Le Cameroun et la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiquespar Eric Salomon Ngono Université de Yaoundé I - Master 2 2020 |
B- Impact et vulnérabilité du Cameroun face aux changements climatiquesLe Cameroun, comme la plupart des pays, est exposé aux effets néfastes des changements climatiques. Avec une économie à faible revenu mais en plein essor, le pays ne dispose pas assez de moyens, un matériel de pointe pour y faire face d'où sa vulnérabilité. 1- Manifestations des changements climatiques au Cameroun Selon le rapport du PNUD sur les changements climatiques de 2008, la température annuelle moyenne au Cameroun a augmenté de 0,7°C de 1960 à 2007 avec un taux moyen de 25 Ibid. 26 Ndih Nke "Déforestation au Cameroun...", p.37. 27 Ibid. 80 0,15°C par décennie. La température moyenne annuelle devrait augmenter de 1 à 2,9°C d'ici les années 2060, et de 1,5 à 4,7°C d'ici les années 2090. En cas d'atténuation et de limitation des émissions des GES, ces prévisions d'augmentation de température seraient de 1,5 à 2°C28. Il est à relever que le réchauffement est plus rapide dans les régions continentales à savoir le Nord et l'Est mais plus lent dans la zone côtière et à l'Ouest. Dans le même ordre d'idée, il est à noter que les précipitations moyennes annuelles du pays ont également baissé d'environ 2,9 mm par mois soit 2,2% par décennie depuis 1960. En effet, le Cameroun a connu des précipitations particulièrement faibles entre 2003 et 2005. Toutefois, les projections des précipitations moyennes annuelles sur le pays indiquent un large éventail de changements. Ces changements peuvent varier de -12 à +20 mm par mois soit -8 à +17% d'ici 2090, pour une moyenne de -3 mm par mois soit 0 à 2%29. Le bilan des inventaires des GES au Cameroun est dominé par des absorptions par rapport aux émissions. Le pays est ainsi un faible émetteur de GES avec 0,24% des émissions mondiale30. Ce chiffre parait négligeable mais il est lourd de conséquences car il est à l'origine des modifications climatiques conséquentes au sein du triangle national. 2- Impact du changement climatique sur le Cameroun Les rétroactions du changement climatique sur les systèmes naturels et l'activité sont nombreuses31. Le Cameroun n'est pas à l'abri de cette réalité car le phénomène touche le pays en fonction des spécificités propres à chaque région et manifeste à travers les éléments suivants :
28 Comment aborder la REED+ au Cameroun...p.19. 29 Ibid. 30 Seconde Communication Nationale, 2014, p.40. 31 A. Nefzi, Evaluation économique de l'impact du changement climatique sur l'agriculture : Etude théorique et application au cas de la Tunisie, Thèse de Doctorat en Economie de l'Environnement et de Ressources Naturelles, Institut des Sciences et industries vivant et de l'Environnement (AgroParisTech), 2012, p.7. 81 Ces effets néfastes dus au réchauffement climatique varient en fonction des réalités socio-économiques mais aussi et surtout en fonction des régions écologiques. 3- Vulnérabilité du Cameroun face aux conséquences des changements climatiques Le GIEC définit la vulnérabilité comme étant la propension ou la prédisposition à être affecté de manière négative par les changements climatiques. C'est le "degré selon lequel un système ou une communauté est susceptible, ou se révèle incapable, de faire face aux effets néfastes des changements climatiques, notamment à la variabilité du climat et aux conditions climatiques extrêmes"32. Elle recouvre plusieurs concepts et éléments, notamment la sensibilité d'être atteint et le manque de capacité à agir, à réagir et à s'adapter. Dans le cas d'espèce, la notion de vulnérabilité au Cameroun s'associe au groupe d'acteurs qui se heurtent aux changements climatiques et leur capacité à y faire face. Au Cameroun, les zones les plus vulnérables sont la zone soudano-sahélienne du bassin de la Bénoué et la zone côtière. Le changement climatique expose le pays à trois catégories de vulnérabilité. La vulnérabilité environnementale qui reflète l'impact qu'ont les climats sur le bien-être des hommes, mais aussi sur l'état de la biodiversité et sur les ressources forestières. Il s'agit, en occurrence, de l'impact des phénomènes climatiques intenses comme les cyclones et les fortes sècheresses. Elle se manifeste de façon variable par rapport aux différentes zones écologiques. La vulnérabilité socio-économique quant à elle implique la nécessité de faire appel aux indicateurs socioéconomiques afin d'apprécier la fragilité matérielle ou morale à laquelle sont exposés les communautés face aux effets néfastes des changements climatiques. La vulnérabilité sanitaire prend en compte les conditions de santé des populations face aux effets des changements climatiques. a- La vulnérabilité des zones côtières face aux effets des changements climatiques Le littoral est fortement vulnérable à l'érosion et aux inondations en raison de l'élévation du niveau de la mer. Cela aura un impact sur les écosystèmes côtiers en particulier sur la mangrove33. Les impacts les plus significatifs observés sur la mangrove au Cameroun sont l'érosion, la sédimentation, l'inondation, les crues et la remontée des eaux salées34. Dans cette zone, l'érosion entraîne le lessivage de la côte par les vagues qui transportent les sédiments de 32Rapport de synthèse du GIEC 2014, GIEC, 2014, p.74. 33 https://journals.openedition.org/vertigo/18050 consulté le 5/03/2019 à 21h11mn. 34 Communication nationale initiale ..., p.42. 