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La microfinance, un défi d'adaptation au contexte local


par Clara Bécard
HEC Paris - Master in Management 2021
  

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Conclusion

L'étude de la microfinance au Bangladesh et en France nous permet d'identifier des pratiques essentielles au bon fonctionnement de la microfinance, applicables partout :

Procéder en plusieurs étapes. S'assurer que l'on connaît bien le contexte et le potentiel local grâce à des études de marché et de faisabilité. Adapter graduellement l'offre à la demande : commencer par une première étape d'implantation basée sur un produit standard qui a fait ses preuves ailleurs, puis progressivement proposer une variété de produits et de déclinaisons. S'émanciper des modèles extérieurs au fur et à mesure.

Préserver la vocation sociale de l'activité. Lutter contre les dérives liées à la recherche de profit individuel. Être sur le terrain à l'écoute des clients et de leurs besoins pour répondre à la mission sociale première de la microfinance.

Transformer son environnement. Impacter les réglementations et le secteur financier pour créer un contexte favorable et une dynamique de soutien aux activités de microfinance. Cela est notamment rendu possible par la présence d'un leader fort et visionnaire capable de porter ces évolutions.

Se remettre en question et s'améliorer en permanence. Être constamment au fait des évolutions du contexte local et des réglementations pour protéger ses clients et ses collaborateurs. Réaliser des études de satisfaction et d'impact régulières. Investir dans les nouvelles capacités techniques.

Cependant, nous avons également souligné que ces deux pays possèdent des caractéristiques spécifiques avantageuses qui ne sont pas forcément réplicables ailleurs.

Au Bangladesh, la forte densité de population répartie de manière relativement homogène sur le territoire, l'uniformité des pratiques culturelles et les forts sentiments communautaires à l'échelle des villages forment un contexte favorable à l'expansion rapide de la microfinance. En France, la stabilité politique, le cadre réglementaire préexistant, la disponibilité des fonds publics, la présence d'organismes complémentaires et d'un tissu de banques et d'assurances fiable, mais aussi l'accès gratuit à la santé et à l'éducation, ont facilité la création d'IMF qui se concentrent sur leur objectif d'impact social.

L'absence de contexte initial favorable demande d'autant plus d'appliquer les pratiques éclairées que nous avons mentionnées.

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Malgré tout, ces conclusions soulèvent des questions supplémentaires, notamment : comment réussir à s'adapter efficacement à un monde qui évolue à une vitesse toujours plus folle ? Comment même aller au-devant de ces évolutions et prévoir les prochaines tendances mondiales ? S'il s'agit de questions que tous les secteurs doivent se poser, l'enjeu est considérable pour la microfinance, dont les bénéficiaires sont particulièrement fragiles et sensibles aux aléas. Chaque pays doit faire face à ses propres défis, mais il y a trois grandes tendances incontournables qui vont avoir un fort impact sur le secteur dans les années et les décennies à venir.

La première est bien évidemment la gestion des répercussions de la pandémie du Covid-19 et du ralentissement économique brutal qu'elle a généré. Les professions informelles et les emplois précaires sont les premiers impactés, générant une baisse importante de revenus pour les emprunteurs de microcrédits. Les femmes, cible prioritaire de la microfinance dans les pays pauvres, ont vu la pression de la gestion du foyer se dédoubler avec la fermeture des écoles. La situation a nécessité des réponses rapides plus ou moins efficaces.

En France, au-delà des aides de l'Etat qui ont joué un rôle important d'amortisseur, l'Adie a pris le temps de contacter tous ses emprunteurs pour trouver des solutions personnalisées, notamment des reports de mensualités et un accompagnement accentué pour s'adapter au nouveau contexte171. Au Bangladesh, la réponse est essentiellement venue du gouvernement, qui a distribué une aide de 30$ à 5 millions de foyers par transferts téléphoniques, et mis un fonds à la disposition des IMF pour les soutenir financièrement.

Au-delà de ces réponses immédiates, l'impact se fera également sur le long terme. Selon les mots de notre interlocuteur Paul Hailey, «Une différence importante avec le secteur classique qui joue en la faveur de la microfinance est que ses acteurs sont bien davantage prêts à collaborer avec leurs concurrents, et à s'organiser, par exemple pour créer des programmes de restructuration.»172 En outre, comme toute crise, la situation actuelle demande de réinventer le secteur et d'accélérer fortement les innovations. Notamment, la distanciation et la nécessité de soulager rapidement les populations marginalisées grâce aux aides oblige à trouver de nouveaux moyens d'acheminement, ce qui nous mène au deuxième grand défi en cours, celui des nouvelles technologies.

171 Entretien avec Alice Rosado, Directrice générale adjointe de l'Adie, 04/02/2021

172 Entretien avec Paul Hailey, Head of Impact chez ResponsAbility, 05/01/2021

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La deuxième tendance, qui est déjà devenue incontournable pour la microfinance comme nous l'avons vu, est celle de la digitalisation de l'activité. Celle-ci ouvre la porte à de nombreuses nouvelles opportunités. D'une part, elle permet d'atteindre des populations éloignées, et ainsi d'élargir l'impact du secteur. De plus, la forte réduction des coûts qu'elle permet, grâce à l'automatisation et à la sécurisation des services, est indispensable pour pouvoir financer l'amélioration des pratiques en termes d'accompagnement, de collecte de données sur les emprunteurs ou encore de prêts à des montants plus importants pour soutenir un développement plus avant des microentreprises. La International Finance Corporation estime que l'adoption des nouvelles technologies par une IMF lui permet de réduire ses coûts annuels par client de 80%173. La digitalisation permet enfin aux clients de gérer plus facilement et efficacement les services financiers dont ils bénéficient, d'accéder simplement aux recommandations et aux informations pour les accompagner, et ainsi d'augmenter l'impact de la microfinance sur la situation des emprunteurs.

