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La répression de l'infraction de viol sur mineur en droit burundais à  la lumiere de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989


par Jean Bosco MUHUNGU
Université de Nantes - Master 2 en Droit International et Europeen des Droits Fondamentaux 2021
  

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ANNEXE

TABLE DES MATIERES

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INTRODUCTION GENERALE

L'introduction de cette étude est scindée en trois parties : Le contexte et la délimitation de l'étude

(I), le cadre (II) et la conduite de l'étude (III).

I. CONTEXTE ET DELIMITATION DE L'ETUDE

Le contexte mérite d'être précisé(A). Il en est de même de sa délimitation (B).

A .CONTEXTE DE L'ETUDE

L'Etat du Burundi reconnait sans ambages «Qu'actuellement, la situation sécuritaire est relativement bonne n'eussent été les cas de banditisme, des vols à mains armées et des viols qui sont commis à cause des armes qui circulent un peu partout dans le pays et du fonctionnement parfois lacunaire du système judiciaire1 ».

Nous nous attèlerons à analyser la recrudescence de ce phénomène sous l'angle du contexte d'abord historique (1), ensuite social ou culturel (2), enfin, le contexte économique(3).

1. Contexte historique

Le Burundi a ratifié la Convention internationale des droits de l'enfant le 16 août 19902. En rapport avec la date du 20 novembre 1989, qui est celle d'adoption de la Convention par l'Assemblée Générale de l'Organisation des Nations Unies, le Burundi a manifesté une forte volonté politique en adhérant à cette convention dans un délai relativement court. Il se pose la question de savoir si le Burundi a eu le temps de préparer les contours de mise en oeuvre de la CIDE afin d'honorer les engagements internationaux souscrits.

Le Comité des droits de l'enfant recommande aux Etats parties de fournir le rapport initial deux ans après la ratification de la Convention, les autres rapports étant produits tous les cinq ans. Le Burundi devait produire son rapport initial le 16 août 1992. Tel n'a pas été le cas, car le Burundi a

1 2èmeRapport du Burundi à la CIDE

2 Décret-loi 1/032 du 16 aout 1990 portant ratification de la Convention internationale des droits de l'enfant

9

déposé son rapport initial le 31 juillet 19983, soit six ans après la date prévue. La situation socio-politique n'était pas des meilleures. Les articles 252 et 253 du rapport parlent des viols sur mineur tandis que l'introduction du rapport évoque que le Burundi fait face à une guerre interne qui menace les droits des enfants4 (points 8 et suivants).

Malgré la ratification, la CIDE n'a pas produit les effets escomptés à la lecture des rapports périodiques d'évaluation du Burundi qui ont suivi la ratification de celle-ci. Avant de ratifier la CIDE, le Burundi aurait dû prendre des mesures préparatoires de mise en oeuvre et notamment un travail de sensibilisation, d'écoute et de consultation populaire.

Après les crises socio-politiques répétitives qui ont entrainé la recrudescence du viol, la justice et le droit sont en pleine reconstruction comme bien d'autres secteurs de la vie nationale. La recrudescence du viol est inversement proportionnelle aux performances du secteur judiciaire et répressif. Si les institutions judiciaires sont faibles, la répression du viol sur mineur devient peu effective et le phénomène criminel de viol augmente en proportion.

Le Burundi recouvre la paix progressivement. Deux sur les trois protocoles de la CIDE ont été ratifiés5.L'ordre juridique interne burundais reprend à son compte la plupart des dispositions sur les droits de l'enfant incarnés par la CIDE. Le Code pénal burundais de 20176 punit de 10 à 15 ans de servitude pénale et d'une amende de toute exploitation sexuelle d'enfants à des fins commerciales. Cette loi punit les viols sur mineurs7des mêmes peines ci-haut citées, les auteurs des violences et abus à l'encontre des mineurs. Il en découle que le viol sur mineur est assimilé au viol avec violence, encore que la violence ne devrait pas être confondue à la minorité. L'âge de la majorité civile est de 21 ans8.Cet âge est plus élevé par rapport à celui fixé par la CIDE qui est de 18 ans9. Il s'agit d'un cas d'illustration d'un point de non recoupement entre une disposition de la CIDE, donc constitutionnelle et celle d'une disposition légale du droit interne

3 Rapport du Burundi au Comité des Droits de l'enfant de la CIDE enregistré sous CRC/C/3/Add.58 du 31 juillet1998

4 Point 8 et suivants, Idem

5 Le premier protocole de la CIDE et le deuxième protocole de la CIDE

6 Loi no 1/27 du 29 Décembre 2017 portant révision du Code pénale burundais.

7 Art. 577 à 580, Idem.

8Art.335 du Décret-loi n° 1/024 du 28 avril 1993 portant réforme du Code des personnes et de la famille au Burundi 9Art.1 de la CIDE

10

burundais, une inobservation de la CIDE par l'ordre juridique interne burundais qui relève de l'inconstitutionnalité.

