malgré ses racines lointaines et anciennes. Si pendant
longtemps, le droit international s'est limité à régir la
convivialité des États européens3, plusieurs
facteurs vont accélérer son universalisation. Tout d'abord, la
métamorphose du droit international, pour emprunter l'expression de
Prosper WEIL, se traduit en effet par l'éventail de ses domaines
normatifs el l'élargissement de son application. L'un de domaine qui l'a
vigoureusement marqué depuis la seconde moitié du XXème
siècle est celui de la promotion et de l'affirmation des droits de
l'homme dont la violation, dans certaines hypothèses, expose les au
leurs présumés auteurs à des sanctions pénales
internationales. C'est à partir de cet instant que va apparaitre l'une
des sources du droit international pénal.
Historiquement, les violations du droit de la guerre ont
quasiment toujours été jugées par des tribunaux ad hoc
créés par les vainqueurs. Jules DECHENES fait remonter les
prémices de la justice pénale internationale au Moyen
Âge4. La première manifestation concrète d'une
« cour criminelle internationale » se situerait
précisément au XVe siècle, lorsque vingt-huit
magistrats venant des États alliés du Saint-Empire romain
germanique siègent dans un même tribunal pour juger Pierre de
Hagenbach, accusé de crimes commis par ses subordonnés à
l'occasion du siège de Breisach (viols, meurtres et
pillages)5. Le monde du XXIème siècle est
marqué par le développement du droit international pénal.
Cependant, selon certains auteurs ce développement a commencé au
siècle passé. Dès 1872, Gustave MOYNIER, l'un des
fondateurs de la Croix-Rouge, évoque pour la première fois la
perspective d'une juridiction
1 AROUET (F.M.) dit VOLTAIRE, Brutus, Maison
d'édition Spinelle, 2009, 209 p.
2 DECAUX (E), Droit international public,
Paris. Dalloz, 1997, 684p.
3 WEIL (P), Ecrits de Droit international, Paris. PUF.
2000, 432p.
4 DESCHENES (J), « Toward International
Criminal Justice », Criminal Law Forum, vol. 5, juin 1994, p.
249278, pp. 249-278.
1
5 SCHARF (M.P) et SCHABAS (W.A), Slobodan
Milosevic on Trial: A Companion, New-York, Continuum, 2002, spec. 184p.
universelle, en réaction à la cruauté des
crimes commis pendant le conflit Franco-Prussien6. Ainsi, M. Henri
D. BOSLY et Damien VANDERMEERSCH, soulignent qu'« à la fin du
siècle passé, le droit international pénal a connu un
développement sans précédent qui s'est manifesté
non seulement sur le plan conventionnel ou législatif mais
également par des poursuites du chef de crimes de droit international,
intentées tant devant les juridictions internationales que devant les
cours et tribunaux »7. C'est en effet à la fin du
XIXe siècle et au début du XXe siècle que la
Communauté internationale a pris conscience de la
nécessité de mettre en place une instance judiciaire «
appelée à défendre et à mettre en oeuvre les
exigences profondes de l'humanité ».8 La
nécessité de créer une cour a été
proclamée pour la première fois en 1899 à la Haye, lors de
la Conférence de la paix. Cette Conférence fut convoquée
à l'initiative du Tsar de Russie Nicolas II, afin de «
rechercher les moyens les plus efficaces d'assurer à tous les
peuples les bienfaits d'une paix réelle et durable et de mettre avant
tout un terme au développement progressif des armements actuels
»9.
La lutte contre l'impunité des crimes internationaux
est une préoccupation majeure de la communauté internationale.
Les crimes internationaux constituent des actes graves qui portent atteinte
à la paix, à la sécurité et aux droits fondamentaux
des individus. En 1919, suite à la Première Guerre mondiale, la
Communauté internationale a cherché à créer une
cour pénale internationale permanente. Cette année-là, une
Commission d'enquête sur la responsabilité des auteurs des crimes
commis au cours de la Première Guerre mondiale a vu le jour. Bien
entendu, le traité de Versailles de 1919 avait pour objectif de mettre
fin définitivement à cette guerre mondiale. Ce traité a
évoqué l'instauration d'une juridiction pénale
internationale, et les Etats ont envisagé pour la première fois
de confier à une cour pénale internationale le soin de juger un
individu, même s'il s'agissait d'un Chef d'Etat10. En effet,
les puissances alliées inclurent dans le texte définitif du
traité de paix signé à Versailles, le 28 juin 1919,
l'instauration d'un tribunal international. Celui-ci avait pour rôle de
juger Guillaume II et les grands criminels de
6 Guerre franco-allemande de 1870, 19 juil. 1870 - 10
mai 1871.
7 BOSLY (H.D) et VANDERMEERSCH (D),
Génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre face
à la justice : les juridictions internationales et les tribunaux
nationaux, Bruxelles, Bruyant, 2e éd., 2012, 249p.
8 TAVERNIER (P.) et HENCKAERTS (J.M), Droit
international humanitaire coutumier : enjeux et défis contemporains,
collection du Centre de Recherches et d'Etudes sur les Droits de l'Homme
et le droit humanitaire, Bruylant, 1ère éd, Bruxelles, 2008, 289
p.
2
9 IAGOLNITZER (D.), Le droit international et
la guerre, évolution et problèmes actuels, questions
contemporaines, L' Harmattan, 1ère éd, Paris, 2007, 132
p.
10 JOINET (L.), Lutter contre l'impunité,
dix questions pour comprendre et pour agir, La Découverte,
1ère éd, Paris, 2002, 144 p.
guerre. Même si cette institution ne vit jamais le jour,
il fit prendre conscience que les auteurs de crimes graves concernant
l'humanité devaient répondre de leurs actes devant la
communauté internationale11. L'article 227 de ce
traité prévoyait que l'ex-empereur d'Allemagne devait être
jugé pour « offense suprême contre la morale
internationale et l'autorité sacrée des traités
». Dans le même contexte, au cours des années qui
suivirent, plusieurs tentatives, bien qu'elles soient marquées d'efforts
et d'espoirs, en vue de créer une véritable juridiction
pénale internationale, ont échoué.
En 1945, après la Seconde Guerre mondiale renaît
la volonté de mettre en place des tribunaux internationaux12.
La révélation de l'extermination de millions de personnes suite
aux crimes perpétrés par le régime nazi13,
conduit ainsi à la création du Tribunal militaire international
de Nuremberg. Il s'agit là du premier acte posé, par les
Alliés, en vue de l'établissement d'une justice pénale
à caractère international. Un tribunal complémentaire, le
tribunal de Tokyo, fut instauré en 1946 avec des compétences
analogues, en vue de répondre aux exactions massives commises à
cette même époque par les forces japonaises14. Les
tribunaux militaires de Nuremberg et de Tokyo ont été
établis pour juger les responsables de ces crimes de guerre et crimes
contre l'humanité15.
L'idée de créer une juridiction pénale
internationale restera ensuite en sommeil pendant plus d'une quarantaine
d'années, notamment entre 1953 et 1989 en raison notamment de la guerre
froide, de l'incapacité des Etats à finaliser un code des crimes
et à s'accorder sur la définition de l'agression. En effet La
définition du crime d'agression en période de Guerre Froide est
restée problématique et compliquée jusqu'à la chute
du mur de Berlin en 1989. Après une longue période d'inaction due
au gâchis de la guerre froide, les Tribunaux Pénal International
de l'ex -Yougoslavie (TPIY) crée en 1993 et le Tribunal Pénal
International pour
11 DAVID, (E), Le Tribunal international pour
l'ex-Yougoslavie, Revue Belge de Droit International, Bruylant, Bruxelles,
1993, p.566
12 AHMED (A.K.), La Cour Pénale
Internationale et sa compétence, Dar Elnahda, 1ère
éd, le Caire, 2007. p 64.
13 ACHOU (A.), « La répression
internationale des atteintes au patrimoine culturel et le Statut de la CPI :
origines et évolutions possibles », colloque sur "Les premiers pas
de la Cour Pénale Internationale", organisé le 11 février
2005, Revue juridique d'Auvergne, Université d'Auvergne,
faculté de droit et de sciences politiques, volume 2005/ 02, pp 186 et
187.
3
14 JOIGNET (L.), Lutter contre
l'impunité, dix questions pour comprendre et pour agir, La
Découverte, 2002, p. 144 p.
15 CASSESE (A.), The Rome Statute of the
International Criminal Court : A commentary, Volume I, Oxford University
Press, 1ère éd, Oxford, 2002, 2380 p.; WIEVIORKA (A.), « Les
procès de Nuremberg et d'Eichmann, en perspective », in DESTEXHE A.
et FORET M., De Nuremberg à la Haye et Arusha, Bruxelles,
Bruylant, 1997, pp. 23-37.
le Rwanda (TPIR) crée en 1994 par le Conseil de
sécurité des Nations Unies, vont remettre dans l'actualité
la répression des crimes internationaux. Le droit international
pénal connaît une seconde renaissance dont la consécration
résulte à l'instauration de la Cour pénale Internationale
en 1998. L'avènement de la CPI est un progrès incontestable.
Enfin, la communauté internationale organise la première
juridiction pénale internationale permanente. Son statut codifie
l'ensemble des crimes contre la paix et la sécurité de
l'humanité à l'exception de l'agression. Nous sommes, enfin,
devant une espèce de premier code de droit international pénal.
C'est dans ce sillage que s'inscrit la thématique objet de notre
étude : « la Cour Pénale Internationale et la lutte contre
l'impunité des crimes internationaux ».
La notion de l'impunité vient du latin «
impunitas,-atis » qui veut dire « manque de punition,
absence de châtiment ». D'après El Hadji GUISSE,
l'impunité n'est pas seulement l'absence mais aussi «
l'insuffisance des sanctions répressives et réparatrices des
violations volontaires ou involontaires des droits et libertés de
l'individu »16. De façon plus large,
l'impunité est définie « par l'absence, en droit ou en
fait, de la mise en cause de la responsabilité pénale des auteurs
de violations, ainsi que de leur responsabilité civile, administrative
ou disciplinaire, en ce qu'ils échappent à toute enquête
tendant à permettre leur mise en accusation, leur arrestation, leur
jugement et, s'ils sont reconnus coupables, leur condamnation à des
peines appropriées, y compris à réparer le
préjudice subi par leurs victimes ».17
L'impunité se réfère donc à l'absence de punition
effective pour sanctionner un manquement à ou la violation d'une
règle ou norme établie. L'impunité peut découler
d'un dysfonctionnement ou d'une disparition de l'appareil judiciaire. En droit
international, l'impunité découle essentiellement de l'absence
d'appareil judiciaire apte à juger les manquements aux règles
établies.
Bien que l'expression « lutte contre
l'impunité » n'ait pas été employée au
niveau international avant la parution des principes formulés par Louis
JOIGNET18, cette lutte est une
16 GUISSE (E.H.), « Le procès
équitable », in Rencontres internationales sur
l'impunité des auteurs des violations graves des droits de l'homme,
organisée par la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme
(CNCDH) et la Commission Internationale des Juristes (CIJ) sous les auspices
des Nations Unies (du 2 au 5 novembre1992), Palais des Nations, Genève,
p.17.
17ORENTLICHER (D), Ensemble de principes pour
lutter contre l'impunité - Ensemble de principes actualisé pour
la protection et la promotion des droits de l'homme par la lutte contre
l'impunité, Rapport, 8 février 2005, E/CN.4/2005/102/Add.1, p.
6.
4
18 Louis Joinet, né le 26 mai 1934 à
Nevers et mort le 22 septembre 2019, dans le 19? arrondissement de Paris, est
un magistrat français, expert indépendant auprès du
Comité des droits de l'homme de l'ONU. Il a fondé le Syndicat de
la magistrature, syndicat classé à gauche, en 1968.
pratique des Etats qui a ses origines dans le besoin de
sauvegarder les intérêts d'une humanité blessée par
les horreurs de deux guerres mondiales ayant eu lieu en moins de cinquante ans.
Cette lutte implique que les Etats vont agir par tous les moyens mis à
leur disposition afin que les crimes qui attentent le plus aux valeurs
fondamentales de l'humanité ne demeurent pas dans l'oubli.
La définition de chaque crime international est
inspirée des lois et des conventions internationales, de même que
la jurisprudence. Au Canada, il ressort de la Loi sur les crimes contre
l'humanité et les crimes de guerre19 que les crimes
internationaux sont : les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité
et le génocide. À certains égards, ces crimes comportent
des éléments qui se chevauchent, mais chacun d'eux comporte des
éléments uniques et caractéristiques qui les distinguent.
Ces éléments contextualisent ces crimes et les
différencient les uns des autres et les distinguent des crimes nationaux
ordinaires tels que les homicides qui sont prévus par le Code
criminel. Du point de vu des conventions internationales, l'expression
« crimes internationaux » relève des transgressions
pénales qui sont prévues dans le Statut de Rome20 tels
que le crime de génocide, le crime contre l'humanité, le crime de
guerre et le crime d'agression et qui sont donc définies par un
instrument unique de droit international ayant pour objectif la protection des
valeurs de l'ensemble des communautés humaines compte tenu du fait qu'il
s'agit d'une juridiction internationale permanente à vocation
universelle. Au regard de la jurisprudence, Tribunal militaire des
États-Unis à Nuremberg a défini la notion de crime
international comme un acte qui est universellement reconnu comme un acte
criminel et qui revêt une importance internationale21.
La Cour pénale internationale quant à elle,
comme indiqué ci-haut, est une juridiction permanente à vocation
universelle destinée à punir les crimes les plus graves contre le
droit humanitaire international, lorsque les criminels ne peuvent être
jugés dans leur pays. Le Statut de la Cour pénale internationale
a été adopté lors de la Convention de Rome du 17 juillet
1998. La Cour pénale internationale a été
créée en vue d'ouvrir des enquêtes, de poursuivre et de
juger des personnes accusées d'avoir commis les crimes les plus graves
touchant l'ensemble de la communauté internationale, à savoir le
crime de génocide, les crimes contre l'humanité,
19 Loi sur les crimes contre l'humanité et les
crimes de guerre (L.C. 2000, ch. 24)
20 Bien que le Statut de Rome n'ait pas
utilisé le terme « crime international » en tant que tel, son
article premier fait référence aux « crimes les plus graves
ayant une portée internationale ».
5
21 Tribunal militaire des États-Unis
à Nuremberg 8 juillet 1947 - 19 février 1948 États-Unis c.
Wilhelm List, UNWCC, Law Reports of Trials of War Criminals, vol. VIII, 1949,
p. 34.
les crimes de guerre et le crime d'agression. La CPI est une
juridiction autonome de caractère permanent, alors que les tribunaux
spéciaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, de même que d'autres
tribunaux du même type, ont été créés dans le
cadre de l'Organisation des Nations Unies pour connaître de situations
particulières, et ne disposent que d'un mandat et d'une
compétence limités. La CPI, qui juge des personnes, se distingue
également de la Cour internationale de Justice, l'organe judiciaire
principal de l'ONU, qui est chargée de régler les
différends entre États. La Cour internationale de Justice et le
Mécanisme international appelé à exercer les fonctions
résiduelles des Tribunaux pénaux ont aussi leur siège
à La Haye22.
En effet, les crimes de droit international ou crimes
internationaux sont de crimes qui touchent l'ensemble de la communauté
internationale et la lutte contre l'impunité de ces crimes
représente non seulement pour le droit international pénal un
objectif majeur mais également un devoir que la communauté
internationale s'était fixée après les deux grandes
guerres mondiales. Malgré l'évolution de ces cinquante
dernières années concernant les traités, les conventions,
accords et la justice pénale internationale mis au point afin
d'éviter ou de réduire ces atrocités, nous entendons
encore parler d'horreurs inimaginables partout dans le monde. Lorsque nous
regardons, les Conventions internationales sur la répression, la
prévention et l'imprescriptibilité des crimes de guerre, des
crimes contre l'humanité23 et contre le
génocide24, nous remarquons que bon nombre des
présumés criminels responsables des massacres arméniens et
juifs n'ont jamais été puni sévèrement. La
prolongation à de telles situations a fait apparaître
l'impuissance de la communauté internationale à y mettre fin et
favorise l'impunité à laquelle nous assistons aujourd'hui.
Dès lors, on s'interroge sur l'instrument par excellence mis en place
par la communité internationale pour la répression des crimes
internationaux. Et dans cette optique nous tenterons d'aborder la question de
l'efficacité réelle de la Cour Pénale Internationale. Nous
tenterons d'élucider si la Cour Pénale Internationale produit
favorablement les effets attendus. Et nous irons plus loin encore en nous
interrogeant sur les éléments qui peuvent faire obstacle au bon
fonctionnement de la Cour dans sa lutte contre l'impunité des crimes de
droit international. Ainsi l'interrogation majeure à laquelle nous
22 Mieux comprendre la Cour pénale
internationale, Publié par la Cour pénale internationale, ISBN
No. 929227-371-X, consulté en ligne le 10 Novembre 2023,
https://www.icc-cpi.int/sites/default/files/Publications/mieux-comprendre-cpi.pdf
.
23 Nations Unies, Recueil des Traités,
« Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des
crimes contre l'humanité », New York, 26 novembre 1968, vol. 754,
p. 73
6
24 La Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (CPRCG) est un traité de
droit international approuvé à l'unanimité le 9
décembre 1948 par l'Assemblée générale des Nations
unies1
7
ferons face est celle de savoir : La Cour
Pénale Internationale est-t-elle une institution judiciaire
internationale qui lutte efficacement contre l'impunité des crimes
internationaux ?
Le sujet est intrinsèquement vaste, et l'on ne peut
nullement avoir l'ambition de l'épuiser dans le cadre d'une
maîtrise. C'est pourquoi, un choix douloureux devait normalement
être réalisé sur les paramètres à analyser.
En effet, notre étude se bornera aux généralités
sur la Cour Pénale Internationale ainsi que les obstacles qui,
potentiellement, minent le système de la Cour Pénale
Internationale. Ces derniers sont nombreux et variés. Notre analyse ne
portera que sur quelques-uns.
Le choix de ce sujet d'étude résulte
particulièrement de deux raisons distinctes. Premièrement, cela
est dû à la prolifération des conflits dans le monde
causant des atrocités incommensurables, et dont la plupart demeure
impunie. (Ex : les conflits armés en République Centrafricaine,
au Soudan, en République Démocratique du Congo et dans la plupart
des pays d'Afrique et du Moyen-Orient). Deuxièmement, Nous avons la
volonté de mettre en lumière la justice pénale
internationale.
En effet, la lutte contre l'impunité des crimes
internationaux est un enjeu crucial pour la paix et la sécurité
dans le monde. Cette étude revêt un intérêt majeur
aussi bien pour ceux qui ont comme référence le droit
international pénal ainsi que ceux qui s'intéressent à
l'actualité internationale et l'évolution du droit international
notamment du droit international pénal. Ainsi tout au long de cette
rédaction, nous aurons à démontrer aux lecteurs, futurs et
occasionnels de cette étude, non seulement comment se manifeste la lutte
contre l'impunité des crimes internationaux au niveau international mais
également de saisir le fondement de la justice pénale
internationale. De ce fait, cette étude aura pour objectif
d'éclairer, le tout dans un espace vaste, un sujet pluridisciplinaire
touchant à l'histoire, la diplomatie, les relations internationales, le
droit international humanitaire et plusieurs autres disciplines. Un sujet qui
n'est sans susciter des réelles controverses voire de véritables
antagonismes au sein de la communauté internationale.
La cour pénale internationale est donc le premier
tribunal international permanent en mesure de juger des personnes
accusées de crime contre les génocides, les crimes contre
l'humanité ou les crimes de guerre ainsi que les crimes
d'agression25. L'établissement de la Cour pénale
internationale a suscité de nombreux espoirs, mais il convient de
reconnaitre également certaines limites et obstacles, notamment
concernant son indépendance réelle et sa
légitimité. Dans cette optique, notre étude sera
axée autour de deux logiques.
Nous serons amenées à démonter, à
travers les entraves politico-juridique, que la CPI est une juridiction
affaiblie dans la lutte contre l'impunité des crimes internationaux
(Seconde partie) après avoir montrer à travers
son fondement juridique et son mode de fonctionnement qu'elle est une
juridiction nécessaire de lutte contre l'impunité des crimes
internationaux (Première Partie).
8
25 Article 5, Statut de Rome de la Cour pénale
internationale, 17 juillet 1998
9
PREMIERE PARTIE :
LA CPI : UNE JURIDICTION NECESSAIRE DE LUTTE
CONTRE L'IMPUNITE DES CRIMES INTERNATIONAUX
10
La prévention et la répression effectives de
tout crime international nécessite deux choses importantes : une
définition précise et applicable de ce crime et des juridictions
pénales nationales ou internationales ayant compétence pour
poursuivre et juger toute personne accusée de ce crime international. En
effet, étant la seule juridiction pénale internationale à
vocation universelle, la CPI est un instrument très important et
nécessaire pour la prévention et la répression des crimes
de droit international.
Ainsi, à travers l'étude les fondements
juridiques de l'action de la CPI à l'égard des crimes
internationaux, nous verrons non seulement que sa compétence
juridictionnelle est fondée sur le Statut de Rome (Chapitre 1) mais
également que son mode de fonctionnement est fondée sur le
même traité (Chapitre 2).
Chapitre 1 : Une compétence juridictionnelle
fondée sur le Statut de Rome
Si la compétence s'entend de l'« ensemble des
pouvoirs que le droit reconnaît à un sujet de droit ou à
une institution ou encore à un organe de sorte à lui
conférer l'aptitude de remplir des fonctions déterminées
et d'accomplir les actes juridiques connexes »26, la
compétence juridictionnelle est quant à elle, et simplement l'
« aptitude d'un tribunal à connaître d'une affaire
»27.
« La Cour est un gage d'espoir pour les
générations futures qu'elle devrait protéger contre les
crimes épouvantables dont leurs ancêtres ont été
victimes »28, disait Kofi ANAN, afin de montrer
l'importance de cette juridiction internationale dont la compétence est
fondée sur le Statut de Rome. Le Statut de Rome, autrement
appelé le Statut de la Cour Pénale Internationale, est
le document officiel de la Cour Pénale Internationale. C'est le
traité international qui a donné naissance à la Cour
Pénale Internationale. Il a été adopté lors d'une
conférence diplomatique des plénipotentiaires des Nations Unies,
dite la Conférence de Rome, qui s'est ténue du 15 juin
et 17 juillet 1998 à Rome, en Italie. Il est entré en vigueur le
1er juillet 200229. Le Statut de Rome contient les crimes
relevant de la compétence de la CPI (Section 1) ainsi que
modalités du déclenchement d'exercice de la compétence de
la Cour (Section 2).
Section 1 : Les crimes relevant la compétence
de la Cour Pénale Internationale
En matière d'organisation juridictionnelle, la
compétence d'attribution ou compétence matérielle (ratione
materiae) sert à caractériser l'aptitude légale d'une
juridiction à accomplir un acte juridique ou à juger un litige ou
un procès, en fonction de l'objet de ce dernier30.
Les crimes relevant de la compétence de la Cour sont
énumérés à l'article 5 du Statut de Rome. Ce
document définit les crimes internationaux sur lesquels la Cour peut
exercer un pouvoir juridictionnel à savoir les crimes de
génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, et
pour finir les crimes d'agression, conformément aux amendements
apportés
26Juridictionnaire,
https://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2guides/guides/juridi/indexeng.html?lang=eng&lettr=i
ndx_catlog_j&page=9VTmjj8qhfBE.html, consulté le 23 septembre
2023.
27 Ibid.
28 Propos de l'ex-Secrétaire
Général des Nations Unies, KOFI ANAN, au sujet de
l'avènement de la Cour pénale internationale cités dans le
journal le Monde du 04 août 1998.
11
29 Notes de la couverture du Statut de Rome,
https://www.icc-cpi.int/sites/default/files/Publications/Statut-de-Rome.pdf
, consulté le 08 septembre 2023
30
https://www.toupie.org/Dictionnaire/Competence_attribution.htm,
consulté le 23/09/2023 à 16h43
en 201031, s'ils sont commis sur le territoire d'un
État partie ou par l'un de ses ressortissants. Dans cette optique, le
crime de génocide et le crime contre l'humanité (Paragraphe 1)
feront l'objet de notre étude dans un premier temps avant de nous
orienter vers une étude du crime de guerre et du crime d'agression
(Paragraphe 2) dans un second temps.
Paragraphe 1 : Le génocide et le crime contre
l'humanité
Du point de vu définitionnel, le crime contre
l'humanité désigne les crimes commis dans le cadre d'une attaque
généralisée ou systématique lancée contre
une population civile et en connaissance de cette attaque ; il comprend
notamment l'assassinat, l'extermination, la déportation et tous les
autres actes inhumains commis de manière concertée contre des
populations civiles.32 Le crime de génocide désigne
les crimes commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un
groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel. Ils sont tous deux
imprescriptibles, ce qui signifie que leurs auteurs peuvent être
poursuivis jusqu'à leur mort.33
La différenciation entre le crime de génocide et
le crime contre l'humanité se situe au niveau de la gravité de
ces crimes. Les crimes contre l'humanité sont réputés
être perpétré contre l'espèce humaine. Il est en de
même pour les crimes de génocide. Seulement, le crime de
génocide est vu comme la version la plus poussée ou la forme
exagérée et aggravée34 du crime contre
l'humanité. Nous tenterons d'opérer une étude au cas part
cas dont il sera question de mettre en lumière la particularité
du crime de génocide (B) après que nous nous soyons
penchés sur la question de la spécificité du crime contre
l'humanité (A).
A) La spécificité du crime contre
l'humanité
En effet, il est a noté que la révolution
française et la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen
(DDHC) de 1789 ont joué un grand rôle dans la préparation
et la transition du concept de lèse-majesté dans lequel le corps
du roi est le pivot de la souveraineté, à celui de «
lèse-nation », puis de « lèse-humanité ».
Pendant longtemps le crime contre l'humanité avait un caractère
religieux, car Dieu était placé comme fondement du droit. En
effet l'idée du
31 Amendements. De l'article 8 bis, 15 bis et
15 ter, Kampala, 10 juin 2010
32 Petit manuel de survie démocratique,
Fondation du Camp des Milles, 2019, 40p, «
http://www.campdesmilles.org/upload/contenus/pages_off/Survie_democratique.pdf
» consulté le 08 Novembre 2023.
33 Ibidem.
12
34 ROBINSON (N), The genocide Convention: A
commentary, New York, Institute of Jewish Affairs, 1960, 158 p.
caractère religieux du crimes contre l'humanité
a été soutenue et acceptée par plusieurs
auteurs35, mais comme nous le savons il relève
essentiellement du droit pénal national et international.
C'est à travers l'un des orateurs de la convention de
1794 pour la dénonciation de l'esclavage envers les noirs que la notion
de « crime de lèse-humanité » a été
utilisée pour la première fois. L'expression « crimes contre
l'humanité et la civilisation » quant à elle, a vu jour en
1915 dans une déclaration commune des gouvernements britanniques et
français pour la condamnation du génocide arménien. Le
concept de crime contre l'humanité est apparu pour la première
fois dans le droit positif en 1945 précisément dans le statut du
tribunal militaire de Nuremberg qui a été établi par la
charte de Londres. En plus de la définition donnée, c'est bien le
statut juridique du crime contre l'humanité qui se précise
également. En 1968, la Convention sur l'imprescriptibilité des
crimes de guerre et des crimes contre l'humanité déclare
l'imprescriptibilité de ces derniers36.
Dans le Statut de Rome, le crime contre l'humanité
trouve son fondement dans l'article 7. De façon générale,
l'article 7 du Statut de Rome est un proche descendant de l'article 6 (c) de la
Charte de Nuremberg37 et des articles 5 et 3, respectivement des
statuts des TPIY38 et TPIR39.
Ainsi, le Statut de la Cour Pénale Internationale
à son article 7 dispose qu' aux fins du statut de Rome, on entend par
crime contre l'humanité l'un quelconque des actes ci-après
lorsqu'il est commis dans le cadre d'une attaque
généralisée ou systématisée lancé
contre toute population civile et en connaissance de cette attaque : Le meurtre
; L'extermination ; La réduction en esclavage ; La déportation ou
le transfert forcé de population ; L'emprisonnement ou autre forme de
privation grave de liberté physique en violation des dispositions
fondamentales du droit international ; La torture ; Le viol, l'esclavage
sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la
stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de
gravité comparable ; La persécution de tout groupe ou de toute
collectivité identifiable pour des motifs d'ordre politique, racial,
national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste, ou en
35 PERRY (M.J), The Idea of Human Rights: Four
Inquiries, Oxford University Press, Revised edition, 2000, 162 p.
36 Convention sur l'imprescriptibilité des
crimes de guerre et des contre l'humanité, 11 novembre 1970
37 Article 6 (c), Accord concernant la poursuite et
le châtiment des grands criminels de guerre des Puissances
européennes de l'Axe et Statut du tribunal militaire international.
Londres, 8 août 1945.
13
38 Article 5, Statut du Tribunal pénal
international pour l'ex-Yougoslavie, 25 mai 1993
39 Article 3, Statut du Tribunal pénal
international pour le Rwanda, 8 novembre 1994
fonction d'autres critères universellement reconnus
comme inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout
acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la
compétence de la Cour ; La disparition forcée de personnes ; Le
crime d'apartheid ; D'autres actes inhumains de caractère analogue
causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves
à l'intégrité physique ou à la santé
physique ou mentale.
De ce fait, en partant de l'article 7 et des textes qui le
précèdent, force est de constater que trois grands principes de
droit international peuvent être dégagés, et qui
régissent le crime contre l'humanité : premièrement le
crime contre l'humanité peut être commis en tout temps (en temps
de guerre extérieure ou intérieure comme en temps de paix) ;
deuxièmement le crime contre l'humanité est
imprescriptible40, et troisièmement personne ne peut
échapper à la répression à ce crime, en partant des
chefs de l'État aux exécutants.
B) La particularité du crime de
génocide
Dans le but de faire face aux horreurs observées dans
la première moitié du XXème siècle, le
génocide a dû apparaître pour décrire les situations
dans lesquelles un groupe d'individus décide d'anéantir des
groupes humains entiers41. En effet, nous pouvons remarquer que le
crime de génocide dépasse par son ampleur, le cadre strict du
Droit International Humanitaire, car l'existence d'un conflit armé n'est
pas indispensable pour que soit commis un fait
génocidaire42.
Etymologiquement, le mot « génocide » a
été prononcé pour la première fois dans les
années 1940 par Raphael LEMKIN43. Ce mot a été
forgé à partir de la racine grecque « génos »
qui veut dire « race » et du suffixe « -cide », qui
signifie en latin « caedere », qui veut dire « tuer » voire
« massacrer ». Ainsi, le terme "génocide" prendra rang dans la
famille des termes tyrannicide, homicide, parricide44. De nos jours,
le génocide constitue la forme la plus aggravée
40 ZOLLER (E.), « La définition des crimes
contre l'humanité », JDI, 1993, IX- pp. 549-568.
41 SASSOLI (M), A. BOUVIER (A.A), Un droit dans
la guerre ?, Volume I Présentation du droit international humanitaire,
Genève, Comité International de la Croix Rouge, 2003, 1398
p.
42 Ibid.
43 LEMKIN (R), né le 24 juin 1900 à
Azyaryska, actuellement en Biélorussie, et mort le 28 août 1959
à New York, est un juriste juif polonais puis américain qui forge
en 1943, le terme et le concept de génocide et le fait valoir d'abord au
tribunal de Nuremberg, puis auprès de l'ONU en 1948.
14
44 LEMKIN (R), « Crime de génocide
», Revue de Droit International, de Sciences Diplomatiques et
Politique, vol. 24, octobre -décembre, 1946, pp.213-222.
du Crime contre l'humanité45. Le TPIR l'a
même qualifié du « crime des crimes »46. Et
naturellement, il constitue le premier crime défini par le Statut de
Rome et le seul à avoir été adopté par les
négociateurs sans controverse.
Du point de vue juridique, la première
consécration indirecte mais officielle du concept « génocide
» dérive du Statut du Tribunal de Nuremberg, aux termes duquel le
génocide délibéré et systématique constitue
une extermination de groupes raciaux et nationaux parmi la population civile de
certains territoires occupés afin de détruire des races ou
classes déterminées de population et des groupes religieux
particulièrement les juifs, lors de la deuxième guerre mondiale.
La définition juridique internationale du génocide, ou
définition de 1948, est une définition importante, à la
fois en soi (sous sa forme inchangée jusqu'à ce jour, elle sert
d'incrimination de génocide pour les tribunaux internationaux) et pour
les spécialistes des génocides de toutes les disciplines, qui
l'ont critiquée, expliquée, adaptée, adoptée dans
une littérature abondante47. On la trouve dans deux documents
officiels fondamentaux : la Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide48 adoptée par
l'assemblée générale des Nations unies le 9
décembre 1948, et le Statut de Rome de la Cour pénale
internationale adopté en 1998.
Il convient de se baser sur la Convention pour la
prévention et répression du crime de génocide,
entrée en vigueur en 1951 et qui fait aujourd'hui partie du droit
international coutumier. La définition donnée par les articles I
et II de cette convention a été reprise textuellement par les
Statuts des juridictions internationales49 dont celui de la Cour
Pénale Internationale.
