STYLE AUTORITAIRE EN EDUCATION EXTRASCOLAIRE ET
RESISTANCE AU CHANGEMENT :
Cas des commerçants de trottoirs du
marché Melen
Mémoire présenté en vue de
l'obtention du diplôme de Master en
Science de l'Education
Option : Education extrascolaire et conseil
Présenté par :
SAPE KOUAHOU Cyrille Armel
Licencié en sociologie
Sous la direction de :
Pr. Chandel EBALE MONEZE
Maître de conférences
Mars 2017
« L'éducation extrascolaire ne correspond
pas à un état de chose transitoire, elle est une
nécessité permanente »
(UNESCO, Grenoble 1964, p.4)
DEDICACE
A
Mon épouse,
ETOUNDI OMGBA Cunégonde Blanche
REMERCIEMENTS
Au moment où nous arrivons à la fin de ce
travail, nous remercions d'abord notre directeur de mémoire, Pr. EBALE
MONEZE Chandel, pour son sens de l'écoute, son ouverture au dialogue et
ses édifiantes remarques.
Nous remercions ensuite le Chef de Département
d'« Education Spécialisée » de
l'Université de Yaoundé1, le Pr. MAYI Marc Bruno, dont le
laborieux travail féconde le rayonnement dece département qui
nous a vus avancer sans encombre dans nos études.
Puis, nous exprimons une vive gratitude à nos
enseignants du département d'« Education
Spécialisée » et spécialement à ceux de
la section « Intervention, Orientation et Education
Extrascolaire », pour leurs enseignements qui ont somme toute rendu
possible l'élaboration du présent mémoire.
Nos remerciements vont également à l'endroit de
nos parents et beaux-parents, KOUAHOU Jean-Marie, MAKOUDJOU Lucienne et AMOUGOU
MBARGA Marie-Josèphe, pour leurs inconditionnels soutiens spirituels et
matériels.
Enfin, nous associons à ces remerciements notre
épouse, ETOUNDI OMGBA Cunégonde Blanche, pour son soutien
multiforme dans la conduite de ce travail.
Nous ne saurons oublier toutes les personnes qui ont
contribué d'une manière ou d'une autre à rendre ce travail
possible.
CHAPITRE 1: RESUME
Le présent travail est intitulé
« style autoritaire en éducation extrascolaire et
résistance au changement : cas des commerçants de trottoirs
du marché Melen». Il s'inscrit dans le champ des sciences de
l'éducation en générale, de l'« éducation
extrascolaire et conseil » en particulier et s'appuie sur les
théories de la réactance psychologique et de l'andragogie.
Le problème posé est le suivant : le
behavioriste Skinner, à la faveur de sa théorisation du
« conditionnement opérant »,
démontre l'efficacité des « stimuli
aversifs » dans l'apprentissage. Ces stimuli consistent en
l'application au sujet d'une action douloureuse ou dissuasive à l'effet
de l'amenerà changer de comportement dans le sens voulu. Or, l'on
constate que les commerçants de trottoirs manifestent de la
résistance au changement malgré l'application à eux d'un
« stimulus aversif », qui prend la forme de la
répression institutionnelle.
La question de recherche est la suivante : « Le
style autoritaire en éducation extrascolaire à l'ordre urbain
induit-il la résistance au changement des commerçants de
trottoirs ? ». La réponse préliminaire se veut
être l'hypothèse générale suivante: « Le
style autoritaire en éducation extrascolaire à l'ordre urbain
suscite la résistance au changement des commerçants de
trottoirs ». Elle a donné lieu à trois
hypothèses de recherche à savoir :
HR1 :L'imposition des mesures de l'ordre
urbain suscite la résistance au changement des commerçants de
trottoirs.
HR2 :L'intimidation des commerçants de
trottoirs suscite la résistance au changement de ces derniers.
HR3 : La violence manifestée par les
autorités en charge de l'ordre urbain suscite la résistance au
changement des commerçants de trottoirs.
Pour éprouver ces hypothèses, un questionnaire a
été administré à 168 sujets, tous
commerçants de trottoirs au marché Melen. La technique
d'« échantillonnage sur place » (Ghiglione
et matalon, 1985, p.36) a permis la sélection des sujets
enquêtés. L'analyse des résultats à l'aide du test
de Khi carré a conduit à l'acceptation de deux hypothèses
de recherche sur trois. En effet,
Pour HR1, á=0,05, X2cal=20,572 =
X2lu=12,59, ce qui veut dire que HR1 est
confirmée.
Pour HR2, á=0,05, X2cal=11,294 =
X2lu=12,59, ce qui veut dire que HR2 est
rejetée.
Pour HR3, á=0,05, X2cal=26,995 =
X2lu=16,92, ce qui veut dire que HR2 est
confirmée.
En définitive, si les techniques skinneriennes sont
adaptées dans le domaine de l'éducation des enfants et du
dressage des animaux, il n'est pas certain qu'il en soit de même en
éducation des adultes. Par définition, les adultes ne
tolèrent pas que l'on leur impose ce qu'ils doivent faire et
préfèrent des démarches éducatives
concertées, intégratives et participatives. Aussi, la longue
pratique du commerce de trottoirs entraine-t-elle la réactance
psychologique de ses adeptes à la suite d'une éviction
forcée et non négociée. Toutefois, il est
nécessaire de mener d'autres recherches dans ce domaine. On peut par
exemple explorer « l'éducation participative et
médiatique à l'ordre urbain et changement de comportement des
commerçants de trottoirs ».
CHAPITRE 2: ABSTRACT
The title of this work is "Authoritarian style in extra-school
education and resistance to change: the case of the sidewalk traders in the
Melen market". It falls within the field of the sciences of education in
general, and of "extra-school education and counselling" in particular. It is
based on the theory of psychological reactance and that of andragogy.
The problem raised is the following: the behaviourist Skinner,
in his theorization of "operative conditioning", demonstrates the effectiveness
of "aversive stimuli" in learning. They consist in applying a painful or
dissuasive action to subjectsin order to induce them to adopt a new behaviour.
However, it can be seen that pavement merchants show resistance to change
despite the application of an "aversive stimulus", which takes the form of
repression by public authorities.
The research question therefore is: "Does the authoritarian
style in extra-school education to urban order induce resistance to change
fromsidewalk traders?". The preliminary answer is the general hypothesis
formulated as followed: "The authoritarian style in extra-school education to
urban order induces resistance to the change fromsidewalk traders". It then
gave rise to threeresearchhypotheses, namely:
HR1: The imposition of measures intended for
urban order induces resistance to change fromsidewalk traders.
HR2: The intimidation of sidewalk merchants
induces resistance to change.
HR3: Violence orchestrated by the authorities
in charge of urban order leads to resistance to change fromsidewalk traders.
To test these hypotheses, a questionnaire was administered to
168 subjects, all sidewalk traders operating at the Melen market. The "on-site
sampling" technique allowed selection of the subjects surveyed. The analysis of
the results using the chi-square test led to the acceptance of two out of three
research hypotheses. Indeed:
For HR1, á = 0.05 = 0.002 =P-value, which means that
HR1 is confirmed.
For HR2, á = 0.05 = 0.08 = P-value, meaning that HR2 is
rejected.
For HR3, á = 0.05 = 0.001= P-value, which means that
HR2 is confirmed.
Ultimately, Skinnerian techniques may work in the field of
child upbringingand animal rearing, it is however not certain that this is the
case in adult education. By definition, adults do not tolerate the imposition
of what they have to do and prefer concerted, integrative and participatory
educational approaches. Furthermore, the long-running practice of sidewalktrade
leads to psychological reactance from those who practise it as a result of a
forced and non-negotiated eviction. However, further research is needed in this
area. For example, one can explore "participatory and media education to urban
order and behaviour change of sidewalk traders".
SOMMAIRE
LISTE DES TABLEAUX
I
LISTE DES FIGURES
VIII
LISTE DES ABREVIATIONS
IX
INTRODUCTION GENERALE
1
PREMIERE
PARTIE : CADRE THEORIQUE
4
CHAPITRE 1: PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE
5
1.1. CONTEXTE ET JUSTIFICATION
5
1.2. PROBLÈME DE L'ETUDE
8
1.3. QUESTIONS DE RECHERCHE
12
1.4. HYPOTHÈSES DE L'ÉTUDE
13
1.5. OBJECTIFS DE L'ÉTUDE
13
1.6. INTÉRÊTS ET PERTINENCE DE
L'ÉTUDE
14
1.7. DÉLIMITATION DE
L'ÉTUDE
15
1.8. DÉFINITION DES CONCEPTS
16
CHAPITRE 2: REVUE DE LA LITTERATURE
23
2.1. AUTOUR DU COMMERCE SUR TROTTOIRS
23
2.2. DE L'EDUCATION A L'EDUCATION
EXTRASCOLAIRE
29
2.3. AUTOUR DE LA RESISTANCE AU
CHANGAMENT
39
CHAPITRE 3: THEORIES EXPLICATIVES
45
3.1. THÉORIE DE LA RÉACTANCE
PSYCHOLOGIQUE
45
3.2. THÉORIE DU CHANGEMENT
48
3.3. THÉORIE DE L'ANDRAGOGIE
52
DEUXIEME
PARTIE : CADRE METHODOLOGIQUE ET OPERATOIRE
60
CHAPITRE 4: METHODOLOGIE DE L'ETUDE
61
4.1. RAPPEL DU PROBLÈME ET DE LA
QUESTION DE RECHERCHE
61
4.2. RAPPEL DES HYPOTHÈSES DE
RECHERCHE
61
4.3. TYPE DE RECHERCHE
64
4.4. SITE DE L'ÉTUDE
65
4.5. POPULATION DE L'ETUDE
65
4.6. ECHANTILLON DE L'ETUDE
69
4.7. INSTRUMENTS DE COLLECTE DES
DONNÉES
70
4.8. DÉMARCHE DE COLLECTE DES
DONNÉES
71
4.9. TECHNIQUES D'ANALYSE DES
DONNÉES
72
CHAPITRE 5: PRESENTATION ET ANALYSE DES
RESULTATS
75
5.1. ANALYSE DESCRIPTIVE DES
RÉSULTATS
75
5.2. ANALYSE INFÉRENTIELLE DES
RESULTATS
85
CHAPITRE 6: INTERPRETATION DES RESULTATS ET
SUGGESTIONS
97
6.1. HYPOTHÈSES DE RECHERCHE HR1 ET
HR3
97
6.2. HYPOTHÈSE DE RECHERCHE HR2
103
6.3. SUGGESTIONS AUX AUTORITÉS EN
CHARGE DE L'ORDRE URBAIN
104
CONCLUSION GENERALE
107
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
110
ANNEXES
117
TABLE DES MATIERES
126
LISTE DES
TABLEAUX
TABLEAU 1 :
APERÇU DES CHANTIERS DE L'ÉDUCATION EXTRASCOLAIRE
1
TABLEAU 2 :
MODÈLE PÉDAGOGIQUE TRADITIONNEL ET MODÈLE ANDRAGOGIQUE
(KNOWLES)
55
TABLEAU 3 :
SYNTHÈSE DES HYPOTHÈSES DU MODÈLE ANDRAGOGIQUE DE MALCOM
KNOWLES
56
TABLEAU 4 : PLAN
FACTORIEL DES HYPOTHÈSES DE RECHERCHE
62
TABLEAU 5 :
RÉCAPITULATIF DES VARIABLES
64
TABLEAU 6 :
RÉCAPITULATIF DU TRAITEMENT DES OBSERVATIONS POUR HR1
87
TABLEAU 7: TABLEAU
CROISÉ IMPOSITION DES MESURES ET RÉSISTANCE AU CHANGEMENT
87
TABLEAU 8 :
RÉSULTATS DU KHI CARRÉ POUR HR1
89
TABLEAU 9 :
RÉCAPITULATIF DU TRAITEMENT DES OBSERVATIONS POUR HR2
90
TABLEAU 10: TABLEAU
CROISÉ INTIMIDATION ET RÉSISTANCE AU CHANGEMENT
91
TABLEAU 11 :
RÉSULTATS DU KHI CARRÉ POUR HR2
92
TABLEAU 12 :
RÉCAPITULATIF DES OBSERVATIONS POUR HR3
93
TABLEAU 13: TABLEAU
CROISÉ VIOLENCE ET RÉSISTANCE AU CHANGEMENT
94
TABLEAU 14 :
RÉSULTATS DU KHI CARRÉ POUR HR3
95
LISTE DES FIGURES
FIGURE 1 :
SCHÉMATISATION DE L'ESPACE URBAIN SUB-SAHARIEN
1
FIGURE 2 :
ILLUSTRATION DE LA THÉORIE PSYCHOLOGIQUE DE LA RÉACTANCE
47
FIGURE 3 :
SCHÉMA DU MODÈLE DE CHANGEMENT DE COLLERETTE ET AL.
51
FIGURE 4 :
RÉPARTITION DES ENQUÊTÉS SELON LE TYPE D'ACTIVITÉ
MENÉE
75
FIGURE 5 :
RÉPARTITION DES ENQUÊTÉS SELON LA ZONE DE
RÉSIDENCE
76
FIGURE6 :
RÉPARTITION DES ENQUÊTÉS SELON L'ÂGE
77
FIGURE 7 :
RÉPARTITION DES ENQUÊTÉS SELON LE SEXE
77
FIGURE 8 :
RÉPARTITION DES ENQUÊTÉS SELON LE STATUT MATRIMONIAL
78
FIGURE 9 :
RÉPARTITION DES ENQUÊTÉS SELON LA RESPONSABILITÉ
PARENTALE
78
FIGURE 10 :
RÉPARTITION DES ENQUÊTÉS SELON LE NOMBRE D'ENFANTS À
CHARGE
79
FIGURE 11 :
RÉPARTITION DES ENQUÊTÉS SELON LE NIVEAU D'INSTRUCTION
80
FIGURE 12 :
RÉPARTITION DES ENQUÊTÉS SELON LA RELIGION
80
FIGURE 13 :
RÉPARTITION DES ENQUÊTÉS SELON LA RÉGION
D'ORIGINE
81
FIGURE 14 :
RÉPARTITION DES ENQUÊTÉS SELON LA DURÉE DE VIE
À YAOUNDÉ
81
FIGURE 15 :
RÉPARTITION DES ENQUÊTÉS SELON LA SITUATION
FONCIÈRE
82
FIGURE 16:
RÉPARTITION DES ENQUÊTÉS SELON LEUR CONNAISSANCE DU
RÉGULATEUR
82
FIGURE 17 :
RÉPARTITION DES ENQUÊTÉS SELON LA CONNAISSANCE DE RAISONS
D'ÉVICTION
83
FIGURE 18:
RÉPARTITION DES ENQUÊTÉS SELON LA PERCEPTION DE
L'IMPOSITION DES MESURES
83
FIGURE 19:
RÉPARTITION DES ENQUÊTÉS SELON LA PERCEPTION DE
L'INTIMIDATION
84
FIGURE 20 :
RÉPARTITION DES ENQUÊTÉS SELON LA PERCEPTION DE LA
VIOLENCE
84
FIGURE 21 : DIAGRAMME
À BARRES DU TABLEAU CROISÉ DE HR1
88
FIGURE 22: DIAGRAMME
À BARRES DU TABLEAU CROISÉ DE HR2
91
FIGURE 23 : DIAGRAMME
À BARRES DU TABLEAU CROISÉ DE HR3
94
LISTE DES ABREVIATIONS
BM : Banque Mondial
BUCREP :Bureau Central de Recensement et
d'Etude de la Population au Cameroun
CEMAC :Communauté Economique et
Monétaire de l'Afrique Centrale
CNUEH :Centre des Nations Unies pour les
Etablissements Humains
CONFINTEA : Conférence
Internationale d'Education des Adultes
CUY : Communauté Urbaine de
Yaoundé
DGCID : Direction Générale de
la Coopération Internationale et du Développement
DSCE : Document de Stratégie pour la
Croissance et l'Emploi
EES : Education Extrascolaire
EU : Union Européenne
FMI : Fond monétaire
international
FSE-UY1 : Faculté des Sciences de
l'Education de l'Université de Yaoundé1
INC : Institut Nationale de Cartographie
ONU-HABITAT : Programme des nations unies
pour les établissements humains
PPTE : Pays Pauvres et Très
Endettés
PADY : Projet d'Aménagement,
d'Assainissement et de Développement de la ville de Yaoundé
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement
SPSS: Statistical Package for Social Sciences
TIC : Technologie de l'Information et de la
Communication
CHAPITRE 3:
INTRODUCTION GENERALE
La Communauté Urbaine de Yaoundé a mis en oeuvre
depuis 2003 une politique d'aménagement et d'assainissement de la ville.
Plusieurs actions ont été entreprises dans le sens de son
embellissement et de la réduction de l'insalubrité en son sein.
Parmi elles, figurel'aménagement des trottoirs, jusqu'ici fortement
encombrés par les petits commerçants du secteur informel, dont la
présence donne à la capitale politique du Cameroun l'aspect d'une
métropole en proie à la banalisation de son espace publique
urbain. Des injonctions ont alors été données de
libérer ces espacespour s'installer dans de nouveaux sites
octroyés par la CUY. Tels que le site de l'ancienne foire de Tsinga et
le nouveau marché de Mvog-Betsi. Pour exécuter ses
décisions, la CUY a procédé au déguerpissement
forcé avec l'aide des forces de l'ordre (police et gendarmerie) puis
à la mise en place des postes et secteurs de surveillance pour
empêcher les opérateurs de trottoirs de s'installer à
nouveau. Afin de dissuader ces derniers, les autorités publiques
procèdent parfois à la confiscation et à la destruction
des marchandises, à des arrestations et au repoussement des
transgresseurs de la norme par jets d'eau saumâtre (Mbouombouo, 2012).
Cependant, les commerçants de trottoirs font montre d'une
ténacité quasi légendaire. On note leur retour aux lieux
initiaux et la persistance de l'occupation marchande des endroits interdits,
malgré les affrontements réguliers avec les forces de l'ordre et
les agents de la police municipale communément appelé «
Awara ».
Cette situation dénote d'une part le bas niveau de
culture aux civilités urbaines des populations, et d'autre part la
difficulté des méthodes -trop enclines à la
répression-employées par les pouvoirs publics à
éduquer à la citoyenneté urbaine les populations
concernées.
D'où la question de savoir si le style autoritaire en
éducation extrascolaire à l'ordre urbain ne contribue-t-il pas
à la résistance au changement des commerçants de
trottoirs.
L'intérêt de cette problématique s'est
d'ailleurs confirmé au cours des travaux préparatoires de la
présente étude. En effet, l'éducation est habituellement
décrite comme le moyen par excellence d'édification de l'homme et
de transformation des mentalités. Toutefois, il est impératif que
la méthode pédagogique employée soit adaptée
à la cible. L'éducation extrascolaire, en tant qu'elle s'adresse
parfois à une cible hétérogène, souffre du
problème d'harmonisation de ses méthodes. Aussi, les
problématiques d'éducation des adultes, qui se situent au coeur
des préoccupations de l'éducation extrascolaire (Furter, 1976)
sont très souvent négligées ou ignorées. Or, dans
le contexte spécifique du Cameroun où le taux d'achèvement
du primaire est relativement faible,de « 23% dont 36% en
milieu urbain et 10% en milieu rural » et le taux net de
scolarisationlargement en dessous de la moyenne, de « 38% avec en
moyenne 10% dans les régions septentrionales » (DCSE,
2010, p70), il faut pouvoir compter avec l'éducation extrascolaire pour
harmoniser le développement citoyendes populations. Pour ce faire, il
convientde connaître les méthodes et stratégies propres
à ce domaine éducatif afin de rendre son action efficace. Tel est
l'objet de ce mémoire qui s'interrogesur la démarche
éducative extrascolaire mobilisée par les autorités
publiques de Yaoundé pour venir à bout du phénomène
d'occupation marchande des trottoirs.Il s'agit de déterminer si la
résistance au changement des commerçants de trottoirs ne serait
pas une conséquence d'une démarche éducative non
appropriée.
Examiner une telle problématique impliquait un
important travail bibliographique et ce travail doit beaucoup aux enseignements
de Malcom Knowles (1990) dans « L'apprenant adulte: vers un
nouvel art de la formation», de Annie Cardinet (1995) dans
« Pratiquer la médiation en
pédagogie » et de Gilles Pinson (2003) dans
« le chantier de recherche de la gouvernance urbaine et la
question de la production des savoirs dans et pour l'action ». Une
telle étude exigeait également l'analyse de sources plus
directes, comme les entretiens auprès des commerçants de
trottoirs, auprès des responsables de la CUY, les enquêtesin
situ dans les différents marchés de Yaoundé, la
consultation de la presse écrite et numérique, etc.
L'exploitation de ces sources devait permettre de répondre à une
série d'interrogations en rapport avec le sujet : l'utilisation
d'une démarche essentiellement autoritaire ne serait-elle pas l'une des
causes de la résistance des commerçants aux trottoirs ?Ne
serait-il pas plus productif d'impliquer les commerçants de trottoirs
à l'élaboration des politiques d'aménagement de l'espace
urbain ? La consultation de ses commerçants ne peut-elle pas offrir des
pistes d'un développement urbain pour et avec les
bénéficiaires? La sensibilisation et la négociation ne
peuvent-elles pas être des leviers efficaces pour un changement
pérenne de comportements de ces commerçants ?
Intitulé « Style autoritaire en
éducation extrascolaire et résistance au changement: cas des
commerçants de trottoirs du marché Melen », ce
mémoire a pour objectif de démontrer que les pouvoirs publics
gagneraient à orienter leurs démarches éducatives vers des
méthodes plus participatives qui impliquent les
bénéficiaires. Le style autoritaire en éducation
extrascolaire à l'ordre urbain semble contre-productif. Loin de modifier
la perception qu'ils ont des trottoirs, il contribueraità braquer les
commerçants de trottoirs et à les liguer contre les pouvoirs
publics.
La première partie de ce travail est consacrée
au cadre théorique où l'on expose la problématique de
l'étude, la revue de la littérature et les théories
explicatives. Ensuite, la deuxième partie, expose le cadre
méthodologique et opératoire qui permet de comprendre l'approche
méthodologique de l'étude, de présenter et d'analyser des
résultats et enfin de les interpréteret de faire des
suggestions.
PREMIERE PARTIE: CADRE THEORIQUE
CHAPITRE 1: CHAPITRE 4: PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE
4.1. CONTEXTE ET JUSTIFICATION
Dans toutes les sociétés humaines,
l'augmentation du « volume de la
société »1(*), de sa «densité
matérielle2(*) et
morale3(*) »,
ainsi que les corollaires y consécutives, notamment le passage de la
« solidarité mécanique4(*)» à la
« solidarité organique5(*) » (Durkheim, 1893) sont sujettes à
diverses réflexions. L'urbanisation est de ce point de vue une
préoccupation mondiale, car elle génère souvent des
phénomènes sociaux complexes, parfois incompris et mal
maîtrisés. Si le processus d'urbanisation s'est stabilisé
dans les pays développés (CNUEH, 2001), il demeure par contre,
compte tenu de sa frénésie, une préoccupation majeure dans
les pays en développement. Le continent africain détient la palme
d'or mondiale en termes de vitesse d'expansion de sa population urbaine
(Bebien, 2013). Estimée à 15% en 1950, le taux de progression de
la population dans les villes d'Afrique centrale est porté à 43%
en 2011(Minkeng, 2014); le rythme actuel du continent estde 3,4% par an en
moyenne selon ONU-Habitat (Bebien, 2013).
Cette urbanisation rapide, conjuguée aux effets de la
crise économique qui a frappé les économies des Etats
d'Afrique subsaharienne dans les années 80 a eu des conséquences
néfastes sur le tissu urbain. Ce d'autant plus que l'Afrique
subsaharienne est demeurée la seule région du monde où
l'urbanisation est liée à une croissance économique
négative (Soraya, 2012).
Djouda (2010) observe à ce propos que la plupart des
auteurs qui se sont intéressés à l'étude des villes
d'Afrique noire les qualifient de « villes
éparpillées », « villes
anarchiques», « villes rurales», «villes
poubelles», «villes insalubres ou poussiéreuses
», «villes fragmentées», «villes
cruelles», « bidonvillisées»,
«disloquées», etc. Mayer et Soumahoro (2010) quant
à eux, trouvent aux espaces urbains tropicaux africains au sud du
Sahara, l'aspect d'un « fouillis total ». Ils
parlent de la « ruralisation » des villes
d'Afrique noire et seconde en cela Jean-Marc Ela (1983) qui parle de la
« villagisation » de ces villes.
Cette description aux relents chaotiques des villes africaines
noires trahit, à bien des égards, l'existence manifeste de
nombreuses « irrégularités» ou de
« dysfonctionnements », -- en liaison avec l'urbanisation
effrénée -- en gestation dans l'espace urbain africain. C'est le
cas notamment des problématiques liées au «désordre
urbain», fortement évoquées et fermement combattues ces
dernières années au Cameroun par les pouvoirs publics.
Au Cameroun en effet, l'urbanisation galopante, couplée
à l'indolence économique, a donné lieu à des
phénomènes urbains insolites et généralisés,
que les autorités institutionnelles ont labellisé
«désordre urbain». Ses manifestations sont nombreuses :
l'insalubrité invasive; la prolifération des laveries
automobiles clandestines; l'ouverture irrégulière des
débits de boisson; la multiplication non maîtrisée des
restaurants-bars sur le domaine de l'Etat; les troubles à l'ordre
civil (nuisances sonores); les habitats insalubres, la multiplication des
fléaux sociaux comme la toxicomanie, la prostitution, l'alcoolisme,
la délinquance, le vandalisme; la prolifération des
communautés religieuses illégales; les arrêts intempestifs
et stationnement fantaisistes des automobiles sur la voie publique; l'invasion
des centres urbains par des mototaxis non autorisés; les
violences urbaines telles que les agressions, le vandalisme, les atteintes
à la pudeur, les incivilités de tout genre et l'occupation
anarchique du domaine public...
C'est cette occupation anarchique du domaine public qui va
retenir l'attention au cours de la présente étude.
L'intérêt se cristallisant davantage sur l'occupation marchande
des trottoirs, qui s'inscrit dans le champ des détournements des
trottoirs comme dirait Pierre Mbouombouo (2005). C'est le lieu d'analyser
une des formes de désordre urbain les plus patents dans les villes
d'Afrique subsahariennes en général et celles du Cameroun en
particulier, Yaoundé et Douala étant les métropoles les
plus représentatives.
A Yaoundé, la capitale politique du Cameroun, la
difficulté à circuler dans certaines rues est remarquable. Cette
situation est révélatrice de l'encombrement des trottoirs et de
la chaussée par des activités marchandes
« illicites » ou informelles dont l'ampleur s'étend
ces dernières années, à cause de l'émergence des
transactions commerciales inédites et quelque peu insolite, allant du
vestimentaire à l'alimentaire, en passant par les produits culturels et
technologiques. Ces commerces protéiformes envahissent et s'accaparent
de nombreux tronçons de trottoirs, traditionnellement destinés
à la mobilité piétonne.
Cettecongestion de la voie publique, ainsi que ses
conséquences : accidents de circulation, embouteillages, défaut
d'esthétique urbain et des désagréments multiples, a
amené les pouvoirs publics administratifs et municipaux, à
rechercher des solutions pour y remédier. Des politiques
d'éducation à la citoyenneté urbaine ont alors
été définies et implémentées dans la
métropole politique camerounaise dans le butd'éradiquer ces
formes de subversion des lieuxpublics (Barthel, 2005). A titre
illustratif, citons :
v L'Arrêté communal N° 059/90/CU/YDE du 27
juillet 1990réprimant l'encombrement de la voie publique à
Yaoundé ;
v Arrêté communal N° 183/CAB/CUY/DST/03 du
16 juin 2003interdisant la mendicité et le petit commerce dans les
carrefours de la Ville de Yaoundé;
v L'arrêté préfectoral N°
00001092/AP/JO6/BASC du 19 avril 2012 portant création, organisation et
fonctionnement du comité départemental de lutte contre le
désordre urbain dans le département du Mfoundi;
v La création d'une police municipale chargée de
lutter contre le désordre urbain.
Toutefois, il est à préciser que ces diverses
mesures gouvernementales d'éducation à l'ordre urbain qui visent
entre autres le changement de comportement des commerçants de trottoirs
rencontrent la vive résistance de ces derniers. Ils font montre d'une
opiniâtreté quasi légendaire. Déguerpis un jour d'un
lieu par les agents en charge de l'ordre
urbain (« Awara »), le jour d'après,
comme par enchantement, ils regagnent les mêmes lieux. Les pouvoirs
publics, notamment la Communauté Urbaine de Yaoundé a d'ailleurs
précédé à la construction de nouveaux
marchés et à l'aménagement des espaces
dédiés au commerce informel. Mais cela ne semble rien changer
à la vivacité de la privatisation marchande des trottoirs. Les
trottoirs de Yaoundé sont devenus« des espaces de
promotion de l'auto-emploi et de la mise au travail des citadins plus faibles
économiquement » (Mbouombouo, 2005). Le
phénomène semble inextricable face aux efforts
déployés et sans cesse renouvelés des autorités
pour le combattre. Pourtant, la présence de ces opérateurs
économiques d'un autre genre donne à Yaoundé, la figure
d'une métropole en proie à la banalisation de son espace public
urbain. La figure 1 ci-dessous donne un aperçu du
phénomène.
Figure 1 :
Schématisation del'espace urbain sub-saharien
Source :Etongue Mayer, R. et
Soumahoro, M. (2014).
Ce travail ambitionne de porter un regard scientifique sur la
privatisation marchande des trottoirs, ces derniers faisant partie des
« espaces conflictuels » de la ville de
Yaoundé. Leur occupation participe des modes de vie, de la culture
urbaine du risque et du désordre inventif. Il se veut une contribution
de plus sur l'éclairage des politiques de gouvernance urbaine au
Cameroun.
4.2. PROBLÈME DE L'ETUDE
4.2.1. Formulation du
problème: constat empirique
Le constat empirique quipréside à l'initiative
de cette recherche est celui d'un encombrement pérenne des trottoirs
dans la ville de Yaoundé par des activités commerciales,
malgré les efforts des pouvoirs publics pour éradiquer le
phénomène. En réalité, il n'est pas évident
de situer avec précision, ni dans le temps ni dans l'espace le point de
départ du phénomène d'occupation marchande des trottoirs
au Cameroun. Toutefois, certains témoignages tel que celui du
géographe urbaniste Kengne Fodouop, font état de ce que
« cephénomène commence avec l'expansion du
phénomène urbain et est par conséquent postérieur
à la première décennie de
l'indépendance » (Entretien, Octobre 2016). Le profilage
de son « ontogenèse »permet de
dégager trois stades pertinents de son développement à
savoir : le stade embryonnaire, le stade de la maturation, et le stade de
résistance.
v Du stade embryonnaire
L'on pourrait situer ce stade au lendemain de
l'indépendance. A cette époque, l'exode rural, amorcé
depuis la période coloniale atteint son apogée (Ela, 1983). Aux
côtés des facteurs économiques, l'administration est
l'élément moteur de la croissance urbaine. La centralisation
administrative impose sa loi à l'armature urbaine après 1960.