Cependant, l'adoption des nouvelles technologies pose certains problèmes. D'une part, l'amenuisement du contact direct avec le client risque d'entraîner une perte de connexion de l'activité des IMF avec la réalité locale. Pour éviter cela, il est nécessaire d'enclencher une réflexion autour de la mise en place de la digitalisation comme une stratégie d'entreprise à inculquer aux employés à toutes les échelles, plutôt que comme une simple modification des procédures. Il s'agit de ne pas perdre de vue l'objectif, c'est-à-dire l'amélioration de l'impact social. Les solutions digitales peuvent d'ailleurs être très efficaces dans ce domaine si elles sont utilisées de manière appropriée. Elles peuvent permettre d'adapter l'offre, notamment l'accompagnement, aux caractéristiques des bénéficiaires, par exemple leur âge, leurs ressources ou l'activité qu'ils exercent. Par ailleurs, l'utilisation de la technologie signifie l'amplification de la fracture numérique et ainsi de la marginalisation des populations vulnérables. Des partenariats avec les entreprises de télécommunication peuvent être efficaces pour étendre la présence des solutions digitales sur le territoire.

Pour finir, il est indispensable pour la microfinance de se préparer aux conséquences déjà tangibles et qui vont s'exacerber du fait du changement climatique.

173 Baromètre de la Microfinance 2019.

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L'augmentation des aléas météorologiques va fragiliser d'abord les populations déjà vulnérables, dont les sources de revenus sont les plus affectées (agriculture, pêche, etc.). Les IMF doivent donc dès aujourd'hui promouvoir des pratiques plus résilientes. En agriculture, avec l'utilisation de technologies telles que la récupération des eaux ou le choix de semences plus résistantes, mais aussi financièrement, notamment en insistant sur les pratiques d'épargnes. Il s'agit aussi de sensibiliser et d'informer la population, sur ces domaines mais aussi par exemple en matière d'architecture endurante. Les IMF doivent également devenir plus résilientes elles-mêmes et se préparer aux défauts de paiement de leurs emprunteurs, ainsi qu'aux besoins d'innovation en termes d'offres et de projets à financer.

Une autre conséquence du changement climatique sera les vastes déplacements de population déjà visibles du fait des réfugiés climatiques. Un pays comme le Bangladesh, très affecté par la montée des eaux, y est particulièrement exposé. Cela demande de mettre en place les moyens de transfert d'argent nécessaires, notamment grâce à la technologie.

Enfin, la question se pose des pratiques écologiques dans l'activité des emprunteurs. Notamment, en Occident, les micro-entreprises doivent se conformer aux réglementations environnementales et aux attentes des parties prenantes pour avoir des activités économiques pérennes. Certaines initiatives existent déjà au sein de l'Adie, avec des recommandations par métier, mais le sujet reste encore à approfondir.

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Entretien avec Maria Nowak - 13/01/2021

Fondatrice et ancienne présidente de l'Adie et ancienne présidente du Réseau Européen de Microfinance

Maria Nowak est née le 27 mars 1935 à Lwow à l'Est de la Pologne (actuellement Lviv, en Ukraine). Elle vit la guerre et l'invasion de la Pologne par l'Allemagne nazie. A la fin de la guerre, elle part pour la Suisse avec son petit frère, pour rejoindre leur père résistant en exil. En 1946, à l'âge de 11 ans, elle arrive à Paris, sans papiers et sans parler d'autre langue que le polonais. Elle y vit avec ses parents dans des conditions très précaires, ceux-ci ne pouvant pas exercer leurs métiers d'avocat et de médecin en France.

Diplômée de l'Institut d'études politiques de Paris (1956) et de la London School of Economics (1959), elle rentre après ses études à l'Agence Française de Développement (AFD). Dans les années 1980, en tant que Directrice des Politiques et des Recherches à l'AFD, elle participe à l'introduction du microcrédit en Afrique de l'Ouest, sur la base de l'expérience et du soutien de la Grameen Bank. En 1989, elle crée l'Association pour le Droit à l'Initiative Economique (Adie) en France. En 1991, détachée à la Banque Mondiale, elle lance les premiers programmes de microcrédit en Europe de l'Est. Puis, en tant que président d'Adie International, elle participe à la création de plusieurs IMF : microStart en Belgique, Taysir en Tunisie, AFI en Grèce. Elle est également à l'origine de la création de deux réseaux, le Centre de la Microfinance (1996) en Europe et Asie Centrale, et le Réseau Européen de la Microfinance (2003) dans le cadre de l'Union Européenne. Enfin, elle est Conseiller Spécial au Cabinet du Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie entre 2001 et 2003.

Maria Nowak raconte son parcours et ses convictions dans ses livres Banquière de l'Espoir (Albin Michel, 1994), On ne prête (pas) qu'aux riches (J-C. Lattès, 2005) et L'Espoir Économique (J-C. Lattès, 2010).

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Retranscription de l'entretien

1. Comment vous est venue l'idée de fonder l'Adie ?

J'ai rencontré Muhammad Yunus dans les années 80, à l'époque où j'étais directrice d'études à l'AFD. La microfinance m'est d'emblée apparue comme une idée simple et évidente, qu'il était absurde de ne pas mettre en place.

A l'époque, on pensait en France que les gens dans les pays en voie de développement n'avaient pas accès aux crédits et que ce n'était pas un sujet, ce qui n'était pas vrai, les crédits existaient de manière informelle avec des taux très élevés. Il faut se rendre sur place pour se rendre vraiment compte de la situation.

Je me suis rendue au Bangladesh avec un collègue de l'AFD, et vu de près que le besoin de crédits formels était évident, et d'autant plus important que les gens étaient pauvres. Il y a notamment là bas la situation particulière des femmes qui doivent payer une dot qui s'envole ensuite en fumée. Nous nous sommes ensuite rendus en Afrique (Guinée, Burkina Faso, Mali) pour y introduire la microfinance dans le cadre de l'AFD. Les gens s'imaginaient d'abord que ça ne marcherait pas, qu'en Afrique ils ne rembourseraient pas car le contexte du Bangladesh était une exception, ce qui était absolument faux. D'autres missions d'introduction du microcrédit ont eu lieu plus tard en ex-URSS. Ma conviction du bien-fondé de la microfinance vient du fait d'avoir vécu dans ces pays, par exemple plus d'un an en Guinée, et d'avoir discuté avec les gens.

C'est ainsi que je me suis intéressée à son introduction en France, où la microfinance n'apparaissait comme une nécessité pour personne : on considérait que le crédit était accessible pour tous, et qu'il y avait suffisamment d'aides sociales. C'est une chose tellement évidente pour ce pays que l'on ne se posait même pas la question. Par ailleurs, il y avait de très grandes réticences à modifier la loi bancaire [de 1984].

