La géopolitique de la Russie dans la région caspienne: évolution des intérêtspar John Makombo Kibangula Université de Lubumbashi - Licence 2021 |
CHAP 2 : La Russie dans la région caspienneCe deuxième chapitre porte sur la Russie dans la region caspienne, nous parlerons de sa localisation, de l'historique de la region, de ses caractéristiques, des enjeux, des stratégies autour de cette region. Le chapitre sera subdivisé en deux sections dont chacune aura deux paragraphes avec des sous points. Section 1 : Localisation et Historique de la régionDans cette section, il est question de parler de la localisation de la region caspienne ainsi que la mer qui s'y trouve et aussi de son historique tout en retraçant les enjeux, les problèmes de cette region. §.1 . LocalisationCaspien est emprunté au latin caspianus, dérivé du latin caspius. La region caspienne tire son nom du fait qu'elle est marquée par la mer caspienne. Son nom vient du peuple des Kassites des monts Zagros, une chaîne de montagne en Iran, dérivant d'une racine hourrite kas signifiant « montagnard » dont dérivent aussi les noms du Caucase et de Qazvin. Dans l'Antiquité, elle était appelée mer Hyrcanienne (en latin : mare Hyrcanum d'après la région Hyrcanie. Au Moyen Âge, elle se nommait aussi mer KHvalissienne ou Choresmienne (lié aux Hvalis, les habitants du Choresm). Dans les sources arabes, elle se nomme la Bahr el-Qazvin d'après la ville iranienne Qazvin. En Iran, elle s'appelle aussi mer Khazare (Daryâ-ye Khazar) et parfois mer de Mazandaran (Daryâ-ye Mazandaran), d'après la région iranienne qui la borde. Par extension, certains géographes emploient caspienne avec un c minuscule comme adjectif pour désigner une mer fermée.39(*) 1.1. Histoire de la Mer caspienne.La Mer Caspienne était déjà connue des anciens qui l'appelaient aussi la mer d'Hyrcanie, les anciens Russes l'appelaient la mer des Khvalises ; les Arabes la nommaient la mer de Khazars. Le trafic, au commencement du Moyen âge, était surtout exploité par les Khazares et les Bulgares. Au XVIe et au XVIIe siècle, elle fut visitée par les Anglais et les Hollandais ; ses bords furent ravagés par les aventuriers cosaques. Ce fut Pierre le Grand qui, le premier, eut l'idée de l'ouvrir largement au commerce moscovite ; A la fin de l'époque impériale, on pouvait la regarder comme un lac russe. La Russie avait seule le droit d'entretenir une flotte de guerre sur la mer Caspienne ; cette flotte avait son port d'attache à Krasnovodsk (aujourd'hui au Turkménistan). Après la disparition de l'Union soviétique, les eaux de la Mer Caspienne ont été partagées entre les cinq pays cités plus haut. La première carte qui donne une idée à peu près exacte de sa configuration date du XVIIIe siècle (1731).40(*) Dès l'Antiquité, la Caspienne représente un espace stratégique incontournable entre Orient et Occident. Pour cette raison, elle n'a jamais échappé aux ambitions de conquête et de domination des puissances voisines. Pendant plusieurs millénaires, de nombreuses civilisations se sont formées autour d'elle. Seulement deux d'entre elles ont subsisté jusqu'à nos jours : la russe et l'iranienne. L'espace caspien était turco-persan jusqu'au milieu du XVIe siècle. Après la prise d'Astrakhan (1556), les Russes se sont interposés entre ces deux mondes tout en justifiant leurs ambitions par leurs nature et origines eurasia- tiques, car leur victoire contre les Tatars était aussi bien une émancipation qu'une transmission de souveraineté. Ainsi, sur le plan géopolitique, la Mos- covie succède à la Horde d'or et pour son développement elle choisit le vecteur asiatique (les steppes kazakhes, la Sibérie, l'Extrême-Orient et le Caucase) qui déterminera une partie substantielle de sa grandeur. Un tel recadrage est de nature à susciter une lecture attentive des mouvements eurasiens actuels, et de leur audience potentielle dans les pays caspiens.41(*) De caractère essentiellement économique jusqu'à Pierre le Grand (hormis au Xe siècle quand ont eu lieu plusieurs campagnes militaires), les relations russo-caspiennes sont devenues militaires à partir du XVIIIe siècle. Cela jusqu'à ce que l'empire des tsars impose sa présence au XIXe siècle sur la côte occidentale, puis orientale de la Caspienne, en évinçant la Turquie et ne laissant qu'une portion congrue à la Perse au sud du littoral. À partir de cette période, la Russie influence fortement le destin de la région. C'est également dans la dernière moitié du XIXe siècle que le pétrole de la péninsule d'Apchéron devient un enjeu important qui marquera la période ultérieure de l'histoire de la région. Enfin, c'est à cette époque qu'ont été paraphés les premiers traités concernant aussi bien la mer Caspienne que le destin des territoires riverains qui sera désormais lié à l'Empire et au peuple russes. Malgré le rejet du tsarisme et l'émergence d'une nouvelle idéologie, l'Union soviétique a reçu en héritage une fonction géostratégique similaire à celle qu'avait exercée l'Empire russe au coeur du continent eurasien. Or, en dépit de nombreuses ressemblances évidentes et de traits permanents, l'ex-U.R.S.S. ne s'identifie en aucun cas à l'Empire russe et encore moins à l'actuelle Fédération de Russie. À l'époque soviétique, il paraît difficile de comparer les relations entre la R.S.F.S. de Russie et les républiques fédérées aux relations entre une métropole et ses colonies. Enfin, la notion de « peuple soviétique » n'est pas seulement un terme de la langue de bois de la période communiste, mais une réalité géopolitique de son temps.42(*) L'Empire russe s'est toujours différencié des puissances coloniales classiques et de leurs pratiques par la particularité de son mode de domination sur Les territoires conquis. L'ingérence russe s'est présentée sous différentes facettes : tantôt souhaitée par certaines populations en mal de protection, tantôt subie par d'autres sous la contrainte et dans la violence. Le destin des peuples concernés n'aurait sans doute pas été le même s'ils étaient tombés dans le giron de la Turquie, de la Perse, de la Chine ou encore de l'Angleterre. Ainsi peut-on dire qu'une telle région stratégique, fragilisée par sa fragmentation, avait peu de chances d'échapper, au cours de son histoire, aux convoitises d'autres empires (ottoman, persan, chinois, voire anglais). Son intégration dans l'Empire russe, malgré tous ses aspects négatifs, a eu, sur le long terme, des contreparties positives pour les peuples y habitant. Une intégration forcée au monde musulman aurait pu avoir comme conséquence une assimilation plus profonde de ces peuples au détriment de leurs particularités. C'est un processus qui avait déjà démarré avant l'arrivée des Russes. Le sort des Turkmènes et des Azéris iraniens comme celui des Kurdes en Turquie est une illustration de cette négation durable des différences au sein des Etats musulmans. En revanche, les Azéris et les Turkmènes « russes » ont pu développer une identité pour constituer aujourd'hui des nations indépendantes. Pour les Kazakhs, n'est-ce pas l'avancée russe qui a endigué celle des Chinois qui s'étaient déjà approprié le Xinjiang et visaient les vastes étendues kazakhes faiblement peuplées ? Enfin, quel est le sort des turcophones (Ouïgours, Kazakhs, Mongols) ou encore des Tibétains dans la Chine d'hier et d'aujourd'hui ?43(*) La précipitation des États à se séparer de la Russie, et vice versa, leur a peut-être fait manquer l'occasion de partager un développement commun plus serein. Quelle part de profit et de perte leur a apportée la séparation ? Il est encore difficile de mesurer le bilan de cette scission. À l'heure actuelle, l'enjeu principal de la Caspienne est lié à ses réserves considérables de ressources énergétiques. Au début des années 1980, Yves Lacoste a évoqué la configuration de la « géologie sous-marine pour fonder des droits « naturels » à l'annexion des fonds marins, surtout si l'on y suppute la présence du pétrole' ». De nos jours, la région Caspienne est l'une des rares, sinon la seule, où se produit une réorganisation des territoires autour des ressources naturelles stratégiques avec la reconstitution d'une politique d'accès et de distribution internationale. Une lutte géopolitique sans merci est engagée pour la mainmise sur les hydrocarbures, de leur extraction à leur commercialisation. Aucune région de l'ex-espace soviétique n'est autant convoitée que le bassin caspien. Sortis de l'isolement et d'une « servitude » séculaire, les nouveaux pays de cet espace se sont retrouvés d'emblée exposés aux péripéties des convoitises russe, turque, iranienne, américaine, européenne et chinoise. Pour donner le tableau le plus actuel possible de la situation liée au secteur énergétique, d'incessantes mises à jour sont faites dans le domaine des tracés des oléoducs et gazoducs et de la prospection de gisements d'hydrocarbures caspiens.44(*) La rivalité se manifeste dans le triangle classique : producteurs, transitaires et consommateurs de pétrole et de gaz naturel. Un nouveau « Grand Jeu » est annoncé dans lequel les États-Unis et la Fédération de Russie ont pris la place des empires britannique et tsariste, puis soviétique, mais dans une nouvelle donne internationale plus complexe où le monde n'est plus bipolaire. Dans ces conditions, la Russie s'efforce de valoriser au maximum ses avantages géopolitiques afin de se réimposer en tant que maillon indispensable dans les échanges entre Orient et Occident. Jadis État phare de la région, elle est désormais contrainte de partager ce statut avec les autres puissances présentes. Les mises des puissances de différentes tailles (États-Unis, Communauté européenne, Chine, Turquie, Iran, Inde, Japon) sont si considérables qu'il faudra aux Russes beaucoup d'énergie et d'habileté pour garder la main.45(*) L'escalade des tensions autour de la Caspienne après la dislocation de l'U.R.S.S. a révélé un de ses problèmes récurrents : l'absence de statut juridique clair pour la mer qui réunit désormais cinq pays au lieu de deux. Ce manque conjugué à la répartition inégale des ressources énergétiques par pays et à l'exploitation hâtive de certains gisements a provoqué de nombreux débats et des situations de conflit entre les États riverains qui les ont parfois portés à la limite d'une opposition armée. Le problème du statut ne se serait sans doute pas posé sans le démembrement de l'Union soviétique. Ce problème juridique est également traité dans la thèse sous l'angle chronologique. On voit apparaître de nouveaux acteurs « russes » provenant, cette fois, des républiques autonomes du Daghestan et de la Kalmoukie et, dans une moindre mesure, de la région d'Astrakhan. Cependant, ils ne se sont jamais distingués par une « identité pétrolière » et pour l'instant ils vivent la phase initiale d'une identification régionale appuyée par le facteur pétrolier. Quel rôle leur sera réservé dans le partage des ressources énergétiques caspiennes ? Tout dépendra des résultats des prospections des prochaines années, car actuellement une toute petite part de leur territoire est étudiée. Le Daghestan et la Kalmoukie, deux républiques pauvres, sont avides d'intégrer le groupe des acteurs principaux du partage de la Caspienne afin de redresser leurs économies fragiles. Mais le centre russe ne se montre pas trop enthousiaste face aux ambitions de ses sujets.46(*) * 39 Definitions lexicographiques et etymologiques de « caspien » du tresor de la langue francaise informatisé, sur le site du centre national de ressources textuelles et lexicales. * 40 P. Tavernier, « Le statut juridique de la mer Caspienne : mer ou lac ? La pratique des Etats vue à travers les documents publiés par les Nations Unions » Actualité et Droit international, octobre 1999, voir point 1. * 41 Charles de Saint Vincent, Caviar. Manuel décomplexé à l'usage de l'amateur , Chronique, 2014, P. 87 * 42Serge Jodra, « Mer Caspienne » consulté sur cosmovisions.com * 43 Collectif, Dictionnaire illustré des merveilles naturelles du monde * 44 IDEM * 45 Khan, « La flottille de la Caspienne recevra 16 nouveaux navires de guerre » sur rusnavyintelligence.com * 46 « Mer Caspienne : les pays riverains signent un accord historique » 06 Mai 2021 sur « Kremlin.RU. » |
|