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La discrimination dans le monde du travail au Togo.


par KOMLA DJIGNEFA YAO
Institut des hautes études des relations internationales et stratégiques - Master en Droit Privé Fondamental 2016
  

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PREMIERE PARTIE

L'INEFFICACITE DE LA PROHIBITION DE
LA DISCRIMINATION DANS LE MONDE DU
TRAVAIL AU TOGO

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La discrimination est une injustice sociale qui mine le monde du travail togolais. Pour l'éradiquer, l'Etat togolais a dû ratifier des conventions internationales et régionales. Il a par ailleurs, adopté une abondante législation en la matière41. Il s'agit d'un arsenal juridique en constante évolution. Des politiques ont été engagées par l'Etat togolais aussi bien que par les acteurs du monde du travail pour contrer ce mal. Pourtant, cette prohibition est restée inefficace.

L'inefficacité est le fait de ne pas apporter le résultat escompté. La prohibition sous-entend l'interdiction légale. Ainsi, nous pouvons dire que la proscription ou l'interdiction formelle de la discrimination dans le monde du travail togolais reste lettre morte.

Pourquoi la prohibition de la discrimination dans le monde du travail au Togo demeure telle inefficace ?

L'inefficacité de la prohibition de la discrimination dans le monde du travail au Togo est une évidence dans la mesure où la législation anti-discrimination togolaise est insuffisante. Malgré qu'elle existe, la discrimination continue à être institutionnalisée. Le droit positif togolais n'assure donc pas une protection efficace contre la discrimination dans l'univers du travail. L'absence de dispositions concrètes pour assurer l'égalité au sein du monde du travail devient donc une sérieuse préoccupation.

La mise en application effective de cette législation pose un problème réel et sérieux si la rigueur de la loi et la bonne foi ne sont pas mises au service de la promotion du principe de nondiscrimination et de l'égalité dans le monde du travail togolais.

L'inefficacité de la prohibition de la discrimination dans le monde du travail tant dans le secteur privé que dans le secteur public togolais s'explique doublement. Il s'agit d'une part de la législation anti-discrimination togolaise qui demeure encore insuffisante (chapitre I) et d'autre part de la discrimination qui persiste toujours dans le monde du travail (chapitre II).

Chapitre premier : L'insuffisance de la législation anti-discrimination. Chapitre second : La persistance de la discrimination.

41 Supra, p.4

CHAPITRE I

L'INSUFFISANCE DE LA LEGISLATION ANTI-DISCRIMINATION

Pour lutter contre la discrimination dans l'univers du travail togolais, un arsenal juridique a été mise en place afin de promouvoir l'égalité. Malheureusement, cette législation en raison de ses insuffisances n'arrive pas à assurer une protection efficace contre ce phénomène.

L'insuffisance, c'est ce qui comporte des carences. La législation anti-discrimination est l'ensemble de lois et mesures destinées à lutter contre la discrimination. Ainsi, l'insuffisance du droit positif togolais résulte du fait que les mécanismes mis en place pour contrer la discrimination présentent des lacunes, ce qui fait qu'il est inopérant.

Qu'est-ce qui explique réellement l'insuffisance de la législation anti-discrimination togolaise ?

Malgré la floraison de législation anti-discrimination, la discrimination persiste42 dans le monde du travail togolais. Cette législation demeure donc impuissante à éradiquer la discrimination. En effet, avec le droit positif togolais actuel, les différentes formes de discrimination sont imprécises. La preuve de la discrimination reste très difficile à rapporter. Les sanctions de la discrimination ne sont pas suffisamment dissuasives. La politique de la discrimination positive constitue un défi difficile à relever. Toutes ces insuffisances font que cette législation peine toujours à constituer une barrière à la discrimination.

Les lacunes que présente la législation togolaise sur la lutte contre la discrimination dans le monde du travail proviennent du fait que le législateur n'a préciser les différentes formes de discriminations qui sévissent dans l'univers du travail (Section I) et de la fragilité des dispositions prises pour lutter contre la discrimination (Section II).

Section 1 : Une imprécision des différentes formes de discrimination

Au Togo, plusieurs sortes de discrimination cohabitent dans la sphère du travail. Elles peuvent être directes ou indirectes, être le fait du harcèlement ou d'un ordre reçu. Mais force est de constater que le législateur togolais n'a pas daigné préciser les contours des discriminations directes et indirectes. Ce dernier, en effet a gardé un mutisme total sur celles-ci (§1) et sa précision des autres formes de discriminations reste très insuffisante (§2).

42 Infra, p. 35

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Paragraphe 1 : L'imprécision des discriminations directe et indirecte

La définition de la discrimination passe par la reconnaissance de la discrimination directe et de la discrimination indirecte. Malheureusement, le législateur togolais a manqué de les clarifier. Il s'ensuit de sa part, une absence de qualification de la discrimination directe (A) et de la discrimination indirecte (B).

A- Une absence de qualification de la discrimination directe

La protection contre la discrimination dans le monde du travail a commencé avec la discrimination directe43 car elle a été la première à voir le jour44. Selon l'article 2 paragraphe1.a de la directive européenne 2000/43 du 29 juin 2000 relative à l'égalité raciale, la discrimination directe est constituée lorsqu'une personne ou un groupe de personnes est traité de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable sur la base d'un ou de plusieurs critères discriminatoires.

Au Togo, le législateur n'a pas clarifié le concept de discrimination directe. Cela s'observe à trois niveaux.