Initialement attirés à Yaoundé, soit par
les lumières de la ville, soit par la certitude de l'acquisition d'une
fortune prochaine, nombre de
« néo-urbains »,
désillusionnés par la dure réalité de la ville se
rabattent progressivement sur les trottoirs pour trouver leurs pitances par la
vente de poissons braisés, de la friperie et de divers autres vivres. On
observe à cette époque une timide et sporadique occupation des
trottoirs. Les raisons de cette timidité étant notamment
l'intolérance administrative, la répression institutionnelle et
la relative santé économique du pays. Eneffet,
« dès le lendemain de son indépendance,
l'économie camerounaise connaît une croissance soutenue jusqu'au
milieu des années 80. Durant cette période, le produit
intérieur brut croît au rythme de 7% l'an en termes
réels » (BUCREP, Novembre 2011, p.6). Ce bien-être
économique du pays contribue à l'amélioration des
conditions de vie des populations en viabilisant leur environnement et en
mettant à leur disposition de nombreux emplois. « Le
chômage était par conséquent à son niveau le plus
bas et l'inflation était à la fois maitrisée et
modérée » (BUCREP, 2011). Toutes choses qui
contribuèrent à contenir les velléités
expansionnistes du désordre commercial aux trottoirs en le maintenant
à un stade embryonnaire, caractérisé par sa fragmentation,
son éparpillement et ses hésitations; car malgré tout,
chaque époque regorgeses pauvres, ses déshérités ou
encore ses chantres du désordre.
v Du stade de maturation
Il prend racine au cours de la deuxième moitié
de la décennie 80, en particulier avec l'avènement de la crise
économique. Ladite crise, conjuguée à l'explosion
démographique amplifie le phénomène de la pauvreté
urbaine. La dévaluation du franc CFA, les baisses successives des
salaires des fonctionnaires, les compressions du personnel dans le secteur
privé et la liquidation des entreprises publiques consécutive
à cette crise réduisent considérablement le pouvoir
d'achat des ménages à Yaoundé. Elle crée une
vulnérabilité qui a permis l'émergence et la densification
des activités informelles et la prolifération des marchés
de trottoirs (ONU-Habitat, 2002; Njoya, 2011; Stamm, 2008).
Selon l'Enquête Camerounaise auprès des
Ménages ECAM I (1996), 85% de la population potentiellement active
évoluent dans le secteur informel. Le chômage touche 31% de la
population potentiellement active de Yaoundé. Le secteur informel fait
office de rempart contre la misère ambiante pour les jeunes au
chômage (parfois diplômés de l'enseignement
supérieur). Ces chômeurs sont obligés de se
« débrouiller » pour la survie quotidienne au bord
des rues, d'où l'envahissement tous azimut des trottoirs pour des
finalités commerciales.
L'affaiblissement économique de l'Etat, mais aussi la
mauvaise conscience des pouvoirs publics due à leur incapacité
à offrir une alternative, les poussentà l'inertie et au
laisser-faire. Tout se passe comme sil'Etat, conscient des manquements à
ses responsabilités régaliennespréfère regarder
ailleurs. Il laisse ainsi les pauvres citoyens trouver par eux-mêmes
les conditions de possibilités de leur subsistance(Nyassogbo, 2011;
Janin,
2001).Tout ceci entraine l'envahissement anarchique des chaussées, des
trottoirs et des espaces publics par les revendeurs informels et les
« débrouillards » de toutes sortes. Le
phénomène de privatisation marchande des trottoirs s'atrophie et
gagne du terrain. Il prend de l'ampleur mais surtout se densifie,
s'« objective », se
« légitime », se
« sédimente »,
s' « institutionnalise » et acquiert de la
maturité sur l'espace urbain yaoundéen.
v Du stade de résistance
Il est à situer dans sa forme la plus massive aux
années 2000. Cette période est en effet marquée par
l'atteinte du point de décision puis du point d'achèvement de
l'initiative PPTE. Cet évènement historique a conduit à la
baisse globale de la dette extérieure du Cameroun, ce qui a eu des
implications sur les finances publiques et entraîné une
augmentation des ressources disponibles pour lutter contre la pauvreté
(Evou Mekou, 2007).
Subséquemment à la part d'annulation de la dette
accordée par la France, s'est ajouté les ressources issues du
volet additionnel de l'aide française intitulé Contrat de
Désendettement et de Développement (D). A ce titre, une enveloppe
de soixante-quinze milliards quatre cent trente-cinq millions cinquante-cinq
mille FCFA (75 435 055 000 FCFA) a été
consacrée au secteur urbain. Elle devait servir pour
l'amélioration des conditions de vie des populations de Douala et
Yaoundé, sous la supervision des Communautés Urbaines(Idem).
Dès lors, on observe sur l'espace urbain, de Yaoundé en
l'occurrence, de vastes chantiers de construction d'infrastructures, à
l'instar des marchés de Mokolo, de Mvog-beti, d'Etoundi, d'Essos, de
Mendong et d'acacia.
Cet embelli économique ou ce retour de l'argent a
également donné à la Communauté Urbaine de
Yaoundéles moyens de combattre par la répression le
désordre urbain en général et le désordre
commercial en particulier. Les moyens financiers ont été
mobilisés pour l'achat des pick-up de patrouilles et pour le
recrutement des agents de lapolice municipale à l'effet de traquer les
stationnements abusifs, d'une part, et de détruire ou confisquer les
marchandises étalées sur les trottoirs, d'autre part.
Mais la résistance opposée quotidiennement par
les opérateurs économiques informels n'a d'égal que la
robustesse et la détermination des forces mises sur pied pour les
évincer. Le commerce de trottoirs semble alors avoir atteint la
maturité et la légitimation nécessaire pour dicter ses
propres lois et résister sur l'espace public urbain de Yaoundé,
au grand désarroi des pouvoirs publics.
4.2.2. Position du
problème
L'éducation est selon les behavioristes, un
conditionnement faisant intervenir divers types de stimuli. Le
béhaviorisme sous-tend que l'on peut par des mécanismes
appropriés, amener un sujet (animal ou humain) à apprendre et
adopter un comportement donné. A ce titre, Burrhus Skinner a
conceptualisé le « conditionnement
opérant », qui vise, soit à
augmenterjusqu'à habituation un comportement désiré chez
un sujet, soit à diminuer jusqu'à extinction un comportement non
désiré. De nombreuses expériences lui ont notamment permis
d'établir l'efficacité des « stimuli
aversifs », qui consistent en l'application au sujet d'une
action douloureuse ou dissuasive à l'effet de l'amener à terme
à adopter le comportement voulu.
Or, l'on constate que les commerçants de trottoirs
manifestentde la résistance au changementmalgré l'application
à eux d'un « stimulus aversif », qui prend
la forme de la répression institutionnelle. Il se dégage que,
plutôt que de le changer, ce stimulus aversif semble renforcer le
comportement contre lequel il est mobilisé. Ceci soulève le
problème du maintien voire de l'affermissement d'un comportement suite
à l'application d'un stimulus qui théoriquement devrait pouvoir
le réduire. En d'autres termes, les « renforçateurs
négatifs » et « punitions
positives » que constituent l'imposition des mesures de l'ordre
urbain, l'intimidation et la violence contre les commerçants, ne
semblent pas de nature à faire varier leur comportement d'occupation des
trottoirs comme on se serait attendu au regard du béhaviorisme
skinnerien.
4.2.3. Enoncé
du problème
Le problème que pose la présente étude
est donc celui du relatif succès de la résistance contre les
pouvoirs publics, d'individus, rendus coupables de la «confiscation»
d'un bien public : le trottoir. La question est celle de savoir ce qui
pourrait expliquer la résistance au changement de ces petits
commerçants à exercer sur le trottoir, malgré les efforts
déployés par les pouvoirs publics pour changer leur comportement
vis-à-vis du trottoir.
Autrement dit, étant entendu que l'éducation
extrascolaire, selon le modèle d'Hallenbeck (1964, cité par
Furter, 1976) est un excellent moyen, en situation extrascolaire, de
transformation individuel et collectif, de développement de la
responsabilité civique et de la remédiation des imperfections, la
résistance au changement des commerçants de trottoirs ne
serait-elle pas la conséquence d'une approche éducationnelle non
appropriée ?Cette résistance des commerçants de trottoirs
au changement ne serait-elle pas renforcée par le relent autoritaire et
essentiellement répressif du style éducatif des autorités
en charge de l'ordre urbain ? Telles sont les questionnements qui ont
stimulé la présente étude et que les questions de
recherche suivantes permettront de préciser.
4.3. QUESTIONS DE RECHERCHE
4.3.1. Question principale
La mise en route de la présente recherche s'est faite
grâce à la question de recherche suivante : «
le style autoritaire en éducation extrascolaire à l'ordre
urbainsuscite-il la résistance au changement des commerçants de
trottoirs ? ». Cette question principale a
donné lieu à trois questions secondaires à savoir :
4.3.2. Questions secondaires
v L'imposition des mesures de l'ordre urbain suscite-elle la
résistance au changement des commerçants de trottoirs ?
v L'intimidation des commerçants de trottoirs
suscite-elle la résistance au changement de ces derniers?
v La violence manifestée par les autorités en
charge de l'ordre urbain suscite-elle la résistance au changement des
commerçants de trottoirs ?
4.4.
HYPOTHÈSES DE L'ÉTUDE
4.4.1.
Hypothèse générale
L'hypothèse générale se décline ainsi
qu'il suit :
« Le style autoritaire en éducation
extrascolaire à l'ordre urbain suscite la résistance au
changement des commerçants de trottoirs ».
4.4.2.
Hypothèses de recherche
HR1 :L'imposition des mesures de l'ordre
urbain suscite la résistance au changement des commerçants de
trottoirs.
HR3 :L'intimidation des commerçants de
trottoirs suscite la résistance au changement de ces derniers.
HR2 : La violence manifestée par les
autorités en charge de l'ordre urbain suscite la résistance au
changement des commerçants de trottoirs.
4.5. OBJECTIFS DE L'ÉTUDE
4.5.1. Objectif général
Cette étude a pour objectif général
d'étudier le lien de causalité entre le style autoritaire en
éducation extrascolaire à l'ordre urbain et la résistance
au changement des commerçants de trottoirs. Cet objectif
général devra être atteint à travers l'atteinte de
trois objectifs spécifiques fixés comme suit:
4.5.2. Objectifs spécifiques
Plus spécifiquement, l'étude se propose
d'étudier le lien entre:
v L'imposition des mesures de l'ordre urbain et la
résistance au changement des commerçants de trottoirs;
v L'intimidation des commerçants de trottoirs et la
résistance au changement deces derniers;
v La violence manifestée par les autorités en
charge de l'ordre urbain et la résistance au changement des
commerçants de trottoirs.
4.6. INTÉRÊTS ET PERTINENCE
DE L'ÉTUDE
4.6.1. Intérêt scientifique
Les travaux sur l'encombrement des trottoirs au Cameroun sont
parcellaires et ont surtout mobilisé les sociologues et anthropologues
(Mbouombouo et Nsangou, 2012; Mbouombouo, 2005; Otyé Elom, 2011). Ils se
sont davantage intéressés aux ressorts culturels et sociaux de
l'accaparement des espaces publics en général. A l'échelle
africaine, les travaux allant dans ce sens, qui sont issus pour la
majorité de la géographie et de l'urbanisme, s'intéressent
davantage à la « morphologie » du
phénomène et analysent le plus souvent les causes, les
conséquences et les manifestations du phénomène
d'occupation illicite de la rue. Or l'étude de la
« dimension conflictuelle et politisée de l'espace est
centrale dans la compréhension de la ville en Afrique »
(Fourchard, 2006). Il est d'autant plus intéressant qu'en contexte
africain, « l'État n'apparaît jamais avoir la
légitimité nécessaire pour faire accepter par les citoyens
un ensemble de normes partagées »(Idem).
Par conséquent, cette étude se veut une
contribution scientifique significative et originale dans la mesure où
elle projette d'apporter un éclairage sur le phénomène de
privatisation marchande des trottoirs spécifiquement, et ce sous le
prisme des sciences de l'éducation. L'accent y étant mis sur
l'analyse des rapports conflictuels qui opposent les parties prenantes de la
« ville d'en bas » et les autorités
institutionnelles. Ainsi, le phénomène vu sous le prisme d'une
approche éducationnelle va certainement révéler cette
réalité sous un jour, qui peut avoir échappé aux
autres approches scientifiques.
4.6.2. Intérêt social et pragmatique
L'éviction du phénomène d'occupation
marchande des trottoirs s'est manifestement érigée en chemin
de croix pour les autorités publiques administratives et communales
de Yaoundé en charge de la gestion des espaces publics. Cette
étude devrait pouvoir aider sur le plan opérationnel à
élucider les initiatives des gestionnaires de la cité en la
matière. Il pourrait par exemple permettre de déterminer les
limites des politiques publiques en matière d'éducation à
l'ordre urbain et ainsi contribuer à l'élaboration des
interventions mieux éclairées et plus adéquates sur le
plan de la prise en compte des logiques sociales.
4.6.3. Intérêt personnel
Sur le plan personnel, ce travail permet d'éprouver nos
connaissances en matière d'éducation extrascolaire en
général et d'éducation des adultes en particulier, et nous
prépare de ce fait à une expertise dans le domaine.
4.7. DÉLIMITATION DE
L'ÉTUDE
Cette partie fixe les limites de l'étude et définit
clairement son champ d'application. La délimitation de l'étude se
fera sur un triple plan : thématique, spatial, temporel.
4.7.1. Délimitation thématique
Du point de vue thématique, cette étude porte
sur un thème d'actualité qui est celui du
« désordre urbain », mais aussi celui de
l'éducation à la citoyenneté urbaine ou encore de
l'éducationaux civilités urbaines. En effet, dans les villes
africaines en général et camerounaise en particulier, il se pose
avec acuité le problème du savoir-vivre en ville et du
savoir-éduquer à la vie urbaine. Or, « pour une
appropriation durable des espaces et des secteurs urbains, il est urgent de
mettre en place un véritable programme d'éducation aux normes
urbanistiques (...). » (Mbouombouo, 2012, p119). De ce fait,
l'aménagement de l'espace urbainest un chantier par excellence de
l'éducation extrascolaire.
4.7.2. Délimitation spatio-temporelle
Le choix de réaliser cette étude à
Yaoundé se justifie par une raison principale. En tant que
métropole politico-administrative du Cameroun, elle exerce un attrait
sur les populations des régions périphériques. Ces
populations viennent pour diverses activités de mobilité sociale,
dont certaines se déploient sur les trottoirs. Après Douala,
capitale économique du Cameroun, qui concentre la majorité des
sociétés et des entreprises économiques, Yaoundé
est le deuxième pôle du bassin migratoire camerounais dont la
population, 2.5millions d'habitants environ, est constituée aux 2/3 de
migrants (BUCREP, 2011).Le phénomène d'occupation marchande des
trottoirs y est donc plus visible et les efforts des autorités pour le
combattre plus perceptibles. Le choix du marché Melen quant à lui
se justifie par le fait que, le marché de Mvog-béti qui le jouxte
a été construit dans l'optique de recaser les petits
commerçants qui y encombrent les trottoirs. Par conséquent, le
phénomène de résistance au changement y est plus
manifeste.
4.8. DÉFINITION DES CONCEPTS
4.8.1. Style autoritaire
C'est un concept élaboré par le Psychologue
américain Rensis Likert. S'intéressant aux techniques de
management, il formaliseen 1967 quatre styles de management à savoir: le
style autoritaire, style paternaliste, style consultatif et le style
participatif.
Le style autoritaire estcaractérisé par la
crainte, les menaces et les sanctions, une communication descendante, une
distance entre le dirigeant et les subordonnés, l'absence d'esprit
d'équipe et une centralisation des décisions au niveau du
dirigeant. Selon Blake et Mouton, le style autoritaire participe de la
politique du « marche ou crève ». L'hypothèse
de base est qu'il existe une contradiction entre les exigences de la production
et les besoins des individus, et les premières sont prioritaires. C'est
un style de management basé sur la peur et la soumission. Les
décisions viennent d'en haut, sans consultation de la base. La
communication est réduite à son strict minimum et est toujours
descendante. La menace de sanctions est très présente.
Le style autoritaire est un style managérial de type
taylorienne, où le groupe ne peut participer au processus de prise de
décision. Le dirigeant prend les décisions et les annonce ensuite
aux subordonnés. Il ne laisse aucune initiative à ses
subordonnés. C'est un style de management basé sur
l'intimidation, la soumission, voire la violence. Le leader utilise des
méthodes comme des menaces, la coercition, et d'autres méthodes
basées sur la crainte afin de faire respecter la
conformité. Il
s'agit toujours d'une approche « top-down »
où les opinions et les sentiments des autres sont
considérés comme étant sans valeur.
4.8.2. Education extrascolaire
D'après Le Brun (1969), l'éducation
extrascolaire est « toute forme d'éducation donnée
en dehors d'une scolarité normale et suivant des programmes et des
méthodes qui le plus souvent diffèrent de ceux de l'enseignement
élémentaire dispensé aux enfants ».
L'éducation extrascolaire englobe donc toutes les
activités éducatives qui ne relèvent pas de
l'éducation dispensée par l'appareil scolaire. On a à
titre d'exemple les formations professionnelles extérieures ou
intérieures aux « entreprises», les programmes
éducatifs diffusés par les médias, les campagnes
d'alphabétisation, les systèmes d'éducation ouverte, etc.
Mais aussi les formes parallèles de formation qui proposent une
deuxième voie d'accès à l'éducation scolaire telles
que les cours du soir ou par correspondance(Furter, 1984). Cette
éducation renforce, complète ou enrichit les tâches
d'enseignement et d'éducation dont l'école a la charge. Elle
s'adresse non seulement à des enfants et des adolescents, mais aussi
à des adultes qui étudient tout en exerçant leurs
activités professionnelles. Pour être plus pratique et plus
opératoire, l'éducation extrascolaire s'adapte rapidement
à des besoins spécifiques et urgents.
Elle se veut aussi être un outil de renforcement des
capacités individuelles et collectives dans une démarche active
et participation (Pinson, 2003). Elle est, en ce qui concerne les adultes, la
facilitation de leur auto-éducation par le remodelage de leurs
expériences personnelles et se fait par conséquent dans une
démarche d'interaction, de catalysation et de
facilitation (Annie Cardinet, 1995; Knowles, 1990).
Du point de vue de l'UNESCO à propos de
l'éducation extrascolaire,
On ne peut s'empêcher de constater que ni
l'école, ni l'université, dans les conditions actuelles, ne
peuvent préparer totalement les jeunes à affronter un monde si
divers, si riche et si complexe. Il est de fait que l'éducation
extrascolaire joue un rôle, dans le présent, qui, pour être
complémentaire, n'en est pas moins considérable. (...) Il faut
bien reconnaître que cette éducation extrascolaire est
appelée à jouer des rôles divers et revêt, par
conséquent, des formes différentes selon les pays ou les milieux.
Dans une mesure, elle doit accomplir certaines des tâches de
l'école, lorsque cette dernière n'existe pas ou lorsque la
durée de la scolarité est par trop réduite. En même
temps, elle prend la place d'une éducation postscolaire. Elle est enfin
périscolaire pour les jeunes qui poursuivent leurs études,
même au niveau universitaire.(UNESCO, 1964).
Au regard de ce qui précède, l'éducation
des commerçants au respect des trottoirs participe d'une
éducation extrascolaire aux civilités urbaines. Elle vise
à apprendre aux commerçants comment vivre en ville par
l'acquisition des notions du bien commun.
4.8.3. Résistance au changement
La résistance au changement est un concept issu du
milieu des entreprises et très utilisé en psychologie des
organisations. D'après Dolan, Lamoureux et Gosselin (1996), elle est une
« attitude individuelle ou collective, consciente ou
inconsciente, qui se manifeste dès lors que l'idée d'une
transformation est évoquée. Elle représente donc une
attitude négative adoptée par les employés lorsque des
modifications sont introduites dans le cycle normal de
travail ». Il s'agit donc d'une réaction
foncièrement négative à l'égard du changement
c'est-à-dire le refus d'un changement entretenu par un ou plusieurs
acteurs.
Pour leur part, Collerette, Delisle et Perron (1997; p. 94),
définissent la résistance au changement comme étant
« l'expression implicite ou explicite de réactions de
défense à l'endroit de l'intention de changement ».
Quant à Edgard Morin (1996; p. 205), il s'agit « des forces qui
s'opposent à la réorganisation des conduites et à
l'acquisition des nouvelles compétences ou, en d'autres mots, à
des forces restrictives ».
La résistance au changement est perceptible chez les
commerçants de trottoirs dans la mesure où ils sont
réfractaires à l'idée du changement de comportements
vis-à-vis des trottoirs en les libérant.
4.8.4. Espace urbain
Définir l'espace urbain revient à définir
la ville, en ce sens que l'urbain renvoie à ce qui appartient à
la ville. D'une manière générale, la ville est un espace
géographique qui se caractérise principalement par son
cosmopolitisme, le volume de sa population6(*), mais surtout par sa
fortedensité matérielle7(*) et morale8(*). C'est aussi un site d'expression qui permet la
diffusion des idées et un vecteur du développement
économique et social. Elle est le produit du temps, de processus
historiques, dans lesquels sont imbriqués de multiples acteurs, issus de
la société civile, du marché et de l'Etat (Sidi Salah,
2010).
C'est « le lieu d'une vie intense
d'intérêts multiples et contradictoires. Elle joue le rôle
de catalyseur social, de pôle d'attraction et de diffusion culturelle;
elle est agglomération de populations, et lieu par excellence
d'entrecroisement des faits de civilisation: le religieux, le culturel et
l'art, le politique, le militaire tout autant que
l'économique » (Vasseur, 1997).
Au-delà des multiples clivages et fragmentations qui
traversent les sociétés, la ville est le lieu de l'expression de
la citoyenneté. « C'est un territoire étrange
où l'homme, pour se réaliser, accepte de perdre un peu de son
identité pour vivre avec des gens qui ne sont pas de sa tribu. Le
caractère communautaire se réduit au profit de la
citoyenneté... » (Idem).Ainsi, la ville est un espace
géographique et social, qui offre la meilleure possibilité
à la rencontre et à l'échange entre les hommes.
Cependant, ces hommes forment des catégories de
populations très différentes, aux intérêts de plus
en plus diversifiés et contradictoires. Toutes choses qui fait de
l'espace urbain un lieu d'attraction mais aussi d'influences, de luttes,
d'affrontements des intérêts divergents et couve à divers
titres les révolutions du fait de la densité des interactions
sociales qui s'y opèrent.
On comprend donc que gérer la ville soit une
tâche aussi difficile que délicate, dans la mesure où
l'espace urbain donne naissance aux inégalités et aux conflits
qui sont autant de facteurs d'aliénation et de fracture sociale. Le
développement de l'exclusion, de la marginalisation se manifestent ici
de façon prégnante. La plupart des villes dans le monde vivent
des crises urbaines qui se traduisent par, les émeutes, les violences
urbaines et le développement des incivilités de toutes sortes,
qui sont autant d'indices qui témoignent de sa difficile
gouvernabilité.
Les dynamiques urbaines africaines en particulier sont
aujourd'hui caractérisées par la fragmentation des espaces
urbains avec des impacts majeurs sur le cadre de vie des populations et
l'environnement. De nombreux auteurs, tels que le rappelle Djouda (2010),
qualifient les villes d'Afrique noire de « villes
éparpillées », « villes anarchiques
», «villes rurales», «villes
poubelles», «villes insalubres ou poussiéreuses
», « villes fragmentées», «villes
cruelles», « bidonvillisées»,
«disloquées», etc. D'autres encore (Étongue
Mayer et Soumahoro, 2010 ; Jean-Marc Ela, 1983) parlent de la
« ruralisation » ou encore de la
« villagisation » des villes d'Afrique subsaharienne.
Pour Jean-Marc Ela(1983), « la ville est d'abord
un signe, un langage qu'il faut apprendre à comprendre et à
interpréter ». En ce qui concerne les villes africaines
particulièrement, il pense qu' « il faut varier les prises
de vue et multiplier les voies d'approches pour saisir le langage de la ville
africaine à travers le système des signes et des objets qui lui
sont propres » (p.44).Selon lui, « il n'est pas
évident que les outils d'analyse et les concepts élaborés
pour définir la ville dans les pays industrialisés correspondent
à la réalité africaine ». D'ailleurs,
« l'aspect insolite de ces villes frappe l'observateur
étranger. Tout se passe comme si les agglomérations urbaines
étaient, en réalité, une succession de gros villages qui
entourent la cité européenne». En effet, poursuit
le sociologue et théologien africain en boubou9(*), les villes africaines portent
la marque de l'époque coloniale. Elles ont surgi de terre sans grande
originalité pour répondre aux nécessités de
l'occupation occidentale et constitue le lieu par excellence de cristallisation
des inégalités sociales; jadis entre les Blancs et les Noirs,
aujourd'hui entre les Noirs eux-mêmes. « La ville
africaine est faite de ces contrastes odieux entre les quartiers riches et
verdoyants et le surpeuplement des quartiers
misérables ». Contrairement à la ville
occidentale, elle est également marquée par une forte
tribalisation de l'espace, alimentée par la dominance de
l'intérêt de la communauté sur l'intérêt
commun. (Ela, 1983)
C'est ce caractère ségrégationniste,
fragmentaire, chaotique,inédit et exceptionnel de la ville africaine,
fait d'appropriations et de détournements des trottoirs à des
finalités privées, marqueurs par excellence de la ville de
Yaoundé, qui est révélateur de la «crise de
gouvernabilité». La manifestation visible de cette crise de
gouvernabilité est le désordre urbain.
4.8.5.
Désordre urbain
La notion de « désordre urbain » et
les notions connexes sont omniprésentes dans les discours portant sur la
réalité urbaine Yaoundéenne. Il est le prétexte de
la majorité des actions de la Communauté Urbaine de
Yaoundé ainsi que de nombre de ses communes d'arrondissements.
Toutefois, malgré la récurrence de son emploi, sa
compréhension n'est pas toujours évidente. A quoi renvoient
concrètement le désordre urbain ?
D'après Microsoft Encarta (2009), le désordre
désigne « un ensemble de choses qui ne sont pas à
leur place. Un manque de rangement et d'organisation. Un état de
confusion lié à une mauvaise gestion des choses. Un mauvais
fonctionnement ». Ainsi, le désordre urbain serait un
état de confusion lié à une mauvaise gestion de l'espace
urbain. Il s'agirait d'un manque de rangement et d'un dysfonctionnement de
l'organisme urbain.
Pour la géographe-urbaniste ClaireRoullet-Sureau (2007)
« le désordre [urbain] est compris comme un
dysfonctionnement social lié à un manque de qualité
urbaine et de lisibilité de l'espace, en particulier dans les secteurs
de banlieue ».
L'arrêté préfectorale
N°00000509/AP/J06/SP du 19 Avril 2012, portant création,
organisation et fonctionnement du comité départemental de lutte
contre la Désordre Urbain dans le département du Mfoundi
définit le désordre urbain en son article 3 (a):
« le désordre urbain s'entend comme toute activité
humaine pratiquée en milieu urbain et susceptible d'avoir un impact
négatif sur la sécurité des personnes et des biens, sur la
santé des populations, sur la tranquillité publique, sur
l'esthétique urbain ainsi que sur l'hygiène et la
salubrité publiques ».
Le Chef de Service Environnement et Hygiène de la
Communauté Urbaine de Yaoundé, MAHOU NGIMBOUS Georges10(*) quant à lui
définit le désordre urbain comme étant « un
acte posé ou un comportement adopté qui perturbe les populations
dans leurs activités et porte atteinte aux équipements publics ou
à leur bon fonctionnement et au cadre de vie ». Le
désordre urbain est selon lui « un véritable
fléau qui gangrène les grandes villes du Cameroun en leur donnant
l'apparence de vaste marché ou « chacun est libre de s'installer
là où il veut et comme il veut ».
Ce dernier propose un aperçu des
« manifestations » du désordre urbain qui se
déclinent ainsi qu'il suit : l'insalubrité invasive;
l'occupation anarchique du domaine public (de containers, kiosques,
étales et baraques); la prolifération des laveries automobiles;
la prolifération des débits de boisson; la multiplication des
restaurants-bars aux alentours des édifices publics; les troubles
à l'ordre civil (nuisances sonores); les habitats insalubres; la
multiplication des fléaux sociaux (toxicomanie, prostitution,
alcoolisme, délinquance, vandalisme), la prolifération des
communautés religieuses et leurs tapages nocturnes; les arrêts
intempestifs et stationnement fantaisistes des automobilistes; l'invasion des
centres urbains par des mototaxis, l'ignorance et/ou le refus de respecter la
loi en matière de régulation urbaine ; l'invasion des rues par
les enfants et les malades mentaux ; l'invasion des chaussées et
des trottoirs par les différents acteurs du secteur informel
(commerçants sédentaires et ambulants) ; l'occupation
anarchique des chaussées par les transporteurs urbains et interurbains,
le non-respect des normes de construction, la non-respect du code de la route,
l'occupation illicite de la voie publique pour des manifestations populaires et
privées(funérailles, mariages, etc.), le déversement des
eaux usées sur la chaussée, la mauvaise utilisation des bacs
à ordures, le déversement d'ordures ménagères dans
les caniveaux et drains, la divagation des animaux domestiques, la
dégradation de la chaussée pour des travaux privés ;
le non-respect des arrêts taxis matérialisés,...
Toutefois, la notion de désordre urbain aussi
innocemment intelligible qu'elle puisse paraître de prime abord, ne fait
guère l'unanimité. D'après Jean-François Vasseur
(1997), le « désordre urbain » est, dans
« une dialectique complexe », à la fois
ordre et désordre car, « l'ordre urbain n'est que le
moment exceptionnellement fugace d'un équilibre spatial fragile qui
correspond à l'affirmation et à la domination temporaire d'un
intérêt dominant ».
