Annexe C : Retranscription de l'entretien individuel
avec M.
Desboudard, directeur de l'hôtel Ibis Part-Dieu 73
INTRODUCTION
En 2009, certains chercheurs (BRUN, BIRON, & SI HILAIRE,
2009) ont déterminé que le bien-être au travail doit
prendre en considération un individu dans son ensemble. Ce bien
être se réfère à l'état de santé
physique de la personne mais également l'état psychologique
(c'est-à-dire les sentiments, les sensations d'épanouissement, de
confort, de satisfaction générale).
D'après diverses études, (AMHERDT, 2005) et
(CSIKSZENTMIHALYI, 2005), les salariés les plus heureux (ceux dont le
bien être est le plus élevé) sont les plus performants en
entreprise. De plus, « l'European Agency for Safety and Health at work
» a calculé le coût du stress (donc un bien-être au
travail faible) professionnel en Europe qui était de 20 milliards
d'euros en 2002. Il est donc important en tant que manager d'équipe de
savoir comment améliorer l'état de bien être d'un individu.
Ce bien être peut être évalué par la motivation au
travail d'un collaborateur.
Durant ces deux années d'alternance au sein du master
management de centre de profit en activités
Hôtellerie-restauration et loisirs à l'IAE de Lyon, j'ai eu
l'opportunité de travailler au service commercial en tant que
chargée de clientèle au Mercure Lyon Centre Charpennes. Lors de
cette année particulière (crise sanitaire du covid), j'ai pu
remarquer que le bien-être, et plus précisément la
motivation des employés, avait tendance à être remis en
question. Nous avons subi pendant cette année plusieurs périodes
de confinement et de couvre-feu. Ce contexte externe à l'entreprise a
énormément joué sur le moral des collaborateurs
générant une baisse de motivation au travail.
Ce manque de motivation a mis en évidence des tensions
grandissantes au sein de l'équipe, la qualité du service fourni
aux clients qui s'est dégradé engendrant des faibles notes de
leurs parts, et des difficultés à faire respecter les consignes
sanitaires ou d'hygiène élémentaires. Nous avons
également eu une augmentation du nombre d'arrêts maladie.
Ce mémoire doit nous amener à comprendre le
fonctionnement de la motivation humaine au travail avec les différents
leviers possibles. De plus, nous verrons si les théories établies
lors du XXe et du début XXI siècle sont encore valables et
applicables de nos jours et dans un contexte inédit
comme la crise sanitaire de 2020. Je m'appuierai donc sur des lectures
académiques, des recherches, et des articles de psychologie, sociologie,
et de management.
Me positionnant en tant que future manager, je me questionne
sur les bonnes pratiques à adopter en fonction des circonstances
auxquelles nous faisons face. Quelles sont les angoisses que peut susciter un
contexte externe à l'entreprise, comme une pandémie, sur les
employés ? Comment réussir à motiver les équipes ?
Peut-on appliquer les mêmes techniques managériales sur tous les
employés de la même manière ? Dois-je adapter les
techniques de motivation en fonction de la culture, de l'âge, de la
personnalité de l'individu ? Comment préparer les employés
à une reprise soudaine d'activité après une période
creuse d'un an et demi ? Comment la polycompétence a-t-elle
influencé la motivation ?
En rassemblant toutes ces questions, et en effectuant mes
premières recherches, j'ai choisi de répondre à la
problématique suivante :
« Comment un manager peut-il motiver ses
équipes en période de crise ? Le cas des hôtels
français de taille moyenne »
Dans un premier temps, nous allons voir de façon
globale la psychologie de la motivation humaine par l'étude des
théories managériales centrées sur les besoins, les
attentes et sur les interactions avec l'environnement externe.
Dans une seconde partie, nous étudierons les ressentis
actuels des personnes travaillant dans le secteur de l'hôtellerie avec un
sondage. Puis nous étudierons les techniques de management qui doivent
s'adapter à l'environnement, au contexte et aux différentes
personnalités pour réussir à motiver une équipe.
Nous verrons également, à l'aide d'un entretien, quelles sont les
différences perçues par les managers dans leurs façons de
manager et motiver avant et pendant la crise du covid. Nous pourrons
étudier les techniques de motivation qu'ils utilisent pour
préparer leurs équipes à une reprise.
Pour finir, nous expliquerons l'importance de la polyvalence
dans le secteur de l'hôtellerie. En quoi cet effet de
polycompétence s'est accentué avec la crise et comment le faire
adopter par les collaborateurs déjà en poste ou les nouveaux
collaborateurs.