Primo, au regard de l'article 3 alinéa 1er du CTT qui dispose que « Toute discrimination directe [---] en matière d'emploi et de profession est interdite », le législateur n'a pas élucidé cette notion. Le CTT prohibe la discrimination directe sans dire avec exactitude ce qu'il en est. La même lacune est à observer au niveau de l'article 303 du CPT qui dispose que « Toute discrimination directe [---] à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personne est interdite ». Secundo, il y a lieu de relever que le Statut Général de la Fonction Publique Togolaise (SGFPT) n'a fait mention nulle part de la discrimination directe. L'article 45 dudit statut qui proscrit toute discrimination entre les candidats à l'emploi ne détermine pas la nature de ces discriminations. Cette situation à notre avis est de nature à semer la confusion dans l'esprit des acteurs du monde du travail d'autant plus que cette notion n'est pas définie. Tertio, aucune disposition de la constitution togolaise ne fait allusion de manière expresse au concept de la discrimination directe.

La législation anti-discrimination togolaise ne clarifie donc pas du tout ce qu'il convient d'appeler discrimination directe. Cet état de choses crée un vide juridique. Elle ne permet pas de cerner et de comprendre ce qu'est la discrimination directe. C'est ce qui nous amène à

43 RIVET (M), « la discrimination dans la vie au travail : le droit à l'égalité à l'heure de la mondialisation » (2003-04) 34 R.D.U.S. p.284

44 La loi n°72-546 du 1er juillet 1972, dite « loi PLEVEN », est le premier texte législatif qui a créé le délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciales, ainsi que le délit de discrimination.

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émettre ces interrogations : quand peut-on parler de discrimination directe ? Qu'est-ce-que la discrimination directe ? Qu'est-ce-qui caractérise cette discrimination ? Le législateur a gardé un mutisme total sur ce plan. Nous estimons qu'il n'a pas daigné élucider cette notion de discrimination directe ou qu'il a tout simplement préféré faire économie de ses explications.

A l'instar du législateur togolais, les législateurs ivoirien et français ne clarifient pas non plus la notion de discrimination directe. On en déduit que ces législations ont du mal à cartographier la discrimination directe. Pourtant, cette notion est définie clairement par l'article L. 241-1. (2), du Code du Travail de Luxembourg (CTL)45. Mais ce CTL a fondé cette définition de discrimination directe uniquement sur le critère de sexe.

L'absence de clarification de la notion de discrimination directe par le législateur national, révèle sa défaillance à dessiner clairement les contours de ladite notion. En conséquence, cette défaillance du législateur est susceptible d'avoir pour corollaire l'impossibilité pour les acteurs du monde du travail de combattre efficacement ce phénomène puisque le législateur ne les informe pas utilement.

Au regard de la définition donnée par l'article 2 paragraphe1.a de la directive européenne 2000/43 du 29 juin 2000, discriminer directement une personne suppose la réunion de trois éléments : d'abord, un traitement différencié et préjudiciable dont est victime une personne par rapport à une autre ; ensuite un élément de comparaison qui suppose que la victime se trouve dans des circonstances matériellement similaires à la personne privilégiée et enfin les caractéristiques protégées46.

La discrimination directe est celle qui repose sans équivoque sur des critères protégés par le législateur national. Au rang de ces critères, nous recensons aux termes de l'article 3 al.2 du CTT et de l'article 307 du CPT : le sexe, la race, la couleur, la religion, l'appartenance ethnique, l'opinion politique ou philosophique, l'origine sociale, le statut juridique, l'ascendance nationale, l'état de santé ou le handicap et ceux de l'article 39 al. 1 du CTT qui ne sont qu'une reprise des critères de discrimination énumérés par l'article L.1132-1 du code du travail français (CTF) à l'exception des critères d'âge, de grossesse, d'orientation ou d'identité sexuelle, des caractéristiques génétiques, d'apparence physique, du nom de famille et du lieu de résidence. Par contre, l'article 45 du SGFPT, a fait une énumération très limitative desdits critères qui

45 « Discrimination directe » : la situation dans laquelle une personne est traitée de manière moins favorable en raison de son sexe qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable, [---] »

46 Manuel de droit européen en matière de non-discrimination, édition Conseil de l'Europe, juillet 2010, p.24-32

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sont : le sexe, le handicap physique, l'ethnie, l'opinion politique, philosophique ou religieuse. La constitution togolaise n'est pas du reste47. Le SGFPT s'est beaucoup appesanti sur le critère du handicap physique tout en ignorant son aspect sensoriel et mental qui demeure non moins important. Tout comme le CTT, le SGFPT a également ignoré de prendre en considération le critère de grossesse. Loin de penser que les critères non énumérés par le législateur ont une moindre valeur, il faut relever plutôt que ceux-ci sont d'une importance capitale.

Rappelons que les conventions de l'OIT ont déterminé les critères qui sont obligatoires48 et laissé le soin à chaque pays de compléter éventuellement la liste en fonction de leurs réalités. C'est la raison pour laquelle ces critères peuvent varier d'un pays à un autre. Au Togo, les critères les plus usités pour discriminer dans le secteur formel sont : l'ethnie 17,18%, l'opinion politique 10,68%, l'origine sociale 6,85%,le sexe 6,69%, les moeurs 5,42%, l'âge 5,10% ; dans le secteur informel ces critères sont : l'ethnie et le sexe 20%, la religion 8%, l'âge, l'opinion politique et les activités syndicales 4%49. Ces statistiques témoignent de l'existence de la discrimination dans le monde du travail togolais. Il est clair que ces critères sont très déterminants dans la qualification de la discrimination directe.

La discrimination directe est patente. Elle est à la fois explicite et intentionnelle. Il s'agit de l'utilisation abusive par une personne de l'un des critères protégés, qui fonde l'inégalité de traitement dans le monde du travail.

La discrimination directe est d'une présence constante dans la sphère du travail au Togo. Mais, elle n'a pas fait l'objet d'une véritable précision. Elle est secondée par la discrimination indirecte qui n'a pas été non plus clarifiée.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand