IV. PROBLEMATIQUE
Les commissions électorales indépendantes ou les
organismes de gestion des élections à modèle
indépendant sont, à l'heure actuelle reconnus dans la
quasi-totalité des pays du monde en général, et en
particulier dans les pays d'Afrique comme le socle de renforcement et de la
consolidation de la démocratie. Toutefois, compte tenu de la mission qui
leur est assignée notamment de l'organisation des élections voire
des consultations démocratiques directes selon le cas, qui constitue une
tâche administrative très complexe, technique et se
déroulant toujours dans une atmosphère politique trop
agitée et chargée, la législation de la RDC à
l'instar de certaines d'autres législations de plusieurs pays de
l'Afrique et du monde, a pour le besoin de la tenue des élections
crédibles, transparentes et apaisées,
préféré de mettre en place après les vagues de la
démocratie des années 1990, un organisme de gestion à
modèle indépendant respectivement la CEI en 2004 et la CENI en
2010 jusqu'à nos jours.
Cette CENI de la RDC est sur base de l'article 211 de la
constitution et des articles 2, 4,5, 6 et 7,8, 9, 10 et 39 de la loi organique
N° 10/013 du 28 juillet 2010 telle que modifiée à ce jour,
une institution d'appui à la démocratique, neutre et
indépendante mais collaboratrice dotée non seulement de la
personnalité morale et de l'autonomie organique, matérielle et
financière mais aussi, dispose des membres qui sont
désignés et remplacés par les composantes politiques et
les ONG de société civile et ayant les pouvoirs des prendre de
manière indépendante et impartiale des décisions
importantes sur les opérations électorales et
référendaires indépendamment du gouvernement ou de
l'administration de l'Etat congolais.
Elle dispose aujourd'hui au sein de l'Etat Congolais, une
administration qui se présente comme l'a su bien décrire Jean
Mercier (19), comme un appareil à part
(19) L'administration se présente comme un
appareil, une machine. C'est un ensemble complexe des cellules assurant des
fonctions par l'exécution d'opérations intellectuelles ou
matérielles. Ces cellules sont, comme les rouages d'une machine,
disposées et liées entre elles selon certaines structures. Les
mécanismes de fonctionnement sont régis par les règles de
droit qui se matérialisent par des procédures. L'administration
est aussi un ensemble d'hommes. Ce sont des hommes de chairs et d'os qui l'ont
créée, qui en assument la machine ou en perturbent le
fonctionnement. Ces hommes, mus par de croyances et des intérêts,
collaborent ou s'opposent. Ils reflètent la société dans
laquelle ils vivent et agissent en retour sur elle. LireJean Mercier,
L'administration publique, De l'Ecole classique au nouveau
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entier qui comprend ainsi des structures organiques au niveau
national, provincial et local notamment le bureau, le secrétariat
exécutif national et ses directions et cellules, les secrétariats
exécutifs nationaux et les antennes et avec un nombre important des
personnes assurant des fonctions par l'exécution d'opérations
intellectuelles ou matérielles régies par une loi organique et
des règlements et décisions de la CENT.
En effet, sur le plan idéologique ou politique, cette
façon d'organiser et de faire fonctionner constitutionnellement et
légalement la CENT au sein de l'administration de l'Etat congolais peut
s'expliquer non seulement par le souci de la rendre le seul sujet de droit
habilité d'attribuer le pouvoir souverain émanant du peuple
congolais, mais aussi de rendre indépendant, neutre et impartial ses
animateurs vis-à-vis des parties prenantes aux élections qui ont
intérêt direct ou indirect dans le choix des représentants
du peuple ou le maintient de dictature dans la représentation du peuple
dans les institutions électives de l'Etat.
Par contre, sur le plan juridique, l'organisation et le
fonctionnement de la CENT ne s'expliquera sans susciter une question de la
nature juridique de la CENT et de ses agents dans l'organisation administrative
de la RDC.
C'est dans ce cadre que s'inscrite notre problématique
entendue d'abord comme « L'ensemble de problèmes pratiques,
conceptuelles et théoriques afférentes à une recherche
donnée » (20), et qui part des problèmes selon
lesquelles depuis 2004 lorsque le législateur congolais avait
décidé d'adopter la loi organisant la Commission Electorale
Tndépendante (CET), une institution transitoire créée aux
assises de dialogue inter congolais, les agents et cadres techniques de cette
institution qui lui étaient reconnus d'engager n'avaient pas statut
règlementaire, ils étaient régis par le droit commun de
contrats.