Ainsi, le Statut de la Cour Pénale Internationale
à son article 6 dispose qu'aux fins du présent Statut, on entend
par crime de génocide l'un des actes ci- après commis dans
l'intention de détruire en tout ou en partie un groupe national,
ethnique racial, ou religieux comme tel : Meurtre de membres du groupe ;
Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de
membres du groupe ; Soumission intentionnelle du groupe à des conditions
d'existante devant entraîner
45 ROBINSON (N), The Genocide Convention: A
Commentary, New York, Institute of Jewish Affairs, 1960, 158p.
46 Procureur c. Kambanda, Affaire n°
ICTR-97-23-S, Jugement et Sentence, 4 septembre 1998, §16.
47 MANDIANG (I.), Le crime de génocide en
droit international, mémoire de Maîtrise, FSJP, UCAD-DAKAR,
2010.
15
48 Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide, approuvée et soumise
à la signature et à la ratification ou à l'adhésion
par l'Assemblée générale dans sa résolution 260 A
(III) du 9 décembre 1948, entrée en vigueur le 12 janvier 1951,
conformément aux dispositions de l'article XIII.
49 BAZALAIRE (J. P) et CRETIN (T), La justice
pénale internationale: Son évolution, son avenir
Broché, PUF , 31 juillet 2000, 272 p.
sa destruction physique totale ou partielle ; Mesures visant
à entraver les naissances au sein du groupe ; Transfert forcé
d'enfants du groupe à un autre groupe.
En effet, le crime de génocide présente des
éléments constitutifs qui sont à la fois des
éléments moral et matériel tel que nous le trouvons dans
la Convention de 1948 sur la Prévention et la Répression du Crime
de Génocide repris par le Statut de la CPI.
L'élément matériel du crime de
génocide constitue une altération physique ou une suppression des
victimes qui se retrouve dans cette énumération de cinq types
d'actes. Mais le coeur de la définition, sensible aux
interprétations, est l'exposé de l'élément moral
spécifique. L'élément central parmi les
éléments constitutifs d'un crime de génocide est
l'intention qui est à l'origine des faits souvent appelé
intention génocidaire50. Ainsi il ne suffit pas que les actes
contre des membres du groupe soient commis sciemment, pour la raison que ces
individus appartiennent au groupe ; ils doivent être commis ou on doit
les faire commettre en vue de la destruction du groupe en tant que groupe
(« comme tel »), ils doivent en quelque sorte frapper
intentionnellement le groupe à travers (certains de) ses
membres51. Voyons alors ce qu'il en est du crime de guerre et du
crime d'agression.
Paragraphe 2 : Le crime de guerre et le crime
d'agression
A la lumière du Statut de Rome en ses article 8 et 8
bis, la CPI est compétente envers le crime de guerre et le crime
d'agression. Dans cette optique, il sera judicieux de porter réflexion
sur le contour du crime de guerre (A) avant de se focaliser sur une
étude de la spécialité du crime d'agression (B).
A) Le contour du crime de guerre
Historiquement, le crime de guerre constitue le crime le plus
ancien de tous les quatre à être poursuivis devant la CPI. En
effet, le crime de guerre a fait l'objet des poursuites devant
50 MANDIANG I., Le crime de génocide en
droit international, mémoire de Maîtrise, FSJP, UCAD-DAKAR,
2010.
16
51LEMKIN (R), « Crime de génocide
», Revue de Droit International, de Sciences Diplomatiques et
Politique, vol. 24, octobre -décembre, 1946, pp.213-222.
les juridictions internes depuis, probablement, le
début du droit pénal52. Les procès conduits
dans les années 1920 à Leipzig en conséquence des articles
228 à 230 du Traité de Versailles ont condamné de nombreux
soldats allemands pour « actes en violation avec les lois et coutumes de
la guerre ». Ainsi, depuis le Statut du Tribunal Militaire de Nuremberg en
passant par la première session de l'Assemblée
Générale des Nations Unies, la notion des crimes de guerre a pu
revêtir une valeur juridique universelle.
Notons que le crime de guerre implique une violation du droit
de la guerre d'une gravité particulière. Ils sont donc des
violations graves du droit international humanitaire - ce qu'on appelait jadis,
« les lois et coutumes de la guerre » - commises dans un conflit
armé, qu'il soit international ou interne53.
En effet, malgré le fait que l'interdiction de certains
comportements lors de conflits armés remonte à plusieurs
siècles, ce n'est qu'à la fin du XIXe et au début du XXe
siècle que la notion de crimes de guerre a plus particulièrement
été élaborée, à l'occasion de la
codification du droit international humanitaire. Les Conventions de La Haye
adoptées en 1899 et 1907 se concentrent plus particulièrement sur
l'interdiction qu'ont les parties au conflit d'utiliser certains moyens et
méthodes de combat. Plusieurs autres traités connexes ont
été adoptés depuis. En revanche, la Convention de
Genève de 186454 et les Conventions de Genève
ultérieures, notamment les quatre Conventions de 1949 et les deux
protocoles additionnels de 1977, s'intéressent surtout à la
protection des personnes qui ne participent pas ou plus aux hostilités.
Tant le droit de La Haye que le droit de Genève qualifient plusieurs
violations de leurs normes - mais pas toutes - de crimes de guerre. Aucun texte
de droit international ne codifie à lui seul tous les crimes de guerre.
On en trouve une énumération dans des traités du droit
international humanitaire et du droit international pénal, de même
qu'en droit international coutumier.
Les Conventions de Genève de 1949 ont été
ratifiées par tous les États Membres de l'Organisation des
Nations Unies - un niveau d'acceptation que n'ont pas encore atteint les
52 GREEN (L.C), « International Regulation of
Armed Conflict » in C. Bassioumi (Ed), Intenational criminal Law, Vol. I,
2nd ed., New York, Ardsley Transnational Publishers, 2003, pp.
355-391.
17
53DAVID (E), « Agression, crimes de guerre,
crimes contre l'humanité, génocide : de quoi s'agit-il ? »,
24 avril 2022,
https://www.justice-en-ligne.be/Agression-crimes-de-guerre-crimes
, consulté le 03 octobre 2023. 54 Convention de Genève
du 22 août 1864 pour l'amélioration du sort des militaires
blessés dans les armées en campagne. Genève, 22 août
1864.
18
protocoles additionnels et autres traités du droit
international humanitaire. Nombre des règles contenues dans ces
traités sont cependant considérées relever du droit
coutumier et, partant, s'imposent à tous les États (et autres
parties au conflit), qu'ils aient ou non ratifié les instruments en
question. En outre, de nombreuses règles du droit international
coutumier s'appliquent aux conflits armés aussi bien internationaux que
non internationaux, ce qui élargit la protection offerte en cas de
conflits armés non internationaux, qui ne sont régis que par
l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève et par le Protocole
additionnel II.
Les crimes de guerre sont des violations du droit
international humanitaire (traité ou droit coutumier) dont les auteurs
encourent une responsabilité pénale personnelle au regard du
droit international. En conséquence, à l'inverse des crimes de
génocide et des crimes contre l'humanité, les crimes de guerre
ont toujours lieu lors d'un conflit armé, international ou non.
La définition d'un crime de guerre peut varier selon
que le conflit armé est international ou non international. A la
lumière du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale le
crime de guerre trouve son fondement au sein de l'article 8 qui classe, par
exemple, les crimes de guerre dans les catégories suivantes :
Infractions graves aux Conventions de Genève de 1949, en lien avec un
conflit armé international ; Autres violations graves des lois et
coutumes applicables aux conflits armés internationaux ; Violations
graves de l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949 en
cas de conflit armé ne présentant pas un caractère
international ; Autres violations graves des lois et coutumes applicables aux
conflits armés ne présentant pas un caractère
international.
Sur le fond, on distingue dans les crimes de guerre : a) ceux
commis contre des personnes nécessitant une protection
particulière, b) ceux commis contre les pourvoyeurs d'une aide
humanitaire ou les participants aux opérations de maintien de la paix,
c) ceux commis contre les biens et d'autres droits, d) les méthodes de
guerre interdites, et e) les moyens de guerre interdits.
B) La spécialité du crime
d'agression
Le crime d'agression contient une part de complexité
qui le distingue assez largement des autres crimes internationaux inscrits dans
le Statut de Rome. Comme tous les trois autres
crimes internationaux, le crime d'agression trouve son
fondement dans le Statut de la Cour pénale internationale. Le crime
d'agression se devait d'être défini, de même que les
conditions d'exercice de la compétence de la Cour pénale
internationale (CPI), sur ce crime, devaient être
déterminées. Au moment de son adoption, après de nombreux
débats, inscrire le crime d'agression dans le Statut de Rome, a
été une démarche très difficile et a même
semblé impossible55. Il faut d'ailleurs reconnaître que
depuis la « consécration » du « crime contre
la paix »56 ou crime d'agression, par les Statuts des
Tribunaux militaires internationaux (TMI) de Nuremberg et de Tokyo, tribunaux
chargés de juger les grands criminels Nazi et Japonais, la question de
la définition de ce crime et de la détermination des conditions
d'exercice de la compétence d'une Cour pénale internationale et
permanente sur ce crime s'est posée de façon constante et
récurrente à de nombreuses générations de juristes
et de diplomates.
Le crime d'agression est à la croisée de deux
branches du droit international public, à savoir le droit international
du maintien de la paix et le droit international pénal. Effectivement,
deux branches57 importantes du droit international public vont se
préoccuper plus largement de la question de l'agression : le droit
international du maintien de la paix ou droit de la sécurité
collective58 « entendu comme l'ensemble des règles
permettant d'assurer une réaction collective contre toute atteinte
à la paix »59. En effet, qui dit guerre d'agression
dit rupture et atteinte à la paix60 et à la
sécurité collective ou à la sécurité
internationale61 ; et le droit international pénal entendu
comme un « ensemble des règles gouvernant l'incrimination et la
répression des infractions qui soit présentent un
élément d'extranéité soit sont d'origine
internationale »62. À partir de cette branche du
droit international, il sera possible d'envisager directement la
responsabilité et la sanction de l'individu, auteur de ce crime
international qu'est devenue l'agression depuis l'adoption des Statuts des
Tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo.
55 Il convient de rappeler qu'au moment de
l'adoption et de l'entrée en vigueur du Statut de Rome, aucune
proposition de définition du crime d'agression n'avait obtenu un
consensus assez fort pour être adoptée.
56 Article 6, alinéa a de l'Accord de Londres
du 8 août 1945 instituant le TMI de Nuremberg
57FORTEAU (M), Droit de la
sécurité collective et droit de la responsabilité
internationale de l'État, Revue Générale de Droit
International Public, Pedone, Paris, 2006, 699 p.
58 Le texte de référence de ce droit est
la Charte des Nations Unies adoptée à San Francisco en 1945
59 FORTEAU (M), op. Cit.
19
60 Tout acte d'agression est une rupture de la paix
mais la réciproque n'est pas vraie.
61 QUENEUDEC (J.P), Les nouvelles menaces
contre la paix et la sécurité internationales, Journée
franco-allemande, SFDI, Pedone, Paris, 2004, 298 p.
62 SALMON (J.), Dictionnaire de droit
international public, Bruylant, 2001, 1200 p.
Le crime d'agression est cristallisé à l'article
8bis63 du Statut de Rome comme suit : « 1) Aux fins du
présent Statut, on entend par « crime d'agression » la
planification, la préparation, le lancement ou l'exécution par
une personne effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l'action
politique ou militaire d'un État, d'un acte d'agression qui, par sa
nature, sa gravité et son ampleur, constitue une violation manifeste de
la Charte des Nations Unies ; 2) Aux fins du paragraphe 1, on entend par «
acte d'agression » l'emploi par un État de la force armée
contre la souveraineté, l'intégrité territoriale ou
l'indépendance politique d'un autre État, ou de toute autre
manière incompatible avec la Charte des Nations Unies. Qu'il y ait ou
non déclaration de guerre, les actes suivants sont des actes d'agression
au regard de la résolution 3314 (XXIX) de l'Assemblée
générale des Nations Unies en date du 14 décembre 1974
etc. »64
Enfin, les États peuvent accepter la compétence
de la Cour pour le crime de génocide, les crimes de guerre et les crimes
contre l'humanité commis après cette date, même s'ils n'ont
pas encore ratifié le Statut de Rome. La compétence de la CPI sur
le crime d'agression a été activée le 17 juillet 2018, tel
que décidé par l'Assemblée des États parties au
Statut de Rome en 2017.
La Cour peut exercer sa compétence si ce crime a
été commis : (i) par le ressortissant et sur le territoire d'un
État ayant accepté la compétence de la Cour en ratifiant
les amendements de Kampala relatifs au crime d'agression65 ; ou (ii)
par le ressortissant et/ou sur le territoire d'un État non partie, si le
Conseil de sécurité des Nations Unies réfère la
situation à la Cour. Voyons maintenant le déclenchement de
l'exercice de la compétence de la Cour pénale Internationale.
Section 2 : Le déclenchement de l'exercice de
la compétence de la Cour Pénale Internationale
Pour qu'une situation où des crimes internationaux
paraissent avoir été commis puisse se retrouver devant la Cour
Pénale Internationale, de nombreux critères doivent être
tenus en
63 Article issu de l'amendements au Statut de Rome
de la Cour Pénale Internationale, articles 8bis, 15bis et 15ter, 11 juin
2010.
64 Statut de Rome de la CPI, art 8bis.
20
65 Amendement à l'article 8 du Statut de Rome
de la Cour pénale internationale Kampala, 10 juin 2010.
21
compte66. En effet, pour exercer sa
compétence, la Cour Pénale Internationale s'assure que les faits
soumis à sa connaissance entrent dans sa compétence. Ainsi, afin
de bien analyser déclenchement de l'exercice la compétence
proprement dite de la Cour Pénale Internationale, nous tâcherons
d'opérer une étude sur me respect préalable des
compétences personnelles et temporelle de la CPI (A), ensuite nous
analyserons d'une manière approfondie les modalités de saisine de
la CPI (B).
Paragraphe 1 : Le respect préalable des
compétences personnelle et temporelle de la Cour
Dans cette partie, dans le but de montrer certaines conditions
que la cour doit remplir avant de l'exercice proprement dite de ses
compétences à l'endroit des crimes de droit international, il
sera vu dans une première partie le respect préalable de la
compétence personnelle (A) autrement dit, la compétence
ratione personae de la Cour. Dans une seconde partie, nous nous
pencherons sur une étude de la compétence temporelle (B) est-ce
que la, également dit compétence ratione temporis de la
Cour.
A) La compétence personnelle ou compétence
ratione personae de la Cour
La Cour Pénale Internationale est une juridiction a
vocation universelle, ce qui veut dire qu'elle est appelée à
juger toute personne physique. La compétence personnelle diffère
d'une institution à l'autre en fonction de la mission qui lui est
conférée. Les tribunaux purement internationaux,
c'est-à-dire tant les juridictions ad hoc que la Cour Pénale
Internationale, ont été instituées pour juger les auteurs
présumés responsables des crimes les plus graves « touchant
l'ensemble de la communauté internationale »67.
En effet, le droit international pénal pose le principe
de la responsabilité pénale individuelle, quelle que soit la
qualité de l'auteur de l'acte. Un passage fameux du jugement du Tribunal
militaire international de Nuremberg reste à cet égard
d'actualité : « On a fait valoir que le Droit international ne vise
que les actes des Etats souverains et ne prévoit pas de
66 AMOULGAM (A.K.) et LAFONTAINE (F), « Le
système international pénal », Revue
québécoise de droit international, Special Issue,
Décember 2021, p. 235-252.
67 Statut de Rome de la CPI, article 5.
sanctions à l'égard des délinquants
individuels. (...) Ce sont des hommes et non des entités abstraites qui
commettent les crimes dont la répression s'impose, comme sanction du
droit international. (...) »68. Le Statut de la Cour
Pénale Internationale, dans son article 25, tire de ce principe deux
conséquences.
D'abord en termes de compétence : « La Cour est
compétente à l'égard des personnes physiques en vertu du
présent Statut »69. Ensuite en termes de
responsabilité proprement dite : « Quiconque commet un crime
relevant de la compétence de la Cour est individuellement responsable et
peut être puni conformément au présent Statut.
»70.
Ainsi donc la Cour pénale internationale ne s'occupe
que de juger et punir les individus, et non les Etats71 ou des
personnes morales. Cependant, il y avait plusieurs propositions selon
lesquelles la Cour devrait aussi s'occuper des actes commis par des personnes
morales. Mais, une difficulté s'est imposée : pendant que tous
les systèmes juridiques des Etats prévoient la
responsabilité pénale des individus, leurs approches de la
question sur la responsabilité pénale des personnes morales
divergent d'une façon considérable. Avec une CPI fondée
sur le principe de la complémentarité, il aurait
été injuste d'établir une forme de compétence que
les Etats n'auraient pu appliquer pour la simple raison qu'ils ne reconnaissent
pas la responsabilité pénale des personnes morales en leur droit
interne. Ainsi, sont donc exclues de la compétence personnelle de la CPI
les organisations, partis politiques, des unités militaires, des
entités administratives ou toute autre personne morale72.
La Cour Pénale Internationale demeure compétente
peu importe la fonction ou le rang de la personne poursuivie. Ainsi, comme le
dispose les articles 27 et 28 du Statut de Rome, le statut s'applique à
tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur
la qualité officielle : Chef de l'Etat ; Ministres ; Parlementaires ;
Chefs militaires ; Simples soldats ; Civils, etc. Aucune immunité de
juridiction ne peut donc être soulevée à l'égard des
crimes sur lesquels la Cour est compétente. Mis à part ces
détail, notons que la Cour n'a pas compétence à
l'égard d'une personne qui, lors de la commission du crime, était
âgé de moins de 18 ans73 . Mis à part la
compétence personnelle, que pouvons-nous dire de la compétence
temporelle de la CPI ?
68 Jugement Nuremberg, p. 235.
69 Statut de Rome de la CPI, article 25 § 1.
70 Statut de Rome de la CPI, article 25 § 2.
71 Statut de Rome de la CPI, article 25.
22
72 « Mandat et crimes relevant de la compétence du
TPIY », disponible sur
http://icty.org/sid/320 ,
consulté le 03 octobre 2023.
73 Statut de la CPI, Article 26.
23
B) La compétence temporelle ou compétence
ratione temporis de la Cour
Il est important de noter que la Cour Pénale
Internationale est la seule juridiction pénale internationale à
vocation permanente. Le caractère permanent de Cour prône le fait
que cette dernière peut exercer sa compétence sur tous les crimes
internationaux du moment que ceux-ci ont été commis après
sa mise en application. L'article 11 alinéa 1 stipule que : « La
cour n'a compétence qu'à l'égard des crimes pertinents de
sa compétence commis après l'entrée en vigueur du
présent Statut »74 .
La CPI est une juridiction prospective, cela veut dire qu'elle
ne peut exercer sa compétence sur les crimes commis avant
l'entrée en vigueur du Statut de Rome, soit le 01 juillet 2002. Et pour
ce qui concerne les pays qui deviendront parties après cette date, la
Cour Pénale Internationale ne sera compétente qu'en ce qui
concerne les crimes commis après l'adhésion de ces États.
Ainsi la Cour a une compétence purement mobile qui reste tributaire de
la volonté des États.
Force est de constater que même si la CPI est être
entrée en vigueur en juillet 2002, elle peut toujours être
impuissante devant d'autres crimes qui peuvent se commettre sur le territoire
d'un État non-partie, si jamais le Conseil de sécurité
décidait de ne pas référer la situation à la
Cour.
Il est aussi important de monter un autre problème que
soulève la compétence temporelle de la CPI. La Cour Pénale
Internationale est entrée en vigueur en juillet 2002, cependant, elle ne
peut être effective à l'égard des États qui n'ont
pas ratifié au préalable le traité l'instituant. Elle ne
peut être compétente que moment où l'Etat en question se
décide d'adhérer au Statut de Rome. Sachant que seules les
violations du Statut, commises après le 1er juillet 2002 tombent sous sa
juridiction, de plus, poursuit le même article en son alinéa 2,
pour ceux des Etats signataires qui ont adhéré au Statut
après la date de son entrée en vigueur,
74 Statut de la CPI, Article 11 alinéa 1.
la compétence de la Cour ne commence à courir
qu'à partir de la date de son entrée en vigueur pour l'Etat en
cause75, le Statut n'a pas d'effet rétroactif. Cette position
de la cour résulte du principe de la non-rétroactivité de
la loi pénale selon laquelle une loi ne peut s'appliquer à des
actes compris avant son entrée en vigueur. Ainsi la CPI restera toujours
incompétente face aux crimes commis entre le 01 juillet 2002 et la date
de la ratification du Traité par l'État concerné. Sauf si
l'Etat en question décide de saisir la CPI sur une base ad hoc telle que
prévu par l'article 12 alinéa 3.
En ce concerne les crimes continus, la compétence
temporelle de la CPI par l'article 11 alinéa 1 du Statut ne
résout pourtant pas problème qui peut être soulevée
en cas des crimes continus. Prenons par exemple le cas de la disparition
forcée des personnes qui constitue un crime contre l'humanité aux
termes de l'article 7(i). La disparition d'une personne pourrait se constater
avant l'entrée en vigueur du statut de Rome mais ce crime pourrait aussi
continuer jusqu'après son entrée en vigueur, aussi longtemps que
perdure la disparition. Ce serait aussi le cas lors de déportation ou
transfert forcé des personnes suivi d'une interdiction faite à
celles-ci de revenir à domicile. Mais, il est remarqué que cette
question reste toujours sans réponse comme le souligne la note
insérée par le Comité préparatoire du Statut de
Rome à la fin du paragraphe 1er de l'article 24 du Statut :
« la question a été soulevée en ce qui concerne un
comportement qui a commencé avant l'entrée en vigueur du Statut
et qui continue après elle »76. Par conséquent la
question des crimes continus est restée sans suite et il appartient
dès lors à la cour d'étudier la façon dont elle
doit être traitée. La Cour dispose donc une compétence
temporelle et personnelle bien déterminée. Qu'en est-il alors du
mode de saisine de la Cour Pénale Internationale ?
Paragraphe 2 : Les modalités de saisine de la
Cour Pénale Internationale
Si les compétences de la Cour se trouvent très
encadrées, il convient également de souligner que le
Traité impose encore d'autres garde-fous quant aux modalités de
sa saisine. Il n'entre pas dans les attributions de la Cour pénale
internationale de se saisir d'office pour exercer sa compétence à
l'égard d'un ou de plusieurs crimes définis par le Statut de
Rome77. Aux termes de l'article 13 du statut de Rome : « La
Cour peut exercer sa compétence à l'égard
75 Statut de la CPI, article 11§2.
76 UN Doc. A/CONF. 183/ C1/ L. 65/ Rev.1, p. 2. A
noter toutefois que cette note infrapaginale n'a pas été reprise
dans la version finale adoptée par la Conférence : UN
Doc.A/CONF.183/C.1/L.76/Add.3, pp.1-2 .
24
77 ONGONDO (D.F.)., « La Cour pénale
internationale : réflexions sur la saisine », Gaz.Pal.Rec.
Nov.-déc. 2009, pp. 3687-3691.
d'un crime visé à l'article 5,
conformément aux dispositions du présent Statut : Si une
situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir
été commis est déférée au Procureur par un
État Partie, comme prévu à l'article 14 ; Si une situation
dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été
commis est déférée au Procureur par le Conseil de
sécurité agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des
Nations Unies ; ou Si le Procureur a ouvert une enquête sur le crime en
question en vertu de l'article 15 »78.
En vertu de l'article 13 du statut, la Cour peut être
saisie de trois manières : par n'importe quel État-partie ou sur
l'initiative du Procureur de la Cour (A) ou encore par l'entremise du Conseil
de Sécurité des Nations Unies79 (B).
A) La saisine par les Etats-parties ou par le procureur
de la Cour Pénale Internationale
De nos jours, la ratification du Statut de Rome s'est faite
par plus de 120 Etats dans le monde. A la lumière de l'article 13 du
Statut Rome, la Cour pénale internationale peut exercer sa
compétence si un Etat partie saisit le procureur d'une affaire dans
laquelle un ou plusieurs des crimes visés à l'article 5 du
même statut semblent avoir été commis. Ainsi, les Etats
parties au traité de Rome ont le droit de déférer au
procureur tous les éléments qui font présumer qu'un ou
plusieurs crimes relevant de la compétence de la Cour ont
été commis et de lui demander d'enquêter sur cette
situation en vue de déclencher des poursuites pénales à
l'encontre de la personne ou les personnes qui semblent être complices ou
auteurs de ces crimes. Cela étant, l'Etat partie qui dénonce au
procureur une situation pénale entrant dans le champ de sa
compétence, devra spécifier les circonstances de l'affaire et
produire tous les éléments de preuve et les pièces
à l'appui80.
Notons que tous les Etats ne sont pas autorisés
à saisir le procureur de la Cour pénale internationale, mais
seulement les Etats parties, c'est-à-dire ceux qui ont ratifié le
Statut de Rome comme le dispose en effet, l'article 13 (a) du Statut de Rome :
« La Cour peut exercer sa compétence à l'égard d'un
crime visé à l'article 5, conformément aux dispositions du
présent
78 Statut de la CPI, article 13 du
79 Les ONG et les Organisations internationales,
les individus et les États non partie au traité n'ont aucune
compétence de saisir la Cour. Toutefois, en pratique, ils peuvent tous
contacter le Procureur et le persuader à engager des poursuites.
25
80 DUMONT (H) et BOISVERT (A.M), « La voie
vers la Cour pénale internationale : tous les chemins mènent
à Rome », Revue québécoise de droit international,
Montréal, Thémis, 2005, pp. 423-425.
Statut : a) si une situation dans laquelle un ou plusieurs
crimes paraissent avoir été commis est
déférée au Procureur par un Etat partie comme prévu
à l'article 14 ;(...) ». En effet l'article 14 du Statut de Rome
dispose : « Tout État Partie peut déférer au
Procureur une situation dans laquelle un ou plusieurs des crimes relevant de la
compétence de la Cour paraissent avoir été commis, et
prier le Procureur d'enquêter sur cette situation en vue de
déterminer si une ou plusieurs personnes identifiées devraient
être accusées de ces crimes ». La cour peut donc non
seulement être compétente si un Etat défère au
Procureur une situation survenue sur son territoire propre, comme l'ont fait la
République Centrafricaine et la République démocratique de
Congo, mais également si un Etat défère au Procureur une
situation survenue sur le territoire d'un Etat tiers si par exemple, le
national d'un Etat partie a commis un des crimes visés à
l'article 5 sur le territoire d'un Etat non partie.
Ainsi pour les Etats, il s'agit de porter plainte devant la
CPI. C'est ici la plus importante des prérogatives accordées aux
Etats devant la CPI. La saisine de la Cour par un Etat partie est
l'hypothèse la plus favorable, surtout lorsque la situation se
déroule sur son sol. Dans un tel cas, le principe de
complémentarité voudrait que les organes judiciaires de l'Etat
puissent conduire des poursuites en vue de rechercher et de juger les
responsables des crimes internationaux ou de les extrader vers un Etat qui
s'estimerait compétent pour de telles actions, ou encore de les
déférer devant la CPI. Trois Etats ont déjà
renvoyé une situation pénale au Procureur de la Cour
pénale internationale : L'Ouganda81, la République
démocratique du Congo82et la République
Centrafricaine83.
Mis à part la possibilité de la Cour
d'être saisi par les Etats-parties au Statut de Rome, la Cour peut
également être saisi par le Procureur agissant « propio
motu »84. Le pouvoir attribué par le Statut de la
CPI au Procureur de s'autosaisir et d'engager de sa propre initiative des
enquêtes et poursuites restait un des points les plus controversés
et essentiels de la
81 Renvoi de la situation à la CPI par le
Gouvernement ougandais : janvier 2004, Crimes actuellement visés :
crimes de guerre et crimes contre l'humanité qui auraient
été commis en Ouganda depuis le 1er juillet 2002 (date
d'entrée d'en vigueur du Statut de Rome) dans le contexte d'un conflit
opposant l'Armée de résistance du seigneur (ARS) aux
autorités nationales
82 Renvoi de la situation à la CPI par le
Gouvernement congolais : avril 2004, Crimes actuellement visés : les
crimes de guerre et les crimes contre l'humanité qui auraient
été commis depuis le 1er juillet 2002 (date d'entrée en
vigueur du Statut de Rome) dans le contexte d'un conflit armé en RDC.
26
83 Renvoi de la situation à la CPI par le
Gouvernement centrafricain : décembre 2004, crimes de guerre et crimes
contre l'humanité qui auraient été commis dans le contexte
d'un conflit en RCA depuis le 1er juillet 2002, les violences ayant
été à leur paroxysme en 2002 et 2003. (Voir RCA II pour la
situation dans ce pays à partir de 2012).
84 Expression latine, signifiant « de sa propre
initiative ».
Conférence de Rome. Les participants à cette
Conférence se sont convenus que le Procureur est habilité
à ouvrir proprio motu des enquêtes au sujet des quatre crimes les
plus graves prévus par le Statut de Rome85. Selon les
dispositions de l'article 13 (b) la Cour est compétente « Si le
Procureur a ouvert une enquête sur un ou plusieurs de ces crimes en vertu
de l'article 15 ». L'article 15 quant à lui dispose : « Le
Procureur peut ouvrir une enquête de sa propre initiative au vu des
renseignements concernant des crimes relevant de la compétence de la
Cour ».
Nous pouvons alors comprends en partant sur les bases des
article 13 (b) et 15 (§1) que le Procureur de la CPI dispose de la
capacité d'ouvrir une enquête de sa propre initiative en absence
d'un renvoi par un Etat partie ou par le Conseil de Sécurité des
Nations Unies à l'encontre d'un ressortissant d'un Etat partie.
Cependant les Etats signataires ont décidé de soumettre la
décision de l'ouverture d'une enquête du Procureur à un
examen a priori, une sorte de validation avant la poursuite de la
procédure. C'est ainsi que si le Procureur décide d'ouvrir une
enquête, il devra obtenir au préalable l'autorisation de la
Chambre préliminaire de la CPI86.
En effet, après avoir obtenu l'autorisation des juges ;
ce fut le cas pour le Kenya87, Côte d'Ivoire88,
Géorgie89 et le Bangladesh/Myanmar90, le Procureur
peut sans contrainte ouvrir une enquête de sa propre initiative. Le
Procureur ne peut donc pas, de sa propre initiative, ouvrir des enquêtes
concernant un État non partie au Statut de Rome, sauf si les
ressortissants d'États parties sont soupçonnés d'avoir
commis des crimes visés par le Statut de Rome sur le territoire de
l'État non partie concerné. Alors, mis à part la saisine
de la Cour par les Etats parties et par le Procureur, comment est-ce que
celle-ci peut être saisie par le Conseil de Sécurité des
Nations Unies ?
85 Statut de la CPI, Article 15.
86 Statut de la CPI, Article 15§3 : « 3.
S'il conclut qu'il y a une base raisonnable pour ouvrir une enquête, le
Procureur présente à la Chambre préliminaire une demande
d'autorisation en ce sens, accompagnée de tout élément
justificatif recueilli. Les victimes peuvent adresser des
représentations à la Chambre préliminaire,
conformément au Règlement de procédure et de preuve.
»
87 Mars 2010, Crimes visés : crimes contre
l'humanité qui auraient été commis dans le contexte des
violences postélectorales au Kenya en 2007 et 2008.
88 3 octobre 2011, Crimes
visés : crimes relevant de la compétence de la Cour qui auraient
été commis dans le contexte des violences postélectorales
en Côte d'Ivoire en 2010 et 2011, mais aussi du 19 septembre 2002
à ce jour
27
8927 janvier 2016, Crimes visés : les crimes
contre l'humanité et les crimes de guerre qui auraient été
commis dans le contexte d'un conflit armé international entre le
1er juillet et le 10 octobre 2008.
90 Crimes allégués de
déportation, de persécution et de tout autre crime relevant de la
compétence de la CPI, commis à l'encontre des Rohingya ou
d'autres personnes, actes de violence perpétrés dans
l'État de Rakhine (Myanmar) et tout autre crime relevant de la
compétence de la CPI et suffisamment liés à ces
événements
B) La saisine de la Cour Pénale Internationale par
le Conseil de Sécurité des Nations Unies
En effet, le troisième mode de saisine de la Cour
pénale internationale est celle initiée par le Conseil de
Sécurité des Nations Unies. La Cour Pénale Internationale
est une juridiction pénale internationale dont le rôle tourne
autour de la promotion et de la répression des crimes de droit
international. Pour ce qui concerne le Conseil de Sécurité des
Nations Unies, il est un organe politique des Nations Unies chargé de la
mission du maintien de la paix et de la sécurité
internationale91. Il s'agit donc ici d'une collaboration entre la
justice, incarnée par la CPI, et la politique, incarné par le
Conseil de Sécurité des Nations Unies, dans le but de lutter
contre l'impunité. La CPI a une compétence mondiale en cas de
saisine par le Conseil de sécurité des Nations
Unies92.
