Le Caractère supranational de la Banque centrale
européenne au sein du Mécanisme de surveillance
unique
Mémoire sous la direction du professeur Claudie
Boiteau
Master 214 Paris-Dauphine Année
2014-2015
1
Thibault Fava
2
SOMMAIRE
INTRODUCTION 3
PARTIE I : L'EFFACEMENT DES AUTORITÉS NATIONALES
DANS LE CADRE DES
COMPÉTENCES EXCLUSIVES DE LA BANQUE CENTRALE
EUROPÉENNE 21 Section 1 : La modestie du rôle des
autorités nationales lors de l'accès à l'exercice de
l'activité
bancaire 21
I. L'Impossibilité dommageable pour les
autorités nationales de délivrer l'agrément
indépendamment d'une décision de la BCE
22
II. L'interaction inéquitable entre les
autorités nationales et la Banque centrale
européenne dans le cadre de la procédure de
retrait d'agrément 28 Section 2 : L'emprise de la Banque centrale
européenne sur d'autres aspects de la surveillance
prudentielle 34
I. La curieuse compétence spécifique de la
BCE en matière d'acquisitions de
participations qualifiées 35
II. Le caractère peu lisible de la
compétence exclusive de la Banque centrale européenne
dans le cadre de la liberté d'établissement
39 PARTIE II : LA FONCTION DYNAMIQUE DES AUTORITÉS NATIONALES
DANS
L'ORGANISATION COURANTE DU MÉCANISME DE
SURVEILLANCE UNIQUE 44 Section 1: Un rôle d'assistance primordial des
autorités nationales dans la surveillance
prudentielle directe exercée par la BCE
44
I. Un pouvoir supranational de la BCE lui permettant
d'exercer une surveillance directe
sur certains établissements de crédit
44
II. Le concours nécessaire des autorités
nationales dans le cadre de la surveillance
prudentielle directe 51 Section 2 : Un fort pouvoir
d'intervention de la Banque centrale européenne restreignant le principe
d'une surveillance directe de certains établissements de crédit
par les autorités
nationales 58
I. Une possibilité à priori étendue
pour les autorités nationales d'exercer une surveillance
directe des établissements de crédit
58
II. L'influence potentiellement décisive de la
Banque centrale européenne sur la
supervision des établissements « moins
importants » 64
CONCLUSION 70
Bibliographie 71
3
Introduction
Les autorités nationales de régulation bancaire
de la zone euro, avec la mise en place du Mécanisme de surveillance
unique, vont perdre leur compétence de surveillance directe sur
plusieurs établissements de crédit. Le coeur du sujet sera de
présenter l'interaction entre la Banque centrale européenne (BCE)
et les autorités nationales dans le fonctionnement de ce
mécanisme de supervision unique. Mais avant d'analyser cette question,
il est nécessaire d'aborder quelques points préalables à
l'étude principale. La mise en place du Mécanisme de surveillance
unique n'affectera pas seulement les autorités nationales qui en font
partie. Ses conséquences se feront tout d'abord ressentir au sein
même de la BCE, puis, en second lieu, sur les autres institutions de
l'Union européenne ayant des compétences en matière
bancaire. Ainsi l'introduction consistera en une brève
présentation de l'Union bancaire suivie des problématiques
liées à la séparation des missions de surveillance
prudentielle et de celles en matière de politique monétaire.
Enfin, il faudra également aborder les conséquences du
Mécanisme de surveillance unique sur l'Autorité bancaire
européenne.
Présentation de l'Union bancaire
Le traité de Rome du 25 mars 1957 ne se
préoccupait absolument pas du droit bancaire. Il ne comprenait aucune
disposition à cet égard. Ce n'est qu'au début des
années 1970 qu'apparaîtront les premières directives
européennes relatives au droit bancaire, notamment la directive
73/183/CEE du 28 juin 1973 concernant la suppression des restrictions aux
libertés d'établissement et de prestation de services dans le
secteur des services bancaires ou encore la directive 89/646/CEE du 15
décembre 1989 portant sur la reconnaissance mutuelle des
agréments bancaires. Cela va permettre à une banque de
créer une succursale dans toute la Communauté. À partir de
là, les États commencent à perdre leur souveraineté
sur le droit bancaire.
Le 30 mai 2012, la commission européenne attire
l'attention sur la création d'une union bancaire. Cependant, le
Parlement européen avait déjà demandé, par une
résolution du 13 avril 2000, qu'une institution européenne soit
en charge de la surveillance directe des établissements financiers.
L'Union bancaire marque la volonté d'intégrer
davantage la surveillance bancaire. Cette dernière se fonde sur trois
piliers : un mécanisme de surveillance unique, un mécanisme de
résolution unique et un système de garantie des
dépôts. L'un des objectifs de cette Union est d'atténuer le
lien entre la dette publique et privée. Cela permettra en effet de mieux
surveiller les établissements de crédit afin que les
contribuables n'aient pas à supporter les conséquences de leurs
éventuelles défaillances.
4
L'Union bancaire devra surmonter les déstabilisations
liées à la crise financière. Elle a été
créée afin de sauvegarder la stabilité
financière.
Il est certain que cette Union Bancaire aura pour
conséquence une perte de souveraineté des États membres.
Jusqu'aujourd'hui, bien que les normes bancaires soient largement issues des
institutions européennes, chaque autorité nationale était
libre dans l'application de ces règles. Les traditions de chaque
État membre font apparaître de grandes différences en
termes d'interprétation du Droit en général.
Désormais la régulation bancaire s'effectuera au niveau
européen selon des méthodes précises qui laisseront moins
de liberté d'adaptation aux autorités nationales.
L'Union Bancaire sera régie par un règlement
unique applicable à tous les Etats membres qui permettra
d'établir des normes similaires. Ce règlement est
déjà pour partie entré en vigueur mais il devra être
complété au cours des années à venir. Ces
règles concernent avant tout les exigences de fonds propres, la
protection des déposants, et la résolution des banques
défaillantes. Les piliers de l'Union bancaire serviront à ce que
« le corpus réglementaire unique pour les services financiers
s'applique de la même manière aux établissements de
crédit de tous les Etats membres ».1 En effet, la
seule harmonisation des règles ne supprime pas la possibilité
qu'ont les autorités d'interpréter le droit à leur
avantage et ainsi de réduire la qualité de la supervision
européenne.
La présentation du Mécanisme de surveillance
unique sera suivie de celle du Mécanisme de résolution unique
ainsi que du système de garantie des dépôts.
Le Mécanisme de surveillance unique : premier pilier
de l'union bancaire
Le premier pilier de l'Union bancaire, entré en vigueur
le 4 novembre 2014, est le Mécanisme de Surveillance Unique (MSU) ; sa
création se fonde sur l'article 127 point 6 du Traité sur le
Fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE) qui dispose : « Le
Conseil, statuant par voie de règlements conformément à
une procédure législative spéciale à
l'unanimité, et après consultation du Parlement européen
et de la Banque centrale européenne, peut confier à la Banque
centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux
politiques en matière de contrôle prudentiel des
établissements de crédit et autres établissements
financiers, à l'exceptions des entreprises d'assurance ».
Cet article permet de confier à la BCE des fonctions
relatives au contrôle prudentiel des banques. Sur
1Considérant 32 du Règlement (UE)
n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
5
ce fondement sera adopté le règlement UE
n°1024/2013 du 15 octobre 2013 (règlement MSU) confiant à la
Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait
aux politiques en matière de surveillance prudentielle des
établissements de crédit.
L'article premier de ce règlement rappelle les raisons
de la création du MSU, à savoir « contribuer à la
sécurité et à la solidité des établissements
de crédit et à la stabilité du système financier au
sein de l'Union et dans chaque Etat membre ». Le guide relatif
à la surveillance bancaire paru en septembre 20142
énonce encore plus clairement les trois principaux objectifs du MSU ;
garantir la sauvegarde et la solidité du système bancaire
européen, accroître l'intégration et la stabilité
financières et assurer une surveillance cohérente. Le
règlement de 2013 voit même le MSU comme capable de «
jeter les bases de la reprise économique »3
Le règlement MSU définit le Mécanisme de
surveillance unique comme « le système de surveillance
financière composé de la BCE et des autorités
compétentes nationales des Etats membres participants
»4. Il est d'ores et déjà opportun de
préciser que le MSU est un mécanisme qui n'est pas seulement
lié aux institutions européennes mais qui comprend
également les autorités nationales en son sein. Il serait
erroné de voir le MSU comme émanant uniquement de la Banque
centrale européenne. Il conviendra donc de distinguer la fonction de
surveillance prudentielle de la BCE et le Mécanisme de surveillance
unique qui est composé de la Banque centrale mais également des
autorités nationales des États membres.
Le fait que la Banque centrale devienne l'autorité de
supervision offrira une meilleure application des règles au sein des
États participants tout d'abord parce que cela permettra une
surveillance plus neutre se détachant des considérations
nationales5. Cela devrait également mettre un terme à
la pratique consistant à tirer avantage des différences en termes
d'application des règles harmonisées et de contrôles par
les différentes autorités nationales . En effet, certaines
autorités étaient plus aux moins intrusives, contrôlaient
plus ou moins souvent les établissements de crédit6.
Néanmoins, certains Etats ne participeront pas au MSU, la
Grande-Bretagne par exemple, connue pour son autorité de
régulation permissive. Les établissements de crédit
continueront donc à bénéficier de certaines
différences entre États participants et non-participants. De
plus, certains domaines de la régulation bancaire demeureront aux mains
des Etats membres (lutte contre le blanchiment d'argent par exemple). Pour
2Guide relatif à la Surveillance bancaire
(septembre 2014)
3Considérant 2 du Règlement (UE) n°
1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
4Article 2(9) du Règlement (UE) n°
1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
5The single supervisory mechanism or
«SSM«, part one of the Banking Union by Eddy Wymeersch
6L'Unione Bancaria Europea Intervento di
Carmelo Barbagallo
6
tous ces sujets, subsisteront des divergences juridiques.
Le règlement de 2013 n'était pas suffisant car
les questions de répartition des compétences entre
autorités nationales et Banque Centrale Européenne
n'étaient pas assez précisées. C'est la raison pour
laquelle a été pris le règlement du 16 avril 2014
établissant le cadre de la coopération au sein du
mécanisme de surveillance unique entre la BCE, les autorités
compétentes nationales et les autorités désignées
nationales (« règlement-cadre MSU »).
L'organe de la BCE s'occupant de la surveillance prudentielle
est le conseil de surveillance prudentielle dont Mme Danièle Nouy a
été nommée présidente le 16 décembre
2013.
Selon Mario Draghi, le Mécanisme de surveillance unique
est « né de l'engagement des Etats européens
d'accélérer l'intégration ; un engagement dont les racines
sont liées à nos idéaux de paix, de sécurité
et qui transcendent nos différences nationales respectives
»7.
Pour le ministre allemand des finances, Wolfang Schäuble
; « les autorités purement nationales ne peuvent plus
surveiller de manière suffisante les grandes banques
transfrontalières ». Il s'est ainsi félicité de
la prise en charge, par la BCE de la surveillances des grands
établissements financiers européens8.
Le président du Parlement européen, Martin
Schultz pense que la mise en place d'un mécanisme de surveillance unique
impliquant la Banque Centrale Européenne (BCE) est une étape
cruciale de la création de l'Union bancaire. Il est, selon lui,
fondamental d'unifier la supervision des banques européennes au vu du
fait que les marchés financiers sont transfrontaliers9.
Le MSU est également très lié au
Mécanisme européen de stabilité (MES) puisqu'il
était convenu depuis 2012 que le MES aurait la possibilité de
recapitaliser directement les banques, après une décision
ordinaire, lorsqu'un mécanisme de surveillance unique impliquant la BCE
aura été créé.
Le 8 décembre 2014, le conseil des gouverneurs du
mécanisme européen de stabilité a adopté
l'instrument de recapitalisation directe des banques10. Auparavant,
le MES ne pouvait prêter de l'argent qu'à l'État de
l'établissement de crédit concerné.
7Europe's pursuit of 'a more perfect Union'
Lecture by Mario Draghi, President of the ECB
8
http://www.allemagne.diplo.de/Vertretung/frankreich/fr/
pr/nq/2014-11/2014-11-05-bce-pm.html 9Schulz on the Single
Supervisory Mechanism Brussels- 04-11-2014
10Revue Banque n°779 numéro double 779-780
: Rétrospective 2014-Prospective 2015
7
Deux autres piliers qui seront analysés successivement
sont au coeur de l'Union bancaire.
Un Mécanisme de résolution unique et un
Système de garantie des dépôts
Le mécanisme de surveillance unique n'est pas le seul
pilier de l'Union bancaire, il devrait y avoir également un
mécanisme de résolution unique ainsi qu'un système de
garantie des dépôts.