Les thèses de François Rangeon (1997) sur le
désordre urbain s'aligne bien sur celles de Vasseur. Il constate en
effet que la notion de désordre est généralement
assimilée au défaut d'ordre avec une connotation
péjorative. Or, selon lui, l'expression « désordres
urbains » --qu'il invite par ailleurs à utiliser au
pluriel parce qu'il existe plusieurs formes de désordre urbain--, peut
aussi désigner notre incapacité à penser
l'évolution du phénomène urbain en raison de son
caractère extraordinairement complexe, hétérogène
et foisonnant, renvoyant pour ainsi dire à des phénomènes
nouveaux et difficilement conceptualisables. Ainsi, « le
désordre [urbain] apparait non comme l'inverse de l'ordre [urbain], mais
au contraire comme l'annonce de son réaménagement ou bien comme
son complément ». Selon Rangeon, « les
désordres urbains ont fréquemment été source de
dynamisme et d'innovation ». Il remarque en effet
« qu'à chaque fois, la ville est à la recherche de
l'équilibre entre un désordre perturbateur mais créateur,
et un ordre rassurant mais sclérosant ». D'autre part,
« de nombreux désordres urbains ne sont en
réalité que l'expression urbaine de désordres
sociaux », la ville subissant de plein fouet les effets du
chômage, de l'exclusion, du déclassement social.
De ce qui précède, le
« désordre urbain» peut être
considéré comme des écarts vis-à-vis de ce qui est
demandé à être fait dans l'espace urbain par l'« ordre
dominant » de l'instant. La privatisation marchande des trottoirs
s'illustre de ce point de vue comme un désordre urbain dans la mesure
où elle n'est pas respectueuse de la réglementation en vigueur en
matière d'usage de trottoir,« aménagé et
réservé pour la circulation des
piétons »(Code Communautairede la Route en zone CEMAC,
2001)
CHAPITRE 5: REVUE
DE LA LITTERATURE
Dans cette partie, il est présenté la
littérature existante autour du sujet traité.Cette revue de la
littérature va concerner trois thématiques clés de
l'étude à savoir : le commerce sur trottoirs, la
résistance au changement et l'éducation extrascolaire.
5.1. AUTOUR DU COMMERCE SUR TROTTOIRS
Les travaux sur l'occupation abusive de la voie publique
à Yaoundé sont parcellaires et peu nombreux. Mais ceux qui s'y
intéressent à l'échelle de l'Afrique subsaharienne sont
nombreux. Ils se veulent transversaux, compte tenu des fortes similitudes
socio-culturelles et politico-économiques des pays d'Afrique noire. La
privatisation des rues et des trottoirs dans cet espace géographique a
attisé la curiosité de plusieurs scientifiques de divers
domaines; de la géographie, de l'urbanisme, de la sociologie et de
l'anthropologie. Il convient à présent de parcourir ces travaux.
Les écrits explorés ont été regroupés en
quatre thèmes: trottoirs comme espaces publics privatifs; trottoirs
comme marqueurs de la présence-absence de l'Etat; trottoirsentre normes
étatiques et normes sociales; un désordre inventif et
d'innovation sociale.
5.1.1. Trottoirs
comme espace public privatif
Le trottoir est par définition un espace public en ce
sens qu'il est un « espace à l'usage de
tous » (Hossard et Magdalena, 2005) et officiellement
dédié à la mobilité piétonne (Mbouombouo,
2005). Cependant, une vaste littérature fait état de ce que le
trottoir en Afrique noire est l'objet de multiples formes d'appropriation et de
détournement à des fins privatives. Il est investi en longueur de
journée et même de nuit par des individus qui se l'approprie par
l'attribution d'un sens particulier ou par la modification du sens
déjà attribué. Fourchard (2006) observe que le trottoir en
Afrique apparaît moins comme un lieu de passage et de circulation que
comme un espace investi au quotidien par un ensemble d'activités
sociales, économiques, politiques et religieuses qui n'auraient pas
trouvé place ailleurs. Par son caractère d'appartenance à
tous et à personne, le trottoir passe pour être un espace à
prendre, et par conséquent le réceptacle de toutes sortes
d'activités. Toute chose qui fait de luiun paradoxale
espace-public-privatif.
Située à l'interface du public et du
privé, ni vraiment publique, ni tout à fait privée, [il]
ne connaît pas de processus durable et univoque de territorialisation et
d'appropriation. [Il] souffre d'une relative indétermination ou
invisibilité dans ses usages, ses procédures d'occupation et ses
limites spatiales. [...] Cela renvoie à la confusion des genres et
à l'assimilation abusive de la notion d'espace public non
matérialisé, non construit, à celle d'espace vacant,
disponible. La rue souffre de cette perméabilité des
catégories mentales où la notion de bien communautaire envahit
celle de bien commun. (
Janin,
2001)
Cet envahissement traduit pour une part la perception qu'a le
« négro africain » du trottoir. En effet, le
trottoir se caractérise aux yeux de la majorité des populations
africaines par son « opportunité
entrepreneuriale » et sa « disponibilité
foncière » (Steck, 2006). Dans un environnement où
la population urbaine est composée en grande majorité
d'allogènes (2/ 3 de la population urbaine à
Yaoundé), on peut comprendre la difficulté à trouver des
terres exploitables. D'où le rabattement sur les lieux non
appropriés comme les trottoirs. Jean Marc Ela (1983, p.80) fait lui
aussi le constat des difficultés foncières et immobilières
en zone urbaine en assertant que:
Les petites gens ne peuvent acheter un titre foncier.
Seuls quelques privilégiés en sont capables, pour construire des
villas de luxe aux loyers inaccessibles à la masse. Au moment où
le sol est une « affaire » dans laquelle il faut investir
en s'appropriant des terrains, l'urbanisation s'opère au profit d'une
spéculation foncière et immobilière dont les petits
employés font les frais.
Dans un tel contexte, l'espace public notamment les trottoirs
se présente comme un rempart pour le « bas peuple »
(Ela, 1983), inséré dans un état de dénuement
foncier, mais animé par le sursaut de survie. Les trottoirs deviennent
donc « des espaces de promotion de l'auto-emploi et de la mise au
travail des citadins plus faibles économiquement »
(Mbouombouo, 2005)
5.1.2. Trottoirs
comme marqueurs de la présence-absence de l'Etat
Une fois le constat fait du caractère antinomique
public/privé des rues africaines subsahariennes, des auteurs se sont
appesantis sur le comportement de l'Etat face à l'invasion des
trottoirs. Manifestement espace public privatif, comme il vient d'être
constaté, le trottoir s'illustre surtout comme un espace de la
transgression - des normes, des territorialités - par les fonctions que
lui assignent de fait ses utilisateurs autant que par les hésitations
étatiques et le désintérêt de la municipalité
(
Janin,
2001). Tout se passe comme si, vis-à-vis de la colonisation de l'espace
public par les particuliers, l'Etat adopte une posture mi-figue mi-raisin. Ce
qui est compréhensible à en croire Gabriel Kwami Nyassogbo (2011)
pour qui, les activités de la rue nourrissent une proportion importante
de citadins en Afrique au sud du Sahara, où l'ensemble du secteur
informel emploie, suivant les évaluations, entre le tiers et les deux
tiers d'actifs urbains. Ces activités, bien que n'étant pas
nouvelles, se sont intensifiées en contexte d'ajustement structurel,
alimentées par les migrations internes, les crises économiques
successives et les réformes économiques libérales (Stamm,
2008; Aziz Njoya, 2011). Tout ceci sous le regard sinon complice, du moins
inerte de l'Etat, qui a « laissé faire » cette
réponse populaire, spontanée et créative face à son
incapacité à satisfaire les aspirations les plus
élémentaires des couches sociales
déshéritées (Nyassogbo, 2011). Progressivement, la rue a
cessé d'être un espace public où peut s'exprimer la
volonté hégémonique d'un État africain
déliquescent en manque de moyens, et exprime au mieux ses
hésitations, ses contradictions et ses faiblesses (
Janin,
2001). Entérinant cette idée, Lelo Nzuzi (1989, cité par
Mbouombouo, 2005) affirme que les détournements des espaces-trottoirs
participent du « développement d'un urbanisme de
débrouillardise et du laisser-faire ».
D'autre part, lorsque l'Etat se résout à
réagir, il met en branle une « politique urbaine
somptuaire » ou « façadiste»
à l'effet de faire de la rue des centres villes une vitrine de la
modernité (Steck, 2006). Cette volonté se manifeste par des
déguerpissements de trottoirs et des destructions de bidonvilles le long
des principaux axes. L'ambition étant de masquer le paysage de la
pauvreté que renvoient les activités informelles (Steck). Ce
même constat est fait par Stamm Caroline (2008) pour qui les
réglementations et les programmes des autorités sont empreint de
la vision de la ville hygiéniste, fluide et sure. Or,
procéder ainsi, c'est perdre de vue le fait que « faire
disparaître les bidonvilles à la périphérie des
grandes métropoles ne constitue qu'un effort limité
d'aménagement du territoire si la structure urbaine qui prédomine
n'est pas remise en cause dans sa totalité » (Ela, 1983,
p.182). C'est d'autant plus ignorer que « le désordre
urbain ne peut être vaincu sans un nouvel examen de la politique
d'implantation des investissements productifs » (Idem).
Cette politique façadièredéjà
critiquée du fait qu'elle ne s'attaque pas à la racine des
préoccupations populaires, perd également de sa
crédibilité dans la mesure où elle est conduite de
manière différenciée d'un endroit à l'autre de la
même ville et parfois du même quartier. Jean-Fabien Steck (2006)
s'étonne de savoir que ce discours qui sert d'argument pour interdire
à l'informel d'accéder à la rue devient radicalement
différent lorsqu'on arrive dans les quartiers résidentiels
périphériques. Dans les périphéries, ces
activités sont célébrées comme permettant à
une part non négligeable de la population de subvenir à ses
besoins. En matière de politique urbaine de régulation, Steck
note donc que les politiques municipales d'occupation de la rue par les
activités de l'informel se font à tête chercheuse.
Aussi, le manque de coordination et
d'homogénéité des politiques publiques entre les organes
centraux et décentralisés de l'Etat aux fins de gestion de la rue
alimente-t-il les télescopages et autres contradictions de programmes et
projets institutionnels et achève de noircir le tableau. Cet état
de chose ne permet « ni une gestion homogène des rues, ni
aux entrepreneurs informels d'avoir une connaissance précise de
l'identité de leurs interlocuteurs institutionnels »
(Steck, 2006).
De fait, l'incapacité de faire appliquer les lois
et réglementations ou l'absence d'une réelle volonté
politique fait prévaloir les opérations
« coup-de-poing », l'État n'apparaissant
jamais, en contexte africain, avoir la légitimité
nécessaire pour faire accepter par les citoyens un ensemble de normes
partagées (Fourchard, 2006). Le trottoir devient alors
« le lieu et le facteur de nombreux processus notamment les
dynamiques transactionnelles(...) conflictuelles et
confrontationnelles » (Mbouombouo, 2005).
5.1.3. Trottoirs
entre normes étatiques et normes sociales
Certains auteurs appréhendent la
généralisation et l'intensification de la privatisation des
trottoirs en Afrique noire comme l'aboutissement d'un mariage difficile entre
normes étatiques et normes sociales. Le constat est sans appel: la
gestion du quotidien dans les villes africaines par les autorités
institutionnelles est marquée par la profonde illusion de devenir comme
l'autre. « Concordance ou pas, les plans d'urbanisation et
architecturaux ne sont eux-mêmes que des reproductions imparfaites de ce
qui a été vu à Paris, à Londres, à Madrid ou
à Lisbonne » (Mayer et Soumahoro, 2010). Dans cette
perspective, les normes étatiques sont des normes exogènes,
venues d'ailleurs. Elles sont calquées parfois de façon
« moutonnière » sur les normes
urbanistiques occidentales, ignorance faite de ce que « l'espace
géographique urbain doit être le reflet des perceptions
culturelles des peuples en place » (Mayer et Soumahoro, 2010).
Comme le démontre Jean-Marc Ela (1983), en Afrique
subsaharienne, l'exode rural est l'un des principaux facteurs de
l'urbanisation. En effet, « l'inégalité de
développement urbain fait de la migration un phénomène
coextensif au processus d'urbanisation en cours dans l'Afrique »
(p.30). Cette urbanisation provoque l'arrivée en ville de manière
rapide des flots de ruraux. Parce que l'espace urbain a ses
règles qui semblent ne pas s'adapter à la vision des
ruraux, ces derniers adaptent à cet espace nouveau leurs
réalités traditionnelles rurales. En s'affirmant, ils constituent
un sentiment d'appartenance à référent rural et
traditionnel en termes de valeur et de représentation sociale et
culturelle. Il se passe alors une oblitération des
références spatiales coutumières à l'espace urbain.
On assiste à un nouveau découpage --ou à une nouvelle
réorganisation-- de l'espace urbain en des lieux de sociabilité
et d'identification socioculturelle mais aussi économique
(bayam-sellam, tourne-dos, etc.) (Mayer et Soumahoro, 2010).
Cela contribue à donner un caractère original aux villes
africaines fait de la pérennité d'activités de type rural
constituant un secteur primaire de type traditionnel vivace, mais qui essaye de
s'adapter à des besoins nouveaux.
Alors, dans les villes africaines, on observeune situation
douloureuse où « la rue est symptomatique du hiatus entre
normes importées et normes locales» (
Janin,
2001). Ce double jeu entre le formel et l'informel conduit à une
ruralisation de la ville tropicale africaine. Ses racines et pratiques
insérées dans la tradition et ses visions portées vers la
modernité lui donne un cachet particulier et témoigne de
l'affrontement entre le « centre et la
périphérie», entre les « citadins » et
les ruraux, entre les riches et les pauvres (
Janin,
2001).
On assiste en Afrique noire à « la
vie rurale en milieu urbain ». Le
« néo-citadin » africain n'abandonne pas le
désir de récréer l'espace traditionnel en ville. La
« tribalisation » de l'espace urbain est
inédite.Dans les grandes agglomérations urbaines, on
aperçoit une véritable
« réactivation » des formes vitales de
l'Afrique traditionnelle, toute chose qui fait naître les conditions de
vie d'une population flottante, et ne contribue pas à créer un
véritable « esprit citadin», au sens occidental du terme
(Ela, 1983).
De là l'image de « l'Africain
désemparé », cet homme inapte ou aliéné
dans sa condition actuelle, « celui qui n'est accordé à
aucun des deux mondes(...), écartelé entre deux dimensions. (Ela,
1983)
En Afrique noire donc, « la rue
révèle à la fois la misère de larges fractions de
citadins, le « laisser-faire » de l'État et, plus
fondamentalement, l'inadéquation entre normes étatiques
imposées et normes sociales appropriées » (
Janin,
2001). Le trottoir y est une voie publique à la fois
« officiellement attribuée mais socialement
contestée » (Mbouombouo, 2005).
5.1.4.
Désordre inventif et d'innovation sociale
Contrairement de la vision chaotique des rues d'Afrique
subsaharienne dépeinte par nombres d'auteurs, certains écrits
tendent à la célébration de la vitalité du tissu
urbain africain. Ils voient en les formes d'appropriations et de
détournements de la rue un désordre inventif et des occasions
d'innovation sociale.
En Afrique, « la rue est le support visuel d'une
construction sociale de la différence, de l'inégalité et,
éventuellement, de la contestation » (
Janin,
2001). La ville africaine est le marqueur par excellence de la distorsion entre
l'Afrique des déshérités et l'Afrique de
nantis (Ela, 1983). Les rues et donc les trottoirs constituent des
supports de sociabilité et des lieux de « construction de
l'identité urbaine africaine »pour les
déshérités qui les occupent. La ville africaine
se construit donc sur des logiques propres et endogènes.
Pour Djouda (2010), ce qui s'apparente à une
catastrophe aux yeux de certains dans les villes d'Afrique subsaharienne doit
être observé comme de véritables « laboratoires
» des dynamiques urbaines, mises en branle par les acteurs
individuels et collectif « du bas ». Les villes
africaines doivent être vues comme « des espaces où
se construisent de nouveaux modes de vie, des dynamiques imprévues, des
évolutions annonciatrices des ruptures politiques, sociales et
économiques ». Il est ici question de montrer comment la
vie urbaine en Afrique ouvre aussi de nouvelles possibilités
d'intégration, de coopération, de solidarité et de
développement. Interdiction est faite à toutes formes
d'ethnocentrisme car, un visiteur non averti qui observe le mailting pot
d'activité sur l'espace urbain africain conclurait à un
fouillis général.
Il n'en est rien puisque ce qui lui semble être un
parfait désordre de l'espace support, représente un
mélange d'abstraction, de modélisation de l'information, de
processus d'autorégulation et d'élimination de détails
indésirables très identifiables aux yeux des personnes
familières des lieux. (Mayer et Soumahoro, 2010)
Ces désordres apparents, l'occupation
« anarchique » des trottoirs en l'occurrence, sont des
traits de la capacité intuitive et imaginative des acteurs urbains
africains. Ils sont une construction urbaine qui donne une nouvelle
configuration aux processus urbains en Afrique. La symbiose
urbanité/ruralité fait des villes africaines, des villes
duales. Un dualisme entre ville légale, celle qui
relève des normes occidentales et qui participe à
l'économie-monde, et la ville illégale, celle des
quartiers de peuplement informels, et où se développe une
économie de subsistance et de survie (Djouda, 2010). Entre surfaces
bitumées et poussière rouge, la ville africaine se densifie,
comble ses vides. Elle est en transition, en mutation permanente. Elle
construit sa propre modernité, pas forcément calquée sur
le modèle occidental. Loin d'envisager une uniformisation des villes, il
est important de comprendre que le phénomène urbain ne peut
être mieux saisi ou compris que dans une perspective temporelle,
historique et contextuelle (Idem).
5.2. DE L'EDUCATION
A L'EDUCATION EXTRASCOLAIRE
Avant de s'appesantir sur l'éducation extrascolaire, il
convient de traiter d'abord des notions qui l'on précédées
et préparées la voie de son émergence. Il s'agit de la
notion d'« éducation » et des notions connexes que
sont l' « éducation formelle », « non
formelle » et « informelle ».
5.2.1.
Clarification du concept éducation
Emile Durkheim (1922) définit l'éducation comme
étant «l'action exercée par les
générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres
pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer chez
l'enfant un certain nombre d'états physiques, intellectuels et moraux
que réclament de lui et la société politique dans son
ensemble et le milieu spécial auquel il est particulièrement
destiné ». Cette définition révèle
la visée socialisatrice de l'éducation mais réduit le
champ de l'éducation à l'enfance, ignorant le fait que les
adultes sont eux aussi clientèle de l'éducation.
Baba-Moussa, Moussa et Rakotozafy (2014) élargissent la
perspective de l'éducation. Ils pensent que si l'on met souvent en avant
le caractère socialisant de l'éducation, c'est-à-dire son
importance d'assurer l'intégration de l'individu dans son groupe social,
il faut relever que là n'est pas le seul but de l`éducation. Ces
auteurs conçoivent l'éducation comme le processus de
structuration de tous les membres d'une communauté donnée, afin
de leur permettred'acquérir les savoirs, savoir-faire et
savoir-être nécessaires à leur vie sociale.Les
savoirs correspondent aux informations utiles pour survivre dans
l'environnement physique: s'y adapter, le maîtriser voire le transformer.
Les savoir-faire renvoient aux compétences techniques
nécessaires à la production, et les savoirs-être
se réfèrent aux valeurs sociales et culturelles de la
société, c'est-à-dire la connaissance de ce qui est bon ou
mauvais, désirable ou réprouvé. Baba-Moussa et
al.secondent dans cette option définitionnelle d'autres auteurs qui
voient dans l'approche éducationnelle de toutes les
sociétés humaines, les objectifs fondamentaux de former tous ceux
à qui elle s'adresse, de façon à les préparer
à s'adapter à la vie sociale, à y jouer le mieux possible
le rôle qui leur est dévolu, à développer chez eux
toutes qualités, potentialités et capacités individuelles
dont a besoin la société (Moumouni, 1998, p. 213, cité par
Baba-Moussa et al.,2014).
Le processus éducatif ainsi défini est donc
complexe, multidimensionnel et protéiforme. L'éducation
revêt un caractère transversal. Elle concerne aussi bien les
enfants que les adultes, et peut se dérouler dans différents
cadres. Coombs (1989) propose les trois formes qu'elle peut prendre en fonction
de la cible et des objectifs. Il distingue alors l'éducation formelle,
l'éducation non formelle et l'éducation informelle.
v Education
formelle
L'éducation formelle est la forme d'éducation
dispensée au sein du système scolaire. Elle se déroule
dans des établissements d'enseignement et de formation étatique
(école, université, institutions de formation professionnelle),
et débouche sur l'obtention de diplômes et de qualifications
reconnus. Elle est une formation continue,
institutionnalisée,structurée, hiérarchisée et
caractérisé par des objectifs éducatifs clairs, des plans
d'étude et des configurations d'enseignement (Mlékuz, 2003).
PourAli Hamadache (1993), ce type d'éducation est
caractérisé par l'unicité et une certaine rigidité,
avec des structures horizontales et verticales (classes d'âge
homogènes et cycles hiérarchisés), avec des conditions
d'admission définis pour tous. Cet enseignement se veut universel et
séquentiel, normalisé et institutionnalisé avec une
certaine permanence.
v Education non
formelle
A côté ou autour de l'éducation formelle,
beaucoup plus théorique, intervient l'éducation non formelle dont
la visée est d'offrir à sa clientèle des savoirs pratique
et opératoire. Il alieu en dehors des institutions classiques. Mais
diffère de l'éducation informelle parce qu'il répond
néanmoins à une intention, à des objectifs et à une
orientation définie par les personnes concernées.
L'éducation non formelle peut avoir divers degrés de
formalisation. Elle se caractérise par une démarche volontaire et
comporte des offres d'apprentissage plus ou moins organisées.
L'accès aux situations et aux contenus éducatifs est libre et les
approches possibles sont multiples. L'échange entre apprenants et
enseignants se fonde sur une logique volontaire et n'exige pas
nécessairement de vérification par rapport aux objectifs
donnés. L'évaluation et l'attestation des résultats
peuvent prendre différentes formes, allant de la pure
auto-évaluation des apprenants à la remise de certificats formels
(Ministère?de?la?Famille?et?de?l'Intégration de Luxembourg,
2012).
Ainsi, l'éducation non formelle correspond, à
toute activité d'apprentissage organisée et
systématiquement menée en dehors du système scolaire, des
principales structures d'enseignement et de formation de certificats officiels.
Elle peut s'acquérir sur le lieu du travail ou dans le cadre des
activités d'organisations ou de groupes de la société
civile (associations de jeunes, syndicats ou partis politiques). Elle peut
aussi être fournie par des organisations ou services établis en
complément des systèmes formels : classes d'enseignement
artistique, musical ou sportif, ou cours privés pour préparer des
examens, etc. (Baba-Moussa et al, 2014; Mlékuz, 2003).
Pour Hamadache (1993),
L'éducation non formelle est toute éducation
qui englobe toute forme d'instruction que la source et l'élève
favorisent délibérément, la rencontre étant voulue
par les deux (émetteur et récepteur). Pour l'éducation non
formelle, Coombs et ses collaborateurs ont posé une définition
qui a reçu une acception générale: « ...Toute
activité éducative organisée en dehors du système
d'éducation formel établi et destinée à servir des
clientèles et à atteindre des objectifs d'instruction
identifiables » (Coombs et al, 1973). Cette définition a
l'avantage de mettre en évidence les caractéristiques principales
de l'éducation non formelle. Il s'agit d'activités:
- Organisées, structurées (sinon elles
relèvent de l'informel);
- Destinées à un public-cible
identifiable;
- Visant un ensemble spécifique d'objectifs
d'éducation;
- Non institutionnalisées, se déroulant hors
du système éducatif établi et s'adressant à des
élèves non régulièrement inscrits (même si,
dans certains cas, le lieu d'enseignement peut être
l'école).
A côté de
l'éducation formelle et non formelle, très formalisée et
structurée pour la première et semi-formalisée pour la
seconde, il existe une troisième forme d'éducation non
formalisée et peu structurée.
v Education informelle
Elle est le processus permanent au cours duquel chacun
acquiert et accumule des connaissances, des aptitudes et des opinions, par
l'expérience et par les contacts avec autrui. Tout le monde est soumis
d'une manière ou d'une autre à cette forme d'éducation.
Elle est le corollaire naturel de la vie quotidienne et fait
référence aux processus d'auto-apprentissage qui se
déroulent dans toute sorte de situations de la vie
(« learning by doing »), en dehors des
institutions chargées d'éducation et sans intentions explicites.
L'acquisition de « soft skills », en particulier,
a souvent lieu dans le cadre de l'éducation informelle. (Baba-Moussa et
al., 2014; Mlékuz, 2003).
Selon Hamadache (1993), l'éducation informelle est
l'éducation dite parallèle(ou encore accessoire, occasionnelle,
diffuse, spontanée, ...) qui concerne des activités d'instruction
non structurées. Dans l'éducation informelle, le processus
d'apprentissage est un processus d'osmose entre l'apprenant et son
environnement. C'est un fait que la plus grande partie des connaissances et des
savoir-faire qu'acquiert un individu au cours de son existence se fait, dans un
environnement non structuré, au moyen de ce mode d'éducation. Il
en est ainsi de l'acquisition de la langue, des valeurs culturelles, des
attitudes et des croyances générales, des comportements de la vie
quotidienne propre à un milieu donné et auxquels contribuent la
famille, les églises, le secteur associatif, certains membres
privilégiés de la société, les moyens de
communication sociale, les médias de masse, les musées, les
maisons d'édition, les jeux, et toutes autres institutions culturelles
présentes dans l'environnement. Cette éducation se fait dans une
large mesure, par une association de l'observation, de l'imitation, de
l'émulation sélective de certains membres de la
société par d'autres. Par exemple, des messages radios ou
télévisés destinés au grand public peuvent avoir un
but plus ou moins pédagogique. Mais ils vont atteindre des auditeurs ou
téléspectateurs disposés ou non, aptes ou non à les
recevoir et à en tirer parti.
Il en est de même d'un jeune qui regarde travailler un
artisan dans l'intention précise d'apprendre quelque chose (il y a
intention de la part du récepteur, pas de l'émetteur). De
nombreux aspects de l'école parallèle sont à prendre en
considération dans la formation des enseignants: l'utilisation des
langues nationales et/ou maternelles qui véhiculent cette
éducation parallèle ainsi que des modèles et des valeurs
souvent différents de ceux qu'inculque l'école, l'articulation de
l'enseignement et du travail productif ou socialement utile, la
complémentaritéde l'enseignement avec les possibilités
éducatives et les infrastructures socio-éducatives et culturelles
existant dans l'environnement de l'école, la maîtrise des
influences exercées par les médias, etc. (Hamadache, 1993).
5.2.2. Education
extrascolaire
5.2.2.1. Fondement historique de
l'éducation extrascolaire
Pierre Furter observe dès 1976 que l'étude de
l'éducation extrascolaire souffre de la rareté de ses
études historiques. D'après ce dernier, la problématique
de l'éducation extrascolaire voit véritablement le jour au
lendemain de la deuxième guerre mondiale. La préoccupation
centrale à l'initiative de l'éducation extrascolaire est celle de
l'éducation des adultes, dans le soucide mobiliser la participation de
tous à l'effort de reconstruction (Furter, 1976). Cependant, c'est au
cours de la décennie des années 70 que s'est
développée la prise de conscience de ces problèmes et que
les principales organisations internationales ont envisagé cette
problématique (Furter, 1984). Trois faits majeurs sont à retenir
pour élaborer des hypothèses explicatives de la prise de
conscience de cette problématique :
- Le constat des limites de l'universalisation et de la
démocratisation de l'éducation scolaire obligatoire ;
- La complexité grandissante des rapports que les
« systèmes » scolaires entretiennent avec les
« para-systèmes» extrascolaires qui sont nés de
l'institutionnalisation de l'éducation des adultes.
- L'élargissement des conceptions de
l'éducation, en particulier sous l'impact des idées qui donneront
naissance à ce qu'on peut mettre dans la catégorie de
l'éducation permanente.
Cléopâtre Montandon (s.d.) affirme que,
la crise mondiale de l'éducation
diagnostiquée il y a une quarantaine d'années (fin des
années 1960 et début des années 1970), dont s'est
émue l'UNESCO ou la Banque Mondiale, aconduit vers l'idée que
pour résoudre le problème des systèmes scolaires, il
était nécessaire de se tourner vers les ressources
éducatives en dehors de l'école et dans d'autres secteurs de la
société (Coombs 1968 ; Coombs, Prosser & Ahmed, 1973). C'est
à cette époque que les notions de déscolarisation (Illich,
1973) ou de learning society (Faure, 1972) sont apparues et que les
distinctions entre éducation formelle, informelle et non formelle ont
pris leur essor.
Toutefois, la littérature, telle que rapportée
par Furter (1976), rend compte de ce que, la première conférence
internationale sur l'éducation des adultes (CONFINTEA 1), qui a eu lieu
à Elseneur au Danemark en 1949 inaugure les activités de l'UNESCO
dans le domaine d'éducation extrascolaire. Mais cette conférence
pionnière est européocentrique et classiste. En effet,
d'une part le tiers monde n'est pas représenté et les deux tiers
des participants sont européens; d'autre part, l'idée centrale
est la promotion de « l'élite » ouvrière.
Lorsque les participants parlent d'éducation populaire,
« ce n'est que dans l'intention de diffuser la culture bourgeoise
dans les milieux prolétaires ». Mais, un autre
thème y est évoqué de manière furtive, mais sera
développé dans les années 50. Il s'agit de
l'éducation fondamentale. L'UNESCO entend par là
« essentiellement une intervention éducative globale, mais
réduite à un minimum indispensable qui inclut
l'alphabétisation et qui s'adresse à des populations marginales
afin de leur donner le pouvoir de trouver leurs solutions aux problèmes
qu'elles rencontrent ».
CONFINTEA 2s'est tenu à Montréal au Canada en
1960. Elle fait suite à celle d'Elseneur mais lui est cependant
très différente. En effet, le monde a changé. Une
multitude de pays ont accédé à l'indépendance.
« Pour la première fois, on reconnaît que
l'éducation des adultes est un ensemble complexe dont on discerne mal
les limites et dont on domine peu l'ensemble des formes ». Ce
qui n'empêche pas d'en tracer les grands traits dans le secteur
économique avec la formation professionnelle et l'amélioration
des qualifications ; dans le secteur social avec l'éducation
fondamentale et dans le cadre de l'apport de l'éducation à la
construction des nouvelles nations.
