La géopolitique de la Russie dans la région caspienne: évolution des intérêtspar John Makombo Kibangula Université de Lubumbashi - Licence 2021 |
§.2. HistoriqueLe destin des populations russes « coincées » involontairement dans les trois nouveaux pays caspiens (le Kazakhstan, ¾ Azerbaïdjan, le Turkménistan) constitue un autre facteur d'importance nationale pour la Russie. A la veille de la dissolution de l'U.R.S.S., le Kazakhstan abritait la deuxième plus grande diaspora russe au monde (environ 6 millions de personnes), après celle de l'Ukraine. Avec la dissolution de l'Union soviétique, les Russes ont perdu leur statut particulier de peuple dominant dans tout l'espace postsoviétique et sont confrontés à des choix difficiles entre adaptation et intégration aux nouvelles sociétés nationales ou émigration. De nos jours, dans les pays caspiens (excepté au Kazakhstan), ils sont privés de la possibilité de défendre leurs intérêts par des moyens politiques. Les nouveaux régimes autoritaires en place sont formés sur la base du système clanique (tribalisme) auquel les Russes n'ont pas accès dans la mesure où ils sont considérés comme élément étranger. À cause du caractère clos de ces clans, les Russes ne comprennent tout simplement pas ce nouveau système et n'arrivent pas à s'adapter ni à élaborer une stratégie d'action commune. C'est pourquoi, dans presque tout l'espace postsoviétique, les communautés russes sont réputées être inertes et désunies. L'existence de ces communautés et leur comportement se répercutent, d'une part, sur le niveau des relations bilatérales entre la Russie et les trois anciennes républiques soviétiques et, de l'autre, sur les politiques intérieures des Pays respectifs, en devenant ainsi un facteur géopolitique. La dérive autoritaire et la pérennité des régimes des nouveaux États sont liées, entre autres, au poids des communautés russes sur place. La Russie a d'ailleurs été évincée des pays caspiens où le pourcentage de Russes était moins important. Ainsi, le niveau de présence russe (politique, économique, culturelle, démographique) a une répercussion sur le niveau de la démocratisation et sur la stabilité des pays en question, aussi paradoxal que cela puisse paraître. Donc, la présence russe en Asie centrale et au Caucase ne se réduit pas à la seule violence et à la seule domination. Sans nier cet aspect des choses, il existe des éléments positifs dans l'évolution des territoires en question sous la tutelle de Moscou.47(*) Ainsi à l'origine du processus lent de formation des diasporas russes se trouvent des raisons aussi bien objectives (instabilité politique et économique) que subjectives (hétérogénéité, passivité, conformisme). Pour les membres des communautés, être écartés d'une participation active dans la vie politique signifie être limités dans la promotion sociale et professionnelle. Ajoutons également que les « élites communautaires » russes essayent souvent de trouver un arrangement avec les autorités des pays désormais d'accueil, plutôt que de se tourner vers la Russie de laquelle elles attendent de moins en moins de protection et d'assistance. On peut affirmer que la Caspienne reste et restera encore longtemps au centre des préoccupations géopolitiques de la Russie, qui la considère comme faisant partie de sa sphère « légitime » et de son périmètre de sécurité. Mais elle manque de moyens pour exercer un contrôle politique, économique ou militaire efficace sur cet espace. La Russie postsoviétique n'a pas encore réussi à élaborer vis-à-vis de cette zone une politique multidimensionnelle qui défendrait mieux ses intérêts nationaux. Avec l'arrivée au pouvoir de VI. Poutine, elle a commencé à bâtir une politique pragmatique à l'égard de la région Caspienne qui mise davantage sur les profits économiques susceptibles d'apporter ultérieurement des crédits politiques.48(*) * 47 IDEM * 48 IBIDEM |
|