Selon les dispositions pertinentes de l'article 13 (b) du
Statut de Rome : « la Cour peut exercer sa compétence à
l'égard des crimes visés à l'article 5,
conformément au présent Statut : « b) Si une situation
dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été
commis est déférée au Procureur par le Conseil de
sécurité agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des
Nations Unies ;(...) »93. Cette saisine, par le Conseil de
sécurité, constitue ainsi l'une des trois possibilités de
saisine de la Cour, aux côtés de celle reconnue à un Etat
partie (article 13a) et au Procureur lui-même (article 13c).
Cependant, il revient de préciser que le Conseil de
sécurité ne peut saisir la Cour que dans le cadre du chapitre VII
de la charte des Nations Unies94, cela veut tout simplement dire qu'
« en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte
d'agression ». En effet, pour que le Conseil de Sécurité des
Nations Unies puisse déférer une « situation » au
Procureur auprès de la Cour, celle-ci doit comporter une menace à
la paix et à la sécurité internationales. Le fondement de
cette disposition se situe dans les pouvoirs et devoirs du Conseil de
Sécurité des Nations Unies de garantir l'établissement de
la responsabilité pénale individuelle dans le
91 Article 24§1 de la Charte des Nations Unies
: « 1. Afin d'assurer l'action rapide et efficace de l'Organisation, ses
Membres confèrent au Conseil de sécurité la
responsabilité principale du maintien de la paix et de la
sécurité internationales et reconnaissent qu'en s'acquittant des
devoirs que lui impose cette responsabilité, le Conseil de
sécurité agit en leur nom. »
92 Statut de Rome de la CPI, supra note 23, art
13.b.
28
93 Statut de la CPI, Article 13 al.b.
94 La Charte des Nations Unies est un instrument
constitutif des Nations Unies, signée le 26 Juin 1945. Elle
établit les droits et les obligations des Etats membres et instaure les
principaux organes et procédures des Nations Unies.
cadre de ses prérogatives de maintien de la paix et de
la sécurité internationales en cas de perpétration des
crimes internationaux les plus graves95.
Notons que lorsque le Conseil de Sécurité
renvoie une « situation » à la CPI sur la base du Chapitre VII
de la Chartre des Nations Unies, la seule condition à respecter est
celle de la situation (le ou les crimes qui relèvent de la
compétence de la Cou) comporte une « menace à la paix et la
sécurité internationales ». Ainsi donc, la Cour ne pas le
droit de s'assurer que le renvoie de la situation répond aux conditions
préliminaires prévues par l'article 12 (2) du Statut de Rome,
à savoir que les crimes soient commis par un ressortissant d'un Etat
partie, soit sur le territoire d'un Etat partie. Ce qui veut dire que le
Conseil de sécurité est le seul sujet compétent pour
renvoyer une « situation » au procureur de la cour pénale
internationale indépendamment de toute liaison entre l'Etat territorial
ou de nationalité du suspect et le crime, en plus de cela, il est le
seul sujet qui n'a pas ratifié le Statut de Rome.
La première utilisation de cette prérogative de
déférer une affaire devant la Cour par le Conseil de
Sécurité s'est faite en 2005. En effet, en application de
l'article 13 du Statut de Rome, le Conseil de sécurité de l'ONU a
adopté, le 31 mars 2005, la résolution 1593 qui renvoi une
situation pénale devant le procureur de la Cour pénale
internationale et qui prévoit que les suspects de crimes contre
l'humanité et de crimes de guerre au Darfour dans l'ouest du Soudan
soient jugés devant la Cour pénale internationale. Le texte
permettra à la Cour pénale internationale de poursuivre les
responsables de meurtres, viols et pillages qui ont ravagé la
région soudanaise du Darfour96. Le Procureur de la CPI
dispose certes d'un pouvoir d'appréciation sur les situations qui lui
sont déférer, cependant, malgré ces larges pouvoirs
d'appréciation, son autonomie d'accusation et celle de la Cour
elle-même sont soumises au contrôle indirect et
général exercé par le Conseil de Sécurité
des Nations Unies.
Ainsi, la compétence de la CPI est fondée sur le
Statut de Rome, cependant, il faut noter que son mode de fonctionnement
également est de même fondé sur le même texte ;
95 SUR (S), « Vers une CPI : La convention de
Rome entre les ONG et le Conseil de sécurité », Revue
Générale de droit international public, 1999, Numéro
1, pp.29-49.
29
96 Le vote est intervenu après deux mois de
tractations au Conseil de sécurité et entre les capitales,
divisées sur l'autorité à saisir pour les jugements des
criminels de guerre au Soudan. Mais les Américains, hostiles à
tout ce qui pourrait légitimer l'autorité de la Cour
pénale internationale, plaidaient pour l'établissement d'un
tribunal en Tanzanie adapté de celui qui a jugé les victimes du
génocide Rwandais, idée jugée trop coûteuse et
longue à mettre en place par la France et les pays membres du Conseil
ayant ratifié le Statut de la Cour pénale internationale. Le vote
a été enfin arraché au terme de longues discussions et aux
prix d'une concession accordée aux Etats-Unis, qui se sont par ailleurs
abstenus avec trois autres pays (Algérie, Brésil, Chine).
Chapitre 2 : Un mode de fonctionnement fondé sur
le Statut de Rome
Depuis l'entrée en vigueur du Statut de Rome en 2002,
la Cour pénale internationale n'a cessé d'oeuvrer à la
promotion de la coopération, de la complémentarité et de
l'universalité comme composantes essentielles au bon fonctionnement du
système juridique mis en place par le Statut de Rome.
Le statut de Rome de la Cour pénale internationale a
établi une compétence partagée entre les juridictions
nationales et la Cour, ce qui caractérise son mode de fonctionnement. La
Cour Pénale internationale fonctionne sur la base de
complémentarité (Section 1) et celle de la coopération
(Section 2). En effet, la Cour Pénale internationale ne peut agir donc
qu'en complémentarité des juridictions nationales mais les
États sont tenus de coopérer pleinement avec la Cour dans les
enquêtes et poursuites pour les crimes relevant de sa
compétence.
Section 1 : Un mode de fonctionnement basé sur
le principe de complémentarité
Le principe de la complémentarité est la pierre
angulaire de la nouvelle architecture de la justice pénale
internationale. Il constitue le meilleur compromis entre la
nécessité de justice (en vue de prévenir et punir les
atteintes à la paix et l'humanité) et la souveraineté des
Etats97. Selon le Statut de Rome, le principe de la
complémentarité régit les relations entre la CPI et les
juridictions nationales : « Elle est complémentaire des
juridictions pénales nationales »98. Ce terme,
affirmé dès le préambule, dans son dixième
paragraphe « la Cour pénale internationale dont le
présent Statut porte création est complémentaire des
juridictions pénales nationales »99 soulève
les questions de la recevabilité dans le Statut de
Rome100.
En effet, contrairement aux tribunaux ad hoc mis en place pour
l'ex-Yougoslavie et le Rwanda par le Conseil de Sécurité des
Nations Unies, dont la primauté est assurée sur les juridictions
nationales des Etats, la CPI n'a pas primauté sur les systèmes
nationaux101. Ce qui
97 NGOTO NGOIE NGALINGI (J.A), « La
complémentarité de la Cour Pénale Internationale par
rapport aux juridictions nationales », Cahiers africains des Droits de
l ' Homme et de la Démocratie ainsi que du Développement
durable, Mars 2018, pp. 61-67.
98 Statut de Rome de la CPI, Article 1.
99 Préambule du Statut de Rome de la CPI,
Paragraphe 10.
30
100 BAZALAIRE (J.P) et CRETIN (T), La justice
pénale internationale: Son évolution, son avenir
Broché, PUF, 31 juillet 2000, 272 p.
101 Site officiel de la CPI,
https://www.icc-cpi.int/sites/default/files/NR/rdonlyres/1FA7C4C6-DE5F-42B7-8B25-60AA962ED8B6/143595/030908_Policy_Paper_FR.pdf,
P. 4, consulté le 27 Septembre 2023.
veut dire qu'en cas de conflit de compétence entre les
systèmes nationaux et la CPI, les premiers l'emportent, car la Cour
Pénale Internationale n'a pas été institué pour
remplacer les tribunaux nationaux102.
A la lumière du Statut de Rome, les dispositions
relatives à la complémentarité se rapportent aux
règles qui conditionnent la recevabilité d'une affaire devant la
Cour Pénale Internationale. En effet, l'exercice de la compétence
de la CPI est subordonné à des exigences de recevabilité
des affaires (Paragraphe 1). Dans ce contexte, on parle de la
complémentarité passive ou classique de la Cour. Cependant, au
fil du temps, et dans la mesure de combler les lacunes du Statut de Rome, nous
remarquerons que la complémentarité de la Cour a connu une
certaine évolution (Paragraphe 2) pour atteindre la
complémentarité positive.
Paragraphe 1 : La exigences de recevabilité des
affaires devant la Cour : La complémentarité passive
La complémentarité passive est
généralement considérée comme la dimension «
traditionnelle » de la complémentarité, celle à
laquelle on renvoie instinctivement. Cette forme de
complémentarité place la CPI dans un rôle de sentinelle,
comme un palliatif à une possible défaillance par les Etats dans
leur devoir d'enquêter et de punir les crimes les plus graves, cela tout
en préservant leur souveraineté. La complémentarité
passive leur laisse l'opportunité d'exercer en premier leur
compétence103.
En effet, dès lors que la compétence d'une
juridiction est établie, il vient automatiquement la question de savoir
si l'affaire dont elle est saisie est recevable. La recevabilité est la
qualité que doit présenter la demande dont un plaideur saisit une
juridiction pour que le juge en soit régulièrement saisi. En
d'autres termes, la recevabilité est le caractère d'une demande
en justice rendant possible son examen au fond par la juridiction
saisie104.
Le Statut de Rome précise dans son préambule
comme dans son dispositif que les Etats disposent également de la
compétence de poursuivre et le juger les auteurs des crimes relevant de
la compétence de la Cour. Les situations dans lesquelles une affaire,
pour laquelle
102 Site officiel de la CPI ,
https://www.icc-cpi.int/sites/default/files/Publications/Joining-Rome-Statute-Matters-FRA.pdf,
P. 2, consulté le 27 septembre 2023.
103 BENATTOU (L), La mise en oeuvre du principe de
complémentarité devant la Cour pénale internationale,
Rapport de recherche : Certificat d'études juridiques internationales,
Institut des hautes études internationales (IHEI), 2017, 45p.
31
104 GUINCHARD (S.) et DEBARD (T.), Lexique des termes juridiques,
31ème éd., Dalloz, Paris, 2023, 1200p.
une enquête, une procédure est conduite sur le
plan national ou même un jugement a été rendu, sera
déclarée recevable par la CPI, sont établies par l'article
17 du Statut de Rome. Ainsi, selon l'article 17 du Statut de Rome, la
recevabilité d'une affaire devant la Cour est non seulement possible en
cas de manque de volonté d'un Etat (A) mais également en cas
d'incapacité d'un Etat (B). Il s'agit de la
complémentarité passive de la Cour, qui fait l'objet de ce
présent paragraphe.
A- La Recevabilité en cas de manque de volonté
d'un Etat
En effet, une affaire peut être recevable devant la Cour
Pénale Internationale dans la mesure où un Etat ne manifeste pas
une volonté de mener des poursuites judiciaires contre la personne mise
en cause. Le manque de volonté n'est pas défini dans le Statut de
Rome. Cependant, les dispositions pertinentes de l'article 17 (2)
alinéas (a), (b) et (c) établissent les situations dans
lesquelles peut l'établir105. A la lumière de ces
dispositions : « la Cour considère l'existence, eu égard
aux garanties d'un procès équitable reconnues par le droit
international, de l'une ou de plusieurs des circonstances suivantes : a) la
procédure a été ou est engagée ou la
décision de l'État a été prise dans le dessein de
soustraire la personne concernée à sa responsabilité
pénale pour les crimes relevant de la compétence de la Cour
visés à l'article 5 ; b) la procédure a subi un retard
injustifié qui, dans les circonstances, est incompatible avec
l'intention de traduire en justice la personne concernée ; c) la
procédure n'a pas été ou n'est pas menée de
manière indépendante ou impartiale, mais ,d'une manière
qui, dans les circonstances, est incompatible avec l'intention de traduire en
justice la personne concernée »106.
Au regard de ce qui précède, nous pouvons
retenir que le manque de volonté de l'Etat peut être
caractérisé dans trois situations particulières. Tout
d'abord, le dessein de soustraire de la responsabilité
pénale107. Ce premier critère, incarne un
élément subjectif, car il est centré sur une
évaluation de la qualité de la justice en fonction des intentions
réelles d'un Etat. Sur ce point, pour qu'un État soit
reproché de cette manoeuvre, il faut que l'objectif de vouloir faire
105 EL ZEIDY (M.M), Le principe de
complémentarité en droit pénal international Origine,
développement et pratique, Leiden, Boston, 2008, 366 p.
106 Statut de Rome de la CPI, préc. note 4, art.17.al.
2.
32
107 Statut de Rome, Article 17 (2) alinéas (a).
échapper la personne aux poursuites judiciaires soit
démontré108 et prouver par le Procureur de la CPI.
Ensuite, le deuxième critère qui incarne quant à lui un
élément objectif. Il correspond au retard injustifié et
incompatible avec l'intention de traduire en justice la personne
concernée109. L'article 17 (2) (b) traite plus
généralement des événements, car il n'est pas
conçu pour remédier aux retards qui touchent aux droits de
l'accusé au sens strict, mais plutôt à des retards relatifs
à l'ensemble de la procédure pénale dans le
déroulé général des événements,
c'est-à-dire un retard qui se répercute directement sur l'action
de livrer un accusé à la justice. Enfin, Le troisième et
dernier critère, également objectif est le manque
d'indépendance et d'impartialité dans la manière de mener
la procédure110 . Si la CPI détermine que la
procédure « n'a pas été ou n'est pas menée
de manière indépendante ou impartiale », mais est en
réalité menée d'une manière « qui, dans
les circonstances est incompatible avec l'intention de traduire
l'intéressé en justice », le cas sera recevable.
L'idée d'examiner l'impartialité ou l'indépendance de la
procédure interne a été le résultat de
négociations qui ont eu lieu au sein de la Commission
préparatoire en 1996. Alors, qu'est est-il de la question de
l'incapacité de l'Etat à mener à bien les poursuites ?
B- La Recevabilité en cas de l'incapacité d'un
Etat
Mis à part le manque de volonté, la
recevabilité comprend également le critère de
l'incapacité d'un à mener à bien les poursuites à
l'encontre de la personne mise en cause. Tout comme la notion de manque de
volonté, l'incapacité n'a pas été définie
par le Statut de Rome. Elle est également cristallisée dans le
Statut de Rome comme suit : « 3- Pour déterminer s'il y a
incapacité de l'État dans un cas d'espèce, la Cour
considère si l'État est incapable, en raison de l'effondrement de
la totalité ou d'une partie substantielle de son propre appareil
judiciaire ou de l'indisponibilité de celui-ci, de se saisir de
l'accusé, de réunir les éléments de preuve et les
témoignages nécessaires ou de mener autrement à bien la
procédure »111.
En partant de ce qui précède, force est donc de
constater l'incapacité d'un Etat peut s'expliquer de trois
manières. Il s'agit de prouver l'effondrement ou
l'indisponibilité de l'appareil judiciaire national, pour commencer.
L'effondrement du système national de la
108 MBAYE (A.A.) et SHOAMANESH (S.S.), « Commentaire
article par article : la Cour », in Statut de Rome de la Cour
Pénale Internationale : commentaire article par article, Edition A.
PEDONE, p. 687 -709.
109 Statut de Rome de la CPI, Article 17, paragraphe 2,
alinéa (b).
110 Statut de Rome de la CPI , Article 17, paragraphe 2,
alinéa (c).
33
111 Statut de Rome de la CPI, Article 17, paragraphe 3.
magistrature doit être total ou substantiel. Un
effondrement total peut être défini par un effondrement complet de
l'administration de la justice, soit en raison de la perte par l'État de
son contrôle sur le territoire ou en raison d'une décision
nationale de supprimer l'administration de la justice. Pour ce qui concerne
l'effondrement substantiel, elle comprend une situation, où les
autorités de l'État ne sont pas nécessairement
complètement dysfonctionnelles, mais tout de même incapables
d'assurer l'instruction de l'affaire. Il est nécessaire de mettre en
valeur le lien de cause à effet, c'est-à-dire démontrer
que cette incapacité est le résultat de l'effondrement ou de
l'indisponibilité de l'appareil judiciaire. Dans ce cas, nous pouvons
imaginer que l'Etat, après avoir constaté son incapacité,
décide de lui-même de se dessaisir et de déférer la
situation devant la CPI. A titre d'exemple l'Ouganda, la République
Démocratique du Congo et la République Centrafricaine,
après avoir constaté leur incapacité à mener
véritablement à bien les poursuites des personnes
présumés avoir commis des crimes internationaux sur leurs
territoires ont déféré ces situations à la
CPI112.
Il s'agira de démontrer, ensuite, que l'Etat est
incapable de se saisir de l'accusé, de réunir les
éléments de preuve et les témoignages nécessaires
ou de mener autrement à bien la procédure. Le premier cas peut
être le résultat de difficultés rattachées à
l'extradition, qui peut se fonder par exemple sur des motifs futiles, à
des questions d'asile, dont l'octroi peut s'avérer
discrétionnaire, à l'immunité ou à des obstacles
logistiques, comme le fait de bloquer des commissions rogatoires. Pour ce qui
concerne le second cas, il peut résulter d'un empêchement
d'accéder au lieu où les crimes se sont déroulés,
de l'absence d'un programme de protection des témoins ou encore d'un
manque de personnel qualifié pour recueillir les témoignages.
La Cour Pénale Internationale n'est pas une simple cour
des droits de l'homme. Son but premier n'est pas de détecter les
violations des principes du procès, mais plutôt de
déterminer si le système national est capable ou non de
poursuivre les principaux crimes prévus par le Statut113.
Voyons maintenant l'évolution de la notion de
complémentarité de la Cour.
112 RDC : ICC-01/04-01/06 Affaire Le
Procureur c/Thomas Lubanga Dyilo , ICC-01/04-01/07 Affaire Le Procureur
c/Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui , ICC-01/04-02/06 Affaire Le
Procureur c/ Bosco Ntaganda ; RCA :ICC-01/05 -01/08 Affaire Le
Procureur c/ Jean-Pierre Bemba Gombo ; OUGANDA :
ICC-02/04-01/05 Affaire Le Procureur c/ Joseph Kony, Vincent Otti, Okot
Odhiambo et Dominic Ongwen
34
113 HELLER (K), « Le côté obscur de la
complémentarité : l'effet de l'article 17 du Statut de Rome sur
la procédure régulière nationale », Forum de droit
pénal, Vol. 17, 2006, pp. 255-280.
Paragraphe 2 : L'évolution de la
complémentarité de la Cour : la complémentarité
positive
En effet, les normes régissant la
complémentarité ont été conçues pour
répondre à la confrontation entre la juridiction nationale et la
CPI. Cependant, force est de constater qu'après l'entrée en
vigueur du Statut de Rome, les lacunes de la complémentarité
passive de la Cour ont été remarquées et
élaborées par plusieurs auteurs et même par le Procureur de
la CPI. Nous sommes partis alors d'une complémentarité passive de
la Cour à une forme avancée, dite complémentarité
positive. Cependant, tout comme la complémentarité passive, la
complémentarité positive n'est pas non plus définie dans
le Statut de Rome, ce dernier se limite à consacrer la forme et les
modalités d'une assistance que la Cour peut fournir aux tribunaux
nationaux114.
En effet, L'émergence vers le concept de «
complémentarité positive » en droit pénal
international s'inscrit dans l'optique de remédier aux lacunes du Statut
de Rome quant à la définition de l'assistance globale pour le
renforcement des capacités des systèmes judiciaires
nationaux115. Pour aller plus en profondeur, nous analyserons la
notion de la complémentarité positive (A) ainsi que les
différentes formes d'assistance dans la complémentarité
positive (B).
A- La notion de complémentarité positive de la
Cour
En effet, la complémentarité positive s'inscrit
dans une logique de réduire au maximum le nombre de poursuites
engagées devant la CPI dans le but de favoriser l'ouverture des
procédures judiciaires par les Etats eux-mêmes. Elle est
cristallisée dans l'article 93 (§10) du Statut de Rome. Nous la
retrouvons également dans le Règlement de procédure et de
preuve de la Cour Pénale Internationale116.
Lors de son discours présenté le 16 juin 2003
devant l'Assemblée des Etats parties à l'occasion de son
inauguration, le premier Procureur OCAMPO a déclaré qu'il
souhaitait « participer à la création d'un réseau
de procureurs nationaux et internationaux qui
114 Statut de Rome, Article 93 al. 10,.
115 BEKOU (O), « Complémentarité positive :
Une base appropriée pour le renforcement des capacités ? »,
in : Le droit et la pratique de la Cour pénale internationale,
Carsten Stalin ,Oxford University Press, 2015.
35
116 Règlement de procédure et de preuve,
art.194, en ligne :
https://www.icc-cpi.int/sites/default/files/Publications/Reglement-de-procedure-et-de-preuve.pdf,
, consulté le 28 septembre 2023.
coopéreraient entre eux et développeraient
une aptitude de fonctionner ensemble »117. Ainsi, nous
pouvons remarquer une volonté de coopération qui était
présente dès l'origine, dans l'esprit des agents de la CPI, c'est
à dire dès la mise en activité de l'institution. Le
Procureur OCAMPO est allé encore plus loin, en affirmant en 2004 lors
d'une allocution que « l'efficacité de la CPI ne devrait pas se
mesurer au nombre d'affaires présentées devant la Cour, mais
plutôt à l'absence de procès devant elle, qui sera la
conséquence du fonctionnement efficace des systèmes nationaux
»118 . La CPI doit donc à tout prix oeuvrer au
renforcement des capacités techniques, matérielles et
institutionnelles des Etats, pour que ceux-ci soient aptes à assumer
leur responsabilité en matière de lutte contre l'impunité
des atrocités de masse.
La complémentarité positive ou active de la
Cour, a également été présenté par le Bureau
du Procureur de la CPI dans un rapport publié en 2010. En effet, le
Bureau de Procureur a déclaré qu'il ne s'« engagerait
pas directement dans un renforcement des capacités et n'offrirait pas
une assistance technique et financière »119. Nous
pourrions comprendre alors que la mise en oeuvre de la
complémentarité active se limiterait essentiellement, pour le
Bureau du Procureur, à mettre à la disposition des
autorités nationales de renseignements lorsqu'ils en font la demande,
tel que cela est prévu à l'article 93-10 du Statut de Rome.
Au-delà, il n'agirait que comme un catalyseur à l'intervention
d'un réseau d'acteurs extérieurs à la CPI, tels que des
avocats, experts et ONG120.
En effet, dans la mise en oeuvre de la
complémentarité positive ou active, la CPI n'ouvre
premièrement aucune enquête, et n'organise secondement aucune
poursuite. Elle laisse cette fonction aux systèmes judiciaires nationaux
comme nous pouvons le constater dans préambule et dans l'article
1er du Statut de Rome de la CPI qui prévoient que le
rôle premier dans le combat contre l'impunité des crimes qui
touchent l'ensemble de la communauté internationale revient aux
systèmes judiciaires nationaux121. L'idée principale
de la
117 OCAMPO (L.M), « Déclaration faite lors de la
cérémonie d'engagement solennel du Procureur
général de la CPI », 16 juin 2003.
118 Bureau du Procureur de la CPI, « Communication
relative à certaines questions de politique générale
concernant le Bureau du Procureur », 2003, p. 4.
119 Bureau du Procureur de la CPI, « Stratégie de
poursuite : 2009-2012 », 1er févr. 2010, La Haye,
§17
https://www.icc-cpi.int/sites/default/files/NR/rdonlyres/66A8DCDC-3650-4514-AA62-D229D1128F65/281895/Strat%c3%a9gieenmati%c3%a8redepoursuites_20092012.pdf
, consulté le 02 octobre 2023.
36
120 BENATTOU (L), La mise en oeuvre du principe de
complémentarité devant la Cour pénale internationale,
Rapport de recherche : Certificat d'études juridiques internationales
2016-2017, 45p.
121 Statut de Rome de la CPI, préambule, al.4 ; Article
1er .
complémentarité positive consiste à de
donner les moyens nécessaires aux juridictions nationales des Etats pour
que la lutte contre l'impunité des crimes graves puisse être
menée efficacement sur le plan national. C'est dans cette optique que
l'accent est mis sur l'assistance apportée à un État par
d'autres États, les Organisations publiques ou privées de droit
international ou national, la société civile et la CPI pour des
fins de lutte contre l'impunité des crimes graves sur le plan
national.
A cet égard, nous pouvons souligner la situation en
Afrique centrale, dont les progrès ont été
facilités par la « complémentarité positive
»122, notamment en République démocratique du
Congo (RDC) car force est de constater que les informations collectées
lors des enquêtes de la CPI en coopération avec les
autorités judiciaires congolaises étaient très utiles pour
avancer sur le plan de la justice durable en RDC. Les autorités
congolaises qui ont coopéré avec la CPI ont exprimé
l'intérêt et la nécessité de renforcer leurs
capacités par la complémentarité positive.
En partant de toutes ces considérations, nous pouvons
affirmer alors que la complémentarité positive consiste pour le
Bureau du Procureur, à encourager dans la mesure du possible, les
autorités nationales à engager de véritables
enquêtes et poursuites, de véritables procédures
judiciaires, y compris dans le pays ou le Bureau du Procureur mène
également des analyses préliminaires123. La
complémentarité positive a pour but d'établir donc une
coopération avec l'Etat qui fait l'objet d'une situation afin que ce
dernier puisse se doter des moyens pour parvenir à mener à bien
des enquêtes et engager des poursuites. Dans la pratique, la
complémentarité positive se matérialise par un
renforcement des capacités des juridictions nationales, une assistance
financière par les bailleurs de fonds, une mise en commun des bases de
données, une association des juristes et experts locaux aux
enquêtes initiées par le Bureau du Procureur124. Voyons
alors les formes d'assistance en guise de complémentarité
positive pour aller plus loin dans notre analyse.
122 STAHN (C) et EL ZEIDY (M), La Cour pénale
internationale et complémentarité, de la théorie à
Pratique, CUP (Cambridge), 2011, 1292p.
123 Bureau du Procureur de la CPI, « Stratégie en
matière de poursuites 2009 -2012 », 1er février
2010, p. 5.
37
124 Ibid. p. 6
B- Les différentes formes d'assistance dans une
complémentarité positive
Tout comme la complémentarité passive, la
complémentarité positive dispose de ces propres
caractéristiques. En effet, dans cette partie nous analyserons les
différentes formes d'assistance en guise de
complémentarité positive. Pour les Etats ayant ratifié la
convention sur la complémentarité, trois types d'assistance
peuvent être fourni par la CPI à l'endroit leurs système
judiciaires nationaux. Il s'agit d'abord d'une assistance législative,
ensuite d'une assistance technique et pour finir d'une assistance
physique125 , dont nous analyserons en cas par cas.
Ainsi, la complémentarité positive peut d'abord
se manifester dans le cadre d'une assistance législative. Celle-ci
consiste à renforcer le dispositif législatif national des Etats
dans le but de tendre vers l'efficacité à juger les crimes les
plus graves. Les Etats peuvent recevoir cette assistance de la Cour
pénale internationale, ou des différents partenaires.
L'assistance législative peut correspondre à inciter les Etats
à ratifier tous les instruments juridiques internationaux pertinents au
combat contre l'impunité des crimes internationaux126 et le
Statut de Rome, de même qu'à faire la transposition dans leurs
législations nationales, comme nous pouvons le sentir dans les propos de
juge Sang-Hyun SONG lors d'une conférence de presse : « la
transposition dans les lois nationales des incriminations du Statut de Rome de
la Cour pénale internationale offre une première mesure de
l'engagement des Etats à respecter le principe de
complémentarité.»127. En effet, inciter les
Etats à ratifier l'Accord sur les privilèges et les
immunités de la CPI128 rentrent dans les objectifs de la
Cour en guise d'une assistance législative, par exemple. Ouvert à
tous les Etats parties au Statut de Rome ou non, cet Accord est conclu dans le
but de « reconnaître internationalement des privilèges et
immunités aux officiers et au personnel de la CPI afin qu'ils exercent
en toute sérénité et indépendance leurs
activités judiciaires »129. Dans cette optique, cet
Accord offre une protection aux officiels de la CPI pour leurs actions dans le
cadre d'appui et d'encouragement des juridictions nationales. À
125 Bureau de l'assemblé des Etats parties, préc.,
note 8.
126 Les Conventions de Genève et leurs protocoles
additionnels, la Convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide, la Convention contre la torture et le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques sont des illustrations
des instruments juridiques internationaux qui pourraient contribuer à la
prévention et à la répression des crimes les plus
graves.
127 Le site official de la CPI, « Conférence de
révision : Le Président et le Procureur de la CPI participent
à des conférences débats sur la coopération et la
complémentarité »,
https://www.icc-cpi.int/fr/news/icc-conference-de-revision-le-president-et-le-procureur-de-la-cpi-participent-des-conferences.
Consulté le 02 octobre 2023.
38
128 Accord sur les privilèges et immunités de la
Cour pénale internationale, Adopté par l'Assemblée des
Etats Parties Première session New York, 3-10 septembre 2002
129 Le site official de la CPI, Accord sur Priv. et Immu.-
FR.p.PDF (icc-cpi.int), consulté le 02 octobre 2023.
cet effet, les juges, le Procureur, les procureurs adjoints et
le Greffier de la Cour jouissent de l'immunité absolue de juridiction
pour les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions
officielles130.
La complémentarité positive revient aussi en la
mise en place d'une assistance physique. Celle-ci consiste à aider les
juridictions nationales des Etats en mettant à leur disposition des
infrastructures physiques comme des salles d'audience, des
établissements pénitentiaires et d'autres types d'infrastructures
qui peuvent faciliter les procédures judiciaires en lien avec les
violations graves des droits humains. Ce type d'assistance est beaucoup plus
assuré par les organisations publiques et privées de droit
international ou national, la société civile et certaines
puissances économiques dans le but de participer à la lutte
contre l'impunité des crimes internationaux en guise de la
coopération internationale131. Il requiert une des moyens
financiers importants qui ne peuvent être couvert par la CPI car le
Statut de Rome ne prescrit pas que la CPI puisse mettre à la disposition
des tribunaux nationaux un appui ou une assistance financière.
Pour finir, la complémentarité positive se
matérialise enfin en la mise place d'une assistance technique, qui
semble mettre un accent particulier sur le renforcement des capacités
nationales en vue de disposer d'un potentiel humain susceptible d'être
à la hauteur de la complexité des affaires portant sur les crimes
les plus graves. Cette assistance comprend, entre autres, la formation du
personnel de police, des services d'enquêtes et du ministère
public, le renforcement des témoins et des victimes, le perfectionnement
des compétences en matière de médecine légale, la
formation des magistrats et d'avocats de la défense et la protection de
la sécurité et de l'indépendance des officiers de
justice132.
Section 2 : Un mode de fonctionnement centré sur
la coopération
La coopération avec la Cour pénale
internationale est un sujet important pour le maintien de la paix et de la
justice dans le monde. Ne disposant pas de ses propres police ou forces de
l'ordres, dans les situations où la CPI exerce sa compétence,
elle se repose sur les systèmes de maintien de l'ordre nationaux afin de
faire exécuter ses requêtes, notamment en matière
d'arrestation et de remise des individus suspectés de génocide,
crimes contre l'humanité, crimes de guerre et crime d'agression.
130 Ibid.
131 Statut de Rome de la CPI, préambule, par.4.
39
132 Bureau de l'assemblé des Etats parties, préc.,
note 8.
En l'absence de la coopération des Etats, les
procédures de la Cour subissent des lenteurs, ce qui affectera
l'efficacité de la Cour et augmentera les coûts, mettant ainsi en
danger le mandat de la Cour et du système du Statut de Rome.
Qu'ils soient des parties ou non au Statut de Rome, les Etats
ont une obligation de coopérer avec le CPI pour son bon fonctionnement.
Le fondement de cette obligation de coopération peut reposer sur le
droit international conventionnel (Paragraphe 1) ou Coutumier (Paragraphe
2).
Paragraphe 1 : Le fondement conventionnel de
l'obligation de coopération avec la CPI
La coopération internationale est importante pour le
bon fonctionnement de la Cour Pénale Internationale. Sur le plan
conventionnel, il ne revient qu'aux Etats parties l'obligation de
coopérer pleinement avec la CPI sur la base du Statut de Rome (A),
hormis l'intervention du conseil de sécurité. Pour ce qui
concerne les Etats non-parties au Statut de Rome, la Cour peut seulement les
« inviter » à apporter leur coopération sur la base
d'un accord ad hoc (B).
A) L'obligation de coopération fondée sur
le Statut de Rome pour les Etats parties
Etant le document officiel de la Cour Pénale
Internationale, le Statut de Rome est soumis aux règles et régime
juridiques applicable aux traités internationaux. Ce qui veut dire sa
validité sur le plan international ne peut être accepté
qu'après respect des conditions prévues par le droit
international133. En effet, le Statut de Rome prévoit les
principes généraux et les obligations de coopération des
États parties à la CPI.