Le premier challenge est donc de rendre le problème et sa solution visibles.

J'ai lancé le projet de l'Adie dans le cadre personnel et bénévole, non pas dans le cadre professionnel. Nous sommes partis vraiment de rien, avec seulement 30 prêts la première année, grâce à l'appui des banques et d'institutions à caractère social.

2.

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Vous affirmez que l'Adie s'inspire directement de la Grameen Bank au Bangladesh. Qu'est ce qui vous a fait dire que l'expérience pouvait être reproduite en France ? Quelles ont été vos relations avec les acteurs de la microfinance là bas ?

Dans un pays comme dans l'autre, l'accès généralisé au crédit est quelque chose de nécessaire et de basique, et qui pourtant n'était pas rendu possible.

Mes liens avec M. Yunus ont commencé quand je l'ai aidé à convaincre l'AFD de l'intérêt de la microfinance. Lors de sa première visite en France, personne ne voulait le recevoir, tout le monde considérait que le problème auquel il voulait répondre n'existait pas. On envisageait surtout l'aide à travers les banques de développement, mais celles-ci s'attaquent surtout à des grands projets. Il a fallu plusieurs années de travail pour que les choses mûrissent. Puis nous avons effectué des missions avec la Grameen Bank en Afrique de l'Ouest, notamment en Guinée.

3. Quelles sont les différences les plus importantes entre la France et le Bangladesh qui ont un impact sur les pratiques à adopter ?

Le cadre économique et social est très différent. Le contraste le plus important, c'est que la pauvreté au Bangladesh, c'est une question de survie. En France, les très pauvres reçoivent 3 ou 4 types d'aides, et bien qu'ils ne vivent pas bien, leur vie n'est pas en danger de la même façon. De plus, au Bangladesh, il s'agit de la vaste majorité de la population, tandis qu'en France c'est une minorité qui est concernée.

Il y a également eu en France la création d'autres organismes, comme France Active ou France Initiative Réseau, qui touchent des populations légèrement moins pauvres que la cible de l'Adie. Il s'agit de servir de garantie pour qu'ils aient accès aux banques, et de faire des crédits de l'ordre de 15 000€, lorsque l'Adie ne montait que jusqu'à 4 000€ environ. Cela crée une complémentarité et la possibilité en France de passer d'un organisme à l'autre.

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Pour autant dans les deux cas, la microfinance était nécessaire pour une même raison, celle de créer des sources de revenus qui n'existent pas sans elle.

4. A-t-il été question de copier tel quel le modèle de microfinance bangladais ? Ou avez-vous d'emblée prévu de l'adapter ?

Nous nous sommes d'abord inspirés de ce qui existait au Bangladesh, car même si nous avions d'emblée conscience que la situation était différente, il fallait d'abord tester ce qui existe ailleurs. L'adaptation au contexte local a donc été progressive.

Nous avons d'abord commencé avec des microcrédits standards, sans créer plusieurs produits.

Nous avons aussi commencé par reprendre l'idée de former des groupes, qui était appliquée au Bangladesh. Nous formions des groupes de 5 bénéficiaires. Mais cela n'a absolument pas marché, car il s'agissait de personnes qui ne se connaissaient pas, de lieu et d'origine différentes. C'est efficace au Bangladesh du fait que l'on cible des villages et que l'on forme des groupes parmi des gens qui se connaissent depuis la nuit des temps. On le voit bien du fait que les seules personnes pour qui ça a fonctionné en France ont été les gens du voyage. L'idée a donc été essayée mais abandonnée.

Une autre pratique que nous avons commencé par emprunter au Bangladesh est celle des taux d'intérêt élevés, de l'ordre de 14%. Cependant, pratiquer de tels taux a posé un vrai problème en France. Ils représentaient une différence considérable avec ce qui se faisait. Nos taux ont donc très vite été revus à la baisse, pour atteindre les taux moyens que l'on peut trouver pour des crédits.

5. Est-ce que créer une banque, à l'image de la Grameen Bank, était une option, ou bien est-ce que la réglementation française et européenne l'empêchait ?

La Grameen Bank a dû elle-même commencer sous la forme d'une association, et a eu ensuite l'autorisation de devenir une banque après avoir fait ses preuves. La nécessité de créer une banque

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a découlé du fait que les besoins étaient massifs. Les banques traditionnelles du pays touchaient très peu de personnes et n'avaient pas de clients dans les villages, qui représentaient la majeure partie de la population. Il fallait donc créer une banque dédiée à ce type de bénéficiaires. En France, au contraire, la population ciblée forme une minorité.

6. Votre accord avec la Banque de France vous a permis de lancer votre activité. Est-ce que vous considérez que la BdF a joué (et joue encore) un rôle important dans le développement de la microfinance en France ?

Oui, moins pour des raisons matérielles que par la reconnaissance du besoin de microcrédits en France. Leur appui vis-à-vis des banques a été très précieux. Ce sont les premiers qui ont cru dans le projet de l'Adie, ce qui a été un acte de foi important puisque nous n'avions pas d'argent, et avions besoin de reconnaissance. D'ailleurs, le Président actuel de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, était à l'époque au conseil d'administration de l'Adie..

7. Quelles «bonnes pratiques» ont été adoptées par l'Adie pour maximiser l'impact de ses prêts ? Quelles ont été les grandes évolutions de son activité avec l'expérience ?

Nous avons notamment constaté l'importance de l'accompagnement, qui est un service qui n'existe pas au Bangladesh, car l'environnement n'a pas la même complexité. En France la complexité est très importante, du fait de l'existence de différentes aides sociales, de toutes les procédures... Et plus la complexité est grande, plus les gens ont de mal à comprendre les services auxquels ils ont droit, et donc de mal à s'en servir. Nous avons donc en plus de cela travaillé avec les banques afin qu'elles simplifient elles-mêmes leur approche. Cela représente un coût supplémentaire pour nous, surtout pour ce qui est de la gestion administrative.

L'idée du prêt personnel est venue progressivement aussi, en observant les besoins des gens. La différence avec le Bangladesh est que là-bas, le degré de pauvreté est tel que la priorité est d'assurer une source de revenus minimum pour survivre. Cela prend le pas sur le fait de créer des produits du type des prêts personnels.

