3.2. Discussion
La présente étude vise à contribuer
à la lutte contre la résistance aux antimicrobiens au
Bénin. Il ressort de la présente étude que les extraits
éthanoliques et aqueuxde toutes les plantes ont présenté
des rendements à l'extraction variables selon la partie de la plante
étudiée. L'activité antimicrobienne évaluée
sur les souches entéropathogènes résistances aux BLSE et
les souches de S. aureus et SCN méticillino-résistantes
ont révélé que l'extrait éthanolique des
écorces et l'extrait aqueux des fruits de Adansonia digitata
ont présenté une meilleure activité sur les souches
de Staphylococcus aureus et Staphylococcus à Coagulase
Négative résistantes à la méticilline. En
conformité avec les résultats de Lagnika et al. (2012),
qui ont montré que tous les extraits de Adansonia digitata ont
inhibé la croissance de S. aureus résistante à la
méthicilline. Les mêmes extraits ont présenté
demeilleures zones d'inhibition sur les souches de K. pneumoniae, K.
oxytoca, E. coli et E. cloacae. D'après Ajiboye, A. digitata
a montréune certaine activité antibactérienne contre
Escherichia coli. Le résultat des activités
antibactériennes de l'écorce de la tige des extraits bruts
d'éthanol et d'eau de Adansonia digitata contre les isolats de
Escherichia coli a révélé une résistance
aux extraits à toutes les concentrations testées
(Ajiboye et al., 2020). Ces résultats sont
discutables d'autant plus que l'extrait éthanolique a inhibé la
croissance d'une des deux souches multirésistantes, mais est
resté sans effet sur la souche de référence E. coli.
Mais aussi, selon certains auteurs, l'activité de la plante varie
en fonction de la partie de la plante utilisée (Jame, 2019).Sur les
souches fongiques, l'extrait éthanolique des écorces de
Adansonia digitata a également présenté une bonne
activité antifongique sur toutes des souches résistantes et
virulentes cliniques testées (C. albicans, C. glabrata, C. krusei et
C. parapsilosis). L'activité antimicrobienneintéressante des
extraits de Adansonia digitata pourrait être due à la
présence de tanins et de flavonoïdes, car ceux-ci ont
déjà été signalés à l'origine des
activités antimicrobiennes (Datsugwai et Yusuf, 2017). Les
tanins sont des agents antimicrobiens connus qui pourraient inhiber la
croissance des microorganismes en précipitant la protéine
microbienne et en les privant ainsi des protéines nutritionnelles
nécessaires à leur croissance et à leur
développement (Jame, 2019). Quant aux flavonoïdes ayant
également été signalés possèdent de
nombreuses propriétés utiles, y compris les antimicrobiens et
antioxydantes (Kumar et al., 2015). Ces propriétés
confèrentà cet extrait (extrait éthanolique des
écorces de Adansonia digitata), une activité
antimicrobienne exploitable dans le contexte de la résistance
antimicrobienne.
En ce qui concerne les extraits de Tamarindus indica,
les extraits ont présenté une activité variable selon
les souches testées. Les extraits des feuilles (aqueux et
éthanolique), des écorces (étanolique) et des fruits
(aqueux et éthanolique) ont présenté une meilleure
inhibition sur toutes les souches de Staphylococcus aureus et de
Staphylocoque à Coagulase Négative résistantes
testées. Sur les souches entéropathogènes
résistantes testées, les extraits éthanolique des feuilles
et écorces ont montré une large zone d'inhibition sur les souches
de K. pneumoniae et sur une souche résistante aux BLSE de
E. coli et E. cloacae. Aussi, les extraits de fruit aqueux et
éthanolique ont présenté une bonne activité sur
toutes les souches entéropathogènes résistantes
testées. Quant à l'activité sur les champignons, seule une
souche de C. albicans résistante au fluconidazole a
été inhibée face à l'extrait éthanolique des
feuilles et l'extrait aqueux de l'écorce. Seule la souche de
référence a été inhibée par la
majorité des extraits. Les extraits éthanoliques de
l'écorce et de fruit n'ont eu aucune activité sur les souches
testées. Des études ont montré l'activité
antimicrobienne de différentes parties de T. indica contre
diverses souches de bactéries -'''''''''''''' (Diatta et
al., 2019?; Abdallah et Muhammad, 2018?; Escalona-Arranz et al.,
2010). D'après Abdallah et Muhammad, les extraits aqueux et
éthanolique ont été révélés
posséder une activité antimicrobienne puissante contre
Staphylococcus aureus -(Abdallah et Muhammad, 2018). Ce potentiel
antimicrobien des extraits de graines de la plante contre également le
staphylocoque doré multirésistant à la méthicilline
(MDR-MRSA) a été montré avec les extraits
éthanoliques (Yang et Zezhi, 2009). D'autres études
réalisées sur les extraits de feuilles et de fruits de T.