Comme nous le savons, la compétence de la Cour est
complémentaire à celle des États, car elle ne peut
exercera sa compétence qu'uniquement lorsqu'un État n'a pas la
volonté ou est dans l'incapacité de mener véritablement
à bien l'enquête ou les poursuites134 . Ce qui veut
dire
133 DUPUY (P.M.), « Droit des traités,
codification et responsabilité internationale », Anuaire
Français de Droit International (AFDI), 1997, pp 7-30.
40
134 Statut de Rome de 1998 de la CPI, art. 17, par. 1.a
en quelque sorte que son efficacité dépend en
grande partie de la coopération des Etats, dont les modalités
sont établies dans le Chapitre IX du Statut de Rome135.
Ainsi, selon les dispositions pertinentes du Statut de Rome,
force est de constater une obligation de coopérer pleinement avec la
CPI136 ainsi qu'une obligation d'adopter des procédures
nationales de coopération137. Selon l'article 86 du Statut
stipule : « Conformément aux dispositions du présent
Statut, les États Parties coopèrent pleinement avec la Cour dans
les enquêtes et poursuites qu'elle mène pour les crimes relevant
de sa compétence. ». Ainsi, les États parties sont tenu
à une coopération générale avec la Cour dans les
enquêtes et poursuites qu'elle mène en rapport avec les crimes
relevant de sa compétence, à savoir, le génocide, les
crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et le crime d'agression
dès lors que sa compétence établie à l'égard
de ce crime138.
La neuvième partie du Statut de Rome contient les
obligations des Etats parties à l'égard de la Cour. Cependant,
les effets de l'obligation de coopération fondée sur le Statut de
Rome ne se limite pas qu'aux Etats parties. Ces dernières peuvent
également être étendus aux Etats non parties sur la base de
résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies en
vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. En effet, Le
Statut de Rome a prévu des cas où des États non-parties
pourraient être liés à la CPI. Dans cette optique, la
coopération entre la Cour et ces États non parties deviendrait
contraignante139. Pour que les États non-parties au Statut de
Rome soient liés, il faudrait nécessairement que les conditions
de l'article 13(b) du Statut aient été remplis. Selon les
dispositions de l'article 13 (b), la Cour peut exercer sa compétence
« si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes
paraissent avoir été commis est déférée au
Procureur par le Conseil de sécurité agissant en vertu du
chapitre VII de la Charte des Nations Unies »140 . Ainsi,
Lorsque le Conseil de sécurité saisit la Cour à travers
une de ses résolutions141, tous les États membres des
Nations unies explicitement
135 MANDIANG I., Les États africains et
l'obligation de coopération avec les juridictions pénales
internationales, Thèse de doctorat en Droit Public, UCAD, 2017,
489p
136 Statut de Rome de la CPI, Art. 86.
137 Statut de Rome de la CPI, Art. 88.
138CICR, Coopération en matière
d'extradition et entraide judiciaire en matière pénale,
https://www.icrc.org/fr/download/file/2174/cooperation-in-extradition-and-judicial-assistance-in-criminal-matters-icrc-fre.pdf
, consulté le 02 octobre 2023.
41
139 UBEDA (M.), « Obligation de coopérer »,
in ASCENCIO H., DECAUX E. et PELLET A. (dir.), Droit international
pénal, Paris, Pedone, 2000, pp. 951-967.
140 Statut de Rome de la CPI, supra note 2, art 13(b).
141 Rés 1593 (2005), Doc off CS NU, 5158e séance,
Doc NU S/RES/1593 (2005) [Résolution 1593] .
indexés par la résolution sont obligés de
coopérer avec la Cour, sans distinction de leurs qualités
d'États parties ou d'États non-parties au Statut.
Les Etats non parties au Statut de Rome peuvent encore
être liés par celui-ci sur la base d'une déclaration
d'acceptation de la compétence de la Cour142. Selon l'Article
12 (3) : « si l'acceptation de la compétence de la Cour par un
État qui n'est pas partie au présent Statut est nécessaire
aux fins du paragraphe 2, cet État peut, par déclaration
déposée auprès du Greffier, consentir à ce que la
Cour exerce sa compétence à l'égard du crime dont il
s'agit. L'État ayant accepté la compétence de la Cour
coopère avec celle-ci sans retard et sans exception conformément
au chapitre IX »143. Nous pouvons retenir alors que
l'obligation de coopérer des Etats non parties se manifeste dès
l'acceptation, par une déclaration, de la compétence de la Cour
pour les crimes prévus par l'article 5 du Statut. Une fois que cette
déclaration est faite, sur la base du Chapitre XI du Statut de Rome, la
Cour est pleinement compétente.
Cependant, Une déclaration de reconnaissance de la
compétence de la Cour faite par un État non-partie
n'entraîne pas automatiquement l'exercice de la compétence de la
Cour, mais elle constitue le fondement juridique nécessaire à
l'ouverture d'une enquête par le Procureur conformément à
l'article 15 ou au renvoi d'une affaire par un État partie. A titre
illustratif, trois États non-parties au Statut de Rome ont fait une
déclaration d'acceptation de la compétence de la Cour sur la base
de l'article 12(3). Il s'agit de la Côte d'Ivoire144, de
l'Ouganda145 et de la Palestine146. Alors qu'en-t-il de
l'obligation de coopération fondée sur un accord ad hoc pour les
Etats non-parties au Statut de Rome ?
B) L'obligation de coopération fondée sur
un accord ad hoc pour les Etats non-parties au Statut de Rome
142 Statut de Rome de la CPI, supra note 2, Art. 12 (3)
143 Statut de Rome de la CPI, supra note 2, Art. 12 (3)
144 Dans le cas de la Côte d'Ivoire, la
compétence de la Cour est fondée sur la déclaration
déposée par le Gouvernement ivoirien le 1er octobre 2003 au titre
de l'article 12(3) et par laquelle il accepte la compétence de la Cour
à compter du 19 septembre 2002.
42
145 La déclaration d'acceptation faite par l'Ouganda se
rapprochait plus de la situation prévue par l'article 11(2) du
Statut.
146 Dans le cas de la Palestine, le 22 janvier 2009,
l'Autorité nationale palestinienne avait déposé
auprès du Greffier une déclaration au titre de l'article 12(3) du
Statut de Rome.
En effet, comme développé ci-haut, en dehors
d'une intervention du Conseil de Sécurité sur la base du Chapitre
VII de la Charte des Nations Unies et de la pratique de l'acceptation de la
compétence de Cour sur la base d'une déclaration, seuls les Etats
parties au Statut de Rome ont l'obligation de coopérer pleinement avec
la Cour147. En ce qui concerne les Etats n'ayant pas ratifié
le Statut de Rome, la Cour Pénale Internationale ne peux que les «
inviter » à apporter leur coopération sur la base d'un
accord ad hoc. A cet égard, l'article 87 du Statut de Rome dispose :
« La Cour peut inviter tout État non partie au présent
Statut à prêter son assistance au titre du présent chapitre
sur la base d'un arrangement ad hoc ou d'un accord conclu avec cet État
ou sur toute autre base appropriée »148.
Partant de cette considération, nous pouvons conclure
qu'effectuer une déclaration de reconnaissance de compétence de
la Cour n'est donc pas nécessaire dans la mesure où cette
collaboration est appelée à être limitée dans le
temps d'une part, ce qui est contraire au caractère permanent et absolu
que revêt la collaboration entre la CPI et les Etats parties au Statut de
Rome. D'autre part le Statut de Rome n'a fixé en aucun cas des
conditions précises pour ce type de coopération. Ainsi, il est
formellement laissé à la discrétion de la Cour et de
l'Etat concerné, d'établir les normes de leurs accords tant que
les principes et les dispositions de ces accords ad hoc sont
similaires à ceux du Statut. A cet effet, dans le cadre de la
coopération, plusieurs accords ont été mis en place. A
titre illustratif, nous pouvons citer entre autres, l'Accord sur les
privilèges et immunités de la Cour (APIC) qui garantit aux
représentants de la CPI la protection nécessaire afin de leur
permettre de mener efficacement leurs enquêtes, de protéger les
victimes, témoins et avocats de la défense, et d'assurer la
confidentialité des documents et informations en possession de la CPI
sur le territoire des Etats parties. Dans la mesure où l'APIC est un
traité international ordinaire, tout Etat - y compris Etats non parties
au Statut de Rome - peut y accéder. Nous pouvons également citer
les Accords bilatéraux de coopération avec la CPI, notamment en
matière d'exécution des peines149 et de relocalisation
des témoins et victimes150.
147 MANDIANG (I.), Les États africains et l'obligation
de coopération avec les juridictions pénales
internationales, Thèse de doctorat en Droit Public, UCAD, 2017,
489p.
148 Statut de Rome de la CPI, art. 87, par. 5.a
149 Le Statut de Rome dispose que, à l'issue d'un
procès, les peines de privation de liberté doivent être
exécutées dans un Etat désigné par la Cour, parmi
ceux qui ont indiqué leur consentement à accueillir les
détenus dans leur système pénitentiaire. Ce consentement
s'exprime par la signature d'un accord bilatéral avec la Cour.
43
150 En vertu de l'article 68 du Statut de Rome, la CPI doit
protéger les témoins, les victimes participantes et tout autre
individu dont la sécurité est mise en danger en raison de
procédures de la CPI, y compris en les relocalisant si
nécessaire. La Cour n'est en mesure d'organiser des relocalisations
internationales qu'avec la coopération d'Etats parties, qui n'encourent
aucun coût.
En définitif, les États non-parties au Statut de
Rome ayant conclu un accord ad hoc avec la Cour en guise d'une
coopération ne sont plus considéré du moins dans les faits
comme des Etats tiers et ils se trouvent dans le cas d'espèce dans une
position quasi identique à celle d'un État partie151.
Les détails pratiques de cette coopération entre un État
non partie et la CPI, dont il est fait mention à l'article 87 du Statut
de Rome, sont en principe fixés dans l'accord de circonstance et par le
droit national de l'État concerné, mais cet accord reste soumis
aux mêmes obligations générales de coopération que
les États parties152. Ainsi, cet accord, dans le respect du
Statut de la Cour, du droit national de l'État concerné et du
droit international général, devrait se référer aux
dispositions pertinentes du Statut.
Paragraphe 2 : Le fondement coutumier de l'obligation de
coopération avec la Cour
En effet, les crimes sur lesquels la CPI peut exercer sa
compétence relèvent exclusivement du droit international
humanitaire. Ainsi, tous les Etats sont tenus de collaborer avec la Cour car
elle assure le respect des engagements pris par les Etats dans le domaine de la
protection des droits de l'homme et le respect du droit international
humanitaire. La CPI a été ainsi mis au centre du processus, non
seulement pour réprimer les violations graves du droit international
humanitaire (A) mais également pour pallier à la
défaillance d'un Etat à assurer la responsabilité de
protéger sa population (B).
A) La CPI, un instrument par excellence de
répression des violation graves du droit international
humanitaire
Du point de vu définitionnel, le droit international
humanitaire est un ensemble de règles qui, pour des raisons
humanitaires, cherchent à limiter les effets des conflits armés.
Il protège les personnes qui ne participent pas, ou ne participent plus,
directement ou activement
151 MATTOME (M. C), « Aperçu sur les règles
du Statut au sujet de la coopération internationale et de l'assistance
judiciaire », in CHIAVARIO M. (dir), La justice pénale
internationale entre passé et avenir, pp. 131-140.
44
152 L'article 12 (3) du Statut de Rome précise en effet
que l'État qui adhère au Statut par une déclaration,
coopère « conformément au chapitre IX ». Par contre, la
situation diffère lorsque l'État non partie coopère avec
la Cour sur la base d'une invitation en vertu de l'article 87 (5). Dans ce cas,
cet État a toute la latitude pour restreindre l'étendue de sa
coopération avec la Cour, dans la mesure où ce dernier n'a pas
fait de déclaration d'acceptation de la Cour comme il l'aurait fait sur
la base de l'article 12 (3).
aux hostilités, et restreint le choix des moyens et
méthodes de guerre. Les instruments fondamentaux du DIH sont bien
connus. Il s'agit essentiellement des quatre Conventions de Genève de
1949 et de leurs Protocoles additionnels de 1977, ainsi que d'un vaste
édifice de droit coutumier.
En effet, la CPI est une juridiction qui a été
instituée spécialement dans le but d'assurer la promotion et la
répression des violations graves du droit international humanitaire
inscrit dans l'article 5 du Statut de Rome. Cela se justifie par le fait que
les crimes internationaux, comme nous les connaissons aujourd'hui à
travers le Statut de Rome, ont été institués au fil du
temps par le droit international coutumier, notamment le droit international
humanitaire. Prenons le cas du crime de génocide par exemple.
Frappé dans article 6 du Statut de Rome, cette définition a
été reprise textuellement de celle qui est contenue dans la
Convention du 9 décembre 1948 sur la prévention et la
répression du crime de génocide. Il en est de même
pour les crimes de guerre qui sont inscrit à l'article 8 du Statut. Ils
sont également définis par des Conventions, telles que les
Conventions de Genève du 12 août 1949, dont le
caractère coutumier est reconnu aujourd'hui153.
En effet, il est à noter que ces normes valent
indépendamment de leur fondement conventionnel. Ils sont opposables aux
États qu'ils soient partis ou non à ces dites Conventions. Tous
les États ont donc l'obligation de les respecter et de les faire
respecter en toutes circonstances. Dans cette même lancée, aussi
bien dans un Avis consultatif rendu en 1951 sur les réserves à la
convention sur le génocide154, que dans un Arrêt rendu
en 2007 relatif à l'application de la convention pour la
prévention et la répression du génocide155, la
Cour Internationale de Justice a rappelé que les dispositions de la
Convention sur le génocide font partie du droit coutumier et s'imposent
à tous les États en dehors de tout lien conventionnel. Les crimes
d'agression, le génocide, les crimes contre l'humanité, les
crimes de guerre, l'esclavage et les pratiques analogues à l'esclavage,
et la torture sont des crimes de jus cogens impliquant des obligations
erga omnes au sein de la communauté des États.
153 Cf. les arrêts du TPIY, Tadic , arrêt du 07 mai
1997 paragraphe 577,
https://www.icty.org/x/cases/tadic/tjug/fr/tad-tj970507f.pdf
, consulté le 03 octobre 2023.
154Réserves à la Convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide, Avis
consultatif,
[1951] CIJ rec 15 à la p 15.
45
155 Affaire relative à l'application de la Convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie-Herzégovine c Yougoslavie), Arrêt, [1996] CIJ rec 243
à la p 595.
Ainsi, dans la mesure où ces crimes internationaux
constituent une menace contre la paix et la sécurité
internationales, il est nécessaire de les réprimer pour assurer
la coexistence et la coopération vitale des membres de la
communauté internationale, d'où l'identification d'une opinio
juris sur la question de la coopération avec la Cour.
B) La CPI, une solution à la défaillance
d'un Etat à assurer la
responsabilité de protéger sa
population
En effet, l'obligation de coopération avec la CPI est
également fondée sur le principe de la responsabilité de
protéger qui se présente comme une réforme profonde du
droit international coutumier156. Lors du Sommet mondial de 2005,
tous les chefs d'État et de gouvernement ont affirmé la
responsabilité de protéger les populations du génocide,
des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre
l'humanité. Le principe de la responsabilité de protéger
est un concept érigé par l'Organisation des Nations unies.
Apparue en 2001 au sein de la Commission internationale sur l'intervention et
la souveraineté des États, elle est adoptée en 2005 dans
le Document final du Sommet mondial (§138-139). Selon le principe de la
responsabilité de protéger, « la souveraineté des
États implique une responsabilité, et c'est à
l'État lui-même qu'incombe, au premier chef, la
responsabilité de protéger son peuple. Quand une population
souffre gravement des conséquences d'une guerre civile, d'une
insurrection, de la répression exercée par l'État ou de
l'échec de ses politiques, et lorsque l'État en question n'est
pas disposé ou apte à mettre un terme à ces souffrances ou
à les éviter, la responsabilité internationale de
protéger prend le pas sur le principe de nonintervention
»157.
Ainsi, à travers ce principe, il est reconnu à
la communauté internationale une compétence en cas de «
défaillance manifeste d'un État à protéger sa
population ». Il s'agit d'une responsabilité de
protéger les populations civiles victimes de crimes de génocide,
crimes contre l'humanité, nettoyage ethnique et crimes de guerre. Cette
responsabilité subsidiaire, activée par le Conseil de
sécurité, peut prendre la forme d'une intervention coercitive,
telle que prévue par le Chapitre VII de la Charte, mais aussi d'une
palette d'autres mesures, pacifiques, diplomatiques ou humanitaires.
156 CROUZATIER (J.M), « Le principe de la
responsabilité de protéger : avancée de la
solidarité internationale ou ultime avatar de l'impérialisme
», Revue ASPECTS, n° 2 - 2008, pp. 13-32.
46
157 Rapport de la Commission Internationale de l'Intervention et
de la Souveraineté des Etats, 2001.
47
Et comme l'ont démontré les expériences
du TPIY et TPIR, la justice demeure l'un des meilleurs moyens pour
protéger l'intérêt des victimes et parvenir à une
paix durable. Des mesures telles que les « sanctions »
économiques généralisées, en particulier, sont de
plus en plus rejetées par la communauté internationale, car il
est constaté par de nombreuses personnes une certaine
inégalité entre les difficultés engendrées par
violations graves du droit international humanitaire sur la population civile
et les effets des sanctions économiques. Dans cette optique, le recours
à la justice pénale internationale pour pallier à ces
atrocités semble être la meilleure option. Ainsi la Cour
Pénale Internationale a donc l'obligation de servir dans toutes les
situations alarmantes comme véhicule de la responsabilité de
protéger, car elle a ceci de particulier qu'elle vise la
responsabilité pénale individuelle des auteurs de crimes contre
la communauté internationale.
A cet effet, pour réagir face des situations
humanitaires alarmantes, le Conseil de sécurité a la
possibilité de décidé de saisir la Cour Pénale
Internationale pour établir la responsabilité pénale des
individus qui ont manqué à leur obligation de protéger la
population, en commettant ou en laissant commettre des crimes graves contre la
population.158
158 MASSI LOMBAT (P. D.), « les sources et fondement de
l'obligation de coopérer avec la Cour Pénale Internationale
», Revue Québécoise de droit international, volume
27-1, 2014. pp. 113-141.
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Au regarde de tout ce qui précède, nous pouvons
conclure que la Cour Pénale internationale est un instrument très
important et nécessaire dont la finalité première est
d'aider à mettre un terme à l'impunité des auteurs des
crimes les plus graves touchant l'ensemble de la communauté
internationale, et de contribuer ainsi à leur prévention. Elle
est une juridiction pénale internationale permanente, à vocation
universelle et elle a été instaurée par le Statut de Rome
qui est un traité international entrée en vigueur le
1er juillet 2002.
Les crimes qui relèvent de sa compétence sont
inscrit dans l'article 5 du Statut de Rome est sont les crimes contre
l'humanité, les crimes de génocide, les crimes de guerre et les
crimes d'agression. Pour la première fois dans l'histoire de
l'humanité, des États ont décidé d'accepter la
compétence d'une juridiction pénale internationale permanente,
chargée de poursuivre les crimes les plus graves commis sur leur
territoire ou par leurs ressortissants. Il est a noté également
que la CPI n'a pas été instauré pour juger des Etats, mais
réprimer les ressortissants des Etats parties au Traité en cas de
la commission de crimes graves et sa compétence n'est possible que pour
les crimes commis après l'entrée en vigueur du Statut de Rome.
Ainsi, la CPI dispose d'une modalité de saisine assez
particulière. En effet, le déclenchement de la compétence
de la CPI peut se faire sur la saisine des Etats parties159, du
Procureur de la CPI160 ou du Conseil de Sécurité des
Nations Unies en application du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies
161, c'est-à-dire pour rétablir la paix
été la sécurité internationale162. La
saisine de la CPI par le Conseil de sécurité montre d'ailleurs
que les objectifs de maintien de la paix et de la justice pénale
internationale peuvent dans une certaine mesure se
correspondre163.
La Cour pénale internationale ne remplace pas les
tribunaux nationaux. Le Statut de Rome rappelle que chaque État a le
devoir d'exercer sa compétence pénale vis-à-vis des
159 Statut de Rome de la CPI, Article 13 (a).
160 Statut de Rome de la CPI, Article 13 (c).
161 Statut de Rome de la CPI, Article 13 (b).
162 BLAISE (N.), « Les interactions entre la cour
pénale internationale et le conseil de sécurité : justice
versus politique ? », Revue internationale de droit pénal,
2011/3 (Vol. 82), p. 420-444.
48
163 Ibid.
responsables de crimes internationaux. Ainsi la CPI dispose
d'une compétence complémentaire ou subsidiaire à celle des
tribunaux pénaux nationaux des Etats164 et tous les Etats ont
l'obligation de coopérer avec la CPI dans l'exécution de sa
mission. Cette obligation de coopération découle de la coutume
internationale et des textes internationaux dont en l'occurrence le Statut de
Rome.
Cependant, depuis son entrée en vigueur, il est
fortement remarqué que la CPI fait face année après
année à de nombreux obstacles qui freinent son fonctionnement ou
qui empêchent clairement l'exécution de la mission qui lui
incombe, remettant en cause son efficacité.
49
164 Statut de Rome de la CPI, Préambule, alinéa
10.
50
SECONDE PARTIE :
LA COUR PENALE INTERNATIONALE : UNE JURIDICTION
AFFAIBLIE PAR DES ENTRAVES
51
La Cour pénale internationale (CPI) a été
créée pour juger les responsables de crimes de guerre, de crimes
contre l'humanité et de génocide, notamment en l'absence de
tribunaux nationaux compétents. Cependant, dans l'exécution de la
mission qui lui incombe, la Cour Pénale Internationale se heurte
à plusieurs obstacles qui freinent son fonctionnement causant son manque
d'efficacité dans la lutte contre l'impunité des crimes
internationaux. Ces entraves sont variées et peuvent être
observés non seulement sur le plan juridique (Chapitre 1) mais
également sur le plan politique (Chapitre 2).
Chapitre 1 : Les entraves juridiques de la Cour
Pénale Internationale
Les obstacles d'ordres juridiques auxquels la CPI fait face
dans l'exécution de sa mission sont nombreux et variés. Dans le
cadre de cette étude nous mettrons en exergue la souveraineté
étatique (Section 1) et l'immunité internationale (Section 2) qui
sont les deux plus grandes difficultés qui se dressent devant la CPI
dans la lutte contre l'impunité des crimes internationaux.
Section 1 : Les obstacles juridiques liés
à la souveraineté étatique
En effet, l'un des obstacles majeurs qui se dresse contre
l'efficacité de la CPI est la souveraineté, souvent
évoqué par les Etats pour rendre l'exercice de la Cour
impossible165. L'étude du conflit existentiel entre la
souveraineté étatique et les compétences de la CPI
(Paragraphe 1) sera menée dans un premier temps avant l'analyse dans un
second temps les obstacles issues des lois nationales des Etats (Paragraphe 2)
qui freinent le bon fonctionnement de la justice pénale
internationale.
Paragraphe 1 : Le conflit existentiel entre la
souveraineté étatique et les compétences de la
CPI
En effet, la souveraineté étatique a un impact
négatif, dans une certaine mesure, sur les activités de la Cour
Pénale Internationale. Pour aller plus loin, notre étude se
tournera d'abord sur la signification du principe de la souveraineté
étatique (A) avant d'analyser l'influence de la souveraineté
étatique sur l'action de la CPI (B).
A) La signification du principe de la
souveraineté étatique
La souveraineté, comme de nombreuses notions de
Sciences Sociales, est imprécise et
indéterminée166. Hans STEINBERGER va appuyer en disant
que « c'est la notion la plus controversée du droit
international public »167. Elle est le principe de
l'autorité suprême. En matière de politique, la
souveraineté est le droit absolu d'exercer une autorité
(législative,
165 El ZAWAM (S.), Les obstacles au jugement des criminels
devant la Cour Pénale Internationale, Thèses de doctorat,
Université de Bordaux, 24 Novembre 2022, 546p.
166 ROUSSEAU (C.H), « l'indépendance de
l'État dans l'ordre international », Recueil des Cours de
l'Académie de Droit International de La Haye, ci-après «
R.C.A.D.I. », 1948-II, t. 73, pp. 167-253.
52
167 STEINBERGER (H.), Souveraineté, In :
Encyclopédie des différends, tranche 10, Elsevier,
Amsterdam, 397418.
judiciaire et/ou exécutive) sur une région, un
pays ou sur un peuple. Dans la conception machiavélique, la
souveraineté désignait le degré de puissance d'un
être sans aucune soumission, c'est-à-dire une sorte
d'autorité suprême et illimitée168. En effet la
souveraineté, selon la formule employée par l'arbitre Max HUBERT
dans l'affaire Ile de Palmas : « est la plénitude et
l'exclusivité des compétences de l'État,
c'est-à-dire l'indépendance relativement à une partie du
globe et le droit d'y exercer, à l'exclusion de tout autre État,
les fonctions Étatiques169 ». Cette jurisprudence
célèbre appréhende la souveraineté Étatique
dans le sens classique. Chaque État est maitre absolu sur son territoire
national. Cela signifie également que « Chaque État a le
droit de choisir et de développer le système politique, social et
économique qui lui convient »170. Pour Jean BODIN,
il définissait la souveraineté comme : « la puissance
absolue et perpétuelle d'une République »171
. Ce dernier va encore ajouter que c'est « le pouvoir de commander et
de contraindre sans toutefois être commandé ni contraint par qui
que ce soit »172. Pour Georges JELLINEK quant à
lui, il avait fait le lien entre la notion de souveraineté à la
toute-puissance de l'État pour parler de « la compétence
des compétence ». On peut comprendre par-là, le pouvoir
originaire, illimité, incontesté, incontestable, et
inconditionné de l'État. C'est-à-dire qu'elle est continue
et illimitée.
La souveraineté peut être appréhender sur
le plan interne ou externe. Au plan interne, la souveraineté signifie
que dans son territoire et dans la limite de ses frontières,
l'État se trouve au sommet. L'État n'est subordonné
à aucune autre entité et n'est soumis qu'à sa propre
volonté. Il exerce son autorité suprême sur une population
et un territoire donné. La souveraineté signifie donc
indépendance, capacité à ne pas se voir imposer la
volonté des autres, et liberté d'organisation interne. C'est pour
cette raison que Monsieur Charles LOYAUX disait que : « c'est la
souveraineté qui donne l'être à l'État
».
Au niveau international, la souveraineté repose sur le
principe d'égalité entre les États, quelles que soient
leur puissance effective, leurs ressources ou leur démographie, et donc
indépendamment des inégalités de fait. On parle ainsi,
dans la Charte des Nations unies, d'« égalité souveraine
»173. Cette égalité signifie aussi que les
États ne sont soumis à aucune instance supérieure. Ils
sont théoriquement subordonnés aux seules normes qu'ils ont
eux-
168 MACHIAVEL (N), LE PRINCE, Ebooks libres et gratuits,
1515, 119p.
169 Sentence arbitrale rendue par la CPA dans l'affaire l'ile
des Palmas ayant opposé les USA au Pays-Bas le 28 Avril 1928, RGDPI,
1935, vol II, P.838.
170 Voir Résolution 2625(XXVe AG de l'ONU) du 25 Octobre
1970 sur les relations amicales entre les États.
171 BODIN (J.), Les Six livres de la République,
Paris, Jacques du Puis, 1576, 861 p.
53
172 Ibid.
173 La Charte des Nations Unies du 26 juin 1945, article 2 §
1.
mêmes définies ou auxquelles ils ont consenti.
Les relations internationales sont ainsi caractérisées par des
relations horizontales entre des groupes politiques indépendants.
En d'autres termes, la souveraineté est perçue
au niveau externe comme le droit qu'a l'État de gérer pleinement
les affaires nationales en toute indépendance, sans ingérence
étrangère. C'est une puissance structurante de la
société internationale, mais surtout un principe
d'autorité suprême s'appliquant individuellement à chaque
État indépendant174. La consécration d'un tel
principe vise à équilibrer les relations internationales. Ainsi,
« l'existence du principe de l'égalité souveraine est
une nécessité logique qui découle de l'existence
même de la société internationale. Dans une telle
société, souveraineté et pluralité vont de pair
»175. Pour Monsieur Koffi Atta ANAN176, «
la souveraineté intègre les valeurs d'humanité qui est
désormais redéfinie par les forces de la mondialisation et de
coopération internationale »177. Cette conception
semble limiter la notion de souveraineté. Dans la mesure où
l'environnement international se caractérise par un faisceau des
principes et des règles intangibles. C'est ce qui justifie la
déclaration de Monsieur Boutros Boutros GHALI : « Il est
inconcevable qu'un État s'abrite derrière sa souveraineté
pour bafouer sur son territoire et à l'abri des regards les principes
démocratiques et les droits de la personne humaine ». Par
exemple, « la violation de l'obligation démocratique par un
gouvernement ou l'éclatement d'un conflit armé de grande ampleur,
peuvent ouvrir la voie à l'intervention extérieur au moyen de la
force armée, sous réserve d'une autorisation expresse par le
CS »178. En en droit international pénal, nous
remarquons une certaine influence de la souveraineté étatique sur
les actions de la CPI.
B) L'influence de la souveraineté étatique
sur l'action de la CPI
En effet, le droit international pénal, à
l'image de La CPI, est fondé sur la souveraineté des Etats. Les
TPI ad hoc (le TPIR et le TPIY) et la CPI sont des juridictions pénales
internationales créées pour juger les auteurs des faits commis
sur le territoire d'un ou plusieurs
174 MOUELLE KOMBI (N), « Ethique et souveraineté
des États dans l'ordre juridique international » in revue
camerounaise d'étude internationale, NO 2, 1er semestre, 2009,
p32.
175 KOHEN (M. K), « commentaire de l'article 2 de la
charte des nations unies » in commentaire de la CNU, 2005,
P.401-402.
176 Ancien Secrétaire Général de l'ONU
177 ANAN (K.A.), « two concepts of sovereignty »,
the economist, 1999, pp49-50.
54
178 OLINGA (D. A), l'assistance humanitaire et la
protection des droits de l'homme face au principe de nonintervention en droit
international contemporain, thèse de doctorat, Université de
Montpellier I, 1993,
487p.
Etats disposant tous d'un système judiciaire.
Dès lors que sont créées les juridictions pénales
internationales, la question doit alors être tranchée de savoir si
la justice pénale internationale a la primauté sur celle
nationale ou si elle est simplement complémentaire,
subsidiaire179. Contrairement aux TPI ad hoc, la CPI n'a aucune
primauté pour la poursuite et le jugement des auteurs
présumés responsables des crimes visés par son Statut.
« C'est même l'inverse »180. Le Statut est
fondé sur un principe de complémentarité de la CPI par
rapport aux juridictions nationales. Ce principe, affirmé dès le
préambule du Statut, a pour conséquence les questions de
recevabilité exposées dans les articles 17, 18 et19.
Concrètement, cela implique que la Cour doit
déclarer irrecevable toute affaire portée devant elle par le
Procureur de la Cour si elle a donné ou donne lieu à
enquête, poursuite ou jugement dans un Etat ayant compétence. Si,
toutefois, la procédure engagée par l'Etat semble symbolique ou
si elle ne traduit pas l'intention réelle de réprimer les faits
en cause, la Cour est alors fondée à en connaître.
En d'autres termes, nous pouvons considérer que la Cour
Pénale Internationale est une juridiction qui fondée sur la
souveraineté des Etats, dans la mesure où celle-ci n'a pas
été créé pour se substituer aux juridictions
internes des Etats, mais pour les compléter. L'Etat dispose d'une
souveraineté juridictionnelle qui constitue « un ensemble de
pouvoir juridiques reconnus aux Etats, lui permettant d'exercer, dans un espace
déterminé, les fonctions étatiques, c'est-à-dire
d'accomplir des actes destinés à produire des effets de droit
(...) »181. En effet, la primauté des juridictions
internes consacrée par le S.R. justifie la souveraineté judicaire
des Etats dans l'ordre interne.
Cependant, en matière juridictionnelle, beaucoup
d'Etat, en vertu de la souveraineté, souhaitent toujours sauvegarder
l'autorité de leurs tribunaux et réserver l'exercice de la
compétence de la CPI au seul cas où il y'aurait une
défaillance incontestable du système judicaire national ou une
manipulation claire pour faire échapper des suspects à la
CPI182. D'autre part, de manière souveraine, les Etats sont
très souvent prêt à exiger des garantis au
179 BAZELAIRE (J-P.) et CRETIN (T.), « La justice
pénale internationale », In: Politique
étrangère, n°1 - 2001 - 66?année. pp.
212-213.
180 DAVID (E.), Principes de droit des conflits
armés, 6e éd., Bruxelles, Bruylant, 2019, 14124p.
181 ROUSSEAU (C.E.), Droit international public,
7e édition, Dalloz, 1973, 415 p.
