SECONDE PARTIE : UNE PROTEC
ECONDE PARTIE : UNE AFFIRMATION
PERFECTIBLEPERFECTIBLE
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« Les lois sont presque toujours
justes
dans leur principe, presque toujours fausses dans
leur application » MONTESQUIEU215
La protection des personnes vulnérables au Niger, bien
qu'ayant fait l'objet d'une affirmation normative et organique se trouve
effritée dans la pratique. Ainsi : « l'ordre normatif
rationnel que connait le juriste est perturbé par la pratique et dans la
pratique »216. Beaucoup d'efforts ont
été constatés mais ils en restent beaucoup à
entreprendre dans le dispositif protecteur, d'où la manifestation d'une
justification de la perfectibilité (CHAPITRE I), afin de dégager
les voies et moyens permettant d'offrir aux personnes vulnérables les
perspectives d'une meilleure protection (CHAPITRE II).
215 MONTESQUIEU, De l'esprit des lois,
édition Garnier, Paris 1961, p. 378.
216 Bachir IDRISSA TALFI, « Quel droit
à la famille au Niger ? Le pluralisme juridique en question »,
in Annales Africaines : Revue de la faculté de
sciences juridiques et politiques( UCAD), 2015, p. 6.
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Chapitre I : La justification de la
perfectibilité
La justification est perçue comme cette action de
justifier un résultat, une action217. Ainsi, la protection
des personnes vulnérables est confrontée à des
défaillances (Section I) d'une part et les insuffisances liées
à la mise en oeuvre de la protection d'autre part (Section II).
Section I : Les défaillances de la
protection
Pouvant être définie comme « le fait de
ne pas donner entière satisfaction dans une mission
déterminée »218. Cette défaillance se
caractérise par le non-respect des droits appartenant aux personnes
vulnérables (paragraphe I) et l'effritement de la prévention
(paragraphe II).
Paragraphe I : Le non-respect des droits des personnes
vulnérables
Le non-respect des droits des personnes vulnérables
s'observe par des atteintes commises sur leurs intégrités
physiques (A) mais également des atteintes commises sur leur vie
privée (B).
A- Les atteintes à l'intégrité
physique des personnes vulnérables
Les personnes vulnérables font aussi l'objet des
atteintes, les violences faites aux femmes et aux filles, bien qu'elles soient
reconnues comme étant un phénomène international, se
manifestent sous différentes formes219, aucune
catégorie n'est épargnée : elles touchent aussi bien les
riches que les pauvres, les citadins que les ruraux, les chrétiens que
les musulmans, les noirs que les blancs220. A cela, il faut ajouter
les croyances sexistes qui donnent à l'homme le pouvoir de maltraiter sa
femme, l'infantilisation de la femme. La violence sexiste revêt plusieurs
formes221.
217 Gérard CORNU, Vocabulaire
juridique, op. cit., p. 595
218 Ibid., p. 309.
219 Des formes souvent liées au milieu socioculturel,
politique et économique.
220 Bref les violences faites à cette catégorie
de personnes vulnérables touchent toutes les classes sociales, toutes
les ethnies et tous les âges.
221 Elle peut être physiques d'où, les
bousculades, gifles, coups et blessures, étranglement, brûlures,
viol, attentat à la pudeur, pratiques sexuelles non voulues, gavage.
Cette violence sexiste a un caractère psychologique, les insultes,
menaces, harcèlements, jalousies, possessivités, isolement. En
plus de cela, la violence sexiste est d'ordre économique :
contrôle du budget des revenus, exclusion du droit à
l'héritage. Elle
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Les coups et blessures constituent la première forme de
violence notée, pouvant entraîner une incapacité temporaire
ou définitive, voire la mort. Les données fournies par les pays
laissent apparaitre un nombre élevé de cas de coup et blessures
entraînant parfois des décès. Les coups et blessures
constituent 43,2% des cas sexistes au Niger222. Pendant longtemps,
les coups et blessures sur les femmes ont, pour l'essentiel, été
perçus dans le cadre des violences conjugales. Désormais,
l'espace public se présente comme un lieu de prédilection de la
violence sexiste223. Les victimes sont de tous âges et de tous
métiers224.
Cette catégorie de personnes vulnérables est
aussi victimes de la mutilation génitale féminine ou de
l'excision225, dont le taux de prévalence est de 5% au
Niger226. Globalement, l'excision est pratiquée aussi bien
par les musulmans que par les chrétiens et les adeptes des religions
traditionnelles. Elle est devenue un réel problème de
santé publique du fait de ses conséquences néfastes sur la
santé des femmes et des filles, pendant et après
l'opération.