Ceci ressort des prescrits de l'article 23 de la loi
N°04/009 du 05 juin 2004 qui disposait comme suit : « La commission
électorale indépendante se dote des agents et cadres techniques
dont elle besoin pour son fonctionnement. Ces agents et cadres techniques sont
recrutés par elle exclusivement ou mis à sa disposition à
sa demande par les services publics compétents de l'Etat. Ils
relèvent du régime contractuel de droit commun. Toutefois, s'ils
sont des agents de carrière des services publics de l'Etat, ils sont mis
en détachement conformément à leur statut ». En vertu
cette disposition, il se dégage l'idée selon laquelle, si la CET
pouvait recruter une personne sur base du contrat de travail, ce sont les
dispositions du code du travail qui devraient être appliquées
intégralement. Par contre, si elle recrutait une personne dans le cadre
de contrat de louage des services, ou tout autre contrat, ce sont les
règles de code civil des obligations qui étaient
entièrement applicables.
Dans la pratique, ce régime contractuel de droit commun
qui était posé par cette loi de 2004 a connu des problèmes
sérieux de son application par les autorités
management public, Les presses de l'Université
Laval, Québec, 2002, p. 95.
(20) MUYUNGA MALANGO Kennedy, op. cit. p. 7.
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de la CET qui justifiait la sensibilité de la mission
cette dernière. Le président de la CET à cette
époque, feu Abbé Apollinaire MALUMALU pouvait même aller
loin en employant une phrase pour ériger un obstacle à certains
agents de la CET qui étaient mécontents de leur traitement par
rapport à leurs fonctions. Cette phrase était la suivante :
« la CET est une institution de mission et à ce titre, ces agents
ne sont que des missionnaires ».
Arrivée en 2010 lorsque la CET a cessé
d'être transitoire pour devenir permanente et en changeant l'appellation
de la CET à la CENT à travers la loi organique 2010, le
législateur de cette année avait réitéré son
homologue de 2004 en reprenant le même situation organique et
fonctionnelle des agents et cadres administratifs dans les articles 38, 39 et
40 et plus précisément l'article 39 de ladite loi organique qui
disposait : « Le statut des membres du secrétariat exécutif
relève du droit commun ». La même formulation sera reprise
à l'article 42 du règlement intérieur de 2011 de la
CENT.
Cependant, après la réforme de la loi organique
de 2010 qui a eu lieu en 2013 avec la loi organique N°13/012 du 19 avril
2013 modifiant et complétant la loi organique N°10/013 du 28
juillet 2010, les articles 38, 39 et 40 ont subi des modifications en
habilitant la CENT le pouvoir de fixer lui-même le statut de son
personnel administratif et technique dans le règlement administratif et
financier.
Sur ce, il a fallu attendre le 27 février 2017, date de
l'entrée en vigueur de ce règlement pour voir la CENT
ratifiée le pouvoir issu des dispositions de l'article 39 alinéas
2 de la loi organique sous analyse et fixer ce statut en « statut
particulier des agents et cadres administratifs et techniques de la CENT »
en vertu de l'article de l'article 55 de ce règlement qui dispose en ces
propos que : « La Commission Electorale Nationale Tndépendante est
une institution de mission. A ce titre, son personnel relève d'un statut
particulier défini par le présent règlement administratif
et financier et déroge au droit commun ».
Toutefois, en dépit de fixation de ce statut par ce
texte précité, le constat révèle sur terrain que,
la situation statutaire des agents et cadres de la CENT est quasiment loin
d'appliquée et respectée tant par l'institution CENT
elle-même que par l'Etat congolais dont cette dernière est
institutionnalisée.
Dans les chefs de certains membres de la CENT et voir de
certains agents, on nie toute qualité tant de fonctionnaire public que
de travailleur aux agents et cadres administratifs et techniques, ils ne sont
que des missionnaires. De leurs côtés, bon nombre d'agents que
nous avons eu à faire des entretiens, certaines ont d'une part, du mal
à déterminer la nature de leurs droits et obligations tant en
vers la CENT qu'envers l'Etat. Et de l'autre part, d'autres, ne font que des
murmures en déplorant des mauvaises conditions de service et des
décisions que les autorités de la CENT prennent au quotidien
à l'encontre de certains de leurs collègues de service à
tel enseigne qu'ils ne peuvent parler, autant mieux garder silence pour ne pas
perdre le poste. La
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conséquence ce que, la qualité des
opérations électorales est pas toujours quasiment
critiquée par les parties prenantes aux élections.
C'est pourquoi nous nous sommes posé une question
principale de savoir si les agents et cadres administratifs et techniques de la
CENI peuvent être régis par le statut particulier qui
déroge au droit commun fixé par la CENI elle-même dans
l'organisation administrative actuelle de l'Etat Congolais sans qu'ils ne
soient pas naturellement défiés? De cette question nous avons
voulu répondre à la préoccupation subsidiaire suivante :
Quelle est la nature statutaire des agents et cadres administratifs et
techniques de la CENI en droit positif congolais?
Voilà dans quelques mots, les questions auxquelles nous
tenterons de répondre provisoirement dans les lignes qui suivent aux
hypothèses de notre travail.
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