55
182 BAKKER (C), « Le principe de
complémentarité et les auto-saisines, un regard critique sur la
Cour pénale internationale », RGDIP, 112/2008, N°2,
pp.362-375.
56
niveau de la coopération entre eux et la CPI. Ils ont
entre autres la possibilité d'évoquer « la
sécurité nationale » pour refuser de fournir certaines
informations à la CPI, ce qui est tout à fait de leur droit
accordé par le Statut de Rome en vertu de l'article 72183.
Cependant, dans le but de se soustraire de la justice pénale
internationale, les dirigeants ont tendance à évoquer cet article
pour servir de bouclier face à la répression des crimes
commis.
La CPI étant une O.I, crée sur la base d'un
traité international, a qui les Etats ont donné la
compétence de réprimer les crimes les plus graves touchant la
Communauté internationale, ces derniers peuvent aussi à tout
moment, en vertu de la souveraineté se soustraire de cette juridiction,
en se retirant de l'organisation. Comme nous pouvons le constater dans ces deux
dernières décennies les nombreuses menaces de retrait émis
par les Etats dans le monde, dont en tête les Etats africains. Nous
pouvons donc admettre l'idée que la souveraineté des Etats
influence d'une certaines manières les actions de la CPI dans la
répression des crimes internationaux, car elle peut servir de raison
à un Etat de ne pas coopérer avec la CPI. Dans le même
ordre d'idée, les américains soutiennent que l'application
supranationale des principes des droits de l'homme ne peut s'opposer à
la souveraineté. Nous pouvons y retenir que la préservation de la
souveraineté est rigueur pour les Etats-Unis, ce qui justifie d'une
certaine manière leur non adhésion à la CPI.
En partant de toutes ces considérations, nous pouvons
conclure que l'attachement des Etats à leur souveraineté n'est
pas favorable à l'efficacité de la Cour pénale
internationale dans l'exécution de la mission qui lui incombe. Mettant
en avant leur souveraineté, les Etats, dans l'exercice de leurs
compétences, peuvent être aussi amenés à adopter des
lois nationales qui pourraient également servir d'obstacle à
l'action efficace de la CPI.
Paragraphe 2 : Les obstacles émanant des lois
nationales des Etats
La coopération entre les Etats et la CPI souffre de
nombreux défis issus des règles ou des lois nationales. Ces
derniers sont liés de façon fondamentale, pour des raisons
politiques ou logistiques, à la réticence des États
à arrêter et extrader les personnes accusées de crimes
internationaux (B) afin qu'elles soient jugées, mais également
des défis liés à l'application des
183 Statut de Rome de la CPI, article 72 « PROTECTION DE
RENSEIGNEMENTS TOUCHANT À LA SÉCURITÉ NATIONALE ».
57
mesures de clémence comme le droit de grâce et le
droit d'amnistie (A).
A) L'application du droit d'amnistie et le droit de
grâce
En effet, au niveau de l'ordre juridique internet des Etats,
les victimes de crimes internationaux font souvent face à des mesures de
clémence telle que l'amnistie et le droit de grâce, qui sont des
mesures destinées à soustraire les auteurs de ces crimes de
toutes possibilités de poursuite et de jugement. Dans le même
ordre d'idée Pascal BLAISE affirme que « Certains pays peuvent
prendre des mesures bénéfiques pour les auteurs de crimes
Internationaux, notamment la réconciliation nationale et l'amnistie
»184. Ainsi, l'accusé bénéficie
grâce au système d'amnistie et le droit de grâce de la
cessation d'exécution des peines qui lui sont imposées et de la
condamnation quelle que soit la gravité du crime commis. Il n'existe pas
de définition juridique de l'amnistie en droit international, mais elle
désigne généralement un acte officiel relevant du pouvoir
législatif ou exécutif qui empêche, pour l'avenir ou de
manière rétroactive, d'enquêter sur une personne, un groupe
ou une catégorie de personnes pour certaines infractions ou d'engager
des poursuites pénales contre elles, et qui annule toutes les sanctions
prises à leur encontre. Les lois ou décret d'amnistie, sont,
selon Stéphane GACON « un processus juridique surprenant par
l'effet radial qu'il impose : on oublie tout, rien ne s'est passé
»185.
L'amnistie peut ainsi empêcher que des poursuites soient
engagées ou menées à leur terme, annuler des peines
d'emprisonnement déjà prononcées et/ou lever des sanctions
déjà décidées. Dans certains cas, des amnisties
peuvent aussi être accordées par la voie d'un traité
international ou d'un accord politique. A titre illustratif, nous pouvons
prendre le cas des pays comme l'Argentine en 1986, le Brésil en 1979 et
aussi le Togo en 1995 qui ont tous adopté des lois d'amnistie pour
empêcher toutes poursuites à l'encontre d'ex-dirigeants
impliqués dans la commission de crimes internationaux. C'est
également le cas de l'Etat du Chili dans l'affaire concernant l'ancien
président Chilien Augusto Pinochet. Ce dernier était
accusé des violations massives des droits de l'Homme par des victimes de
sa dictature en Chili entre 1973 et 1978. Le 19 avril 1978, des lois d'amnistie
sont promulguées186, garantissant l'impunité contre
les
184 PASCAL (B), Pensées, édition du seuil,
Paris, 1962, 433 p.
185 GACON (S.), L'amnistie. De la Commune à la guerre
d'Algérie, Paris, Seuil, 2002, 432 p.
186 Le décret-loi 2191, connu sous le nom de « loi
d'amnistie ».
poursuites judiciaires aux auteurs de crimes et exactions
liés au coup d'État, commis entre le 11 septembre 1973 et le 10
mars 1978.
La grâce est, quant à elle, accordée au
terme de poursuites et annule la peine prononcée à l'encontre
d'une personne reconnue coupable sans l'absoudre du crime commis187.
Autrement dit, la grâce n'efface pas la condamnation mais dispense la
personne reconnue coupable de l'exécution de tout ou partie de sa peine.
Le pouvoir de gracier une personne est du ressort du Président de la
République, et est un principe à valeur constitutionnelle,
présente dans presque tous les Etats du monde. Dans la constitution
Sénégalaise, le droit de grâce est admis dans l'article
47188.
En droit international pénal, les mesures d'amnistie,
de grâce, ou toute autre mesure qui aurait pour effet d'empêcher la
conduite d'une enquête approfondie et l'engagement de poursuites ne
doivent pas, en principe, être étendues aux personnes
soupçonnées d'avoir commis, ou donné l'ordre de commettre,
des crimes de guerre, des crimes de génocide, des crimes de guerre ou
des crimes d'agression. Ces mesures seraient incompatibles avec l'obligation
qui incombe aux États d'enquêter et, le cas échéant,
de poursuivre les auteurs présumés189 car les actes
constituant des crimes au regard du droit international et sur les violations
graves de dispositions du droit international des droits de l'homme n'admettant
aucune dérogation190. À plusieurs reprises, l'ONU a
également déclaré que l'octroi d'amnisties pour les crimes
les plus graves était inacceptable. À titre d'exemple : lors de
l'Accord de paix de Lomé de 1999, le Représentant spécial
de l'ONU a formulé une réserve à l'article 9 relatif
à l'amnistie, au pardon et à la non-poursuite des auteurs de
crimes perpétrés pendant la guerre civile en Sierra Léone,
de mars 1991 au 7 juillet 1999191, date de signature de l'accord.
Considèrent que les dispositions d'amnistie de l'accord de paix ne
s'appliquent pas aux crimes internationaux de génocide, de crimes contre
l'humanité, de crimes de guerre et autres violations graves du droit
international humanitaire. Comme l'a déclaré le Secrétaire
général de l'ONU à propos des dispositions de l'Accord de
paix de Lomé : « Les conditions qui ont
187 CICR, Commentaire des Protocoles additionnels du 8 juin
1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949, 1987, par.
4617-4618
188 Loi N° 2001-03 du 22 janvier 2001 portant
Constitution, Modifiée, Article 47 : « Le Président de la
République a le droit de faire grâce. ».
189 CICR, Commentaire de la Première Convention de
Genève, 2e édition, op. cit., note 8.
58
190 Affaire GELMAN (J.) et al. C. Uruguay, Commission
interaméricaine des droits de l'homme, rév. 1, 2007.
191 L'Accord de paix de Lomé entre le Gouvernement de
la Sierra Léone et le Front révolutionnaire uni (RUF) a
été conclu à Lomé le 7 juillet 1999.
permis cette paix, notamment les dispositions d'amnistie,
peuvent être difficiles à concilier avec l'objectif de mettre fin
à la culture de l'impunité »192. A la
lumière du Statut de Rome également, il est clair que ces
dispositions ne contiennent aucunement des mesures de clémences comme
l'amnistie et le grâce présidentielle.
Cependant, ces mesures de clémence, constitue une
entrave majeure à l'action efficace de la CPI dans la mesure où
la CPI n'a pas la possibilité de juger une seconde fois une personne qui
a été amnistiée pour un crime ou une punition. Et cela
indifféremment du fait que l'amnistie soit octroyée par le
Parlement, le Président de la République ou le Roi, ou lors des
négociations de Paix ou de Réconciliation nationale. Ainsi, dans
une certaine mesures certains dirigeants n'hésitent pas à adopter
ces mesures en vertu de la souveraineté nationale, pour des raisons
politiques ou autres, afin de soustraire leurs ressortissants à des
poursuites par la CPI. Ce qui est le cas également de l'interdiction
d'extradition en raison des lois nationales.
B) L'interdiction de l'extradition en raison des lois
nationales
De point de vu définitionnel, l'extradition est un
mécanisme juridique par laquelle un Etat, l'Etat requis, accepte de
livrer une personne qui se trouve sur son territoire à un autre Etat,
l'Etat requérant, qui la recherche afin de la juger pour la commission
d'un crime ou afin de mettre à exécution une peine
déjà prononcée pour la commission d'un crime. Elle est en
d'autres termes « l'acte par lequel un Etat livre à un autre
Etat intéressé à la répression d'un fait punissable
un individu ou présumé coupable de ce fait pour qu'il soit
jugé et puni s'il y a lieu, ou déjà condamné, afin
qu'il subisse l'application de la peine encourue »193. Le
principe de l'extradition des criminels est l'un des principes les plus
importants de la coopération internationale ; il vise à garantir
que les auteurs n'échappent pas aux poursuites ou demeurent dans
l'impunité, d'autant plus que les crimes commis sont des crimes
internationaux.
Au niveau international, Si l'extradition n'est pas permise
dans les crimes politiques194, la doctrine établit que les
crimes internationaux sont extradables. L'idée d'une
192 Rapport du Secrétaire général sur
l'établissement d'un Tribunal spécial pour la Sierra
Léone, Doc. N S/2000/915, le 4 octobre 2000, p. 5.
193 MERIGNHAC (A.), Traité de Droit International
Public, Partie 2, 805p.
59
194 L'article 14 de la Déclaration Universelle des
droits de l'Homme de 1948 énonce le principe d'interdiction
d'extradition pour les crimes politiques.
interdiction de l'extradition, en ce qui concerne les crimes
internationaux, n'est pas recevable compte tenu de la cruauté et de la
gravité de ces crimes et leurs auteurs sont considérés
comme les pires criminels et représentent une menace à la paix et
à la sécurité internationales.
L'obligation pour les États de coopérer en
matière d'extradition est donc inhérente à l'obligation
« aut dedere aut judicare » du mécanisme de
répression prévu par les Conventions de Genève de 1949
pour les infractions graves à ces traités. Ce principe
signifie tout simplement que l' « État sur le territoire ou au
pouvoir duquel se trouve une personne prévenue a la possibilité
de la juger lui-même ou de la remettre, pour jugement, à un autre
État intéressé à la poursuite et de s'acquitter
ainsi de l'obligation de poursuivre ou d'extrader ». L'article 88,
par. 2, du Protocole I de 1977 additionnel aux Conventions de
Genève195, vient confirmer ce principe qui établit
expressément à l'intention des parties au traité un devoir
de coopérer en matière d'extradition, lorsque les circonstances
le permettent. Ce devoir comprend l'obligation d'examiner favorablement toute
demande d'extradition d'un pays justifiant d'un intérêt juridique
à la poursuite, si les conditions posées par le droit de
l'État requis sont satisfaites.
En ce qui concerne le Statut de Rome, nous savons qu'il a
octroyé à la CPI une compétence complémentaire
à celle des États car « la CPI exercera sa
compétence uniquement lorsqu'un État n'a pas la volonté ou
est dans l'incapacité de mener véritablement à bien
l'enquête ou les poursuites »196. Dans cette mesure,
et comme nous l'avions souligné dans la première partie de notre
travail, l'efficacité de la CPI dépendra dans une large mesure de
la coopération des États, dont les modalités sont
définies au Chapitre IX du Statut de la Cour.
Au niveau de l'article 86 du Statut, il est stipulé que
les États parties doivent coopérer pleinement avec la Cour dans
les enquêtes et poursuites qu'elle mène en rapport avec les crimes
relevant de sa compétence, à savoir, le génocide, les
crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et le crime d'agression.
La Cour peut aussi inviter tout État non partie à son Statut
à prêter son assistance sur la base d'un arrangement ad hoc, d'un
accord ou sur toute autre base appropriée. Ainsi, la Cour peut
présenter à tout État une demande visant à
l'arrestation et à la remise à la Cour d'une personne se trouvant
sur le territoire dudit État, et solliciter la
195 Article 88 par. 2 du Protocole I de 1977 additionnel aux
Conventions de Genève : « Sous réserve des droits et des
obligations établis par les Conventions et par l'article 85, paragraphe
1, du présent Protocole, et lorsque les circonstances le permettent, les
Hautes Parties contractantes coopéreront en matière d'extradition
».
60
196 Statut de Rome de la CPI, art. 17, par. 1.a
coopération de cet État pour l'arrestation et la
remise. Dans le Statut de Rome, il est utilisé le terme « remise
» plutôt que « extradition », qu'il définit comme
une procédure de l'État à la demande de la Cour pour
consentir à ce que la personne sur son territoire soit traduite devant
la CPI pour jugement. La CPI peut aussi demander l'arrestation provisoire de la
personne recherchée en attendant la présentation de la demande de
remise et les pièces justificatives définies à l'article
91.
Mais, force est de constater que pour la plupart des pays du
monde, l'extradition est un mécanisme interdit par la Constitution, le
considérant ainsi comme un principe constitutionnel dont la base
juridique se trouve dans les traités internationaux entre Etats, la
législation nationale, la coutume et la réciprocité
internationale. Ce caractère souverain de l'extradition ne permet pas
à un État ou à une organisation internationale d'obliger
un pays à extrader ses ressortissants vers un autre État ou un
pouvoir judiciaire étranger, la CPI en l'occurrence. A titre
illustratif, nous pouvons prendre le cas de l'affaire opposant l'Etat du
Sénégal et l'Etat de la Belgique sur la demande l'extradition de
l'ex-président du Tchad Hissène Habré197.
L'ex-président tchadien est poursuivi pour crimes contre
l'humanité et est réfugié à Dakar depuis sa chute
en 1990. Le Sénégal avait en effet posé son véto
à l'extradition de ce dernier pour être juger en Belgique pour les
crimes internationaux qu'on lui a reproché tout au long de son
mandat198. Hissène Habré n'a au final pas
été extradé en Belgique, la justice
sénégalaise ayant refusé pour vice de forme la demande de
Bruxelles. Au Sénégal, le tribunal spécial africain de
Dakar autrement appelé les Chambres Africaines Extraordinaires
(CAE)199 a tranché. Après dix mois de procès,
l'ancien président du Tchad, Hissène Habré, a
été condamné lundi 30 mai 2016 à la
réclusion criminelle à perpétuité par une
juridiction africaine extraordinaire qui l'a reconnu coupable de crimes contre
l'humanité, de torture et de viols lors de la répression
menée lorsqu'il était à la tête de son pays entre
1982 et 1990. Hissène Habré a été rattrapé
par son passé et le procès qui s'est déroulé sur le
continent africain, et non devant
197 Cour internationale de Justice, 20 juillet 2012, Belgique
C. Sénégal, Questions concernant l'obligation de poursuivre ou
d'extrader.
198 MANDIANG (I.), « L'affaire Hissene Habré »
devant les Chambres Africaines Extraordinaires : Ou une expérimentation
réussie de la mise en oeuvre de la compétence universelle par le
juge sénégalais », Revue de la Faculté des Sciences
Juridiques et Politiques de l'UCAD, Vol. 1- 2e partie, CREDILA, Avril
2018, pp. 163-203.
61
199 Les Chambres africaines extraordinaires (CAE) sont un
tribunal créé en 2013 par un accord entre l'Union africaine (UA)
et le Sénégal pour connaître des crimes internationaux
commis au Tchad du 7 juin 1982 au 1er décembre 1990.
la Cour pénale internationale (CPI)200, une
expérimentation réussie de la compétence universelle par
le juge sénégalais 201, pour reprendre les propos du
professeur Ibrahima MANDIANG.
En effet, Les raisons qui poussent les Etats à
être réticent vis-à-vis de l'extradition sont entre autres
nationalité d'abord, qui empêche l'extradition d'un citoyen,
ensuite de l'injustice éventuelle d'un tribunal étranger envers
ses ressortissants, enfin dans le souci de conserver la souveraineté de
l'État. Cette nature souveraine de l'extradition la place au coeur des
affaires intérieures des États dans lesquels la Charte de l'ONU
interdit toute ingérence conformément aux dispositions de son
article 2-7202.
Au regard de tout ce qui précède, nous pouvons
conclure que la souveraineté étatique est une un obstacle
juridique considérable au bon fonctionnement de la CPI, mais il n'est
pas de loin le seul car la CPI fait face aussi à la question de
l'immunité internationale.
Section 2 : Les obstacles juridiques liés au
principe de l'immunité internationale
En effet, l'immunité est considérée comme
étant un obstacle juridique au bon fonctionnement de la CPI, dans la
mesure où elle à la possibilité de freiner ou
d'empêcher une procédure pénale de se dérouler en
toute justice contre qui en bénéficient et qui par le fait ne
pourront être accusés d'un crime qu'ils ont commis et ce, en
violant les dispositions de la loi qui incrimine cet acte203.
L'immunité désigne une prérogative juridique reconnue par
le droit national et international à certaines personnes afin de leur
permettre d'exercer leurs fonctions en toute liberté et à l'abri
de toute pression, y compris judiciaire. Au niveau international
200 RFI : Hissène Habré: pourquoi son
procès est historique, Publié le : 30/05/2016 - 23:03
Modifié le : 31/05/2016 - 10:40.
https://www.rfi.fr/fr/afrique/20160530-tchad-senegal-hissene-habre-pourquoi-proces-historique
, consulté le 06 Novembre 2023.
201 MANDIANG (I.), « L'affaire Hissene Habré »
devant les Chambres Africaines Extraordinaires : Ou une expérimentation
réussie de la mise en oeuvre de la compétence universelle par le
juge sénégalais », Revue de la Faculté des Sciences
Juridiques et Politiques de l'UCAD, Vol. 1- 2e partie, CREDILA, Avril
2018, pp. 163-203.
62
202 L'article 2-7 de la Charte de l'ONU énonce que
« Rien dans la présente Charte ne peut justifier que l'Organisation
des Nations Unies s'ingère dans des affaires qui relèvent de la
compétence nationale d'un État et n'oblige pas ses membres
à soumettre ces questions à la Charte, que ce principe est sans
préjudice de l'application des mesures de répression contenues
dans le Chapitre VII ».
203 El ZAWAM (S.), Les obstacles au jugement des criminels
devant la Cour Pénale Internationale, Thèses de doctorat,
Université de Bordaux, 24 Novembre 2022, 546p.
63
l'immunité de juridiction est un outil destiné
à protéger la souveraineté et l'indépendance des
États en évitant la mise en cause d'un État et de ses
agents devant les tribunaux étrangers. Elle constitue dans une certaine
mesure un obstacle au bon fonctionnement de la Cour Pénale
Internationale, et ce même dans la mesure où dans le Statut de
Rome, la question de l'immunité a bien été traitée.
En effet, le défaut de pertinence de la qualité officielle est la
solution mise en place par le S.R. pour en venir à bout de
l'immunité des dirigeants, cependant nous constateront que cette
solution est controversée (Paragraphe 2) dans une certaine mesure. Avant
cela, nous porterons notre étude sur la notion de l'immunité en
droit international (Paragraphe 1).
Paragraphe 1 : L»immunité des hauts
représentants de l'Etat en droit international
L'immunité des hauts représentants
étatiques découle historiquement de celle des Etats et se
rapproche, sur de nombreux aspects, de celle des diplomates. Elle constitue
cependant un système immunitaire à part entière et
connaît des règles qui lui sont propres. Le fondement étant
la base juridique sur laquelle repose un principe, l'immunité
internationale des hauts responsables possède un double fondement. Elle
dispose non seulement d'un fondement coutumier (A) mais également un
fondement conventionnel (B).
A) Le fondement coutumier de l'immunité des hauts
dirigeants de l'Etat
En effet, le droit international coutumier est la source la
plus importance des immunités des Chefs d'Etat. Ces origines remontent
au XVIe siècle. De nos jours, de nombreux jugements nationaux
leurs accordent un tel privilège si bien que l'existence d'une coutume
attribuant l'immunité aux plus hauts dirigeants étatiques fait
aujourd'hui pratiquement l'unanimité parmi les auteurs et n'est pas
contesté non plus par la CIJ204. Pendant longtemps, les Chefs
d'Etat étaient les seuls hauts dirigeants à qui l'on accordait
l'immunité au niveau international en raison de leur place centrale dans
les relations internationales.
Cependant, avec l'évolution des relations
internationales, force est de constater un élargissement certain de
l'immunité. En effet, il est incontestable que le rôle du ministre
des
204 Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République
démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, CIJ Recueil 2002, par.
53.
64
affaires étrangères et du chef de gouvernement
ait évolué et qu'ils aient pris une place de premier plan dans
les relations internationales. Au sein de l'ordre juridique international, ils
il est majoritairement considéré qu'au vu du comportement des
Etats vis-à-vis de ces deux autres dirigeants, il existe une coutume
leur attribuant la même immunité qu'au chef d'Etat205.
Cet avis a été suivi par la CIJ dans l'affaire relative au Mandat
d'arrêt du 11 avril 2000, bien que la Cour n'ait pas
démontré l'existence d'opinio iuris ni de pratique
générale mais se soit plutôt basée sur le fondement
fonctionnel de l'immunité pour l'étendre au ministre des affaires
étrangères.
En effet, d'une manière générale, les
immunités coutumières sont une garantie de
l'égalité souveraine entre États206. Cette
immunité est le plus souvent limitée aux actes commis dans
l'exercice de fonctions officielles et pour la durée de cet exercice. Il
est généralement admis qu'il existe deux types d'immunités
(en vertu du droit national et international) :
· L'immunité fonctionnelle, qui s'attache
à la fonction. Celle-ci couvre certaines activités des
représentants de l'État et survit à la fin de leur mandat.
Elle est donc accordée aux personnes qui exécutent certaines
fonctions de l'Etat. Elle s'applique à toute personne agissant en sa
qualité officielle de représentant d'un Etat et se limite aux
actes liés à la fonction. En droit international coutumier,
l'immunité des ex-Chefs d'Etat ne leur est accordé que pour les
actes commis lors de leur mandat. Les objectifs de l'immunité
fonctionnelle sont d'abord la protection des individus lorsqu'ils agissent dans
le cadre de leur fonction officielle ; ensuite d'empêcher les tribunaux
étrangers de contourner l'immunité des Etats ; enfin de permettre
aux hauts dirigeants de l'Etat d'accomplir ses fonctions sans crainte
d'être poursuivi devant les juridictions étrangères une
fois qu'ils ne seront plus en fonction ;
· L'immunité personnelle, qui s'attache à
la personne en raison de son statut. Celle-ci couvre tous les actes accomplis
par ceux qui bénéficient de l'immunité mais ne dure que le
temps durant lequel les personnes concernées sont en fonction.
L'immunité personnelle par contre est rattachée à la
qualité officielle de la personne et non à sa fonction. Ainsi,
l'inviolabilité des hauts dirigeants résulte du fait qu'ils
incarnent l'Etat en leur personne, et par conséquent, ils ne peuvent
faire objet de poursuite judiciaire auprès d'une instance judiciaire
étrangère.
205 Ibid.
206 Convention de Vienne sur les relations diplomatiques,
Préambule, § 4.
65
Au regard du droit international coutumier, les hauts
dirigeants d'Etat jouissent d'une immunité juridictionnelle devant les
tribunaux d'autres Etats pour la durée de leur mandat. Ce qui veut dire
qu'au cours de l'exercice de leur fonction, ces derniers ne doivent pas
être forcé à comparaitre devant une instance judiciaire
étrangère, ni être sanctionné civilement ou
pénalement par une juridiction étrangère. Mis à
part la consécration de l'immunité par la coutume, cette
dernière possède également une source conventionnelle.
B) Le fondement conventionnel de l'immunité
international
Au niveau international, il n'existe pas de convention, ni de
traité qui traite directement et spécifiquement de la question de
l'immunité des hauts dirigeants étatiques. Cependant, plusieurs
traités abordent le sujet de manière ponctuelle ou se consacrent
à des domaines proches et peuvent parfois être applicables. Ainsi,
plusieurs conventions au niveau international peuvent servir d'exemple parmi
tant d'autres : la Convention sur les missions spéciales de 1969, La
Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961, La Convention sur
la prévention et la répression des infractions contre les
personnes jouissant d'une protection internationale de 1973, La Convention de
Vienne sur le droit des traités de 1969 et pour finir la Convention sur
les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens de 2004. Ces
nombreuses conventions, bien que ne faisant pas forcement
référence à la répression de crimes internationaux
car la commission de crimes graves exclurait l'immunité
internationale207, jouent un rôle important dans le cadre de
cette étude.
Le 8 décembre 1969, à travers la
résolution 2530 (XXIV), l'Assemblé générale des
Nations Unies a adopté la Convention sur les missions spéciales
ainsi qu'un Protocole concernant le règlement obligatoire des
différends. La Convention sur les missions spéciales comporte en
total 55 articles dont les articles 19 et 21 à 49 traitent de la
question des privilèges et les immunités. La mission
spéciale que vise cette convention constitue une « mission
temporaire, ayant un caractère représentatif de l'Etat,
envoyée par un Etat auprès d'un autre
207 Art. IV de la Convention sur la prévention et la
répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 ; voir
aussi art. 1 ch. 1 Convention contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984.
Etat avec le consentement de ce dernier pour traiter avec
lui de questions déterminées ou pour accomplir auprès de
lui une tâche déterminée »208.
Comme nous l'avions souligné ci-haut, la question des
privilèges et immunités internationales sont traitée dans
les articles 19 à 49. Au niveau de l'art. 21 de cette convention, la
question des immunités des hauts représentants étatiques
siège clairement, mais le souci est que cet article n'apporte pas de
précisions utiles sur leur nature ou leur étendue209,
car il se contente de renvoyer aux immunités déjà
reconnues par le droit international.
En ce qui concerne la Convention de Vienne sur les relations
diplomatiques du 18 avril 1961, elle ne s'intéresse uniquement qu'aux
diplomates et le personnel diplomatique. La Convention précise dans son
préambule « qu'une convention internationale sur les relations,
privilèges et immunités diplomatiques contribuerait à
favoriser les relations d'amitié entre les pays, quelle que soit la
diversité de leurs régimes constitutionnels et sociaux
»210, elle rappelle que les privilèges et les
immunités permettent « l'accomplissement efficace des fonctions
des missions diplomatiques en tant que représentants des Etats
»211. La convention de vienne sur le droit des
traités quant à elle, attribue un statut particulier de
représentation de l'Etat qui est spécifique aux membres de la
mission.
Concernant la Convention sur les immunités
juridictionnelles des Etats et de leurs biens inclut les organes de
gouvernement dans sa définition d'Etat212. Ainsi, cette
immunité est accordée aux représentants de l'Etat
lorsqu'ils agissent dans leur capacité officielle. Il est bien de noter
que la Convention ne fait toutefois ni référence au chef de
gouvernement ni au ministre des affaires étrangères. Elle ne
traite pas des immunités rationae personae mais précise
qu'elle ne porte pas préjudice à ce type d'immunité
lorsqu'elles bénéficient aux chefs d'Etat213.
208 Convention sur les missions spéciales, 8
décembre 1969, article 1er.
209 Convention sur les missions spéciales, 8
décembre 1969, Article 21 STATUT DU CHEF DE L'ETAT ET DES
PERSONNALITÉS DE RANG ÉLEVÉ : « 1. Le chef de l'Etat
d'envoi, quand il se trouve à la tête d'une mission
spéciale, jouit, dans l'Etat de réception ou dans un Etat tiers,
des facilités, privilèges et immunités reconnus par le
droit international aux chefs d'Etat en visite officielle. 2. Le chef du
gouvernement, le ministre des affaires étrangères et les autres
personnalités de rang élevé, quand ils prennent part
à une mission spéciale de l'Etat d'envoi, jouissent, dans l'Etat
de réception ou dans un Etat tiers, en plus de ce qui est accordé
par la présente Convention, des facilités, privilèges et
immunités reconnus par le droit international ».
66
210 Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18
avril 196164, préambule.
211 Ibid.
212 Convention des Nations Unies sur les immunités
juridictionnelles des Etats et de leurs biens du 2 décembre 2004,
213 Ibid. article 3, chap 2.
67
A tout cela, nous pouvons ajouter l'immunité des
ressortissants américains devant CPI. En effet, à travers la
résolution 1422 du 12 juillet 2002 adopté par le conseil de
sécurité de l'ONU, les Etats-Unis jouissent de l'immunité
systématique et perpétuelle de poursuite devant la Cour
pénale internationale de tout citoyen d'un pays n'ayant pas signé
le traité de Rome. L'enjeu du compromis était de taille : les
Etats-Unis ayant menacé que, si les Etats-Unis ne pouvaient pas obtenir
pour leurs ressortissants une protection jugée par eux suffisante, ils
étaient disposés à mettre fin aux opérations de
maintien de la paix à travers le monde l'une après l'autre au fur
et à mesure que leur mandat arrivait à expiration.
En partant de tout ce qui précède, nous pouvons
constater que l'immunité international a été
consacrée par de nombreux textes internationaux et la coutume
internationale. Toutefois, en droit international pénale, une solution a
été trouvée pour lutter contre la question de
l'immunité internationale.
Paragraphe 2 : Le défaut pertinence de la
qualité officielle : une solution controversée à la
question de l'immunité
En effet, la question de l'immunité a bien
été traitée par le S.R. Ce dernier rejette la
possibilité d'invoquer l'immunité devant la Cour Pénale
Internationale à travers le principe du défaut de pertinence de
la qualité officielle. Cependant ce principe mis en place par le S.R
semble un peu controversée. Pour aller plus loin nous verrons dans un
premier temps l'étendu du principe du défaut pertinence de la
qualité officielle (A) avant de voir dans un second
temps les limites au principe (B).
A) L'étendu du principe de la non-pertinence de la
qualité officielle
La principe défaut de pertinence de la qualité
officielle est cristallisée dans l'article 27 du Statut de Rome de la
CPI. A la lumière de l'article 27 : « 1. Le présent
Statut s'applique à tous de manière égale, sans aucune
distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la
qualité officielle de chef d'État ou de gouvernement, de membre
d'un gouvernement ou d'un parlement, de représentant élu ou
d'agent d'un État, n'exonère en aucun cas de la
responsabilité pénale au regard du présent Statut, pas
plus qu'elle ne constitue en tant que
telle un motif de réduction de la peine. 2. Les
immunités ou règles de procédure spéciales qui
peuvent s'attacher à la qualité officielle d'une personne, en
vertu du droit interne ou du droit international, n'empêchent pas la Cour
d'exercer sa compétence à l'égard de cette personne.
»214.
En effet, le défaut de pertinence de la qualité
officielle implique que le Statut de la CPI s'applique à tous de
manière égale, sans aucune distinction fondée sur la
qualité officielle. Elle a été instaurée plus
précisément pour en venir à bout de l'immunité des
chefs d'états et de gouvernement, de membre de gouvernement ou de
parlementaire, de représentant élu ou d'agent d'un Etat. Pour
appuyer, l'article 7 du Statut de Rome dispose que « les
immunités ou règles de procédure spéciales qui
peuvent s'attacher à la qualité officielle d'une personne, en
vertu du droit interne ou du droit international, n'empêchent pas la Cour
d'exercer sa compétence à l'égard de cette personne
»215.
Ainsi, l'immunité accordée aux hauts dirigeants
de l'Etat n'empêche pas la Cour d'exercer sa compétence en
matière d'enquête ou de procès216. Pour ce qui
concerne de responsabilité des chefs militaires et autres
supérieurs hiérarchiques, l'article 28 du Statut dispose : «
a) Un chef militaire ou une personne faisant effectivement fonction de chef
militaire est Pénalement responsable des crimes relevant de la
compétence de la Cour commis par des forces placées sous son
commandement et son contrôle effectif, ou sous son autorité et son
contrôle effectifs »217.