Partie 1 : Les théories du comportement humain
et les théories managériales de la motivation
Comme nous l'avons mentionné
précédemment, un bien être psychologique, physique et toute
amélioration de santé mentale amènent un individu à
être davantage présent et impliqué dans l'entreprise
où il travaille. Cet état de bien être est donné par
le sens du travail (le contenu, les missions) et le sens au travail (le
contexte, l'environnement, les interactions...). Le flow est le lien entre ces
deux sens.
Ce qui nous amène à nous demander comment
améliorer l'état d'esprit d'un individu afin que ce dernier
s'implique et s'investisse sur son lieu de travail.
Pendant une longue période, les psychologues ont
expliqué que le comportement d'un individu émanait d'une
réaction à un stimulus. D'après les observations du
chercheur (DEMBER, 1974), un stimulus très intense (comme un bruit
très fort ou une lumière très vive) provoque l'effet de
fuite, un comportement d'éloignement. Mais dans certains cas, un
même stimulus intense dans un contexte différent peut provoquer
l'effet inverse. Par exemple, un spéléologue coincé sous
terre qui aperçoit soudainement de la lumière va se diriger vers
celle-ci au lieu de fuir comme expliqué précédemment car
cela est significatif pour lui de libération plus le stimulus
s'intensifie. (NUTTIN, 1996)
De nombreuses recherches expérimentales confirment que
le stimulus est l'élément dont il faut tenir le plus compte dans
tous les processus comportementaux. Il faut en revanche tenir compte de cet
élément d'information dans un contexte cognitif et motivationnel
global.
La motivation est une question préférentielle
entre l'individu d'une part et de l'autre, de son environnement.
Selon les disciplines, la notion de motivation est
définie différemment. En effet, en économie elle
représente l'ensemble des facteurs qui détermine le comportement
d'un agent économique. Tandis que dans le domaine de la consommation, il
s'agit de facteurs psychologiques qui expliquent l'achat d'un produit ou son
rejet. Alors qu'en
psychologie la motivation est un processus responsable du
déclenchement de la poursuite ou de la cessation d'un comportement.
(MONTSERRAT, 2004)
Trois types de motivation ont pu être établis
afin de bâtir un modèle de référence pour
l'étude de la motivation. Il y a les théories du contenu
centrées sur les besoins, les théories du processus
centrées sur les attentes et les théories interactionnistes qui
intègrent l'environnement extérieur à l'individu.
1. Théories du contenu centrées sur les
besoins
1.1 La hiérarchisation des besoins de
Maslow
Abraham Maslow est le nom le plus cité dans les travaux
de recherche de la motivation. Il a pu remarquer lors de ses recherches que la
motivation humaine était influencée par le fait qu'un de ses
besoins était satisfait ou non. En effet, celui-ci a créé
une pyramide qui permet de hiérarchiser les besoins de l'Homme au
travail. Par cette théorie, tout comportement résulte d'une
volonté de l'individu d'assouvir un besoin. Si ce dernier n'est pas
satisfait alors il est source de motivation afin de le réaliser.
Selon la hiérarchisation de Maslow, il existe 5
niveaux, qui impliquent que tous les êtres humains classent leurs besoins
de la même manière et il faut que les besoins des niveaux
inférieurs soient satisfaits pour que le niveau supérieur soit
considéré comme une source de motivation par l'individu. Il
s'agit de l'effet cliquet. Cette hypothèse est basée sur le fait
qu'un individu est toujours motivé par la satisfaction d'un nouveau
besoin. Au contraire, si un individu se trouve frustré car il ne
parvient pas à satisfaire le niveau supérieur, il va donc
régresser au niveau inférieur et se met à survaloriser ce
niveau. Par exemple : une personne n'étant pas satisfaite avec son
entourage aura tendance à réclamer de meilleures conditions
matérielles et financières. Ce qui explique les variations dans
le type de motivation qui pousse un collaborateur jusqu'alors passionné
par son travail se met à réclamer une augmentation car ce dernier
n'a pas réussi à satisfaire ses besoins sociaux. (ALEXANDRE
BAILLY, et al., 2019)
Figure 1 La pyramide des besoins d'Abraham Maslow
Nous pouvons donc illustrer la théorie Maslow avec
l'expérience d'Elton Mayo. Cet expert en productivité
était chargé d'étudier les facteurs de motivation des
employés de l'usine d'Hawthorne de la Western Company à Chicago.
