CONCLUSION
Le contentieux des résultats de l'élection
présidentielle vise à protéger le respect de la
volonté politique du peuple. Cette protection figure parmi les
préoccupations de la communauté internationale et nationale. Ceci
justifie la mise en place des instruments juridiques qui constituent le droit
qui régit l'organisation des élections en RDC.Cette étude
a cherché à savoir si le droit électoral congolais permet
un traitement efficace du contentieux des résultats de l'élection
présidentielle. Il en ressort que le juge électoral peut
rectifier les résultats s'ils sont entachés d'erreur
matérielle. Il peut aussi annuler en tout ou en partie les
résultats issus de l'élection présidentielle lorsque les
irrégularités retenues ont influencé d'une manière
déterminante le résultat du scrutin. Ce pouvoir a
été renforcé en 2011 par l'insertion de l'article 74
quater(2)qui prévoit : « La juridiction saisie
prend toutes les mesures d'instruction nécessaires. La
Commissionélectorale nationale indépendante ainsi que toute
autorité politique ou administrative sonttenues de lui communiquer
toutes informations nécessaires en leur possession ». Il
s'agit d'une procédure inquisitoire où le juge est maitre de la
procédure et dispose de tous les moyens d'établir la
vérité du scrutin. D'où, le droit électoral
congolais permet un traitement efficace du contentieux des résultats de
l'élection présidentielle.
Une autre préoccupation tendait à savoir si la
CSJ et la CC avaientété à la hauteur de leurs taches en
rendant une justice électorale qui rencontre les aspirations techniques
de la loi électorale. Pour répondre à cette
préoccupation, trois décisions rendues par ces juridictions ont
été analysées. Nous avons constaté d'une part que
la CSJ et la CC statuaient exclusivement sur la base des PV et d'autres
pièces fournies par la CENI, dont elles sont appelées à
censurer les décisions. D'autre part, l'ensemble des griefs
soulevés par les requérants étaient rejetés faute
de preuve, mais sans approfondir l'examen des affaires par d'autres mesures
d'instruction. Si cette manière de faire pouvait se comprendre avant la
modification de la loi électorale en 2011, la CSJ et la CC n'ont pu
avancer avec l'évolution de la législation en continuant à
traiter les contentieux sur un mode largement accusatoire. D'où, elles
n'ont pas été à la hauteur de leurs tâches.
De ce fait, l'étude s'est penchée sur l'office
de la CSJ et de la CC en vue de déceler quelques faiblesses
structurelles et institutionnelles qui favorisent le mauvais traitement du
contentieux des résultats de l'élection présidentielle.
Elle conclut que la CSJ et la CC n'ont pas justifié d'une
indépendance d'action et d'une spécialisation en matière
de droit public et du contentieux électoral en particulier. Tout
d'abord, les juges à la CSJ et à la CCsont tous nommés par
ordonnance présidentielle. En particulier, pour la CC,le mode de
désignation fait en sorte que six juges tirent leur origine de la
volonté des institutions politiques. Cette coloration politique pose le
réel problème de l'indépendance vis-à-vis du
pouvoir politique.Il y a lieu de reconnaitre l'incidence que peut avoir cette
désignation sur l'indépendance ainsi que l'impartialité
des membres de la CC. Cependant, le juge constitutionnel devrait opposer une
sorte de droit d'ingratitude à l'organe politique l'ayant
désigné. Ceci désigne le droit ou même le devoir
qu'a le juge constitutionnel de ne pas se plier aux ordres, aux injonctions ou
aux menaces de l'autorité politique l'ayant désigné
d'autant plus qu'une fois nommé, l'autorité n'est plus pourvue de
pouvoir sur lui. D'où, la nécessité pour les membres de la
CC d'intérioriser ce socle d'indépendance
Pour ce qui est des juges à la défunte CSJ,
ilsdevaient avoir, en fait, une ancienneté de vingt ans au moins pour
parvenir à leur position. Ceci n'était pas importantpour avoir
une compétence juridique en matière du contentieux
électoral car les juges à la CSJ étaient recrutés
des juridictions inférieures, où étaient traitées
des questions essentiellement de droit privé et judiciaire, alors que
les affaires de droit public étaient rares. Ce manque de
compétence juridique spécialisée des hauts magistrats dans
le domaine du droit public électoral étaient parmi les griefs les
plus importants formulés contre la CSJ. Mais ils n'ont pas encore
été corrigésà la CC, vu les critères de
nomination des juges à cette juridiction.
Comme nous pouvons le constater, en réponse à
une autre préoccupation soulevée dans ce travail, la
jurisprudence électorale en RDC a été très
critiquée avec raison. Nonobstant ces critiques, la
matérialité de ces décisions comporte aussi quelques
mérites qu'il convient de souligner. Trois arrêts rendus c'est
déjà une bonne référence à partir de
laquelle on peut comprendre certaines notions de droits, à l'instar de
l'influence déterminante, de la procédureà suivre pour
contester les résultats issus d'un scrutin, de la qualité pour
agirdevant la CC ainsi que d'autres motifs d'irrecevabilité d'une
requête en matière de contentieux des résultats de
l'élection présidentielle.
Ayant constaté que le juge se contente des PV et
pièces lui transmis par la CENI, nous proposons au législateur de
renforcer le droit électoral congolais. Il devrait imposer que des
huissiers et des greffiers soient déployés sur le terrain lors
des opérations électorales afin de recueillir tant au niveau des
bureaux de vote et de dépouillement qu'aux centres locaux de
compilation, des fiches des résultats et toute autre pièce
pertinente dont le juge pourrait se servir lors de l'examen du contentieux des
résultats de l'élection présidentielle.
Par ailleurs, les critères de nomination comme juge
à la CC devaient être réviséspour permettre à
la CC de traiterefficacementle contentieux des résultats de
l'élection présidentielle. A l'état actuel du droit
positif, toute personne qui a une expérience dans le domaine politique
peut être nommée membre de la CC. Même le Président
de la CC peut être une personne qui n'a pas de compétence
spécifique en matière juridique.La Constitution et la Loi
organique portant organisation et fonctionnement de la CC se contentent de dire
que le Président de la CC est élu par ses pairs pour un mandat de
trois ans renouvelable une fois. Pour raison d'efficacité dans le
traitement des dossiers, parfois hautement techniques, la CC devrait être
composée uniquement des juristes.
Enfin de compte, les membres de la CC devraient être
désignésnon seulement parmi les juristes, mais aussi des
spécialistes de droit, singulièrement en matière
électorale. L'expérience politique devrait rester un
critère secondaire.Encore faudrait-il veiller à la formation
permanente des uns et des autres en matière électorale. Ces
propositions pour un meilleur traitement efficace du contentieux des
résultats de l'élection présidentielle en RDC devraient
continuer à susciter un grand intérêt chez les chercheurs
congolais.
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