A travers ces deux textes, nous pouvons avoir la confirmation
du fait que toutes les personnes comparaissent devant la CPI sur un pied
d'égalité, quelle que soit la qualité officielle dont
elles jouissent, ou plus précisément, la qualité
officielle ne constitue pas un motif de distinction entre ceux qui en
bénéficient et les autres. Elle ne constitue pas non plus un
motif d'impunité ou d'atténuation de la punition. Les textes
confirment également la non-pertinence des immunités ou d'autres
règles de procédure, qu'elles soient prévues dans le droit
pénal national ou international.
214 Statut de Rome de la CPI, Article 27.
215 Statut de Rome de la CPI, Article 7.
216 DOMINCE (C.), « Quelques observations sur
l'immunité de juridiction pénale de l'ancien chef d'Etat »,
in Revue générale de droit international public, Paris,
Pedone, 1999, pp. 297-308.
68
217 Statut de Rome de la CPI, Article 28.
69
En partant ce qui a été développé
ci-haut, nous pouvons conclure que la non-pertinence de la qualité
officielle a été posé par le Statut de Rome pour une
meilleure efficacité de la CPI dans l'exécution de sa mission.
Cependant nous constatons que ce principe n'est pas absolu car il regorge
certaines limites et est confrontés à certains défis.
B) Les limites au principe du défaut de pertinence
de la qualité officielle
En effet le défaut de pertinence de la qualité
officielle connait certaines limites qui, indirectement affecte la CPI dans la
poursuite et le jugement des personnes ayant commis des crimes internationaux.
Le Statut a inclus dans l'article 98 du Statut de Rome la «
coopération en relation avec la renonciation à
l'immunité et le consentement à la remise » qui
constitue une entrave fondamentale à l'exercice des fonctions de la Cour
par l'adoption d'un mécanisme obligatoire pour la levée de
l'immunité. Et ce, en contradiction avec l'article 27 qui énonce
le principe d'égalité des personnes devant la Cour, quelle que
soit leur qualité.
A la lumière de l'article 98 : « 1. La Cour ne
peut poursuivre l'exécution d'une demande de remise ou d'assistance qui
contraindrait l'État requis à agir de façon incompatible
avec les obligations qui lui incombent en droit international en matière
d'immunité des États ou d'immunité diplomatique d'une
personne ou de biens d'un État tiers, à moins d'obtenir au
préalable la coopération de cet État tiers en vue de la
levée de l'immunité. 2. La Cour ne peut poursuivre
l'exécution d'une demande de remise qui contraindrait l'État
requis à agir de façon incompatible avec les obligations qui lui
incombent en vertu d'accords internationaux selon lesquels le consentement de
l'État d'envoi est nécessaire pour que soit remise à la
Cour une personne relevant de cet État, à moins que la Cour ne
puisse au préalable obtenir la coopération de l'État
d'envoi pour qu'il consente à la remise. ».
Nous pouvons comprendre à travers cet article que les
hauts dirigeants de l'Etats qui sont appelés à comparaître
devant la CPI ne doivent pas être sur le territoire de l'État dont
ils ont la nationalité, et qui leurs confère l'immunité.
Ils doivent donc se situer sur le territoire d'un Etat étranger. De ce
fait la Cour a la possibilité de demander à cet État de
lui remettre la personne et de demander en même temps à
l'État dont la personne a la nationalité de renoncer à
l'immunité conformément à la législation nationale
applicable.
70
Dans la mesure où l'Etat refuse de lever
l'immunité de son président ou de son dirigeant, la Cour ne sera
plus en mesure de poursuivre la personne et de mettre un terme à
l'impunité des auteurs de crimes internationaux. Il faut noter que la
CPI n'a pas la possibilité de contraindre l'État hôte du
président à le lui remettre ; dans ce cas, l'État
hôte pourrait simplement invoquer le fait que l'extradition d'un chef
d'État serait en violation de son obligation internationale de respecter
l'immunité qui lui est reconnue par la législation de
l'État dont le Président est ressortissant. Ce qui pourrait
entrainer une tension dans les relations entre les deux États si les
pays hôtes doivent remettre les prévenus à la Cour à
l'insu des États dont ils sont ressortissants ou sans leur consentement,
en levant par là-même l'immunité de la personne
concernée, bien que cette possibilité soit rare.
Ainsi, nous pouvons conclure que l'article 98 relatif à
l'exception d'immunité se heurte fondamentalement à l'article 27
du Statut de Rome. Car ce dernier dispose en son alinéa 1 que le Statut
« s'applique à tous de manière égale, sans aucune
distinction fondée sur la qualité officielle ». Au
regard de l'alinéa 2 les immunités ou règles de
procédures spéciales qui peuvent s'attacher à la
qualité officielle de la personne sont écartés en vertu du
droit interne ou du droit international comme motif d'incompétence de la
Cour. En d'autres termes, d'une part, la qualité officielle «
n'exonère en aucun cas de la responsabilité pénale
» au regard du Statut de Rome, pas plus d'ailleurs qu'elle ne
constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine ; d'autre
part, les immunités ou règles de procédures
spéciales pouvant s'attacher à ladite qualité
n'empêchent nullement la Cour d'exercer sa compétence à
l'égard d'une personne ayant la qualité
officielle218.
Ainsi, la souveraineté de l'Etat et l'immunité
internationale sont de loin les deux grands obstacles juridiques que fait face
la Cour Pénale Internationale dans la lutte contre l'impunité des
crimes internationaux. Cependant la Cour aussi face à des obstacles
d'ordre politique qui freinent ou empêchent son action.
218 MANDIANG I., Les États africains et
l'obligation de coopération avec les juridictions pénales
internationales, Thèse de doctorat en Droit Public, UCAD, 2017,
489p
Chapitre 2 : Les entraves politiques de la Cour
Pénale Internationale
Le souci d'efficacité de la CPI dans la lutte contre
l'impunité des crimes internationaux peut s'expliquer, sur le plan
politique, par les nombreux défis auxquels la Cour fait face, notamment
dans sa collaboration avec l'Afrique (Section 1) d'une part et avec le Conseil
de Sécurité de l'ONU (Section 2) d'autre part.
Section 1 : Les obstacles liés à la
collaboration entre la CPI et l'Afrique
La CPI est la cible d'attaques extérieures contre son
pouvoir et l'autorité de ses décisions menées par certains
États, notamment africains, qui dénoncent son
illégitimité dans le but de l'affaiblir. A cet effet, la
difficile coopération entre la CPI et l'Union Africaine (Paragraphe 1)
et la défiance de certains Etats africains à l'égard de la
CPI (Paragraphe 2) constituent bien un défis extrême causant
l'inefficacité de la Cour dans l'exécution de la mission qui lui
incombe.
Paragraphe 1 : La difficile coopération entre la
CPI et l'UA
Crée en application de la déclaration de Syrte
du 09 septembre 1999, l'Union africaine est une organisation
intergouvernementale d'États africains qui a vu jour le 9 juillet 2002
à Durban. Elle remplace l'Organisation de l'unité africaine. La
mise en place de ses institutions a été faite en juillet 2003, au
sommet de Maputo. Elle a pour but d'oeuvrer à la promotion de la
démocratie, du développement des investissements
extérieurs et des droits humains. Cependant, contrairement à
l'Union Européenne, l'Union Africaine n'est pas partie au Statut de
Rome. En effet, l'UE est liée avec la CPI sur la base d'un accord de
coopération et d'assistance conclu qui est entré en vigueur en
2006219. Ce qui n'est pas le cas pour l'UA qui n'a non plus conclu
d'accord de coopération avec la CPI. Sur une recommandation de la CPI
d'ouvrir un Bureau de liaison à Addis-Abeba, le siège de l'UA,
cette dernière ayant formellement rejetée l'examen de la demande.
Cette action marque belle et bien le signe que l'opposition entre l'UA et la
CPI est une réalité constante220. Cette difficile
collaboration peut s'expliquer par le refoulement de la saisine extra-africaine
de la CPI (A) ainsi que la lutte concurrentielle menée par l'UA face
à la CPI dans la répression des crimes internationaux (B).
219 Accord de Coopération et d'assistance entre la Cour
pénale internationale et l'Union européenne, ICC-PRES/01-01-06,
1er mai 2006.
71
220 MOUANGUE KOBILA (J.), « L'Afrique et les juridictions
internationales », Centre Thucydide - Analyse et recherche en
relations internationales, Université Panthéon-Assas (Paris
II), Paris, Cahier Thucydide n°10, Février 2012, pp.1-61.
A. Le refoulement de la saisine extra africaine de la
CPI
L'Union Africaine ne cesse depuis quelques années
d'entacher la fragile réputation de la Cour Pénale
Internationale.221 Accusé d'être partial, colonialiste,
ou encore de manquer d'indépendance, le CPI apparaît aux yeux de
certains pays africains comme un instrument d'intrusion dans leur politique
nationale222. L'Afrique serait directement dans les viseurs du
Procureur. Le fait que la Procureure, Fatou BENSOUDA, soit Gambienne, que cinq
magistrats soient issus de pays africains et que le Président de
l'Assemblée des États partis soit sénégalais ne
semble pas ébranler la solide conviction que l'Afrique est une fois de
plus stigmatisée.
Accusée de viser « trop bas », la CPI ne
s'attaquerait qu'aux États les plus faibles, notamment soigneusement de
se lancer dans des combats incommodes à la hauteur des plus influents.
Machine de détournement politisée, la CPI ne vivrait ainsi qu'au
gré des intérêts occidentaux. Les rapports entre la Cour
Pénale Internationale et l'Union Africaine font effectivement l'objet de
controverses récursives. Les raisons d'une telle situation se trouvent
dans les multiples feuilletons judiciaires dont les deux entités sont
les principaux acteurs223.
En effet, le rejet par l'Union Africaine de la politique de
poursuite de la CPI, s'articule autour de deux raisons particulières.
D'une part, force est de constater un malaise de l'UA sur les forts pouvoirs du
Conseil de Sécurité des Nations Unies dans le fonctionnement de
la CPI224. Aux termes de l'article 12 du Statut de Rome, l'action de
la CPI n'est possible que sur le territoire de ses États-parties ou
lorsque les crimes ont été commis par l'un des ressortissants de
ses États-parties. En ce sens, l'article 13 du même texte
évoque les modes de saisine de la Cour par le Conseil de
Sécurité des Nations Unies qui, pour être recevable,
principe de complémentarité oblige, doit précéder
l'inaction des autorités nationales225. Selon les
221 GEOFFROY (V), « La CPI perd une bataille, mais
perdra-t-elle la guerre face à l'Union Africaine? »,
consulté
sur
https://www.cdiph.ulaval.ca/en/blogue/la-cpi-perd-une-bataille-mais-perdra-t-elle-la-guerre-face-lunion- africaine,
le 22 Octobre 2023.
222 SOMA (A), « L'africanisation du droit international
pénal », in L'AFRIQUE ET LE DROIT INTERNATIONAL PÉNAL, Actes
du troisième colloque annuel de la Société africaine pour
le droit international (SADI), éditions A.Pedone, 2015 pp.
7-37.
223 GUEMATCHA (E.), « L'Afrique et la Cour Pénale
Internationale », Annuaire Français de Relations
Internationales, Volume XIX, 2008, pp 624-636.
72
224 DJEMBO (A.), L'Afrique face à la justice
pénale internationale, Institut Supérieur de Droit de Dakar,
Master en droit public, , Sénégal, 2022, 84p.
225 Statut de Rome de la CPI, Article 17
dispositions pertinentes du Statut de Rome, le Conseil de
sécurité des Nations unies dispose alors du pouvoir de saisir la
CPI pour des situations dans lesquelles un ou plusieurs crimes paraissent avoir
été commis dans une quelconque partie du monde226. Car
l'action du Conseil de sécurité des Nations unies puise son
fondement dans le chapitre VII de la Charte des Nations unies,
C'est-à-dire dans le cadre d'une « menace contre la paix
» ou d'une « rupture de la paix ». Ce qui revient à dire
que l'action du CSNU n'est pas limitée dans l'espace. Elle peut se
déployer au-delà des territoires des États-parties au
Statut de Rome pour s'intéresser à une situation dans un
État-tiers. La seule condition de recevabilité demeure outre le
respect du champ de compétence matérielle de la CPI, « le
vote à l'unanimité des cinq (05) membres permanents dudit conseil
».
Tout le problème des Etats africains sur la
légitimé de ce pouvoir du conseil de sécurité des
Nations unies se trouve là. En effet, les prises de position du conseil
de sécurité des nations unies peuvent diriger la CPI dans son
action judiciaire. A titre d'exemple, il est fort possible que la CPI ne
poursuive jamais par renvoi par le Conseil de Sécurité des
Nations Unies, une personnalité américaine quand bien même
celle-ci aurait commis les crimes relevant de la compétence de la Cour
parce qu'il suffirait aux Etats unis d'user du « droit de veto
»227 pour empêcher les poursuites. La situation
serait identique dans le cas où une personnalité étatique
africaine qui servirait les intérêts des « États
puissants ». La situation ivoirienne est forte évocatrice de
ce dernier cas de figure avec le soutien des forces pro Ouattara par la
France.
En utilisant son pouvoir de saisine fondé sur l'article
13 du Statut de Rome, le 31 mars 2015, le CSNU a décidé de
traduire les auteurs présumés de crimes commis au Darfour (Nord
Soudan) depuis le 1er juillet 2002 devant la CPI228.
Quelques années après, en vertu du paragraphe 4 et 8 de la
résolution 1970229 le Conseil de Sécurité
décida de porter la situation Libyenne devant la CPI. Ainsi, deux
mandats d'arrêt ont été émis par le Procureur contre
le président Soudanais le
226 Statut de Rome de la CPI, Article 13
227 Le droit de veto individuel autorise un seul votant
à empêcher la prise d'une décision à laquelle
celui-ci est opposé, même si une majorité est en faveur de
cette décision. Le veto réside dans la possibilité de
s'opposer à la règle de la majorité lors d'un vote. Au
Conseil de sécurité des Nations unies, les cinq membres
permanents disposent d'un droit de veto (article 27.3 de la Charte des Nations
unies). Il s'agit de la Chine, la Russie, les États-Unis, la
Grande-Bretagne et la France. Pendant la guerre froide, il a permis de geler
totalement toute prise de décision au sein du Conseilde
sécurité des Nations unies, notamment en matière de
gestion des conflits et de maintien de la paix.
73
228 DAVID (E.), La cour pénale internationale,
In : Cours collectifs de l'Académie de droit international de La
Haye, RCADI, vol. 313, pp. 441-442.
229 Comité du Conseil de sécurité
établi par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye.
04 mars 2009 et le 12 juillet 2010230. Les charges
retenues contre le Président soudanais étaient respectivement des
crimes de guerre, crime contre l'humanité et crime de génocide.
Dans la même optique nous pouvons évoquer le mandat d'arrêt
contre le président Kadhafi et deux proches de son régime le 27
Juin 2011231.
Le problème de la coopération de l'UA pour la
capture et de la remise à la CPI de ces personnes, inculpées
à l'initiative du Conseil de sécurité, s'est alors
posé. D'autant plus que les mandats d'arrêt contre le
président soudanais, toujours en fonction quelque trois ans après
l'émission du premier d'entre eux, ont suscité une grande
prudence dans la communauté internationale, à l'exception des
pays occidentaux et que le mandat contre le colonel Kadhafi, alors en fonction,
et contre ses proches a aussitôt été rejeté par
l'UA. Il apparait donc clairement établi, pour l'UA, que cinq
États232 disposent de l'opportunité de décider
de soustraire la situation d'un pays de la portée du procureur de la CPI
comme ce fut le cas en Syrie en raison d'une division de la communauté
internationale sur la solution politique à y apporter233, ou
au contraire d'influencer pour qu'une situation ou plus
précisément un cas particulier de cette situation fasse l'objet
d'enquête. Il s'agit là de « la mise en oeuvre de la
puissance d'un État qui écarte lamentablement l'application du
droit au détriment des États faibles que sont les États
africains »234. C'est également ce pouvoir entre
les mains du conseil de sécurité de Nations unies qui est
à l'origine des poursuites sélectives devant la CPI, la source du
traitement différencié devant cette Cour235. Ainsi,
mis à part la contestation de la légitimité du CSNU
à déférer des situations devant la Cour, le
problème de la coopération de l'UA et la CPI trouve son fondement
dans le rejet par l'UA de l'utilisation abusif et intempestif de la «
Compétence Universelle » de la CPI par certains Etats occidentaux
contre des dirigeants africains, en particulier peu après
l'exécution du mandat d'arrêt contre le chef du protocole du
président Rwandais, Mme Rose KABUYE.
D'autre part, le rejet de la politique de saisine de la Cour
par les Etats africains s'explique par une contestation, par l'UA, du
revirement du Procureur de la CPI à l'endroit des Etats africains. En
effet, l'UA a longtemps critiqué le « comportement du procureur de
la CPI » qu'il juge
230 L'article 98 est lu comme impliquant que « l'Etat
requis doit faire prévaloir l'immunité d'une personne
recherchée ou de ses biens sur une demande d'assistance de la Cour
». Voir aussi DAVID (E), La Cour pénale internationale, RCADI, vol.
313, 2005, pp.441,442.
231 Voir le paragraphe 1 de la Résolution 1593 du Conseil
de Sécurité des Nations Unies du 31 mars 2005.
232 Les cinq (5) membres permanents du conseil de
sécurité des Nation Unies.
233 MBOKANI (J.B.), « La cour pénale
internationale : une cour contre les africains ou une cour attentive à
la souffrance des victimes africaines ? », Revue
québécoise de droit international, Volume 26, numéro
2, 2013, p. 47-100.
74
234 AGUEZOMO ELLA (S.L.), les tensions entre l'Union
africaine et la Cour pénale internationale a l'occasion de la poursuite
des chefs d'Etat africains, Université de Limoges, Faculté
de Droit et des Economies, Mémoire de Master 2 Droit Pénal
International et Européen, 97 p.
235 Ibid.
75
préoccupant, à cause de l'émission des
mandats d'arrêts contre le président soudanais et à
l'origine des poursuites engagées contre des responsables kenyans et
contre des responsables de la crise post-électorale en
Côte-d'Ivoire. Le lendemain de l'émission de son mandat
d'arrêt, El-Béchir déclare que le Soudan est prêt
pour « une nouvelle bataille » contre la « nouvelle
colonisation » qu'incarne la CPI. Il n'est pas seul à
réagir de la sorte. Le président de la Commission de l'UA de
l'époque, Jean Ping, estimait « que la justice internationale
ne semble appliquer les règles de la lutte contre l'impunité
qu'en Afrique comme si rien ne se passait ailleurs, en Irak, à Gaza, en
Colombie ou dans le Caucase »236 - une opinion
exprimée dans la même journée par le président
sénégalais, Abdoulaye Wade, qui a regretté que la CPI ne
poursuive « que des Africains »237. Kadhafi -
Ex-président de l'UA - décrit quant à lui la Cour comme
« une nouvelle forme de terrorisme mondial »238.
Pour l'UA, quelle que soit l'origine des poursuites en effet, le fait est que
ce sont exclusivement des Africains qui sont poursuivis devant la CPI. Ce qui a
entrainé une lutte concurrentielle menée par l'UA pour la lutte
contre l'impunité des crimes internationaux.
B. La lutte concurrentielle menée par l'UA face
à la CPI dans la répression des crimes internationaux
La difficile collaboration entre l'UA et la CPI s'est
effectivement soldée par une lutte concurrentielle menée par l'UA
dans la répression des crimes de droit international. Avec une
perception négative du caractère universel de la justice
pénale internationale, l'UA prendra une série de décisions
au regard de la situation d'incompréhension à laquelle elle fait
face. Dans un sens qui n'améliorera pas ces rapports avec la CPI mais
les dégradera au contraire. L'UA va vouloir détacher ses
États membres d'une telle institution, ce qui s'analyserait comme un
recul pour l'Afrique pour certains analystes car au lieu de trouver des points
de réconciliation avec la Cour, l'UA dans son attitude montre qu'il
n'est plus possible de revenir en arrière et qu'elle est
réfractaire au droit international pénal tel qu'il est
appliqué par la CPI.
Ainsi, Lors de la 3ème Session ordinaire de
l'Assemblée des chefs d'Etats et de gouvernement de l'Union Africaine
(UA) tenue en juillet 2004, une résolution sur le siège des
organes de l'UA a été adoptée. La décision la plus
remarquable était celle qui décidait de la création de la
Cour africaine de Justice et des droits de l'homme (CAJDH). Pour la
création
236 Jean PING, cité dans Le Monde, 4 mars 2009.
237 Abdoulaye WADE, cité dans le Monde, 2009
238 Mouammar Kadhafi, cité dans BBC News en 2010
de cette cour, les chefs d'États membres de l'UA ont
décidé de fusionner la Cour africaine des droits de l'homme et
des peuples (CADHP) et la Cour de justice de l'UA. La fusion de celles-ci
donnera lieu à la création de la Cour africaine de justice des
droits de l'homme et des peuples (CAJDH).
C'est en juillet 2008, lors de sa 13ème session
ordinaire de l'Assemblée des chefs d'Etats et de gouvernement de l'Union
Africaine que les États membres ont adopté le protocole relatif
au Statut de la CAJDH (Protocole de 2008 ou « Protocole relatif à
la fusion239 »), qui n'est pas encore une cour
opérationnelle car le protocole n'ayant pas obtenu le nombre minimum de
ratifications par les États membres pour entrer en vigueur. Le protocole
sur le statut de la CAJDH fera l'objet d'amendements lors du sommet de l'UA
tenu à Malabo par le protocole de Malabo240 en 2014. Le
protocole de 2014 à mis en place la future CAJDH et lui attribué
trois compétences principales dont une compétence en
matière de droits de l'homme et des peuples, une compétence dans
les affaires générales et une compétence en droit
pénal international en matière de crimes internationaux.
Les États africains par le biais de l'Union ont voulu
en attribuant une compétence en matière de crimes internationaux
à ce nouveau mécanisme africain de lutte contre
l'impunité, exprimé leur indéfectible volonté
commune de prévenir la perpétration de tels crimes et leur
répression selon des valeurs africaines241.
En effet, l'attribution d'une telle compétence à
la CAJDH (Cour Africaine de Justice et des Droit de l'Homme), participe
à la formulation africaine d'une compétence pénale
régionale et partant de l'émergence du régionalisme
pénal en Afrique. Le régionalisme s'entend en droit international
comme « le phénomène de développement de normes et
d'organisations
239 Protocole sur le statut de la Cour Africaine de Justice et
des Droits de l'homme (Protocole de Malabo), 1er juillet 2008, Malabo.
https://www.amnesty.org/fr/wpcontent/uploads/sites/8/2021/05/AFR0130632016FRENCH.pdf
, consulté le 22 Octobre 2023.
240 Protocole portant amendement au Protocole sur le statut de
la Cour Africaine de Justice et des Droits de l'homme ( Protocole de Malabo) ,
27 Juillet 2014, Malabo.
https://au.int/sites/default/files/treaties/36398-treaty-
76
0045_protocol_on_amendments_to_the_protocol_on_the_statute_of_the_african_court_of_justice_and_human_
rights_f.pdf , consulté le 22 Octobre 2023.
241 MANIRAKIZA (P), AFRICAN JOURNAL OF LEGAL STUDIES, L'Afrique
et le système de justice pénale internationale, 2009, pp21-52,
http://booksandjournals.brillonline.com/content/journals/10.1163/221097312x13397499736868?crawler=true
, consulté le 22 Octobre 2023.
internationales propres à une partie de la
communauté internationale »242 ; il se distingue en cela
de l'universalisme qui fait référence à l'adoption de
règles uniformes et communes destinées à régir les
membres et institutions de la communauté internationale dans son
ensemble243 et renvoi au droit international
général244.
La création d'une Cour pénale régionale
(CAJDH) aura pour conséquence directe de créer une nouvelle forme
de complémentarité entre la CPI et la juridiction
régionale. L'article 46H du Protocole de Malabo précise que la
Cour fonctionnera en complémentarité avec les juridictions
nationales et avec les cours des communautés économiques
régionales quand cela est expressément prévu par lesdites
communautés. Cette complémentarité vient se joindre
à la précédente qui existait entre la CPI et les
juridictions nationales, en ce sens que ce n'était qu'en cas d'inaction
des États (incapacité ou manque de volonté) dans la
répression des crimes internationaux que la CPI grâce à
cette règle de la complémentarité pouvait s'estimer
compétente conformément à l'article 17 du Statut.
Dorénavant, cette complémentarité jouera en
priorité pour la juridiction régionale sur celle de la
juridiction internationale. Toutefois le Protocole ne mentionne pas le devenir
des relations entre la Cour africaine et la CPI mais l'article 46L
alinéa 3 évoque la possibilité d'une coopération
avec les cours internationales dont la CPI.
En définitive, la création de la CAJDH par l'UA
à travers le Protocole de Malabo marque une véritable
avancée dans le développement de la justice pénale
internationale en Afrique. C'est une émergence. Jusqu'ici le seul cas de
régionalisation était les chambres extraordinaires africaines au
sein des juridictions sénégalaises, mais la CAJDH contrairement
à celles-ci est permanente, ce qui signifie qu'elle fixera les bases en
Afrique de la justice internationale et de l'implication de l'Afrique dans la
lutte contre l'impunité des crimes internationaux. Cependant l'on se
demande également si cette double complémentarité
facilitera la lutte contre l'impunité ou assurerait plutôt un
répit à celui-ci245. L'on ne pourra apporter une
réponse à cette interrogation qu'après l'entrée en
vigueur du Protocole de Malabo, jusque-là la CPI reste encore
compétente sur les affaires en cours246.
242 SOMA (A), « L'africanisation du droit international
pénal », in L'AFRIQUE ET LE DROIT INTERNATIONAL PÉNAL, Actes
du troisième colloque annuel de la Société africaine pour
le droit international (SADI), éditions A.Pedone, 2015 pp.
7-37.
243 Ibid.
244 SALMON (J), Dictionnaire de droit international
public, Bruxelles, Bruylant, 2001, 1200p.
77
245 MABIALA (M), « L'élargissement du mandat de la
Cour Africaine de Justice et des droits de l'homme aux affaires de droit
international pénal », Revue Internationale de Droit
Pénal, Vol 85 2014/3, p.749 - 758,
https://www.cairn.info/revue-internationale-de-droit-penal-2014-3-page-749.htm
, (consulté le 22 Octobre 2023.
246 Ibid.
78
Paragraphe 2 : La défiance des Etats africains
à l'égards de la CPI
« La méfiance des Etats africains vis-à-vis
de la Cour Pénale Internationale (CPI) s'explique par son
éloignement et le fait qu'elle ne juge que des Africains », pour
reprendre les propos de Demba KANDJI247, exprimés lors de la
conférence internationale sur le thème «Souveraineté
des Etats et justice pénale internationale», tenue à Dakar
le 23 juillet 2015. A travers ces mots, nous pouvons remarquer une certaine
défiance des Etats africains envers la CPI. Il est certes acceptable,
pour les Etats africains, de manifester une certaine défiance envers la
CPI en raison de ces agissements sur les situations africaines. Cependant, il
y'a lieu de noter également que cela constitue aussi un obstacle qui se
dressant en face de la CPI et l'empêchant dans une certaine mesure
d'accomplir pleinement et efficacement sa mission, celle de la lutte contre
l'impunité des crimes internationaux. Dans la pratique, la
méfiance des Etats africains envers la CPI se matérialise par le
refus de coopération avec la Cour pénale internationale (A) ainsi
que le retrait collectif des Etats africains du Statut de Rome (B).
A) Le refus des États africains de coopérer
avec la Cour pénale internationale
En effet, après que soient émis les mandats
d'arrêt contre les présidents Mouammar Kadhafi et Omar Al Bashir,
l'Union africaine avait automatiquement demandé à ses
États membres de ne pas coopérer avec la CPI en refusant
d'arrêter ces personnalités. Lors de la 17e Sommet à Malabo
le 1er juillet 2011, l'Union africaine pris la résolution
Assembly/AU/Dec. 270 (XIV) par laquelle elle exhorta ses États
membres à ne pas coopérer avec la CPI dans l'exécution des
mandats d'arrêt contre Omar Al Bashir, résolution résultant
du refus du conseil de sécurité des Nations unies de sursoir aux
poursuites contre le président soudanais en vertu de ses pouvoirs qu'il
tire de l'article 16 du Statut de Rome.
Plusieurs Etats d'Afrique ont répondu positivement
à l'appel à la défiance de l'Union Africaine. Nous pouvons
prendre le comme exemple les États comme le Tchad, le Malawi, et le
Nigéria qui ont décidé volontairement de s'aligner sur la
position de l'Union africaine en refusant de coopérer avec la Cour
pénale internationale dans sa demande d'arrestation du
247 Actuel Médiateur de la République du
Sénegal.
président soudanais Omar Al Bashir. Pratiquement, ce
refus se matérialisa par la visite sans crainte du président
soudanais dans ces différents pays, quoique faisant l'objet d'un mandat
d'arrêt de la CPI. Elle se traduit également par les
présences des chefs d'États du Tchad, du Malawi, de
l'Éthiopie, de la République Centrafricaine, et de la Mauritanie
lors de la prestation de Serment du président Bashir à l'occasion
de sa réélection en Mai 2010.
Suite à cela, la réponse de la CPI a
été sanctionnatrice. En effet la Cour pénal internationale
a émis des sanctions contre le Tchad et la Malawi pour la violation de
leur engagement vis-à-vis de celle-ci en refusant de coopérer
dans l'arrestation du président Soudanais. Pour se défendre, le
Malawi avança qu'il accorde au Chef d'État Omar Al Bashir une
immunité en raison des principes établis par le droit
international public pour la double raison que le Soudan n'est pas un
État partie au Statut de Rome et que l'article 98 dudit Statut lui
accorde cette faculté248. Il évoqua également
qu'en tant que membre de l'Union africaine, le Malawi avait fait le choix de
s'aligner sur la position de l'organisation à l'égard de la mise
en accusation d'un chef d'État en exercice des pays qui ne sont pas
parties au Statut de Rome249.
Le Kenya quant à lui, a adopté une double
démarche de coopération/non-coopération. Il
commença par se conformer à la décision de l'Union
africaine de ne pas coopérer avec la CPI lorsqu'en 2010 le
président Al Bashir s'y est rendu sans être arrêté.
Des auteurs ont estimé que le refus de coopération du Kenya avec
la CPI, manifesté par l'accueil d'Omar Al Bashir en Aout 2010
était motivé par les configurations complexes à
l'intérieur du pays après les violences postélectorales de
2009148 à l'issue desquelles le Procureur de la CPI Louis Moreno Ocampo
avait identifié, le 15 décembre 2010 six personnalités
impliquées. Etant elles-mêmes visées par la CPI, les
autorités kenyanes ont décidé de tenir tête à
celle-ci en accueillant en 2009 le président Bashir avec tous les
honneurs dus à un chef d'État. Mais la position kenyane changea
lorsqu'en fin octobre 2010, la CIJ-KENYA saisit la Haute Cour du Kenya pour
obtenir l'émission d'un mandat d'arrêt provisoire contre le
président Al Bashir et la délivrance d'une ordonnance exigeant de
l'exécutif la mise en oeuvre des mandats d'arrêt si le
président devait à nouveau se trouver en sol kenyan. La Haute
Cour kenyane donna satisfaction à la requérante en
émettant un mandat d'arrêt contre le président
soudanais250. La décision de Haute Cour
248 CPI, Affaire le procureur c. Omar Hassan Ahmad Al Bashir,
CHAMBRE PRÉLIMINAIRE I, ICC-02/05-01/09-13J9-Corr-tFRA
249 Ibid.
79
250 Kenya Section of the international commission of jurists
V. Attorney General and another, 28 november 2011, pp. 16-19.
kenyane était basée sur le principe de la
compétence universelle et sur le « principe Aut dedere, aut
judicare »251 (obligation de juger ou d'extrader), ce que
fustigeait la doctrine en soutenant que la compétence universelle ne
s'applique pas aux juridictions pénales internationales et ne vaut que
pour les États, et qu'il en est de même du « principe Aut
dedere Aut judicare ».
Comme nous pouvons le constater, les États africains
ont adoptés des postures diverses dans la mise en oeuvre des
résolutions de l'Union africaine au sujet de la coopération avec
la CPI dans l'arrestation du président Al Bashir252. Ces
positions apparaissent plus soucieuses de l'implémentation des
politiques internes de ces États que d'une vision globale de
défiance de la CPI comme le souhaite l'Union africaine. A parcourir la
jurisprudence de la CPI au sujet de la détermination du fondement de
l'obligation des États de coopérer avec la Cour dans
l'arrestation des dirigeants des États tiers au Statut de Rome, l'on
s'aperçoit que cette juridiction semble confuse.
Le refus de coopération de la plupart des Etats
Africains constitue alors, en définitif, un obstacle majeur qui se
dresse face à la CPI. Cela est allé jusqu'au point où
certains Etats ont manifesté leurs volontés de se retirer de
l'Organisation.
