La problématique de la crise écologique selon Vittorio Hà¶slepar Adolphe Aganze Ntamwenge Institut supérieur de philosophie et de théologie, saint Jean XXIII de Kolwezi (Scolasticat franciscain) - Bachelier en philosophie 2017 |
Chapitre premier : LES SOURCES DE LA CRISE ECOLOGIQUE SELON VITTORIO HÖSLEI.0.IntroductionLorsqu'il y a crise, il doit y avoir nécessairement la source qui la cause. La crise écologique a émaillé la réflexion de Hösle lors de ses fameuses conférences tenues à Moscou il y a de cela vingt-huitans. Il n'est pas resté indifférent face à la menace incontestable de l'environnement, ce qui l'avait poussé à affirmer que le XXIème siècle sera le siècle de l'environnement du fait que les hommes habiletés à intervenir au cri alarmant de la Terre face aux catastrophes écologiques n'ont pas pu faire grand-chose. Cette crise écologique trouve ses sources dans l'imposition de l'espèce humaine sur d'autres êtres de l'univers à partir du cogito cartésien qui octroie à l'homme le primat sur la nature. Dans ce chapitre nous parlerons de l'anthropocentrisme moderne aveugle, du progrès technoscientifique et le paradigme de l'économie capitaliste. I.1.L'anthropocentrisme moderne aveugleLa pensée écologique deHösle s'attelle sur le primat de l'être humain sur la nature au cours de l'histoire des idées en Occident.L'analyse sur le déséquilibre qui s'observe entre l'homme et la nature nous laisse voir que le prolongement de l'époque médiévale vers le temps moderne avait donné à l'homme la souveraineté sur l'ensemble des autres êtres.L'homme ayant oublié sa place dans la nature, il entre dans une ère nouvelle où son pouvoir commence à assujettir la nature. En se plaçantau centre de l'univers, l'être humain rompt l'harmonie du début. Ilbrise toute relation horizontale avec la nature. Il sesitue dans une boucle comparable à la monade leibnizienne. Ce qui pousse Hösle à affirmer que « les catastrophes écologiques sont un désastre qui nous guette dans un avenir pas si lointain que cela... ».1(*)Il avait remarqué le sombre canevas de l'existence humaine dans l'avenir. L'anthropocentrisme, qui, étymologiquement « anthropos : homme » et centre, est une doctrine formée vers le XIXème siècle. Il exprime « la tendance à faire de l'homme le centre du monde et à considérer son bien comme cause finale du reste de la nature »2(*).Pierre-François Moreau renchérit en montrant que cet anthropocentrisme a poussé l'homme à un agissement aveugle et ignorant devant les causes ou les dommages auxquelsHösle a fait allusion ci-dessus car « les hommes, conscients de leurs actions mais ignorants des causes des celles-ci, se figurent être libres...ils en viennent ainsi à considérer toutes les choses existant dans la nature non comme des effets des causes réelles, mais comme des moyens pour leur usage »3(*) Par ailleurs,Hösle voit dans la dichotomie cartésienne une source évidente de la crise écologique actuelle. Le« cogito ergo sum » de Descartes avait poussé l'être humain à croire être le souverain des êtres. Cette opposition avait érigé un rempart entre res cogitans, la chose pensante et la res extensa, la chose étendue.Cette rupture va conduire à une subjectivité.Christian Godin montre que le début de la quatrième partie du Discours de la méthode est introduit par le fameux cogito qui est pour Descartes comme le premier principe indubitable de la philosophie4(*). Cette certitude cartésienne fait preuve de la conscience de soi car penser c'est exister comme être pensant, ce qui définit le cogito comme à la fois prototype et l'archétype de l'idée claire et distincte car « toutes les fois que je serai en possession d'une idée aussi claire et distincte que le cogito, je pourrai dire que je suis en possession d'une idée vraie »5(*). C'est dans la sixième partie du Discours de la méthode que nous retrouvons la fameuse expression cartésienne hissant l'homme au niveau de maître et possesseur de la nature6(*) à partir des notions générales de la physique car, dans cette partie Descartes espère voir la connaissance physique utilisée pour la maîtrise de la nature et