82 l'amont vers l'aval du bassin à flot qui provoquera la destruction des plages sablonneuses dans la mangrove35. Sur la base du modèle d'inondation du GIEC, qui prend en compte les modifications du niveau de la mer et la microtopographie des mangroves, la perte des terres est estimée d'environ 4 950 ha soit 4,5% de la superficie des mangroves du Cameroun, pour une élévation de 20 cm du niveau de la mer36. De même, la baisse des températures et la hausse de l'amplitude thermique entraineraient la baisse de la diversité des espèces existantes dans la mangrove ainsi que la dégradation des forêts. En effet, l'augmentation de la température de l'ordre de 3,3°C à Douala entrainerait une élévation d'évapotranspiration avec des conséquences sur les plantes aquatiques37. Les effets des changements climatiques se feront aussi sentir sur le développement socio-économique. En effet, l'élévation du niveau de la mer n'aura qu'un impact négligeable sur l'écotourisme au Cameroun. Cependant, une augmentation de 90 cm du niveau de la mer entraînerait l'inondation permanente de 38 villages sur les côtes camerounaises. Elles auront pour conséquence la destruction des habitats et des infrastructures38. Dans la région du Littoral, et particulièrement à Douala, les quartiers Akwa, Deido, Bonamoussadi, Youpwé, Bonabéri et biens d'autres situés sur des basses terres sont vulnérables. Des zones industrielles de Bonabéri et Bassa sont vulnérables aux crues tandis que la zone Bali-Koumassi connait des risques d'infiltration d'eau salée. Les infrastructures des zones côtières sont essentiellement vulnérables aux crues et aux inondations39. En effet, l'aéroport international de Douala, du fait de sa localisation sur une basse terre est exposé aux crues et aux températures malgré la présence de la mangrove qui sert d'écran de protection. De même, le port commercial de Douala, suite aux changements climatiques est aussi vulnérable aux crues et à la sédimentation40. En 1995 par exemple, le pont de Béssengué s'est écroulé, dévoré par les crues de la rivière Mbopi. De même, lors des sècheresses de 1982 et 1984, la salinisation du sol provoqua l'érosion dans les tuyaux de distribution d'eau potable avec pour conséquence immédiate la propagation des épidémies de choléra et de fièvre typhoïde41. Par exemple, si l'élévation du niveau de la mer est de 50 cm en 35 Ibid., p.43. 36 Ibid. 37 Ibid., p.44. 38 Ibid., p.48. 39 https://www.temoignage.re/developpement/changement-climatique/la-vulnérabilite-des-cotes-augmente,10622 consulté le 05-03-2019 à 22h54mn. 40 Communication nationale initiale..., p. 48. 41 Ibid. 83 2050, la ville de Douala perdra 12 km2 des terres côtières, la destruction de 20 000 habitations et le déplacement de 294 000 personnes. Des propriétés industrielles subiront des dommages d'une valeur estimée à 2,740 milliards de Fcfa42. b- Vulnérabilité de la zone soudano-sahélienne Le cycle hydrique étant un facteur déterminant pour la production agricole, la zone sahélienne, vulnérable par l'absence de l'eau impacte sur l'agriculture43. Dans le cadre du Plan National d'Adaptation aux Changements Climatiques (PNACC), il en ressort que la zone soudano-sahélienne connaît une baisse de précipitations de 4,07% par décennie au cours des six dernières décennies44. La biodiversité de la zone soudano-sahélienne est vulnérable aux changements climatiques. En effet, l'écoulement des eaux des monts Mandara vers la plaine d'inondation de Waza-Logone, procure à cette zone une bonne couverture végétale. Mais, avec la construction de la digue de Maga en 1979, le cycle des crues est devenu irrégulier dans la plaine d'inondation, provoquant alors l'assèchement des marres. On a observé dès lors de forts mouvements de migrations des populations et des animaux vers la vallée de la Bénoué. La pression exercée sur cette zone a accéléré le risque de dégradation de la flore45. En réaction aux changements climatiques provoqués une augmentation des précipitations, de nombreux projets de retenue d'eau seront construits, avec pour conséquence la prolifération des moustiques, vecteurs de transmission du paludisme. Ainsi, l'augmentation des précipitations résultant des changements climatiques va entraîner une diminution des épidémies de méningite46. Au regard des différentes sources d'émissions qui rejettent dans l'atmosphère des GES préjudiciables au climat, le Cameroun, connaît depuis plusieurs décennies, les conséquences du réchauffement climatique. Cependant, quel est le cadre juridique et institutionnel mis sur pied par les pouvoirs publics pour encadrer les activités de lutte contre les changements climatiques ? II- Elaboration d'un cadre juridique et institutionnel
fiable à la mise en oeuvre de La mise en oeuvre de la CCNUCC nécessite la mise en place des bases aux compétences diverses. Sur la base des textes internationaux, le Cameroun s'est doté, d'une part, des instruments juridiques dans le but de légiférer et règlementer toutes initiatives dans le domaine 42 Ibid. 43 Nefzi, Evaluation économique de l'impact du changement climatique..., p-56. 44 F. Saha, "Adaptation aux risques naturels et incertitudes climatiques en milieu soudano-sahélienne au Cameroun", NAAJ, Revue africaine sur les changements climatiques et les énergies renouvelables, Volume 1, numéro 1, 2019, en ligne. https://www.revues.scienceafrique.org/naaj/texte/saha2019/ consulté 8-03-2019 à 11h. 45 Communication nationale initiale..., p. 49. 46 Ibid., p.50. 84 de la lutte contre les changements climatiques et, par ricochet, celui de la protection de l'environnement. D'autre part, le gouvernement a créé des institutions avec l'appui des acteurs du secteur public et privé pour l'initiation, la réalisation et le suivi des projets dudit secteur. |
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