B) Les menaces de retrait des Etats africains du Statut
de Rome
« Il serait contraire à la souveraineté
des États que leur appartenance à une organisation
déterminée ne découle pas de leur volonté
exprimée par leur participation à la conférence de
création, la signature et l'acceptation du traité constitutif ou
par le dépôt d'une demande d'adhésion
»253. Ce qui revient effectivement à dire que les
États membres d'une organisation internationale peuvent individuellement
ou collectivement décider de mettre un terme à leur participation
à la vie de l'organisation, étant donné que le droit
international est un droit volontaire, un droit de consentement. Mis à
part le droit international général, le Statut de Rome
prévoit également la possibilité de retrait d'un membre
à condition de respecter les dispositions de l'acte constitutif de la
Cour. La procédure de retrait est indiquée à l'article
127254. Il en est de même des
251 Idid.
252 MANDIANG I., Les États africains et
l'obligation de coopération avec les juridictions pénales
internationales, Thèse de doctorat en Droit Public, UCAD, 2017, 489
p.
253 NYABEYEU TCHOUKEU (L.), « L'Afrique et la Cour
pénale internationale », In: Recherches Internationales,
n°105, 2015. Quelle politique étrangère de gauche pour la
France ? pp. 153-168.
80
254 Article 127(1), Statut de Rome de la CPI : « Tout
État Partie peut, par voie de notification écrite adressée
au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies,
se retirer du présent Statut ».
81
obligations incombant à l'État membre ayant
décidé de se retirer. Si les États africains veulent se
retirer de la Cour, ils doivent le faire par écrit au secrétaire
général de l'ONU.
Il est alors clair que le projet des États africains de
se retirer de la CPI est une perspective réalisable. Mais pour de
nombreuses raisons, cette perspective est défavorable pour la Cour
Pénale Internationale et pour la justice pénale
internationale.
Nous ne sommes pas sans ignorer que beaucoup d'États du
continent africain contestent l'impartialité de la CPI et que d'autres
sont allé jusqu'à manifester expressément leur
volonté de se retirer de l'organisation. En effet, en 2016, les Etats
africains comme le Burundi, en tête, ont pris la décision
alarmante de se retirer du Statut de Rome, à la surprise de la
Communauté Internationale. Ceci a été une grande
première dans l'histoire de la Cour. L'Afrique du Sud et la Gambie sont
les deux autres Etats ayant annoncé leur retrait également.
Après des années de critiques, les pays africains qui s'estiment
lésés semblaient prêts à mettre leurs menaces
à exécution. Le Burundi et l'Afrique du Sud avaient alors
adressé un courrier officiel au Secrétaire général
de l'ONU pour notifier leur décision. Au même moment, la Gambie,
un petit pays d'Afrique de l'Ouest, indiqua également qu'elle se
retirerait, avant de faire marche arrière presque immédiatement
après l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement.
Pour ce qui concerne le cas du Burundi, en 2015, la
décision du Président Pierre NKURUNZIZA de briguer un
troisième mandat, en violation de la constitution burundaise, a
occasionnée des soulèvements durement réprimés par
le régime en place. Ce qui emmena la CPI à entamer un examen
préliminaire le 25 Avril 2015255 sur des attentats aux droits
humains perpétrés dans le pays. Suite à cela le Burundi a
accusé la CPI de mener une chasse contre les dirigeants africains. Ces
mêmes arguments ont été repris par la Gambie qui parle de
« persécution envers les Africains et en particulier les
dirigeants africains ». L'Afrique du Sud quant à elle, a
manifesté sa volonté de se retirer de la CPI suite aux critiques
émises aux plans national et international concernant le refus du
gouvernement de Jacob Zuma d'arrêter Omar El Béchir - le
président de la République du Soudan accusé de dix chefs
de crimes - en application des mandats d'arrêt lancés contre lui
en 2009 et 2010 par la CPI.
En 2018, la République Démocratique du Congo
avait également manifesté son envie de se retirer de la CPI en
avançant l'argument qu'elle doutait désormais de la
crédibilité de cette juridiction qu'elle accusait de subir les
pressions de certains gouvernements. Le gouvernement du
255
https://www.icc-cpi.int/sites/default/files/itemsDocuments/2017-PE-rep/2017-otp-rep-PE-Burundi_FRA.pdf
, Site Officiel de la CPI, consulté le 24 Octobre 2023.
président hors mandat Joseph Kabila assurait que «
plusieurs indices concordants en sa possession indiquent que certains
gouvernements exerceraient des pressions sur les juges de la CPI
»256, la Cour pénale internationale, «
susceptibles d'avoir une incidence sur le processus électoral en
cours »257. Contrairement aux autres Etats cités
ci-haut, le Burundi est le seul ayant mis sa menace à exécution
en se retirant expressément du Statut de Rome et de la CPI le 27 octobre
2017.
En partant de toutes ces considérations, force est
alors de constater que le CPI est constamment en proie à des menaces de
retrait des Etats, pour la plupart africains, pour diverses raisons. Ce qui
constitue un frein à son bon fonctionnement dans la poursuite et la
répression des crimes de droit international dans le but de lutter
contre l'impunité.
En signalant négativement le cas de la RDC, Daniele
PERISSI258 disait : « Cela signifierait que certains
crimes, dont la RDC ne pourrait ou ne voudrait pas poursuivre les auteurs
présumés, pourraient tout simplement demeurer impunis.
»259. A travers ces mots, nous pouvons constater la
nécessité d'une collaboration avec la CPI et ce qui pourrait
résulter un potentiel retrait de l'organisation.
Section 2 : Les obstacles issus de la collaboration
entre le Conseil de Sécurité de l'ONU et la CPI
Les notions de justice et de politique se complètent et
s'imbriquent ; cela tient de leur essence même. L'existence de la
première est tributaire de la bonne volonté de la seconde qui
peut garantir son efficacité ; paradoxalement, elle peut aussi la
décrédibiliser260. En effet, le rapport entre la CPI
et le C.S peuvent dans une certaine mesure être source
d'inefficacité de la CPI dans la répression des crimes touchant
la communauté internationale. Pour aller plus loin, nous nous
étudierons la supériorité d Conseil de
Sécurité face à la CPI (Paragraphe 1) ainsi que
l'influence notoire des grandes puissances (Paragraphe 2).
256
https://afrique.lalibre.be/24423/rdcjustice-internationale-le-congo-quittera-t-il-la-cpi/,
consulté le 24 Octobre 2023.
257 Ibid.
258 PERISSI (D.), Responsable de Programme (GRANDS LACS),
Créé en 2018, ce programme rassemble les activités de
TRIAL International au Burundi et en RDC.
259
https://trialinternational.org/fr/latest-post/retrait-de-la-cour-penale-internationale-linquietante-declaration-de-kinshasa/
, Site officiel TRIAL International, Consulté le 24 Octobre 2023.
82
260 NDIAYE (S.A.), Le conseil de sécurité et
les juridictions pénales internationales, Thèse de Doctorat
en Droit Public, école doctorale sciences de l'homme et de la
société, Université d'Orléans, 2011, 417 p.
83
Paragraphe 1 : La supériorité du Conseil
de Sécurité face à la CPI
Le CSNU joue un rôle très important dans le
fonctionnement de la CPI. En effet, ce dernier intervient toujours en cas de
menace de paix, de rupture de paix ou de crime d'agression dans le but de
rétablir l'ordre international. Octroyer ce rôle au CS s'explique
par le fait qu'en cas de violation du droit international humanitaire ou la
commission de crimes les plus graves par certains individus il pourrait
être un moyen de rétablir la paix et la sécurité
international. C'est pour cette raison que le Statut de Rome lui a
attribué certaines prérogatives en vue de son rang au niveau
international. Cependant, force est de constater un certain
déséquilibre dans leur relation, en défaveur de CPI. En
effet le CSNU aurait une influence négative sur la CPI, causant d'une
certaine manière l'inefficacité de cette dernière dans la
lutte contre l'impunité des crimes internationaux. Pour aller plus loin,
nous allons voir d'abord le pouvoir du Conseil de Sécurité de
suspendre les activités de la CPI (A) avant de voir la subordination de
la CPI au pouvoir politique du C.S sur le crime d'agression (B).
A) Le pouvoir du Conseil de Sécurité de
suspendre l'action de la CPI
Il est clair aujourd'hui que le Conseil de
sécurité entretient une relation étroite avec la CPI. La
tâche du Conseil de sécurité, en tant que premier gardien
de la paix et de la sécurité internationales, a joué un
rôle de premier plan dans cette relation. Le Conseil de
sécurité a pris une place importante à l'égard de
la CPI, disposant notamment de pouvoirs pouvant activer l'organe judiciaire.
Le Conseil de Sécurité de l'ONU possède
de très importantes prérogatives dans le fonctionnement de la
Cour Pénale Internationale. Il dispose non seulement de la
faculté de saisir la Cour afin de lui déférer une
situation261 mais également celle suspendre les
activités de la Cour Pénale Internationale262.
En effet, les rapports entre la CPI et le Conseil de
sécurité sont, entre autres, fondés sur le pouvoir de
sursis du Conseil de sécurité. Le Statut de Rome a
présenté ce pouvoir dans
261 Article 13 (b) Statut de Rome de la CPI.
262 Article 16 Statut de Rome de la CPI.
son article 16 par lequel il reconnaît au Conseil de
sécurité le pouvoir de suspendre les enquêtes ou les
poursuites menées par la Cour, ou mieux encore de bloquer
l'activité de cette juridiction internationale.
Après d'intenses et difficiles négociations
concernant le pouvoir du Conseil de sécurité de suspendre
l'activité de la CPI, un compromis a été établi et
présenté par le Statut dans son article 16. Ce dernier dispose
que : « Aucune enquête ni aucune poursuite ne peuvent être
engagées ni menées en vertu du présent Statut pendant les
douze mois qui suivent la date à laquelle le Conseil de
sécurité a fait une demande en ce sens à la Cour dans une
résolution adoptée en vertu du Chapitre VII de la Charte des
Nations Unies ; la demande peut être renouvelée par le Conseil
dans les mêmes conditions »263.
En effet, le Statut de Rome tient compte du fait que la
responsabilité du Conseil de sécurité dans le maintien de
la paix et de la sécurité internationales ne va pas toujours dans
la même direction que celle de la CPI vis-à-vis de la justice
pénale internationale. Bien qu'il existe une coopération et une
coordination, il existe également un conflit et une
dépendance264. Pour que ces deux objectifs (la justice
pénale internationale et la paix internationale), puissent être
réalisés et se consolider265, l'article 16 du Statut
de Rome dispose qu'aucune enquête ni aucune poursuite ne peuvent
être engagées pendant les douze mois qui suivent la date à
laquelle le Conseil de sécurité a fait une demande en ce sens
auprès de la Cour266.
Le pouvoir de suspension a été accordé au
Conseil de sécurité sous le prétexte d'articuler l'action
de la CPI avec la responsabilité principale du maintien de la paix et de
la sécurité internationales (mission confiée au Conseil de
sécurité). Ce pouvoir a fait l'objet de très nombreuses
critiques émanant notamment d'ONG de défense des droits de
l'homme car ainsi, l'action de la justice pourrait être entravée
par une décision politique qui limiterait les possibilités de
poursuites de la Cour, comme l'a affirmé D. BECHERAOUI quand il disait
que « le pouvoir donné, en vertu de l'Article 16 du Statut de
Rome, au Conseil de Sécurité de sursoir à enquêter
ou à poursuivre tend à reconnaitre à un organe politique
un droit de contrôle sur
263 Le Statut de Rome de la CPI, Article 16.
264 DULAC E., Le rôle du Conseil de
Sécurité dans la procédure devant la Cour Pénale
Internationale, Mémoire de DEA, Université Paris I
Panthéon Sorbonne, 2000, 80p.
265 NDIAYE (S.A.), Le conseil de sécurité et
les juridictions pénales internationales, Thèse de Doctorat
en Droit Public, école doctorale sciences de l'homme et de la
société, Université d'Orléans, 2011, 505 p.
84
266 Le Statut de Rome de la CPI, Article 16.
les activités d'un organe judiciaire
»267. Par conséquent, « ce pouvoir
pourrait empêcher la Cour d'exercer librement sa compétence et
constitue une entrave à la justice pénale internationale
»268 pour reprendre les mots de D. BECHERAOUI.
A titre illustratif, une telle crainte a été
confirmée dès le 12 juillet 2002, soit quelques jours seulement
après l'entrée en vigueur du Statut de la CPI, par la
résolution 1422 du Conseil de sécurité adoptée
à l'unanimité, malgré l'opposition de quelques 130 Etats
sur les 191 siégeant à l'Assemblée générale
de l'ONU qui, réunis concomitamment en séance
plénière, se sont prononcés contre la proposition
américaine. Cette position est révélatrice de l'opinion de
la société internationale qui dans sa grande majorité a
contesté l'action de Washington et du Conseil de
sécurité269.
Dans les résolutions 1422 et 1487, le Conseil de
sécurité indique qu'il agit conformément à
l'article 16 du Statut de Rome. Les décisions seraient donc
adoptées en application de cette disposition. Cet article constitue une
disposition exceptionnelle du Statut à plus d'un titre. Il vise à
réaliser un équilibre délicat, mais parfois indispensable,
entre des principes de justice et les nécessités politiques.
Lorsque l'article 16 a déclaré que le Conseil de
sécurité pouvait renouveler sa demande dans les mêmes
conditions, cela n'était qu'une simple possibilité de
renouvellement. Lorsque le Conseil de sécurité a exprimé
son « intention de renouveler, dans les mêmes conditions, aussi
longtemps que cela sera nécessaire la demande visée au paragraphe
1, le 1er juillet de chaque année, pour une nouvelle période de
12 mois », cela n'a fait qu'accroître le doute à ce
sujet270. Le Conseil a déclaré son intention de
renouveler la demande chaque année.
Ainsi, il voudrait uniquement appliquer l'article 16 pour
suspendre l'activité de la CPI pour un an seulement, mais son objectif
porte au-delà car il pourrait paralyser le travail de la CPI en devenant
systématique271, comme peut le souligner D.G. SIMMALA
lorsqu'il disait non seulement que « l'interférence du C.S dans
l'action de la Cour peut amener à un manque
267 BECHERAOUI (D), « l'exercice des compétences de
la CPI », RIDP, Vol. 76, 2005/3, pp. 341-373.
268 Ibid.
269 DAINOTTI (F.), La Cour pénale internationale
est une réalité : Analyse de cette nouvelle juridiction à
la fois indépendante et interdépendante au sein d'un
système de relations internationales en pleine mutation, Nice,
Institut Européen des Hautes Etudes Internationales (I.E.H.E.I.),
Mémoire DEA, 2006, 98p.
85
270 COULEE (F.), « Sur un Etat tiers bien peu discret :
les Etats-Unis confrontés à la Cour Pénale Internationale
», 39 AFDI /Annuaire Français de Droit International,
2003, pp. 32-70. p. 55.
271 ALAJAMOI (T.), Le Conseil de sécurité et
sa relation avec la Cour pénale internationale, op. cit., pp.
52-53.
d'objectivité dans le traitement des situations
pouvant être renvoyées devant la CPI »272
mais également que « les prérogatives que le Statut de
Rome octroie au C.S constituent pour certains auteurs une limite à
l'efficacité de la CPI »273.
En définitive, la mise en oeuvre de l'article 16
revêt un caractère autoritaire et contraignant, ce qui
confère une portée large confirmant l'importance du pouvoir
d'impact de l'organe exécutif Onusien274. Si le Conseil joue
un rôle aussi important dans le fonctionnement de la Cour, c'est parce
que la Charte lui accorde la primeur en matière de maintien de la paix
et de la sécurité internationales. Finalement, c'est le fait le
mieux à même d'expliquer l'emprise qu'a le Conseil de
sécurité sur la Cour. Sachant que les obligations qui
découlent de la Charte sont au-dessus de celles qui relèvent de
toutes les autres conventions internationales, il ne fait aucun doute que le
Conseil de sécurité continuera son magistère dans les
travaux judiciaires que peut effectuer la juridiction permanente275.
Il en est ainsi du déclenchement de la compétence de la Cour, de
la suspension de ses activités et il ne devrait pas en être
autrement lorsque la Cour exercera sa compétence à l'égard
du crime d'agression.
B) L a subordination de la CPI au pouvoir politique du
conseil de Sécurité sur le crime d'agression
Ce rapport de subordination qui existe entre la Cour
Pénale Internationale et le Conseil de Sécurité des
Nations Unies s'est effectivement concrétisée, voir se renforcer,
avec le crime d'agression276. Le crime d'agression constitue de loin
l'infraction la plus susceptible de mettre en feu toute la communauté
internationale. Il n'a reçu aucune définition lors de la
Conférence de Rome de 1998. Il a fallu attendre la Conférence de
Kampala de 2010 pour que le crime d'agression soit défini, que la
compétence de la CPI à son égard soit
déterminée et que son interaction avec le Conseil de
Sécurité en la matière soit fixée.
272 SIMMALA (D.G.), « le pouvoir de saisine de la CPI par
le Conseil de Sécurité des Nations Unies : entre
nécessité et légitimité », RDP,
2013/2 ; pp. 433-449.
273 Ibid.
274 NDIAYE (S.A.), Le conseil de sécurité et
les juridictions pénales internationales, op. cit. p.
275 Ibid.
86
276 CESONI (L.M.) et SCALIA (D.), « Juridictions
pénales internationales et conseil de sécurité : une
justice politisée », Revue québécoise de droit
international, 25(2), pp.37-71.
https://doi.org/10.7202/1068624ar
.
Selon les dispositions de l'article 15bis, §6,
du Statut de Rome de la CPI : «« lorsque le Procureur conclut
qu'il y a une base raisonnable pour mener une enquête pour crime
d'agression, il s'assure d'abord que le Conseil de Sécurité a
constaté qu'un acte d'agression avait été commis par
l'Etat en cause. Il avise le Secrétaire général de
l'Organisation des Nations Unies de la situation portée devant la Cour
et lui communique toute information et tout document utiles
»277. S'il arrive que le constat du crime d'agression ne
se soit pas fait dans les six (6) mois suivant la date de l'avis, le Procureur
à la possibilité de « mener une enquête pour crime
d'agression, à condition que la Section préliminaire ait
autorisé l'ouverture d'une enquête pour crime d'agression selon la
procédure fixée à l'article 15, et que le Conseil de
sécurité n'en ait pas décidé autrement,
conformément à l'article 16 »278.
Force est de constater à travers cette disposition un
moyen d'outrepasser la paralysie du Conseil mais qui n'est pas du très
efficace dans la mesure où ce dernier dispose toujours une main mise sur
la CPI d'une certaine manière. En effet, dans la mesure où le
Conseil de Sécurité voudrait empêcher la CPI d'ouvrir une
procédure relative à un éventuel crime d'agression, il
sera contraint d'ouvrir simplement un débat à ce sujet et, le cas
échéant, de conclure à l'absence d'un acte
d'agression279. Ce qui témoigne la possibilité du C.S
d'empêcher les enquêtes pénales du crime d'agression car le
véto d'un seul Etat membre permanent peut paralyser la compétence
de la CPI à l'égard du crime d'agression.
Nous nous retrouvons à un schéma dans lequel le
pouvoir de la CPI à l'égard du crime d'agression est
subordonné au pouvoir de véto des membres permanents du Conseil
de Sécurité (et éventuellement leur partenaires
commerciaux) qui lui-même est subordonné au droit international
dominé par des considérations exclusivement
politiques280. Il apparaît ainsi que la coordination
institutionnelle entre le Conseil de sécurité et la Cour ne se
fonde très rarement sur des bases apolitiques281.
Il revient de noté que le compromis de la
conférence de Kampala reconnait que le C.S ne dispose pas la
compétence exclusive de constatation d'un acte d'agression, il
octroie
277 Statut de Rome de la CPI, Article 15, §6.
278 Statut de Rome de la CPI, Article 15bis, §8.
279 LAFONTAINE (F.) et TACHOU-SIPOWO (A.-G.), « Tous les
chemins ne s'arrêtent pas à Rome : la révision du Statut de
la Cour pénale internationale à l'égard du crime
d'agression ou la difficile conciliation entre justice pénale
internationale et sécurité internationale »,
R.B.D.I., 2009, pp. 78-112.
87
280Ibid.
281 NDIAYE (S.A.), op.cit., p.417.
88
cependant à ce dernier le dernier mot en ce qui
concerne la constatation de l'acte d'agression. Ce qui lui permet
d'empêcher la CPI de mener toute enquête sur l'éventuelle
commission d'un tel crime.
Il est important de rappeler que la CPI exerce sa
compétence sur les personnes physiques exclusivement, à
l'exclusion donc des Etats, alors même que le crime d'agression est un
crime collectif commis par l'appareil étatique282. C'est la
raison pour laquelle l'article 8bis précise, dans sa définition
du crime d'agression, que l'acte d'agression est planifié,
préparé, lancé ou exécuté « par une
personne effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l'action
politique ou militaire d'un Etat »283.
Il est évident que le Conseil de Sécurité
et la CPI doivent collaborer, car leurs missions doivent se complètent.
C'est donc pour cette raison que le Statut de Rome bâtît des ponts
entre ces deux institutions. Cependant, il faut regretter la mobilisation
politique excessive qu'en fait le Conseil de Sécurité. Celle-ci
fait clairement pencher la balance en faveur de la politique et au
détriment de la justice internationale, et ce en contradiction avec
l'équilibre dessiné par le Statut de Rome.
Paragraphe 2 : L'influence notoire des grandes
puissances
Nous ne sommes pas sans savoir que la justice pénale
internationale subit une influence dans le contexte géopolitique. Ce qui
constitue dans une certaine manière un frein au bon fonctionnement de la
CPI dans la lutte contre l'impunité des crimes internationaux. Cette
influence dont dispose les grandes puissances est marquée par la mise en
oeuvre d'une politique convergente, octroyant à certains la
qualité de membres permanents du C.S. Ils disposent à cet effet
d'une grande prérogative qui se matérialise par la possession du
droit de véto au sein du Conseil (A), mais paradoxalement certains
d'entre eux n'ont pas encore adhéré au Statut de Rome de la CPI
(B).
282 SUR (S.), « Vers une Cour pénale
internationale : la Convention de Rome entre les ONG et le Conseil de
Sécurité », R.G.D.I.P., 1998. Pp. 29-45.
283 Statut de Rome de CPI, article 8bis.
A) La possession du droit de véto au sein du
Conseil de Sécurité
En effet, comme nous l'avions vu ci-haut dans le cadre de
cette étude, le Conseil de Sécurité de l'ONU dispose de la
possibilité de saisir la CPI afin de lui soumettre une situation. Cette
possibilité lui est offerte par l'article 13 (b) du Statut de Rome qui
dispose que la Cour peut exercer sa compétence à l'égard
d'un crime visé à l'article 5, conformément aux
dispositions du présent Statut : « Si une situation dans laquelle
un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est
déférée au Procureur par le Conseil de
sécurité agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des
Nations Unies... »284.
Cette prérogative dont dispose le Conseil de
Sécurité de saisir la CPI est d'une part favorable à cette
dernière dans la mesure où elle permet d'élargir le champ
d'action de la juridiction permanente. Mais d'autres part elle constitue
également un obstacle au bon fonctionnement de la Cour dans ce sens
qu'une politisation de la compétence de la Cour peut s'établir.
Comme nous l'avons vu, la saisine de la CPI par le Conseil de
sécurité permet de ne pas appliquer les conditions
préalables à l'exercice de la compétence de la CPI. Le
Statut de la Cour consacre ainsi la possibilité pour la CPI de tendre
à l'universalité285. Cependant cet avantage peut
être critiqué en raison de la possession du droit de veto par les
membres permanents.
Le droit de véto dont dispose les grandes puissances au
sein du C.S est de loin un obstacle majeur au bon fonctionnement de la CPI dont
la mesure où l'exercice de ce droit paralyserait l'action de la CPI sur
les crimes de l'article 5 du Statut de Rome. Le droit de veto du Conseil de
sécurité des Nations unies, cristallisé dans l'article
27286 de la Chartre de l'ONU, est un droit accordé uniquement
aux cinq membres permanents de ce Conseil (Chine, France,
284 Article 13 (b) Statut de Rome de la CPI.
285 OTTENHOF (R.), « L'association internationale de
droit pénal et la création de la Cour pénale
internationale ». RIDP, 73/2002, Nos 1,2, pp. 15-21.
89
286 L'Article 27 de la Charte des Nations unies
spécifie que : Chaque membre du Conseil de sécurité
dispose d'une voix. Les décisions du Conseil de sécurité,
sur des questions de procédures, sont prises par un vote affirmatif de
neuf membres. Les décisions du Conseil de sécurité, sur
toutes autres questions, sont prises par un vote affirmatif de neuf de ses
membres, dans lequel sont comprises les voix de tous les membres permanents,
étant entendu que, dans les décisions prises aux termes du
Chapitre VI et du paragraphe 3 de l'Article 52, une partie à un
différend s'abstient de voter.
Royaume-Uni, Russie et États-Unis) qui leur permet de
bloquer toute résolution ou décision, quelle que soit l'opinion
majoritaire au Conseil287.
En effet, si le Conseil de sécurité
s'apprête à renvoyer une situation devant la CPI, les pays
permanents sont à même de bloquer cette résolution en vertu
de leur droit de veto, qui leur permet de paralyser totalement une
résolution proposée par les autres membres. Ce sont donc eux qui
ont le dernier mot288. Dans ce cas, la compétence de cette
Cour serait entre les mains de ces Etats. Faire saisir la CPI par le Conseil de
sécurité devient une carte essentielle pour les membres
permanents, non seulement pour obtenir une justice pénale internationale
mais aussi pour servir leurs intérêts politiques et
économiques. De plus, par ce pouvoir de saisine à la disposition
du Conseil de sécurité, les membres permanents ont
incontestablement un nouvel instrument avec des effets obligatoires à
l'égard de tous les Etats membres de l'ONU. En effet,
conformément à l'article 25 de la Charte de l'ONU289
tous les membres de l'ONU conviennent d'accepter et d'appliquer les
décisions du Conseil de sécurité conformément
à la présente Charte. Cela constitue l'une des raisons qui
rendent les effets de ce pouvoir paradoxaux : les Etats-Unis, qui ne sont
même pas partie au Traité de Rome, pourraient, en raison de leur
qualité de membre permanent, examiner le déclenchement de
l'activité de la Cour et, priver des garanties qu'une saisine par le
Conseil de sécurité apporte. Par ce fameux droit de veto,
l'idée d'un Conseil de sécurité au service des
intérêts de certains de ses membres permanents prend de la
consistance et relève, de plus en plus, du lieu commun290.
B) La non-adhésion de certains membres permanents
au Statut de Rome de la CPI
Le Statut de Rome est entré en vigueur le
1er juillet 2002 après sa ratification par 60
Etats291. Depuis le 4 mars 2016, 123 États sur les 193
États membres de l'ONU ont ratifié le Statut de Rome et acceptent
la compétence de la CPI (dont tous les États de l'Union
287 PAMBO PAMBO (E.S.), La représentativité dans
la composition du Conseil de Sécurité des Nations Unies,
Akadémia Dakar, Mémoire pour l'obtention du diplôme de
Master 2 en Relations Internationales, 2023, 73 p.
288 WEISS (P.). Les organisations internationales. Paris,
Nathan, 1998, 128 p.
289 Chartre des Nations Unies, 26 Juin 1945, Article 25 :
« Les Membres de l'Organisation conviennent d'accepter et d'appliquer les
décisions du Conseil de sécurité conformément
à la présente Charte. ».
90
290 AUMOND (F.), « La situation au Darfour
déférée à la Cour pénale internationale,
retour sur une résolution historique du Conseil de
sécurité », RGDIP, Paris, tome 112, N° 1,
2008, pp.420-444.
291 Statut de Rome de la CPI, Article 126.
européenne). Trente-deux États, dont la Russie
et les États-Unis, ont signé le Statut de Rome, mais ne l'ont pas
ratifié. Enfin, certains, dont la Chine et l'Inde, n'ont pas
signé le Statut.
En effet, au sein même du Conseil de
Sécurité, parmi les cinq membres permanents (Chine, France,
Royaume-Uni, Russie et États-Unis), la France292 et le
Royaume-Uni293 sont les seuls ayant ratifié le Statut de
Rome, et donc sont membres de plein droit de la Cour Pénale
Internationale. Ce qui revient à dire que les autres membres permanents,
dont les Etats-Unis, la Chine et la Russie sont considérés comme
des Etats tiers au Statut de Rome. C'est pour cette raison que l'on peut
s'accorder à dire que « le fait que seuls deux membres
permanents sur cinq soient partie au Statut est source de question. Pourquoi
jugeraient-ils d'une institution dont ils ne sont pas membres ? L'immixtion du
Conseil de sécurité pourrait être comprise si ses membres
n'avaient pas une relation si conflictuelle avec celle-ci. Etant de fait en
dehors de sa compétence, ces Etats contribuent à la perception
négative de la Cour »294 pour emprunter les mots de
Marie BOKA.
En effet, dans la mesure où la plupart des membres
permanents n'est pas partie au Statut de Rome, il serait visiblement difficile
d'obtenir de la part d'un Etat en cause une coopération pleine et
effective avec la CPI. A titre d'exemple, les mandats d'arrêts
émis par la CPI dans le cas du Darfour révèlent cette
difficulté car jusqu'à ce moment, aucun mandat d'arrêt sur
l'affaire du Darfour n'a été exécuté.
Bien qu'étant présent à
l'élaboration du Statut de Rome, les Etats-Unis, la Chine et la Russie
se sont abstenus d'y adhérer. Pour ce qui concerne les Etats-Unis
d'Amérique, l'une des raisons qui a marqué son inaction
réside dans l'interdiction des réserves émise
par-là l'article 120 du Statut de Rome295 . La Chine pour sa
part, faisait partie des Etats opposés à une CPI dotée de
pouvoirs significatifs. L'argument avancé était que la CPI allait
contre la souveraineté des Etats. La Chine était « ...
en faveur d'une institution faible, avec une juridiction limitée, et
agissant chaque fois (ou pour chaque crime) sur la base du consentement
spécifique des Etats
292 La France signa le Statut de Rome le 18 juillet 1998 puis
ratifia le 09 juin 2000.
293 Le Royaume-Uni a signé le Statut de Rome le 30
novembre 1998 et ratifia le 04 octobre 2001.
294 BOKA (M.), La Cour pénale internationale entre
droit et relations internationales, les faiblesses de la Cour à
l'épreuve de la politique des Etats, Thèse pour le Doctorat
en Sciences politiques présentée et soutenue publiquement le 19
décembre 2013 à l'Université Paris Est, 363p.
91
295 Statut de Rome de la CPI, article 120 : « Le
présent Statut n'admet aucune réserve ».
concernés »296. N'ayant pas pu
imposer son point de vue, elle rejoignit les Etats qui avaient voté
contre le texte adopté. Quant à la Russie, elle s'exprima peu
lors de la conférence ; par conséquent, il était difficile
de lire sa position lors des négociations. Toutefois, elle fut parmi les
Etats qui signèrent le Statut de Rome. Jusqu'à ce moment elle n'a
pas encore ratifié celui-ci.
Les trois membres permanents non parties au Statut ne peuvent
que soulever des doutes sur le regard porté par la plupart des Etats sur
« ... l'idée [que le Conseil de sécurité] agit
dans l'intérêt de la communauté internationale
»297. Le Conseil de sécurité est victime du
choix fait par ces derniers de ne pas être parties au Statut de Rome, et
par ricochet, cela a une incidence certaine sur le fonctionnement de la CPI.
296 POLITI (M.), « Le Statut de Rome de la CPI : le point
de vue d'un négociateur », RGDIP, 1999/4, pp. 817850.
92
297 SIMMALA (D. G.), « Le pouvoir de saisine de la Cour
pénale internationale par le Conseil de sécurité des
Nations Unies : entre nécessité et légitimité
», RDP, 2013/2, pp. 433-452.
93
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE
En définitive, la CPI est une juridiction qui est
confronté à beaucoup d'obstacles et de défis qui
l'affaiblissent et causent son inefficacité dans la lutte contre
l'impunité des crimes internationaux qui est sa mission
première.
Les obstacles auxquels fait face la Cour Pénale
Internationale sont multiples, mais dans le cadre de cette étude nous
nous sommes focalisés sur les entraves d'ordre juridique et politique.
Sur le plan juridique, l'action de la CPI se heurte avec la souveraineté
des Etats qui est le pouvoir suprême reconnu à l'État,
impliquant l'exclusivité de sa compétence sur le territoire
national (souveraineté interne) et son indépendance absolue dans
l'ordre international où il n'est limité que par ses propres
engagements (souveraineté externe)298. En effet, la
souveraineté est un obstacle majeur à l'action de la CPI dans la
mesure où certains Etats ont tendance à l'invoquer dans le but de
soustraire leurs ressortissants de la répression des crimes
internationaux.
En mettant en oeuvre leur souveraineté, les Etats ont
la possibilité, au niveau national, de prendre des mesures de
clémence comme l'amnistie et le droit de grâce dans le but de
faire échapper leurs ressortissants devant la CPI.
Dans l'exécution de sa mission, la CPI fait face aussi,
sur le plan juridique à l'immunité internationale qui est un
obstacle probant, bien que le Statut de Rome ait tranché la question de
l'immunité dans son Article 27, force est de constater que cette
solution émise souffre de certaines limites.
