§2. LA PARTICULARITE DU STATUT DES AGENTS ET CADRES
ADMINISTRATIFS ET TECHNIQUES DE LA CENI : UNE PARTICULARITE MATERIELLE OU
FONCTIONNELLE DU STATUT?
2.1. La notion du statut au sens formel et le statut
particulier des agents et cadres adminsitratifs et techniques de la CENI
Il convient de noter qu'au sens matériel, le statut «
Vise un ensemble des règles déterminées et il implique que
ces règles ont été édictées,
octroyées unilatéralement aux personnes qui y sont soumises sans
que celles-ci aient eu à débattre du contenu de la condition
juridique qui leur est ainsi faite » (182) Ainsi, on parlera
par exemple du « statut » de la femme mariée, du « statut
»des colonies en droit international.
2.1.1. La différence théorique entre le
statut et le contrat
Il s'agit ici de répondre à la question de
savoir « Que signifie être sous statut ?». La
compréhension de cette question exige de se référer aux
deux grandes conceptions qui s'opposent et se partagent les régimes
d'emploi, en ce qui concerne la nature du lien entre le fonctionnaire et
l'administration ?
I. La conception contractuelle ou système de
poste
Dans ce système (183), il n'y a pas de
carrière administrative proprement dite : l'agent n'est pas
recruté pour travailler, sa vie professionnelle durant, au service de
l'Etat, il est engagé pour occuper un poste ou emploi donné pour
une période déterminée ou non. C'est dans ce sens que
cette conception est dite de poste ou emploi (ou des positions).
Au sens juridique du terme au surplus, cette conception se
caractérise par le fait que l'Etat recrute son personnel comme
l'entreprise privée de fait, c'est-à-dire, par un contrat
établi conformément à la règlementation en vigueur
sur le louage de service, contrat du travail. L'investiture de l'agent
résulte d'un acte bilatéral, contrat, consacrant l'accord de
volonté librement conclu entre l'Etat, personne morale, et son
employé.
En principe, les parties qui sont dans les rapports
contractuels sont placées sur le même pied
d'égalité. En fait, étant compte tenu de
déséquilibre évident des parties en cause, le lien
contractuel, s'il demeure égalitaire en apparence, résulte
plutôt d'une adhésion de l'agent aux clauses d'un contrat-type
unilatéralement et préalablement fixé par l'Etat. Ces
clauses revêtent généralement « un caractère
(182) Serge A. Vieux, Le statut de la fonction publique, le
décret-loi du 20 mars 1965, Office national de la recherche et
du développement (ONRD), Kinshasa, 1970, p. 27.
(183) Serge A. Vieux, Op. cit, p. 3.
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obligatoire, presque réglementaire », et on a pu
écrire à juste titre que, tout pesé, « le contrat a
perdu sa substance véritable, il est dénaturé ».
II. La conception statutaire ou de
carrière
Cette conception s'oppose point par point à la
conception contractuelle.
De prime abord, Serge A. Vieux souligne (184) que
le fonctionnaire y jouit d'une garantie de permanence dans l'administration, il
est appelé à y faire une carrière. Et cette
dernière est, en principe, ascendante, en ce sens qu'elle comporte une
hiérarchie stricte de rémunérations, des grades et de
responsabilités dont les échelons sont gravis progressivement par
l'agent, selon les modalités d'avancement préétablies.
En effet, l'organisation des carrières fait
généralement l'objet, dans ce système, d'un texte ou d'une
série de textes dénommés « statuts ». Sur le
plan juridique, ce ou ces statuts consistent en un ensemble de dispositions
fixant « par dessus la tête » des agents si, l'on peut dire,
l'ensemble des droits, des obligations et des normes de service auxquelles ces
agents seront soumis.
De la même manière, ces dispositions pourront
être modifiées ou abrogées unilatéralement à
tout moment ; l'agent ne pourra s'y opposer en invoquant des « droits
acquis » à la situation qui était la sienne sous l'empire de
la réglementation antérieure. C'est ainsi qu'on dit dans ce
système que la solution
statutaire, la situation juridique de l'agent est «
légale » ou qu'elle est « réglementaire ».