Le mécanisme de résolution unique (MRU) devrait
concerner les mêmes établissements de crédit que le MSU. Le
mécanisme entrera en jeu si, malgré la supervision unique, une
banque faisait faillite. Le MRU assurera une résolution efficace. Il
devrait comporter un Conseil de résolution unique pour la gestion des
procédures de résolution des banques ainsi qu'un Fonds de
résolution unique dont le financement serait assuré par le
secteur bancaire. Il entrera en vigueur à partir de 2016. Il a
déjà fait l'objet d'un règlement européen du 15
juillet 2014 (806/2014) établissant des règles et une
procédure uniformes pour la résolution des établissements
de crédit et de certaines entreprises d'investissement dans le cadre
d'un mécanisme de résolution unique et d'un Fonds de
résolution bancaire unique. Le 19 décembre 2014, le Conseil a
nommé les membres permanents du Conseil de
résolution11.
L'autre pilier concerne la garantie des dépôts
à hauteur de 100 000 euros en cas de faillite bancaire. Ce pilier
permettra d'éviter les retraits massifs de dépôts et
d'empêcher leurs effets néfastes sur l'économie. Le
système de garantie des dépôts fait l'objet d'une directive
2014/49/UE publiée au journal officiel de l'Union européenne le
12 juin 2014.
Il conviendra de s'intéresser plus
particulièrement au Mécanisme de Surveillance Unique et aux
questions qu'il pose, notamment dans les relations avec les autorités
nationales des Etats membres. Cependant, auparavant, d'autres interrogations
émanent de la création du MSU, tout d'abord au sein même de
l'Union européenne. C'est pourquoi il faudra, en premier lieu,
évoquer la question de l'indépendance de la Banque centrale
européenne dans le cadre de ses nouvelles missions issues du
règlement de 2013.
L'Indépendance de la BCE dans les missions de
surveillance prudentielle
La question de la séparation des missions de politique
monétaire et des missions de surveillance prudentielle ne se serait sans
doute pas posée s'il avait été possible de confier ces
dernières à une autre
11Commission européenne - Communiqué de
presse, L'union bancaire de l'UE est sur les rails : le Conseil nomme les
membres permanents du conseil de résolution unique et adopte la
méthode de contribution des banques aux fonds de résolution, 19
décembre 2014
8
autorité que la Banque centrale.
L'impossibilité de confier la surveillance
prudentielle à une autre autorité
La surveillance prudentielle unique a été
confiée à la Banque Centrale Européenne, ce choix n'est
pas sans poser de nombreuses questions. Tout d'abord, il faut se demander s'il
s'agit d'un choix opportun ou d'un choix par défaut.
Selon un arrêt du 13 juin 1958 de la Cour de Justice des
Communautés Européennes ; « l'autorité
déléguante ne peut investir l'autorité
délégataire de pouvoirs différents de ceux
qu'elle-même a reçus du traité. La délégation
d'un pouvoir discrétionnaire à des autorités
différentes de celles qui ont été établies par le
traité pour en assurer et en contrôler l'exercice dans le cadre de
leurs attributions respectives porterait atteinte à la garantie
résultant de l'équilibre des pouvoirs
»12.
Ainsi il était difficile de confier à une autre
autorité que la BCE les missions de surveillance prudentielle. En effet,
l'article 127 (6) du TFUE dispose que le BCE peut se voir confier des missions
spécifiques ayant trait aux politiques en matière de
contrôle prudentiel des établissements de crédit et autres
établissements financiers. La possibilité pour la BCE d'exercer
des missions de surveillance prudentielle était donc prévue par
le traité et ne se heurtait pas à l'arrêt Meroni
sus-cité.
De plus, le service juridique du Conseil a
déclaré que le Traité, bien qu'autorisant une telle
délégation de pouvoir à la BCE, l'exercice de cette
dernière ne devait pas altérer de façon trop sensible le
pouvoir décisionnaire de la Banque centrale européenne. De telle
sorte que le dernier mot doit revenir au Conseil des
gouverneurs13.
Cependant, récemment, la Cour de Justice de l'Union
européenne a rendu une décision susceptible de modifier la
portée de la « doctrine Meroni »14. D'après
cet arrêt du 22 janvier 2014, elle a décidé que le
régime de la délégation de pouvoir est différent
selon que l'autorité délégataire soit de droit
privé ou de droit public. En l'espèce l'autorité
délégataire était l'Autorité européenne des
marchés financiers (AEMF), « entité de l'Union
créée par le législateur de cette dernière
». Elle a ensuite précisé, dans le cas de l'AEMF, que
les pouvoirs dont dispose cette dernière sont encadrés de
façon précise et sont susceptibles d'un contrôle
juridictionnel au regard des objectifs fixés par l'autorité
déléguante et qu'ils
12Arrêt de la Cour du 13 juin 1958. Meroni &
Co., Industrie Metallurghiche, società in accomandita semplice contre
Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et
de l'acier. Affaire 10-56
13Avis juridique (9 octobre 2012, 14752/12) non
publié
14Arrêt de la Cour (grande chambre) du 22
janvier 2014 : Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord contre
Parlement européen et Conseil de l'Union européenne. Affaire
C-270/12
9
n'impliquent pas que l'AEMF est investie d'un large pouvoir
discrétionnaire incompatible avec le traité sur le Fonctionnement
de l'Union européenne TFUE.
Par conséquent, au vu de cet arrêt, le pouvoir de
surveillance prudentielle n'aurait-il pas pu être
délégué à une entité de l'Union autre que la
BCE ? Par exemple l'Autorité bancaire européenne, qui semblait
mieux adaptée à ces missions. En outre, les questions relatives
à la séparation entre les missions de surveillance et de
politique monétaire propres à la BCE ne se seraient pas
posées. Peut-être aurait il fallu conférer les pouvoirs de
surveillance à l'ABE en les encadrant suffisamment de manière
à ce qu'ils ne soient pas incompatibles avec les dispositions du
TFUE.
La Commission était consciente des contraintes que
faisait peser le TFUE sur la création du MSU. Dans une communication du
28 novembre 2012 « Projet détaillé pour une Union
économique et monétaire véritable et approfondie »,
elle a déclaré qu'il était possible de songer à une
modification de l'article 127 §6 du TFUE15. Ce n'est toutefois
pas le choix qui a été fait. Se posent donc des interrogations
relatives à l'indépendance de la BCE. Les choix de cette
dernière ayant trait aux missions de surveillance seront-ils
influencés par ses compétences d'origine concernant la politique
monétaire ? Quels dispositifs le règlement MSU a t-il mis en
place pour contrer une confusion qui serait néfaste et réduirait
substantiellement la qualité de la surveillance prudentielle unique ?
Le système envisagé par le règlement MSU
a du mal à convaincre, il est prévu que les décisions
relatives aux questions de surveillance prudentielle soient
préparées par un conseil de surveillance et soumises ensuite au
Conseil des gouverneurs, qui aurait le pouvoir de rejeter la décision.
Cependant, il convient de rappeler que le Conseil des gouverneurs décide
également des questions de politique monétaire. Cela peut sembler
contraire au principe de séparation des pouvoirs souhaité et
indispensable.
Le règlement MSU a fait de la question de la
séparation des pouvoirs un point crucial en affirmant clairement que les
deux missions de la BCE « devraient (...) être
exécutées de manière totalement séparée afin
de prévenir les conflits d'intérêts et de faire en sorte
que chacune des missions soit exercée conformément aux objectifs
applicables »16.
Il est donc impératif de s'intéresser à
l'examen concret des solutions mises en place pour assurer une
15« Some of the instruments can be adopted within the limits
of the current Treaties. Others will require modifications of the current
Treaties and new competences for the Union ».
16Considérant 65 du Règlement (UE)
n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
10
séparation efficace entre les missions de surveillance et
de politique monétaire.
La séparation des missions de surveillance et de
politique monétaire
Le règlement MSU prévoit un article
spécifique17 sur la séparation des différentes
missions au sein de la BCE. Il est prévu que « la BCE
s'acquitte des missions que lui confie le présent règlement sans
préjudice de ses missions de politique monétaire et de toute
autre mission et séparément de celles-ci . Les missions que le
présent règlement confie à la BCE n'empiètent pas
sur ses missions en rapport avec la politique monétaire et ne sont pas
influencées par celles-ci ». Cette affirmation n'est qu'un
principe et ne nous donne aucune information concrète sur la
séparation des missions de la BCE.
Il faut lire la suite de l'article pour avoir un aperçu
de la méthode suivie par le règlement afin de réaliser une
séparation effective : « le personnel chargé des
missions confiées à la BCE par le présent règlement
relève d'une structure organisationnelle distincte et de lignes
hiérarchiques séparées de celles dont relève le
personnel chargé d'autres missions confiées à la BCE
». Ici, il est possible de comprendre que les missions relatives à
la surveillance prudentielle relèveront d'une organisation
séparée. Comment sera mise en place cette séparation ?
s'agit-il d'une séparation seulement organisationnelle ou
également géographique ?
Il se trouve que le conseil de surveillance sera basé
à Francfort, en Allemagne tout comme les autres organes de la BCE. Il
devrait donc s'agir d'une séparation fonctionnelle. Quant aux lignes
hiérarchiques distinctes, les termes sont assez peu
compréhensibles puisque le conseil des gouverneurs sera amené
à se prononcer sur les décisions préparées par le
conseil de surveillance. Il est donc difficile de distinguer une
différence dans la hiérarchie selon la mission
exécutée par la BCE.
L'article semble expliciter la notion de lignes
hiérarchiques distinctes dans son paragraphe 4 : « la BCE fait
en sorte que le fonctionnement du conseil des gouverneurs soit totalement
différencié en ce qui concerne les missions de politique
monétaire et les missions de surveillance. A cette fin il convient de
prévoir notamment des réunions et des ordres du jour strictement
séparés ». Le Conseil des gouverneurs devrait donc
adopter un fonctionnement différent lorsqu'il évoque les
questions de surveillance prudentielle. Il est possible de penser que la
séparation des réunions et des ordres du jour n'aura que peu
d'influence sur la possibilité qu'auront les gouverneurs d'influer sur
la surveillance prudentielle. Concrètement, rien n'empêche
véritablement les gouverneurs de s'appuyer sur les décisions en
matière de politique monétaire pour décider de refuser une
décision préparée par le
17Article 25 du Règlement (UE) n°
1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
11
conseil de surveillance. Ce seront les mêmes personnes
qui devront décider de questions portant tant sur les missions de
surveillance que sur les missions de politique monétaire.
L'instrument qui semble le plus efficace, prévu par le
règlement MSU, afin de garantir l'indépendance de la BCE dans sa
fonction de surveillance, est en réalité le comité de
médiation censé régler les divergences de vues
exprimées par les autorités compétentes des Etats membres
participants concernés quant à une objection du conseil des
gouverneurs à l'égard d'un projet de décision du conseil
de surveillance. Ce comité inclura un membre par État membre
participant choisi parmi les personnes composant le Conseil des gouverneurs et
le conseil de surveillance. Son président sera le vice président
du conseil de surveillance prudentielle et ne sera pas membre du comité,
il devra favoriser l'équilibre entre le nombre de membres du Conseil des
gouverneurs et le nombre de membres du conseil de surveillance prudentielle. Ce
comité statuera à la majorité simple, chaque membre
disposant d'une voix18. Il faudra examiner dans quelle mesure les
décisions de ce comité de médiation contraindront le
Conseil des gouverneurs à revoir sa position. S'il s'agit d'un simple
avis, il est ici aussi possible d'émettre des doutes sur la
séparation effective des missions de surveillance prudentielle et de
politique monétaire. Il semblerait que la médiation consiste
simplement en une discussion avec la Banque centrale européenne aux fins
d'établir une solution. Par conséquent, le conseil des
gouverneurs pourrait de toute façon passer outre la solution
proposée par le comité de médiation.
Le seul recours contre la décision du conseil restera donc
la Cour de Justice.
Selon certains auteurs19, la procédure de
médiation ne pourrait être mise en oeuvre qu'en cas d'objection du
conseil des gouverneurs relative à des questions de nature
monétaire. Comment sera définie l'objection de nature
monétaire ? Si cette dernière est définie trop
strictement, il deviendra compliqué de saisir le comité de
médiation et cela affaiblira encore plus l'indépendance de la BCE
dans sa fonction de surveillance.
Il aurait certainement été
préférable de pousser plus loin la séparation des
fonctions de surveillance et de politique monétaire. Par exemple en
séparant géographiquement les organes chargés de chacune
des missions. Malheureusement, le traité sur le fonctionnement de
l'Union européenne interdit de confier le pouvoir décisionnaire
à un autre organe que le Conseil des gouverneurs. Néanmoins, il
aurait peut être fallu approfondir la réflexion relative à
la modification du traité car tant que le conseil
18Article 25(5) du Règlement (UE) n°
1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
19The single supervisory mechanism or
«SSM«, part one of the Banking Union by Eddy Wymeersch
12
aura le mot final sur les deux piliers de la Banque centrale
européenne il sera difficile de parler de réelle
indépendance malgré toutes les affirmations de principe du
règlement. Les mesures organisationnelles mises en place, notamment la
séparation des organes de « préparation » des
décisions, ne garantissent pas une totale autonomie de la fonction
prudentielle de la BCE.
Le 17 septembre 2014, la Banque Centrale Européenne a
toutefois rendu une décision relative à la mise en oeuvre de la
séparation des fonctions de politique monétaire et de
surveillance prudentielle de la Banque centrale européenne20.
