Conclusion de la troisième partie
Dans cette partie, nous avons abordé la question
financière, c'est-à-dire les conditions de financement de la
recherche et de la perception de la recherche au Gabon. De façon
générale, il en ressort que le système de financement de
la recherche est fondé sur la perception que les gouvernants ont des
chercheurs. Les chercheurs sont perçus comme des simples «
fonctionnaires d'État ». Ceci explique le fait que la
priorité en qui concerne la recherche soit uniquement mise sur le
salaire des acteurs de la recherche et pas sur l'activité de recherche.
Le système de financement de la recherche est fondé sur le titre
de fonctionnement et orienté selon la volonté politique. Pourtant
les dispositions officielles prévoient, comme nous l'avons
démontré, un financement véritable de la recherche.
Aussi, il en ressort de notre travail que l'impact de la
recherche sur le développement est fondé sur les projets.
Toutefois, l'activité de recherche est maintenue par un financement
fonctionnel subventionné au 2/3, donc le 2/5 du financement global
attendu.
De plus, nous retenons que la perception actuelle de la
recherche scientifique dans la société gabonaise est
fondée sur la réalité médiatique traduisant les
difficultés du champ de la recherche, et sur l'apport à moins de
0,001 % de la recherche développement sur le secteur non-marchand et
inexistant sur le secteur marchand.
115
Conclusion générale
La question de la gouvernance de la recherche met en relation
plusieurs indicateurs et agents, pour reprendre le concept bourdieusien. Dans
ce travail, nous avons mis en perspective et analysé les
mécanismes multidimensionnels, producteurs de dysfonctionnements
multiformes.
Nous partons du constat selon lequel la recherche
scientifique, au Gabon, n'a pas une réelle incidence sur les plans
à la fois économique et social. A travers la théorie
fonctionnaliste, renforcé par une théorie des
champs, nous faisons une lecture sociologie de la dynamique et des
pratiques en cours dans ce secteur, que les interactions avec d'autres secteurs
dans la perspective de cotutelle.
Toutes ces approches théoriques sont mises en
cohérence, reliant sociologie politique et sociologie de l'action
publique, afin de mieux apprécier les interactions entre
différents champs et acteurs. Nous avons également retenu la
théorie des représentations sociales des individus à
l'intérieur et à l'extérieur du champ, input et
output en politiques publiques.
Sur la base de la question qui consistait à comprendre
pourquoi la recherche scientifique n'influence pas le développement
économique et social au Gabon. Nous avons retenu deux
hypothèses de réponse, dont nous avons vérifié la
plausibilité à l'aide des de données de terrains
quantitatives et qualitatives.
Nous avons retenu que les instituts de recherche sont
considérés comme des unités de programme permettant de
mettre en action le programme établi par le RBOP sur la base de la BOP.
Ces unités de recherche ne sont pas concrètement
organisées, mais sont orientés sur la base de la mise en forme de
leurs différents projets et des missions inscrites dans les textes en
vigueurs.
Les différents textes officiels portant création
des instituts, leur confèrent des rôles selon les besoins sociaux
et économiques, mais aussi une organisation interne
considérée aussi comme organigramme interne. Cela a
été le cas. Toutefois, au fil des années ces
différentes organisations ou organigrammes, basées sur les
textes, seront réorientées avec l'insertion de nouvelles
disciplines et de nouvelles rubriques, la reformulation de certaines
disciplines et la conversion de certains départements en laboratoire. Ce
fut le cas de l'IPHAMETRA, de l'IRT et de l'IRSH. Cela est qualifié
comme stratégies administratives de maintien au sein du champ de la
recherche. Nous relevons trois (3) instituts sur cinq (5), notamment le
3/5, donc, bien plus de la moitié. Il faut dire que cette
réalité met en exergue la problématique de la concordance
entre orientation politique, c'est-à-dire la façon dont le
politique se projette la réalité sociale,
116
les besoins sociaux et les solutions qui permettraient de
résoudre les difficultés de chaque groupe social. Les instituts
rendent la recherche effective. Au sortir de notre enquête nous retenons
que la perception que les individus ont de la recherche au Gabon est
diamétralement opposée à la définition
générale de la recherche. La représentation que les
individus se font de la recherche est fondée sur la perception qu'ils
ont des chercheurs plutôt qu'à l'activité. La perception
généralement que les individus, se font de la recherche est celle
de « fonctionnaire d'État » un terme simple et
péjoratif. Il traduit la paresse et l'improductivité qu'ils
observent des chercheurs.