8.

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L'Adie a fait évoluer le cadre légal et institutionnel des microentreprises et du microcrédit en France. Est-ce que vous êtes partis avec l'idée de changer la loi ? Est-ce que vous avez vu le cadre réglementaire comme un obstacle ou comme un challenge ?

Il s'agissait d'une nécessité, car les lois n'étaient pas adaptées aux besoins des travailleurs indépendants et du microcrédit. La difficulté était très importante, car s'il y a une chose de sacro-sainte dans l'économie française, c'est bien la loi bancaire.

9. Quel regard portez-vous et porte l'Adie sur la microfinance à l'étranger ? Est-ce une source d'inspiration ?

Il faut savoir qu'il est difficile d'afficher cette approche, car en France, c'est mal accepté de demander aux banques de s'inspirer d'autres pays qui feraient mieux qu'elles. Et de manière générale, l'objectif est beaucoup moins de s'inspirer des autres que d'observer ce qui se passe localement pour s'adapter le mieux possible à nos propres bénéficiaires. De plus, la richesse d'aides sociales qui existe en France rend le contexte très particulier.

10. L'Adie entretient-elle encore des relations avec le Bangladesh en particulier ?

Nous entretenons toujours des relations amicales avec Muhammad Yunus et la Grameen Bank, mais nous nous en sommes éloignés, pour deux raisons. D'une part devant l'évidence que les modèles ne collaient pas entièrement. D'autre part, du fait de la persécution du gouvernement à l'encontre de M. Yunus et des tensions que cela a engendré au sein de la Grameen Bank.

11. Y a-t-il un problème d'accès à l'information en France par rapport au microcrédit ? Que fait l'Adie pour y remédier ?

Oui, le problème de manque d'information existe toujours. Il y a aussi toujours cette impression que le microcrédit est réservé aux pays pauvres. Pourtant, l'Adie est implantée partout sur le territoire, et les partenaires participent beaucoup à la diffusion de l'information.

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Cela s'explique probablement parce qu'en France il y a une sorte d'abandon de principe de la part des potentiels bénéficiaires, l'impression que rien n'est fait pour eux. Il faut aller chercher les clients, alors que dans d'autres endroits ils viennent facilement d'eux-mêmes, en Afrique par exemple.

12. Comment la crise liée au Covid-19 a-t-elle affecté les bénéficiaires ? Et les activités de l'Adie ? Y a t il un plan d'action pour la suite ?

La crise touche très durement l'Adie comme bon nombre d'entreprises, peut-être même plus. L'association a pris l'initiative de discuter avec la quasi-totalité de ses clients afin de déterminer leurs problèmes principaux et d'essayer de les aider à les surmonter. Ce travail a été très important dans le maintien de l'institution et de son activité.

13. Y a-t-il des aspects de la microfinance qui n'ont pas encore été développés en France et qui méritent de l'être ? Reste-t-il selon vous des améliorations à faire ?

Je me suis penchée pour la dernière fois sur les recommandations pour la France lorsque j'ai rédigé le livre blanc. (cf European Microcredit Whitepaper July 2019)

J'ajouterais que dans la mesure où la microfinance a peu de ressources propres, la difficulté de rester telle qu'elle est dans la durée est constante. L'appui des banques et de l'administration est essentiel. Dans ce contexte, l'aide de l'administration est trop faible pour le travail indépendant, notamment comparé à ce qui est fait pour le travail salarié. La récente loi PACTE en est un exemple. On se focalise beaucoup en France sur le travail salarié alors que le travail indépendant s'est énormément développé.

14.

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Considérez-vous que la digitalisation de la microfinance représente une opportunité ou est-ce qu'elle pourrait potentiellement avoir un impact négatif ?

La digitalisation modifie beaucoup de choses mais son impact ne sera selon moi pas négatif tant qu'elle ne supprimera pas le contact humain avec le client. Si cela venait à disparaître, l'intérêt du microcrédit serait énormément diminué. Notamment dans les pays développés, car chez eux cela représente l'essentiel de l'activité et de la différenciation avec les banques classiques.

15. Est-ce que vous vous attendiez à ce que la microfinance ait cet impact ? Est-ce que rétrospectivement vous auriez aimé faire certaines choses autrement ?

La réussite de la microfinance a conforté ma conviction qu'il s'agissait de s'attaquer à un problème évident, et qui pourtant n'était pas reconnu comme tel. Pourtant cette réussite n'est pas totale puisque partout, le manque de reconnaissance de ce problème bloque son développement.

Effectivement certaines choses auraient pu être mieux faites, notamment concernant les choix des partenaires. Mais tout ne peut pas être prévu et beaucoup de choses sont une question de chance. Cela dépend des personnes que vous rencontrez, à quel moment, et de si vous réussissez à les convaincre.

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Entretien avec Alice Rosado - 04/02/2021 Directrice générale adjointe actuelle de l'Adie

Diplômée de Sciences po, Alice Rosado devient administratrice territoriale après ses études. A partir de 2014, en tant qu'adjointe à la mairie de Paris, elle est en charge de l'insertion et de la solidarité. En 2017, elle devient responsable du développement d'une start up dans le domaine de la participation citoyenne. En 2019, elle rejoint l'Adie en tant que Directrice des relations institutionnelles et du plaidoyer, puis devient Directrice Générale Adjointe en 2020.

Retranscription de l'entretien

1. Pouvez-vous décrire en détails votre parcours et votre rôle au sein de l'Adie ?

Après une formation à Sciences po, je suis devenue fonctionnaire, d'abord administratrice territoriale. J'ai travaillé avec la ville de Paris sur des sujets d'insertion sociale et professionnelle. J'ai ensuite fait un passage dans une start up proposant une plateforme numérique de participation citoyenne. C'est par volonté de retourner dans le domaine de l'insertion que j'ai rejoint l'Adie en septembre 2019, en tant que Directrice des relations institutionnelles et du plaidoyer. Je suis devenue Directrice Générale Adjointe un an plus tard, en septembre 2020.

Il faut souligner qu'aujourd'hui de plus en plus de personnes rejoignent l'Adie en étant spécialisées sur des sujets d'impact social, tandis qu'avant, c'était essentiellement l'approche technique en microfinance qui était valorisée : la question de savoir comment mettre en place un modèle de microfinance dans un pays développé était tout l'objet de l'Adie.