la santé du corps. L'intention est certaine, mais l'action plonge les écologistes en colère et queHösle qualifie de révoltant du fait que jamais dans la Grèce antique, la physis ne pourrait être sous le joug du sophos car « la physis désignait le tout de l'être en mouvement et l'être humain était conçu comme prenant place au sein de cet ensemble...jamais il n'aurait pu venir à l'idée des grecs de saisir l'être humain dans un rapport d'opposition à la physis »7(*).Mais, nous remarquons que l'homme moderne est aveuglé par le désir de la position privilégiée dans l'univers face à la nature et devienne ainsi l'espèce dominante dans la plupart des écosystèmes de la planète8(*).D'où, une exploitation de la terre exigeante en vue de la satisfaction des besoins économiques par le moyen du progrès de la technique.Pour sa part, Eustache Nyandwe Muvula estime que la domination de l'homme sur les autres êtres est la principale conséquence de l'anthropocentrisme qui conduit à la crise écologique car « lorsque cette domination s'enivre dans un succès aveugle, elle peut constituer un grand danger dans le domaine écologique »9(*). Puisque la lutte est commune et le constat est général, face à cet anthropocentrisme moderne aveugle qui est à la base de la crise écologique et la dévastation actuelle de l'environnement, dans son encyclique sur la Sauvegarde de la maison commune, le pape François met en cause l'idée erronée dans la présentation chrétienne de l'être humain comme celui qui doit dominer le monde. Le souverain pontife remarque qu' « une présentation inadéquate de l'anthropologie chrétienne a pu conduire à soutenir une conception erronée de la relation entre l'être humain et le monde »10(*) du fait que le christianisme est la seule des religions monothéistes à réserver la place privilégiée à l'être humain au sein de ses enseignements retrouvés dans le Magistère,bref dans son dogme.L'absolutisation de la subjectivité retrouvée dans la pensée cartésienne fait montre de la tendance de l'être humain moderne à s'élever plus haut au-delà du monde.D'où, le tremplin vers la dictature voire l'assujettissement du reste des êtres, ce qui conduit à l'exclusion car, pour Descartes rien n'existe en-dehors de son « Je » et s'il existe un monde, ce dernier n'est constitué que des automates. Cette attitude cartésienne pousseHösle à dire que « la doctrine cartésienne de la nature est au coeur du présent ravage exercé par l'être humain sur la nature »11(*) en la dépouillant de sa valeur intrinsèque et conduit aux actes occultés à l'égard de notre Terre. Eu égard à ce qui précède, nous remarquons que la conséquence tragique de cette subjectivité cartésienne a conduit à obscurcir le point des interactions des organismes avec leur environnement.De fait, Descartes « ...s'appuie sur l'ordre de domination donnée par Dieuà Adam dans le livre de la Genèse pour exclure a priori toute limite »12(*). * 1 V. HÖSLE, Philosophie de la crise écologique, éd. Payot & Rivages, Paris, 2011, p. 2. * 2 P.F. MOREAU, Anthropocentrisme, in Grand dictionnaire de la philosophie de Michel BLAY, éd. Larousse-CNRS, Paris, 2012, p. 40. * 3MOREAU, Anthropocentrisme, 40. * 4 Cfr. C.GODIN, La philosophie pour les nuls, éd. Éditions First, Paris, 2007, p. 278. * 5DESCARTES cité par GODIN, La philosophie pour les nuls, 278. * 6 Cfr. R.DESCARTES, Discours de la méthode, éd. Jean-Vrin, Paris, 1962, p. 62. * 7HÖSLE, Philosophie de la crise écologique, 69. * 8 Cfr. R. BARBAULT, Écologie générale : Structure et fonctionnement de la biosphère, éd. Dunod, Paris, 2008, p.379. * 9 E. NYANDWE MUVULA, Problématique de la crise écologique. Lecture de Philosophie de la crise écologique de Vittorio Hösle, Mémoire de licence en Philosophie à l'Université de Lubumbashi, 2016, (inédit), p. 3. * 10FRANÇOIS, Laudato si' sur la sauvegarde de maison commune, éd. Mediaspaul, Kinshasa, 2015, n°115, p. 114. * 11HÖSLE, Philosophie de la crise écologique, 77. * 12 G. DANNEELS, L'Homme et son jardin : Écologie et création, éd. Bimba Landmann, Bruxelles, 2008, p. 23. |
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