Néanmoins, « 6% des filles burundaises entre 15 et 19 ans sont mariées et une sur 37 donne naissance à des enfants, ce qui indique que le mariage des enfants et le viol des mineurs sont des problèmes qui menacent la vie et le bien être de nombreuses jeunes filles au Burundi. Force est de constater malheureusement, qu'il n'y a eu, en revanche aucune poursuite pénale de cette nature en 2018 »10.L'impunité constitue un défi majeur auquel il faut remédier.

A côté du Code pénal burundais, une loi portant prévention, protection des victimes et répression des violences basées sur le genre a été promulguée11. Elle sera mise à contribution lors des développements ultérieurs lors de l'évaluation des avancées des textes de lois en rapport avec les définitions proposées.

2. Contexte socio-culturel de la répression de l'infraction de viol sur mineur en droit burundais

Le contexte socio-culturel occupe une position importante dans la répression de l'infraction de viol sur mineur en droit burundais à travers une tolérance relative du viol, une certaine banalisation du viol qui tend plutôt à réprimander la victime. La société traditionnelle burundaise ne distinguait pas le droit civil et le droit pénal, ni la majorité civile et la majorité pénale. Il en est de même des circonstances aggravantes ou atténuantes. Le monde rural est le plus représentatif de la population burundaise qui vit à plus de 91%à la campagne12. Il en est de même des mineurs qui représentent plus de 55% de la population burundaise selon les rares statistiques disponibles. La population âgée de 0 à 14 ans représente 45,5%13.

Le concept de mineur n'est pas compris de la même façon dans la civilisation judéo-chrétienne et la civilisation africaine en général, et la civilisation burundaise en particulier. L'âge chronologique, si essentiel dans l'établissement du statut de mineur, n'est pas compté de la même façon dans les deux civilisations.

10 Rapport du Département d'Etat Américain, 2019.

11Loi n° 1/013 du 22 septembre 2016 portant prévention, protection des victimes et répression des violences basées

sur le genre

12 ISTEEBU. Enquête agricole au Burundi de 2011 à 2012.

13 https://www.humanium.org icd consulté le 28/2/2021

11

La civilisation burundaise est une civilisation orale et non-écrite. Selon le Professeur Jean VANSINA, les Rundi14 mesurent du temps à l'aide des phénomènes naturels récurrents. La course du soleil définit le jour, les phases de la lune le mois, l'alternance des saisons, l'année. La division de la journée se fonde sur le champ du coq, le lever du soleil, le chant des oiseaux ; la position du soleil et les activités du bétail15.

L'enfant appartient à la communauté (Umwana si uw'umwe)16 dans la coutume burundaise. Les droits se conçoivent en rapport avec la communauté dont il est membre. Cette communauté en général et sa famille en particulier, disposent des droits coutumiers concurrents à ceux de l'enfant, tels que consacrés par la CIDE selon des degrés variables sur le mineur. L'enfant est un être vulnérable qu'il faut prendre en charge en même temps qu'on lui inculque des valeurs de la société burundaise.

Il sied de s'interroger si le droit positif burundais s'approprie du droit coutumier burundais et le droit international des droits de l'homme en rapport avec les instruments internationaux protecteurs du mineur contre le viol et comprendre quelles en sont les grandes articulations. Autrement, sur le plan institutionnel, il s'agit d'une analyse du pouvoir d'appréciation souveraine du juge qui est tiraillé entre le droit international de conception universaliste, individualiste, abstrait de l'enfant et le droit interne burundais, ce dernier étant lui-même teinté de la coutume de conception communautariste, particulariste de l'enfant. Pour mémoire, le droit interne burundais est la sommation du droit positif burundais et le droit coutumier burundais. Face à cette culture de la complicité, le législateur burundais a introduit les dispositions de la CIDE et deux de ses trois protocoles pour renforcer le dispositif législatif burundais existant en matière de protection des droits de l'enfant, dont le viol.

Le Burundi a aussi ratifié la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant. Sur le plan matériel, cette dernière semble plus proche de la civilisation burundaise, en ce sens qu'elle s'inspire des coutumes et civilisations africaines, elles-mêmes influencées certes par la civilisation judéo-chrétienne, mais culturellement proches de la coutume burundaise.

14 Habitants du Burundi.

15 VANSINA, J., La légende du passé. Traditions orales du Burundi, Tervuren : Archives d'anthropologie, 1973, p .16.

16 HAKIZIMANA, A., Naissance au Burundi : entre tradition et modernité, Paris : L'Harmattan, 2002, p.102

12

A côté du législateur, le juge pénal burundais essaie de sévir et de réprimer les acteurs des viols sur mineurs. La justice pour mineurs a été instituée au niveau de la police, des cours, des parquets et tribunaux. Mais il s'agissait plus des mineurs en conflits avec la loi que des mineurs victimes. Le Ministère public a des pouvoirs d'auto-saisine assez larges consignés dans le Code de procédure pénale17.Mais le juge pénal est lui-même issu de la société et de la coutume burundaise. Il en subit les pesanteurs sociologiques et reste tiraillé entre sa coutume et le CIDE.