La troisième conférence internationale de
l'UNESCO sur l'éducation des adultes (CONFINTEA 3) est celle de 1972
à Tokyo, qui donne naissance au fameux rapport Apprendre à
être. « Fondamentalement, le rapport défend une
conception globale de développement de l'éducation pour les
sociétés contemporaines dont la finalité est d'assurer
à tout individu la possibilité d'apprendre pendant sa vie
entière ». Ce principe d'éducation
permanente constitue la clé de voûte de toute
l'argumentation. Trois considérations fortes se dégagent: d'abord
celle de l'éducation diffuse,
« c'est-à-dire du processus réellement permanent
grâce auquel tout individu adopte des attitudes et des valeurs, acquiert
des connaissances grâce à son expérience quotidienne, aux
influences de son milieu et à l'action de toutes les institutions qui
l'incitent à modifier le cours de sa vie ». Ensuite,
celle de l'éducation extrascolaire,
« c'est-à-dire de toutes les activités
organisées d'éducation qui visent des clientèles
particulières en fonction de leurs besoins et de leurs
aspirations ». Enfin, l'éducation scolaire,
« qui sous la forme de systèmes d'enseignement
hiérarchisés, tronçonnés en années
d'études, permet à l'ensemble de la population non encore
engagée dans la production, d'acquérir la formation de base
indispensable pour pouvoir par la suite utiliser les moyens de
l'éducation extrascolaire et diffuse ». Pour le rapport
Apprendre à être, « le succès ou
l'échec d'une politique de l'éducation dans un pays ne peut plus
se mesurer seulement par la scolarisation de la nouvelle
génération, mais par le nombre d'adultes qui sont devenus
capables d'auto-instruction ». D'autre part, ce rapport affirme
que « le développement éducatif ne peut se
contenter d'attribuer à l'éducation extrascolaire un rôle
complémentaire, correctif ou de palliatif par rapport aux
systèmes scolaires, mais que le succès de l'éducation des
adultes passe par une refonte des systèmes
scolaires ».
Ainsi,
L'approche intégrée a été
formulée de manière plus explicite par la Commission
internationale sur le développement de l'éducation, réunie
par UNESCO en 1971-1972,qui précisait dans son rapport :
« L'éducation des adultes revêt une importance
particulière dans la mesure où elle constitué un facteur
déterminant dans la réussite scolaire desnon adultes: on ne peut,
en effet, dissocier l'enseignement primaire des enfants duniveau
éducatif des parents; ce n'est pas dans un milieu analphabète que
pourront êtrepréparées les générations
nouvelles... Il importe donc de ne jamais opposer l'éducationdes adultes
à l'éducation des enfants et des jeunes: le concept d'une
éducation globale transcende cette apparente contradiction et en met les
deux pôles, parallèlement etsimultanément, au service des
objectifs communs de l'éducation au sens large. Il s'en suit que
l'éducation des adultes ne peut demeurer plus longtemps dans aucune
sociétéun secteur marginal et qu'une place doit lui être
réservée dans les politiques et budgetsd'éducation, ce qui
implique une articulation solide entre l'enseignement scolaire et
l'éducation extrascolaire». (Hamadache, 1993).
Les trois derniers CONFINTEA (4, 5, 6) ont eu lieu
respectivement en 1985, 1997 et 2009 à Paris (France), Hambourg
(Allemagne) et Belém (Brésil). S'appuyant sur les acquis des
premières, elles considèrent que le développement de
l'éducation des adultes est la condition indispensable de la
concrétisation de l'éducation permanente et un facteur important
de la démocratisation de l'éducation et consacre la
nécessité d'une législation adéquate en
matière d'éducation des adultes.
Quant au colloque de Dakar sur l'éducation
extrascolaire du 3 au 8 mai 1976, il avait été entendu que, pour
les pays en voie de développement, le concept d'éducation
extrascolaire recouvrait deux domaines, celui des activités
organisées au profit des jeunes scolarisés en dehors du temps et
du lieu de l'école; ce serait l'acception traditionnelle du terme. Mais
l'éducation extrascolaire vise particulièrement l'énorme
masse laborieuse analphabète, formée de jeunes et d'adultes qu'il
importe de former et d'instruire, pour leur permettre d'intervenir avec plus
d'efficacité dans le développement économique et social,
et dans toutes les affaires du pays de manière consciente (Gomès,
1977). Elle regroupe toutes les activités d'éducation pour ceux
qui sont dans la vie active : alphabétisation, cours par
correspondance, cours de perfectionnement, initiation à la production,
loisirs éducatifs et sports (Idem).
En définitive, l'éducation extrascolaire vise la
construction d'un cadre de référence utile pour concevoir un
développement culturel favorable à
l' « éducogénie » c'est-à-dire
« tout ce qui soutient et peut soutenir une formation diffuse,
définie comme la capacité globale de formation propre à un
milieu donné et mesurée par l'ensemble des contributions de
formation de la famille, des classes sociales, de la langue, des moyens de
communication de masse et d'autres institutions culturelles »
(Furter, 1984).
5.2.2.2. Fonctions de l'éducation extrascolaire
Furter (1976) identifie cinq fonctions accordées
à l'éducation extrascolaire (EES) par les auteurs qui l'ont
précédé, notamment Coombs(1969), Sheffield(1972),
Hallenbeck(1964) et Lowe(1970). Il s'agit des fonctions de rattrapage
(compensation ou remédiation), de maintien
(adaptation), de changement (progression), de
participation (développement de la responsabilité
civique), et enfin d'auto-développement.
v Fonction de rattrapage
La fonction compensatoire ou de rattrapage ou de
remédiation de l'EES permet à la population qui n'a pas
été scolarisée, c'est-à-dire qui n'a pas fait
l'apprentissage de la formation telle qu'elle s'est institutionnalisée,
de se rattraper par la réception d'une formation parallèle,
à l'effet de « s'intégrer à l'univers des
scolarisés ».
v Fonction d'adaptation
La fonction adaptative ou de maintien de l'EES est celle qui
permet à l'individu de s'adapter à son environnement de vie et de
s'y maintenir honorablement. Elle est comparable aux activités de
recyclage pour les professionnels.
v Fonction de progression
La fonction de progression ou de mobilité de l'EES est
celle qui permet à l'individu de passer d'un état à un
état supérieur. Elle empêche à un individu de rester
statique dans ses connaissances, ses savoirs, ses savoir-faire et ses
savoir-être. Cette fonction permet de rechercher les conditions
d'amélioration et de progrès en toute chose, en tout temps, en
tout lieu et en toute occasion.
v Fonction de participation
La fonction de participation ou du développement de la
responsabilité civique est un aspect très important de
l'éducation en générale et de l'EES en particulier. C'est
en effet cette fonction de l'éducation extrascolaire qui permet à
l'individu de tenir compte de l'intérêt général et
de se rendre utile pour la société dans laquelle il vit.
v Fonction d'auto-développement
La fonction d'auto-développement ou du
« développement de soi par soi-même »
vise l'aptitude d'un individu à travailler à sa propre
évolution dans le temps et l'espace par l'instruction, les
apprentissages et les formations protéiformes.
L'auto-développement consiste donc également à
l'auto-éducation c'est-à-dire l'auto-formation. Si l'on fait
l'hypothèse de ce que l'on apprend tous les jours, par soi-même et
à travers les autres, on dira que l'éducation en
générale et celle extrascolaire en particulier donne les bases
rudimentaires de cet auto-développement.
5.2.2.3. Chantiers de l'éducation
extrascolaire
S'intéressant à divers problématiques,
l'éducation extrascolaire relève généralement de
plusieurs ministères et institutions. Elle touche les secteurs suivants
: éducation polyvalente dans les foyers d'animation de la jeunesse,
l'éducation populaire destinée aussi bien aux adultes qu'aux
jeunes (lecture populaire, ciné-débat, art dramatique, journaux
ruraux, photographie, peinture, poterie, sculpture, etc.), organisation de
loisirs éducatives, échanges internationaux de jeunes, voyages
culturels, centres ou colonies de vacances pour enfants et adolescents,
formation des adultes, ... (Le Brun, 1969)
Au Cameroun, le Programme National de l'Education Civique
(2015) situe les chantiers de l'éducation extrascolaire en ces
termes :
« Face à ce déficit en structures
d'encadrement, le ministère en charge de la promotion de
l'éducation extrascolaire, s'engage alors à remettre à
l'ordre du jour plusieurs projets d'appui à l'encadrement moral et
civique des populations. Le but visé est de toucher le maximum de
couches sociales aux fins d'une mise à contribution réelle de
toutes les énergies à la lutte pour le développement et
à la construction d'une nation forte, crédible et responsable. Il
s'agit, grâce à la sensibilisation, à la mobilisation,
à la formation extrascolaire et andragogique et à l'organisation
systématique des populations, de faire en sorte que les Camerounais
soient, dans la mesure du possible, des exemples en matière de civisme
et de rejet de toutes les anomies décriées par la
communauté nationale. » (MINJEC, 2015, p.24).
Force est de constater qu'il est complexe
d'énumérer de manière exhaustive les chantiers de
l'éducation extrascolaire. Cependant,la synthèse faite dans le
tableau1 ci-dessouspermet d'avoir une idée plus ou moins précise
de ce qui peut constituer les chantiers de l'éducation extrascolaire.
TABLEAU 1 :
Aperçu des chantiers de l'éducation extrascolaire
|
CONTEXTE
SCOLAIRE
(école, université, ...)
|
CONTEXTE
PRE-PERI-POST
SCOLAIRE (structures d'accueil
pour enfants, maisons de jeunes, organisations de jeunesse, clubs,
associations, offres ouvertes)
|
CONTEXTE
PRIVE (famille, loisirs, amis, ...)
|
ACTIVITES FORMALISEES
|
Education formelle
(Scolaire)
- Cours à l`université - Formation
professionnelle - Soutien scolaire en milieu scolaire
|
Education non formelle (Extrascolaire)
- Formation professionnelle - Formations dans le
secteur enfance et le secteur jeunesse (formation animateurs, formation
continue, etc.) - Service volontaire - Ecole de musique -
Entraînement sportif
|
Education informelle (Extrascolaire)
|
ACTIVITES
SEMIFORMALISEES
|
Education non formelle (Extrascolaire)
-Travail de projet en milieu scolaire - Travail social
en milieu scolaire - Voyages scolaires
|
Education non formelle (Extrascolaire)
-Structure d'accueil de jour pour enfants ou dans un service pour
jeunes: théâtre, jeux de rôle, ateliers nature,... -
Engagement dans une organisation de jeunesse - Ecole de musique
privée - Participation à l'Assemblée nationale des
Jeunes
|
Education informelle (Extrascolaire)
- Soutien scolaire en milieu familial - Musées -
Concerts
|
ACTIVITES
NON FORMALISEES
|
Education informelle (Extrascolaire)
-Contacts avec les pairs et amitiés en milieu
scolaire - Jeux dans la cour de récréation - Contacts
informels entre professeurs et élèves
|
Education informelle (Extrascolaire)
-Contacts avec des jeunes et amitiés dans les
clubs et associations - Vie en groupe dans la maison de jeunes
|
Education informelle (Extrascolaire)
-Echanges avec les parents, les grandsparents, ... -
Loisirs - Activités ludiques - Utilisation de l'ordinateur
|
Education informelle Education non formelle
Education formelle
Source : Inspiré du
rapport?national?sur?la?situation?de?la?jeunesse?au?Luxembourg (2010)
|
Le tableau1expose l'immensité des domaines
d'intervention de l'éducation extrascolaire. Il est vrai cependant que
certaines littératures, notamment celles issues des travaux
parrainés par l'UNESCOtendent à limiter le champ de
l'éducation extrascolaire à celui de l'éducation non
formelle, superposant ainsi ces deux formes d'éducation. Cependant,
depuis le colloque de Dakar du 3 au 8 mai 1976 sur l'éducation
extrascolaire, le champ de l'éducation extrascolaire s'est
élargi. Il englobe aussi bien l'éducation non formelle que
l'éducation informelle, tel qu'il est décrit dans le tableau1.
5.3. AUTOUR DE LARESISTANCE AU CHANGAMENT
5.3.1. Clarification du concept de résistance au
changement
Comme l'observe Bareil (2004), la résistance est un
concept polysémique qui peut s'appliquer à des domaines
différents, à des choses aussi diverses qu'éparses, avec
dans la plupart des cas une connotation positive de fermeté, de force,
de solidité, de ténacité et de dureté. Mais
lorsqu'on se tourne vers l'action humaine ou vers les sciences humaines, le
terme résistance devient davantage coloré négativement.
Quand il s'agit d'influence, la résistance à un ordre signifie le
refus d'obéir, l'opposition, la rébellion, le regimbement. Elle
signifie l'action par laquelle on essaie de rendre sans effet une action
dirigée contre soi. C'est ainsi qu'en contexte organisationnel, la
résistance est également synonyme de blocage, de frein,
d'obstacle, d'obstruction et d'opposition, d'où vient sa signification
traditionnelle.
L'importance du phénomène et du concept de
résistance au changement se traduit par le nombre impressionnant de
travaux, recherches, études et publications qui y sont consacrés.
Le concept de résistance fait très souvent l'unanimité et
est encore trop peu critiqué dans la documentation(Bareil, 2004).Son
apparition remonte « aux auteurs Coch et French, qui en 1947,
publiaient un article dans la revue Human Relations, devenu un classique en la
matière. Il s'intitulait «Overcoming resistance to change ».
Deux questions étaient adressées : pourquoi les gens
résistent-ils si fortement au changement et qu'est-ce qui peut
être fait pour surmonter cette résistance? »
(Idem).
Quant au changement, il traduit implicitement des synonymes de
nouveauté, d'inconnu et donc de craintes, de peurs,
d'appréhensions, d'hostilité, d'intrigue, de polarisation, de
conflits ou d'impatience, comme le dépeignent Collerette, Delisle et
Perron (1997). En fait, chaque fois qu'il est question des réactions du
destinataire, il est question surtout, sinon exclusivement de résistance
au changement.
La résistance des personnes au changement
organisationnel est définie plus spécifiquement selon Collerette
et al. (1997; p. 94), comme étant « l'expression implicite ou
explicite de réactions de défense à l'endroit de
l'intention de changement ». Selon Dolan, Lamoureux et Gosselin
(1996; p.486), la résistance au changement est « l'attitude
individuelle ou collective, consciente ou inconsciente, qui se manifeste
dès lors que l'idée d'une transformation est
évoquée. Elle représente donc une attitude négative
adoptée par les employés lorsque des modifications sont
introduites dans le cycle normal de travail ». Morin (1996 ; p. 205)
définit les résistances comme « des forces qui
s'opposent à la réorganisation des conduites et à
l'acquisition des nouvelles compétences ou, en d'autres mots, à
des forces restrictives ».
La résistance au changement est donc une
réaction foncièrement négative à l'égard du
changement. Telle est la conception traditionnelle du concept de
résistance auchangement. La perspective critique voit les
résistances comme un phénomène inévitable dû
au fait que les intérêts des employés diffèrent
fondamentalement de ceux des dirigeants (Brassard, 1996). Elle est alors
définie comme le refus d'un changement entretenu par un ou plusieurs
acteurs (Brassard et Brunet, 1994).
D'autres auteurs par contre tels que Kets de Vries et Miller
(1984, cité par Bareil, 2004) indiquent que la résistance au
changement est un comportement observable issu de mécanismes de
défense. Collerette et al. (1997) partagent cet avis en associant la
résistance au changement à des réactions de
défense. En général, observe Bareil (2004), la
résistance est un concept culpabilisant et destructeur au niveau des
individus. Le destinataire serait résistant malgré lui, dans la
perception de celui qui le regarde et qui le juge, car peu de personne avoue
être résistant au changement.
5.3.2. Manifestations de la résistance au
changement
Quant aux manifestations de la résistance au
changement, Bareil (2004) note que les manifestations de résistance
peuvent être individuelles ou collectives, actives (explicites) ou
passives (implicites). La résistance peut se manifester par un seul
individu à la fois. Elle est alors qualifiée
d' « individuelle » alors qu'elle peut aussi
se manifester par un groupe ou une collectivité; à ce moment,
elle est qualifiée de « collective ». La
résistance active serait l'action de s'opposer activement par une action
contraire alors que la résistance passive serait plutôt
canalisée vers des gestes d'opposition plus subtils et moins directs.
Sous sa forme active, on retrouve les refus, les critiques, les plaintes et le
sabotage alors que sous sa forme passive, on note le statu quo, la lenteur, les
rumeurs et le ralentissement.
5.3.3. Raisons de la résistance au changement
D'après Bareil (2004), l'individu résiste au
changement pour de nombreuses raisons. D'une manière
générale, ses réactions négatives à
l'égard du changement s'expliquent par le fait qu'il doit quitter la
zone de confort et s'aventurer vers de nouvelles avenues, souvent empreintes
d'incertitude. Il doit s'adapter au nouveau contexte, à de nouvelles
tâches et responsabilités, apprendre de nouveaux comportements,
adopter de nouvelles attitudes et surtout, abandonner ses habitudes qui
faisaient partie de son quotidien. Bref, il doit se remodeler, se refaire une
nouvelle identité ou se réadapter. Plus spécifiquement,
Bareil identifie six catégories de cause à la résistance
au changement : les causes individuelles, collectives, politiques et
celles liées à la qualité de la mise en oeuvre du
changement, au système organisationnel en place et au changement
lui-même.
Ø Causes individuelles
Selon la perspective psychanalytique, les mécanismes de
défense, souvent inconscients, servent à neutraliser
l'anxiété qui menace un individu lorsqu'il est la proie d'un
conflit entre les exigences qui découlent de ses propres besoins et
celles qui relèvent de la nouvelle réalité
extérieure qui est le changement. Six mécanismes de
défense jouent alors un rôle primordial pour bloquer ou entraver
un changement qui s'annonce: le refoulement, la régression, la
projection, l'identification, la formation réactionnelle et le
déni de la réalité (Bareil, 2004).
Les traits de personnalité faisant
référence à la stabilité ou à la
préférence pour le statu quo sont également à
prendre en compte, aussi bien que les caractéristiques
sociodémographiques. Les personnes plus âgées sont parfois
résistant aux nouveautés ou alors, ont par leurs
expériences passées appris à se méfier des
changements à la mode.
Alain (1996) retient le manque de motivation,
d'habileté, l'incapacité, les habitudes de vie, la perception
sélective et la préférence pour la stabilité.
Collerette et al. (1997; p. 98) retiennent les habitudes, qui sont des
comportements relativement faciles et économiques; la peur de l'inconnu
et le principe de la répétition du succès qui a
été démontré par les recherches en behaviorisme.
Scott et Jaffe (1992, cité par Bareil, 2004) expliquent la
résistance par différents types de pertes associées
à l'abandon de ce qui était acquis et satisfaisant: la perte de
sécurité, la perte de pouvoir, la perte de l'utilité, de
ses compétences, de ses relations sociales, du sens de la direction et
la perte de territoire. L'individu a alors tendance à évaluer le
changement en termes de coûts (efforts, débauche d'énergie,
...) et de bénéfices (gains salariaux, satisfaction, ...). Dans
le cas où les coûts sont supérieurs, il manifestera de la
résistance.
Ø Causes collectives ou culturelles
Les effets du changement sur les réseaux informels et
les relations sociales cohésives peuvent également provoquer des
manifestations de résistance (Bareil, 2004). Collerette et al. (1997; p.
100) parlent de résistances liées au système social et
incluent à ce propos, la conformité aux normes sociales
établies dans un système, la cohérence du système,
le maintien des intérêts et des droits acquis de même que le
caractère sacré de certaines choses en termes de tabous, rituels,
moeurs et éthique et finalement, le rejet de ce qui est étranger,
pouvant être perçu comme menaçant pour le système.
Alain (1996; p. 168) retient la conformité aux normes, le degré
de cohérence dans l'organisation, les intérêts et droits
acquis et le rejet de ce qui est étranger.
Ø Causes politiques
Selon Bareil (2004), un destinataire peut résister au
changement à cause des pressions politiques de personnes influentes
à qui il a confiance ou pour soutenir une cause. Les forces syndicales
qui militent contre l'idée d'un changement ne sont pas sans provoquer de
la résistance au changement tant chez les militants que chez les
membres. Les employés et les cadres peuvent résister à
cause de coalitions dominantes et influentes qui leur soumettent leurs
idées. La perte de pouvoir et d'influence peuvent stimulerla
résistance chez un destinataire. Ces pertes de pouvoir,
d'autorité et de ressources humaines, financières et de
responsabilités peuvent entraîner chez certains gestionnaires de
luttes impitoyables pour conserver le statu quo.
Ø Causes liées à la mise en
oeuvre du changement
Les causes liées à une mise en oeuvre
inappropriée et déficiente du changement constituent très
souvent la cause majeure des échecs. L'absence des conditions à
créer au sein de l'organisation pour réussir la démarche
de transformation telles que l'orientation, la sensibilisation, l'habilitation
(Rondeau, 2002) peuvent mener le destinataire à résister au
changement. Ainsi, s'il n'est pas bien préparé, s'il n'accepte
pas le changement, il résistera. Les gens peuvent aussi résister
pour élever leur voix contre l'absence de consultation et d'implication.
Les destinataires résisteront parce que le changement leur est
imposé. Les individus peuvent résister tout simplement parce
qu'ils manquent d'informations ou qu'ils n'ont pas été
consultés (Bareil, 2004). Collerette et al. (1997; p. 101) retiennent
les dimensions suivantes : le respect des personnes et des compétences,
le temps et les moyens fournis pour s'adapter au changement et la
crédibilité de l'agent.
Ø Causes liées au système
organisationnel
La résistance au changement peut aussi provenir du
système organisationnel, lui-même inerte et peu réceptif au
changement. Dès lors, le destinataire perçoit l'inertie et les
difficultés de l'organisation à s'y adapter ; ce qui engendre de
la résistance (Bareil, 2004). Ces déterminants ont
été étudiés par Rondeau (2002 ; p. 100) comme
étant l'inertie, l'absence de pression de l'environnement et par Hafsi
et Demers (1997), par les déterminants de la capacité à
changer : contexte, structure, culture, potentiel humain, leadership. La
lecture organisationnelle que se fait le destinataire au sujet de la
capacité à changer de l'organisation lui indique la
probabilité de succès de l'intégration du changement dans
l'organisation. Il évalue cette probabilité avant de prendre une
décision éclairée au sujet de sa réponse, positive
ou non, dans le cas de la résistance. Par exemple, les rites, rituels,
normes, langage sont des manifestations de l'intégration interne d'un
système et lorsqu'ils sont affectés par un changement, ils
risquent de perturber l'équilibre établi et de provoquer de la
résistance (Bareil, 2004).
Ø Causes liées au changement
lui-même
Finalement, le destinataire peut résister parce que le
changement annoncé est complexe, peu légitimé par
l'organisation et en opposition avec les valeurs du milieu. En fait, le
changement ne fait pas de sens. Le type de changement ou de transformation,
radical, évoque des réactions extrêmes de la part du
destinataire qui remettent en cause le changement (Bareil, 2004). Abrahamson
(2004, cité par Bareil, 2004) a distingué le postulat
traditionnel de la « résistance au changement » de la «
résistance du changement ». Cela signifie qu'il y a une tendance
trop marquée dans la pratique pour ce qu'il appelle « la
destruction créative » ou le changement radical et « le
syndrôme du changement répétitif ». Les changements
accélérés des dernières années ont fait en
sorte que les gens ne résistent plus au changement mais résistent
à la multitude des changements qui s'abattent constamment sur eux. Ils
dénoncent ces changements qui ne peuventqu'engendrer résistance,
anxiété et cynisme.
5.3.4. Préventionsde la résistance au
changement
Parmi les stratégies envisagées pour
éviter la résistance au changement, figure l'explication des
raisons du changement aux destinataires, ainsi que la participation deces
destinataires à la mise en oeuvre du changement. Coch et French
proposaient dès 1947, à la suite des résultats de leur
étude, que la façon la plus efficace de modifier ou de retirer
complètement la résistance de groupe consistait à
réunir le groupe, leur communiquer efficacement le besoin de changer et
de stimuler leur participation dans la planification du changement. Lawrence
(1969, cité par Bareil, 2004) introduit la notion du respect des
employés. Il propose d'influencer les attitudes des travailleurs par
l'écoute de leurs réactions, l'utilisation d'un langage
compréhensible. Kotter et Schlesinger (1979, cité par Bareil,
2004)préconise : la formation, la communication, la participation et
l'implication, la facilitation et le support, la négociation et la
manipulation, dépendamment de trois facteurs : le rythme d'implantation,
la position de l'acteur vis-à-vis de la personne résistante et le
nombre d'individus impliqués dans le changement. Selon Kets de Vries et
Miller (1984), plusieurs techniques psychothérapeutiques peuvent
être employées pour comprendre les déterminants
cachés, tels que la confrontation, la clarification et
l'interprétation. Alain (1996 ; p.174) propose quatre axes de la gestion
des résistances au changement que sont : la communication, la
compréhension, la facilitation et la responsabilisation.
Ces perspectives traditionnelles démontrent à
suffisance que si les raisons qui expliquent les résistances sont
connues et si la bonne approche est employée, les résistances
peuvent être évitées ou surmontées.
CHAPITRE 6: THEORIES EXPLICATIVES
Afin de saisir la résistance au changement des
commerçants de trottoirs, il est question, à la faveur de ce
chapitre, de traiter des théories susceptibles d'orienter la
présente étude. C'est-à-dire de faire le choix du
« modus operandi », à l'effet de mettre en
relief la scientificité et la rationalité de l'étude.
C'est le lieu d'exposer les travaux des devanciers et des'en inspirer pour
expliquer sa problématique et tenir son propre argument.
Trois cadres théoriques ont alors été
mobilisés à savoir la théorie de la réactance
psychologique selon la perspective de Brehm ; la théorie de changement
selon les modèles de Kurt Lewin, de Corellette, Deliste et
Perron, de Coch et French et enfin l'approche théorique de
l'éducation des adultes selon Malcom Knowles et David Kolb. Toutefois,
un accent sera mis sur la théorie de la réactance psychologique
et celle de l'éducation des adultes, qui sont les théories
fondatrices de l'étude.
6.1. THÉORIE
DE LA RÉACTANCE PSYCHOLOGIQUE
La théorie de la réactance psychologique a
été élaborée par Brehm (1966). La proposition
centrale de la théorie est la suivante : « Étant
donné un individu qui dispose d'une gamme de « comportements libres
», cet individu éprouvera de la réactance chaque fois que
l'un de ces comportements est éliminé ou menacé
d'élimination ». Cette théorie postule donc que
l'individu réagit aux tentatives de contrôle de son comportement
et aux menaces de sa liberté de choix en prenant une position de retrait
ou de rejet (Darpy et Prim-Allaz, 2006). En matière de marketing
commercial, elle a été étudiée pour expliquer des
changements de préférence d'un clientvis-à-vis d'un
produit. Lorsqu'un consommateur se voit refuser la liberté de choisir
une certaine alternative, même si celle-ci n'avait pas été
sa préférence au départ, l'alternative devient alors sa
préférée (Maillard, 2014).
D'après Moscovici et Plon (1968), Brehm part de
l'idée très simple que les individus ont le sentiment --
réel ou illusoire -- qu'ils sont libres de choisir, de s'engager dans
une gamme de comportements au sein de laquelle ils peuvent ainsi affirmer leur
liberté. Si cette liberté ou cette autonomie de choix est
réduite ou simplement menacée d'être réduite,
l'individu va être sensibilisé au niveau motivationnel. Cette
sensibilisation va être orientée contre toute nouvelle
réduction et vers le rétablissement de la liberté perdue
ou menacée. L'état motivationnel en question est donc une
réponse à la réduction ou à la menace de
réduction de la liberté de choixet il peut être
estimé en terme lewinien comme une
« contre-face », désignée sous le
nom de « réactance psychologique ».
Brehm insiste sur un point, il est important de ne pas
assimiler la réactance à une réaction de frustration,
cette dernière survenant si l'on supprime l'objectif
préféré de l'individu. Alors que dans le cas de la
réactance, la suppression concerne des comportements ou des choix. La
réactance se produit donc à propos d'une gamme de comportements
qui restent prisés.
L'intensité de la réactance ainsi produite sera
une fonction directe de quatre déterminants :
a) L'intensité de la réactance est d'autant plus
grande que l'importance du comportement libre éliminé ou
menacé est grande.
b) L'intensité de la réactance est aussi une
fonction directe de l'importance relative d'un comportement
éliminé ou menacé de l'être à un moment
donné par rapport à l'importance de l'ensemble des comportements
libres en ce même moment.
c) Plus la proportion de comportements éliminés
ou menacés de l'être est grande, plus l'intensité de la
réactance estgrande. Par exemple, si un individu estime pouvoir
effectuer librement trois actions, il éprouvera une réactance
psychologique plus grande s'il lui est empêché de réaliser
deux de ces actions plutôt qu'une seule.
d) Si un comportement libre est menacé
d'élimination, plus grande est le pouvoir de la menace, plus grande est
la réactance. Par exemple, si l'origine de la menace est située
chez autrui, la menace est considérée comme d'autant plus forte
et partant la réactance d'autant plus grande que cet autrui a un pouvoir
élevé.
La théorie de la réactance permet de montrer que
l'option perdue suite à une contrainte de liberté de choix est
finalement préférée, même si tel n'était pas
le cas avant la suppression de l'alternative. Un comportement forcé par
une influence extérieure, celui de la libération des trottoirs
par exemple, est peu apprécié. Une influence sociale agissant
pour soutenir une contrainte de liberté peut avoir un
« effet boomerang »sur l'initiative du soutien. La
théorie de la réactance psychologique postule que dès que
la liberté de choix entre deux options est menacée en rendant
l'une d'entre elle difficile et complexe, l'attractivité, de l'individu,
pour cette dernière est renforcée.
Un comportement considéré comme «
problématique » devient plus attractif si une intervention remet en
cause, ou met au défi, la liberté individuelle. Alors, la
théorie postule que, chaque fois que notre liberté de choix se
trouve limitée ou menacée, nous attachons soudain plus de valeur
à ce choix par le fait qu'il semble inaccessible. Autrement dit, le fait
d'éliminer, ou simplement de menacer, la liberté d'action d'un
individu provoque une motivation dite « réactance psychologique
». Cette motivation dirige le comportement de l'individu vers le
rétablissement de la liberté perdue virtuellement ou
réellement.(Paboussoum, s.d.)
Marie-Claire Maillard(2014),utilise la figure2ci-dessous pour
schématiser la réactance psychologique.
FIGURE 2 :
Illustration de la théorie psychologique de la réactance
Source :Marie-Claire Maillard,
Thèse de Doctorat (2014)
Au regard de ce qui précède, la théorie
de la réactance psychologique est tout à fait valide pour
expliquer la résistance au changement des commerçants de
trottoirs. En effet, « la pratique du laisser-faire par le
laxisme des pouvoirs publics a favorisé l'ancrage mental d'un imaginaire
citadin difficile à déconstruire chez les opérateurs
informels et les autres citadins » (Mbouombouo et Nsangou,
2012).Cette longue accoutumance aurait fait en sorte d'aux yeux de ces
commerçants ou pour une bonne fraction d'entre eux, les trottoirs se
caractériserait par son « opportunité
entrepreneuriale » et sa « disponibilité
foncière » (Steck, 2006). Les trottoirs seraient
alorspour le « négro-africain » des espaces vacants,
disponibles et à prendre (Janin, 2001). L'occupation des trottoirs
étant ainsi entrée dans la « conscience
collective » à cause d'une longue pratique, le citadin
africain est habité par la ferme conviction qu'il est libre d'occuperune
portion de trottoirs pour un usage privé. L'occupation du trottoir
participe par conséquent de sa liberté de choix. D'où la
réactance psychologique, dès que l'on tente de lui imposer le
contraire. Ladite réactance psychologique se manifestepar la
défense de sa liberté à vendre sur le trottoir.
6.2. THÉORIE
DU CHANGEMENT
Cette théorie est issue de la psychologie des
organisations et traite du changement organisationnel. Mais il est
adapté dans le cadre de cette étude au changement social, entendu
comme « toute transformation observable dans le temps, qui
affecte, d'une manière qui ne soit pas provisoire ou
éphémère la structure ou le fonctionnement de
l'organisation sociale d'une collectivité donnée et modifie le
cours de son histoire » (Rocher, 2003). Les points d'ancrages
seront les modèles de changement de Kurt Lewin, de Corellette et al, et
de Coch et French.
6.2.1.
Modèle de changement de Kurt Lewin
Inspiré des sciences de la nature, le psychologue
américain d'origine allemande Kurt Lewin, pionnier de la
« psychosociologie », développe une
conception du changement caractérisée par un souci de fonder une
théorie scientifique des rapports entre personnes et
société (Rhéaume, 2002). Selon lui, le processus du
changement passe fondamentalement par trois étapes, plus ou moins
longues, difficiles et intenses selon les personnes ou les groupes
concernés. Il s'agit de ladécristallisation, du
déplacement et de la cristallisation.
v Décristallisation ou dégel
Cette phase correspondrait à la période
où un système, qu'il s'agisse d'un individu, d'un groupe ou d'une
autre collectivité, commence à remettre en question,
volontairement ou non, ses perceptions, ses habitudes ou ses comportements.
Cette étape reflète la prise de conscience des
inconvénients d'une situation, soit l'écart entre une situation
présente et une autre plus agréable. Cette étape conduit
dans son application, à dresser de prime abord un portrait le plus
complet possible de la situation de départ vécue par une personne
ou un groupe de personnes, dans son contexte actuel: motivations, ressources,
visées, alliances, oppositions, résistances au changement
visé, etc. (Rhéaume, 2002).
La décristallisation, dans le cadre de la
présente recherche, appellerait à la déconstruction des
représentations sociales du trottoir chez les commerçants de
trottoirs et à leur prise de conscience des avantages de sa
libération ainsi que des inconvénients de son occupation.
v Déplacement ou transition
A ce niveau, sont initiés les nouveaux modes de
fonctionnement et expérimentés de nouvelles façons de
faire. C'est la phase d'apprentissage, d'intégration voire
d'assimilation de nouveaux comportements où les individus investissent
l'essentiel de leurs énergies (Mboe, 2013). Il est question ici
d'identifier les facteurs ou les « forces » qui sont susceptibles de
faciliter une décristallisation du champ psychologique et social,
permettant de former le projet d'agir ou d'intervenir sur ces facteurs
(Rhéaume, 2002).
Il est question ici d'amener les commerçants de
trottoirs à intégrer dans leurs habitudes de nouvelles
façons de faire vis-à-vis des trottoirs.
v Cristallisation ou recristallisation
C'est la phase effective du changement ou de la
réalisation de la nouveauté proprement dite. Le changement, pour
être durable, est intégré dans de nouvelles façons
de faire de plus en plus spontanées. Les nouvelles pratiques
s'harmonisent avec les autres dimensions du quotidien et font désormais
partie des habitudes. Les nouvelles attitudes, valeurs et comportements
commencent à se stabiliser et à se recristalliser.
Le « promoteur » du changement se doit de
prendre ces étapes en considération tout au long de ses
interventions. A ce titre, Tessier (1992, cité par Mboe, 2013), soutient
que « l'impact potentiel, d'une action entreprise par les
initiateurs d'un projet de changement planifié auprès de ses
destinataires, peut se représenter comme une modification d'un champ de
forces sociales visant à créer un nouvel équilibre parmi
les forces dont l'action s'exerce positivement ou négativement sur la
conduite des destinataires du changement ».
Le modèle lewinien a le mérite de proposer une
lecture dynamique du processus de changement. Ce modèle vaplus
tardinspirer Collerette et al. (1997) qui propose un modèle
corrigé.
6.2.2.
Modèle de changement de Collerette et al.
A la suite de Lewin, Collerette et al. (1997) vont examiner
les expériences des acteurs vivant le changement pour mieux pouvoir
comprendre leur vécu et surtout leur adaptation audit changement. Leur
modèle explique mieux les interactions entre individus et aussi entre
les groupes au moment même où se déroule le changement.
Ainsi, le processus de changement qu'ils appellent « processus de
construction du réel » se compose de quatre phases qui
correspondent aux quatre types d'activités mentales. Il s'agit
respectivement de l'éveil, de la désintégration, de la
reconstruction et de l'intégration.
v Eveil
Il représente une activité mentale consistant
à s'interroger sur l'utilité de porter ou non
intérêt ou attention aux pressions en présence. C'est une
opération de triage ou de sériation. C'est à ce moment
précis que l'individu accepte ou refuse de remettre en cause sa
représentation du réel. Par ailleurs, lorsqu'il accepte cette
remise en cause, alors la désintégration est amorcée.
v Désintégration
Elle consiste, selon Collerette et al. (1997), à
« déterminer quels sont les aspects jugés non
adaptés dans le système de représentation et dans les
pratiques qui en découlent, pour les écarter ou en réduire
la valeur relative ». Signalons que cette phase ne conduit pas
nécessairement au changement. Le début du changement est
fortement perceptible à partir des phases d'éveil et d'amorce de
la désintégration. Pendant cette période, les gens
commencent à développer certaines attitudes vis-à-vis du
changement et choisissent alors d'être réceptifs ou
réfractaires. Alors, des alliances et des coalitions commencent à
se former entre les membres des groupes. Comme réactions psychologiques
à cette période, l'on signale l'insécurité et
l'anxiété. C'est le moment où il y a plus de questions que
de réponses. Les individus ressentent un mélange d'espoir et de
méfiance, d'enthousiasme ou d'exaspération.
v Reconstruction
Au cours de cette étape, l'individu se met à la
recherche de significations nouvelles susceptibles d'aider à
réagir de façon satisfaisante aux stimulations qui se
présentent. Il est en phase d'appropriation de nouvelles significations
qui lui permettent de reconstruire sa perception du monde. Cette phase se
déroule concurremment à la désintégration.
Toutefois, il ne s'agit pas dans ce cas de la remise en question encore moins
du choix final (Mboe, 2013).
v Intégration
Cette phase correspond à l'acceptation du changement et
au début de stabilisation de la nouvelle réalité.
Le schéma ci-dessous résume le modèle
théorique de Corellette et al.
FIGURE 3 :
Schéma du modèle de changement de collerette et al.
Source:Collerette, Deliste et Perron
(2008) (repris par Mboe (2013))
Ce schéma de Corellette et al. (2008) intègre le
modèle de changement planifié c'est-à-dire « le
changement défini comme la résultante d'un plan, d'une
volonté et d'une intention d'en arriver à un nouvel état
souhaité, individuel, groupal ou organisationnel »
(Rhéaume, 2002). Il s'agit en quelque sorte de la démarche
d'implémentation du changement qui est ici constituée de quatre
principales périodes : Le diagnostic de la situation
insatisfaisante, la planification, l'exécution du plan d'action et
l'évaluation des résultats obtenus.
Le diagnostic est le fruit d'activités
permettant d'avoir une appréhension juste de la situation. Il facilite
la clarification d'une situation et touche autant le contenu que le processus
qui l'accompagne. Il s'agit de procéder à une étude
systématique afin de trouver les solutions appropriées.
La planification consiste à
établir une stratégie de travail susceptible de déboucher
le plus souvent sur une réévaluation en cours
d'expérience. Elle porte tout autant sur le contenu que sur les
processus. Il faut trouver la façon d'introduire et d'implanter des
solutions adéquates. C'est une activité continue. Il serait
illusoire de prétendre à une planification définitive, car
des changements peuvent survenir à tout moment.
L'exécution est le moment de
réalisation du plan d'action déjà établi. Aussi, sa
mise en oeuvre est assujettie à un encadrement efficace du
système soumis à l'épreuve du changement.
L'évaluation estle fruit d'un
diagnostic continuel permettant de décrire les résultats obtenus
et de mesurer l'écart entre la situation initiale et celle voulue.
6.2.3.
Modèle de changement de Coch et French
Dans une perspective de recherche, Coch et French (1948,
cité par Etsidena, 2010) ont mené leurs travaux dans une usine de
confection de pyjamas utilisant quasi exclusivement de la main-d'oeuvre
féminine. Les divers changements technologiques introduits par la
direction suscitaient de fortes résistances dont les symptômes
majeurs étaient l'accroissement de l'absentéisme et du turn-over.
Au terme de leurs recherches, ils ont fait émerger
l'idée que les gens acceptent mieux le changement lorsqu'ils participent
à la conception de celui-ci. Etant donné que la résistance
au changement semble d'abord être un problème de motivation, il
est question d'encourager les managers à utiliser des méthodes de
participation de groupes dans les processus de changement pour dépasser
la résistance dans le milieu de travail. Outre la participation des
acteurs et des groupes-cibles au processus de développement, Coch et
French préconise leur implication à la définition des
problèmes, des solutions et à leur mise en oeuvre.
Dans le cadre de l'étude sur la résistance de
commerçants de trottoirs, la théorie de changement tel que
déclinée amène à s'interroger sur les
mécanismes d'éducation au changement mis sur pied par les
pouvoirs publics. Sont-ils respectueux des procédures en matière
de recherche de solutions efficaces pour le changement ? Ces
mécanismes associent-ils les bénéficiaires à son
élaboration comme le suggère de modèle de Coch et
French ? La recherche des solutions au changement s'inscrit-elle dans une
démarche participative ? Tels sont les questionnements
soulevés par la théorie du changement.
6.3. THÉORIE
DE L'ANDRAGOGIE
De plus en plus, la pédagogie « désigne
en général l'art de l'éducation [et] fait
référence à toutes les méthodes et pratiques
d'enseignement ainsi qu'à toutes les qualités requises pour
pouvoir transmettre un savoir » (Bitang, 2015). Cependant, il faut
dire qu'originellement, elle est dédiée à l'apprentissage
des enfants et est en cela différente de l'andragogie. En effet,
étymologiquement, si la pédagogie et l'andragogie ont le
même radical grec « agrogos » qui veut dire « conduire
», « guider », leurs préfixes par contre les
différencient l'un de l'autre. De « paid » qui signifie «
enfant », la pédagogie est l'art de guider les enfants tandis que
du préfixe « andros » qui signifie « homme »,
l'andragogie est quant à lui l'art de guider les adultes.
Paré Kaboré et Nabaloum-Bakyono (2012,
cité par Baba-Moussa et al., 2014) définissent l'adulte comme une
« étape du développement de l'être humain se
situant après l'adolescence, caractérisée par une
maturité biologique et psychologique permettant la prise de
responsabilité sociale. ». Ces deux auteurs rappellent
qu'étymologiquement, le terme adulte est issu du latine
« adultus », qui signifie « ce qui a fini
de croître », et ajoutent qu'une définition
opératoire du terme doit prendre en compte les cinq dimensions suivantes
de la personne :
v au plan biologique, son développement est achevé
et il peut se reproduire ;
v au plan juridique, la loi lui donne des droits et lui impute
des responsabilités ;
v au plan social, il ou elle peut assumer certaines fonctions et
a des engagements (professionnels, familiaux, associatifs) ;
v au plan intellectuel, l'expérience constitue son atout
majeur ;
v au plan psychologique, il ou elle est responsable de sa vie et
en est conscient.
Plus généralement, on peut dire que l'adulte est
toute personne reconnue mature par sa communauté sur la base de
considérations physiques (développement biologique),
sociologiques (passage aux rites et/ou mariage), légales (satisfaction
des attributs légaux) et intellectuelles (psychologiquement et
cognitivement prête à assumer les attentes de la
société vis-à-vis d'un membre adulte) (Baba-Moussa et al.,
2014).
Différentes expressions ont été
utilisées en Europe occidentale pour signifier les activités de
formation continue des adultes : éducation populaire, éducation
universelle, formation continue, pédagogie des adultes, formation ou
éducation permanente, perfectionnement professionnel, recyclage,
formation duelle, formation en alternance, etc. (Hachicha, 2006, p.7).
Mais le terme andragogie est celui qui s'est le mieux
imposé dans la littérature pour faire référence
à l'éducation des adultes. C'est en 1833 que le terme andragogie
a été cité pour la première fois par Alexander
Kapp, pour décrire la théorie éducative de Platon.
(Hachicha, 2006).
6.3.1.
Modèle andragogique de Malcom Knowles
Dans le long débat qui oppose pédagogie et
andragogie, Knowles définit l'adulte en fonction de sa capacité
à utiliser son bagage d'expérience. Il va encore plus loin en
considérant l'expérience comme l'élément
déterminant de l'identité de l'adulte. « Pour les
enfants, l'expérience signifie ce qui leur est arrivé, alors que
pour les adultes, elle signifie «ce qu'ils sont
» » (Knowles, 1990, cité par Balleux,
2000).Malcom Knowles a été le premier chercheur à
répertorier les caractéristiques qui, chez les adultes, ont une
incidence sur leur façon d'apprendre. En effet, l'adulte n'a pas la
même capacité de mémorisation (il n'a plus l'habitude
d'apprendre par coeur), il n'accepte pas les idées toutes faites et a
besoin d'être convaincu (il a l'esprit moins malléable et
habité par beaucoup de préjugés). De plus,
l'apprentissage est une remise en cause des certitudes
préétablies de l'adulte ce qui est parfois mal perçu.
L'adulte arrive avec une histoire, des expériences uniques qui le
définissent et sur lesquelles on peut s'appuyer et avec un esprit
critique plus développé. Il est important de ce point de vue de
faire reposer la formation sur des éléments du vécu pour
provoquer une participation active de l'adulte apprenant.
Fortement inspiré du courant humaniste, Knowles
désigne par le concept andragogie à la fois l'apprentissage
adulte et la formation continue des adultes. Les quatre principes de base
de l'andragogie selon Knowles (1984) sont :
v Les adultes doivent être impliqués dans la
planification et l'évaluation de leur apprentissage(l'autonomie,
l'autodiagnostic, l'auto-évaluation, climat d'acceptation et de
coopération) ;
v L'expérience et les
erreurs constituent la
base des activités d'apprentissage ;
v Les adultes sont davantage intéressés par le
fait d'apprendre des choses qui ont un impact immédiat dans leur
vie personnelle ou professionnelle ;
v L'enseignement aux adultes est davantage orienté
vers la résolution de problèmes immédiats que vers le
contenu.
Pour plus d'intelligibilité, son modèle est
résumé dans le tableau ci-après :
TABLEAU 2 :
Modèle pédagogique traditionnel et modèle andragogique
(Knowles)
Modèle pédagogique
traditionnel
|
Modèle andragogique
|
Les apprenants ont seulement besoin de savoir qu'ils doivent
apprendre ce que le professeur leur enseigne s'ils veulent réussir et
progresser : ils n'ont pas besoin de savoir comment ils pourront utiliser
ces acquis durant leur vie ;
|
Les apprenants ont besoin de savoir pourquoi ils doivent
apprendre quelque chose avant d'entreprendre une formation. Le rôle
de l'enseignant est d'aider l'apprenant à prendre conscience de
son «besoin d'apprendre» et d'expliquer aux apprenants que la
formation vise à améliorer leur efficacité et leur
qualité de vie ;
|
L'idée que l'enseignant a de l'apprenant est que ce
dernier est un être dépendant ;
|
Les adultes ont conscience de leurs propres décisions
et de leur vie. Ils ont besoin d'être vus et traités par les
autres comme des individus responsables et capables de s'autogérer ;
|
L'expérience de l'apprenant est peu utile
à l'apprentissage. Ce qui compte, c'est l'expérience de
l'enseignant, de l'auteur du manuel et du réalisateur des supports
audiovisuels ;
|
Les adultes arrivent dans la formation avec
de l'expérience, ne pas la prendre en compte c'est les rejeter en
tant que personne ;
|
La volonté d'apprendre des apprenants n'existe que
s'ils souhaitent réussir et progresser ;
|
Les adultes ont la volonté d'apprendre si
les connaissances et les compétences nouvelles leur permettent de
mieux affronter les situations réelles ;
|
La formation est un moyen d'acquérir des connaissances
sur un sujet donné, par conséquent l'apprentissage est
organisé selon la logique du contenu de ce sujet ;
|
Les adultes orientent leur apprentissage autour de la vie,
d'une tâche ou d'un problème. Ils sont disposés à
investir de l'énergie pour apprendre seulement s'ils estiment que
cela les aidera à affronter cette situation ;
|
La motivation des apprenants est stimulée par
des signes extérieurs comme les notes, l'approbation ou la
désapprobation du professeur ou les pressions parentales ;
|
Si les adultes sont sensibles à des
motivations extérieures (meilleur emploi, salaire, promotion,
etc...), ce sont d'abord les pressions intérieures qui sont le plus
grand facteur de motivation (désir d'accroître sa satisfaction
personnelle, estime de soi, etc...).
|
Source : Hachicha, Andragogie, 2006,
p.14
En 1980, Malcolm Knowles a émis 4
hypothèses concernant les caractéristiques des
apprenants
adultes (andragogie). Plus tard, en 1984,
Knowles a ajouté la cinquièmehypothèse. Elles sont
les suivantes :
1. Le concept de soi Avec la maturité,
l'adulte ne se conçoit plus comme une personne dépendante, mais
il se voit comme un être autodirigé.
2. L'expérience de l'apprenant
adulte Avec la maturité, l'adulte accumule un
réservoir d'expérience. Ainsi il développe une source
croissante pour l'apprentissage.
3. La volonté d'apprendre Avec la
maturité, la disposition de l'adulte à apprendre est de plus en
plus orientée vers les tâches développementales
liées à ses rôles sociaux.
4. L'orientation de l'apprentissage Avec
la maturité, son point de vue sur le temps fait qu'il vise une
utilisation immédiate de la connaissance. Par conséquent, il
déplace son orientation vers l'apprentissage du sujet directement vers
le problème.
5. La motivation à apprendre Avec
la maturité, sa motivation à apprendre devient interne (Knowles,
1984).
Ces hypothèses sont synthétisées dans le
tableau ci-dessous.
TABLEAU 3 :
Synthèse des hypothèses du modèle andragogique de Malcom
Knowles
|
HYPOTHESES
|
Concept de soi
|
Expérience
|
Bonne volonté
|
Perspective temporelle
|
Orientation apprentissage
|
Pédagogie
|
Dépendance
|
Peu importante
|
Développement biologique, pression sociale
|
Mise en application retardée
|
Centrée autour du thème
|
Andragogie
|
Accroissement de l'autogestion
|
Les apprenants sont une ressource
pour l'apprentissage
|
Tâches de développement pour les
rôles sociaux
|
Immédiateté de la mise
en application
|
Centré autour du problème
|
Source:Jean-René Legris, CEDIP, mai
1997
6.3.2.
Modèle d'apprentissage expérientiel de Kolb
Une vaste littérature permet de reconnaître que
le modèle expérientiel se trouve en filigrane à la plupart
des théories sur la formation des adultes. Bien des psychologues tels
que Marsick(1991), Leplant(1988), Freiré (1973), Dewey(1938), Mezirow
(1991), Brookfield (1984), Rogers (1969) ont proposé une approche
éducative de tradition humaniste (centration sur l'apprenant) avec au
coeur de leur préoccupation
l' « expérience » de l'apprenant dans les
processus de formation ou d'accompagnement.
Le modèle d'apprentissage expérientiel de Kolb
(1984) inspiré de Kurt Lewin, se veut plus abouti et mieux
structuré (Balleux, 2000). Il s'écarte de la théorie
béhavioriste dans la mesure où ce dernier ne se préoccupe
pas du rôle de la conscience, qu'elle considère comme une
« boîte noire » dans le processus d'apprentissage. Le
modèle de Kolb rompt tout autant d'avec les méthodes
traditionnelles d'éducation véhiculées dans les
théories rationalistes et cognitivistes de l'apprentissage car elles
sont trop centrées sur l'acquisition des connaissances.
Pour David Kolb, les recherches psychologiques sur
l'apprentissage et le développement pêchent par leur manque
d'emprise sur l'environnement, leur caractère
décontextualisé qui entraine un « manque de
validité écologique » (Hachicha, 2006).
Kolb (1993) estime que « ni les recherches sur
l'apprentissage, ni les pratiques éducatives, ni les processus
éducatifs traditionnels, ni les théories psychologiques
centrées sur la personne, ni les recherches psychologiques sur
l'apprentissage et le développement n'ont tenu compte de
l'évidente transaction entre la personne et l'environnement
qu'implique l'apprentissage »(Hachicha, 2006)
Il propose alors un modèle « holistique
transactionnel à validité écologique ».
C'est-à-dire un modèle qui prend pied dans le contexte de
l'apprenant dans un jeu d'aller et retour entre l'état interne de la
personne et son environnement, en essayantd'encadrer cette personne d'une
manière globale.
Ce modèle prend en compte l'expérience, la
perception, la cognition et le comportement dans une perspective
intégrative et holistique. Kolb affirme que l'apprentissage est plus
efficace et plus puissant lorsqu'il est fondé sur l'expérience
personnelle et surtout s'il est suivi d'une réflexion sur cette
expérience (debriefing).
v Postulats du modèle de Kolb
Deux postulats sous-tendent ce modèle :
1- L'apprentissage, un processus émergent de
l'expérience
La formation par l'expérience est une formation par
contact direct (avec soi, les autres, l'environnement). Elle s'effectue sans
médiation, sans zone tampon. Le processus d'apprentissage n'est pas
seulement cognitif. Il nécessite une prise en compte de la
totalité de la personne. Dans l'apprentissage expérientiel,
l'acte d'apprendre se déroule dans un contexte donné. Apprendre
nécessite donc une réflexion sur soi et sur son rapport avec ce
contexte. Cette double caractéristique éclaire le problème
du savoir expérientiel, savoir local, spécifique, réel et
son articulation aux savoirs institués. Les apprentissages d'ordre
expérientiel s'effectuent à l'intérieur et à
l'extérieur du système formel éducatif et se prolonge
durant la vie entière.
2- Toutes les connaissances sociales requièrent
une attitude de scepticisme partial pour leur interprétation
L'expérience doit se faire dans un processus
réfléchi par l'apprenant. Il est donc urgent de prendre en compte
aussi bien la nature de l'apprenant que la matière à enseigner.
Par exemple, on pourrait dans une formation des
« commerciaux », demander aux apprenants de discuter au
sujet de l'information reçue : qu'ont-ils observé lors de la
démonstration, et en quoi cette façon d'agir avec des clients en
colère diffère-t-elle de leur façon actuelle de
gérer de telles situations ?
v Les concepts de base du modèle de
Kolb
La connaissance est le produit de la transaction entre les
expériences objectives et subjectives dans le processus appelé
apprentissage. Pour comprendre la connaissance, il faut comprendre le processus
d'apprentissage.
Kolb définit le processus d'apprentissage des adultes
par le biais du cycle de l'apprentissage expérientiel. L'apprentissage,
qui conduit à l'acquisition de nouvelles connaissances,
compétences et attitudes, se réalise à l'intérieur
d'un cycle comptant quatre étapes : Expérience
Concrète(EC), Observation Réflexive(OR), Conceptualisation
Abstraite(CA) et Expérimentation Active(EA).
En effet, l'Expérience Concrète(EC) suivie de
l'Observation(O) et la Réflexion(R), conduit à la formation des
Concepts Abstraits (CA) et des généralisations, qui mène
à la création d'hypothèses portant sur les implications
des concepts abstraitsdans des situations nouvelles. La vérification des
hypothèses dans des situations réelles conduit à de
nouvelles expériences, et le cycle peut recommencer.
En bref, l'apprenant doit d'abord expérimenter quelque
chose directement : il s'agit de l'Expérience Concrète.
Ensuite, il doit Réfléchir à l'expérience, la
comparer à ce qu'il sait déjà : c'est l'Observation
Réflexive. Puis, il réfléchit au sujet de ses observations
et développe de nouvelles idées sur la façon dont les
choses fonctionnent : c'est la Conceptualisation Abstraite. Enfin, il met
en pratique ses observations et ses réflexions : il s'agit de
l'Expérimentation Active, dernière étape qui sert de
fondement à l'apprentissage futur. Toutefois, ces phases font partie
d'un cycle et n'exigent pas de progression linéaire (Kolb, 1984). Elles
s'imbriquent.
L'apprentissage est réussi lorsque l'apprenant a
franchi les quatre étapes et que ses nouvelles connaissances,
compétences et attitudes forgent un nouveau comportement.
En matière d'apprentissage expérientiel, la
transformation de l'expérience au plan cognitif, comprend deux
dimensions structurelles fondamentales : la préhension et la
transformation.
La préhension comprend deux modes
opposés :
Lacompréhension, lorsque l'apprenant
s'appuie sur ses représentations mentales et son interprétation
théorique pour saisir l'expérience en cours. Elle est
caractéristique de la Conceptualisation abstraite. A rapprocher du
fonctionnement de l'hémisphère gauche du cerveau :
pensée abstraite, symbolique, analytique et verbale.
L'appréhension, lorsque l'apprenant
base sa préhension sur les caractéristiques tangibles et
ressenties de l'expérience immédiate. Elle est
caractéristique de l'Expérience Concrète. A rapprocher du
fonctionnement de l'hémisphère droit du cerveau :
pensée concrète, globale, et spatiale, analogique et
synthétique.
La compréhension n'est pas supérieure à
l'appréhension ; les deux fonctionnent ensemble.
La transformation représente deux
modes opposés de traitement de l'expérience, telle qu'elle a
été saisie ou prise.
L'intention qui consiste en une
réflexion intérieure, caractéristique de l'Observation
Réfléchie(OR).
L'extension qui consiste en une manipulation
active du monde extérieur, se manifestant par le biais de
l'Expérimentation Active(EA).
Les modèles théoriques d'éducation des
adultes qui viennent d'être parcourus semblent tout à fait
intéressants pour expliquer la présente étude ; dans la
mesure où, sinon la majorité, du moins une frange importante des
opérateurs de trottoirs sont des adultes. Ces paradigmes permettent par
conséquent de comprendre les exigences en matière
d'éducation des adultes et au demeurant, de questionner les
stratégies implémentées par les pouvoirs publics à
l'effet d'éduquer les commerçants aux usages des trottoirs.
DEUXIEME PARTIE: CADRE METHODOLOGIQUE ET
OPERATOIRE
CHAPITRE 7: METHODOLOGIE DE L'ETUDE
Il s'agira dans ce chapitre de présenter la
méthodologie employée pour mener l'étude. Ensuite, de
s'appesantir sur le type de recherche effectué. Un rappel sera
également fait du problème de recherche, de la question de
recherche et du corps d'hypothèses. Enfin, sera décliné
les méthodes et techniques d'investigation.
7.1. RAPPEL DU
PROBLÈME ET DE LA QUESTION DE RECHERCHE
7.1.1.
Problème de recherche
Le problème que pose cette recherche est celui de la
difficultédes pouvoirs publics à amener les commerçants de
trottoirs à changer de comportement vis-à-vis du trottoir.
7.1.2. Question de
recherche
La question de recherche à laquelle veut
répondre cette étude est la suivante: Le style autoritaire
enéducation extrascolaire à l'ordre urbain suscite-il la
résistance au changement des commerçants de
trottoirs ?
7.2. RAPPEL DES
HYPOTHÈSES DE RECHERCHE
Il s'agit de rappelernos propositions de réponses aux
questions posées.Ces propositions tendent à formuler des
relationsentre des faits significatifs et aident à sélectionner
les faits àobserver(Grawitz, 2001, p.398).
7.2.1.
Hypothèse générale et ses variables
L'hypothèse générale de l'étude
est la suivante : «Le style autoritaire en éducation
extrascolaire à l'ordre urbain suscite la résistance au
changement des commerçants de trottoirs ».
L'hypothèse étant un énoncé qui
prédit une relation entre deux ou plusieurs variables, la nôtre
est constituée d'une variable indépendante (VI) et d'une variable
dépendante(VD). La variable indépendante est celle qui sera
manipulée dans le but de contrôler ou d'analyser ses effets sur la
variable dépendante, c'est-à-dire comportement
étudié. La variable dépendante est donc celle qui va subir
les effets de la variable indépendante, elle est la réponse
mesurée par le chercheur.
A l'effet de rendre nos variables
« vérifiables », il est nécessaire de les
opérationnaliser afin de permettre des observations précises. Les
travaux de Furter (1976,1984), Bareil (2004) et de Etsidena (2010) ont permis
cette opérationnalisation des variables de l'hypothèse
générale.
v Variables indépendante (VI)
La variable indépendante de cette étude est
« le style autoritaire en éducation
extrascolaire ». Elle comporte trois modalités qui
sont:
Ø Imposition des mesures
Ø Intimidation
Ø Violence
v Variable dépendante (VD)
La variable dépendante de cette étude est la
« Résistance au changement ». Elle comporte
quatre modalités qui sont:
Ø Très forte
Ø Forte
Ø Faible
Ø Très faible
L'opérationnalisation de la variable
indépendante donne lieu à trois hypothèses de recherche
schématisées dans le tableau 4.
TABLEAU 4 :
Plan factoriel des hypothèses de recherche
VD
VI
|
Résistance au changement (Y)
|
Imposition des mesures = X1
|
X1 x Y = X1 Y
|
Intimidation = X2
|
X2 x Y = X2 Y
|
Violence = X3
|
X3 x Y = X3 Y
|
7.2.2.
Hypothèses de recherche
Les hypothèses de recherche sont plus
opératoires que l'hypothèse générale. Elles sont
des propositions de réponses aux aspects particuliers de
l'hypothèse générale, sous une forme plus facilement
mesurable.
A partir du plan factoriel élaboré dans le
tableau 4, trois hypothèses de recherche peuvent être
formulées :
HR1: « L'imposition des mesures
d'ordre urbain suscite la résistance au changement des
commerçants de trottoirs ».
HR3: « L'intimidation des
commerçants de trottoirs suscite la résistance au changement de
ces derniers ».