D'un autre côté, sur le plan politique, l'action
de la CPI est entravée par l'absence de collaborations saines avec
l'Afrique d'une part et le Conseil de Sécurité des Nations Unies
d'autre part. En effet, les africains ont une certaine réticence envers
la CPI à cause de ces agissements à l'encontre des dirigeants
africains. Ce qui a entrainé une méfiance des Etats africains
à l'égard de la CPI et une difficile collaboration avec l'Union
Africaine.
298 BARRAUD (B.), « Souveraineté de l'État
et puissance de l'État ». Revue de la Recherche Juridique -
Droit prospectif, 2017, 165, pp.123.
https://hal.science/hal-01634256/document
, consulté le 08 Novembre 2023.
94
Mis à part cela, les rapports entre la CPI et le CSNU,
après constat, ne joue pas en faveur de cette Cour, car il est
remarqué une influence du CS sur l'action de la CPI du fait que ce
dernier est considéré comme supérieure à la Cour
à cause de la mission qui lui est conférée par la Charte
des Nations Unies. On peut affirmer également que les agissements des
grandes puissances sont nuisibles pour la CPI en raison de la non
adhésion de certaines au Statut de Rome. Ce qui constitue un frein
à la Cour et cause l'inefficacité de son action.
95
CONCLUSION GENERALE
Tout le long de cette étude, nous avons tenté de
déterminer le fondement de la compétence de la Cour Pénale
Internationale ainsi que les entraves qui affaiblissent celle-ci dans
l'exécution de la mission qui lui incombe : la lutte contre
l'impunité des crimes internationaux.
La Cour Pénale Internationale représente
l'aboutissement d'un projet vieux d'un siècle, né des cendres du
premier conflit mondial299 : une justice internationale
chargée de juger les auteurs des crimes internationaux. Pour la
première fois dans l'histoire de l'humanité, des États ont
décidé d'accepter la compétence d'une cour pénale
internationale permanente, chargée de poursuivre les crimes les plus
graves commis sur leur territoire ou par leurs ressortissants.
Dans la première partie de notre travail, une attention
particulière a été mise sur la CPI en temps qu'instrument
nécessaire de lutte contre l'impunité des crimes internationaux.
Cela s'explique par le fait qu'elle trouve son fondement sur le Statut de Rome,
qui est un traité international. Le Statut de Rome, qui encadre
la CPI compte aujourd'hui 123 États parties, et repose sur
l'héritage des tribunaux internationaux ad hoc qui l'ont
précédée. L'adoption de ce statut représente un
jalon dans l'évolution du droit pénal international.
Ayant officiellement démarré ces
activités le 1er juillet 2002, la CPI est une juridiction
permanente et à vocation universelle. Elle a été
instaurée pour l'ouverture d'enquêtes, la poursuite et le jugement
des toutes personnes accusées d'avoir commis les crimes les plus graves
qui touchent l'ensemble de la communauté internationale, à savoir
le crime contre l'humanité, le crime de génocide, le crime de
guerre et le crime d'agression. Etant un tribunal de dernier ressort pour les
graves infractions, la CPI intervient quand les gouvernements nationaux n'ont
pas les moyens ou la volonté de faire enquête et d'intenter des
poursuites, car elle n'a pas été créée pour
remplacer les tribunaux nationaux. Elle est basée sur le principe de la
complémentarité et celui de la coopération des Etats. Le
Bureau du Procureur de la CPI est un organe indépendant de cette
dernière qui est investi du pouvoir d'ouvrir des enquêtes, sous
réserve de certaines conditions. Une enquête de la CPI peut
également être instituée à la
299 Art. 227 du Traité de Versailles du 28 juin 1919.
demande des États parties ou du Conseil de
sécurité des Nations Unies300. Ainsi donc,
l'efficacité du système répressif établi par le
Statut de Rome suppose incontestablement une bonne coopération
des systèmes judiciaires nationaux.
Cependant, Cette coopération est pourtant loin
d'être obtenue, pour des raisons politico-juridiques.
Suite à quelques années d'activité,
l'espoir mis dans la CPI n'a pas été totalement vain. De hautes
personnalités politiques impliquées dans des crimes
internationaux ont fait l'objet d'affaires devant cette Cour. Il faut
reconnaître que l'existence de cette dernière tend à
s'affirmer de plus en plus au sein de la Communauté internationale.
Toutefois, de nombreuses zones de faiblesses et d'incapacités
liées aux actions de tous les acteurs de la CPI ne peuvent être
négligées, susceptibles d'altérer l'activité
optimale de cette juridiction301.
En effet, de nombreux obstacles empêchent la Cour de
remplir pleinement et efficacement son rôle, comme le démontre ce
mémoire, dans la seconde partie qui renvoie à la CPI comme une
juridiction affaiblie par des entraves.
Dans cette seconde partie du mémoire, nous avons
démontré que la Cour est confrontée à de nombreux
obstacles d'une part politique et d'autre part juridique. En effet, la lutte
efficace contre l'impunité des crimes graves implique en outre que les
États et la CPI fondent toujours leurs actions sur le droit. Ce
mémoire a révélé, malheureusement, que le fondement
juridique de cette lutte est souvent compromis. La CPI fait face de loin ou de
près à la question de l'immunité internationale et
à celle de la « la puissance absolue et perpétuelle
d'une République »302, c'est-à-dire la
souveraineté, pour reprendre les propos de Jean BODIN. En effet, il a
été démontré qu'en se basant sur las
souveraineté, les Etats en tendance à se dresser face à
l'action de la CPI contre leurs ressortissants dans le but de faire
échapper ces derniers à la répression pénale
internationale. Cela peut se faire soit par l'émission des mesures de
clémence que sont l'amnistie ou la grâce présidentielle,
soit en mettant en avant les interdits des lois nationales. Pour ce qui
concerne l'immunité internationale, il a été
démontré dans ce mémoire que le Statut de Rome, bien
qu'ayant trouvé une solution pour empêcher des Etats de
l'évoquer, le juste équilibre entre immunités et lutte
contre l'impunité n'a, selon nous, pas
300 Statut de Rome de la CPI, art. 13.
301 CLERC (M.), La Cour pénale internationale : une
victoire contre l'impunité ?, op. cit., p. 4.
96
302 BODIN (J.), Les Six livres de la République,
Paris, Jacques du Puis, 1576, 861 p.
97
encore été trouvé. En effet, les
immunités coutumières n'admettent aucune exception en
présence d'un crime international, mais force est de constater que
l'immunité personnelle des hauts représentants ne faiblit pas.
Les difficultés d'ordres politiques de la CPI quant
à elles, proviennent de nombreux aspects, mais dans le cadre de cette
étude nous sommes focalisés que sur le défaut de la
coopération saine de la CPI avec les Etats africains et avec le Conseil
de Sécurité des Nations Unies. Ce mémoire a
démontré que les critiques du bilan de la Cour bilan ont
été particulièrement acerbes de la part de l'Afrique et
comprennent des accusations de racisme et des appels au retrait massif des pays
africains. En effet, lors de la saisine des affaires devant la Cour, des
pressions politiques exercées sur ses travaux par les grandes
puissances, au nom de leurs intérêts, ont soumis la Cour à
des critiques quant à sa politique sélective à
l'égard des crimes commis dans le monde. Au regard de l'étude de
notre sujet, nous concluons ce mémoire en reprenant en substance un
ensemble de résultats et de recommandations déjà
recensés.
En effet, des lacunes s'expriment souvent dans les rapports
que cette Cour entretient avec le Conseil de sécurité. Des
rapports qui, il faut le reconnaître, ne sont pas régis par une
rationalité objective. L'explication des rapports entre la CPI et le
Conseil de sécurité, constitue de fait une donnée
essentielle pour comprendre la portée et l'effectivité de cette
juridiction pénale internationale permanente303. Il a
été démontré que le Conseil de
Sécurité des Nations Unies qui dispose de la capacité
d'ouvrir des enquêtes, de suspendre les activités de la CPI mais
aussi qui dispose du total contrôle de l'action de ou de l'inaction de la
CPI sur les crimes d'agression. Mis à part cela, l'abstention de
certains pays à ratifier le Statut dans le but d'échapper
à l'application de la compétence de la Cour sur eux, surtout la
majorité qui compose les membres permanents du CSNU, justifiant cela par
plusieurs arguments qui ont fait naître des positions divergentes envers
la CPI. Le cas échéant des États-Unis comptent parmi les
grandes puissances qui restent en marge du régime du Statut de Rome et
sont parfois hostiles à ses activités. Il a également
été démontré que le véto au sein du Conseil
de sécurité est aussi l'un des soucis majeurs qui freinent ou
empêche l'action efficace de la CPI sur les crimes internationaux.
303 NDIAYE (S.A,), Le Conseil de sécurité et
les juridictions pénales internationales, op. cit., p. 240.
Malgré ces écueils, le mandat de la CPI
consistant à mettre un terme à l'impunité pour les
atrocités commises aux quatre coins du monde conserve toute sa
pertinence, et la Cour continue de faire évoluer le droit pénal
international dans cette voie. Elle a démontré la
viabilité d'une institution permanente qui peut mener des enquêtes
sur des crimes internationaux et intenter des poursuites, mais son bilan est
peu reluisant pour ce qui est d'obtenir des condamnations. En date de novembre
2022, le Bureau du Procureur avait ouvert 17 enquêtes sur des situations
dans 16 pays. Ces enquêtes ont mené à des accusations dans
33 affaires concernant 49 défendeurs. Bon nombre de ces affaires sont
encore en instance - dans certains cas, parce que les accusés sont en
liberté - ou ont pris fin avant que le verdict soit rendu. Au total, la
CPI a reconnu cinq individus coupables de crimes relevant de sa
compétence et cinq autres de crimes liés à ses
procédures, dont la subornation de témoin304.
En partant des entraves qui se dressent face à la CPI
dans l'exécution de sa mission dans cette optique : quelles sont les
solutions possibles pour assainir les rapports qu'entretiennent la Cour
Pénale Internationale avec les Etats Africains et le Conseil de
Sécurité des Nations Unies ?
98
304 Statut de Rome de la CPI, Article 70 (1.C) : «
Subornation de témoin, manoeuvres visant à empêcher un
témoin de comparaître ou de déposer librement,
représailles exercées contre un témoin en raison de sa
déposition, destruction ou falsification d'éléments de
preuve, ou entrave au rassemblement de tels éléments (...)
»
BIBLIOGRAPHIE
99
I- TEXTES CONVENTIONNELS ET DOCUMENTS OFFICIELS :
A) TEXTES LEGAUX DU TPIR, DU TPIY, DU TSSL, DE LA CPI ET
DES TMI :
+ Statut du TPIR adopté le 8 novembre 1994 par la
Résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations Unies
(S/Res/955).
+ Statut du TPIY adopté le 25 mai 1993 par la
Résolution 827 du Conseil de sécurité des Nations
Unies.
+ Statut du TSSL adopté par la Résolution 1315
du Conseil de sécurité du 14 août 2000, après un
accord passé entre le Gouvernement de Sierra Leone et les Nations
Unies.
+ Statut du TMI de Nuremberg du 8 août 1945.
+ Statut de Rome de la Cour pénale internationale
entrée en vigueur le 1er juillet 2002.
+ Accord de Londres portant Statut du TMI de Nuremberg du 8
août 1945.
+ Règlement de procédure et de preuves du TPIR,
adopté le 29 juin 1995 et révisé successivement jusqu'au
21 mai 2007.
+ Règlement de procédure et de preuves du TPIY
adopté le 11 février 1994.
B) TEXTES LEGAUX INTERNATIONAUX :
+ La Convention sur la prévention et la
répression du crime de génocide, approuvée par
l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa
Résolution 260 (III) du 9 décembre 1948 et entrée en
vigueur le 12 janvier 1951.
+ Les quatre Conventions de Genève du 12 août
1949.
+ La Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de
guerre et des crimes contre l'humanité, adoptée par
l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa
Résolution 239 (XXIII) du 26 novembre 1968 et entrée en vigueur
le 11 novembre 1970.
+ Le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du
12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits
armés internationaux. (Protocole I du 8 juin 1977)
100
+ La Charte des Nations Unies du 26 juin 1945, ratifié
par le Rwanda dès son admission comme membre de l'ONU après son
indépendance en 1962
+ La Convention de Vienne sur le droit de traités du 23
mai 1969
+ La Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du
18 avril 1961
+ La Convention des Nations Unies sur les missions
spéciales du 8 décembre 1969 + La Convention internationale sur
l'élimination et la répression du crime d'apartheid du 30
novembre 1973, ratifié par le Rwanda, le 10 octobre 1974
+ La Convention sur les immunités juridictionnelles des
Etats et de leurs biens de 2004.
+ La Conventions de Genève de 1949
+ La Conventions de Genève et du Protocole additionnel
II, ratifié par le Rwanda, 19 novembre 1984
+ La Convention de Genève du 22 août 1864 pour
l'amélioration du sort des militaires blessés dans les
armées en campagne. Genève, 22 août 1864.
+ La déclaration des droits de l'homme et du citoyen du
26 août 1789
+ La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du
10 décembre 1948, Résolution 217 A (III) du 10 décembre
1948
+ Le Traité de Sèvres de 1920, relatifs à
la punition de crimes contre l'humanité commis par la Turquie
+ Le Traité de Versailles du 28 juin 1919,
prévoyant l'instauration d'une juridiction pénale internationale
destinée à juger Guillaume II ex-empereur d'Allemagne pour
offense suprême contre la morale internationale et l'autorité des
traités
+ Rapport de la Commission Internationale de l'Intervention et
de la Souveraineté des Etats, 2001.
+ Rapport du Secrétaire général sur
l'établissement d'un Tribunal spécial pour la Sierra
Léone, Doc.NS/2000/915, le 4 octobre 2000
+ Résolution 1593 - Reports of the Secretary-General on
the Sudan, U.N. Doc. S/RES/1593 (2005)
+ Résolution 1970 - Peace and Security in Africa, U.N.
Doc. S/RES/1970 (2011)
+ Résolution 1422 (2002) adoptée par le Conseil
de Sécurité le 12 juillet 2002, Z/RES/1422 (2002)
+ Résolution 1487 (2003) adoptée par le Conseil
de Sécurité le 12 juin 2003, Z/RES/1487 (2003)
101
+ Résolution 1497 (2003) adopté par le Conseil
de Sécurité le 1er août 2003, S/RES/1497 (2003)
C) LES TEXTES ET DOCUMENTS OFFICIELS COMMUNAUTAIRES ET
NATIONAUX :
+ L'Acte constitutif de l'UA de Lomé au Togo du 11
juillet 2000.
+ Le Protocole sur les amendements de l'Acte constitutif de
l'Union Africaine Maputo (Mozambique, 11 juillet 2003).
+ Le Protocole relatif à la Charte africaine des droits
de l'Homme et des peuples, portant création de la Cour africaine des
droits de l'Homme et des peuples, adopté à Ouagadougou, Burkina
Faso, le 10 juin 1998.
+ Le Protocole portant amendement à l'amendement
portant création de la Cour africaine de justice et des droits de
l'Homme du 27 juin 2014.
+ Les résolutions Doc Assembly / AU/3 VID et Doc
Assembly /AU/Doc 40 (XVIII), adoptées par la Conférence des Chefs
d'États et de Gouvernement de l'Union Africaine, respectivement le 02
juillet 2006 à Banjul et le 31 janvier 2012 à Addis-Abeba,
donnant mandat au Sénégal de poursuivre et de juger le ou les
responsables des atteintes au droit international.
+ La déclaration sur la coopération entre les
juridictions nationales de l'UA et la CPI, Conférence de Révision
du Statut de Rome de la Cour pénale Internationale, Kampala 31 mai- 11
juin 2010.
+ La décision sur la mise en oeuvre des
décisions de la Conférence de l'Union, 17éme session
ordinaire 30 juin- 1er juillet 2011, Malabo, relative à la Cour
pénale internationale ; Assembly / AU/ Déc. 366 (XVII),
Doc. EX. CL/670 (XIX).
+ L'Accord entre le Gouvernement de la République du
Sénégal et l'Union Africaine du 22 août 2012 portant
création des Chambres Africaines Extraordinaires au sein des
juridictions sénégalaises.
+ L'Accord de paix de Lomé entre le Gouvernement de la
Sierra Léone et le Front révolutionnaire uni (RUF) a
été conclu à Lomé le 7 juillet 1999.
+ Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001
(Loi n°2001-03 du 22 janvier), JORS du 22 janvier 2001 pp. 27 et s.
102
+ La loi Constitutionnelle N° 2008-33 du 07 Août
2008 facilitant la tenue du procès Hissene Habré.
+ L'Accord de Coopération et d'assistance entre la Cour
pénale internationale et l'Union européenne, ICC-PRES/01-01-06,
1er mai 2006.
II- OUVRAGES :
A) OUVRAGES GENERAUX :
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public, Paris, PUF, 2002, 807 p.
+ CARREAU (D.), Droit international
public, Paris, Pédone, 2004, 688 p.
+ CASSESE A., International Law, Oxford
University Press, 2005, 558 p.
+ COMBACEAU (J.) et SUR (S.), Droit
International Public, 6éme éd. Paris,
Montchrestien, 2004, 809 p.
+ CONDOLLERI (L.) et As. DIR., Les Nations
Unies et le droit international
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+ CORNU (G.), Vocabulaire juridique,
Association Henry Capitant, 7éme Édition,
Paris, PUF, 2005, 970 p.
+ DAILLIER (P.), PELLET (A.), et QUOC DINH+ N.,
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7éme édition, Paris LGDJ, 2002, 1510 p.
+ DELBEZ (L.), Les principes
généreux du contentieux international, LGDJ, 1962,
329 684p.
+ DECAUX (E), Droit international
public, Paris. Dalloz, 1997, 230 p.
+ EL ZEIDY (M.M), Le principe de
complémentarité en droit pénal international
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+ MAURICE (A-J.), PARENT (G.), Droit
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Cowansville (QC), Yvon Blais, 2006, 805 p.
+ MERIGNHAC (A.), Traité de Droit
International Public, Partie 2, 805p.
+ ROUSSEAU (C.E.), Droit international
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+ VASAK (K.), La Convention
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103
+ VERHOEVEN (J.), Droit international
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Ecrits de Droit international, Paris. PUF. 2000, 432p.
B) OUVRAGES SPECIALISES :
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l'universalité en droit pénal international, droit et obligation
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l'universalité, Bruylant, Bruxelles, 2000, 527 p.
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pour le Doctorat en Sciences politiques présentée et soutenue
publiquement le 19 décembre 2013 à l'Université Paris Est,
363p.
115
+ EL ZAWAM (S.), Les obstacles au
jugement des criminels devant la Cour Pénale Internationale,
Thèses de doctorat, Université de Bordaux, 24 Novembre 2022,
546p.
+ FOUCHARD (I.), Crime International :
entre internationalisation du droit pénal et pénalisation du
droit international, Thèse pour le Doctorat de l'Université
Paris 1 Panthéon-Sorbonne (Droit international public) et l'UEI de
Genève, 2014, 548p. + MANDIANG (I.), Les
États africains et l'obligation de coopération avec les
juridictions pénales internationales, Thèse de doctorat en
Droit Public, UCAD, 2017, 489 p.
+ NDIAYE (S.A.), Le conseil de
sécurité et les juridictions pénales internationales,
Thèse de Doctorat en Droit Public, école doctorale sciences de
l'homme et de la société, Université d'Orléans,
2011, 417 p.
+ OLINGA (D. A), l'assistance humanitaire et
la protection des droits de l'homme face au principe de non- intervention en
droit international contemporain, thèse de doctorat,
Université de Montpellier I, 1993, 487p.
+ PEDRETTI (R.), L'immunité des
Chefs d'Etat et d'officiels étatiques en matière de crimes
internationaux, Thèse de Doctorat de l'Université de
Lucerne, 2014
B) MEMOIRES :
+ AGUEZOMO ELLA (S.L.), les tensions
entre l'Union africaine et la Cour pénale internationale a l'occasion de
la poursuite des chefs d'Etat africains, Université de Limoges,
Faculté de Droit et des Economies, Mémoire de Master 2 Droit
Pénal International et Européen, 97 p.
+ BENATTOU (L), La mise en oeuvre du
principe de complémentarité devant la Cour pénale
internationale, Rapport de recherche : Certificat d'études
juridiques internationales, Institut des hautes études internationales
(IHEI), 2017, 45p.
+ DAINOTTI (F.), La Cour pénale
internationale est une réalité : Analyse de cette nouvelle
juridiction à la fois indépendante et interdépendante au
sein d'un système de relations internationales en pleine mutation,
Nice, Institut Européen des Hautes Etudes Internationales (I.E.H.E.I.),
Mémoire DEA, 2006, 98p.
+ DJEMBO A., L'Afrique face à la
justice pénale internationale, Master en droit public, Institut
Supérieur de Droit de Dakar, Sénégal, 2022 84p.
116
+ DULAC E., Le rôle du Conseil de
Sécurité dans la procédure devant la Cour Pénale
Internationale, Mémoire de DEA, Université Paris I
Panthéon Sorbonne, 2000, 80p.
+ MANDIANG (I.), Le crime de
génocide en droit international, mémoire de Maîtrise,
FSJP, UCAD-DAKAR, 2010.
+ MUTABARUKA A., « La
problématique de la répression des crimes de droit international
par les juridictions pénales internationales », Licence en Droit,
Université Libre de Kigali, Rwanda, 2005.
+ NUKURI E., « La
complémentarité de la justice pénale internationale
à la justice nationale des états dans le cas de la cour
pénale internationale », Licence en Droit, Université du
Burundi, 2010.
+ PAMBO PAMBO (E.S.), La
représentativité dans la composition du Conseil de
Sécurité des Nations Unies, Akadémia Dakar, Mémoire
pour l'obtention du diplôme de Master 2 en Relations Internationales,
2023, 73 p.
+ YIRSOB D.D., « Le rôle et la
Place des Etats dans le fonctionnement de la Cour pénale internationale
», Diplôme d'Etudes Approfondies, Université de
Genève-Faculté de Droit, Genève, 2006.
V- JURISPRUDENCE :
+ Cour Suprême du Sénégal Hissene
Habré c/ État du Sénégal, Arrêt N°
21 du 12/03/15, J/ 273/ RG/13.22/7/13 ;
+ Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République
démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, CIJ Recueil 2002, par.
53.
+ Conseil Constitutionnel du Sénégal,
Hissene Habré c. / Etat du Sénégal,
Décision N° 1-C-2015, du 2 mars 2015 ;
+ CIJ arrêt du 20 juillet 2012 ordonnant au
Sénégal de poursuivre Habré en justice « sans autre
délai » ou d'extrader ;
+ Réserves à la Convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide, Avis
consultatif, 1951, CIJ rec. 15
117
+ Sentence arbitrale rendue par la CPA dans l'affaire l'ile
des Palmas ayant opposé les USA au Pays-Bas le 28 Avril 1928, RGDPI,
1935, vol II, P.838.
+ Affaire relative à l'application de la Convention
pour la prévention et la répression du
crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c
Yougoslavie), Arrêt, 1996, CIJ rec. 243. + CPI, Chambre
préliminaire III, Le Procureur c/ Simone Gbagbo, affaire du
mandat
d'arrêt du 29 février 2012 à l'encontre de
Simone Gbagbo.
+ CPI, Affaire le procureur c. Omar Hassan Ahmad Al Bashir,
CHAMBRE PRÉLIMINAIRE I, ICC-02/05-01/09-13J9-Corr-tFRA
+ Chambre africaine extraordinaire d'Assises, Arrêt
portant condamnation de Hisséne
Habré à la prison à
perpétuité du 30 Mai 2016, (Décision sur l'action
publique). + CPI, Chambre préliminaire III, Le Procureur c/ Simone
Gbagbo, affaire du mandat
d'arrêt du 29 février 2012 à l'encontre de
Simone Gbagbo ;
+ CPI, Chambre préliminaire III, Le Procureur c/
Laurent Koudou Gbagbo, affaire du mandat d'arrêt du 23 novembre 2011
à l'encontre de Laurent Koudou Gbagbo ; + TPIY, Chambre d'appel, Affaire
Tadic, jugement du 2 Octobre 1995 ;
+ TPIY, Chambre de première instance II, Affaire
N°IT-95-17/1, le Procureur v Furundzija, jugement du 10décembre
1998 ;
+ Affaire Hisséne Habré c/ République du
Sénégal, arrêt n° ECW/JUD/06/10 du 18 novembre 2010 de
la Cour de justice de la CEDEAO ;
+ DAVID E., KLEIN P., LA ROSA A.M., TPIR, Recueil des
ordonnances, décisions et
arrêts, Ed. Centre de droit international,
Bruxelles, Bruylant, 2000/2003 (3volumes) ; + TSSL, Affaire Le Procureur v
Kallon, case nos.SC5L-04-15PT-060-1 et SC05-04-15-
PT-060-11, jugement du 13 mars 2004 ;
+ Décision relative à la peine rendue en
application de l'article 76 du Statut de Rome, par la Chambre de
première instance I de la CPI, dans la situation en république
Démocratique du Congo, affaire Procureur c/Thomas LUBANGA DYILO, N°
ICC01/04-01/06 du 10 juillet 2012 ;
+ Situation en république de Côte d'Ivoire,
ICC-02/11 ;
+ Affaire Procureur de la CPI c/Jean-Pierre Bemba GOMBO,
situation en république centrafricaine, ICC-01/05-01/08, le 8 juin 2018
;
+ Affaire Lubanga, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo,
ICC-01/04-01/06
+ Affaire Le Procureur c/Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo
Chui, ICC-01/04-01/07 + Affaire Le Procureur c/ Bosco Ntaganda,
ICC-01/04-02/06.
118
+ CPI, Chambre préliminaire I, Le Procureur c/ Omar
Hassan Ahmad Al Bashir (« Omar Al Bashir »), affaire du mandat
d'arrêt du 4 mars 2009 à l'encontre d'Omar Hassan Ahmad Al Bashir
;
+ Affaire Le Procureur c/ Joseph Kony, Vincent Otti, Okot
Odhiambo et Dominic Ongwen, ICC-02/04-01/05 ;
+ Affaire GELMAN (J.) et al. C. Uruguay, Commission
interaméricaine des droits de l'homme, rév. 1, 2007.
+ CPI, Chambre préliminaire III, Le Procureur c/ Jean
Pierre Bemba Gombo, affaire du mandat d'arrêt du 23 mai 2008 à
l'encontre de Jean Pierre Bemba Gombo.
+ Tribunal militaire des États-Unis à Nuremberg
8 juillet 1947 - 19 février 1948 États-Unis c. Wilhelm List,
UNWCC, Law Reports of Trials of War Criminals, vol. VIII, 1949, p. 34.
+ Procureur c. Kambanda, Affaire n° ICTR-97-23-S,
Jugement et Sentence, 4 septembre 1998
VI- REFERENCES INTERNET :
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www.idi-iil.org/, (L'institut de
droit international), consulté le 11/11/2023
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www.ridi.org/, (Le Réseau
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et d'Études sur les Droits de l'Homme et le droit humanitaire).
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www.africaine-court.org
(Cour africaine de justice et des droits de l'homme). consulté le
12/11/2023
120
TABLE DES MATIERES
RESUME I
AVERTISSEMENT II
DEDICACES III
REMERCIEMENTS IV
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS VI
SOMMAIRE VII
EPIGRAPHE VIII
INTRODUCTION p.1
PREMIERE PARTIE : LA CPI : UNE JURIDICTION
NECESSAIRE
DE LUTTE CONTRE L'IMPUNITE DES CRIMES INTERNATIONAUX
p.9 CHAPITRE 1 : Une compétence juridictionnelle
fondée sur le
Statut de Rome p.11
SECTION 1 : Les crimes relevant de la
compétence de la CPI p.11
PARAGRAPHE 1 : Le génocide et le crime contre
l'humanité p.12
A-La spécificité du crime contre l'humanité
p.12
B-La particularité du crime de génocide p.14
PARAGRAPHE 2 : Le crime de guerre et le crime d'agression
p.16
A-Le contour du crime de guerre p.16
B-La spécialité du crime d'agression p.18
SECTION 2 : Le déclenchement de
l'exercice de la
Compétence de la CPI p.20 PARAGRAPHE 1 : Le respect
préalable de la compétence personnelle
Et temporelle de la CPI p.21 A-La compétence
personnelle ou compétence ratione
Personae de la Cour p.21 B-La compétence temporelle ou
compétence ratione temporis de la
Cour p.23
PARAGRAPHE 2 : Les modalités de saisine de la CPI p.24
A-La saisine par les Etats-parties ou par le procureur de la CPI
p.25
B-La saisine de la CPI par le Conseil de
Sécurité des Nations Unies p.28
121
CHAPITRE 2 : Un mode de fonctionnement fondé sur
le Statut de Rome p.30
SECTION 1 : Un mode de fonctionnement basé sur
le principe de
complémentarité p.30 PARAGRAPHE 1 : La
exigences de recevabilité des affaires devant la
Cour : La complémentarité passive p.31 A-La
Recevabilité en cas de manque de
Volonté D'un Etat p.32
B-La Recevabilité en cas de l'incapacité d'un Etat
p.33
PARAGRAPHE 2 : L'évolution de la
complémentarité de la Cour :
La complémentarité positive p.35
A-La notion de complémentarité positive de la Cour
p.35
B-Les différentes formes d'assistance dans une
complémentarité positive p.38
SECTION 2 : Un mode de fonctionnement
basé sur la coopération p.39
PARAGRAPHE 1 : Le fondement conventionnel de l'obligation
De coopération avec la CPI p.40 A-L'obligation de
coopération fondée sur le Statut de Rome
pour les Etats parties p.40 B-L'obligation de
coopération fondée sur un accord ad hoc pour
Les Etats non-parties au Statut de Rome p.42 PARAGRAPHE 2
: Le fondement coutumier de l'obligation de
Coopération avec la CPI p.44 A-La CPI, un instrument
par excellence de répression des
violations Graves du droit international humanitaire
p.44 B-La CPI, une solution à la défaillance d'un Etat
à assurer la
Responsabilité de protéger sa population
p.46
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE p.48
SECONDE PARTIE : LA CPI : UNE JURIDICTION
AFFAIBLIE
PAR DES ENTRAVES p.50
CHAPITRE 1 : Les entraves juridiques de la Cour
Pénale Internationale p.52
SECTION 1 : Les obstacles juridiques
liés au principe de la souveraineté des
Etats .P.52 PARAGRAPHE 1 : Le conflit existentiel entre la
souveraineté
Etatique et les Compétences de la CPI p.52
122
A-La signification du principe de la souveraineté
Etatique p.52 B-L'influence de la souveraineté
étatique sur l'action de
La Cour Pénale Internationale p.54 PARAGRAPHE 2 : Les
obstacles émanant des lois
Nationales des Etats p.56
A-L'application du droit d'amnistie et le droit de grâce
p.57
B-L'interdiction de l'extradition en raison
De la loi nationale p.59 SECTION 2 : Les
obstacles juridiques liés au principe de l'immunité
internationale p.62 PARAGRAPHE 1 : L»immunité des
hauts représentants de l'Etat en
droit international p.63 A-Le fondement coutumier de
l'immunité des hauts
Dirigeants de l'Etat p.63 B-Le fondement conventionnel de
l'immunité
International p.65 PARAGRAPHE 2 : Le défaut pertinence
de la qualité officielle :
Une solution controversée à la question de
l'immunité p.67 A-L'étendu du principe de la non-pertinence
de la qualité
officielle p.67 B-Les limites au principe du défaut de
pertinence de la qualité
officielle p.69
CHAPITRE 2 : Les entraves politiques de la Cour
Pénale Internationale p.71
SECTION 1 : Les obstacles issus de la collaboration
entre la Cour Pénale
Internationale et l'Afrique p.71 PARAGRAPHE 1 : La difficile
coopération entre la CPI et l'UA p.71
A-Le refoulement de la politique de poursuite extra africaine
de
la Cour Pénale Internationale p.72
B-La lutte concurrentielle menée par l'UA face à la
CPI ans la
répression des crimes internationaux p.75
PARAGRAPHE 2 : La défiance des Etats africains à
l'égards de la
Cour Pénale Internationale p.78
123
A-Le refus par les États africains de coopérer avec
la Cour
Pénale internationale à la demande de l'U.A p.78
B-Le retrait collectif des Etats africains du
Statut de Rome p.80
SECTION 2 : Les obstacles liés aux
rapports de la CPI avec le Conseil
De Sécurité de l'ONU p.82 PARAGRAPHE 1 : La
supériorité du Conseil de Sécurité face à
la
Cour Pénale Internationale p.83 A-La saisine et la
suspension de la CPI par le Conseil de Sécurité : Une
éventuelle politisation de la compétence de la
Cour Pénale Internationale p.83 B-La subordination de
la CPI au pouvoir politique du Conseil
de Sécurité sur le crime d'agression
p.86 PARAGRAPHE 2 : L'influence notoire des grandes puissances p.88 A-La
possession du droit de véto au sein du Conseil de Sécurité
p.89 B-La non-adhésion de certains membres permanents
Au Statut de Rome de la CPI p.90
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE p.93
CONCLUSION GENERALE p.95
BIBLIOGRAPHIE p.99
TABLE DES MATIERES p.120
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