indica testés contre les isolats cliniques de Escherichia coli
dans les selles ont montré que l'extrait éthanolique a une
activité maximale par rapport à l'extrait aqueux (Escalona-Arranz
et al., 2010). Ces études réalisées en
conformité avec la présente étude ont prouvé la
capacité des extraits de T. indica sur les souches
résistantes et surtout des extraits de fruit de cette plante. Ces
résultats se justifieraient par la richesse en composés chimiques
de la plante.
En ce qui concerne Acacia nilotica, les extraits
aqueux des feuilles, des fruits et l'extrait éthanolique de
l'écorce ont présenté de meilleures activités sur
toutes les souches testées (bactéries et champignons).
L'activité des autres extraits a été variable selon la
souche résistante testée, mais majoritaire sur toutes les souches
de K. pneumoniae, sur une souche de E. coli et une souche de
E. cloacae résistantes aux BLSE. Les extraits
éthanoliques bruts ont montré des activités
antimicrobiennes contre les souches multirésistantes de Escherichia
coli et Klebsiella pneumoniaedans l'étude réalisée
par Khan et al. (2009). De même, l'extrait de la plante a
réduit de manière significative l'activité du biofilm de
E. coli, K. pneumoniae, des isolats multirésistants des
échantillons d'urines et contenant des gènes de résistance
blaTEM, blaSHV, blaCTX - - (Elamary et al., 2020). Ces
résultats sont similaires à ceux issus de la présente
étude. L'utilisation d'extrait aqueux de gousses de Acacia
nilotica a exposé une activité antibactérienne contre
Escherichia coli et Staphylococcus aureus (Farzana et al.,
2014). De la même manière, Khan et al. (2009) a
exposé l'activité antifongique d'extraits éthanoliques
contre des souches multirésistantes (MDR) de Candida. L'activité
antimicrobienne intéressante des extraits de Acacia nilotica
pourrait être due à la présence de tanins et de
flavonoïdes, car ceux-ci ont déjà été
signalés à l'origine des activités antibactériennes
et antifongiques de ceux-ci (Datsugwai et Yusuf, 2017).
En plus, l'activité antifongique des extraits sur les
souches de Candida présentant les facteurs de virulence
lécithinase, hémolysine, Biofilm, Exopolysaccharide et
adhésion a été variable selon les types de facteurs de
virulence en jeu. Selon Goncalves et al. (2016), ces facteurs sont
à l'origine de la pathogénicité des souches. Ainsi, la
capaciteì des Candida aÌ adhérer aux tissus (gra^ce aux
adheìsines qui sont des reìcepteurs proteìiques
situeìs sur la membrane de la levure), aÌ secréter des
protéases et les phospholipases (qui dégradent les tissus
eìpitheìliaux de l'ho^te pour favoriser l'invasion des levures),
aÌ changer de morphologie (passage de la forme levure aÌ la forme
filamenteuse), la capacitéì aÌ résister aux
antifongiques par la formation de biofilm, aÌ moduler la défense
de l'ho^te constituent les déterminants majeurs de leur
pathogeìniciteì (Sabra, 2013). En effet, d'après nos
résultats, il a été observé que les extraits aqueux
de fruit et d'écorce de A. digitata n'ont
présenté aucune activité antifongique sur les souches
présentant le facteur lécithinase et hémolysine. Par
contre, en ce qui concerne l'activité antifongique des extraits sur les
souches virulentes présentant le facteur biofilm, les extraits
ethanoliques des feuilles et aqueux d'écorce de A. digitata ont
montré une bonne activité. Quant aux facteurs exopolysaccharide
et adhésion, l'extrait éthanolique de l'écorce et du fruit
de A. digitata a présenté une meilleure activité.
