Analyse de l'efficacité technique des exploitations familiales rizicoles dans la région de l'extrême-nord: cas du bassin rizicole de Magapar Alex Kamgang Ndada Université de Maroua - Master II en Economie Appliquée 2019 |
2. problématiqueL'agriculture familiale africaine a montré des capacités d'adaptation remarquables ces quarante dernières années : intégration au marché, intensification des systèmes de production, diversification de la production et des activités, adaptation à la baisse des prix agricoles (Bélières et al., 2003). Adaptation n'est toutefois pas synonyme d'amélioration des performances et des conditions de vie. Beaucoup reste à faire pour rendre l'agriculture plus compétitive et plus moderne à la fois sur les plans technique, organisationnel et surtout économique. L'agriculture, pour faire face aux exigences du développement économique et permettre l'accession au développement se doit d'améliorer ses performances (Badouin, 1985). La revitalisation des économies de l'Afrique subsaharienne devrait passer par une relance soutenue de la croissance agricole. Le taux de croissance de la production agricole est influencé par trois principaux facteurs : le volume et le type des ressources mobilisées dans la production, l'état de la technologie et enfin l'efficience avec laquelle ces ressources sont utilisées. Cette efficience des ressources permet d'identifier les possibilités d'accroissement de la production sans ressources financières supplémentaires, elle est également source d'accroissement de la productivité (Nyemeck, 2004). Ainsi donc le concept d'efficience est fondamental dans la croissance agricole en Afrique (Schultz, 1964). Après son indépendance obtenue en 1960, le Cameroun, comme bon nombre de pays africains, s'est spécialisé dans les produits primaires notamment les produits agricoles. Ces produits étaient destinés en partie à l'exportation principalement vers l'Europe. Cette spécialisation entre en droite ligne avec d'une part, les théories du développement, selon lesquelles un pays, dans les premières phases de son développement, amorce celui-ci dans les activités du secteur primaire, et d'autre part, la théorie de l'avantage comparatif. Les devises obtenues devaient permettre de financer les investissements pour mettre en place le tissu industriel, plus apte à créer les conditions véritables d'un développement économique. Ainsi donc l'agriculture au Cameroun est la principale activité du monde rural ; elle avait été évalué au tiers du PIB national en 2001, le secteur agricole est aussi le premier employeur avec près de 60% de la population active et le premier pourvoyeur de devises avec 55% du total des exportations (DSRP, 2005). Ainsi, ce secteur occupe une place stratégique dans l'économie nationale en termes de création de richesses, d'échanges extérieurs, d'emplois, de stabilité sociale, de sécurité, d'autosuffisance alimentaire et d'amélioration du cadre de vie en milieu rural. Face aux défis économiques de l'heure, il constitue incontestablement la clé des solutions à apporter au développement du pays. Malgré ce poids important, le secteur agricole demeure toujours dominé par de petites exploitations de type familial où la production des cultures vivrières occupe une place de choix. Les exploitations familiales agricoles (EFA) qui occupent la grande majorité de la population, se caractérisent cependant par une faible capitalisation en utilisant très peu de facteurs de productions modernes (outillages agricoles). Ainsi, les exploitations familiales agricoles semblent être le leitmotiv de la politique agricole camerounaise. Il s'avère donc nécessaire de s'interroger sur le fonctionnement et la logique socio-économique de celles-ci. Pour que la production des EFA leur permette de répondre à la demande des marchés urbains et des produits d'exportations, elles doivent évoluer pour s'insérer dans une économie de marché (approvisionnements en produits alimentaires, en matières premières et énergie, en facteur de productions et en débouchés) (Komon et Jagoret, 2004). Vue son importance dans le tissu économique camerounais, le gouvernement s'est fixé comme objectifs : d'accroître les revenus des producteurs d'environ 4,5% par an en vue de réduire de moitié, à l'horizon 2015, la pauvreté en milieu rural ; d'assurer