Il découvre l'importance du sentiment de considération et de la
reconnaissance sur la motivation individuelle. Lors de ces expériences,
il changea les conditions de travail des ouvriers afin de déterminer les
meilleurs éclairages, horaires ou méthodes de travail. Cependant,
il découvrit que même en dégradant les conditions de
travail la productivité augmentait dans tous les cas. Il comprit donc
que l'intérêt porté sur ce groupe de travailleurs par les
chercheurs et les managers a permis aux ouvriers de se sentir reconnus et
valorisés pour leur travail et d'être ainsi plus efficace. Les
besoins satisfaits par cette reconnaissance sont donc les besoins sociaux
(appartenance à un groupe), les besoins d'estime (reconnaissance et
appréciation des autres) et les besoins de réalisation (leur
travail individuel est valorisé). Ce qui peut être
problématique dans l'illustration de cette théorie c'est que les
ouvriers démontrent que certains besoins (sociaux, estime et
réalisation) sont plus importants que les besoins situés en bas
de la pyramide (besoin de sécurité avec un environnement
stable).
Sachant que cette conception a été pensée
au milieu du XXème siècle dans un contexte d'industrialisation et
en sortie de guerre, il est possible que les besoins de l'époque soient
en corrélation avec la pyramide de Maslow. De nos jours, nous
pourrions peut-être rajouter davantage de
catégorisation de besoins ou alors un nouvel ordre des besoins.
Avec l'essor des nouvelles technologies et de tous les
nouveaux modes de communication nous remarquons un besoin constant de vouloir
partager. Ce besoin de partage correspond également au besoin de
reconnaissance et d'appartenance à un groupe. Des pathologies modernes
montrent que certains êtres humains vont davantage prioriser leurs images
et leurs appartenances à défaut de certains besoins
considérés comme plus primaires. Instagram et les réseaux
sociaux en général ont comme effet de vouloir embellir la vie des
individus au détriment de la réalité. Par exemple, des
personnes en détresse psychique ou en danger vont préférer
montrer une version de leur vie « instagrammable » plutôt que
d'avouer que leurs besoins physiologiques et de sécurité ne sont
pas satisfaits.
Figure 2 Illustration de "Instagram lie"
Ensuite, nous pouvons remarquer que le besoin de
divertissement est plus présent qu'au milieu du XXème
siècle. Nous sommes entrés dans une société de
loisirs. Loisirs et temps libre occupent une place croissante dans la vie
quotidienne des Européens comme des Français, selon une
étude du Crédoc, parue dans la dernière note de
Consommation et modes de vie (N° 268, juillet 2014). (BIGOT, DAUDEY, &
HOIBIAN, 2014).
Le temps libre des Français a augmenté de 47
minutes par jour entre 1986 et 2010, passant de 7 h 19 à 8 h 06 par 24
heures. Ce temps est consacré aux loisirs, à la
sociabilité, aux repas, au bricolage, au jardinage et au soin des
enfants. Alors que le temps consacré au travail ou aux études a
diminué de 25 minutes. Ces loisirs permettent aux français de
pouvoir se détendre, apprendre de nouvelles choses, tisser des liens
humains plus forts. Ces loisirs permettent aux individus de s'épanouir
et par la suite d'être plus productif et efficace au travail.
La théorie de Maslow nous permet de déterminer
et classifier les besoins primaires des individus afin de comprendre comment
améliorer le bien-être d'un individu et comment réussir
à trouver les besoins qui peuvent le motiver. Cependant cette
théorie est à nuancer car elle fut rédigée au
milieu du XXème siècle et aujourd'hui nous pouvons y ajouter
d'autres facteurs, besoins qui peuvent influencer le comportement d'un
individu.
Avec la crise du Covid-19, les deux premiers confinements ont
empêché les individus d'assouvir les besoins sociaux car le
télétravail a été mis en place, interdiction de
prendre des moments personnels avec des amis ou de la famille ne vivant pas
sous le même toit. De plus, les besoins physiologiques et de
sécurité ont été ébranlés par la peur
de tomber malade, peur de perdre son travail à la suite d'une faillite
ou licenciement économique, peur de pénurie alimentaire (au
premier confinement, les grandes surfaces ont été vidées
par la population par peur de manque).