Cette décision traite particulièrement du secret professionnel et
de l'échange d'information entre les deux domaines fonctionnels. Selon
cette décision : « la BCE garantit des procédures
décisionnelles indépendantes pour ses misions de surveillance
prudentielle et de politique monétaire »21. Elle
vient rappeler également que le personnel participant à
l'exécution de missions de surveillance prudentielle est
différent de celui participant aux autres missions confiées
à la BCE. Il est intéressant de noter que le personnel relatif
à la surveillance, dans le cadre de ses missions, dépend
hiérarchiquement du président et du vice-président du
conseil de surveillance prudentielle22. Cela explique peut
être la notion de lignes hiérarchiques distinctes
sus-citée. Cela ne résout cependant pas le problème
d'absence d'indépendance car le personnel sera, certes,
indépendant dans la préparation de la décision, cependant
cette décision devra tout de même être soumise au conseil
des gouverneurs qui aura le pouvoir d'émettre une objection.
A propos du secret professionnel, cette décision de la
BCE précise que « l'échange d'informations
confidentielles entre les deux domaines fonctionnels est soumis aux
règles de gouvernance et de procédure fixées à
cette fin et au besoin d'être informé, lequel est prouvé
par le domaine fonctionnel de la BCE qui fait la demande
»23. Les conflits relatifs à l'accès
à l'information seront réglés par le
directoire24. Il est également prévu qu'aucun des deux
domaines fonctionnels ne divulgue d'informations contenant des
évaluations ou recommandations à l'autre domaine fonctionnel,
sauf sur demande25. Ces dispositions relatives à
l'échange d'informations sont primordiales pour préserver un
minimum d'indépendance entre les deux structures organisationnelles, il
ne faudrait pas qu'une des structures puisse influencer l'autre en lui
indiquant, même de manière non-coercitive, une façon de
fonctionner. Comme l'exige le règlement MSU, la BCE devra
compléter ses règles internes afin de
20Décision de la Banque Centrale
Européenne du 17 septembre 2014 relative à la mise en oeuvre de
la séparation des fonctions de politique monétaire et de
surveillance prudentielle de la Banque centrale européenne (BCE/2014/39)
(2014/723/UE)
21Article 3(1) de la Décision de la Banque
Centrale Européenne du 17 septembre 2014 (BCE/2014/39) (2014/723/UE)
22Article 3(3) de la Décision de la Banque Centrale
Européenne du 17 septembre 2014 (BCE/2014/39) (2014/723/UE)
23Article 5(2) de la Décision de la Banque Centrale
Européenne du 17 septembre 2014 (BCE/2014/39) (2014/723/UE)
24Article 5(3) de la Décision de la Banque Centrale
Européenne du 17 septembre 2014 (BCE/2014/39) (2014/723/UE)
25Article 6(2) de la Décision de la Banque Centrale
Européenne du 17 septembre 2014 (BCE/2014/39) (2014/723/UE)
13
garantir la séparation entre les deux
fonctions26.
Pour conclure sur l'indépendance de la Banque centrale
européenne dans ses fonctions de surveillance, il faut tout d'abord
saluer le fait que le Conseil des gouverneurs ne dispose que d'une
possibilité d'objection envers les projets de décisions qui lui
sont soumis par le conseil de surveillance. Il est heureux que le Conseil ne
puisse faire de propositions de modifications de la décision. En outre,
le règlement MSU prévoit également que les
représentants de la BCE au sein du conseil de surveillance n'ont pas de
« fonctions en rapport direct avec les fonctions monétaires de
la BCE »27. Au delà de ces deux points positifs, il
reste encore beaucoup d'améliorations à prévoir pour
garantir une séparation effective. Devenir une autorité de
surveillance prudentielle ne s'improvise pas et les débats qui ont remis
en cause l'indépendance réelle des autorités nationales ne
devraient pas épargner la Banque centrale européenne dans son
rôle de régulateur des établissements de crédit.
Avant d'aborder les relations entre les autorités
nationales et la Banque centrale européenne, il convient de
s'intéresser aux conséquences, internes aux institutions de
l'Union européennes, qu'aura le Mécanisme de surveillance
unique.
La BCE n'est pas la seule institution européenne ayant
des compétences en matière bancaire, il faut donc examiner les
conséquences du MSU sur le rôle de l'Autorité bancaire
européenne (ABE).
Les conséquences de la création du MSU sur
l'Autorité bancaire européenne
*
Le règlement insiste sur la nécessaire
coopération entre la BCE et les autres institutions européennes
ayant des compétences en matière bancaire et financière.
Ainsi « la BCE devrait (...) être tenue de coopérer
étroitement avec l'ABE, l'AEMF et l'AEAPP, le comité
européen du risque systémique (CERS) et les autres
autorités qui font partie du SESF »28. Le
règlement parle ainsi d'un devoir de coopération. Il s'agit donc
d'une obligation imposée à la BCE dans le cadre de ses missions
de surveillance prudentielle.
L'ABE est sans doute la plus concernée par la mise en
place du Mécanisme de Surveillance Unique, elle a pu craindre une
diminution de ses compétences au profit de la BCE, cependant, le
règlement
26Article 25(3) du Règlement (UE) n°
1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 27Article 26(4) du
Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
28Considérant 31 du Règlement (UE) n° 1024/2013
du Conseil du 15 octobre 2013
14
MSU affirme, dans son considérant 31 que : «
la BCE devrait remplir ses missions (...) sans préjudice des
compétences et des missions incombant aux autres participants dans le
cadre du SESF ». L'ABE, faisant naturellement partie du
système européen de surveillance financière (SESF), est
donc concernée par ces dispositions et ne devrait normalement pas perdre
de compétences.
Le devoir de coopération entre la BCE et les autres
autorités faisant partie du SESF est réaffirmé à
l'article 3 du règlement MSU29.
Le règlement MSU comporte diverses illustrations de
mise en oeuvre concrète de ce devoir de coopération. Par exemple
dans les contrôles prudentiels nécessitant la réalisation
de tests de résistance : « La BCE est (...) compétente
pour exercer (...) les missions suivantes (...) : mener des contrôles
prudentiels, y compris, le cas échéant en coordination avec
l'ABE, par la réalisation de tests de résistance et leur
publication éventuelle »30. Cette disposition a, en
réalité, déjà eu l'occasion d'être mise en
oeuvre car préalablement à la mise en place du MSU, un processus
d'évaluation approfondie des banques a été mené par
la BCE et l'ABE en trois phases : une analyse préliminaire du profil de
risque des banques, un examen de la qualité des actifs et enfin un
« stress test ». Au cours de cette procédure, la BCE et l'ABE
ont du coopérer étroitement. En effet, chacune de ces
institutions a des compétences spécifiques en matière de
test de résistance, la Banque centrale européenne peut
entreprendre un test individuel de chaque établissement de crédit
sur la base des compétences qui lui sont conférées par le
règlement MSU tandis que l'ABE a la capacité d'engager un test de
résistance global à l'échelle de la zone euro
indépendamment des tests réalisés par la BCE. Toutefois,
la Cour des comptes européennes estime « qu'il existe une
ambiguïté quant à l'entité qui assume la
responsabilité globale de ces tests »31.
La coopération entre la BCE et l'ABE sera
également nécessaire au sein des collèges
d'autorité de surveillance notamment en raison de la possibilité
pour la BCE de conclure des accords avec des Etats qui ne participent pas au
MSU portant sur la surveillance prudentielle des banques. Le règlement
MSU évoque la conclusion d'accords avec les autorités de
surveillance des pays tiers et rappelle que ceux ci devront respecter les
compétences de l'ABE32.
29La BCE coopère étroitement avec l'ABE,
l'AEMF, l'AEAPP, le Comité européen du risque systémique
(CERS) et les autres autorités qui font partie du SESF, qui assurent un
niveau adéquat de réglementation et de surveillance dans
l'Union
30Article 4(1)f) du Règlement (UE) n°
1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
31Rapport spécial « La surveillance
bancaire européenne prend forme -L'ABE évolue dans un contexte
mouvant » FR 2014 n°05 Cour des comptes européenne
32Considérant 80 du Règlement (UE)
n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
15
Au delà de ce devoir de coopération, il existe
également une obligation d'information de la BCE envers l'ABE
prévu par le règlement cadre de 2014 : « La BCE informe
l'ABE de toutes les sanctions administratives (...) qui sont infligées
à une entité soumise à la surveillance prudentielle dans
un État membre de la zone euro, y compris de tout recours relatif
à ces sanctions et son issue »33.
La Cour des comptes européenne a émis des doutes
sur la réalité de l'absence de chevauchement de
compétences entre l'ABE et la BCE, elle s'est interrogée sur le
futur rôle de l'ABE dans la surveillance des banques et a clairement
recommandé une « séparation claire des rôles et
des responsabilités de l'ABE, de la BCE et des ANS ».
La commission a ensuite répondu à la Cour des
comptes européenne en estimant que le rôle de l'ABE et de la BCE
est « clairement défini dans les règlements
correspondants ». Elle n'a cependant pas donné
d'éléments probants qui garantissent une réelle
distinction des compétences de chacune de ces institutions et s'est
contentée de rappeler les affirmations de principe concernant notamment
le devoir de coopération34.
Malgré tout, il ne faut pas exagérer
l'éventuelle superposition de compétences entre ces deux
institutions, l'Autorité bancaire européenne n'est pas une
autorité de régulation et n'a aucun pouvoir coercitif direct sur
les banques, elle ne peut que coordonner l'action des diverses autorités
nationales.
La question qui se pose est de savoir si la BCE sera
considérée comme une autorité nationale dans le cadre du
rôle normatif que continuera d'avoir l'ABE.
*
L'Autorité Bancaire Européenne a un rôle
important d'élaboration de normes : « L'ABE est chargée
d'élaborer des projets de normes techniques, ainsi que des orientations
et des recommandations, en vue d'assurer la convergence de la surveillance et
la cohérence des résultats de la surveillance dans l'ensemble de
l'Union »35. Dans cette fonction, elle pourra être
assistée de la BCE. Selon le règlement MSU, elle pourra par
exemple attirer l'attention sur la nécessité de proposer à
la commission des projets de normes modifiant celles déjà en
vigueur36. L'ABE est également en charge de la conception
33Article 133 du Règlement (UE) n°468/2014
de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
34Rapport spécial « La surveillance
bancaire européenne prend forme -L'ABE évolue dans un contexte
mouvant » FR
2014 n°05 Cour des comptes européenne
35Considérant 32 du Règlement (UE)
n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
36Article 4(3) du Règlement (UE) n°
1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
16
du règlement uniforme. Encore une fois, le
règlement MSU affirme le maintien des compétences de l'ABE en ce
que la BCE ne pourra s'y substituer dans l'exercice de ses misions de
surveillance. Pourtant, l'article 132 du TFUE donne pouvoir à la BCE
d'adopter des règlements. Comment le pouvoir réglementaire de la
BCE s'articulera-t-il avec le rôle normatif de l'ABE ?
Le rôle réglementaire de l'Autorité
Bancaire Européenne ne sera pas affecté par la mise en place du
Mécanisme de surveillance unique. Cette affirmation est rappelée
dans le règlement de 2013 modifiant le règlement instituant une
Autorité européenne de surveillance en ce qui concerne des
missions spécifiques confiées à la Banque centrale
européenne en application du règlement
n°1024/201337.
La Cour des comptes européennes signale cependant que
la BCE travaille aussi sur des manuels de surveillance et qu'il faudrait
clarifier les aspects couverts par chacun de ces manuels. Elle pointe du doigt
le risque de règles contradictoires ou confuses.
Malgré tout, les dispositions du règlement MSU
semblent claires ; si la BCE peut adopter des orientations, recommandations et
arrêter des décisions, elle reste soumise, dans cet exercice
« aux normes techniques contraignantes de réglementation et
d'exécution élaborées par l'ABE et adoptées par la
Commission (...) et aux dispositions (...) relatives au manuel de surveillance
européen élaboré par l'ABE »38.
Un point reste cependant en suspens à propos de la
possibilité, pour la BCE, d'adopter des règlements, prévue
par le règlement MSU : il n'est pas spécifié que ceux-ci
devront respecter les normes techniques élaborées par l'ABE mais
simplement qu'ils ne pourront être pris que « dans la mesure
où cela s'avère nécessaire pour organiser ou
préciser les modalités de l'accomplissement des missions qui lui
sont confiées par le règlement ». En
réalité ces règlements ne devraient pouvoir violer les
normes de l'ABE puisque se limitant à l'organisation des missions
confiées à la BCE par le règlement MSU, ce dernier
garantissant lui même l'absence d'interférence de ces missions de
surveillance avec celles de l'ABE. A condition toutefois que la BCE
interprète strictement l'article lui octroyant ce pouvoir
réglementaire.
Tout porte à croire que la BCE sera tenue de respecter
les normes techniques élaborées par l'ABE ainsi que son manuel de
surveillance européen. Il est opportun qu'il en soit ainsi car ce serait
conférer
37Considérant 4 du Règlement (UE)
n°1022/2013 du 22 octobre 2013
38Article 4(3) du Règlement (UE) n°
1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
17
un pouvoir trop important à la Banque centrale que de
l'affranchir de règles auxquelles sont soumises les autorités
nationales de surveillance. De plus la possibilité, pour la BCE, de
bénéficier d'un pouvoir de réglementaire
général aurait réduit l'équilibre entre les
compétences de cette dernière et celles de la Commission
européenne et de l'Autorité bancaire européenne.