Mon périmètre est assez large, comprenant la conception des services de l'Adie, les partenariats avec les structures prescriptrices, les partenariats de financement, et le plaidoyer.

2.

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La recherche de l'autosuffisance est une dimension importante pour les IMF des pays non industrialisés. Est-ce que celle-ci est souhaitable ou simplement envisageable pour l'Adie ?

Le modèle économique actuel de l'Adie est de se financer à hauteur d'un tiers par l'autofinancement. Cela s'explique par le fait que l'obsession de l'Adie est de remplir la mission pour laquelle elle a été créée, c'est-à-dire d'avoir un impact sur les populations précarisées. Avec une recherche de rentabilité, cet objectif ne pourrait plus être atteint, du fait de la diminution des moyens, de la nécessité de prêter à des bénéficiaires qui sortent de la population cible.

Cependant, la législation française autorise le modèle de banque non-associative exclusivement dédiée à la microfinance, comme le montre l'exemple de Créa-Sol.

Il a également été envisagé à un moment de créer deux structures à partir de l'Adie, avec une partie financière et une exclusivement dédiée à l'accompagnement, mais celle-ci a été abandonnée.

3. Quels sont selon vous les principales particularités françaises qui affectent l'activité de microfinance sur le territoire ?

Notre activité s'inscrit au sein de toutes les politiques de l'emploi et politiques sociales (minimas sociaux, cumul des minimas sociaux et du revenu d'activité...), et le modèle français dans ce contexte est très particulier. Par exemple :

l La Complémentaire santé solidaire (ancienne CMU et ACS), qui aide les revenus modestes à payer leurs dépenses de santé

l La possibilité de conserver une partie de l'assurance chômage quand on crée son entreprise, ou de demander à recevoir une partie en avance pour pouvoir lancer celle-ci

Cela fait partie du plaidoyer de l'Adie : elle ne fonctionne pas toute seule, son activité s'inscrit au sein d'un écosystème, et de ce fait elle participe aux politiques publiques de l'emploi et de l'insertion.

4.

127

Cherchez-vous constamment à améliorer vos offres et à les adapter à vos bénéficiaires ? De quelle manière ?

Oui bien sûr, et nous avons une Direction du Développement et de l'offre de service qui y est dédiée. Nous travaillons en permanence avec les conseillers et avec les entrepreneurs accompagnés, et nous développons de nouveaux produits en permanence.

Un exemple de nouvel outil financier récent : nous avons obtenu un décret d'expérimentation (décret qui demande une expérimentation de 4 ans avant d'étendre ou de revenir sur la décision) pour prêter plus de 12 000 € en Outre Mer, qui est la limite sur tout le territoire, et passer à 15 000 €. Du fait des différences de richesses, les moyens nécessaires sont plus importants en Outre Mer. Le code monétaire et financier s'applique uniformément sur tout le territoire, et nous devons avoir recours à des décrets pour mettre en place des particularités régionales. Cela dit, la possibilité de faire des textes différenciés entre les territoires est en train d'apparaître.

Un exemple de nouvelle offre extra-financière récente : nous améliorons constamment les formations des entrepreneurs, et nous faisons l'expérimentation d'une mutuelle santé en partenariat avec un grand assureur pour ceux qui n'ont pas accès à la Complémentaire santé solidaire.

De manière factuelle, nous recueillons les avis des entrepreneurs accompagnés par le biais de questionnaires de satisfaction en ligne et de «focus group», qui sont des réunions avec expression des besoins et test de nos propositions.

Nous nous appuyons également beaucoup sur l'expérience indirecte des conseillers.

5. Quel regard portez-vous sur les autres pays ? Est-ce une source d'inspiration ? Quelles sont vos relations avec les acteurs de la microfinance à l'étranger ?

En Europe, nous siégeons au conseil d'administration de certaines IMF, et nous intervenons dans le monde dans le cadre de l'Adie internationale (missions de conseil et d'assistance technique).

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De ce fait, nous pouvons voir dans les autres pays si des choses intéressantes sont faites. Par exemple, il a été envisagé en Belgique de supprimer toutes les agences physiques pour se baser uniquement sur le digital.

Mais nous nous inscrivons tout de même dans des politiques publiques nationales très particulières, donc ces comparaisons ne sont pas au coeur de notre innovation.

6. Comment l'Adie évalue-t-elle son impact ? Quels sont les objectifs de ces évaluations d'impact ?

Nous vérifions en interne tous les 6 mois notre score d'exclusion sociale et financière, un indicateur essentiel qui nous permet de voir si nous visons bien les bonnes populations. S'il connaît des évolutions trop importantes, cela peut devenir inquiétant.

Nous effectuons également une étude d'impact destinée à être publiée tous les 3 ans. La dernière date de 2017, celle qui devait sortir en 2021 a un an de retard du fait de la crise. Nous regardons à cette occasion l'impact sur le taux de pérennité des entreprises, sur le taux d'insertion ... Il y a ici un objectif de communication et de plaidoyer.

Nous nous faisons également accompagner sur le calcul de notre SROI, en lien avec l'étude d'impact.

7. Quels sont les principaux partenaires de l'Adie sans lesquels son activité ne serait pas possible ?

Nous pouvons répartir les partenariats en plusieurs grands groupes :

l Les partenariats de refinancement bancaire. Nous prêtons l'argent que les banques nous prêtent, donc les banques nous refinancent.

l Les partenariats sur les systèmes de garantie, avec l'Etat (via le FCS), l'Europe (via le FEI) et les banques.

l Les partenariats de financement publics et privés. Pour les financements publics, nous les recevons des Fonds Sociaux européens, des collectivités locales et de l'Etat à travers le

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ministère de l'Outre Mer, le ministère du travail et les politiques de la ville. Pour les financements privés, il s'agit de mécénat classique, par exemple de la part de la FDJ ou de la Poste.

l Les partenariats de prescription. Il s'agit de se faire connaître auprès de notre public cible. Cela se passe majoritairement grâce au bouche à oreille, mais nous avons aussi des partenaires tels que Pôle Emploi, les missions locales, et tout type d'association qui peut faire parler de nous. Il s'agit beaucoup du milieu associatif qui agit dans la phase précédent notre action, c'est-à-dire la création des projets entrepreneuriaux.

l Enfin, les partenariats dans le cadre des «bons plans» ou offres de services particulières. Par exemple, nous avons des partenariats avec des assurances pour proposer des services assurantiels, ou avec Renault pour les offres de mobilité.