HR2: « La violence manifestée
par les autorités en charge de l'ordre urbain suscite la
résistance au changement des commerçants de
trottoirs ».
7.2.3. Tableaux
synoptiques des variables de l'étude
L'opérationnalisation des variables indépendantes
et dépendantes est exposée dans le tableau récapitulatif
ci-dessous.
Tableau 5 :
Récapitulatif des variables
Variable indépendante(VI)
|
Modalités
|
Indicateurs
|
Items
|
Variable dépendante (VD)
|
Modalités
|
Item
|
Le style autoritaire en éducation extrascolaire
|
Imposition des mesures
|
-Non prise en compte des avis
-Manque de dialogue
-Obligation d'obtempérer
|
Q13
Q14
Q15
|
Résistance au changement
|
-Très forte
-Forte
-Faible
-Très faible
|
Q23
|
Intimidation
|
-Patrouilles musclées
-Sommations
- Menaces
|
Q16
Q17
Q18
|
Violence
|
-Confiscation des biens
-Destructions des biens
-Châtiments corporels
-Injures
|
Q19
Q20
Q21
Q22
|
7.3. TYPE DE
RECHERCHE
La présente étude est de type descriptif et
corrélationnel. Elle se veut descriptive en ce sens qu'elle envisage de
décrire l'éducation extrascolaire à l'ordre urbain telle
qu'elle se manifeste sur le terrain. Elle est corrélationnelle parce
qu'elle fait référence à la relation qui existe entre les
variables et veut ressortir le niveau de dépendance qui s'établit
entre l'éducation extrascolaire à l'ordre urbain et la
résistance au changement des commerçants de trottoirs.
7.4. SITE DE
L'ÉTUDE
Le site de l'étude est le lieu communément
appelé « marché Melen ». Il ne s'agit pas
d'un espace construit et aménagé pour servir de lieu de commerce
comme on peut le penser. Le marché Melen, comme beaucoup de
marché de Yaoundé, est de création naturelle ou
spontanée. C'est un marché, « un lieu public
où une réunion de commerçants vendent des denrées,
des articles d'usage courant ou de la brocante » (Encarta,2009),
qui se déroule essentiellement sur le trottoir et sur une partie de la
chaussée. C'est un marché sans espace propre, ni
aménagement, qui se déroule aux abords d'un axe routier important
à savoir « la route de Kribi » (INC, 2008),
qui désert la Garde Présidentielle (G.P.) et le Centre
Hospitalier Universitaire (CHU).
Les autorités publiques en charge de l'ordre urbain,
notamment le CUY tentent en vain de supprimer ce marché. La CUY a
d'ailleurs construit à Mvog-Béti un marché avec des
espaces aménagés pour accueillir les petits commerçants de
l'informel qui y exercent, avec l'espoir de décongestionner cet
espace.Ce témoignage de Désiré Yongo Léa,
régisseur du marché de Mvog-béti est
révélateur de ce point de vue : « Le marché
de Mvog-béti est né de la volonté de fermeture du
marché de Melen et de celui d'Oyom-abang, qui occupent des positions
incorrectes » (Entretien, 24 octobre 2016).
7.5. POPULATION DE
L'ETUDE
7.5.1. Population
générale
La population générale de cette étude est
constituée de ceux qui exercent « les petits
métiers de la rue » comme dirait Kengne Fodouop (1991) et
utilisent les trottoirs comme espace de mis en scène. Les types
d'activités exercées dans ce registre sont très
diversifiés. Les plus courantes étant : le commerce des
produits vivriers, le commerce du matériel de technologie de
l'information et de la communication, le commerce de la quincaillerie, le
commerce du vestimentaire et enfin la librairie.
v Trottoirs de vente des produits vivriers
Les commerçants qu'on retrouve dans ce type de
trottoirs proposent entre autres des fruits, des légumes, des
tubercules, des féculents, des condiments, du poisson, du charbon et
autres menus produits nécessaire à la cuisine. C'est le type de
trottoir commercial le plus répandu à Yaoundé. Les acteurs
qui s'y rivalisent d'adresses sont le plus souvent de femmes, surnommés
« bayam-sellam », néologisme issue de
l'expression anglaise buy and sell, pour dire
« achète et revends ». Ces
bayam-sellam, comme l'indique leurs noms, achètent et revendent
plus ou moins à la hâte des produits qui sont pour l'essentiel des
denrées alimentaires périssables, ramenés des villages
voisins par des cultivateurs ou des grossistes. Kengne Fodouop (1991, p.26) en
parleen ces termes :
Le commence des produits vivriers a lieu dans des points
de vente improvisés, situés dans les principaux carrefours des
quartiers populaires ou dans les différentes sorties de Yaoundé
(...) il est aux mains de citadins-planteurs et revendeurs qui proposent
à une clientèle exclusivement urbaine, du plantain, du manioc,
des ignames, du maïs, des choux, de la salade et autres légumes
verts fraîchement ramenés des champs de culture.
De nos jours, les trottoirs de produits vivriers constituent
l'ossature de la plupart des marchés de Yaoundé, les zones les
plus représentatives étant les marchés de Kol-Eton, de
Mendong, de Mfoundi, de Mvog-Ada, de Mokoloet de Melen.
v Trottoirs de vente des vêtements
Deux catégories de ce type de trottoirs sont à
distinguer. La première et la plus rependue est celleoù
s'exercent les vendeurs de vêtement d'occasion d'origine occidentale. Les
opérateurs informels qui écument ce secteur sont ordinairement et
peut-être abusivement désignés
« sauveteurs ».Une expression devenue populaire
dans les années 90, lorsque la crise économique y a drainé
un nombre important de diplômés sans emploi. Mais avec
l'avènement des produits vestimentaires d'origine chinoise, de nos
jours, sont concernés par ce type de trottoir aussi bien la friperie au
sens propre du terme que de la chinoiserie vestimentaire. La
particularité de ce trottoir est l'accessibilité
financière des produits qui y sont vendus. Presque toutes les bourses y
trouvent leur compte.On en retrouve surtout aux abords des axes routiers qui
desservent le marché Mokolo, Etoundi, Melen, Mvog-ada.
A celle-là, il faut ajouter une deuxième
catégorie de trottoirà vêtements. Il s'agit de celui
où se vendent les costumes, chemises, chaussures de luxe, cravates,
ceintures, etc. Ce type de trottoir est beaucoup plus visité par les
fonctionnaires et autres usagers qui veulent s'offrir des tenues d'apparat,
mais redoutent d'aller dans les grandes surfaces où les prix des
produits sensiblement de la même valeur explosent. L'avenue Kennedy est
le lieu d'ancrage presque exclusif de ce type de trottoir à vêtir.
v Trottoirs de vente de la quincaillerie
La première gamme de trottoir quincaillerie sont des
trottoirs-comptoirs de vente de matériaux de construction
généralement d'occasion et de matériels de
récupération de toutes sortes et généralement
d'origines douteuses, communément appelé
« Casse ». On y retrouve entre autres choses des
poêles, des bouteilles à gaz, des matelas, des plaques à
gaz, des régulateurs de tension, des fils électriques, du fils
à coudre, des marteaux, des clous bref une gamme d'objet de la plus
grande variété, pour autant qu'ils peuvent encore avoir quelque
utilité. La vieillesse du produit n'y a pasd'importance. Aucune garantie
n'est offerte au client ni sur la qualité, ni sur l'origine du produit.
Y acheter un objet c'est prendre le risque soit de le voir ne pas fonctionner
une fois chez soi, soit de se faire interpeler par la police pour
recèle.
Au rang des trottoirs de quincaillerie, retenons
également les trottoirs de vente d'objets de quincaillerie plus ou moins
de la même gamme que ceux précédemment cités mais de
première main. On y retrouve des seaux, sacs de voyages, sacs à
dos, ustensile de ménage, petit outillage, etc. Mais du fait que le
commerce qui s'y déroule n'est pas déclaré aux
autorités fiscales, la population s'y offre à petit prix les
mêmes produits que dans certaines grandes surfaces.
Les zones d'identification des trottoirs quincaillerie sont
les zones périphériques au centre-ville, notamment l'avenue
du Président Amadou Ahidjo, la rue de
l'indépendance, les abords du grand axe routier reliant Elig-dzoa
au stade omnisport et les abords de la route de kribi à Melen.
v Trottoirs de vente du matériel de
TIC
Le trottoir de matériel de TIC est apparu avec le
développement des technologies de l'information et de la communication
et l'arrivée des opérateurs de téléphonie mobile
autour de l'année 2002.Pour ce qui est de la ville de Yaoundé, ce
type de trottoirs est presque exclusivement localisé à
l'Avenue Kennedy au plein coeur de la ville. On y retrouve en
majorité des étals de vente de téléphones et
accessoires, d'ordinateurs portables et accessoires, d'appareils photos
numériques. Tous les goûts y sont satisfaits. Des derniers cris
aux occasions de toutes les gammes. On s'y croit dans un véritable
ministère du consommable informatique et téléphonique. Au
point où ce trottoir a acquis une célébrité et une
notoriété incontestable en la matière. La population de
tous les coins de la ville de Yaoundé s'y rend presqu'automatiquement
dès qu'un besoin en produit technologique se fait sentir.
v Trottoirs de librairie
A Yaoundé, les librairies ne sont pas seulement ce
qu'un occidental pourrait en savoir ou en penser. Il existe ici de
véritables librairies de trottoirs, au moins autant prisées que
celles modernes, en tant qu'elles sont plus accessibles aux populations
à basses revenus. Les livres scolaires au programme ou non y sont vendus
en occasion et peuvent également y être échangé
moyennant une contribution financière qui varie en fonction de la
qualité du livre sollicité et de celui proposé. La
flexibilité des coûts et des possibilités donne à ce
trottoir une vivacité réelle, surtout en période de
rentrée scolaire. Le terme poteau qui est employé dans
le langage local pour désigner les librairies de trottoirs est
révélateur de la contiguïté de leurs positions
géographiques avec les poteaux électriques qui longent les axes
routiers.
Une recherche de terrain a permis de localiser ce type de
trottoirs aux abords de l'Avenue Monseigneur Vogt (Montée
cathédrale) et non loin du marché Mendong (En face du camp SIG
Medong).
7.5.2. Population
cible
La population cible de la présente étude est
celle constituée des commerçants qui procèdent à
l'occupation « quasi-permanente » des portions de
trottoirs. Ladite occupation « quasi-permanente » est,
d'après Paul Ulrich Otye Elom(2011), « le fait pour un individu
de s'approprier un lieu public pendant une période plus ou moins longue
de la journée et de prendre l'habitude de l'occuper tous les jours,
à tel point que cet endroit lui est attribué
définitivement ». C'est en effet les commerçants de
cette catégorie-là qui sont pris en chasse par les pouvoirs
publics dans le cadre de la lutte contre le désordre urbain.
Il estexclu de la présente étude les vendeurs
ambulants qui déambulent sur les trottoirs, voire la chaussée et
sont en mouvement constant à l'affût de la clientèle. Ces
derniers ne sont en général pas inquiétés par les
autorités et ne sont par conséquent pas concernés par la
résistance au changement dont il est question.
La population d'étude est donc constituée de
ceux qui s'approprient ou privatisent des morceaux de trottoirs par le biais
d'étalage à même le sol, de baraquements tenant lieu de
comptoirs, de brouettes ou de pouce-pouce. Les individus rentrant dans cette
catégorie seront appelés « commerçants de
trottoir ».
Bien que l'activité de privatisation marchande des
trottoirs se dissémine un peu partout dans les rues de Yaoundé,
force est de constater que les points culminants restent les alentours des
marchés, ces marchés étant eux-mêmes le plus souvent
de création spontanée. Notre dévolu est jeté dans
ce cas précis sur les trottoirs du marché Melen.
7.5.3. Population
accessible
Dans le cadre de cette enquête de terrain, l'ambition a
été d'enquêter auprès de tous les commerçants
de trottoirs disposés à répondre à aux questions.
La population accessible a donc été constituée des sujets
qui ont accepté de se prêter au questionnaire.
7.6. ECHANTILLON DE
L'ETUDE
Dans le cadre d'une étude quantitative, l'objectif
à terme est de faire une généralisation des
résultats à l'ensemble de la population. Toutefois, la conduite
de l'enquête statistique sur tous les membres de la population, bien
qu'étant la chose idéale à faire, peut paraitre longue et
coûteuse. De ce fait, il suffit de choisir un groupe d'individus
nommé échantillon, de telle sorte que les observations
qu'on fera sur lui puissent être généralisées
à l'ensemble de la population (Ghiglione et Matalon, 1985). Pour cela,
cet échantillon doit être représentatif de
l'ensemble de la population étudiée. C'est-à-dire que les
unités qui le constituent doivent être choisies par un
procédé tel que tous les membres de la population aient la
même probabilité de faire partir de l'échantillon.
7.6.1. Technique
d'échantillonnage
Un échantillon est dit aléatoire ou statistique
s'il est obtenu par un tirage au sort respectant la condition de
définition des échantillons représentatifs. Pour cela, la
condition idéale et rigoureuse est celle où l'on dispose d'une
liste exhaustive de la population mère, c'est-à-dire la base de
sondage (rare) (Ghiglione et Matalon, 1985). Ne disposant pas d'une base de
sondage des commerçants de trottoirs du marché Melen, nous avons
procédé à la technique dite
d' « échantillonnage sur place », qui consiste
à se rendre sur le terrain et à tirer au sort parmi les personnes
cibles présentes (Idem). C'est de cette façon que les
enquêtés ont été sélectionnés au
marché Melen, se contentant uniquement des sujets qui ont accepté
de se livrer à l'enquête.
7.6.2. Echantillon
sélectionné
Suivant la technique d'« échantillonnage sur
place », 168 sujets ont été
sélectionnésdans le cadre de la présente enquête.
Cet échantillon est représentatif du point de vue de la
parité genre car composée de 52% d'hommes et de 48% de femmes.
Elle est également représentative des types d'activités
menées sur les trottoirs. A savoir : les produits vivriers, les
produits vestimentaires, les objets de récupération, les
call-box, les mini-boutiques (boutiques ambulants), la quincaillerie, les
produits TIC, la restauration, la librairie, la pharmacie.
7.7. INSTRUMENTS DE
COLLECTE DES DONNÉES
L'instrument de collecte des données peut être
défini comme l'outil grâce auquel le chercheur récolte sur
le terrain les données qui vont lui permettre d'éprouver ses
hypothèses. Il existe en science humaines une kyrielle d'instruments de
collecte de données. Dans le cadre de la présente étude,
le choix est porté sur le questionnaire.C'est un outil de collecte des
données quantitatives en vue d'un traitement statistique des
données. Il est par définition « un instrument
rigoureusement standardisé, à la fois dans le texte des questions
et dans leur ordre » (Ghiglione et Matalon, 1985). Le
questionnaire est constitué par la liste des questions qui seront
posées d'une manière identique aux sujets désignés
par l'échantillonnage statistique (Loubet Del Bayle, 2000).
7.7.1.
Justification du choix de l'instrument
Le choix du questionnaire se justifie par le fait que la
présente étude est quantitative. Elle va à ce titre donner
lieu à une analyse statistique des résultats. D'autre part, le
questionnaire offre des avantages tels que décrit par Blanchet et Gotman
(1992, cité par Mvomo, 2011), à savoir qu'il permet de rechercher
des informations sur le terrain pendant une durée courte, en même
temps qu'il constitue un instrument facile à manipuler et à
moindre coût car il ne nécessite pas des appareils
d'enregistrement et des grilles d'observation complexe.
7.7.2.
Présentation de l'instrument
Le questionnaire élaboré dans le cadre de cette
recherche est relativement simple. Il a été conçu pour
être administré par des enquêteurs car il a
été présupposé que les membres de la population
d'étude ne sont pas suffisamment instruits pour comprendre et
répondre convenablement aux questions par écrit.
Le questionnaire est introduit par un paragraphe d'avant-garde
qui donne le titre de l'étude et rappelle la réglementation en
matière d'enquête statistique au Cameroun. Le corps du
questionnaire se structure en quatre sections:
La « Section 0 » qui porte sur
l'identification des enquêtés. Elle est constituée des
items Q01 à Q10. Dans cette partie, il est question de recueillir des
informations générales sur le sujet à savoir:
l'activité menée, le quartier de résidence, l'âge,
le sexe, le statut matrimonial, le niveau de responsabilité parental, le
niveau d'instruction, la religion, la région et la durée de vie
à Yaoundé.
La « Section 1 » est intitulé
« information sur la régulation ». Elle est
constituée des items Q11, Q11a et Q12. Elle vise à savoir si le
sujet est concerné par la répression des pouvoirs publics et
à jauger son niveau de connaissance de l'administration
régulatrice.
La « Section2 » est intitulé
« style autoritaire ». Ses items vont de Q13 à Q22.
Elle vise à mesurer les différentes modalités de la
variable indépendante. Ici, les modalités des questions sont une
échelle nominale dichotomique formée de
« oui » et « non ».
La « Section3 » est intitulé
« Variable dépendante ». Elle est constituée
du seul item Q23 qui permet d'évaluer le niveau de résistance des
sujets. Ses modalités sont les suivantes : « Très
forte », « Forte »,
« Faible », « Très faible ».
D'une manière générale, le questionnaire
est constitué de 23 items, tous formés de questions
fermés, appelant l'enquêteur à choisir parmi les
réponses proposées.
7.8.
DÉMARCHE DE COLLECTE DES DONNÉES
7.8.1. Test du
questionnaire
Le test du questionnairea consistéà tester
l'instrument de collecte de données sur un nombre réduit de
sujets dans l'optique de vérifier la validité et la
facilité des questions. Il étaitquestion ici d'éprouver
l'instrument sur le fond et la forme. L'administration du questionnaire en test
sur trente (30) sujets a permis de déceler quelques lacunes, notamment
de se rendre compte de ce que la longueur relativement importante du
questionnaire (quatre pages et 34 items au départ) était
agaçant pour les enquêtés qui le plus souvent n'allaient
pas au bout de l'enquête. Ce test a permis de réduire le
questionnaire au strict essentiel en le débarrassant des questions
superflues.
7.8.2.
Enquête proprement dite
Après avoir revu et corrigé le questionnaire,
une séance de formation sur la compréhension et administration du
questionnaire a eu lieu le 06 mars 2017 à l'attention des
différents enquêteurs, constitués de 12 étudiants de
sociologie. Ensuite, l'enquête s'est faite par administration directdu
questionnaire le 07 mars 2017.
Tout au long de l'enquête, certains écueils se
sont dressés et méritent d'être soulignés. En effet,
malgré la garanti d'anonymat consacré par le questionnaire, bon
nombre de refus et de non réponse ont été
enregistrés.
7.9. TECHNIQUES
D'ANALYSE DES DONNÉES
Il sera fait étalage dans cette partie de tous les
outils qui ont été utilisés pour le traitement et
l'analyse des résultats. Il semble tout de même utile de rappeler
que les données de la présente étude sont essentiellement
quantitatives.
7.9.1. Techniques
de traitement et d'analyse des données
Les techniques de traitement et d'analyse des données
dépendent de la nature des variables, du modèle de recherche et
des hypothèses de recherche. Compte tenu de l'effectif de
l'échantillon, les traitements informatiques ont semblé les mieux
adaptés pour l'opération, car« Non seulement ils
facilitent le travail et assurent une haute précision, mais ils
augmentent considérablement les possibilités du
chercheur » (De Landsheere, 1976 ; cité par Mvomo, 2011).
7.9.2. Programmes
informatiques
Après codification du questionnaire, les données
ont été insérées dans le logiciel SPSS (Version IBM
SPSS statistics21) à l'effet de procéder aux traitements et
analyses. Ce logiciel a permis de générer les tableaux
statistiques qui ont ensuite été transmis dans le logiciel Excel
2013 pour la confection des graphiques (diagrammes en secteurs et diagrammes en
bâtons).
7.9.3. Analyse
inférentielle
L'analyse statistique inférentielle a pour but de
mettre en relation deux variables afin de voir si les deux variables sont
corrélées; c'est-à-dire s'il existe un lien significatif
entre les deux. En d'autres termes, il est question de voir si la variation de
l'une des variables influence la variation de l'autre. Divers tests
non-paramétrique sont habituellement utilisés dans de tels cas.
Mais dans ce cas, compte tenu du fait que les variables sont
catégorielles, il sera fait usage du test de Khi-2.
7.9.4. Technique du
Khi-carré
La présente étude est de type descriptif et
corrélationnel. Il est donc question pour l'essentiel de montrer la
relation qui existe entre deux variables. Pour ce faire, il sera
procédé à un test d'hypothèse en faisant usage du
Khi carré. Il va permettre au cours du travail de rechercher le rapport
entre variable indépendante et variable dépendante des
hypothèses de recherche. Le test du khi carré permet donc de
mesurer l'écart qui existe entre les fréquences observées
et les fréquences théoriques. Il comporte une succession
d'étapes à savoir : la construction du tableau de
contingence, le calcul du Khi-carré, le calcul du degré de
liberté, le calcul du coefficient de contingence et la prise de
décision.
v Tableau de contingence
C'est un tableau à double entrée, qui comporte
autant de colonnes que la première variable a de modalités et
autant de lignes que la deuxième variable a de modalités.
Lesdites lignes et colonnes forment des cases dans lesquelles sont inscrites
les effectifs des sujets suivants une certaine logique. Ainsi, pour chaque
tableau de contingence, on note les fréquences observées (fo) qui
s'obtiennent en croisant les deux variables et les fréquences
théoriques (fe) qui s'obtiennent grâce à la formule
suivante :
fe = où fr = total des fréquences qui se situent sur les
rangées, fc = total des fréquences des colonnes, N= Effectif
total de l'échantillon.
v Calcul du Khi-carré
Le Khi-carré est calculé à partir des
fréquences obtenues et des fréquences théoriques
espérées. Il est la somme de chaque résidu (occurrence
observée - occurrence attendue) mis au carré divisé par
l'occurrence attendue. La formule est la suivante:
÷2 = ? où fo= fréquence observée et fe= fréquence
théorique attendue
Si une seule des fréquences théoriques
présente une valeur inférieure à 5, on procède
à la correction de Yates dont la formule est la suivante:
÷2 = ? où --0,5 = Correction de Yates
v Degré de liberté (ddl)
Le degré de liberté s'obtient comme suit :
Ddl= (r-1) (c-1) où r = nombre de rangées et c=
nombre de colonnes.
v Coefficient de contingence (C)
Le coefficient de contingence permet de décrire le
degré d'association entre des variables qualitatives dans une table de
contingence. Il s'obtient grâce à la formule suivante:
C=
|
Si C = 1 le lien entre les variables est Parfait
Si C > 0,8 le lien entre les variables est Très fort
Si 0,5 < C = 0,8 le lien entre les variables est Forte.
Si 0,2< C = 0,5 le lien entre les variables est Moyen
Si 0<C = 0.2 le lien entre les variables est Faible
Si C = 0 le lien entre les variables est Nul
|
v Prise de décision
Après le calcul du Khi carré, il faut
évaluer l'hypothèse par la prise de décision. Il s'agit
d'accepter ou de rejeter l'hypothèse nulle d'interdépendance
entre les variables. Il est nécessaire de fixer la probabilité
á(seuil de signification) de commettre une erreur dite
de première espèce. En général á est
égal à 5% en sciences sociales.
La valeur du X2 critique noté
X2écrit ou X2lu est lue sur
une table de distribution du Khi-carré en croisant la valeur
hypothétique á et le degré de liberté ddl de
l'étude en question. La prise de décision est la suivante :
· Si X2cal =
X2lu, on accepte l'hypothèse nulle, ce qui veut
dire que l'hypothèse de recherche est à rejeter. On conclut donc
qu'il n'existe pas un lien significatif entre les deux variables.
· Si X2cal = X2lu,
on rejette l'hypothèse nulle et on accepte l'hypothèse de
recherche. On conclura donc qu'il existe un lien significatif entre les deux
variables.
CHAPITRE 8: PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS
Ce chapitre se veut à la fois descriptif et
inférentiel. Dans son aspect descriptif, il renvoie à une
présentation brute des données collectées sur le terrain.
Sa dimension inférentielle présente les croisements de variables
qui nous ont conduits à nos résultats. Les données de
l'étude seront présentées sous forme de tableaux
commentés, puis un point d'honneur sera mis sur l'analyse des
paramètres des statistiques inférentielles avant de
procéder à l'interprétation des résultats.
8.1. ANALYSE
DESCRIPTIVE DES RÉSULTATS
En ce qui est de l'analyse descriptive, les résultats
sont présentés sur des figures illustratives, suivi des notes
explicatives nécessaires à la compréhension des
données ainsi illustrées. Il est question de chiffrer le
phénomène en répartissant statistiquement les
commerçants qui exercent sur les trottoirs du marché Melen selon
le secteur d'activité, l'âge, le sexe, le statut matrimonial, le
niveau de responsabilité parental, la religion, la région
d'origine, la durée de vie à Yaoundé, le niveau de
connaissance de l'administration régulatrice, etc.
8.1.1.
Activités menées sur les trottoirs
Figure4 :
Répartition des enquêtés selon le type d'activité
menée
On note qu'au marché Melen, il existe environ dix types
d'activités commerciales menées sur le trottoir à
savoir : la vente des produits vivriers, d'objets de
récupération, des mini- boutiques, des produits TIC, de la
librairie, de la quincaillerie, du crédit de communication (call-box),
de produits vestimentaires, des médicaments (pharmacie), de la
nourriture (restauration) (Cf. figure3).
Cependant, les trois activités les plus prisées
sont par ordre de priorité sont : le commerce de produits vivriers
(46%) dont les adeptes sont communément appelés
« Bayam-sellam », suivi des produits vestimentaires (18%)
et enfin les produits issus de la récupération communément
appelé « casse » (10%).
8.1.2. Zonede
résidence des enquêtés
Figure5 :
Répartition des enquêtés selon la zone de
résidence
Tel que présenté dans figure5, la
majorité, soit 86% des commerçants de trottoirs du marché
Melen vivent aux encablures de leurs « lieux de service ».
Plus de la moitié de ces commerçants, soit 54% vivent à
Melen tandis que 32% viennent des quartiers environnants, notamment :
Obili, Etoug-Ebé, Ngoa-Ekellé, Mokolo, Biyem-Assi, etc.
8.1.3. Age des
enquêté
Figure6 :
Répartition des enquêtés selon l'âge
Les commerçants de trottoirs du marché Melen ont
été répartis en cinq tranches d'âges; à
savoir : de 0 à 20 ans, de 21 à 30 ans, de 31 à 40
ans, de 41 à 50 ans et enfin de 51 ans et plus. Cette répartition
tient compte des différentes phases de l'ontogénèse de
l'être humain que sont l'enfance, l'adolescence, l'adulte et la
vieillesse. Il en ressort que l'écrasante majorité des
commerçants de trottoirs (62%) du marché Melen ont plus de 30
ans. De ce point de vue, il s'agit d'une population fortement adulte.
8.1.4. Sexe des
enquêtés
Figure7 :
Répartition des enquêtés selon le sexe
Comme l'indique la figure 7, pour cette étude,
l'échantillon des enquêtés est constitué 52% d'homme
et de 48% de femmes.
8.1.5. Statut
matrimonial des enquêtés
Figure8 :
Répartition des enquêtés selon le statut matrimonial
La figure8 permet d'observer qu'à peu près la
moitié, soit 49% des commerçants de trottoirs de Melen sont
mariés; 41% sont célibataire et 9% sont veuf ou divorcé.
Toutes choses qui établies la maturité sociale de la plupart des
sujets. On peut ainsi se permettre de dire que près de la moitié
de la population cible est adulte du point de vue de la responsabilité
sociale.
8.1.6. Niveau de
responsabilité parentale des enquêtés
Figure9 :
Répartition des enquêtés selon la responsabilité
parentale
Il est à noter que la forte majorité (73%) des
commerçants de trottoirs du marché Melen affirme être des
parents. Ceci consacre davantage leur maturité sociale et renforce
l'idée que la frange la plus importante des commerçants du
marché Melen est constituée de personnes adultes, au sens
où ils assument une certaine responsabilité parentale et sociale.
8.1.7. Nombre
d'enfants à charge
Figure10 :
Répartition des enquêtés selon le nombre d'enfants à
charge
La question sur le nombre d'enfants à charge avait
été posée pour mesurer le niveau de responsabilité
familiale des commerçants de trottoirs du marché Melen. Tel
qu'indiqué sur la figure 10, il ressort que, tandis que 26%
déclarent ne pas avoir d'enfants, 37% ont entre 1 et 3 enfants, 24% ont
entre 4 et 6 enfants et 10% ont entre 7 et 9 enfants. De manière
générale, 72% des sujets ont au moins un enfant.
8.1.8. Niveau
d'instruction des enquêtés
Figure11 :
Répartition des enquêtés selon le niveau d'instruction
On observe que 10% des commerçants de trottoirs du
marché Melen déclare n'avoir pas été à
l'école; 26% ont stoppés l'école au primaire, 29% au
premier cycle (de la classe de 6ème en classe de
3ème), 21% au second cycle (de la classe de 2nd
à la classe de Terminale), et 16% ont fait des études
supérieures.
8.1.9. Religion des
enquêtés
Figure12 :
Répartition des enquêtés selon la religion
La figure 12 fait état de ce que les trois religions
les plus pratiquées par les commerçants de trottoirs du
marché Melen sont : La religion catholique (54%), la religion
protestante (19%), la religion musulmane (10%).
8.1.10. Région d'origine des enquêtés
Figure13 :
Répartition des enquêtés selon la région
d'origine
D'après la figure13, les commerçants de
trottoirs du marché Melen sont en grande majorité issus des
régions de l'ouest et du centre; soit 55% des ressortissants de la
région de l'Ouest contre 23% des ressortissants du Centre. La
région de l'Extrême-nord vient en troisième position avec
11% de ressortissants.
8.1.11. Durée de vie des enquêtés
à Yaoundé
Figure 14 :
Répartition des enquêtés selon la durée de vie
à Yaoundé
A la lecture de la figure14, il apparait qu'il est rare de
vendre sur le trottoir avant d'avoir mis au moins un an à
Yaoundé. Cependant, pour ceux qui sont déjà
installés sur le trottoir, on observe que leur membre diminue au fur et
à mesure que leur durée dans la ville de Yaoundé augmente.
8.1.12. Situation foncière des
enquêtés
Figure15 :
Répartition des enquêtés selon la situation
foncière
D'après les illustrations de la figure16, presque tous
les commerçants de trottoirs du marché Melen savent qu'ils ne
sont pas autorisés à faire du commercent à l'endroit
où ils sont installés. Ils sont donc presque tous en situation de
résistance vis-à-vis des autorités publiques.