C'est ici le moment de rappeler que la situation juridique de
l'agent, c'est la sa position en tant que sujet de droit par rapport à
une règle déterminée. Cette situation emprunte la
généralement ses caractères à la norme qui la
crée. A cet effet, on distinguera à titre illustratif :
- Les situations juridiques objectives ou impersonnelles
qui découlent d'un acte-règle, autrement dit d'une
loi ou d'un règlement à portée générale et
impersonnelle ;
- Les situations juridiques subjectives ou
individuelles, qui résultent par contre d'un acte juridique
à portée limitée et individuelle.
Avec cette distinction, il y a lieu de dire que les statuts du
personnel administratif sont des « actes-règles », et qu'ils
confèrent aux agents en cause une situation objective,
c'est-à-dire une situation établie de manière
impersonnelle pour l'ensemble de ces agents ou pour une catégorie
donnée entre eux.
(184) Serge A. Vieux, Op. cit, pp. 3-4.
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III. Le caractère juridique unilatéral des
dispositions statutaires
Ce caractère résulte des
nécessités de la continuité du service public et aussi,
probablement, de la conception même de la carrière dont
bénéficient les fonctionnaires (185) :
a. A tout moment en effet, l'autorité administrative
doit pouvoir modifier, rapidement et sans obstacles juridiques, l'organisation
du service et la situation des agents qui y travaillent, dès que des
raisons d'intérêt général le requièrent ;
b. Il y a également peut-être, une certaine
corrélation entre le caractère permanent de carrière et la
nature juridique du fonctionnariat. L'administration ne peut prévoir
à long terme tout ce qui, sur le plan des faits économiques,
financiers, politiques ou sociaux, viendra affecter la conjoncture
administrative nationale et rendre indispensable l'adaptation de la situation
statutaire consentie aux fonctionnaires. Ne faut-il pas, à certain
moment, modifier le barème des traitements par exemple, pour faire face
à certaines difficultés budgétaires ? Augmenter les primes
d'encouragement à certains cadres ou certaines catégories de
personnel pour surmonter une difficile période de pénurie dans le
secteur en cause ? Réduire ou allonger la durée de la
carrière ? Remodeler le régime des positions, pour tenir compte
de certains abus constatés ?..
En conclusion sur deux sortes de conceptions, il y a lieu de
relever que sur le plan théorique, ce qui caractérise les deux
systèmes sont (186):
- Pour la conception contractuelle, il y a :
? L'existence d'un contrat conclu (tacitement ou
expressément) entre l'Etat et son agent ;
? La précarité d'un lien de service
établi entre l'administration (le contrat peut être
résilié ou ne pas être reconduit).
- En revanche, en ce qui concerne la conception statutaire,
ces traits sont à noter :
? La permanence du lien de service (l'agent fait carrière)
;
? La soumission de l'agent à un ensemble de règles
législatives ou régimentaires
fixées unilatéralement par l'Etat et modifiables de
même à tout instant.
Cependant, sur le plan pratique, cette distinction de deux
conceptions est moins tranchée qu'elle ne le fait paraît de prime
abord :
1. Dans le régime de la carrière, l' «
inamovibilité » du fonctionnaire connaît aussi des limites.
L'agent peut, soit pour des fautes disciplinaires, pour inaptitude physique ou
insuffisance professionnelle grave, voire dans certains pays, pour force majeur
tout simplement (suppression d'emploi par exemple), se voir être
licencié de son emploi.
2. Mais, il faut souligner que dans les régimes
d'emploi, certains contrats-types, comme les conventions collectives du secteur
privé du reste, tendent à revêtir
(185) Serge A. Vieux, Op. cit, pp. 4-5.
(186)Serge A. Vieux, Op. cit, p. 5.
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un caractère quasi-statutaire, tandis qu'il est aussi
à constater que les syndicats et les associations des fonctionnaires
débattent librement, en fait, des dispositions des statuts qui
s'appliqueront, unilatéralement en apparence, à leurs
affiliés.
Bref, tout dépend donc du contenu des garanties
renfermées dans le statut ou le contrat. En ce qui concerne en
particulier l'irrévocabilité ou la précarité de
l'emploi, on passe à la limite, insensiblement, des situations
quasi-statutaires à des situations quasi-contractuelles et vice-versa
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