8. Quel est l'impact de la législation européenne sur les activités de l'Adie ? Est-ce uniquement une aide ou aussi une contrainte ?

L'Union Européenne constitue surtout un mécanisme de soutien. Par exemple, les lois de contrôle de la concurrence n'affectent pas les entreprises que nous finançons.

Nous recevons d'importants financements du Fonds Social Européen (FSE), en échange desquels nous devons respecter des contraintes réglementaires et opérationnelles, c'est-à-dire transmettre beaucoup de justificatifs, ce qui représente beaucoup de «paperasse».

Les garanties du Fonds Européen d'Investissement (FEI) sont également essentielles à notre activité. Nous faisons beaucoup de lobbying auprès de l'Union pour que les plans européens de garantie soient maintenus.

L'UE travaille actuellement sur un nouveau plan européen pour le domaine de l'ESS, qui intégrerait la thématique de la finance à impact.

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9. Comment la crise économique due au Covid-19 a-t-elle affecté les activités de l'Adie et ses bénéficiaires ? Observez-vous des changements de comportement chez les emprunteurs ?

Nous avons fait 3 enquêtes auprès de la totalité des entrepreneurs que nous accompagnons, la dernière datant de janvier. Cela nous a révélé que 77% de ceux-ci estiment l'impact de la crise comme grave ou très grave, mais également que, bien que les aides de l'État aient bien joué leur rôle d'amortisseur, ils ne sont pas confiants en l'avenir, qui reste incertain.

Les principales modifications de leurs activités concernent :

l La réponse aux contraintes sanitaires

l La transition numérique, avec notamment de plus en plus de demandes de la part de ceux que l'on accompagne pour un appui de notre part sur la digitalisation de leur activité

10. Quels sont les secteurs les plus «délaissés» du fait de cette crise ? Au contraire, de nouveaux secteurs voient-ils le jour ?

Une tendance qui ressort mais existait déjà avant la crise et a connu une accélération importante avec celle-ci est qu'une part de plus en plus importante des projets financés sont en lien avec l'ESS, comme le montre le dossier de presse que nous avons rédigé sur le sujet.

Un autre fait étonnant est qu'il se crée toujours des entreprises dans des secteurs tels que la restauration.

Cependant, il est encore trop tôt pour connaître l'étendue de l'impact de la crise, d'autant plus du fait d'importantes aides publiques.

11. Qu'est-ce qui est prévu pour la reprise ?

Il faut d'abord mettre en avant le fait que l'Adie a déjà beaucoup fait depuis le début de la crise, et ce dans l'urgence : nous avons appelé tous les entrepreneurs que nous accompagnons pour

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connaître leurs besoins, et effectué en fonction de ceux-ci un grand nombre de reports de mensualités, en plus de l'accompagnement pour accéder aux aides publiques. Nous avons également transformé notre offre formation pour l'adapter aux nouveaux besoins des entrepreneurs ainsi qu'au distanciel.

De plus, l'Adie prévoit un plan pour une relance inclusive sur 2 axes :

l La relance pour les entrepreneurs en activité. Nous faisons un important travail de lobby pour que l'Etat n'arrête pas les aides et pour prévoir des primes de relance pour les petits entrepreneurs les plus fragiles. Notre plaidoyer a abouti auprès du Ministère de la Ville, mais uniquement pour les entrepreneurs des quartiers. Nous espérons donc convaincre d'autres ministères

l Répondre à la demande pour de nouvelles créations d'entreprise. Celle-ci connaît une très forte hausse et nous nous préparons dès maintenant pour être capables de répondre à cette immense vague qui va arriver.

12. Les questions environnementales font-elles également parties des challenges actuels et à venir pour l'Adie ?

En effet, nous sommes actuellement en processus de construction d'un nouveau plan stratégique pour l'Adie pour 2022 - 2024 qui intègre le sujet. Nous ne sommes aujourd'hui pas forcément à la pointe des questions environnementales, mais nous avons déjà mis en place des accompagnements spécifiques, par exemple sur le sujet des livraisons «propres». Il s'agit pour l'instant de co-construction, avec des acteurs comme Carrefour entre autres.

Nous savons que cela va devenir un sujet important pour nous et pour les entrepreneurs, et nous avons d'ailleurs déjà créé des fiches métiers, qui visent à les aider à être en règle avec le droit. Cependant, ces initiatives n'ont pas encore un caractère structurel.

13. 132

Y a-t-il encore des insuffisances en termes d'information des potentiels bénéficiaires ?

Il y a en effet encore une marge de progression très importante pour ce qui est de la communication autour du microcrédit. Nous développons notamment des partenariats avec les banques pour y pallier, en leur demandant d'orienter les entrepreneurs vers nous. La Charte d'inclusion bancaire en particulier (annoncée par le ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance au mois de juin) encourage les banques à avoir un système de formation interne entre autres sur le microcrédit.

14. L'Adie s'implique dans des missions dans les autres pays à travers l'Adie International. Quel est l'intérêt de telles actions pour l'association ?

Nous avons une certaine vision de la microfinance centrée sur son impact social qui nous est propre et que l'on cherche à maintenir. De ce fait, l'intérêt de l'Adie International est d'une part de défendre ce modèle. D'autre part, ces missions nous permettent d'acquérir une reconnaissance à travers le monde et auprès de nos bénéficiaires. Cette reconnaissance est également valorisante pour nos employés.

15. Y a-t-il des aspects de la microfinance qui n'ont pas encore été développés en France et qui méritent de l'être ? Reste-t-il selon vous des améliorations importantes ?

Comme nous l'avons mentionné plus tôt, nous sommes sans cesse à la recherche de nouvelles innovations, dans une dynamique d'amélioration.

Cependant, un de nos axes majeurs reste la défense de la reconnaissance du travail indépendant en tant que voie d'insertion sociale et professionnelle, dans un pays où on ne parle que d'insertion par l'emploi salarié. Défendre que ce n'est pas une solution dégradée est un travail idéologique toujours en cours.