Enfin, l'ABE exercera les mêmes missions sur la BCE que
celles qu'elle exerce sur les autorités de surveillance des Etats
membres. Cette solution a été confirmée par le
règlement du 22 octobre 2013. Cette décision est logique, il
aurait été étrange que la BCE, nouvelle autorité de
supervision unique, ne soit pas soumise à l'ABE, en particulier dans les
contextes de règlement des différends entre autorités de
régulation. L'ABE continuera d'être compétente, en
conséquence, en cas de conflit entre la BCE et une autorité
nationale d'un Etat membre non-participant par exemple39.
Sur certains points, la Banque centrale européenne aura
même moins de prérogatives que les autres autorités
nationales puisque dans la composition du conseil des autorités de
surveillance, il est prévu, certes, un représentant de la Banque
centrale européenne nommé par le conseil de surveillance, mais ce
dernier ne pourra prendre part au vote contrairement au directeur de chaque
autorité publique nationale compétente « pour la
surveillance des établissements financiers dans chaque État
membre »40. Il peut paraître étonnant que la
BCE n'ait pas le droit de vote alors même qu'elle est désormais
l'autorité de régulation pour la majorité des Etats
membres de l'Union européenne. Cela peut poser problème puisqu'il
était prévu dans le règlement portant sur l'ABE, avant sa
modification en 2013, que les membres du conseil des autorités de
surveillance n'ayant pas le droit de vote ne pouvaient pas assister aux
discussions portant sur des établissement financiers
individuels41. Or, la BCE, dans sa fonction de surveillance
prudentielle est directement intéressée par ces questions. Fort
heureusement, la modification du règlement a introduit une exception et
il est désormais prévu que : « Les membres ne prenant
pas part au vote et les observateurs, à l'exception du président,
du directeur exécutif et du représentant de la Banque centrale
européenne nommé par son conseil de surveillance, n'assistent pas
aux discussions du conseil des autorités de surveillance portant sur des
établissements financiers individuels »42.
Les craintes de l'ABE de voir ses compétences
s'amoindrir en raison de l'apparition du Mécanisme de surveillance
unique ne semblent pas fondées. En réalité l'ABE aura
substantiellement les mêmes
39Considérant 12 du Règlement (UE)
n°1022/2013 du 22 octobre 2013
40Article premier(21)a) du Règlement (UE)
n°1022/2013 du 22 octobre 2013
41Article 44(4) du Règlement (UE)
n°1093/2010 instituant une Autorité européenne de
surveillance (Autorité bancaire
européenne)
42Article premier(24)b) du Règlement (UE)
n°1022/2013 du 22 octobre 2013
18
pouvoirs sur la BCE que ceux qu'elle a exercé
jusqu'à présent sur les différentes autorités
nationales des Etats membres. Au moins, les inquiétudes de l'ABE auront
eu le mérite de faire réagir le législateur
européen qui a affirmé à de nombreuses reprises, que ce
soit dans le règlement MSU ou dans le règlement modifiant le
règlement instituant l'ABE, que les nouvelles compétences de la
BCE n'empièteront pas sur les missions dévolues à
l'Autorité bancaire européenne.
*
La création du MSU a donc posé de nombreuses
questions, tout d'abord au sein même de la BCE puis au regard des autres
institutions de l'Union européenne ; il est désormais essentiel
de se consacrer au coeur du fonctionnement du MSU : les relations entre les
autorités nationales et la Banque centrale européenne.
Le règlement MSU définit l'autorité
nationale comme « une autorité compétente nationale
désignée par un Etat membre participant conformément au
règlement (UE) n°575/2013 du Parlement européen et du
Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux
établissements de crédit et aux entreprises d'investissement et
à la directive 2013/36/UE »43. La définition
nous renvoie donc à d'autres dispositions qui définissent
l'autorité nationale comme une autorité publique ou un organisme
officiellement reconnu par le droit national, qui est habilité en vertu
du droit national à surveiller les établissements dans le cadre
du système de surveillance existant dans l'État membre
concerné44.
Les autorités nationales qui rentreront dans le cadre
du Mécanisme de surveillance unique seront donc celles des Etats membres
participants habilitées à surveiller les établissements de
crédit de leur zone.
L'État membre participant est soit un État
membre dont la monnaie est l'euro, soit un État membre qui n'a pas
adopté la monnaie unique mais qui a établi une coopération
rapprochée45 avec la BCE. Toutes les autorités des
États membres ayant adopté l'euro rentrent de fait dans le
fonctionnement du MSU. Ce qui n'exclut pas pour autant les autres États
membres qui pourront, par le biais d'une coopération, faire partie du
MSU. Même si seront examinées plus tard les différences de
régimes substantielles en fonction de l'adoption ou non de la monnaie
unique par les États membres participants.
43Article 2(2) du Règlement (UE) n°
1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
44Article 4(1)40) du Règlement (UE)
n°575/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013
45Article 2(1) du Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil
du 15 octobre 2013
19
En France, l'autorité compétente nationale sera
l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR),
le code monétaire et financier le confirme : « pour la mise en
oeuvre du mécanisme de surveillance unique (...) l'Autorité de
contrôle prudentiel et de résolution est l'autorité
compétente nationale pour la France. A ce titre elle assiste la Banque
centrale européenne dans l'exercice des missions de surveillance
prudentielle qui lui sont confiées »46.
Un exemple d'autorité de régulation qui ne
participera pas au MSU serait la « Prudential Regulation Authority »
(PRA), autorité de régulation bancaire britannique47.
La Grande-Bretagne étant en dehors de la zone euro, elle ne fait pas
partie du mécanisme de surveillance unique. De plus, le gouvernement
britannique semble avoir refusé l'éventualité même
de conclure un accord de coopération rapprochée
préférant conserver la souveraineté de son autorité
nationale48.
Quelle place auront les autorités nationales au sein du
mécanisme de surveillance unique ?
Jusqu'au 4 novembre 2014, les autorités telles que
l'ACPR exerçaient une surveillance directe des établissements de
crédit situés au sein de leur État. Avec l'entrée
en application du MSU, le rôle des autorités nationales sera
certainement moins décisif. La BCE devenant l'autorité de
supervision unique, elle sera à priori seule compétente pour
exercer ses missions à l'égard de toutes les banques
situées dans la zone euro. A s'en tenir à cette affirmation, il
est possible de se demander quelle utilité continueront d'avoir les
autorités de régulation nationale en matière bancaire.
En vérité, le système mis en place est
plus complexe qu'une délégation de pouvoirs totale des
autorités nationales envers la BCE. Les autorités nationales
continueront de jouer un rôle important au sein du MSU. Cependant , la
Banque centrale s'est vue conférer un tel pouvoir par les
règlements européens qu'il est parfois difficile de croire que
les autorités nationales conserveront une influence
prépondérante en matière de surveillance prudentielle.
La question se pose donc de savoir si les autorités
nationales continueront d'avoir un réel pouvoir de surveillance
prudentielle indépendant ou si leur rôle se limitera à
l'assistance de la Banque centrale européenne ?
46Article L612-1 du Code monétaire et
financier
47The Prudential Regulation Authority's approach to
banking supervision June 2014
48«European Union towards the banking union,
single supervisory mechanism and challenges on the road ahead«
Mandana Niknejad
20
Les autorités nationales n'auront parfois aucun
rôle décisif à l'égard des établissements de
crédit, et cela, quelle que soit la taille et l'importance
systémique de ces derniers. En effet le règlement, sur certains
points, a conféré une compétence exclusive à la
Banque centrale européenne ne laissant qu'un rôle de
préparation et d'assistance aux autorités des Etats membres
(Partie I). Cependant, dans le cadre du fonctionnement courant du
Mécanisme de surveillance unique, il demeure plausible de croire en une
réelle compétence des autorités nationales envers certains
établissements de crédit ne remplissant pas les critères
des règlements les soumettant à la supervision directe de la BCE.
Quoique cette dernière affirmation puisse, elle aussi, être remise
en question (Partie II).
21
Partie I : L'Effacement des autorités nationales
dans le cadre des compétences exclusives de la Banque centrale
européenne
La BCE s'est vue conférer, par le règlement MSU,
certaines compétences exclusives, la plus parlante d'entre elles est
certainement la possibilité d'octroyer et de retirer l'agrément
(Section 1). L'agrément bancaire se définit comme un acte
émanant des autorités, quelle qu'en soit la forme, qui
confère le droit d'exercer l'activité49.
L'agrément est donc un élément indispensable pour toute
entité souhaitant exercer une activité bancaire. Accorder
l'agrément aux établissements de crédit était l'un
des rôles fondamentaux des autorités de surveillance nationales.
Le retrait d'agrément, quant à lui, est, en quelque sorte, l'arme
de dernier recours à l'encontre d'un établissement de
crédit ne remplissant plus les conditions de son autorisation.
Au delà de la procédure relative à
l'agrément, la BCE s'est vue conférer d'autres compétences
exclusives, en matière d'acquisitions de participations
qualifiées dans un établissement de crédit et dans le
cadre de la liberté d'établissement (Section 2). Ces
compétences seront examinées de manière moins approfondie
que les compétences relatives à l'agrément, surtout la
compétence exclusive de la BCE dans le cadre de la liberté
d'établissement qui, au vu des règlements, semble peu claire.
La plupart de ces compétences exclusives sont
appelées : « procédures communes » par le
règlement cadre de 201450. L'emploi de ces termes signifie
bien que les autorités nationales ne seront pas dépourvues de
toute fonction. Les autorités nationales continueront, certes, d'avoir
un rôle, cependant, ce dernier ne sera quasiment jamais décisif
puisque le pouvoir sera entre les mains de la Banque centrale
européenne. Il est donc permis de penser que, si le Mécanisme de
surveillance unique n'est pas, en lui même, un simple transfert de
souveraineté quant à la surveillance prudentielle des
établissements de crédit, il est difficile de regarder autrement
les compétences exclusives de la BCE.
Section 1 : La modestie du rôle des
autorités nationales lors de l'accès à l'exercice de
l'activité bancaire
Il conviendra d'évoquer premièrement la
procédure de délivrance de l'agrément (I) qui, tout en
ôtant
49Article 4(1)42) du Règlement (UE) n°
575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant
les exigences prudentielles applicables aux établissements de
crédit et aux entreprises d'investissement et modifiant le
règlement (UE) n°648/2012
50Partie V du Règlement (UE) n° 468/2014
de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014 établissant le
cadre de la coopération au sein du mécanisme de surveillance
unique entre la Banque centrale européenne, les autorités
compétentes nationales et les autorités désignées
nationales (BCE/2014/17).
22
le droit pour les autorités nationales d'octroyer une
autorisation, leur laisse la possibilité de la leur refuser. Pour ce qui
est de la procédure de retrait (II), cette dernière s'analyse
comme une interaction entre BCE et autorités nationales qui peuvent
toutes deux prendre l'initiative de retirer une autorisation d'exercer.
Cependant le retrait effectif nécessitera forcément une
intervention de la Banque centrale européenne.
I. L'impossibilité dommageable pour les
autorités nationales de délivrer l'agrément
indépendamment d'une décision de la BCE
L'octroi de l'agrément sera désormais soumis
à une sorte de double autorisation : le candidat à l'obtention de
l'autorisation d'exercer l'activité bancaire devra mener la
procédure devant les autorités nationales (A) mais la
décision d'octroi effectif ne pourra être prise que par la Banque
centrale européenne malgré l'opinion favorable que pourraient
avoir les autorités nationales sur un dossier leur ayant
été soumis (B).
A) Une procédure largement menée par les
autorités nationales pouvant aboutir à un rejet de la demande
d'agrément
*
Les établissements de crédit ne devront pas
soumettre leur demande d'autorisation directement devant la BCE. En effet, les
autorités nationales continueront d'être compétentes.
Ainsi, par exemple, le code monétaire et financier dispose, même
après sa modification liée au MSU, que l'Autorité de
contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) : « est
chargée d'examiner les demandes d'autorisations ou de dérogations
individuelles qui lui sont adressées »51. La
solution a été reprise dans le règlement cadre de 2014 :
« l'autorité compétente nationale à laquelle est
soumise une demande examine si le requérant satisfait à toutes
les conditions d'agrément prévues par le droit national pertinent
de l'Etat membre de l'autorité compétente nationale
»52. Ce choix de ne pas impliquer tout de suite la Banque
centrale européenne peut paraître judicieux. Il aurait
été difficile pour la Banque centrale de gérer les
procédures de demandes d'agrément de tous les candidats de la
zone euro.
Le guide relatif à la surveillance bancaire confirme le
fait que les demandes d'agrément sont adressées à
l'autorité compétente nationale. Il est, de plus,
précisé qu'il s'agit de l'autorité de l'État membre
dans
51Article L612-1(II)1° du code monétaire
et financier
52Article 74 du Règlement (UE) n° 468/2014
de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
23
lequel l'entité candidate souhaite
s'établir53. Ce renseignement n'est pas sans importance,
notamment dans le cas d'un groupe transfrontalier. En réalité le
guide ne fait qu'expliquer les dispositions du règlement MSU : «
Toute demande d'agrément pour l'accès à
l'activité d'un établissement de crédit devant être
établi dans un État membre participant est soumise aux
autorités compétentes nationales de l'État membre
où l'établissement de crédit doit être établi
»54.
