1.4. Modèle d'analyse
Kabeer
Naila (2000) a effectué un cadre de référence du
« Triple Rôle » dans la division sexuelle
des tâches. Moser s'est servi du cadre du triple en prenant par exemple
la distribution des rôles selon le genre dans le ménage aux
familles pauvres. Les rôles productifs et reproductifs ont trait aux
activités rémunérées, aux soins donnés aux
enfants, au travail des rôles de gestion communautaires qui couvrent
l'aspect « collectif » de la production
(organisation communautaire et fourniture de produits destinés à
la consommation collective).
Alors
que dans le ménage, les femmes et les hommes peuvent être
impliqués dans les trois types d'activités, la division des
rôles entre eux n'est ni uniforme ni symétrique. Les femmes ont
des responsabilités essentielles dans les activités de
reproduction, mais sont également impliquées dans les travaux de
production, en gagnant de l'argent dans le secteur informel. De plus, dans le
prolongement de leurs rôles attribués selon le genre comme
épouses et mères, elles sont engagées dans un travail de
gestion communautaire. Confrontées aux logements et aux services de base
inadéquats de l'Etat, il leur arrive de prendre des
responsabilités au niveau communautaire pour recevoir de maigres
ressources destinées à la survie de leur ménage ou bien
pour exercer une pression sur les institutions locales afin qu'elles
fournissent les infrastructures nécessaires.
C'est dans cette optique que nous plaçons les
étuveuses du riz dans ce cadre d'analyse de « Triple
Rôle » (Naila Kabeer, 2000).
En mettant en lumière le triple rôle des femmes,
on cherche à provoquer une prise de conscience de la notion de genre
dans le processus de la planification. L'étude du Triple Rôle a
pour méthodologie celle qui prend le sens descriptif autant
qu'analytique en se référant tantôt à des normes
tantôt à un comportement réel. Elle permet aussi de poser
la question « qui fait quoi ? ». Elle permet
de révéler aussi les interconnections entre le Triple Rôle
dans le processus de production au sein et hors du ménage.
1.5. Problématique
Les femmes jouent un rôle dans les secteurs de la
transformation agroalimentaire de façon artisanale et informelle.
Celilia Poggi & Juliette waltmann (2019) ont montré
« dans le domaine rizicole, ces dernières sont
particulièrement présentées dans l'étuvage du riz
notamment en Guinée et au Burkina apportant un avantage décisif
pour la compétition du riz local, (Devèze, 2011 ;
Baldé & Duligez, 2008 »).
Au Niger, les femmes pratiquent aussi l'étuvage du riz et
quant aux hommes, ils s'occupent de la culture du riz dans les
aménagements hydro-agricoles.
L'insertion socio-économique marque une marginalisation
des femmes par rapport aux hommes dans le secteur de l'irrigation, compte tenu
des préjugés qui leur permettent d'avoir un accès
difficile à la production.
Au Niger, il existe des textes juridiques qui régissent
les critères de distribution de périmètres
irriguées et où la dimension genre n'est pas prise en compte
parce que ceux-ci datent des années 1960. Cette période est celle
où la problématique du genre n'était pas encore au centre
des préoccupations du développement.
Mahaman Tidjani Alou et al. (2015), ont dit « la
question des droits économiques des femmes s'inscrit dans le cadre plus
large des droits de la personne humaine ».
De ce fait, un dispositif juridique solide la consacre à
l'échelle internationale dont le Niger s'est inscrit dans ce droit
positif. Mais les plus importants d'entre eux sont intégrés dans
sa Constitution en leur donnant un caractère fondamental comme par
exemple la déclaration universelle des droits de l'homme et de la charte
africaine des droits de l'homme et des peuples.
Ces textes se répartissent
comme suit :
- Un cadre juridique et politique favorable aux droits
économiques des femmes
Depuis l'indépendance du Niger en 1960, les
différents dirigeants ont marqué une réelle volonté
politique qui bannit toute discrimination entre les femmes et les hommes. Cette
volonté se manifeste non seulement à travers les
différentes constitutions dont le pays s'est doté au cours de ces
cinquante dernières années, mais aussi dans les documents de
politiques mises en oeuvre au cours de la même période. En outre,
le Niger a souscrit à de nombreux engagements internationaux en faveur
de l'égalité entre les genres.
- La réaffirmation de l'équité
à travers la souscription aux textes internationaux
Au plan international, le Niger a souscrit à plusieurs
textes internationaux en faveur de l'égalité entre les genres. On
peut citer entre autres :
· La Convention sur l'Élimination de toutes les
Formes de Discrimination à l'Égard des Femmes (CEDEF) en 1999 et
son Protocole Facultatif en 2004 ;
· La Déclaration et le plan d'actions de la
Conférence Internationale sur les femmes de Beijing en 1995 ;
· Le Nouveau Partenariat pour le Développement de
l'Afrique (NEPAD) où l'égalité entre hommes et femmes et
l'habilitation de ces dernières sont considérées comme des
facteurs de l'éradication de la pauvreté et du
développement durable ;
· Les Objectifs du Millénaire pour le
Développement dont l'OMD 3 sur la promotion de l'égalité
des sexes et de l'autonomisation des femmes ;
· La Politique Genre de la CEDEAO.
