A- Fondement et généralisation des sommets sur
l'environnement et le climat
Plusieurs événements d'ordre scientifique et
technique ont modifié la perception des rapports entre l'homme et son
milieu. Le problème scientifique est relativement ancien et des
chercheurs l'ont identifié depuis la fin du XIXe
siècle3. Ces derniers sont considérés comme
précurseurs scientifiques de la dynamique climatique et de catastrophes
naturelles4. Dès la seconde moitié de XXe
siècle, des concertations sont organisées afin
d'appréhender ces phénomènes.
1- Motivations et émergence de la conscience
écologique des années 50 et 60
Les années 1950 ont été marquées
par des événements considérés comme catalyseurs de
la prise de conscience progressive de l'homme sur les modifications de
l'environnement. La décennie 1960 a connu d'importantes
variabilités naturelles du climat à l'instar de la terrible
sècheresse subie par le Sahel et la série d'hivers extrêmes
et rigoureux observés dans l'hémisphère nord. Dès
lors, les questions écologiques sont devenues une urgence scientifique
et sociale en Occident.
a) Motivations ayant conduit à l'émergence
de la conscience écologique
La Seconde Guerre mondiale et la guerre froide sont ici
porteuses, en sciences du climat et bien dans d'autres domaines. Après
la guerre, la science connait un développement spectaculaire dont
l'objectif principal était de pallier aux besoins d'une population
ruinée par ce conflit. Il était question d'assurer le
bienêtre social et de relever un niveau de vie équivalant à
celui des années d'avant-guerre. On assiste alors à la
transformation radicale des processus de production agricole et industrielle
qui se manifestent par la mécanisation accrue de l'agriculture,
l'utilisation des pesticides, la chimie de synthèse...5 De
même, la réalisation des observations
météorologiques, les satellites en orbite terrestre,
couplées aux progrès de l'informatique favorisent
l'évolution de la physique et la science météorologique.
Le lancement en 1957 de nouvelles observations géophysiques à
l'occasion de l'Année Géophysique Internationale (AGI) en est une
conséquence de cette évolution6.
3 S. C. Aykut & A. Dahan, "La gouvernance du
changement climatique : Anatomie d'un schisme de réalité", In D.
Pestre, Gouverner le progrès de ses dégâts, Paris,
Editions la Découverte, 2014, p.97.
4 Parmi ces scientifiques nous avons Joseph
Fournier(1768-1830) avec sa « Théorie analytique de la chaleur
élaborée en 1822 ; William Herschel ; John Tyndall
démontre que la vapeur d'eau est un puissant gaz à effet de serre
; Louis Agassiz montre l'existence d'une calotte glaciaire ayant recouvert
l'hémisphère nord ; Svante Arhenius ; James Croll ; Thomas
Chrwder Chamberlin ; Milutin Milankovic et Guy Steward Callendar
démontre en 1938 qu'il existe un réchauffement climatique en
cours dont l'humanité est responsable.
5 E. Vieille Blanchard, "Le rapport au Club de Rome :
stopper la croissance mais pourquoi ?", 2015, p.2.
6 Zillman, "Historique des activités...",
p.141.
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Le contexte de l'époque marqué par la guerre
froide, la mise en place d'une coopération par le biais de regroupements
régionaux et sous-régionaux permet la résolution
d'importants problèmes mondiaux. Cet état des choses a
été déterminant dans l'évolution de la climatologie
et a ouvert la voie à la modélisation des premiers diagnostics et
prédictions du système climatique. En 1961, l'Assemblée
Générale des Nations Unies appelait l'Organisation
Météorologique Mondiale et le Conseil International pour la
Science (CIUS) à l'élaboration de nouvelles percées
scientifiques et technologiques pour surveiller, prévoir afin de
maîtriser le temps et le climat7. Dès la fin des
années 1960, certains scientifiques affichaient déjà des
inquiétudes. Pour ces derniers, les concentrations du dioxyde de carbone
dans l'atmosphère, les activités humaines seraient à
l'origine des perturbations du climat à l'échelle
planétaire. Ces inquiétudes vont favoriser l'émergence
d'une conscience écologique en Occident.
b) Emergence d'une conscience
écologique
Les années 1960 constituent le point de repère
important pour tous ceux qui s'interrogeaient sur les rapports de l'homme et
son environnement. Elles correspondaient à une évolution
déterminante des mentalités stimulées par un contexte
historique particulier au cours duquel des événements mettent en
évidence, les contradictions entre un discours politique optimisant les
bienfaits du progrès technique et les conséquences des pratiques
peu soucieuses de la nocivité de leurs effets sur le patrimoine
naturel8. A la fin de cette décennie, grâce aux
inquiétudes scientifiques, le public prit conscience des dangers qui
menaçaient la biosphère. Un mouvement de fond naissait
graduellement en Europe et en Amérique du Nord pour se
généraliser à l'échelle mondiale. Il avait un fort
contenu philosophique correspondant à une conception du monde, incluant
de nouvelles valeurs sociales et rejetant les idéologies
considérées comme matérialistes9. Le mouvement
écologique s'imprégna tous les groupes et partis politiques,
assurant ainsi un large consensus social. L'implication devenait intense car
les gouvernements nationaux se mêlaient peu à peu.
Les organisations internationales ne tardèrent pas
à se saisir de ce nouveau problème. En 1968, le Conseil de
l'Europe adopta des textes fondamentaux sur le contrôle de la pollution
de l'eau et de l'air. L'émergence du discours écologique de cette
époque est explicitement portée sur l'environnement et sur la
protection de la nature10. En Afrique, l'Organisation de
l'Unité Africaine (OUA) élabora la Convention africaine sur la
conservation de la nature et des
7 Ibid.
8 Bergonzini, Changements climatiques,
déforestation...p.112.
9 A. Kiss, Introduction au droit international de
l'environnement, 2ème édition, Genève,
UNITAR, 2006, p.23.
10 A. Grisoni & R. Sierra, "Ecologie ou Umwelt ?
Une revue historiographique des engagements écologistes et
environnementalistes en France et en Allemagne", Revue de l'IFRA,
n°5, 2013, p.7.
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ressources naturelles, modèle d'approche
intégré des problèmes environnementaux abordant la
conservation et l'utilisation des sols, de l'eau, des plantes et des
animaux11. Entre-temps, la planète est victime des
catastrophes écologiques telles que les "marées
noires" de 1967 causées par le naufrage du pétrolier
Torrey Canyon12. Cette situation frappa l'opinion publique et incita
les gouvernements à une réaction immédiate. En 1970, le
Club de Rome commande le rapport Meadows "Halte à la croissance ?", qui
alertait sur l'épuisement des ressources. On constate dès lors
des avancées dans le domaine de la conservation de la faune et de la
flore sauvages et de leur habitat, d'où la convention de Ramsar
adoptée le 2 février 1971 sur la protection des zones humides
d'importance internationale13. Le tournant dans ce combat est
marqué par la publication par le Club de Rome du rapport Meadows,
The Limits of Growth, en 1972. Dès lors, l'environnement global et
le climat seront perçus comme de plus en plus menacés et
vulnérables14. Cet intérêt accru sur la
protection de la nature aboutira à l'organisation des conférences
sur l'environnement et le climat.
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