Les autorités nationales auxquelles le dossier aura
été soumis examineront la demande au regard, certes, du droit
européen, mais également de leurs droit nationaux respectifs qui
sur certains points peuvent varier. En effet, le règlement MSU, lui
même, rappelle que « outre les conditions d'agrément des
établissements de crédit (...) prévus par le droit de
l'Union, les États membres peuvent actuellement prévoir d'autres
conditions d'agrément »55. Les examens des demandes
risquent de souffrir des différences substantielles entre Etats membres
puisque, inévitablement, certains États ajouteront des conditions
tandis que d'autres ne le feront pas. En outre, les États, même si
les conditions d'octroi de l'agrément sont plus ou moins les
mêmes, auront leur propre opinion sur les situations qui leur seront
présentées et une entité qui aurait pu obtenir un projet
de décision favorable dans un État membre risque de se le voir
refuser dans un autre. A cet égard, sans revenir sur le principe qui est
de soumettre les demandes d'autorisation à la Banque centrale, peut
être faudrait-il exiger des droits nationaux qu'ils aient tous les
mêmes conditions d'agrément et interdire d'en greffer davantage.
En effet la solution prévue actuellement paraît
profondément injuste et une harmonisation totale serait souhaitable.
Les autorités nationales procèderont donc
à l'analyse des dossiers et pourront, si elles considèrent que
les entités candidates remplissent les conditions de leur droit
national, soumettre une proposition favorable à la Banque centrale
européenne : « Si le demandeur satisfait à toutes les
conditions d'agrément prévues par le droit national de cet Etat
membre, l'autorité compétente nationale arrête, dans le
délai prévu par le droit national, un projet de décision
proposant à la BCE d'octroyer l'agrément
»56.
En ce qui concerne le délai, il semblerait que chaque
autorité compétente doive se conformer à son droit
national. Le règlement cadre vient néanmoins préciser que
l'autorité nationale doit notifier la réception de la demande
d'autorisation à la BCE dans les quinze jours ouvrables en l'informant
du délai dans lequel une décision concernant l'agrément
doit être prise et notifiée au requérant
53Guide relatif à la surveillance
bancaire-Septembre 2014
54Article 14(1) du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 55Considérant
21 du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
56Article 14(2) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil
du 15 octobre 2013
24
conformément au droit national pertinent. Cela semble
indiquer que le délai ne prend pas seulement en compte la partie de la
procédure conférée aux autorités nationale mais sa
globalité. Par exemple, en France, l'ACPR dispose de 6 mois pour
délivrer un agrément à compter de la réception d'un
dossier complet57 ; en cas de projet de décision favorable,
la décision de la BCE devrait être rendue avant l'expiration de
ces 6 mois. Ainsi le règlement cadre prévoit légitimement
une période minimale qu'il faut impérativement laisser à
la BCE pour qu'elle se prononce sur le projet de décision favorable :
« L'autorité compétente nationale veille à ce que
le projet de décision d'agrément soit notifié à la
BCE et au requérant au moins vingt jours ouvrables avant l'expiration de
la période maximale d'examen définie par la législation
nationale pertinente »58. La Banque centrale aura donc 20
jours pour se prononcer sur le projet de décision. Ce délai
paraît un peu court et ne laissera pas le temps à la BCE de
procéder à une analyse détaillée de la demande.
Elle devra donc inévitablement se reposer sur le travail des
autorités nationales. Se pose alors la question de l'utilité de
soumettre tous les octrois d'agrément à la Banque centrale.
La Banque centrale semble pouvoir intervenir dès
l'examen des demandes. Le règlement cadre dispose que « si la
demande n'est pas complète, l'autorité compétente
nationale, soit de sa propre initiative, soit à la demande de la BCE,
demande au requérant de fournir les informations supplémentaires
requises »59. Cela signifie qu'une fois informée de
la réception d'une demande par l'autorité nationale, la Banque
centrale peut, dès à présent, considérer que le
dossier n'est pas complet et exiger de l'autorité compétente
qu'elle requière les documents manquants. Cette possibilité,
à ce stade de la procédure, n'est pas souhaitable. L'examen
devrait relever exclusivement de la compétence de l'autorité
nationale. Si cette dernière considère que le dossier est
complet, la BCE ne devrait pouvoir intervenir qu'au moment où elle
statue sur l'octroi de l'agrément et non au moment de l'analyse du
dossier.
*
Si les autorités nationales ne peuvent plus octroyer
l'agrément, elles ont encore la possibilité de ne pas l'accorder.
Le règlement cadre précise que « les autorités
compétentes nationales rejettent les demandes qui ne remplissent pas les
conditions d'agrément prévues par le droit national pertinent
»60. Le maintien de la compétence de refus
d'agrément aux autorités nationales est opportun. En effet, cela
permettra de ne pas surcharger la Banque centrale européenne pour des
demandes qui n'auraient eu
57Site de l'ACPR :
https://acpr.banque-france.fr/agrements-et-autorisations/procedures-secteur-assurance/agrement-
administratif/delivrance-de-lagrement.html
58Article 76(2) du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
59Article 73(3) du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
60Article 75 du Règlement (UE) n° 468/2014
de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
25
aucune chance d'être acceptées. Cependant, comme
évoqué plus haut, en raison des disparités nationales
certaines autorités refuseront de délivrer un agrément que
d'autres auraient octroyé.
Sans aller jusqu'à rejeter purement et simplement
l'agrément, l'autorité nationale pourra proposer à la BCE
de limiter l'agrément ou de l'assortir de « conditions
particulières visant à préserver l'équilibre de la
structure financière de l'entreprise et le bon fonctionnement du
système bancaire ». Enfin, elle peut aussi proposer de
subordonner l'octroi de l'agrément au respect d'engagements souscrits
par l'entreprise requérante61.
Il appartiendra encore à l'autorité nationale de
notifier au demandeur d'agrément la décision finale, que ce soit
le refus d'octroyer l'agrément, les objections soulevées par la
BCE à l'encontre du projet de décision d'agrément ou
encore la décision d'agrément prise par cette
dernière62.
L'autorité nationale aura donc un rôle tout au
long de la procédure et ne sera absente, en réalité, que
dans le processus de décision effective de délivrance de
l'agrément, autrement dit, au moment le plus important pour l'avenir de
l'entité requérante. Seule la BCE a le pouvoir d'accorder le
droit, à une entité, d'exercer l'activité bancaire.
B) Une décision positive finale dépendant
uniquement de la Banque centrale européenne
La Banque centrale a la possibilité de rejeter un
projet de décision favorable (1) sans que ne pèsent, sur cette
dernière, de contraintes excessives (2).
1) La possibilité pour la BCE de rejeter un projet de
décision favorable soumis par une autorité nationale
Le règlement MSU liste plusieurs tâches pour
lesquelles seule la Banque centrale européenne aura compétence :
la délivrance de l'agrément est l'une d'entre elles. Toutes les
banques seront soumises au même régime, indépendamment de
leur taille ou de leur importance financière : « la BCE est,
(...) seule compétente pour exercer, à des fins de surveillance
prudentielle, les missions suivantes à l'égard de tous les
établissements de crédit établis dans les Etats membres
participants (...) : agréer les établissements de crédit
»63.
La volonté est claire : l'agrément est
considéré par les règlements européens comme un
point clé, trop
61Voir : article L511-10 du code monétaire et
financier pour le cas de l'Autorité de contrôle prudentiel et de
résolution 62Article 88(3) du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
63Article 4(1)a) du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
26
crucial pour être laissé au choix des
autorités compétentes : « L'agrément
préalable pour l'accès à l'activité
d'établissement de crédit est un dispositif prudentiel clé
(...). La BCE devrait, par conséquent, être chargée
d'agréer les établissements de crédit souhaitant
s'établir dans un Etat membre participant »64. Ce
choix marque peut être un manque de confiance dans les autorités
nationales. Pourquoi la BCE serait-elle compétente dans le cadre de
l'octroi de l'autorisation alors qu'il sera étudié plus tard que
pour d'autres domaines, une distinction est faite selon l'importance de la
taille des établissements de crédit ? Seuls les plus importants
relevant de la compétence directe de la Banque centrale.
Une fois que le projet de décision est soumis à
la BCE, celle-ci doit l'examiner au regard du droit de l'Union
européenne65. Elle ne peut donc pas prendre en compte les
spécificités des différents droits nationaux. Pourtant,
l'autorité nationale, avant de soumettre le projet de décision a
effectué un examen non seulement au regard des dispositions du droit de
l'Union, mais également au regard de son droit national. Il s'agit donc
forcément d'un contrôle plus strict. Il est difficile de
comprendre l'utilité d'un second contrôle par la Banque centrale
qui prendrait en compte moins d'éléments pour l'octroi de
l'agrément. En réalité il est prévu par le
règlement cadre que « la BCE adopte une décision
d'octroi d'agrément si le demandeur satisfait à toutes les
conditions d'agrément prévues conformément aux
dispositions pertinentes du droit de l'Union et du droit national de l'Etat
membre dans lequel le demandeur est établi »66.
Doit-on comprendre que la BCE procède à un premier examen
n'impliquant que le droit de l'Union dans un premier temps et qu'une fois
qu'elle constate que sont remplies les conditions du droit de l'Union, elle
procède à l'examen de la conformité de la demande aux
dispositions du droit national en question ? Cette interprétation serait
très dommageable car la Banque centrale n'est pas la mieux placée
pour juger de la conformité au droit national d'un État membre,
cela induirait, en plus, des disparités entre les différents
droits. Il faut espérer une autre interprétation. Cela pourrait,
en effet, vouloir dire que la BCE, dès lors qu'elle reçoit un
projet de décision, considère que ce dernier remplit les
conditions du droit national. Elle procède donc uniquement à
l'examen de la conformité au droit de l'Union. Une fois qu'elle constate
que la demande remplit les conditions du droit de l'Union, elle octroie
l'agrément sans effectuer de contrôle de conformité au
droit national.
Si elle décide d'octroyer ou de refuser
l'agrément, la BCE doit notifier sa décision à
l'autorité compétente nationale « dans les meilleurs
délais »67.
64Considérant 20 du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
65Article 14(3) du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
66Article 78(4) du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
67Article 88(1)a) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
27
Existe-t-il des restrictions à la possibilité, pour
la BCE, de rejeter un projet de décision favorable ?
2) Les contraintes à la possibilité pour la BCE de
rejeter un projet de décision favorable
En général, les raisons du refus
d'agrément sont assez similaires : il peut s'agir d'une entité
n'ayant pas une base économique assez solide, ou ayant une mauvaise
organisation ne lui assurant pas une résistance suffisante face aux
risques inhérents à l'activité bancaire, ou encore un
personnel ne remplissant pas les conditions d'honorabilité.
La Banque centrale a des contraintes en matière de
refus d'agrément, notamment le temps : « le projet de
décision est réputé adopté par la BCE si celle-ci
ne s'y oppose pas dans un délai maximal de dix jours ouvrables, qui
peut, dans des cas dûment justifiés, être prorogé une
fois de la même durée »68. La Banque centrale
n'a pas un délai illimité pour décider du bienfondé
de la demande d'agrément. Elle n'a que dix, voire vingt jours tout au
plus pour rendre son verdict. Etait-ce bien nécessaire de confier une
tâche d'une telle importance à la BCE ? Il est possible de penser
qu'en pratique la BCE n'interviendra que rarement pour contredire un projet de
décision favorable. Les autorités nationales disposent de
plusieurs mois pour effectuer un test de conformité. Comment la BCE
pourra-t-elle examiner sérieusement un dossier en dix jours ? Le risque
est qu'elle ne s'occupe que de certains dossiers par manque de temps.
La Banque centrale, si elle refuse l'agrément, doit en
communiquer les motifs69 : il est heureux qu'une telle exigence ait
été spécifiée. Il serait opportun,
également, que la BCE, dans sa motivation, explique, pourquoi elle a
décidé de réexaminer tel projet de décision et non
pas tel autre afin que son choix s'effectue au regard de critères
objectifs et rationnels.
Avant de rendre sa décision de refus d'agrément,
la Banque centrale, dès lors qu'elle constate que les conditions ne sont
pas remplies, doit donner « au demandeur la possibilité de
présenter des observations par écrit sur les faits et les motifs
qui sont pris en compte pour l'examen »70. Cette
disposition est une garantie nécessaire pour l'entité candidate
qui pourra s'expliquer avec la BCE.
En réalité, le temps semble être la seule
réelle contrainte de la BCE si elle décide de ne pas octroyer un
agrément malgré le projet de décision favorable de
l'autorité nationale compétente. Si elle fait preuve de
célérité, elle a donc potentiellement le pouvoir de
refuser toutes les demandes d'agrément
68Article 14(3) du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
69Même article
70Article 77(1) du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
28
à l'encontre de la volonté des autorités
nationales. Cette solution semble excessive et, en pratique, ne sera sans doute
pas mise en oeuvre souvent.
