A. Evaluation de la réparation intégrale
La réparation intégrale a des incidences en ce
qui concerne le point de départ du droit à la réparation
et la forme de cette réparation ; mais son terrain d'élection est
l'évaluation des dommages-intérêt129.
L'évaluation du préjudice suppose une
détermination de la valeur du préjudice en pourcentage du taux
d'incapacité de la victime qui sera converti en valeur monétaire,
auquel, on peut ajouter le taux de défectuosité de la marchandise
ou du bagage.
Pris en lui-même, le principe de la réparation
intégrale est intrinsèquement facteur d'équité.
Cette affirmation est justifiée par le fait que le principe dont
question s'oppose à une réparation forfaitaire du dommage, tout
en garantissant aux victimes la complète indemnisation de leurs
préjudices ; mais aussi il permet au juge de prendre en
considération les données particulières du dommage, pour y
adapter la réparation. Ainsi on peut affirmer que, « l'une des
vertus essentielles de la règle de réparation intégrale,
c'est de permettre et même de provoquer une perpétuelle remise en
cause des méthodes d'évaluation des
dommages-intérêts pour les adapter immédiatement et
concrètement aux situations individuelles et aux possibilités
nouvelles de soulagement des victimes résultant de l'évolution
des sciences, des techniques et des conditions
sociales130.»
Mais le principe sert seulement de directive au juge auquel il
revient, de par sa fonction, d'ordonner la réparation du
préjudice, ce qui passe nécessairement par son évaluation.
L'évaluation du préjudice est donc le corolaire immédiat
du principe de la réparation intégrale.
En effet, parallèlement au principe de la
réparation intégrale, le juge du fond est souverain, dans les
limites du respect de ce principe pour évaluer, c'est-à-dire
déterminer le quantum du
129 Ph. MALINVAUD, et al., Droit des obligations, Op.
Cit. 2013 p.594.
130 G. VINEY et P. JOURDAIN, les effets de la
responsabilité, LGDJ, 2ème éd., Paris,
p.115.
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préjudice, ce pouvoir tient essentiellement à
l'intime conviction du juge. L'abandon de l'évaluation du
préjudice au pouvoir souverain des juges du fond est même
érigé comme un principe131. Ce qui veut dire que, le
juge du fond apprécient souverainement le montant du préjudice,
de la même façon qu'il apprécie souverainement l'existence
du préjudice. Donc « il justifie l'existence du préjudice
par l'évaluation qu'il en a fait ». Au point où il est
affirmé que la réparation intégrale a pour
conséquence, un abandon de l'évaluation aux lumières du
juge, à sa liberté132.
Le renvoi de l'évaluation du préjudice à
l'appréciation souveraine des juges du fond repose sur diverses
justifications (A.1). Aussi, la réparation intégrale a des
incidences en ce qui concerne le point de départ du droit à la
réparation et la forme de cette réparation, mais son terrain
d'élection est l'évaluation des dommages133. Ce qui
nous pousse à parler de la date d'évaluation (A.2).
A.1 Justification de l'évaluation souveraine du
juge de fond
En premier lieu, le pouvoir souverain reconnu au juge du fond
est à la nature du contrôle exercé par la Cour de
cassation. Ainsi, « la cour régulatrice pense avec raison que la
fixation de l'indemnité est tellement conditionnée par les
circonstances de la cause qu'il est peu opportun pour elle de s'en mêler
134». En effet, la matière est essentiellement
gouvernée par les considérations qui, de nature échappent
au contrôle de la cour de cassation. A ceci, on peut ajouter que
l'évaluation du préjudice est située dans le fil
d'appréciation des éléments de preuve, lesquels
ressortissent au pouvoir souverain du juge.
Plus fondamentalement, le pouvoir souverain du juge s'explique
aussi par l'absence de barème national à portée
obligatoire, ou encore de référence nationale, qu'on ne doit pas
confondre au plafond ou limite de réparation tel que prévu par la
convention de Montréal et la loi sur l'aviation civile en RD Congo pour
ce qui concerne la responsabilité du transporteur aérien. Ainsi,
si le juge s'estimait liés par un barème, on serait en
présence d'un arrêt de règlement pourtant
prohibé.
Enfin, la souplesse, pointée plus haut,
nécessaire à la mise en oeuvre du principe de la
réparation intégrale, semble devoir impliquer que l'on s'en
remette à la sagesse du juge,
131 Ph. Le TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des
contrats, Op. Cit., n°2506 et suivant.
132 D. LE PRADO, Equité et effectivité du droit
à la réparation, Art. Cit., p3.
133 Ph. MALINVAUD, et al., Droit des obligations, Op.
Cit. p594.
134 Ph. LE TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des
contrats, Op. Cit. n°2511.
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spécialement, les préjudices non
économiques ressortissent par nature à une évaluation
toute entière placée sous la dépendance de la croyance du
juge135.
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