Face aux souches présentant le facteur gélatine, tous les
extraits de A. digitata ont été non actifs. Quant
à l'activité antifongique de Acacia nilotica, les
extraits ont présenté une bonne activité aussi bien sur
les souches présentant et non le facteur lécithinase. Les
résultats sur les facteurs exo polysaccharide, adhésion et
gélatine sont similaires. Pour les extraits de T. indica sur
les souches fongiques, une faible activité a été
observée au niveau des souches présentant le facteur de virulence
Adhésion. Seuls les extraits éthanoliques de feuille et aqueux de
l'écorce de T. indica ont présenté une
activité sur les souches présentant la virulence à la
lécithinase. Aucune activité n'a été notée
sur les souches présentant la virulence à la gélatine en
ce qui concerne les extraits de T. indica. Ces résultats
prouvent que l'expression d'un facteur de virulence dépend de la souche
en cause de l'infection, car les facteurs en question peuvent être
liés conduisant à la virulence de la souche. Le facteur
adheìsion constitue la première étape de l'expression de
la virulence des Candida. Elle contribue aÌ la persistance du
microorganisme au sein de l'hôte et est essentielle dans
l'établissement de l'infection. Ce facteur est lié à
l'hydrophobicité des souches, car selon de nombreuses études,
plus les souches sont hydrophobes, plus elles adhèrent aux cellules
(Goncalves et al., 2016?; Goswami et al., 2017). Le facteur
biofilm quant à lui associé à l'exopolymérase
augmente la capaciteì des souches de Candida aÌ coloniser,
protéger les levures contre les attaques immunologiques (Mba et Nweze,
2020), favoriser la prolifération des espèces, la diffusion des
nutriments, protège les levures de la réponse immunitaire de
l'ho^te et est ainsi impliquée dans la majoriteì des infections
associées aux Candida.
En ce qui concerne le mécanisme d'action de ces
extraits, plusieurs souches ont été utilisées pour
étudier le mode d'action des extraits actifs en relation avec
différentes souches bactériennes testées. Dans la
présente étude, le test de perméabilité de la
membrane externe des bactéries a été adopté pour
évaluer le mode d'action des extraits aqueux et éthanoliques du
fruit de Tamarindus indica, les extraits aqueux des feuilles et fruits
de Acacia nilotica et les extraits éthanolique de
l'écorce et aqueux du fruit de Adansonia digitata contre K.
pneumoniae ATCC 25922, E. coli, S. aureus, SCN, E. cloacae, K. pneumoniae
et K. oxytoca des souches impliquées dans les maladies
infectieuses. Les données obtenues ont mis en évidence un
potentiel de déstabilisation de la membrane des souches
bactériennes des extraits testés avec un meilleur effet par
rapport à l'imipenème utilisé comme molécule de
référence. Ces observations reflètent que les extraits ont
un mode d'action important sur la déstabilisation de la membrane externe
des souches bactériennes testées. Aussi, la
déstabilisation a été dépendante de la
concentration des extraits sur la membrane des souches de S. aureus
et SCN résistantes à la méthiciline, E.
coli, E. cloacae mais, indépendante surla membrane des souches
de K. oxytoca et K. pneumoniae. Ceci signale que les extraits
pourraient être administrés à la CMI sur les souches de
S. aureus et SCN résistantes à la
méthiciline, E. coli, E. cloacae. Par contre elle pourrait
varier entre CMI et 2CMI sur les souches de K.oxytoca et K.
pneumoniae résistantes. L'effet de ces extraits sur la
déstabilisation membranaire des souches pourrait être
attribué à la composition phytochimique des extraits. En effet,
les composés phénoliques (flavonoïdes, tanins, etc.) et
terpénoïdes ont été rapportés être
à l'origine de la déstabilisation et de la perturbation des
interactions entre les molécules de lipopolysacharides. En effet, ces
composés phénoliques sont capables de déstabiliser la
membrane externe des bactéries en complexant les cations divalents qui
la stabilisent (Frirdich et Whitfeld 2005?; Vaara 1992). Cette action
antibactérienne résulte de l'éclatement de la membrane
cytoplasmique et des modifications de l'homéostasie ionique entre les
compartiments intracellulaire et extracellulaire des bactéries
Gramnégatifs (Trombetta et al., 2005). Ainsi, les
antigènes de la membrane responsables de la virulence des
bactéries seront affectés expliquant ainsi, l'effet
déstabilisant des extraits de ces plantes pour la membrane
bactérienne des souches testées.
L'étude de l'innocuité des extraits a
montré que tous les extraits ont une CL50
supérieure à 0,1 mg/ml à l'exception des
feuilles et des fruits de Adansonia digitata qui ont
présenté une toxicité modérée. Les extraits
de plantes étudiés sont donc non toxiques sur les larves de
Artemia salina selon l'échelle proposée par Moshi
-(Moshi et al., 2004). D'après l'étude de -Abdelmageed
(2019) ayant porté sur la cytotoxicité de l'extrait aqueux et
d'éthanol des fruits de Adansonia digitata, il a
été révélé que les composés solubles
dans ces extraits sont toxiques pour les cellules dermiques. Quant aux extraits
de Acacia nilotica et Tamarindus indica, non toxiques
étudiés sur les différentes parties de ces plantes, les
résultats sont en conformité avec ceux trouvés in vivo
par Escalona-Arranz et al. (2016) et
''''''''''''Traoré, (2020) pour Tamarindus indica.
Malgré la contradiction de certains auteurs ayant rapporté une
toxicité aiguë chez la souris de l'extrait brute aqueux de
l'écorce après quatorze jours d'étude (Escalona-Arranz
et al., 2016), les résultats de la présente étude
prouvent que la plante est non toxique. Acacia nilotica non toxique a
été confirmé par l'étude de Mamanet al.
(2019). Néanmoins, ces études mettent en doute la grande
richesse en composé chimique pouvant induire des effets toxiques.
Malgré la présence de ces composés chimiques, la
présente étude n'a montré aucune toxicité
cellulaire des extraits sur les larves de Artemia salina. Ces
résultats constituent une preuve de la non toxicité de la plante.
Aussi, le test de cytotoxicité constitue une présélection
pour déterminer non seulement le degré de cytotoxicité
d'un produit, mais aussi la présence de composés
anticancéreux potentiels. Ces données prouvent qu'il y a une
corrélation positive entre la mortalité des larves de Artemia et
la cytotoxicité contre les cellules KB (McLaughlin et al.,
1993). Malgré que certains auteurs prétendent qu'il n'y a pas de
corrélation entre le test de cytotoxicité et les effets
toxicologiques sur un animal entier (Lègba et al., 2018). De
plus, pour des auteurs ayant étudié l'effet de 20 extraits
de plantes testés in vivo (souris) et in vitro -(Parra
et al., 2001), une bonne corrélation (r = 0,85, P
<0,05) a été observée, ce qui suggère que
le test de cytotoxicité est une alternative relativement utile du
modèle de toxicité.
Les résultats issus de la présente étude
sont d'un grand intérêt, car ont permis de mettre l'accent sur
quelques plantes à fruit présentant une bonne activité
antimicrobienne sur les souches résistantes aux antimicrobiens.
D'après ces résultats, les extraits aqueux des fruits ont
présenté une meilleure activité antibactérienne.
L'extrait aqueux est très connu et consommé comme jus de fruit
par la population (Tamarindus indica, Adansonia digitata). Cet extrait
possède un grand potentiel thérapeutique démontré
par la présente étude et mérite d'être
valorisé pour un usage perpétué. Il serait
nécessaire de modérer cet usage, car ces plantes ne sont pas
exemptes de toxicité (Adansonia digitata). Néanmoins,
cette étude constitue un pont pour d'autres perspectivesd'études
orientées vers
l'étude du mécanisme d'extraction des
composés chimiques actifs sur les souches résistantes. Aussi, il
serait intéressant d'envisager d'éventuelle possibilité de
combinaison avec les médicaments inactifs pour la lutte contre la
résistance aux antimicrobiens.
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