Il est inutile de confier à la BCE un pouvoir d'une
telle importance si ce dernier n'est exercé qu'avec parcimonie. Cette
compétence pourrait bien n'être que théorique. Il est fort
possible que les autorités conservent, de fait, le même pouvoir
sur les agréments qu'elles ont eu jusqu'à présent en
raison des conséquences de l'absence de réponse de la BCE
après dix jours. Si la Banque centrale ne se prononce pas sur le projet
de décision après ce délai, il sera
considéré comme adopté. L'absence de réaction de la
BCE conserverait donc la compétence des autorités nationales. Le
rôle de ces dernières qui, au vu des règlements, avait tout
d'un rôle d'assistant ou de préparateur, pourrait en fait se
révéler bien plus primordial si la Banque centrale ne traite pas
promptement les projets de décision qui lui sont soumis.
Une fois l'obtention de l'agrément acquise, il faut
continuer à respecter les conditions de l'autorisation durant l'exercice
de l'activité bancaire au risque de se la voir retirer. Comment se
déroule la procédure de retrait d'agrément dans le cadre
du MSU ?
II. L'interaction inéquitable entre les
autorités nationales et la banque centrale européenne dans le
cadre de la procédure de retrait d'agrément
L'initiative du retrait d'agrément peut être
décidée soit par la Banque centrale européenne, soit par
les autorités nationales (A) mais la décision finale ne peut
être prise que par la BCE même si les autorités de
résolution nationales sont susceptibles d'avoir une forte influence sur
cette décision (B).
A) Une initiative de retrait d'autorisation
partagée entre la Banque centrale européenne et les
autorités nationales
Bien qu'étant une compétence exclusive de la
Banque centrale européenne, le retrait d'agrément peut être
proposé par une autorité nationale (1). Il est néanmoins
nécessaire que la Banque centrale dispose, elle aussi de ce pouvoir
d'initiative (2), notamment pour des raisons de stabilité du
système financier.
1) L'initiative émanant d'une autorité nationale
D'après le règlement MSU : « Lorsque
l'autorité compétente nationale qui a proposé
l'agrément (...) estime que l'agrément doit être
retiré en vertu du droit national, elle soumet une proposition en
ce
29
sens à la BCE »71. La notion
de droit national semble inclure également les dispositions issues du
droit de l'Union européenne car il serait difficile d'imaginer que
l'autorité nationale puisse décider d'un projet de
décision favorable concernant l'octroi d'agrément en s'appuyant
sur les règlements européens et qu'elle ne puisse se fonder, pour
le retrait, que sur ses dispositions de droit interne sans tenir compte des
règlements.
Le règlement cadre confirme la possibilité pour
une autorité nationale de proposer à la BCE un retrait
d'agrément concernant un établissement de crédit. Elle
peut proposer soit un retrait total, soit un retrait partiel72.
En France, cette solution a été actée
dans l'ordonnance du 6 novembre 2014 : « Dans le cas où
l'établissement est un établissement de crédit,
l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution demande
à la Banque centrale européenne de prononcer le retrait (...)
d'agrément »73. L'ACPR continuera d'être
pleinement compétente en matière de retrait d'agrément si
l'établissement qui se le voit retirer n'est pas un établissement
de crédit mais, par exemple, une entreprise d'assurances.
Il est souhaitable que l'autorité nationale puisse
proposer un retrait d'agrément à la Banque centrale
européenne car elle est certainement la mieux placée pour savoir
si les établissements sur lesquels elle a compétence continuent
de respecter les conditions de l'autorisation d'exercer. De plus cela permettra
de soulager la Banque centrale qui ne peut pas surveiller activement toutes les
banques des États de la zone euro. Ainsi ce double pouvoir d'initiative
va permettre d'exercer une surveillance rapprochée des banques qui
courront le risque de se faire repérer par l'autorité nationale
ou la Banque centrale.
2) L'initiative émanant de la BCE
La BCE peut également être à l'initiative
du retrait d'agrément sans attendre de proposition quelconque de la part
de l'autorité de régulation nationale : « la BCE peut
retirer l'agrément de sa propre initiative »74.
Le règlement cadre est plus précis et explique
les raisons pouvant amener la BCE à prendre l'initiative de retirer un
agrément : « Si la BCE prend connaissance de circonstances qui
pourraient justifier le
71Article 14(5) du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
72Article 80(1) du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
73Article 2 de l'Ordonnance n°2014-1332 du 6
novembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la
législation au mécanisme de surveillance unique des
établissements de crédit
74Article 14(5) du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
30
retrait d'un agrément, elle examine à sa
propre initiative si l'agrément doit être retiré
conformément au droit applicable de l'Union »75. Le
règlement cadre prévoit ensuite que la BCE, lorsqu'elle envisage
de retirer un agrément, doit consulter l'autorité
compétente de l'État membre dans lequel l'établissement de
crédit est établi76.
Il aurait été souhaitable d'avoir plus
d'informations sur la notion de circonstances pouvant justifier le retrait d'un
agrément. Pour prendre connaissance de ces circonstances, plusieurs
solutions sont possibles : soit une information de la part de l'autorité
nationale mais auquel cas, il s'agirait d'un retrait à l'initiative de
cette dernière, soit une information publique sur le caractère
instable d'un établissement de crédit, ou alors la BCE prendrait
connaissance de ces circonstances à l'occasion d'une inspection. Dans ce
dernier cas, il semblerait, qu'en majorité, seuls les
établissements d'une certaine importance soient concernés par ces
inspections de la BCE. N'est-ce donc pas une façon d'introduire une
distinction selon l'importance de l'établissement de crédit ?
Il est possible de se demander si la BCE exercera souvent ce
pouvoir d'initiative ou si elle préfèrera se reposer sur les
compétences des autorités nationales. Mis à part dans des
situations extrêmes où un établissement de crédit ne
respecterait plus les conditions de son agrément de façon
notoire, et si l'autorité nationale refuse d'agir, il est difficile
d'imaginer la BCE passer du temps à rechercher des informations sur
chaque banque en vue de découvrir des éléments pouvant
mener au retrait d'agrément. Encore une fois, ce double pouvoir
d'initiative semble être assez théorique et ne devrait pas
être souvent exercé par la Banque centrale.
Contrairement à la procédure d'agrément
qui aurait certainement dû rester entièrement entre les mains des
autorités nationales, la possibilité pour la BCE de retirer
l'agrément de sa propre initiative est plus opportune. Même si
elle sera certainement peu mise en oeuvre, il aurait été
préjudiciable qu'une autorité nationale refuse de proposer un
retrait d'agrément d'un établissement soumis à sa
juridiction pour des raisons de préférence nationale. Ce pouvoir
d'initiative de la BCE permet de rationaliser la procédure de retrait
d'autorisation. De plus, le fait que l'autorité nationale refuse de
soumettre un projet de décision favorable relatif à l'octroi de
l'agrément ne fait pas courir de risque au système financier
puisque cette décision aura seulement pour effet de ne pas faire rentrer
une nouvelle entité bancaire. En revanche la décision de ne pas
soumettre un projet de retrait d'agrément pourrait avoir des effets
dévastateurs, surtout s'il s'agit d'un établissement de
crédit ayant une importance systémique. Sans ce pouvoir
d'initiative de la BCE, sa compétence exclusive relative au retrait
75Article 82(1) du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
76Article 82(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
31
d'agrément aurait été réduite
à néant.
B) Une décision relative au retrait
d'agrément par la BCE fortement influencée par les
autorités de résolution nationales
Les autorités de résolution nationales auront un
rôle primordial (2) qui influera sur la compétence exclusive de la
BCE en matière de décision de retrait d'agrément(1).
1) La décision de la BCE décidant du retrait
d'agrément
Tout comme la délivrance de l'agrément, son
retrait est considéré comme « un dispositif prudentiel
clé » par le règlement MSU. Seule la BCE doit donc en
être en charge77.
La BCE est la seule entité pouvant véritablement
prendre la décision de retirer l'agrément d'un
établissement de crédit : « La BCE est (...) seule
compétente pour exercer, à des fins de surveillance prudentielle,
les missions suivantes à l'égard de tous les
établissements de crédit établis dans les Etats membres
participants : (...) retirer les agréments des établissements de
crédit »78.
Dans la plupart des configurations, comme évoqué
plus haut, la BCE devra examiner les projets de décision de retrait
d'autorisation qui lui seront soumis par les autorités nationales. A cet
égard, le règlement cadre prévoit que la Banque centrale
devra les examiner « dans les meilleurs délais
»79. Ici, à la différence de la
procédure d'octroi de l'agrément, aucun délai
précis n'est indiqué. Cela ne permet donc pas de faire jouer la
procédure de l'acceptation tacite. Il aurait éventuellement
été préférable de prévoir le même
dispositif qu'en matière de délivrance de l'agrément. En
effet, le fait, pour une entité souhaitant exercer une activité
bancaire, de ne pas se voir octroyer l'autorisation n'a pas de
conséquences néfastes directes, en revanche, le retrait
d'agrément peut parfois être urgent et il est dommage que le
règlement ne prévoie pas que le silence de la BCE vaille
acceptation de la décision relative au retrait d'agrément. Il est
néanmoins prévu, dans le règlement cadre que la BCE «
tient notamment compte des raisons avancées par l'autorité
compétente nationale pour justifier l'urgence »80.
Cependant, cette disposition n'apporte pas beaucoup de précision sur le
délai que devrait concrètement respecter la Banque centrale en
cas d'urgence.
En réalité, l'absence de délai concret se
justifie peut être par les conséquences que peut avoir un
retrait
77Considérant 20 du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 78Article 4(1)a) du
Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
79Article 81(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014 80Même
article
32
d'agrément : entre autres les transferts d'actifs, les
répercussions sur les déposants et les mesures de
résolution. En prenant en compte ces éléments, il est
alors possible de comprendre la nécessité d'un véritable
double contrôle relatif au retrait d'agrément.
Lorsqu'elle examinera des projets de retraits émanant
d'une autorité nationale, la BCE devra également « tenir
pleinement compte des motifs justifiant le retrait avancés par
l'autorité compétente nationale »81. Le
règlement MSU n'est pas très précis. Dans quelle mesure la
BCE devra t-elle en tenir compte ? Cette disposition semble instaurer un
semblant de coopération entre autorité nationale de surveillance
et Banque centrale alors qu'en réalité la BCE procèdera
simplement à un second contrôle au regard des exigences qui sont
les siennes en matière d'agrément bancaire. Le
règlement-cadre n'apporte pas beaucoup d'éléments ajoutant
simplement que la BCE devra également tenir compte de la consultation de
l'autorité nationale et, si cette dernière n'est pas
l'autorité nationale de résolution, de l'autorité
nationale de résolution. Enfin, la Banque devra également prendre
en considération les « observations présentées
par l'établissement de crédit ».82
A ce stade, peu de contraintes se posent à la Banque
Centrale européenne lorsqu'elle décide de retirer un
agrément. Elle semble bien avoir un pouvoir assez étendu en la
matière. Pourtant, les règlements ont accordé aux
autorités de résolution nationales un contrepoids leur permettant
de peser de façon notable sur la décision de retrait
d'agrément.
2) Les autorités de résolution nationales pouvant
s'opposer au retrait d'agrément par la BCE
Le retrait d'agrément a, comme il a été
évoqué, de sérieuses conséquences et engendre des
mesures de résolution. Le mécanisme de résolution unique
n'est pas encore effectif, par conséquent, la compétence en
matière de résolution bancaire est encore dévolue aux
autorités nationales. En France, par exemple, l'ACPR est
également l'autorité de résolution.
Dans quelle proportion les autorités de
résolution nationales pourront elles influer sur la décision de
retrait d'agrément ?
Selon le règlement MSU : « tant que les
autorités nationales demeurent compétentes pour soumettre des
établissements de crédit à une procédure de
résolution » ; elles peuvent soulever des objections à
l'encontre de la décision de la BCE pour des raisons
précisées par les textes : soit que le retrait nuise
81Article 14(5) du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
82Article 83(2) du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
33
à la mise en oeuvre des mesures nécessaires
à la résolution, soit qu'il nuise au maintien de la
stabilité financière83.
Le plus surprenant est la conséquence de cette
objection : « dans ce cas, la BCE s'abstient de procéder
à un retrait pendant une période fixée d'un commun accord
avec les autorités nationales »84.
L'autorité de résolution a donc le pouvoir de bloquer le retrait
d'agrément. Cette disposition donne un rôle primordial à
ces autorités.
Il est néanmoins possible de critiquer cette solution
sur un point : le règlement ne distingue pas selon l'entité qui a
pris l'initiative du retrait d'agrément. Si cette solution se justifie
parfaitement lorsque la BCE prend la décision de retirer un
agrément de sa propre initiative car elle s'inscrit comme un
contrepouvoir et respecte pleinement la souveraineté des
autorités nationales ; il est étrange que la solution soit
également applicable lorsque les autorités nationales ont pris
l'initiative de la décision et ont soumis un projet à la BCE.
Dans le cas de la France, par exemple, l'ACPR soumettrait un projet de retrait
et pourrait par la suite s'opposer à sa confirmation par la BCE.