Le fait que ces besoins ne soient pas satisfaits a grandement
joué sur la motivation des individus au travail. L'individu va remettre
en question ses besoins, ses envies
Figure 3 Illustration des grandes surface
vidées
alors les processus de motivation usuels peuvent être
non applicables pendant une période peu ordinaire. La remise en cause de
ses besoins pousse une personne à réfléchir à ses
priorités pour retrouver l'équilibre perdu à cause de la
crise.
Il existe ensuite d'autres hypothèses qui peuvent
expliquer les facteurs de motivations d'individu, nous allons donc continuer la
présentation du modèle bi factoriel de Herzberg.
1.2 La théorie des deux facteurs de Frederick
HERZBERG
A l'aide d'une étude statistique, le professeur en
psychologie Dr HERZBERG a réussi à distinguer deux types
d'éléments dans le travail. Il a analysé la motivation
dans un environnement de travail et a cherché à distinguer les
facteurs de satisfaction et d'insatisfaction.
Il existe donc deux facteurs :
- les « facteurs moteurs » créent la
motivation, mais leur absence ne provoque pas forcément un haut niveau
d'insatisfaction. Ce facteur représente le contenu des tâches
qu'un individu réalise, l'autonomie accordée, la reconnaissance,
l'évaluation des performances et la possibilité de promotion
personnelle/évolution dans l'entreprise.
- les « facteurs d'hygiène » dont l'absence
procure de l'insatisfaction mais qui, lorsqu'ils sont présents, sont
considérés comme normaux et ne produisent aucune satisfaction
particulière. Ce facteur comprend les conditions matérielles, la
rémunération et la politique générale de gestion
des ressources humaines. Par exemple, ce n'est pas parce qu'un individu a un
salaire correct que le travail procure de la satisfaction. En revanche si le
salaire est considéré comme insuffisant alors celui-ci est une
source d'insatisfaction et donc de démotivation. (ALEXANDRE BAILLY, et
al., 2019) et (MONTSERRAT, 2004)
Figure 4 La théorie bifactorielle d'Herzberg
Donc dans cette théorie, le véritable ressort de
la motivation concerne la nature du travail et non sa rétribution. La
rétribution réduit l'insatisfaction et ne sert pas de facteurs
moteurs. Selon Herzberg, il est possible d'améliorer la motivation en
responsabilisant, et en favorisant l'intérêt des activités
plutôt que de jouer sur le facteur de la rémunération qui,
lui, réduira l'insatisfaction, mais n'augmentera pas la motivation.
L'entreprise doit alors organiser le travail de façon
à ce que les postes soient riches et intéressants à
réaliser. Il faut donc « détayloriser grâce
à l'intégration des tâches de conception aux tâches
d'exécution » (ALEXANDRE BAILLY, et al. 2019). Par la suite,
il faut faire un suivi des aspirations de chaque individu afin de faire une
gestion évolutive des carrières. Pour cela, l'entreprise peut
mettre en place un système de sondage, d'enquête ou d'entretien
individuel.
La théorie de Herzberg n'est pas nécessairement
en contradiction avec celle de Maslow, elle est complémentaire car il
existe plusieurs angles d'attaque, cependant ces explications ne prennent pas
en compte la complexité du processus qui conduit à la motivation.
Ils n'étudient que les facteurs qui peuvent être source de
motivation pour un individu. C'est pourquoi il est nécessaire de
compléter ces thèses par une étude sur le fonctionnement
de la personnalité.
La personnalité est ce qui fait l'unicité d'un
individu. Pour Salvador Maddi (BRUN, BIRON, & SI HILAIRE, 2009) «
la personnalité est un ensemble de caractéristiques et de
tendances qui détermine les points communs et les différences
de
comportements psychologiques des gens, comportement qui
présente une continuité dans le temps et ne peut être
aisément attribué aux seules pressions sociales et biologiques du
moment. »
Donc pour un manager, cela signifie que chaque membre de son
équipe est unique et peut réagir de différente
manière face à certaines situations. La personnalité est
considérée comme un élément stable qui fonctionne
de manière régulière et permet de prévoir les
attitudes et comportements possibles d'un individu.
Les chercheurs ont donc mis en place des tests de
personnalité afin de déterminer dans quelle typologie de
personnalité un individu se trouve. En fonction de la typologie, un
manager peut comprendre le fonctionnement de ses collaborateurs et ainsi
aborder une problématique qui évite à l'interlocuteur de
se « braquer », et qu'une collaboration efficace puisse
s'installer.
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