la sécurité alimentaire des ménages et de la nation ; de maitriser les importations des produits de grande consommation (le riz et le blé dont le volume des importations a doublé dans la dernière décennie). Pour atteindre ces objectifs, le gouvernement avait centré son action sur le développement des exploitations familiales agricoles qui représentaient plus de 80% de l'appareil de production. Cependant celles-ci se caractérisent par de faible niveau de production et de productivité (MINADER/MINEPIA, 2007). Les résultats de l'ECAM 4 montrent un impact très mitigé de cette action du Gouvernement dans le développement des activités du monde rural. Les outils encore utilisés sont essentiellement rudimentaires et l'essentiel des activités de production est financé sur les fonds propres ou par l'aide des parents ou amis. Plus d'un quart de la population se consacre à l'élevage et moins de la majorité au sein de la population utilise les services vétérinaires. Ce constat montre l'urgence de la nécessité des interventions ciblées des pouvoirspublics dans le financement de l'agriculture et de l'élevage sous diverses formes poursoutenir la production agricole, sortir une frange importante de la population de la pauvreté. Ces actions permettraient de limiter la dépendance des populations vis-à-vis de l'extérieur. En délimitant notre étude à la filière rizicole camerounaise, des constats peuvent être misent en exergue, en effet le riz est l'une des principales céréales consommé par les camerounais(source). Selon une évaluation globale, le Cameroun jouit de l'autosuffisance alimentaire. Toutefois cette autosuffisance demeure très précaire. Les évènements de Février 2008 sont encore de fraîche mémoire pour témoigner de cette précarité. Ces « émeutes de la faim », même si elles ont parfois des relents politiques, ne sont jamais très loin et risquent de continuer à embraser nos villes tant que des solutions concertées et efficaces, ne sont pas trouvées pour assurer une sécurité alimentaire durable aux populations. Mais l'horizon d'une abondance alimentaire pour tous semble encore lointain puisque des données récentes de la Banque Mondiale et de l'Institut National de la Statistique révèlent qu'environ 28% des Camerounais vivent en situation d'insécurité alimentaire et que trois des dix régions que compte le pays, à savoir l'Extrême Nord (25% de taux d'autosuffisance alimentaire), le Littoral (56%), et le Nord (83%), sont déficitaires sur le plan alimentaire. Les difficultés de transfert des productions entre les zones productives et les zones déficitaires et la pauvreté sont les principaux facteurs à l'origine de cette insécurité (Félix, s.d.). En effet, la production locale de riz, ne permet pas de satisfaire la demande exprimé par la population, et qui est estimé à 300.000t/an 1(*); expliquant ainsi le recours aux importations pour satisfaire la demande. Les importations annuelles de riz au Cameroun principalement d'origine asiatique étaient de l'ordre 470 000 tonnes en 2007, soit environ 28 kg par habitant. Avec une population urbaine de 51% et 4 ménages urbains sur 5 vivants essentiellement du riz, on peut se demander si les manifestations de 2008 n'étaient pas « rizogènes ». Le Cameroun est actuellement le plus grand fournisseur de produits vivriers et maraîchers d'Afrique Centrale, mais paradoxalement, il doit encore importer annuellement d'énormes quantités de riz pour satisfaire la demande nationale Les importations de riz enregistrent une hausse de 18,6% en quantité et 27,9% en valeur par rapport à 2016. Selon l'INS(2018), le Cameroun a importé 728 443 tonnes de riz pour une valeur de 183,7 milliards FCFA en 2017. Et ce, en dépit des droits de douane appliqués depuis janvier 2016 sur ce produit de grande consommation. l'INS(2018)indique qu'en 2017, les achats du riz dans le pays proviennent en totalité de l'Asie (99,8%), principalement de la Thaïlande (85%), de l'Inde (7%) et du Myanmar (2%). Les approvisionnements de la Thaïlande, se justifient selon l'INS(2018) par les prix unitaires plus compétitifs par rapport aux autres pays asiatiques. Si les cours sont restés quasi stables à 500 dollar (250 000 FCFA) la tonne, le prix unitaire à l'importation a enregistré une hausse de 7,9% pour se situer à 252,2 FCFA, le kilogramme. Malgré l'évolution