8.1.13. Connaissance de l'administration
régulatrice
Figure 16:
Répartition des enquêtés selon leur connaissance du
régulateur
De la figure16, il apparait que la quasi-totalité des
commerçants de trottoirs connaissent plus ou moins bien l'administration
ou les administrations dont ils sont les souffre-douleur.
8.1.14. Connaissance des raisons d'éviction
Figure 17 :
Répartition des enquêtés selon la connaissance de raisons
d'éviction
Presque tous les commerçants de trottoirs (90%)du
marché Melen saventqu'ils sont installés sur les trottoirs et que
c'est d'ailleurs pour cette raison qu'ils sont pourchassés par les
pouvoirs publics.
8.1.15. Perception de l'imposition des mesures par les
enquêtés
Figure 18:
Répartition des enquêtés selon la perception de
l'imposition des mesures
La figure18 permet de constater que 70% des
enquêtés perçoivent une très forte intensité
d'imposition des mesures d'ordre urbain, contre 14% qui trouvent que cette
imposition des mesures est d'intensité moyenne et 6% seulement la trouve
de faible intensité.
8.1.16. Perception de l'intimidation par les
enquêtés
Figure 19:
Répartition des enquêtés selon la perception de
l'intimidation
D'après la figure19, 52% des enquêtés
perçoivent l'intimidation manifestée par les autorités
comme étant d'intensité moyenne, 30% lui accorde une forte
intensité tandis que 16% la juge d'intensité faible.
8.1.17. Perception de la violence par les
enquêtés
Figure 20 :
Répartition des enquêtés selon la perception de la
violence
La violence contre les commerçants de trottoirs est
perçue par 40% des enquêtés comme très intense, par
26% comme intense, par 24% comme peu intense et par 8% comme étant
d'intensité insignifiante.
8.2. ANALYSE
INFÉRENTIELLE DES RESULTATS
A la suite de l'analyse descriptive des données de
terrain, cette partie procède de leur analyse inférentielle. Pour
ce faire, il sera fait usage d'un instrument de la statistique
inférentielle, en l'occurrence le test du Khi carré. C'est un
test statistique permettant d'étudier le lien susceptible d'exister
entre deux variables. Il est utilisé pour tester l'hypothèse
nulle d'absence de relation entre deux variables catégorielles. On peut
également dire que ce test vérifie l'hypothèse
d'indépendance de ces variables. En effet, si deux variables
dépendent l'une de l'autre, elles partagent quelque chose. La variation
de l'une influence la variation de l'autre.
Pour ce qui est des prémisses du test du Khi-deux, il
est impératif que les observations soient indépendantes, ce qui
signifie que les sujets apparaissent une fois dans le tableau et que les
modalités des variables sont mutuellement exclusives. D'autre
part, la plupart des occurrences attendues (fréquences
théoriques) d'un tableau croisé doivent être
supérieures ou égales à 5 et aucune occurrence attendue ne
doit être inférieure à 1 (au moins 75 % des cellules).
Le test de Khi carré va être appliqué en
quatre étapes :
1) Elaboration de l'hypothèse nulle et de
l'hypothèsealternative
L'hypothèse nulle (H0) stipule qu'il y a
absence de relation entre les deux variables en présence. On peut aussi
dire que les deux variables sont indépendantes l'une de l'autre.
L'indépendance signifie que la valeur d'une des deux variables ne donne
aucune information sur la valeur possible de l'autre variable.
L'hypothèse alternative (Ha) quant à
lui stipule qu'il existe une relation entre les variables ou que les deux
variables sont dépendantes.
2) Elaboration du tableau de contingence
Le tableau de contingence permet le croisement des
modalités des différentes variables de chaque hypothèse de
recherche. C'est un tableau à double entrée à partir
duquel peut être appliqué le ÷2 (Khi carré)
d'indépendance.
3) Présentation des résultats
Il s'agit de calculer la valeur numérique du Khi
carré, du degré de liberté (ddl) et de préciser la
valeur numérique du « seuil de
confiance »noté á.
4) Livraison de la décision
La décision consiste à dire, au regard des
paramètres calculés plus haut s'il y a ou pas une relation
significative entre les différentes variables croisées.
Dans le cadre de la présente étude, le point de
départ est la question de recherche suivante: « le
style autoritaire en éducation extrascolaire à l'ordre urbain
suscite-il la résistance au changement des commerçants de
trottoirs ? ». Le khi carré est
convoqué pour étudier la relation de dépendance entre le
style autoritaire en éducation extrascolaire à l'ordre urbain et
la résistance au changement des commerçants de trottoirs.
8.2.1.
Vérification des hypothèses (Test du Khi carré)
Pour sa vérification, l'hypothèse
générale est éclatée en trois hypothèses de
recherche qui ont été testées statistiquement. Ce
sont :
HR1: L'imposition des mesures de l'ordre
urbain suscite la résistance au changement des commerçants de
trottoirs.
HR2: L'intimidation des commerçants de
trottoirssuscite la résistance au changement de ces derniers.
HR3: La violence orchestrée par les
autorités en charge de l'ordre urbain suscite la résistance au
changement des commerçants de trottoirs.
8.2.2.
Vérification de la première hypothèse de
recherche(HR1)
1. Formulation des hypothèses alternative
(Ha)et nulle (H0)
HR1: L'imposition des mesures de l'ordre
urbain suscitela résistance au changement des commerçants de
trottoirs.
H0 : Il n'existe
pas de relation de dépendance entre l'imposition des mesures de l'ordre
urbain et la résistance au changement des commerçants de
trottoirs.
Ha: Il existe une relation de
dépendance entre l'imposition des mesures de l'ordre urbain et la
résistance au changement des commerçants de trottoirs.
2. Présentation du tableau de contingence:
Tableau croisé dynamique des deux variables de cette hypothèse de
recherche.
L'élément fondamental du tableau croisé
est le nombre d'occurrences dans chaque cellule du tableau. La
procédure statistique qui est employée pour tester
l'hypothèse nulle compare les occurrences observées avec les
occurrences attendues.L'occurrence attendue est simplement la fréquence
que l'on devrait trouver dans une cellule si l'hypothèse nulle
était vraie.
Tableau 6 :
Récapitulatif du traitement des observations pour HR1
|
Observations
|
Valide
|
Manquante
|
Total
|
N
|
Pourcent
|
N
|
Pourcent
|
N
|
Pourcent
|
Imposition des mesures
X
Résistance au changement
|
164
|
97,6%
|
4
|
2,4%
|
168
|
100,0%
|
On observe dans le tableau6 que pour l'enquête qui a
été menée, 164 participants ont donné une
réponse aux items Q13, Q14, Q15 relative à l'imposition des
mesures. Cela représente 97,6 % de l'échantillon. Le test sera
donc basé sur ces observations.
Tableau 7: Tableau
croisé imposition des mesures et résistance au changement
|
Résistance des commerçants au
changement
|
Total
|
Très forte
|
Forte
|
Faible
|
Très faible
|
Imposition des mesures de l'ordre urbain
|
Forte intensité
|
Fo
|
47
|
41
|
30
|
12
|
130
|
Fe
|
39,6
|
40,4
|
35,7
|
14,3
|
130,0
|
%
|
36%
|
32%
|
23%
|
9%
|
100%
|
Intensité moyenne
|
Fo
|
3
|
7
|
12
|
2
|
24
|
Fe
|
7,3
|
7,5
|
6,6
|
2,6
|
24,0
|
%
|
13%
|
29%
|
50%
|
8%
|
100%
|
Faible intensité
|
Fo
|
0
|
3
|
3
|
4
|
10
|
Fe
|
3,0
|
3,1
|
2,7
|
1,1
|
10,0
|
%
|
0%
|
30%
|
30%
|
40%
|
100%
|
Total
|
|
50
|
51
|
45
|
18
|
164
|
Selon le tableau7, on remarque que 36% de ceux qui
perçoivent une forte intensité de l'imposition des mesures
résistent très fortement au changement.Alors que 13% de ceux qui
perçoivent une intensité moyenne de l'imposition résistent
très fortement et 0% de ceux qui perçoivent une faible
intensité de l'imposition des mesures résistent très
fortement au changement.
Figure 21 :
Diagramme à barres du tableau croisé de HR1
Ce résultat est celui d'un seul échantillon et
en lui-même, il est peu intéressant. Par conséquent,
on veut savoir ce que l'on peut conclure au regard de la population en
partant des résultats de l'échantillon. Il est donc question
de tester l'hypothèse nulle selon laquelle, dans la population, la
résistance évolue indifféremment de l'intensité de
l'imposition des mesures.
Il faut donc calculer la statistique du Khi-2 à partir
de la différence entre les occurrences observées (fo) et les
occurrences attendues (fe). Le SPSS offre ces résultats dans le tableau
7. On remarque que les fréquences théoriques ou attendues (fe) se
distinguent des fréquences observées (fo) dans
l'échantillon. S'il n'y avait pas de relation entre les deux variables,
les fréquences observées et les fréquences
théoriques seraient identiques. Mais la différence est-elle
significative?
Le tout peut être évalué à partir
de la statistique Khi-2.Nous devons faire la somme de chaque résidu
(occurrence observée - occurrence attendue) mis au carré
divisé par l'occurrence attendue, tel qu'indiqué dans la formule
suivante :
÷2 = ?
Où fo= fréquence observée, fe=
fréquence théorique et -0,5= correction de Yates
3. Résultats du Khi carré pour
HR1
Le résultat est positionné dans une distribution
de Khi-2 ajustée en fonction du degré de liberté (nombre
de rangées - 1) x (nombre de colonnes - 1).Le SPSS donne les
résultats dans le tableau suivant :
Tableau 8 :
Résultats du Khi carré pour HR1
|
Valeur
|
ddl
|
Signification asymptotique (bilatérale)
|
Khi-deux de Pearson
|
20,572a
|
6
|
,002
|
Rapport de vraisemblance
|
20,352
|
6
|
,002
|
Association linéaire par linéaire
|
13,798
|
1
|
,000
|
Nombre d'observations valides
|
164
|
|
|
a. 5 cellules (41,7%) ont un effectif théorique
inférieur à 5. L'effectif théorique minimum est de
1,10.
|
4. Décision pour HR1
Pour á= 0.05, on observe que le degré de
signification qui est de 0,002 est très bas, ce qui indique que les
différences entre les occurrences observées et attendues sont
significatives. Concrètement, cela veut dire que l'on retrouverait ces
différences 2 fois sur 1000 (0,2 sur 100) si l'hypothèse nulle
était vraie.
En d'autres termes, X2cal=20,572 =
X2lu=12,59.
On doit donc rejeter l'hypothèse nulle(H0)
selon laquelle Il n'existe pas de relation entre l'imposition des mesures de
l'ordre urbain et la résistance au changement des commerçants de
trottoirs. L'hypothèse alternative (Ha) est retenue.
C'est-à-dire qu'il existe une relation significative entre l'imposition
des mesures de l'ordre urbain et la résistance au changement des
commerçants de trottoirs.
Le coefficient de contingence (C) est égal à
0,334. Ce qui signifie que l'effet de l'imposition des mesures sur la
résistance au changement est de taille moyenne.
À partir de ce résultat et de la lecture
de la figure21, on peut dire qu'il y a une relation d'influence de l'imposition
des mesures sur la résistance au changement. En effet, on constate que
le nombre de ceux qui résistant très fortement augmente au fur et
à mesure que l'intensité de l'imposition des mesures augmente.
Dans l'échantillon donc, plus l'intensité d'imposition des
mesures est perçue comme forte, plus la résistance est forte.
On conclut donc que l'hypothèse HR1 est
confirmée c'est-à-dire que « L'imposition des
mesures de l'ordre urbain suscite la résistance au changement des
commerçants de trottoirs ».
8.2.3.
Vérification de la deuxième hypothèse de recherche
(HR2)
1. Formulation des hypothèses alternative
(H1) et nulle (H0)
HR2: L'intimidation des commerçants de
trottoirs suscite la résistance au changement de ces derniers.
H0 : Il n'existe
pas de relation de dépendance entre l'intimidation des
commerçants de trottoirs et la résistance au changement de ces
derniers.
Ha: Il existe une relation de
dépendance entre l'intimidation des commerçants de trottoirs et
la résistance au changement de ces derniers.
2. Présentation du tableau de contingence:
Tableau croisé dynamique des variables de cette hypothèse de
recherche.
L'élément fondamental du tableau croisé est
le nombre d'occurrences dans chaque cellule du tableau. La
procédure statistique qui est employée pour tester
l'hypothèse nulle compare les occurrences observées avec les
occurrences attendues. L'occurrence attendue est simplement la fréquence
que l'on devrait trouver dans une cellule si l'hypothèse nulle
était vraie.
Tableau 9 :
Récapitulatif du traitement des observations pour HR2
|
Observations
|
Valide
|
Manquante
|
Total
|
N
|
Pourcent
|
N
|
Pourcent
|
N
|
Pourcent
|
Intimidation
x
Résistance au changement
|
164
|
97,6%
|
4
|
2,4%
|
168
|
100%
|
On observe dans le tableau9 que pour l'analyse qui a
été menée, 164 participants ont donné une
réponse valide aux items Q16, Q17, Q18 relative à l'intimidation
des commerçants. Cela représente 97,6 % de l'échantillon.
Le test sera donc basé sur ces observations.
Tableau 10: Tableau
croisé intimidation et résistance au changement
|
Résistance au changement
|
Total
|
Très forte
|
Forte
|
Faible
|
Très faible
|
Intimidation
|
Forte intensité
|
fo
|
19
|
15
|
12
|
4
|
50
|
fe
|
15,2
|
15,5
|
13,7
|
5,5
|
50,0
|
%
|
38%
|
30%
|
24%
|
8%
|
100%
|
Intensité moyenne
|
fo
|
28
|
27
|
25
|
7
|
87
|
fe
|
26,5
|
27,1
|
23,9
|
9,5
|
87,0
|
%
|
32%
|
31%
|
29%
|
8%
|
100%
|
Faible intensité
|
fo
|
3
|
9
|
8
|
7
|
27
|
fe
|
8,2
|
8,4
|
7,4
|
3,0
|
27,0
|
%
|
11%
|
33%
|
30%
|
26%
|
100%
|
Total
|
|
|
50
|
51
|
45
|
18
|
164
|
Selon le tableau 10 et la figure 22, on n'observe que les deux
variables évoluent indifféremment l'un de l'autre.
Figure 22:
Diagramme à barres du tableau croisé de HR2
Ce résultat est celui d'un seul échantillon et
en lui-même, il est peu intéressant. Par conséquent,
on veut savoir ce que l'on peut conclure au regard de la population en
partant des résultats de l'échantillon. Il est doncquestion
de tester l'hypothèse nulle selon laquelle, dans la population, la
résistance évolue indifféremment de l'intensité de
l'intimidation.
Il faut donc calculer la statistique du Khi-2 à partir
de la différence entre les occurrences observées (fo) et
attendues (fe). Le SPSS offre les résultats dans le tableau 10.On
remarque que les fréquences théoriques (fe) ne se distinguent pas
significativement de fréquences observées (fo) dans
l'échantillon. S'il y avait relation entre les deux variables, les
fréquences observées et les fréquences théoriques
seraient plus distinctes.
Le tout peut être évalué à partir
de la statistique khi-2.Pour ce faire, nous devons faire la somme de chaque
résidu (occurrence observée - occurrence attendue) mis au
carré divisé par l'occurrence attendue. Voici la formule:
÷2 = ?
Où fo= fréquence observée, fe=
fréquence théorique et -0,5= correction de Yates
3. Résultats du Khi carré pour
HR2
Ce résultat est maintenant positionné dans une
distribution de Khi-2 ajustée en fonction du degré de
liberté (nombre de rangées - 1) x (nombre de colonnes - 1). Le
SPSS donne les résultats dans le tableau 11:
Tableau 11 :
Résultats du Khi carré pour HR2
|
Valeur
|
ddl
|
Signification asymptotique (bilatérale)
|
Khi-deux de Pearson
|
11,294a
|
6
|
,080
|
Rapport de vraisemblance
|
10,888
|
6
|
,092
|
Association linéaire par linéaire
|
6,848
|
1
|
,009
|
Nombre d'observations valides
|
164
|
|
|
a. 1 cellule (8,3%) a un effectif théorique
inférieur à 5. L'effectif théorique minimum est de
2,96.
|
4. Décision pour HR2
Pour á= 0.05, on observe que le degré de
signification qui est de 0,08 est très élevé, ce qui
indique que les différences entre les occurrences observées et
attendues ne sont pas significatives. Concrètement, cela veut dire que
l'on retrouverait ces différences 80 fois sur 1000(c'est-à-dire 8
fois sur 100) si l'hypothèse nulle était vraie. Or le seuil
toléré est de 5 fois sur 100.
En d'autres termes, X2cal=11,294 =
X2lu=12,59.
On doit donc rejeter l'hypothèse alternative (Ha). Par
conséquent,l'hypothèse nulle (Ho) est retenue,
c'est-à-dire qu'« il n'existe pas de relation de
dépendance entre l'intimidation des commerçants et la
résistance au changement de ces derniers ». Il apparait donc
que HR2 est infirmée.
8.2.4.
Vérification de la troisième hypothèse de recherche
(HR3)
1. Formulation des hypothèses alternative
(Ha) et nulle (H0)
HR3: La violence orchestrée par les
autorités en charge de l'ordre urbain induit la résistance au
changement des commerçants de trottoirs.
H0 : Il n'existe
pas de relation de dépendance entre la violence des autorités et
la résistance au changement des commerçants de trottoirs.
Ha: Il existe une relation de
dépendance entre la violence des autorités et la
résistance au changement des commerçants de trottoirs.
2. Présentation du tableau de contingence: il
s'agit d'un tableau croisé dynamique des deux variables de cette
hypothèse de recherche.
L'élément fondamental du tableau croisé
est le nombre d'occurrences dans chaque cellule du tableau. La
procédure statistique qui est employée pour tester
l'hypothèse nulle compare les occurrences observées avec les
occurrences attendues. L'occurrence attendue est simplement la fréquence
que l'on devrait trouver dans une cellule si l'hypothèse nulle
était vraie.
Tableau 12 :
Récapitulatif des observations pour HR3
|
Observations
|
Valide
|
Manquante
|
Total
|
N
|
Pourcent
|
N
|
Pourcent
|
N
|
Pourcent
|
Violence
x Résistance au changement
|
164
|
97,6%
|
4
|
2,4%
|
168
|
100%
|
On observe dans le tableau 12 que pour l'analyse que nous
avons menée, 164 participants ont donné une réponse valide
aux items Q19, Q20, Q21 relative à la violence contre les
commerçants. Cela représente 97,6 % de l'échantillon. Le
test sera donc basé sur ces observations.
Tableau 13: Tableau
croisé violence et résistance au changement
|
Résistance au changement
|
Total
|
Très forte
|
Forte
|
Faible
|
Très faible
|
Violence
|
Très intense
|
fo
|
24
|
23
|
18
|
2
|
67
|
fe
|
20,4
|
20,8
|
18,4
|
7,4
|
67,0
|
%
|
36%
|
34%
|
27%
|
3%
|
100%
|
Intense
|
fo
|
17
|
14
|
9
|
3
|
43
|
fe
|
13,1
|
13,4
|
11,8
|
4,7
|
43,0
|
%
|
40%
|
33%
|
21%
|
7%
|
100%
|
Peu intense
|
fo
|
9
|
12
|
11
|
8
|
40
|
fe
|
12,2
|
12,4
|
11,0
|
4,4
|
40,0
|
%
|
23%
|
30%
|
28%
|
20%
|
100%
|
Insignifiante
|
fo
|
0
|
2
|
7
|
5
|
14
|
fe
|
4,3
|
4,4
|
3,8
|
1,5
|
14,0
|
%
|
0%
|
14%
|
50%
|
36%
|
100%
|
Total
|
|
50
|
51
|
45
|
18
|
164
|
Selon le tableau 13, on remarque que 36% de ceux qui
perçoivent une violence très intense résistent très
fortement au changement ; 40% des personnes qui perçoivent une
violenceintense résistent très fortement; 23% des personnes qui
perçoivent une violence peu intense résistent fortement au
changement et 0% de ceux qui perçoivent une violence insignifiante
résistent fortement au changement.
Figure 23 :
Diagramme à barres du tableau croisé de HR3
Ce résultat est celui d'un seul échantillon et
en lui-même, il est peu intéressant. Par conséquent,
on veut savoir ce que l'on peut conclure en regard de la population en
partant des résultats de l'échantillon. Il est donc question
de tester l'hypothèse nulle selon laquelle, dans la population, la force
de la résistance est indifférente de l'intensité de la
violence.
Il faut donc calculer la statistique du Khi-2 à partir
de la différence entre les occurrences observées (fo) et
attendues (fe). Le SPSS offre ces résultats dans le tableau 13.On
remarque que les fréquences théoriques ou attendues (fe) se
distinguent des fréquences observées (fo) dans
l'échantillon. S'il n'y avait pas de relation entre les deux variables,
les fréquences observées et les fréquences
théoriques seraient identiques.Mais la différence est-elle
significative?
Le tout peut être évalué à partir
de la statistique Khi-2.Pour ce faire, nous devons faire la somme de chaque
résidu (occurrence observée - occurrence attendue) mis au
carré divisé par l'occurrence attendue. Voici la formule:
÷2 = ?
Où fo= fréquence observée, fe=
fréquence théorique et -0,5= correction de Yates
3. Résultats du Khi carré pour
HR3
Le résultat est positionné dans une distribution
de Khi-2 ajustée en fonction du degré de liberté (nombre
de rangées - 1) x (nombre de colonnes - 1). Le SPSS donne les
résultats dans le tableau 14 :
Tableau 14 :
Résultats du Khi carré pour HR3
|
Valeur
|
ddl
|
Signification asymptotique (bilatérale)
|
Khi-deux de Pearson
|
26,995a
|
9
|
,001
|
Rapport de vraisemblance
|
29,251
|
9
|
,001
|
Association linéaire par linéaire
|
17,970
|
1
|
,000
|
Nombre d'observations valides
|
164
|
|
|
a. 6 cellules (37,5%) ont un effectif théorique
inférieur à 5. L'effectif théorique minimum est de
1,54.
|
4. Décision pour HR3
Pour á= 0.05, on observe que le degré de
signification qui est de 0,001 est très bas. Ce qui indique que les
différences entre les occurrences observées et attendues sont
significatives. Concrètement, cela veut dire que l'on retrouverait ces
différences 1 fois sur 1000 (0,1 sur 100) si l'hypothèse nulle
était vraie.
En d'autres termes, X2cal=26,995 =
X2lu=16,92.
On doit donc rejeter l'hypothèse nulle(H0)
selon laquelle « il n'existe pas de relation entre la violence
orchestrée par les autorités en charge de l'ordre urbain et la
résistance au changement des commerçants de
trottoirs ». Il apparait donc que l'hypothèse alternative
(Ha) est retenue. C'est-à-dire qu'il existe une relation significative
entre la violence orchestrée par les autorités en charge de
l'ordre urbain et la résistance au changement des commerçants de
trottoirs.
Le coefficient de contingence (C) est égal à
0,376. Ce qui signifie que l'effet de la violence des pouvoirs publics sur la
résistance au changement est de taille moyenne.
À partir de ce résultat et de lecture de
la figure 23, on peut dire qu'il y a une relation d'influence de la violence
sur la résistance au changement. En effet, on constate que le nombre de
ceux qui résistant très fortement augmente au fur et à
mesure que l'intensité de la violence augmente. Dans
l'échantillon donc, plus l'intensité d'imposition des mesures est
perçue comme forte, plus la résistance est forte.
On conclut donc que « La violence
orchestrée par les autorités en charge de l'ordre urbain induit
la résistance au changement des commerçants de trottoirs
», ce qui confirme l'hypothèse de recherche HR3.
CHAPITRE 9: INTERPRETATION DES RESULTATS ET SUGGESTIONS
Cette étude a été menée autour de
lapréoccupation de savoir si le style autoritaire en éducation
extrascolaire à l'ordre urbain a une incidence considérable sur
la résistance au changement des commerçants de trottoirs. Trois
hypothèses de recherche ont été formulées à
savoir :
HR1 :L'imposition des mesures de l'ordre
urbain suscite la résistance au changement des commerçants de
trottoirs.
HR2 :L'intimidation des commerçants de
trottoirs suscite la résistance au changement de ces derniers.
HR3 : La violence orchestrée par les
autorités en charge de l'ordre urbain suscite la résistance au
changement des commerçants de trottoirs.
Il est à présent question d'interpréter
les résultats issus de la confrontation de nos hypothèses avec
les données recueillies sur le terrain.
9.1.
HYPOTHÈSES DE RECHERCHE HR1 ET HR3
9.1.1. Rappel sur
HR1
La variable manipulée dans l'hypothèse de
recherche HR1 est l'« imposition des mesures ». Elle renvoie au
fait d'imposer quelque chose à un individu ou à un groupe
d'individus, c'est-à-dire à obliger l'autre à agir d'une
certaine façon, sans négociation, ni consultation de ce dernier.
Il a été question à travers cette variable
d'évaluer le degré d'imposition des mesures d'ordre urbain tel
que perçue par les commerçants de trottoirs. Cela s'est fait
à partir de trois questions à réponses dichotomiques
posées aux enquêtés à savoir:
Q13 : Est-ce-que les autorités en charge de
l'ordre urbain demandent votre point de vue dans l'élaboration des
politiques d'aménagement des trottoirs ?
Q14 : Arrive-t-il que ces autorités en charge de
l'ordre urbain dialoguent avec vous pour savoir ce que vous pensez de leurs
mesures ?
Q15 : Est-ce que les autorités en charge de l'ordre
urbain vous obligent à quitter cet endroit où vous êtes
installés de gré ou de force ?
Lesrépondants ont ensuite été
répartis suivant une échelle de mesure en fonction des scores
obtenus à la suite des réponses à ces différentes
questions. Un score de 3/3 correspondant à la perception d'une
« forte intensité » d'imposition, un score de 2/3
correspondant à la perception d'une « intensité
moyenne » d'imposition et un score de 1/3 ou 0/3 correspondant
à la perception d'une « faible intensité »
d'imposition.
L'analyse descriptive des résultats (Cf. figure 18)
révèle que 77% des sujets perçoivent une « forte
intensité » d'imposition des mesures d'ordre urbain, 14%
perçoivent une « intensité moyenne »
d'imposition des mesures d'ordre urbain, tandis que 6% perçoivent une
« faible intensité » d'imposition des mesures d'ordre
urbain. Il en ressort que la majorité des sujets enquêtés
ont le sentiment que les mesures de l'ordre urbain leur sont imposées
avec une forte intensité.
Cette variable a ensuite été croisée avec
l'item 23 qui mesure la résistance au changement par la question
suivante: « Comment apprécier vous votre intention
à continuer à vendre à cet
endroit ? ». Question dont les modalités ont
été les suivantes : « Très
forte », « Forte »,
« Faible » et « Très faible ».
Ces modalités correspondent au niveau de résistance au
changementdes répondants.
Ce croisement a révélé une
corrélation significative entre l'imposition des mesures et la
résistance au changement. Corrélation d'ailleurs très
perceptible sur la figure 21. On note en effet que, la force de la
résistance croit avec l'intensité de l'imposition des mesures.
Plus l'imposition est intense, plus les résistants forts sont nombreux.
9.1.2. Rappel sur
HR3
La variable manipulée dans l'hypothèse HR3 est
la violence. Elle fait référence aux violences physiques et
verbales à l'encontre des commerçants de trottoirs. Il a
été question d'évaluer le niveau de violence
manifestée par les autorités en charge de l'ordre urbain contre
les commerçants de trottoirs et son impact éventuel sur la
résistance au changement. Cela s'est fait à partir de quatre
questions à réponses dichotomiques posées aux
enquêtés à savoir:
Q19 : Arrive-t-il que les agents de l'ordre urbain
confisquent vos marchandises ?
Q20 : Arrive-t-il que les agents de l'ordre urbain
détruisent vos marchandises ?
Q21 : Arrive-t-il que les agents de l'ordre urbain vous
violentent physiquement ?
Q22 : Arrive-t-il que les agents régulateurs de
l'ordre urbain vous insultent ?
Les répondants ont ensuite été
répartis suivant une échelle de mesure en fonction des scores
obtenus à la suite des réponses à ces différentes
questions. Un score de 4/4 correspondant à la perception d'une violence
« Très intense », un score de 3/4 correspondant
à la perception d'une violence « Intense », un score
de 2/4 correspondant à la perception d'une violence « Peu
intense » et un score de 1/4 ou 0/4 correspondant à la
perception d'une violence « Insignifiante ».
L'analyse descriptive des résultats (Cf. figure 20)
révèle que 66% des sujets perçoivent que la violence
à leur encontre est « intense » ou
« très intense », contre 32% qui trouvent cette
violence « peu intense » ou
« insignifiante ». Il en ressort que la majorité des
sujets enquêtés ont le sentiment d'être victime d'une
violence intense de la part des pouvoirs publics.
Cette variable a ensuite été croisée avec
l'item 23 qui mesure la résistance au changement par la question
suivante: « Comment apprécier vous votre intention
à continuer à vendre à cet
endroit ? ». Question dont les modalités ont
été les suivantes : « Très
forte », « Forte »,
« Faible » et « Très faible ».
Lesquelles modalités correspondent au niveau de résistance des
répondants au changement.
Ce croisement a révélé une
corrélation significative en la violence et la résistance au
changement. Corrélation d'ailleurs très perceptible sur la figure
23. On note également ici que, la force de résistance croit avec
l'intensité de la violence. Plus la violence est intense, plus les
résistants forts sont nombreux.
9.1.3.
Interprétation des résultats de HR1 et HR3
Les résultats qui précèdentpeuvent
sembler paradoxales, au regard de la théorie skinnerienne du
« conditionnement opérant ». Cette théorie
voudrait que l'application d'un « stimulus aversif »
entraine un changement de comportement chez lesujet. Toutefois, ces
résultats sont tout à fait compréhensibles du point de vue
de la théorie de la réaction psychologique, de la théorie
de l'andragogie ou de celle du changement.
v Apport de l'andragogie
Il est à noter que 62% des sujets interrogés
sont âgés de plus de 30 ans (Cf. figure 6), 49% sont mariés
(Cf. figure 8) et 73% ont au moins un enfant (Cf. figure 10). Toutes choses qui
traduit la maturité physiologique, sociale et juridique de la
majorité des enquêtés. Par conséquence, ils
devraient être sensibilisés dans le respect des règles en
matière d'éducation des adultes ; c'est-à-dire en tenant
compte de certaines spécificités telles que livrées par la
théorie andragogique de Malcom Knowles.
Le premier principe du modèle andragogique de Knowles
(1990) enseigne que « les adultes doivent être
impliqués dans la planification et l'évaluation de leur
apprentissage (l'autonomie, l'autodiagnostic, l'auto-évaluation, climat
d'acceptation et coopération) »;d'autre part,
l'hypothèse du « concept de soi » du modèle
andragogique enseigne que les « adultes ne se
conçoivent plus comme des personnes dépendantes, ils ont
conscience de leurs propres décisions et de leur vie. Ils ont besoin
d'être vus et traités par les autres comme des individus
responsables et capables de s'autogérer». Ainsi, contrairement
aux enfants, l'adulte est indépendant, riche de son expérience et
ne supporte pas qu'on lui dicte ce qu'il doit faire. En matière
d'éducation des adultes par conséquent, l'éducateur doit
avoir la posture de l' « accompagnateur », du
« catalyseur », de
l' « animateur », du
« facilitateur », du
« médiateur », ou encore de
l' « accoucheur » (Cardinet, 1995). Sa posture
éducative doit se situer aux antipodes du donneur de leçon et
encore moins du dictateur. D'après la théorie andragogique donc,
l'éducation est participative, intégrative et coopérative.
De ce fait, il est tout à fait compréhensible
que les destinataires de l'éducation à l'ordre urbain se braquent
face à la démarche autoritaire des pouvoirs publics, empreinte de
dictature et de violence. Dans cette logique, les commerçants ne
perçoivent pas les régulateurs comme des interlocuteurs, mais
plutôt comme des adversaires contre lesquels ils doivent se
défendre. Ce d'autant plus que, comme le remarque Fourchard (2006)
analysant les « les rues de Lagos», en Afrique
« l'État n'apparaît jamais avoir la
légitimité nécessaire pour faire accepter par les citoyens
un ensemble de normes partagées ».
L'inclinaison à la répression tous azimuts fait
en sorte de rendre les commerçants de trottoirs hostiles aux pouvoirs
publics, dans la mesure où ces derniers ne font montre d'aucun respect
à leur endroit.
v Apport de la réactance
psychologique
En plus de la culpabilité du style autoritaire de son
manquement au respect des principes andragogiques, l'apport de la
réactance psychologique renforce la compréhension de la
résistance au changement des commerçants de trottoirs. On
observe d'une part qu'un peu plus de la moitié, soit 54% de sujets
vivent à Melen, c'est-à-dire non loin du trottoir sur lequel ils
font du commerce et 32% vivent dans les quartiers voisins (Cf. figure 5) ;
d'autre part, 58% des sujets ont mis au moins dix ans dans la ville de
Yaoundé (Cf. figure 14) et il est fort probable qu'ils aient mis
sensiblement le même temps sur le trottoir, compte tenu du fait qu'ils
commencent en général l'exploitation du trottoir après
avoir passé au moins un an de vie à Yaoundé (96%). Que
suggèrent ces deux informations sur la durée de vie à
Yaoundé et la proximité avec le point de vente ?
Du fait que la majorité des commerçants de
trottoirs aient soit mis du temps au trottoir soit vu des gens y vendre pendant
longtemps (au moins 10ans), le trottoir se caractérise par
conséquent à leurs yeux par sa
« disponibilité foncière » et son
« opportunité entreprenariat » comme pense
Steck (2006). Le trottoir est donc pour eux un espace vacant, un espace
à prendre. Un espace que chacun est libre d'occuper, car n'appartenant
à personne en propre. Il reviendrait donc à son premier occupant,
comme la terre dans l'esprit du négro-africain. En plus de cela, ce
trottoir se présenterait à l'imaginaire de son occupant comme le
prolongement de sa cour, car situé aux encablures de son lieu de
résidence. Il ne relèverait donc que de sa liberté de
choix de l'occuper ou de ne pas l'occuper.
Partant de là l'on comprend que sa réactance
psychologique puisse se mettre en branle dès l'instant où il est
sommé de libérer les lieux manu-militari. En effet,
d'après cette théorie, dès que la liberté de choix
entre deux options est menacée en rendant l'une d'entre elle difficile
et complexe, l'attractivité de l'individu pour cette dernière est
renforcée.Il serait question dans ce cas, pour la plupart de ces
commerçants, de défendre la parcelle de leur liberté
obstruée par l'autorité régulatrice. Cette
réactance psychologique se traduit alors par la résistance,qui
n'est autre chose que le désir ardant de conserver
son« droit de place », parfois conquis de haute
lutte.
D'autre part, comme le rapporte Moscovici et Plon (1968)
« L'intensité de la réactance sera d'autant plus
grande que l'importance du comportement libre éliminé ou
menacé sera grande ». Ce qui rend compréhensible la
force de la réactance psychologique et donc de la résistance des
commerçants de trottoirs. Elle est donc d'autant plus grande que le
trottoir constitue la seule source de revenue pour la survie de la famille de
nombre d'entre eux et le seul rempart contre le chômage ambiant.
Aussi, le lien entre la résistance et l'imposition
d'une part, la résistance et la violence d'autre part traduit la force
de la réactance psychologique du fait de la grandeur du pouvoir
incarnée par les pouvoirs publics aux yeux des commerçants de
trottoirs. En effet, « étant donné qu'un
comportement libre a été menacé d'élimination, plus
grande sera la menace, plus grande sera la réactance. Si, par exemple,
comme c'est le plus fréquent, l'origine de la menace est située
chez un autrui, la menace sera considérée comme d'autant plus
forte et partant la réactance d'autant plus grande que cet autrui a un
pouvoir élevé » (Moscovici et Plon, 1968).
v Apport de la théorie du
changement
D'après le modèle théorique du changement
de Kurt Lewin, et de corellette et al, le changement est d'abord psychologique
avant d'être matériel. Le changement pérenne passe
nécessairement par une phase de
« décrispation », qui reflète la prise de
conscience des inconvénients d'une situation, ou l'écart entre
une situation présente et une autre plus agréable. A ce niveau,
le promoteur du changement se doit de présenter la situation nouvelle et
ancienne au destinateur, lui en expliquer les tenants et les aboutissants et le
convaincre du bien-fondé de la nouvelle situation. A la suite de cette
phase vient celle du « déplacement »,
c'est-à-dire de la transition, qui est la phase d'apprentissage,
d'intégration voire d'assimilation de nouveaux comportements. Enfin
vient la phase de la « cristallisation » qui consiste en la
stabilisation et la sédimentation dans le subconscient du sujet des
nouvelles façons de faire.
Il se trouve que dans le cas des commerçants de
trottoirs, ce travail psychologique ou mental est loin d'avoir
été fait. Ni l'imposition ni la violence n'étant de nature
à répondre à ce préalable. D'ailleurs, à
l'ouverture du marché de Mvog-béti en 2006, nombre de
commerçants de trottoirs de Melen s'y étaient
déplacés. Mais comme ils y étaient à leur corps
défendant, nombreux d'entre eux sont revenus au point de départ
peu de temps après.
Le style autoritaire en éducation pêche par le
fait qu'il ne travaille pas la mentalité de sa clientèle, de
manière à l'amener à adhérer à une
prescription par conviction et non par obligation. Traitant d'un cas similaire
dans une étude comparative des villes de Mexico et Lima, Stamm Caroline
(2008) nous permet d'observer que c'est à coup de négociation
avec les commerçantset finalement du consensus populaire autour de
l'idée de la protection du patrimoine historique que les pouvoirs
publics de Lima ont pu venir à bout du commerce de rue.
À Mexico, comme à Lima, l'opposition entre
vendeurs de rue et pouvoirs publics se cristallise dans les centres
historiques. Dans les années 1980-1990, elle a pris la forme d'un
conflit d'image avec l'émergence d'un nouveau discours culturel et
esthétique et d'un consensus autour de la protection du patrimoine. Des
politiques municipales d'expulsion et de relocalisation du commerce ambulant
ont alors été mises en place dans les deux villes. Cependant,
alors qu'au début de l'année 2007, le centre historique de Mexico
était toujours saturé de commerçants ambulants, celui de
Lima en était vide. (...)à Lima, les négociations ont
été menées avec les dirigeants des organisations et
surtout des fédérations, du fait de la faible taille des
associations de base. Suite à ce dialogue parfois tendu, les retraits
ont été progressifs et tous n'ont pas été sans
encombre.» (Stamm, 2008).
Si l'on s'en tient à la théorie du changement,
on dira que la résistance au changement des commerçants de
trottoirs peut s'expliquer par le fait que les promoteurs du changement ne
travaillent pas à la déconstruction des représentations
sociales du trottoir au sein de la population. Car, l'action du sujet sur le
monde matériel est fonction de ses représentations. Faire varier
cette action durablement demande d'abord à faire varier ces
représentations.
9.2.
HYPOTHÈSE DE RECHERCHE HR2
9.2.1. Rappel sur
HR2
La variable manipulée dans cette hypothèse est
l'intimidation. Elle renvoie au fait de poser des actes de nature à
faire peur aux commerçants de trottoirs. Il a été question
à travers cette variable d'évaluer l'intensité
perçue de l'intimidation par ces derniers. Cela s'est fait à
partir de trois questions à réponses dichotomiques posées
aux enquêtés à savoir :
Q16 :Est-ce que les patrouilles musclées des agents
régulateurs de l'ordre urbain (« Awara ») passent
souvent dans ce secteur ?
Q17 :Vous arrive-t-il de recevoir des avertissements à
libérer l'endroit où vous vendez ?
Q18 :Arrive-t-il que les agents en charge de l'ordre urbain
(« Awara ») vous profèrent des menaces ?
Les enquêtés ont ensuite été
répartis suivant une échelle de mesure en fonction des scores
obtenus à la suite des réponses à ces différentes
questions. Un score de 3/3 correspondant à la perception d'une
« forte intensité » d'intimidation, un score de 2/3
correspondant à la perception d'une « intensité
moyenne » d'intimidation et un score de 1/3 ou 0/3 correspondants
à la perception d'une « faible intensité »
d'intimidation.
L'analyse descriptive des résultats (Cf. figure 19)
révèle que 30% des sujets perçoivent que l'intimidation
est de forte intensité, 52% perçoivent qu'elle est
d'intensité moyenne et 16% perçoivent qu'elle est de faible
intensité. Il ressort que la majorité des sujets
enquêtés, soit 68% ne se sentent pas vraiment intimider par les
agents régulateurs.
Cette variable a ensuite été croisée avec
l'item 23 qui mesure la résistance au changement par la question
suivante : « Comment apprécier vous votre intention
à continuer à vendre à cet
endroit ? ». Question dont les modalités ont
été les suivantes : « Très
forte », « Forte »,
« Faible » et « Très faible ».
Ces modalités correspondent au niveau de résistance au changement
des répondants.
Ce croisement a révélé qu'il n'existe pas
de corrélation entre l'intimidation et la résistance au
changement. Toute chose qui est d'ailleurs visible sur la figure 22.On note en
effet que le nombre de personne qui résistent fortement ou faiblement
est pareil quel que soit l'intensité perçue de l'intimidation.
9.2.2.
Interprétation des résultats de HR2
Le résultat ci-haut peut se justifier par le fait que
les commerçants ont une sensibilité relativement faible
vis-à-vis des manoeuvres d'intimidation des autorités publiques.
Cela se justifie d'ailleurs par le fait que 68% d'entre eux estiment que,
l'intensité de l'intimidation est moyenne ou faible (Cf. figure 19). Par
conséquent, les manoeuvres d'intimidation n'exercent aucune influence
sur la résistance. Ils ne la font ni augmenter ni diminuer. Au regard
des résultats, l'intimidation constituerait un non
évènement aux yeux des commerçants de trottoirs.
9.3. SUGGESTIONSAUX
AUTORITÉS EN CHARGE DE L'ORDRE URBAIN
Les pouvoirs publics, notamment la Communauté Urbain de
Yaoundé, pour s'attaquer efficacement au phénomène
d'occupation marchande des trottoirs, doivent pouvoir se poser une question qui
nous semble essentielle, suggérée par GillesPinson (2003, p.50)
dans un article intitulé « Le chantier de recherche de la
gouvernance urbaine et la question de la production des savoirs dans et pour
l'action ».
Il s'agit de se demander « dans quelle mesure
l'expertise publique renégocie sa coexistence, dans les processus
d'action publique, avec des formes de connaissances produites par des agents
économiques ou des acteurs de la société civile, et
comment ces combinaisons de logiques de production des savoirs permettent
d'intégrer des systèmes d'acteurs et d'assurer les conditions de
l'action collective ? ».
En effet, dans un contexte de démocratisation, certains
désordres urbains renvoient moins à une
désintégration des sociétés contemporaines
qu'à une situation dans laquelle l'autonomisation des groupes sociaux,
leur réticence croissante à se laisser dicter leurs
préférences et leurs actions,
l'hétérogénéisation des demandes sociales et des
systèmes de valeurs rendraient de plus en plus difficile le recours
exclusif à des formes de gouvernement basées sur l'imposition
réglementaire de valeurs, de représentations du monde et du
commandement hiérarchique par un tiers institutionnel jouant un
rôle de tuteur du social.
Dès lors, les processus de construction des projets
urbains ne sont plus nécessairement prédéterminés
par la vision de l'intérêt public portée par les seuls
experts appointés fût-il étatique et élus
mandatés. Ils peuvent et doivent aussi devenir des arènes de
médiation, de négociation, d'explicitation des enjeux,
d'apprentissage, de compréhension mutuelle des différents
intérêts en présence, de construction et d'appropriation
collectives des problèmes et des solutions. Tout ceci dans un jeu
dialectique entre les différentes parties prenantes.
L'efficacité de la gouvernance urbaine doit être
évaluée à l'aune de sa capacité à
générer le consensus au fil d'interactions et d'itérations
multiples qu'à celle de leur conformité à une quelconque
rationalité politique prédéfinie. D'où l'urgence de
la mise en place des plateformes de concertation entre l'autorité
régulatrice et les commerçants de trottoir à l'effet
d'implémenter une politique éducative participative, telle
qu'encouragée par les paradigmes d'éducation extrascolaire.
La bonne gouvernance urbaine résulte davantage de la
production progressive de normes de comportement, de règles de
réciprocité, de routines de coopération au fil de la
densification des réseaux d'interaction qui maille les systèmes
d'acteurs urbains (Pinson, 2003, p.40). La coopération, la coordination,
et la convergence des interventions ne sont plus obtenues par l'inscription des
acteurs dans des dispositifs réglementaires et des cadres
organisationnels formels à grand renfort de la répression
institutionnelle mais résultent de la sécrétion par et
dans les réseaux d'interactions de normes de comportement,
d'identités d'action, etc.
In fine, l'activité de gouvernance urbaine
doit consister de plus en plus en des activités d'implication, de
négociation, de mobilisation et d'accompagnement de la
« formation incrémentale des choix
collectifs ». La logique de la gouvernance urbaine doit donc se
faire « pour » et « avec » les
bénéficiaires.
Comme le suggère également Ela Jean Marc (2001),
pour le développement de l'Afrique, il faut passer de la recherche
« pour » les populations à la recherche
« avec » les populations.
« (...) il faut éviter de plaquer sur les
gens des catégories qui leur sont extérieures. La démarche
de recherche qu'il faut tenter aujourd'hui consiste à marcher avec les
gens et à découvrir avec eux leur savoir et le sens que celui-ci
véhicule. (...) Au lieu de refouler ce que les gens savent, il s'agit de
redonner toute sa valeur à la mémoire collective afin de
permettre à une société de retrouver son potentiel de
connaissance et d'action. » (Ela, 2001, p.40).
CHAPITRE 10: CONCLUSION GENERALE
La présente étude, intitulé
« style autoritaire en éducation extrascolaire et
résistance au changement : Cas des commerçants de trottoirs
du marché Melen »,a eu pour objectif principal
d'étudier le lien de causalité entre le style autoritaire en
éducation extrascolaire à l'ordre urbain et la résistance
au changement des commerçants de trottoirs. En d'autres termes, il a
été question de vérifier si en matière
d'éducation extrascolaire, notamment orientée vers une
clientèle adulte, une démarche autoritaire ne produirait pas un
effet boomerang.
Cette recherche est en effet inspirée d'un
étonnement issu du constat d'une sorte d'invalidité de la
théorie du « conditionnement
opérant », appliquée aux commerçants de
trottoirs. En effet, Skinner démontrait à la faveur de la
théorisation du « conditionnement opérant »
qu'on peut développer chez un sujet un comportement souhaité soit
en augmentant chez ce dernier la fréquence dudit comportement
jusqu'à habituation, soit en diminuant les occurrences du comportement
indésirable jusqu'à extinction. Pour ce faire, il
préconisait l'usage de certains stimuli, notamment le
« stimulus aversif ». Il s'agit dans ce cas de faire vivre
au sujet une expérience douloureuse,grâce à un
« renforçateur négatif », qui
consiste au « retrait » de la nuisance tant que le sujet
pose l'acte souhaité, ou grâce à une
« punition positive» qui consiste au
« rajout » de la nuisance jusqu'à disparition du
comportement indésirable.
Notre étonnement a surgi du fait que dans le cas des
commerçants de trottoirs, les pouvoirs publics font montre
d'ingéniosité en matière de répression(stimulus
aversif) sans parvenir à faire varier la vitalité du comportement
d'occupation marchande des trottoirs.
Fort de ce constat, nous nous sommes posé la question
de savoir si au demeurant, le style autoritaire des pouvoirs
publicsn'était pas responsablede la résistance au changement des
commerçants de trottoirs. Nous avons fait l'hypothèse que :
« le style autoritaire en éducation extrascolaire à
l'ordre urbain induit la résistance au changement des commerçants
de trottoirs ». Cette hypothèse a elle-même
donné naissance à trois hypothèses de recherche dont
l'épreuve avecles données de terrain ont permis de valider deux
d'entre elles. En effet, il a été établi les
résultats suivants :
Ø Résultat HR1:
HR1: L'imposition des mesures de l'ordre
urbain suscitela résistance au changement des commerçants de
trottoirs.
H0 : Il n'existe
pas de relation entre l'imposition des mesures de l'ordre urbain et la
résistance au changement des commerçants de trottoirs.
Ha: Il existe un lien significatif
entre l'imposition des mesures de l'ordre urbain et la résistance au
changement des commerçants de trottoirs.
Pour á=0,05, on a X2cal=20,572 =
X2lu=12,59. Alors, Ho est rejetée et Ha est
retenue. HR1 est donc confirmée
Le coefficient de contingence (C) est égal à
0,334. Ce qui signifie que l'effet de l'imposition des mesures sur la
résistance au changement est de taille moyenne.
Ø Résultat HR2:
HR2: L'intimidation des commerçants de
trottoirs suscite la résistance au changement de ces derniers.
H0 : Il n'existe
pas de relation entre l'intimidation des commerçants de trottoirs et la
résistance au changement de ces derniers.
Ha: Il existe un lien significatif
entre l'intimidation des commerçants de trottoirs et la
résistance au changement de ces derniers.
Pour á=0,05, on a X2cal=11,294 =
X2lu=12,59. Alors, Ho est retenue et Ha est
rejetée. HR1 est donc infirmée.
Ø Résultat HR3:
HR3: La violence orchestrée par les
autorités en charge de l'ordre urbain suscite la résistance au
changement des commerçants de trottoirs.
H0 : Il n'existe
pas de relation de dépendance entre la violence des autorités et
la résistance au changement des commerçants de trottoirs.
Ha: Il existe une relation de
dépendance entre la violence des autorités et la
résistance au changement des commerçants de trottoirs.
Pour á=0,05, X2cal=26,995 =
X2lu=16,92. Alors, Ho est rejetée et Ha est
retenue. HR2 est donc confirmée.
Le coefficient de contingence (C) est égal à
0,376. Ce qui signifie que l'effet de la violence des pouvoirs publics sur la
résistance au changement des commerçants de trottoirs est de
taille moyenne.
Il en résulte que la démarche essentiellement
autoritaire de lutte contre le phénomène d'occupation marchande
des trottoirs n'est pas appropriée pour juguler le
phénomène. D'une part, le style autoritaire se situe aux
antipodes des recommandations en matière d'éducation
extrascolaire et contribue davantage à braquer les commerçants
plutôt qu'à changer leur attitude vis-à-vis du trottoir.
D'autre part, étant donné la longue accoutumance des populations
à exploiter le trottoir aux fins commerciales, les adeptes du commerce
de trottoir entre en situation de réactance psychologique dès
l'instant où, de manière autoritaire, l'on essaye de les y
déloger. Cette réactance psychologique se manifeste par un
désir plus ardent d'exercer leurs activités aux lieux interdits.
Il a par conséquent été
suggéréde noter que, pour un aménagement pérenne de
l'espace urbain, les institutions publiques ne devraient plus avoir comme
vocation centrale de porter un projet politique substantiel. Leur rôle
doit se déplacer davantage vers la fourniture d'un cadre institutionnel
permettant aux interactions sociales, des dialogues entre les différents
acteurs de la ville (commerçant et régulateurs), de
manière à déboucher sur la construction collective des
solutions et des connaissances permettant de prendre en charge les
problèmes qui surviennent et, in fine, aboutir sur un projet
partagé et consensuel.D'où l'idée d'une démarche
éducative plus inclusive, participative, intégrative et
concertée entre les pouvoirs publics et les commerçants de
trottoirs.
Toutefois, cette recherche n'étant qu'un pavé
jeté dans la marre, d'autres recherches dans ce domaine sont
nécessaires afin d'établir scientifiquement l'efficacité
des démarches suggérées.
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Yaoundé. Yaoundé, Cameroun
ANNEXES
LISTE DES ANNEXES
ANNEXE 1 :
QUESTIONNAIRE
1
ANNEXE 2 :
AUTORISATION DE RECHERCHE FSE-UY1
122
ANNEXE 3 :
AUTORISATION DE RECHERCHE DE LA CUY
123
ANNEXE 4 : ORDRE DE
SERVICE DE LA CUY
124
ANNEXE 5 : LISTE DES
AGENTS ENQUÊTEURS
125
CHAPITRE 11: ANNEXE
1 : QUESTIONNAIRE
CHAPITRE 12:
ANNEXE 2 : AUTORISATION DE RECHERCHE FSE-UY1
CHAPITRE 13:
ANNEXE 3 : AUTORISATION DE RECHERCHE DE LA CUY
CHAPITRE 14:
ANNEXE 4 : ORDRE DE SERVICE DE LA CUY
CHAPITRE 15:
ANNEXE 5 : LISTE DES AGENTS ENQUÊTEURS
TABLE DES
MATIERES
DEDICACE
I
REMERCIEMENTS
II
RESUME
III
ABSTRACT
IV
SOMMAIRE
V
LISTE DES TABLEAUX
VII
LISTE DES FIGURES
VIII
LISTE DES ABREVIATIONS
IX
INTRODUCTION GENERALE
1
PREMIERE
PARTIE : CADRE THEORIQUE
4
CHAPITRE 1: PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE
5
1.1. CONTEXTE ET JUSTIFICATION
5
1.2. PROBLÈME DE L'ETUDE
8
1.2.1. Formulation du problème :
constat empirique
8
1.2.2. Position du problème
11
1.2.3. Enoncé du problème
12
1.3. QUESTIONS DE RECHERCHE
12
1.3.1. Question principale
12
1.3.2. Questions secondaires
12
1.4. HYPOTHÈSES DE L'ÉTUDE
13
1.4.1. Hypothèse
générale
13
1.4.2. Hypothèses de recherche
13
1.5. OBJECTIFS DE L'ÉTUDE
13
1.5.1. Objectif général
13
1.5.2. Objectifs spécifiques
13
1.6. INTÉRÊTS ET PERTINENCE DE
L'ÉTUDE
14
1.6.1. Intérêt scientifique
14
1.6.2. Intérêt social et
pragmatique
14
1.6.3. Intérêt personnel
15
1.7. DÉLIMITATION DE
L'ÉTUDE
15
1.7.1. Délimitation
thématique
15
1.7.2. Délimitation
spatio-temporelle
15
1.8. DÉFINITION DES CONCEPTS
16
1.8.1. Style autoritaire
16
1.8.2. Education extrascolaire
16
1.8.3. Résistance au changement
17
1.8.4. Espace urbain
18
1.8.5. Désordre urbain
20
CHAPITRE 2: REVUE DE LA LITTERATURE
23
2.1. AUTOUR DU COMMERCE SUR TROTTOIRS
23
2.1.1. Trottoirs comme espace public
privatif
23
2.1.2. Trottoirs comme marqueurs de la
présence-absence de l'Etat
24
2.1.3. Trottoirs entre normes
étatiques et normes sociales
26
2.1.4. Désordre inventif et
d'innovation sociale
27
2.2. DE L'EDUCATION A L'EDUCATION
EXTRASCOLAIRE
29
2.2.1. Clarification du concept
éducation
29
2.2.2. Education extrascolaire
32
2.2.2.1. Fondement historique de
l'éducation extrascolaire
32
2.2.2.2. Fonctions de l'éducation
extrascolaire
35
2.2.2.3. Chantiers de l'éducation
extrascolaire
37
2.3. AUTOUR DE LA RESISTANCE AU
CHANGAMENT
39
2.3.1. Clarification du concept de
résistance au changement
39
2.3.2. Manifestations de la
résistance au changement
40
2.3.3. Raisons de la résistance au
changement
41
2.3.4. Préventions de la
résistance au changement
43
CHAPITRE 3: THEORIES EXPLICATIVES
45
3.1. THÉORIE DE LA RÉACTANCE
PSYCHOLOGIQUE
45
3.2. THÉORIE DU CHANGEMENT
48
3.2.1. Modèle de changement de Kurt
Lewin
48
3.2.2. Modèle de changement de
Collerette et al.
49
3.2.3. Modèle de changement de Coch
et French
52
3.3. THÉORIE DE L'ANDRAGOGIE
52
3.3.1. Modèle andragogique de Malcom
Knowles
54
3.3.2. Modèle d'apprentissage
expérientiel de Kolb
56
DEUXIEME
PARTIE : CADRE METHODOLOGIQUE ET OPERATOIRE
60
CHAPITRE 4: METHODOLOGIE DE L'ETUDE
61
4.1. RAPPEL DU PROBLÈME ET DE LA
QUESTION DE RECHERCHE
61
4.1.1. Problème de recherche
61
4.1.2. Question de recherche
61
4.2. RAPPEL DES HYPOTHÈSES DE
RECHERCHE
61
4.2.1. Hypothèse
générale et ses variables
61
4.2.2. Hypothèses de recherche
63
4.2.3. Tableaux synoptiques des variables de
l'étude
63
4.3. TYPE DE RECHERCHE
64
4.4. SITE DE L'ÉTUDE
65
4.5. POPULATION DE L'ETUDE
65
4.5.1. Population générale
65
4.5.2. Population cible
68
4.5.3. Population accessible
69
4.6. ECHANTILLON DE L'ETUDE
69
4.6.1. Technique
d'échantillonnage
69
4.6.2. Echantillon
sélectionné
69
4.7. INSTRUMENTS DE COLLECTE DES
DONNÉES
70
4.7.1. Justification du choix de
l'instrument
70
4.7.2. Présentation de
l'instrument
70
4.8. DÉMARCHE DE COLLECTE DES
DONNÉES
71
4.8.1. Test du questionnaire
71
4.8.2. Enquête proprement dite
71
4.9. TECHNIQUES D'ANALYSE DES
DONNÉES
72
4.9.1. Techniques de traitement et d'analyse
des données
72
4.9.2. Programmes informatiques
72
4.9.3. Analyse inférentielle
72
4.9.4. Technique du Khi-carré
73
CHAPITRE 5: PRESENTATION ET ANALYSE DES
RESULTATS
75
5.1. ANALYSE DESCRIPTIVE DES
RÉSULTATS
75
5.1.1. Activités menées sur
les trottoirs
75
5.1.2. Zone de résidence des
enquêtés
76
5.1.3. Age des enquêté
77
5.1.4. Sexe des enquêtés
77
5.1.5. Statut matrimonial des
enquêtés
78
5.1.6. Niveau de responsabilité
parentale des enquêtés
78
5.1.7. Nombre d'enfants à charge
79
5.1.8. Niveau d'instruction des
enquêtés
80
5.1.9. Religion des
enquêtés
80
5.1.10. Région d'origine des
enquêtés
81
5.1.11. Durée de vie des
enquêtés à Yaoundé
81
5.1.12. Situation foncière des
enquêtés
82
5.1.13. Connaissance de l'administration
régulatrice
82
5.1.14. Connaissance des raisons
d'éviction
83
5.1.15. Perception de l'imposition des
mesures par les enquêtés
83
5.1.16. Perception de l'intimidation par les
enquêtés
84
5.1.17. Perception de la violence par les
enquêtés
84
5.2. ANALYSE INFÉRENTIELLE DES
RESULTATS
85
5.2.1. Vérification des
hypothèses (Test du Khi carré)
86
5.2.2. Vérification de la
première hypothèse de recherche (HR1)
86
5.2.3. Vérification de la
deuxième hypothèse de recherche (HR2)
90
5.2.4. Vérification de la
troisième hypothèse de recherche (HR3)
93
CHAPITRE 6: INTERPRETATION DES RESULTATS ET
SUGGESTIONS
97
6.1. HYPOTHÈSES DE RECHERCHE HR1 ET
HR3
97
6.1.1. Rappel sur HR1
97
6.1.2. Rappel sur HR3
98
6.1.3. Interprétation des
résultats de HR1 et HR3
99
6.2. HYPOTHÈSE DE RECHERCHE HR2
103
6.2.1. Rappel sur HR2
103
6.2.2. Interprétation des
résultats de HR2
104
6.3. SUGGESTIONS AUX AUTORITÉS EN
CHARGE DE L'ORDRE URBAIN
104
CONCLUSION GENERALE
107
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
110
ANNEXES
117
TABLE DES MATIERES
126
* 1Nombre d'individus qui
appartiennent à une collectivité donnée
* 2 Nombre d'individus sur une
surface donnée du sol
* 3 L'intensité des
communications et des échanges entre les individus
* 4 Ou encore
« solidarité de similitude », elle est
caractéristique des « sociétés simples »,
« primitives »
* 5 Ou encore
« solidarité de différenciation », elle est
caractéristique des « sociétés
complexes », « moderne »
* 6 Nombre des individus qui
appartiennent à une collectivité donnée (Durkheim,
1893)
* 7 Nombre d'individus sur une
surface donnée du sol (Durkheim, 1893)
* 8 L'intensité des
communications et des échanges entre les individus (Durkheim, 1893)
* 9 De Yao Assogba pour
désigner Jean-Marc Ela.
* 10Chef de Service
Environnement et Hygiène de la Communauté Urbaine de
Yaoundé. Dans une communication à l'occasion du 1er FORUM URBAIN
NATIONAL. Sous le thème : « Désordre Urbain » :
Participation citoyenne et changement de comportements (2014).
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