Même dans les États où les deux autorités sont
séparées, il n'est pas souhaitable que l'autorité de
résolution s'oppose à un projet émanant de
l'autorité de surveillance prudentielle pour des raisons de
cohérence nationale.
Bien que ce contrepouvoir apparaisse très avantageux
pour les autorités de résolution nationale, il n'est pas
absolu.
Il faut analyser ce qu'il se passe après la
période convenue « au cours de laquelle la BCE s'abstiendra de
procéder au retrait d'agrément ». Selon le
règlement cadre, une fois la période passée, la BCE est
libre de décider du retrait d'agrément. Mais cet article est un
peu ambigu car il y est également écrit à la suite :
« si l'autorité de résolution ne soulève pas
d'objections à l'encontre du retrait d'agrément, ou si la BCE
décide que les mesures nécessaires au maintien de la
stabilité financière n'ont pas été mises en oeuvre
par les autorités nationales », l'article relatif à la
décision de retrait d'agrément s'applique85. La
compréhension de cet article n'est pas simple. Il serait possible de
croire que l'autorité de résolution nationale pourrait de nouveau
s'opposer au retrait à la suite de l'expiration de la période.
Mais cette interprétation donnerait un pouvoir trop grand à
l'autorité en question. Une autre solution consisterait à penser
qu'à la fin de la période concernée, la BCE
déciderait si elle considère que les mesures nécessaires
ont été ou pas mises en oeuvre par les autorités de
résolution. Si elle estime que
83Article 14(5) du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
84Même article
85Article 84(2)et(3) du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
34
tel n'est pas le cas, elle aurait alors le pouvoir de
prononcer le retrait d'agrément. Cette dernière
interprétation domine86 et elle est préférable
car autrement, les autorités de résolution pourraient bloquer
indéfiniment le retrait d'agrément et les problématiques
de favoritisme pourraient à nouveau se poser.
Enfin, la BCE est également chargée par le
règlement cadre de notifier la décision de retrait
d'agrément à l'établissement
concerné87.
Les problématiques liées à
l'agrément ne sont pas les seules à rentrer dans le giron des
compétences exclusives de la Banque centrale européenne ; d'autre
domaines en font également partie.
Section 2 : L'emprise de la Banque centrale
européenne sur d'autres aspects de la surveillance prudentielle
La BCE aura une compétence exclusive en cas
d'acquisitions de participations qualifiées dans un établissement
de crédit, elle aura pour fonction de donner son accord ou pas à
l'acquisition envisagée (I). En outre, le règlement MSU semble
accorder un pouvoir exclusif à la Banque centrale sur certains aspects
ayant trait à la liberté d'établissement des banques
(II).
I. La curieuse compétence spécifique de la
BCE en matière d'acquisitions de participations qualifiées
Une participation qualifiée est définie comme le
fait de détenir, directement ou indirectement, au moins 10% des droits
de vote ou du capital d'une entreprise ou tout autre possibilité
d'exercer une influence notable sur la gestion de cette
entreprise88. L'acquisition d'une telle participation dans un
établissement de crédit sera soumise à l'autorisation de
la BCE après un premier examen par les autorités nationales.
Une évaluation de ce genre d'acquisition est
indispensable. Cela permet d'assurer la solidité financière des
actionnaires majoritaires des établissements de crédit. Le
règlement MSU affiche une volonté nette de confier l'autorisation
d'une telle acquisition à la Banque centrale89.
86The single supervisory mechanism or
«SSM«, part one of the Banking Union by Eddy Wymeersch
87Article 88(1)a) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014 88Article 4(35)
du Règlement (UE) n°575/2013 du Parlement européen et du
conseil du 26 juin 2013 89Considérant 22 du Règlement
(UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
35
Comme en matière d'agrément, il semble
s'opérer sur la question de l'acquisition de participations
qualifiées une distinction entre l'entité qui prépare le
projet de décision et la décision en elle même. Les
autorités nationales sont encore une fois cantonnées à un
rôle d'assistance (A) qui laisse un large pouvoir d'appréciation
à la Banque centrale européenne (B).
A) Un rôle résiduel des autorités
nationales marqué par l'absence de tout pouvoir décisionnaire
*
L'entité souhaitant acquérir une participation
qualifiée doit soumettre son projet à l'autorité
compétente nationale de l'Etat membre dans lequel est établi
l'établissement qui doit faire l'objet de l'acquisition90.
Le règlement cadre vient préciser la
procédure à suivre et l'attitude que doit adopter
l'autorité compétente lorsqu'elle reçoit une notification
d'une intention d'acquérir une participation qualifiée : elle
« informe la BCE de cette notification, au plus tard cinq jours
ouvrables à compter de l'accusé réception
»91.
*
L'autorité compétente, une fois qu'elle a
examiné le projet d'acquisition le soumet à la Banque centrale
européenne, seule compétente pour décider de façon
définitive.
L'examen effectué par l'autorité
compétente se base sur « les dispositions pertinentes du droit
national »92. Il faut interpréter le texte comme
englobant les règlements européens en plus du droit national. Il
est dommage que soit faite une distinction entre droit national et droit de
l'Union européenne puisque les autorités compétentes se
doivent de toute manière d'appliquer le droit de l'Union. La seule
utilité de cette disposition est donc de rappeler qu'elles doivent, en
plus, se fonder sur les dispositions qu'elles auraient ajouté au
delà de celles des règlements européens. D'autant plus que
le règlement cadre dispose clairement que « l'autorité
compétente nationale à laquelle est notifiée une intention
d'acquérir une participation qualifiée dans un
établissement de crédit examine si cette acquisition
éventuelle satisfait à toutes les conditions prévues par
les dispositions pertinentes du droit
90Guide relatif à la surveillance
bancaire-Septembre 2014
91Article 85(1) du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
92Article 15(1) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil
du 15 octobre 2013
36
de l'Union et du droit national »93.
La proposition de décision de l'autorité
nationale doit évaluer l'acquisition proposée en se fondant
« sur les critères prévus dans les actes visés
à l'article 4, paragraphe 3, premier alinéa
»94. Cela confirme donc que l'autorité devra
s'appuyer à la fois sur le droit de l'Union et sur son droit national.
En matière de délai, l'autorité nationale doit transmettre
son projet de décision « au moins dix jours ouvrables avant
l'expiration de la période d'évaluation définie dans les
dispositions pertinentes du droit de l'Union »95. Ici, le
règlement cadre prévoit que l'autorité nationale
présente son projet de décision « au moins quinze jours
ouvrables »96 avant l'expiration de la période. Le
même problème que pour l'octroi d'agrément risque de se
poser en matière d'agrément de participation qualifiée si
la BCE ne dispose que de dix ou quinze jours pour rendre une décision
définitive sur l'acquisition.
Une fois le projet d'acquisition examiné par les
autorités nationales, elles devront soumettre un projet de
décision qui proposera à la BCE de s'opposer ou non à
l'acquisition97.
Il est étrange de ne pas avoir confié, au moins
pour partie, la possibilité d'autoriser une participation
qualifiée aux autorités nationales qui, une fois de plus,
examineront le projet d'acquisition mais dépendront de la BCE pour la
décision définitive. Néanmoins, les autorités
nationales demeureront compétentes pour autoriser les prises de
participations qualifiées dans d'autres entités, par exemple les
sociétés de financement, puisque le MSU ne concerne que les
établissements de crédit.
La décision de la BCE comportera t-elle des limites
sérieuses comme en matière de retrait d'agrément ou, au
contraire, sera-t-elle dépourvue de toute restriction ?
B) La décision de la BCE limitée
uniquement par l'impossibilité d'évaluer les acquisitions de
participations qualifiées dans le cadre de la résolution de la
défaillance bancaire
*
Le règlement MSU, dans son article 4, dispose qu'il est
de la compétence exclusive de la BCE d'agréer les prises de
participation qualifiées dans un établissement de
crédit98. Selon le règlement, la Banque
93Article 86(1) du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
94Article 15(1) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil
du 15 octobre 2013 95Article 15(2) du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 96Article 86(2) du
Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne
du 16 avril 2014 97Même article
98Article 4(1)c) du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
37
centrale est seule compétente pour «
évaluer les notifications d'acquisitions et de cessions de
participations qualifiées dans les établissements de
crédit ». La BCE aura t-elle réellement un rôle
d'évaluateur ? Il est possible d'en douter puisque dans le cadre de
l'examen des compétences des autorités nationales, il a
été constaté que ces dernières avaient justement
pour fonction d'évaluer l'acquisition. Le Règlement MSU va en
réalité corriger cette première interprétation et
indiquer que « la BCE décide de s'opposer ou non à
l'acquisition»99. La BCE n'a donc pas de pouvoir exclusif
sur l'évaluation mais simplement sur la décision finale. Elle
aura le choix de s'opposer ou de ne pas s'opposer au projet proposé par
l'autorité nationale. Cette interprétation est confirmée
par le règlement cadre selon lequel la BCE « décide de
s'opposer ou de ne pas s'opposer à une acquisition
»100. Dans le cadre de sa décision, la BCE devra
bien évidemment procéder à un examen de l'acquisition mais
elle ne sera pas la seule à pouvoir effectuer cet examen contrairement
à ce qu'il aurait été possible de croire en lisant
l'article 4 du Règlement MSU.
Une autre question se pose : si une entité soumet une
notification d'acquisition à l'autorité nationale avant
l'application effective du Règlement MSU (avant le 4 novembre 2014) et
que ce dernier commence à s'appliquer pendant que la notification est en
cours d'évaluation au sein de l'autorité nationale ; faudrait-il
directement mettre en oeuvre le Mécanisme de surveillance unique et
soumettre un projet de décision à la BCE ? La réponse
semble être négative et dans ce cas, l'autorité nationale
devrait pouvoir conserver sa compétence101. Seules les
notifications soumises après le 4 novembre 2014 sont donc
concernées par le dispositif.
Contrairement à la procédure en matière
d'agrément, si la BCE ne respecte pas le délai prévu pour
rendre sa décision, les textes ne viennent pas préciser que son
silence vaudrait acceptation. Le règlement semble donc écarter
toute possibilité d'acceptation tacite de la part de la Banque centrale.
En outre, à la différence de la procédure
d'agrément, les autorités nationales n'ont ici aucun pouvoir de
décision puisqu'elles ne peuvent même pas décider
d'écarter la notification d'acquisition, elles devront, dans tous les
cas, soumettre leur projet, positif ou négatif, à la Banque
centrale.
Il convient de se demander pourquoi une telle
compétence a été confiée à la Banque
centrale européenne pour toutes les banques alors qu'il aurait
été préférable d'opérer une distinction
entre les banques qui présentent un risque systémique important
et les autres. La cohérence de cette compétence n'est pas
très claire. Dans ce cadre, la BCE dispose d'un pouvoir
décisionnaire étendu et
99Article 15(3) du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
100 Article 87 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
101 The single supervisory mechanism or «SSM«, part
one of the Banking Union by Eddy Wymeersch
38
sera obligée de se prononcer pour qu'une
décision effective soit prise puisque son silence ne vaudra pas
acceptation. Peut être aurait-il fallu au moins prévoir cette
possibilité d'acceptation tacite. L'octroi d'agrément semble tout
de même être une question plus sensible que l'acquisition de
participations qualifiées. Pourtant, la procédure d'octroi
d'agrément laisse une place plus importante aux autorités
nationales en raison, non seulement de la possibilité pour elles
d'émettre une décision négative, mais aussi du silence de
la Banque qui vaut acceptation du projet des autorités nationales.
*
Le règlement MSU semble limiter le pouvoir de la BCE au
cadre de la résolution de la défaillance bancaire : « Il
convient (...) de charger la BCE d'évaluer l'acquisition et la cession
de participations importantes dans les établissements de crédit,
sauf dans le cadre de la résolution bancaire »102.
Ce principe est réaffirmé à l'article 4§1c) du
Règlement.
Cette limite se justifie par l'application prochaine du
Mécanisme de résolution unique. En attendant, les
autorités nationales de résolution restent compétentes
lorsque des questions relatives à la prise de participation
qualifiée se posent dans le cadre de la résolution bancaire. Le
règlement MRU prévoit par exemple que lorsqu'une mesure de
résolution nécessite l'attribution d'une aide au titre du Fonds
européen de résolution, des conditions pourront être
imposées au bénéficiaire comme « des restrictions
sur les acquisitions de participations dans une entreprise, par une cession
d'actifs ou d'actions »103.
La BCE, enfin, sera également en charge de notifier sa
décision à l'établissement de
crédit104.
La Banque centrale semble disposer d'une compétence
exclusive également dans le cadre de la liberté
d'établissement bien que cette dernière compétence soit
peu claire.
II. Le caractère peu lisible de la compétence
exclusive de la Banque Centrale Européenne dans le cadre de la
liberté d'établissement
Le règlement MSU paraît accorder une grande
importance à la compétence de la Banque centrale
européenne pour ce qui est de la liberté d'établissement
des banques au sein de l'Union européenne. Cette compétence de la
Banque centrale devrait concerner tant les établissements de
crédit exerçant
102 Considérant 22 du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
103 Considérant 30 du Règlement (UE)
n°806/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 juillet
2014
104 Article 88(1)b) du Règlement (UE) n° 468/2014 de
la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
39
leur liberté dans un Etat membre non participant (A)
que les établissements situés en dehors de la zone MSU
exerçant leur liberté d'établissement dans cette
dernière (B).
