B- Les répercussions négatives de la
discrimination positive
La « discrimination positive » est une
expression qui paraît heurter le bon sens. En effet, elle est la jonction
de deux mots de sens opposés. L'un, « la discrimination
» ayant une connotation négative, elle symbolise le traitement
défavorable dont sont victimes les personnes vulnérables en
raison de leur appartenance à un groupe défini par une
caractéristique particulière et l'autre, « positif
» adjectif désignant le principe d'égalité et de
justice sociale114. Cette situation nous amène à
émettre les interrogations suivantes : La discrimination positive
est-elle véritablement une nécessité ? Est-ce juste
d'instaurer des inégalités pour promouvoir
l'égalité de chance et de traitement en privilégiant
certaines personnes ?
La politique de discrimination positive est très
controversée. En effet, certaines personnes s'insurgent contre cette
politique eu égard aux répercussions néfastes qu'elle
génère.
D'abord, pour eux, la discrimination positive est une «
discrimination inversée » ou « discrimination
à rebours»115 puisqu'elle constitue une entorse
à la méritocratie. L'égalité en droit qui est l'un
des principes qui fonde la démocratie se trouve donc être
paralysée, ce qui fait de la discrimination positive, « une
discrimination négative » à l'égard des non
bénéficiaires. Elle est de nature à renforcer la
précarité à leur égard116.
Ensuite, certaines personnes estiment que la discrimination
positive renforce les préjugés et les stéréotypes
que l'on a des bénéficiaires. En effet, au lieu de bâtir
une société qui serait à l'abri
114 RENAULD (B), « Les discriminations positives : plus ou
moins d'égalité ? », Rev. trim. dr. h. 1997,
p.427
115 VILLENAVE (B.), « La discrimination positive : une
présentation » Synthèse
116 MORAND (M.), Le droit du travail depuis 1981 : bilans et
perspectives, Semaine juridique n°19, 1987
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des différences entre les hommes, la discrimination
positive va plutôt légaliser l'inégalité dont sont
victimes les bénéficiaires de l'affirmative action117.
Pour ses détracteurs, la discrimination positive crée chez les
non-bénéficiaires un ressentiment envers les assistés.
Face à cette situation, la discrimination positive est perçue
comme inefficace et ne peut donc pas atteindre le résultat
escompté parce que, au lieu de résoudre la problématique
de « la discrimination négative », elle en crée
d'autres plus graves que celle-ci.
Enfin, cette politique serait un affront aux
bénéficiaires parce que constituant une politique de
charité et d'assistance, elle finit par faire d'eux des partisans de
moindre effort, ce qui fait qu'ils n'arrivent pas à accéder de
par leur propre mérite au monde du travail118. En
conséquence, cette politique de discrimination positive est susceptible
de remettre en cause la place qu'occupent certains d'entre eux dans le monde du
travail même si c'est par leurs propres efforts, leurs qualités,
leurs mérites qu'ils obtiennent un emploi ou des avantages de travail et
non par le biais de cette politique.
Pour le courant libertarien qui désapprouve la
politique de discrimination positive, la société n'a rien
à offrir aux personnes en situation de handicap car
considérées comme inaptes au travail, elles ne relèvent
pas de la justice sociale et ne peuvent pas souscrire au contrat social mais
à des solidarités de type de la charité, la compassion, la
solidarité familiale119.
Malgré qu'elle soit contestée par certains
auteurs, la discrimination positive est une nécessité. En effet,
dans les conditions concrètes d'existence des personnes
vulnérables, l'égalité formelle n'est pas de nature
à assurer efficacement leur inclusion professionnelle. Face à
cette situation, il urge de corriger l'égalité formelle par la
mise en place d'une égalité effective qui se résume en une
politique de compensation telle que affirmée par l'égalitariste
démocrate John RAWLS au sujet des personnes
handicapées120.
Dans son discours prononcé en1965, le président
américain Lyndon B. Johnson, résume ainsi la situation de la
discrimination positive : « vous ne pouvez pas prendre une personne
qui, pendant des années, a été clopinant dans les
chaînes, pour le libérer, le mettre sur la ligne de départ
d'une course et lui dire : "vous êtes libre d'entrer en
compétition avec tous les autres", et ensuite penser avec raison que
vous avez été totalement correct »121.
117 VILLENAVE (B.), ibidem
118 GARNER-MOYER (H), Discrimination et emploi : revue de la
Littérature, (DARES), n°69, mai 2003, p.10
119MAURIS-DEMOURIOUX (S.), « Divergence et convergence des
approches du handicap : une perspective internationale » novembre2011 p.
10&11
120 Ibidem, p.13
121 President Lyndon B. Johnson's Commencement Address at Howard
University: 'To Fulfill These Rights' June 4, 1965
Nous pensons qu'il ne s'agit pas seulement de
décréter la discrimination positive dans un monde de travail
où l'égalité des chances est violée ou
bafouée d'avance pour prétendre instaurer la démocratie
des chances mais, il faut y joindre des garde-fous suffisants devant assurer la
fiabilité des mesures prises parce que la discrimination persiste, elle
ne faiblit pas.
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