Dans une même famille, l'exhérédation (guca) était prononcé contre un auteur du viol sur la fille mineure du de cujus, pour indignité. Le bannissement était pris à l'initiative de n'importe quel membre de la famille. La formule la plus usitée en la matière était la suivante : « Nous te maudissons et nous t'excluons de la liste de nos enfants (Turakuvumye, turaguciye mu bana bacu) ».En contrepartie de la responsabilité collective du clan, ce dernier dispose d'un pouvoir de coercition à l'endroit du délinquant qui se voyait retirer son statut réel et personnel. Le criminel banni était contraint de s'exiler vers un endroit où il n'est pas connu. Mais ce cérémonial était assez rare et n'était mis en branle qu'en cas de refus ou d'impossibilité de transiger. Dans la coutume burundaise, les droits de l'enfant, quoique collectivement protégés, sont négociables et aliénables au bon gré des parents et de la communauté au détriment de l'intérêt supérieur de l'enfant18.

3. Contexte économique de la répression de l'infraction de viol sur mineur en droit burundais

Le contexte économique répond aux conditions de développement d'un Etat, afin de fournir un cadre d'épanouissement approprié, qui puisse permettre au mineur de jouir de ses droits universels, indivisibles et inaliénables. L'absence d'un contexte économique favorable, au Burundi, porte préjudice, directement ou indirectement au mineur.

Le Burundi apparaît régulièrement parmi les quelques pays les plus pauvres du monde19.L'économie du Burundi est l'une des plus faibles de l'Afrique et du monde. En 2018, le PIB du Burundi est 3,037 milliards USD, le taux de croissance du PIB est de 1,5 de variation et le

17 Loi no1/09 du 11 mai 2018 portant modification du Code de procédure pénale au Burundi 18Art. 3 et 4 de la CIDE

19 USA Today, 2018.

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PIB par habitant est de 271,75USD20. Il s'agit d'une économie basée essentiellement sur l'agriculture pluviale et l'élevage. La population dépend à plus de 90% de cette agriculture, qui représente plus de 50% du PIB. La superficie du Burundi est de 27834 km2 pour une population de plus 11 millions d'habitants, la moitié de la population active a entre 10 et 14 ans21.Les enfants au Burundi sont souvent incapables de profiter de l'accomplissement de leurs droits à cause du contexte difficile dans lequel ils vivent. Ils sont sujets à de sérieux risques qui diminuent leur sécurité incluant notamment le trafic d'enfants, la pauvreté, les catastrophes naturelles, et la migration forcée22.

La précarité des parents se rapporte sur celle des enfants et offre un terrain propice aux viols et à l'impunité de ce crime. Le principe de l'indivisibilité des droits fondamentaux implique l'existence d'un minimum de conditions économiques dans lesquelles évoluent les droits de l'enfant. La forte pression démographique, la pauvreté et la promiscuité constituent des catalyseurs de viol sur mineur. Certains mineurs ne reçoivent pas de quoi satisfaire les besoins primaires les plus fondamentaux, les parents, pour les mineurs qui en ont, ne pouvant offrir que ce qu'ils ont eux-mêmes. Un parent pauvre préfère transiger et obtenir une indemnisation pécuniaire au lieu d'aller porter plainte auprès des juridictions qui emprisonneront le coupable après de longues et coûteuses procédures judiciaires. Une fois le coupable mis aux arrêts, un parent pauvre peut estimer implicitement qu'il ne percevra pas de dédommagement car l'auteur du viol n'aura plus de revenu une fois en prison23.

La vulnérabilité est accentuée chez les mineurs orphelins. La solidarité de la famille africaine est mise à mal par la précarité économique des familles d'accueil. L'orphelin mineur devient plus exposé au viol, le violeur potentiel peut profiter de cette précarité, en lui faisant miroiter des cadeaux, des pacotilles, des plaisants ou une petite somme d'argent comme appât. L'Etat du Burundi a multiplié des initiatives louables quoiqu'insuffisantes. Les enfants de moins de 5 ans bénéficient de la gratuité des soins de santé et l'enseignement primaire est gratuit. Ce qu'on gagne en étendue, on le perd en intensité. Les mesures d'accompagnement n'ont pas toujours été à la hauteur des ambitions de l'Etat, faute de subventions suffisantes de l'Etat.

20 Banque mondiale, 2018.

21 PNUD. Fiche sur le Burundi, 2019.

22 https://www.humanium.org icd (consulté le 28 /2/2021)

23 Propos d'un père anonyme à propos de l'abandon de poursuites contre l'auteur du viol de sa fille mineur après conciliation.

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Une autre initiative consiste en soins préventifs octroyés aux victimes de viol par des centres de santé spécialisés. Malheureusement, ces centres de santé spécialisés se trouvent pour la plupart en ville, loin des populations rurales les plus représentatives. La victime peut éprouver des difficultés de rassembler les ressources nécessaires afin de se porter sur les lieux des soins.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery