2.1.3. Le domaine et la construction du statut
Le domaine du statut est (190) le champ
d'application du statut. En effet, le problème du domaine d'application
du statut de la fonction publique présente, partout ailleurs, une
complicité particulière, irréductible à une formule
ramassée en quelques mots. Aussi bien, le statut du personnel de
certaines administrations procède-t-il par voie
d'énumération, soit en indiquant la liste des personnels qui
échappent à son empire, soit en énonçant
plutôt la liste de ceux qui lui sont expressément soumis. Il
s'agit là d'une technique la plus courante. Et pour Serge A. Vieux, il
est courant d'entendre dire à cet égard qu'il s'applique aux
« Agents de l'Etat ».
S'agissant de la constuction du statut, la mise en forme des
règles statutaires, plus exactement de certaines d'entre elles dans un
document unique a pris une importance considérable dans l'histoire
statutaire des personnes ou des institutions. Ainsi on distinguera :
(190) Serge A. Vieux, Op. cit, p. 13.
144
I. Le système du statut général
Il s'agit da la forme la plus parfaite du statut. Et on parle
de statut général « lorsque les différentes normes
législatives ou règlementaires relatives aux personnels
administratifs ont fait l'objet d'un effort d'ordonnancement, de mise en ordre
de leurs dispositions dans un ensemble hiérarchisé et que, au
sommet de cet ensemble de règles, se trouve placé un texte
regroupant un certain nombre de normes essentielles applicables, en principe,
à tous les personnels en question » (191).
1. Historique du système de statut
général
Historiquement, le système du statut
général a été plus ou moins entrevu par le premier
statut espagnol du 22 juillet 1918, et est repris au statut belge dit «
statut Camu »du 2 octobre 1937, enfin consacré finalement dans sa
plénitude, après la dernière guerre, dans le premier
statut général français du 19 octobre 1946. Ce
système a été transplanté par la suite dans la
plupart des Etats Africains d'expression française, il semble même
avoir « mordu » dans certaines administrations africaines
d'inspiration anglo-saxonne.
2. La vision historique du système de statut
général en droit positif congolais
En RDC en revanche, c'est le décret-loi du 20 mars 1965
qui introduit ce système en se place au sommet de la pyramide et
coiffé l'ensemble de la construction statutaire. Le souci exprimer dans
ce décret-loi en accord avec Serge A. Vieux, était
d'uniformité, d'unité. Cet objectif s'est poursuivi plus loin
dans les statuts antérieurs, il ne s'applique pas
Le 1er Juillet 1973 (192), le pays a
procédé à la reforme administrative qui sera
consacrée par l'ordonnance-loi N° 73-023 du 04 juillet 1973 avec
comme objectifs :
- La création d'une administration publique engagée
dans la révolution ;
- Le renforcement du degré de militantisme des agents
afin de les rendre disponibles à servir la Nation ;
- La décentralisation de la gestion du personnel ;
- La simplification des mécanismes statutaires par
l'allégement de procédures, des réglementations et des
travaux administratifs ;
- L'instauration du concours pour tout recrutement et toute
promotion ;
- L'abandon de la multiplicité des cadres statutaires
pour un seul type de carrière.
(191) Serge A. Vieux, Op. cit, p. 27.
(192) Exposés des motifs de la loi N° 81-003 du 17
juillet 1981 portant statut du personnel de carrière des services
publics de l'Etat telle que modifiée par l'ordonnance-loi N° 82-011
du 19 mars 1982, Journal officiel RDC-Kinshasa, Numéro
spécial -15 août 2004,.
145
Cela étant, soulignons que ces apports nouveaux cette
reforme, pour le législateur n'ont pas donné tous les
résultats escomptés. L'on a cessé de déplorer
l'absence de conscience professionnelle dans le chef des fonctionnaires, le
laisser-aller caractérisé et le manque total dynamisme, bref,
l'administration caractérisée par un malaise et des multiples
difficultés.
En 1981 est intervenue une autre reforme administrative avec
l'adoption de la loi N° 81-003 du 17 juillet 1981 portant statut du
personnel de carrière des services publics de l'Etat telle que
modifiée par l'ordonnance-loi N° 82011 du 19 mars 1982.