croissante de cette demande, les agriculteurs camerounais réalisent très peu cette spéculation. Le potentiel de production rizicole actuel du Cameroun se situe principalement dans les régions de l'Extrême-Nord, du Nord, de l'Ouest et du Nord-ouest qui représentent 94% de la production et 95% des superficies. La production nationale est estimée à près de 84 000 tonnes /an répartie sur environ 40 000 ha, dont une bonne partie estimée à 15 000 tonnes est assurée en dehors des grands périmètres rizicoles par des petits producteurs villageois dans les bas-fonds, le long des berges de rivières et en culture pluviale. Les riziculteurs connaissent actuellement des difficultés liées notamment à une mauvaise gestion de l'eau, aux prestations de labour déficientes et aux approvisionnements insuffisants en intrants. Sur le plan local, la production du riz paddy a augmenté de 12% pour atteindre 311 674 tonnes en 2016l'INS(2018). Cette embellie est le fruit de la vulgarisation de la culture du riz pluvial et de la distribution d'engrais chimiques. Paradoxalement, une bonne partie de cette production est exportée vers le Nigeria car le riz produit localement est actuellement peu compétitif au Cameroun à cause de l'absence de droits de douane et de TVA sur les importations, des problèmes de transport et de la qualité des produits (taux élevés d'impuretés et de brisures, etc.). Alors que la demande annuelle est estimée, selon le ministère de l'Agriculture, à plus de 600 000 tonnes ; Ce qui n'est pas en elle-même une mauvaise nouvelle, elle reflète juste l'existence d'un marché qui apprécie la qualité du produit ; Pour d'avantager augmenter sa capacité d'autosuffisance et satisfaire la demande extérieur, le Cameroun ce doit d'augmenter ces capacités productives. Le Cameroun envisage de produire annuellement d'ici les dix prochaines années, 1,2 million de tonnes de riz conformément aux objectifs de production de riz du programme de développement de la filière rizicole. Il n'existe cependant aucun problème de débouchés pour le riz national, la demande nationale et régionale excédant largement l'offre. La plupart des riziculteurs villageois tant dans les zones de bas-fonds que pluviales sont regroupés en Groupements d'intérêt commun (GIC) et parfois en unions. Il existe également quelques fédérations, mais la plupart d'entre elles ne sont pas véritablement opérationnelles. En dehors des producteurs, il existe un grand nombre d'opérateurs privés liés à la fourniture d'intrants, la transformation (décorticage), la commercialisation et le transport. Chacun travaille individuellement en suivant sa propre stratégie pour maximiser son profit. Cela entraîne des conflits d'intérêts au sein de la filière et une mauvaise répartition des bénéfices au détriment des acteurs les plus faibles que sont les petits producteurs. Il s'avère donc nécessaire de s'intéresser aux capacités productrices de ces petites exploitations agricoles et de connaître leur niveau d'efficacité technique afin de stimuler leur productivité. Cela conduit à nous questionner sur l'utilisation efficace des facteurs de production permettant ainsi à ces exploitations agricoles familiales d'optimiser leurs coûts de production et d'accroître leurs revenus. Par conséquent, les producteurs vont être en mesure de garantir un prix qui couvre les coûts de production, qui rémunère le capital et qui rémunère les exploitants locale tout en étant compétitif sur le marché. Ce qui stimulera d'avantage la modernisation du secteur agricole mais aussi et surtout l'industrialisation du pays par des industries industrialisantes. 3. Objectifs de rechercheCette étude a pour objectif principal d'analyser l'efficacité technique des exploitations familiales agricoles dans le bassin de production de Maga. Plus spécifiquement, il s'agira de : Ø Déterminer les scores d'efficacité technique et économique dans les exploitations rizicole dans le bassin rizicole de MAGA. Ø Identifier quels sont les facteurs explicatifs des niveaux d'efficacité technique de ces exploitations (l'âge de l'exploitant, la taille de l'exploitation, le niveau d'éducation de l'exploitant, le recours au crédit agricole, l'appartenance à une association, la main-d'oeuvre familiale,). * 1 MINADER(Source) |
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