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Entretien avec Paul Hailey - 05/01/2021

Head of Impact chez ResponsAbility

M. Hailey est un ancien élève du certificat Sustainability d'HEC, une étape qui marque un tournant dans sa carrière. Sa curiosité pour les questions d'impact social s'est transformée en nécessité d'intégrer ces questions dans son parcours professionnel. Il travaille en IMF puis chez ResponsAbility. Cet asset manager gère $3,5 Mds d'investissements, en dette ou equity, exclusivement dans les pays émergents.

Retranscription de l'entretien

1. Pouvez-vous me décrire plus en détails votre parcours et le poste que vous occupez actuellement chez ResponsAbility ?

Britannique d'origine, j'ai d'abord travaillé plusieurs années en finance à Londres avant de faire un MBA et Social Business certificate à HEC. A cette occasion, j'ai assisté au cours de microfinance de Laurence Moret. J'ai ensuite effectué un stage dans le réseau de microfinance MicroCred (aujourd'hui Baobab), qui fait à l'époque partie du groupe PlaNet Finance (aujourd'hui Positive Planet) créé par Jacques Attali. Puis j'ai fait un stage chez PlaNIS, autre entreprise du groupe, qui a été rachetée par ResponAbility. Ce stage m'amène ensuite en poste chez eux en recherche, et je suis aujourd'hui Head of Impact, soit en charge de la mesure d'impact de nos activités : comment définir les indicateurs ? Comment obtenir les données ?

Etant donné la nature différente de nos investissements par rapport aux investisseurs «classiques», nous ne pouvons pas récupérer nos chiffres dans des bases de données type Bloomberg, mais les récupérer nous-mêmes, via des templates excels puis l'agrégation de ces données.

2.

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Quel est l'objectif premier que ResponsAbility se fixe à travers ses activités de microfinance ? Le retour sur investissement, la participation au développement, ou autre ?

Nous avons toujours donné une importance égale à notre impact et au retour financier. Nous ne nous affirmons pas comme un fond "impact first». Mais aujourd'hui il y a très peu de benchmarks sur les attentes des investisseurs tels que nous envers les institutions dans lesquelles nous investissons. Notre évaluation pour trouver l'équilibre entre l'impact et le retour financier se fait avec l'expérience, et aussi un peu en comparaison avec les concurrents.

3. Dans quelle partie du monde le microcrédit a-t-il le plus de succès en termes de volume ? En termes de pénétration de la population ?

L'Inde est devant en volume du fait de sa population très importante. Il y a plusieurs pays en tête pour ce qui est de la pénétration. Hormis la population, le cadre réglementaire est très important, ainsi que la situation politique et économique auquel il est lié. La qualité des institutions de microfinance elles-mêmes joue aussi un rôle. En tant qu'investisseur, nous regardons tous ces aspects.

4. Est-ce qu'au sein de ResponsAbility vous considérez que vos activités de microfinance doivent être adaptées aux particularités de chaque pays ?

Oui, on ne peut pas avoir exactement la même approche, en fonction de la situation politique, économique, judiciaire, réglementaire voire culturelle. C'est aussi dû au fait que le type d'institutions varie. Par exemple, en Amérique Latine, celles-ci ont une approche plutôt commerciale, basée sur des principes «corporate», différente de l'Asie ou de l'Est de l'Afrique.

Nous avons des procédures pour évaluer les particularités de la situation locale, mais celles- ci ou leurs conséquences peuvent parfois être sous-estimées ou mal évaluées. A titre d'exemple, en

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Azerbaïdjan, le secteur a subi un choc très important du fait d'une interférence politique vers 2015, qui n'avait pas été anticipée. Ou encore au Kirghizistan, où a eu lieu une crise politique, avec d'importantes violences ethniques faisant plusieurs centaines de morts parmi les réfugiés dans le Sud du pays. Beaucoup d'IMF y étaient actives, et pourtant l'impact sur le secteur n'a pas été si important. Cet exemple montre l'importance d'être proche des populations locales. En effet, en se renseignant auprès des gens du coin, les IMF se sont rendu compte que ceux-ci étaient préparés à cette violence et s'attendaient à ce qu'elle dérape.

On voit également qu'un contexte difficile dans un pays peut être dépassé grâce à des business models et institutions solides.

5. Quels sont, pour le Bangladesh en particulier, les éléments de contexte (culturel, politique, économique, social) qui ont le plus d'importance dans le cadre de la microfinance ?

La situation politique est compliquée du fait de la violence entre les partis politiques, mais ici aussi les IMF locales ont l'habitude de vivre avec. Mais on voit bien que la situation politique a un impact sur la microfinance, étant donné que le gouvernement a forcé Muhammad Yunus à démissionner. En réalité, la microfinance au Bangladesh a davantage connu son développement important «malgré» que «grâce à» son gouvernement. Il est majoritairement dû à la société civile, aux ONG et aux agences de développement présentes sur le territoire.

6. Quelle est votre démarche pour évaluer le contexte local et y adapter votre activité ? Avez-vous recours à des organismes extérieurs ?

Le Head of Credit Analysis est chargé d'observer et de quantifier la situation politique et réglementaire. Cela se fait avant chaque Due Diligence effectuée. Nous utilisons des sous-traitants qui peuvent varier, tels que The Economist Intelligence Unit par le passé.

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Les critères de risque ne signifient pas qu'une IMF ne va pas recevoir d'investissement, mais pas du même type d'investisseur : les agences de développement par exemple font des investissements plus risqués.

7. Comment travaillez-vous avec les acteurs de la microfinance locaux ? Avez-vous une relation de contrôle ou plutôt de partenariat ? Quel est votre niveau d'influence ?

Il y a des secteurs pour lesquels on fournit des services périphériques tels qu'une assistance technique grâce aux financements des agences de développement, mais ce n'est pas le cas pour celui de la finance inclusive.

C'est différent si l'investissement se fait en equity ou seulement en dette. En tant qu'investisseur en equity, nous avons un poste dans le Board de l'institution, et donc une influence directe sur sa direction stratégique. Si c'est un investissement uniquement en dette, nous sommes en général investisseurs depuis 5 ou 7 ans, nous connaissons donc bien les institutions et avons un contact fréquent. Une relation à double sens s'instaure, l'IMF donne également un retour sur ce qui doit être amélioré de notre côté.