Ce qu'il faut retenir avec cette loi est qu'il y a eu :
- L'instauration d'un statut unique pour tous les agents de
l'administration publique, à l'exception des Magistrats ;
- Le renforcement des pouvoirs du Département
(Ministère) de la fonction en matière de gestion et de
contrôle du personnel de carrière des services publics de l'Etat
;
- La réinstauration de la carrière plane pour
certains emplois, des congés annuels et de circonstance ;
- L'instauration des primes ;
- L'extension du bénéfice de la prime de
diplôme à tous les cadres universitaires ;
- L'octroi de nouveaux avantages sociaux ;
- L'amélioration des conditions matérielles des
agents.
En effet, de manière générale, le statut
s'étendait à (aux) :
· L'administration de tous les départements
(ministères) y compris celle du commissariat général au
plan ;
· Le personnel administratif des services de la
Présidence de la République ;
· L'administration du comité central et du bureau
politique du Mouvement populaire de la révolution ;
· L'ensemble du personnel de l'administration du conseil
législatif comprenant les services administratifs proprement dits et les
services techniques ;
· L'administration du Comité exécutif du
Mouvement populaire de la révolution ;
· Le personnel administratif du bureau du Premier
commissaire d'Etat ;
· L'administration de la cour des comptes ;
· L'administration du Conseil national de
sécurité (C.N.S.), du Centre national de recherche et des
investigations (C.N.R.I) et du Service national d'intelligence (S.N.I) ;
· L'administration de la Chancellerie des Ordres
nationaux ;
· L'ensemble du personnel civil et militaire ouvrant
dans les Forces Armées Zaïroises et la Gendarmerie nationale.
En 2006, avec l'adoption de la constitution du 18
février 2006 qui mit en place la forme d'un Etat
régionalisé, l'appareil de gestion des agents des administrations
de l'Etat a été reorganisé constitutionnellement deux
volets administratifs.
146
A cet effet, la constitution sur pied des articles 122 point
12 et 202 point 8.sur de l'article 122 point 12 et les articles 193, 194 et 202
point 8 prévoit, d'une part, des services publics du pouvoir central,
des provinces et des entités territoriales décentralisées
organisés par la loi organique N° 16-001 du 3 mai 2016 et, d'autre
part, elle institue une fonction publique nationale la loi fixant les
règles relatives au statut des agents de carrière des services
publics de l'Etat et la fonction publique provinciale et locale
organisée par l'édit provincial.
Sur ce, conformément aux dispositions de l'article 2 de
la loi organique N° 16-001 du 3 mai 2016 et l'article 2 de la loi N°
16/013 du 15 juillet 2016, les agents de carrière de services publics de
l'Etat et qui forment le statut général sont ceux des
administrations suivantes:
1. Administration rattachée au Président de la
République ;
2. Administration rattachée au Premier Ministre ;
3. Administration de l'Assemblée Nationale ;
4. Administration du Sénat ;
5. Administration de la Cour Constitutionnelle et du Parquet
Général près la Cour Constitutionnelle ;
6. Administration des ministères ;
7. Administration des juridictions de l'ordre judiciaire et
de l'ordre administratif ;
8. Administration des parquets près les juridictions
de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif ;
9. Administration de la Cour des comptes ;
10. Administration de des services déconcentrés
de l'administration centrale du pouvoir central en provinces et au niveau des
entités territoriales décentralisées ;
11. Administration de la Chancellerie des Ordres nationaux
;
12. Administration de l'Agence Nationale de Renseignement
;
13. Administration de la Direction Générale de
Migrations ;
14. Le personnel civil des Forces Armées de la
République Démocratique du Congo ;
15. Le personnel civil de la Police Nationale.
De cette énumération limitative, on se rend
compte que l'administration de la CENT est exclue de son champ d'application,
et donc les agents et cadres de la CENT ne peuvent jamais être
considérés comme les agents de carrière des services
publics.
3. Le système du statut législatif
Le statut législatif (193) est le
système par lequel la constitution d'un Etat réserve à la
loi le soin de fixer les « principes fondamentaux, des garanties
fondamentales accordées aux fonctionnaires civils, militaires et
(jucdiciares)».
(193) Serge A. Vieux, Op. cit, pp. 28-29.
147
Complétant le principe du statut général, la
règle ici posée est double :
Dans le premier volet, elle énonce d'abord que les
matières traitées au statut rentrent dans le domaine
législatif, autrement dit, qu'elles devront faire objet d'une loi.
Et dans le deuxième volet, que l'autorité
législative interviendra au niveau du statut général pour
édicter seulement les « principes fondamentaux » d'ordre
statutaire.
Quant aux questions qui ne revêtent pas un
caractère « fondamental » et qui relèvent plutôt
de l'application des principes statutaires, elles tombent dans le domaine
réglementaire. En effet, le renvoi au domaine réglementaire des
mesures d'application du statut trouve un fondement juridique nouveau dans la
constitution « Les matières autres que celles qui sont du domaine
de la loi, ont un caractère réglementaire ».
La conséquence importante de la coexistence du domaine
statutaire réservé à la loi et d'un domaine statutaire
réglementaire est que les textes législatifs intervenus
antérieurement dans les matières qui, d'après les
dispositions de la constitution du 18 février 2006, ne relèvent
plus du domaine de la loi, pourront être modifiées par voie de
décret du premier, tandis que les textes réglementaires
intervenus antérieurement dans les matières qui, d'après
les dispositions de la constitution, relèvent du domaine de la loi, ne
pourront être modifiées que par voie des lois.
Sont actuellement législatifs en RDC :
V' le statut des agents de carrière des services
publics de l'Etat régis par la loi n° 16/013 du 15 juillet 2016
portant statut des agents de carrière des services publics de l'Etat;
V' Le statut du personnel de lenseignement supérieur et
universitaire régis par la loi N° 18/038 du 29 décembre 2018
portant statut du personnel de l'enseignement supérieur, universitaire
et de la recherche scientifique qui relève désormais du domaine
de la loi en vertu de l'article 122 point 12 de la constitution ;
V' Le statut des Magistrats régis par la loi organique
N°06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats qui cadre avec
l'esprit et l'ordre constitutionnels nouveaux de l'article 150 de la
constitution qui proclame l'indépendance du pouvoir judiciaire
vis-à-vis des pouvoirs législatifs et exécutif;
V' Le statut des militaires de la RDC régis par la loi
N° 13/005 du 15 janvier 2013 portant statut du militaire des forces
armées de la RDC qui tient compte des contraintes de métier des
armes ;
V' Le statut de la police congolaise régis par loi
N° 13/013 du 1er juin 2013 portant statut du personnel de
carrière de la Police Nationale Congolaise qui cadre avec les
dispositions de l'article 122 point 15 de la constitution et une suite logique
de la loi organique N°11/013 du 11 août 2011 portant
148
organisation et fonctionnement de la Police Nationale
Congolaise et qui tient compte des conditions particulières du travail
du policier.
4. Le système de statut règlementaire
Le statut règlementaire est le système qui, dans
le souci de l'assouplissement de gestion de services publics, certains des
services de l'Etat sans avoir la personnalité juridique, mais
dotés de l'autonomie administrative et financière, se voient
leurs personels être régis par un statut fixé par un
règlement qui prend soin de compléter ou de restreindre certains
« principes fondamentaux, des garanties fondamentales accordées par
le statut législatif.
Complétant ou restreignant le principe du statut
législatif, la règle ici posée est double : Dans le
premier volet, elle énonce d'abord que les matières
traitées au statut sont prises en exécution d'un texte
législatif statutaire, autrement dit, qu'elles viennent compléter
une loi.
Et dans le deuxième volet, que l'autorité
éxécutive intervient au niveau du statut règlementaire
pour édicter seulement les « dispositions spécifiques ou
particulières » liées aux conditions de prestation en tenant
compte soit de besoin de l'efficacité, soit des
spécificités des missions de service. C'est dans ce sens que
généralement les statuts réglementaires sont
qualifiés des « statuts particuliers ».
Dans cette occurrence, nous pouvoir citer pour le cas de
statut législatif des agents de carrière des services publics de
l'Etat de RDC, les cas des statuts règlmentaires ci-après :
- Les médécins des services publics de l'Etat,
qui tout en étant régis par le statut des agents de
carrière des services publics, ont un statut spécique fixé
par le décret N°06/130 du 11 octobre 2006 portant statut
spécifique des médicins des services publics de l'Etat ;
- le décret N° 018/2003 du 02 mars 2003 portant
règlement d'administration relatif au personnel de carrière de la
Direction Générale des Impôts,
- Le règlement administration relatif au personnel de
carrière de la Direction Générale des Douanes et
assises,
- le décret N° 13/056 du 13 du décembre
2013 portant statut des mandataires publics dans les établissements
publics à l'exception du personnel de l'enseignement supérieur,
universitaire et recherche scientifique.
Ainsi donc, la conséquence juridique du statut
règlementaire est qu'il doit être conforme au statut
législatif dont il vient compléter sous peine de la sanction
d'illégalité devant le juge administratif.
149
|