En outre, les mariages forcés/précoce sont
fréquents au Niger, il s'agit des mariages contractés dans la
pure tradition coutumière et/ou religieuse et dont les
fiançailles se font à un âge très jeune, ou
renvoient à tout mariage dans lequel au moins l'un des conjoints est un
enfant. Le mariage précoce peut être un facteur menant à
divers formes de violences et/ou d'exploitation sexuelle, une forme explicite
de violence sexuelle et une forme d'exploitation sexuelle dans la mesure
où les transactions économiques ou gains financiers
bénéficient à des adultes impliqués dans l'union
maritale. Il est difficile de donner un âge exact de mariage
précoce en Afrique de l'Ouest, compte tenu de la diversité
culturelles et croyances et des pratiques de chaque
est aussi intentionnelle : lévirat, sororat, mariage
forcé, mariage précoce, veuvage, séquestration religieuse,
troc de femme.
222 Cf. Odile Ndoumbé FAYE, op,
cit., p. 23.
223 Notamment dans les milieux politiques, scolaire,
campagnes, sur les marchés, aux frontières dans le cadre du
commerce transfrontalier.
224 Jeunes filles, femmes mariées, femmes
célibataires, veuves, personnes du troisième âge.
225 Selon l'OMS, l'excision est définie comme l' «
Ablation totale ou partielle des organes génitaux externes et
suture/rétrécissement de l'orifice vaginal ».
226 Cf. Odile Ndoumbé FAYE, op,
cit., p. 24.
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pays. Dans des pays comme le Niger, le mariage précoce
est une question d'honneur famille et souvent arrangé entre deux
familles, sans le consentement des conjoints227.
Dans certaines régions, le mariage des enfants peut
aussi prendre une forme d'esclavagisme communément appelée la
pratique du Wahaya et mentionnée ci-dessus au titre de la traite. La
Wahaya est assignée à des tâches domestiques et au service
du maitre, qui a le droit d'avoir un rapport sexuel avec elle à tout
moment, de jour comme de nuit228. Dans cette perspective
l'État du Niger a fait l'objet d'une condamnation pour
esclavage229.
Par ailleurs, lorsque les divorces se produisent et que les
foyers se trouvent disloqués, les membres de la famille se trouvent
affectés, à des degrés divers. Les enfants en constituent
le second groupe des « victimes » potentielles du divorce en raison
de leur vulnérabilité230. Il est sans doute difficile
de généraliser, mais l'observation peut être faite que,
dans le contexte nigérien, ce sont surtout les femmes et les enfants qui
subissent le plus durement les contrecoups de cette situation. « Prends
tes affaires et sors de chez moi ; je te donne tes papiers ! » : combien
de fois n'a-t-on pas entendu cette formule lors des séparations de
couples au Niger ? La suite aussi est classique : la femme est contrainte de
quitter le domicile conjugal, accompagnée éventuellement des
enfants en bas âge et de se réfugier dans sa famille d'origine.
Généralement sans ressources, elle doit faire appel à la
solidarité des membres de sa propre famille pour subvenir à ses
besoins et à ceux des enfants. Ces images sont certainement
caricaturales, mais elles traduisent une réalité
indéniable, celle de la plupart des femmes répudier ou divorcer.
D'autant plus que beaucoup se trouvent dans une situation de
précarité qui peut ouvrir la voie à toutes sortes de
déviances231.
Ces personnes vulnérables ne sont pas que victimes du
non-respect de leur intégrité physique, des atteintes portent sur
leur vie privée.
227 Cf. Odile Ndoumbé FAYE, op,
cit., p. 32.
228 Voir rapport Global de Suivi, op, cit., p. 17.
229 Cf. Arrêt Dame Hadidjatou Mani Koraou Contre
République du Niger, Cour de justice de la CEDEAO, Arrêt
ECW/CCJ/JUD/ 06/08, 27 octobre 2008.
230 Boubacar HASSANE, «
Prolégomènes à une éventuelle réforme du
droit du divorce au Niger », in Stephanie LAGOUTTE
et Nina SVANEBERG (éd), Les droits
fondamentaux de la femme et de l'enfant. Réflexion africaine,
Paris, Khartala, 2011, p. 133
231 Ibid., p. 132
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