Ce travail a pu mettre en relief de la notion de pouvoir
symbolique dans le champ de la recherche au Gabon. Dans ce champ que nous
avons reparti en deux(2) sphères (celle de l'activité de la
recherche et la sphère administrative) les agents administratifs et les
chercheurs octroient aux gouvernants une liberté à mettre en
oeuvre des actions qui influenceront de façon directeur ou indirect le
champ de la recherche (basé sur une délégation du pouvoir,
une accumulation de rôle des gouvernants et une perception du pouvoir
politique comme pouvoir suprême). Cette situation perpétue le
dysfonctionnement au sein de la recherche et engendre au sein du champ de
nouvelles stratégies, une reconversion des capitaux et des enjeux du
champ de la recherche au Gabon.
Le statut de la recherche et des chercheurs, actuellement au
Gabon est compris entre les stratégies des acteurs de la recherche
à se maintenir dans le champ de la recherche et les stratégies
politiques, c'est-à-dire la volonté politique. Le rôle de
la recherche est inséré dans un système de fonctionnement
fondé sur une volonté politique des gouvernants. Cette
réalité conduit le champ politique à régenter et
même gouverner celui de la recherche.
Comme l'a souligné le Directeur Général
de la DGRSI, les instituts ont été créé et mis en
cotutelle, comme s'ils étaient autonomes administrativement et
financièrement. Hors, ils ont uniquement une autonomie
financière. D'après lui, « il est nécessaire de
réorganiser la recherche en dissolvant le Centre national de la
recherche. Il faudrait intégrer les instituts dans des centres de
recherche, et chaque centre de recherche devrait comprendre un conseil
d'administration, un conseil scientifique, une direction générale
et les services d'appui. Il devrait être prévu un centre de
recherche en santé. Selon les propositions faites, l'IRT par exemple,
deviendrait un institut du Génie, de sciences dures et de technologie,
l'IRAF, en centre de recherches agronomiques et vétérinaires,
l'IRET intègrerait les centres en changement climatique. Tous ces
centres formeraient des centres nationaux, un centre national de la recherche
en santé et un centre national de la recherche en science de l'Homme et
de la société. Ces centres seraient autonomes sur le plan
administratif et financier. Aussi cette organisation
117
prévoirait la mise en place d'une agent de gestion
financière qui aurait pour rôle d'aider à la quête de
financements extérieurs et aux appels d'offre».184
Il faut dire que cette proposition ne permettrait pas de régler la
volonté politique des gouvernants qui ont pour devoir de veiller
à l'organisation et à l'orientation de la recherche sur le plan
administratif, et à la subventionnée de son activité.
Ainsi, deux interrogations nodales taraudent notre esprit.
Elles constituent pour nous des exigences principielles : l'État ne
trouverait-il pas son salut en associant les chercheurs dans
l'élaboration des politiques publiques de développement pour
atteindre cet idéal de progrès sociaux auquel il aspire ? Les
chercheurs ne trouveraient-il pas leur salut en s'inscrivant dans une logique
d'invention, de création, d'innovation multisectorielle afin de
contribuer au développement de la nation ?
184 Actuel Directeur Général de la DGRSI, entretien
tenu le 24 novembre 2020, au sein des locaux de la DGRSI, situés au
centre-ville de Libreville.
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