8. Quelles sont vos exigences en termes d'indicateurs à reporter ? Quels sont parmi eux les plus importants pour évaluer l'impact des IMF ? Délivrer des indicateurs est-il vu comme une contrainte ?

Nous demandons entre 70 et 80 indicateurs différents. Le premier indicateur standard est le nombre de bénéficiaires, dont nous observons l'évolution dans le temps. D'autres sont la part des femmes, le turnover du personnel ...

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On voit bien que l'impact prend de plus en plus d'importance, avec par exemple le 2XChallenge organisé pour les DFIs (Development Finance Institutions) qui fournit une certification et même un investissement monétaire en fonction de l'investissement «dans les femmes».

Nous devons faire attention au contexte car les résultats peuvent varier grandement d'un pays à l'autre. Par exemple au Mexique le turnover est énorme car le marché du travail est très compétitif, donc il faut comparer au reste du marché.

Pour ce qui est de notre utilisation, nous faisons un impact scoring, mais il ne s'agit pas de le maximiser, plutôt de trouver des institutions qui sont au-delà d'un certain niveau d'impact, dans le but de les aider à progresser. Certaines institutions ont des investisseurs qui demandent des indicateurs différents, et chaque évaluation à un impact en termes de coût, donc parfois elles peuvent ne pas répondre à toutes les demandes.

Ce n'est pas pour autant vu comme une contrainte car c'est surtout un moyen d'attirer les investisseurs. D'ailleurs les institutions sortent parfois leur propre rapport d'impact, de leur propre initiative, ce qui se fait beaucoup en Amérique Latine.

9. Quelle est la place de l'environnement en particulier ? Est-ce aujourd'hui un enjeu intégré à la microfinance ?

La nouvelle réglementation européenne qui arrive cette année apporte beaucoup d'indicateurs très spécifiques sur l'environnement donc crée une obligation d'insister sur cette dimension.

Du côté de la microfinance, ces indicateurs ne sont pas standardisés pour l'instant. Cela s'applique plutôt aux prêts aux entreprises plus grosses, auxquels on demande de reporter les émissions de leur matériel, leur utilisation de photovoltaïque ...

10.

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Y a-t-il un problème d'accès à l'information pour les bénéficiaires potentiels dans les pays en développement ?

Aujourd'hui la communication autour de la microfinance est assez efficace. Le problème peut exister au niveau des régions qui sont assez éloignées ou avec faible densité de population et faible activité économique, voire des problèmes de sécurité.

Une difficulté est celle de récolter des informations sur les bénéficiaires, mais cela s'est beaucoup amélioré cette dernière décennie. Avant cela était informel, à travers les relations. Aujourd'hui la plupart des IMF utilisent des bases de données.

11. Comment les nouvelles technologies impactent-elles l'activité des IMF ? Est-ce devenu un enjeu pour le secteur ?

C'est en effet devenu un enjeu central, du fait de l'efficacité en termes de pénétration. Depuis 2 ou 3 ans notamment, beaucoup de pays ont lancé la 3G et donc le mobile banking s'est beaucoup développé. Mais des problèmes apparaissent aussi, par exemple celui de trouver un opérateur téléphonique qui est prêt à créer un partenariat et qui a un quasi monopole du marché, tout en évitant que celui-ci ne soit en position de supériorité. Ça a par exemple été une grande difficulté pour M-PESA au Kenya.

12. Comment la crise économique due au Covid-19 a-t-elle affecté l'activité de microcrédit ? Qu'est-ce qui est prévu pour la reprise ?

La crise a bien évidemment beaucoup ralenti le secteur, avec des effets variables. De manière générale, les crises économiques peuvent même détruire les activités de microcrédit, comme ça a été le cas en Bosnie avec la crise précédente. Cela arrive si le cadre réglementaire n'est pas suffisamment strict et les pratiques du secteur trop agressives. Mais aujourd'hui, l'activité

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économique a repris dans la plupart des pays où nous sommes présents. L'impact sur le long terme sera plus clair en 2021.

Une différence importante avec le secteur classique qui joue en la faveur de la microfinance est que ses acteurs sont bien davantage prêts à collaborer avec leurs concurrents, et à s'organiser par exemple pour créer des programmes de restructuration. En Azerbaïdjan a eu lieu la création de beaucoup de «lenders groups» : les IMF qui étaient sur le point de faire faillite et les investisseurs se sont mis d'accord pour suspendre les demandes de remboursement.

13. Quelles sont les autres difficultés majeures et challenges pour l'avenir que connaissent les IMF aujourd'hui ? En particulier au Bangladesh ?

En ce moment le Covid-19, mais les performances financières remontent actuellement.

Pour beaucoup de pays, la problématique du changement climatique va devenir de plus en plus importante.

Un autre facteur qui a un impact sur l'avenir est la très grande progression de la part de femmes éduquées depuis 10 à 20 ans : les femmes en tant que clientes, employées et managers gagnent beaucoup en importance.

14. Le microcrédit a eu un impact positif dans les pays où il a été appliqué, mais n'a vraisemblablement pas suffit à y éradiquer la pauvreté. Quelles en sont selon vous les principales causes ?

Je donnerais plusieurs facteurs :

l Ce que Paul Collier appelle «Development in reverse", les guerres ou les crises économiques entraînent une régression du développement

l

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La croissance démographique continue dans certains endroits de manière très importante et n'est pas suivie par suffisamment de créations d'emploi

l La microfinance est difficile à appliquer dans certaines régions du monde pour des raisons culturelles

l Bien que la microfinance existe depuis 40 ans, cela ne fait que 15 ans que les investisseurs comme Responsability existent. L'existence d'investisseurs est nécessaire pour observer une augmentation significative

l Encore beaucoup de gens n'ont pas accès à la finance, 1,7 mds d'adultes d'après le dernier Global Findex. Ce chiffre est en réalité plus important, car par exemple en Inde, des comptes bancaires sont créés par le gouvernement mais cela ne signifie pas que la population y a accès. Pas forcément fiable car bcp par exemple en Inde ont un compte bancaire créé par le gvt mais en réalité pas accès donc chiffre plus important. Mais beaucoup de ces personnes qui n'ont pas accès à un compte ont accès à un téléphone portable, donc l'impact des technologies sera décisif.

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