- Des politiques et des stratégies en faveur de
la promotion de la femme
Au plan national, plusieurs textes ont été
adoptés par le Niger. On peut citer entre autres :
· En 1996, une Politique Nationale de Promotion de la
Femme (PNPF) qui prône l'intégration de l'égalité
des droits et des chances entre les hommes et les femmes dans l'ensemble des
plans et programmes de développement du pays ;
· La politique Nationale Genre par le décret
n° 2008-245/PRN/MPF/PE du 31 juillet 2008, destinée à
corriger, dans un esprit de complémentarité, les
inégalités et iniquités de genre afin
d'opérationnaliser les principes de la Constitution dont le peuple
nigérien s'est souverainement doté. Elle a pour vision
l'instauration d'une société fondée sur
l'égalité et l'équité entre les genres dans tous
les domaines et à tous les niveaux.
Le genre sera au centre des principaux documents de politiques
nationales (République du Niger, 2002 ; République du Niger,
2007, République du Niger, 2012).
Cependant, et malgré l'affirmation de la promotion de
la femme à travers tous ces textes et la forte volonté politique
manifestée depuis l'Indépendance du Niger, le droit des femmes
dans certaines activités, comme par exemple la mise en valeur des
aménagements hydro-agricoles, n'est pas encore effectif.
Cette marginalisation des femmes se traduit au niveau de la
production du riz et dans les bénéfices
générés par l'activité de l'étuvage. (ONAHA,
2010).
De ce fait, les femmes pratiquent l'étuvage du riz et
les hommes sont des exploitants détenteurs de la production du riz paddy
car cette dernière demande beaucoup d'énergie.
En un mot, tous ces textes sont caducs, et que les
décideurs doivent penser à créer des textes relatifs au
contexte actuel. Il ressort de cette analyse qu'il n'y a aucun texte lié
à l'activité de l'étuvage du riz pratiquée par les
femmes.
C'est dans ce cadre que la FUCOPRI s'est
intéressée à ces étuveuses en les insérant
dans sa gestion. Elle est la seule institution qui organise ces
étuveuses en structure à côté des hommes qui sont
des exploitants. Elle est née le 10 février 2001 et
agréée par arrêté n°0056/CUN III du 30 juillet
2003. Son but est de développer la filière rizicole.
Elle regroupe neuf (9) unions constituées de
trente-sept (37) coopératives qui totalisent 21000 chefs d'exploitants,
(SOS FAIM ; 2011).
En 2007, la FUCOPRI dans le cadre de l'organisation des
étuveuses, les faisaient accompagner dans leur exercice par des
partenaires. Son objectif principal est d'améliorer le revenu de ces
femmes et les insérer dans le processus socioéconomique.
C'est pourquoi les groupements féminins du Niger des
régions où se pratique la culture du riz à savoir Dosso,
Tillaberi et Niamey ont pu s'intégrer dans cette institution par le
biais des Activités Génératrices de Revenus (AGR). La
technique traditionnelle d'étuvage aurait été introduite
depuis plusieurs décennies. Cependant, bien que l'étuvage du riz
soit fait dans un processus long et lent, la difficulté de l'acquisition
de la production à l'écoulement, les étuveuses du riz
s'efforcent à mener cette activité. Les femmes se sont
constituées en groupements féminins pour transformer le riz paddy
et le faire commercialiser localement. Ce système a permis de voir la
reconnaissance de ces femmes par la société nigérienne.
Aujourd'hui, c'est plusieurs structures féminines regroupant un nombre
important de femmes qui ont bénéficié d'un appui
matériel, financier et un renforcement des capacités de
celles-ci.
De même, à part les difficultés qu'elles
rencontrent, ces étuveuses du riz utilisent leurs revenus tirés
de cette activité pour participer au budget du ménage.
C'est dans cette optique que l'étude se propose
d'examiner la façon de l'insertion socio-économique des femmes
à travers de l'activité de l'étuvage du riz.
Ainsi, les femmes du groupement féminin
« Douré » de la commune de Say se
débattent autour de l'étuvage du riz pour améliorer les
conditions de vie de leur ménage.
Au regard de tout ce qui précède, nous nous
sommes posé la question générale :
- L'activité de l'étuvage du riz peut-elle
contribuer l'insertion socioéconomique des femmes des
ménages de la commune de Say ?
Et les questions subsidiaires :
- Quels sont les effets de l'activité d'étuvage
du riz sur leurs ménages ?
- Quel est l'impact socio-économique de
l'étuvage du riz sur leurs ménages ?
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