A) La compétence de la BCE pour la surveillance
des établissements de crédit exerçant leur liberté
d'établissement dans un Etat membre non-participant
*
L'article 4 du règlement MSU dispose que « la
BCE est (...) seule compétente pour exercer, à des fins de
surveillance prudentielle », les missions suivantes : « pour
les établissements de crédit établis dans un Etat membre
participant qui souhaitent établir une succursale ou fournir des
prestations des services transfrontaliers dans un Etat membre non participant,
exercer les missions confiées à l'autorité
compétente de l'État membre d'origine
»105.
Jusqu'aujourd'hui, les autorités nationales
étaient compétentes lorsqu'un des établissements de
crédit situés dans leur zone de contrôle décidait
d'établir une succursale dans un autre État par exemple. La
surveillance s'effectuait donc depuis l'État d'origine. La BCE devenant
à priori l'autorité de surveillance unique pour la zone MSU , il
est normal qu'elle assume le rôle de l'autorité de l'État
membre d'origine lorsqu'une banque décide de prester ses services dans
un État membre qui n'est pas inclus dans la zone MSU. Il faut analyser
ici la zone MSU comme constituant un bloc de pays ne formant plus qu'un au
regard de la surveillance prudentielle.
Il est néanmoins surprenant que cette compétence
exclusive ne s'applique pas lorsqu'un établissement de crédit de
la zone MSU souhaite s'établir dans un autre État au sein du MSU.
Dans ce cas, il est opéré la distinction, qui sera
analysée plus tard, en fonction de l'importance de
l'établissement de crédit. En effet, les établissements
moins importants continueront d'être supervisés par leur
autorité nationale lorsqu'ils établiront une succursale dans un
autre Etat membre participant106.
*
Plus étonnant encore, la compétence qui semblait
exclusive au regard de l'article 4 s'avère en fait être une
compétence partagée puisque le règlement cadre dispose
qu'il est nécessaire de distinguer les établissements importants
et les moins importants ; ces derniers restant soumis à la surveillance
prudentielle de l'autorité d'origine lorsqu'ils décident de
s'établir dans un Etat membre non participant.
105 Article 4(1)b) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
106 Article 11(4) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
40
Cet article du règlement contredit point par point
l'article 4. La BCE n'a donc cette compétence exclusive que pour les
établissements importants. Cette distinction est appliquée dans
tous les cas : que l'établissement souhaite établir une
succursale dans un Etat membre non participant ou que ce dernier souhaite y
exercer la libre prestation de service : « une entité moins
importante soumise à la surveillance prudentielle souhaitant
établir une succursale ou exercer son droit à la libre prestation
de service sur le territoire d'un Etat membre non participant notifie son
intention à l'autorité compétente nationale (...).
L'autorité compétente nationale concernée exerce les
pouvoirs de l'autorité compétente de l'Etat membre d'origine
»107.
Le principe affirmé à l'article 4 est donc remis
en cause par les dispositions successives du règlement MSU ce qui rend
très floue la compréhension de la compétence réelle
de la BCE en matière de liberté d'établissement des
banques.
Quelle est alors l'étendue de la compétence
exclusive de la BCE en matière de liberté d'établissement
?
B) La compétence de la BCE en tant
qu'autorité d'accueil pour les établissements de crédit
établis dans un Etat membre non-participant exerçant leur
liberté d'établissement au sein de la zone MSU
*
Dans le cadre de la liberté d'établissement,
l'article 4 du règlement MSU semble accorder une double
compétence exclusive à la BCE, il a pu être constaté
que la première d'entre elle n'en était pas véritablement
une mais s'analysait plutôt comme une compétence partagée.
La BCE, selon le règlement, serait également seule
compétente « pour exercer (...) les missions suivantes à
l'égard de tous les établissements de crédit
établis dans les Etats membres participants : (...) pour les
établissements de crédit établis dans un État
membre non participant qui établissent une succursale ou fournissent des
services transfrontaliers dans un État membre participant, la BCE
s'acquitte (...) des missions pour lesquelles les autorités
compétentes nationales sont compétentes
»108. À la lecture de cet article, il semble que la
BCE ait une compétence exclusive lorsqu'une banque d'un État
nonparticipant souhaite exercer sa liberté au sein de la zone MSU.
107 Article 17(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
108 Article 4(1)b) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
41
Pourtant, selon le règlement cadre : «
lorsqu'une succursale est moins importante (...) l'autorité
compétente nationale de l'Etat membre participant dans lequel la
succursale est établie s'acquitte des missions de l'autorité
compétente de l'Etat membre d'accueil »109. Cet
article traite expressément de la situation où un
établissement de crédit établi hors de la zone MSU
souhaite exercer son droit d'établissement en son sein en y
établissant une succursale. Cette disposition semble faire une
distinction selon l'importance de l'établissement de crédit
contredisant donc l'existence d'une compétence exclusive de la BCE en
cette matière. Mais ici, ce n'est pas l'établissement de
crédit qui est visé mais la succursale considérée
en elle même comme formant une banque indépendamment de
l'établissement qui en est à l'origine. Ce n'est donc pas
l'importance de la banque située hors de la zone MSU qui est prise en
considération mais plutôt l'importance de la succursale qui en
émane et qui sera située dans un État membre participant.
Néanmoins, il est difficile d'imaginer un établissement «
moins important » établir une succursale importante au sein de la
zone MSU. Cependant, il est possible d'imaginer un établissement «
important » établir une succursale moins importante dans un
État faisant partie du MSU. Dans ce dernier cas, la compétence
des autorités nationales serait alors étendue puisqu'elles
pourront surveiller la succursale d'un établissement dont la
surveillance directe aurait normalement du relever de la Banque centrale
européenne si il avait été situé au sein de la zone
MSU.
*
En réalité, la seule compétence exclusive
de la BCE dans le cadre de la liberté d'établissement semble
être son pouvoir lorsqu'une banque située dans un État
membre non participant souhaite exercer la libre prestation de service dans la
zone MSU : « La BCE s'acquitte des missions de l'autorité
compétente de l'État membre d'accueil à l'égard des
établissements de crédit établis dans des États
membres non participants et exerçant leur droit en libre prestation de
services dans des États membres participants »110.
Pour cette configuration, aucune distinction n'est prévue en fonction de
l'établissement de crédit. Les autorités nationales
n'auront donc aucun rôle puisque la BCE sera en charge des fonctions de
l'autorité d'accueil. Cette disposition est donc la seule illustration
réelle de l'article 4 du règlement MSU qui semblait accorder une
compétence large à la BCE en matière de liberté
d'établissement.
Il est étonnant que seule la libre prestation de
service des Etats membres non participants ait été confiée
à la BCE. Cette compétence se justifie peut être par la
nature du contrôle exercé lors de
109 Article 14(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
110 Article 16(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
l'exercice de la libre prestation service qui repose surtout
sur l'autorité de l'État membre d'origine avec un rôle
assez faible pour l'autorité d'accueil contrairement à l'exercice
de la liberté d'établissement par la voie d'une succursale qui
impose une réelle coopération entre l'autorité d'origine
et celle de l'autorité d'accueil111. Il aurait
été impossible, pour la BCE, de s'occuper de toutes les
succursales établies au sein de la zone MSU indépendamment de
leur importance systémique.
En définitive, il est opportun que l'article 4 ait
été contredit par les dispositions du règlement cadre.
Bien que cela rende la compétence de la BCE un peu vague, les
autorités nationales disposent d'un maintien de leurs compétence
souhaitable pour les établissements de moindre importance. La BCE pourra
se concentrer sur les banques présentant un risque systémique
important.
Cette distinction selon l'importance de l'établissement
de crédit sera primordiale dans le fonctionnement courant du
Mécanisme de surveillance unique et permettra de comprendre le
rôle qu'auront les autorités nationales au sein du MSU. Dans le
cadre des compétences exclusives, le rôle de ces autorités
a souvent été cantonné à une fonction
préparatoire. Il sera intéressant d'analyser les missions de ces
dernières en termes de surveillance prudentielle. Il est indispensable
d'étudier cette question pour savoir si la BCE a véritablement le
pouvoir de contrôler toutes les banques en ne laissant plus qu'un travail
d'assistance aux autorités nationales.
42
111 Article 36 de la directive 2013/36/UE du Parlement
européen et du conseil du 26 juin 2013
43
Partie II : La Fonction dynamique des autorités
nationales dans l'organisation courante du Mécanisme de surveillance
unique
La BCE s'est vue confier, par les règlements, un
pouvoir de surveillance prudentielle direct sur certains établissements
de crédit. Cette compétence est fortement intégrée
et permet d'annihiler tout favoritisme de la part des autorités
nationales. Ces dernières conservent néanmoins une place de choix
dans la surveillance prudentielle directe exercée par la BCE, bien que
leur rôle se limite la plupart du temps à une fonction
d'assistance (Section 1). Que reste-t-il alors de la surveillance directe des
autorités nationales sur les établissements de crédit ?
Les règlements semblent accorder un pouvoir de surveillance directe aux
autorités nationales sur certaines catégories
d'établissements de crédit. Malheureusement, ils donnent de
telles possibilités d'actions à la BCE qu'il apparaît que
cette dernière peut, à tout moment, décider de
prévaloir sur la compétence des autorités nationales.
Seules quelques exceptions demeurent où la BCE ne dispose d'aucun
pouvoir de surveillance directe (Section 2).
Section 1 : Un rôle d'assistance primordial des
autorités nationales dans la surveillance prudentielle directe
exercée par la BCE
Le concours des autorités nationales sera parfois
indispensable (II) à la BCE pour que cette dernière soit en
mesure d'exercer son pouvoir de surveillance prudentielle directe (I).
I. Un pouvoir supranational de la BCE lui permettant
d'exercer une surveillance directe sur certains établissements de
crédit
Une distinction semble s'opérer dans les
règlements entre les établissements dits « importants »
et les « moins importants ». En principe la surveillance directe de
la BCE devrait concerner les premiers (A). Dans le cadre de cette
compétence directe, il conviendra également d'analyser en quoi
l'organisation de la BCE permet une intégration de la surveillance
prudentielle (B).
A) Une surveillance directe de la BCE s'exerçant
sur les établissements considérés objectivement comme
« importants »
Selon le guide relatif à la surveillance bancaire, la
BCE devrait être responsable d'environ 4900 établissements de
crédit112. Cependant, il convient de s'intéresser aux
entités sur lesquelles elle pourra
112 Guide relatif à la surveillance bancaire-Septembre
2014
44
exercer un pouvoir de surveillance directe. D'après les
règlements, la Banque centrale devrait être directement
responsable des établissements considérés comme «
importants » tandis que les autorités nationales conserveraient
leur compétence directe vis-à-vis des établissements
« moins importants »113.
Comment distinguer un établissement « important
» d'un établissement «moins important » ?
Il convient d'examiner les différents critères
alternatifs objectifs permettant de différencier les catégories
d'établissements de crédit (1) pour comprendre à quel type
de banques pourront s'appliquer les mesures prises par la BCE (2).
1) La détermination réglementaire objective de
l'importance d'un établissement de crédit
L'un des moyens prévus pour caractériser
l'importance d'un établissement est le critère de la taille :
« une entité soumise à la surveillance prudentielle ou
un groupe soumis à la surveillance prudentielle est classé comme
important si la valeur totale de ses actifs est supérieure à 30
milliards d'euros »114. Dans le cas d'un groupe
d'entreprises consolidées, il est nécessaire, pour établir
le critère de la taille, de tenir compte des succursales et des filiales
dans les États membres non participants et dans les pays
tiers115. Dans ce cas, la surveillance directe est susceptible de
s'exercer sur un établissement qui ne remplirait pas la condition de la
taille s'il était pris individuellement ou seulement en y incluant les
filiales et succursales situés dans des États membres
participants. En effet, si l'entité en question n'arrive à
remplir ce critère que grâce à ses établissements
situés hors de la zone MSU, cela pourrait poser un problème de
cohérence en ce sens que le pouvoir de surveillance directe ne
s'exercera pas sur les filiales situées dans des États non-
participants ou dans des pays tiers. Il en résultera donc un pouvoir de
supervision directe sur des banques qui, en tenant compte uniquement de leurs
actifs au sein de la zone MSU, devraient normalement relever de la
compétence directe des autorités nationales.
L'importance peut également être
dégagée de l'importance d'un établissement pour
l'économie116 ou sur la base de l'importance des
activités transfrontalières d'un groupe soumis à la
surveillance prudentielle117.
113 Considérant (5) du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
114 Article 50(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014 115Article 53 du
Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne
du 16 avril 2014
116 Articles 56 et suiv. du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
117 Articles 59 et suiv. du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
45
Pour que chaque État de la zone euro ait des banques
qui soient surveillées directement par la Banque centrale et puisque
certains États n'ont pas d'établissements remplissant les
critères sus-cités, il a été prévu que les
trois établissements de crédit les plus importants de chaque
État membre participant soient de toute manière soumis à
la surveillance directe de la BCE118. Il est possible de douter de
la pertinence de cette solution puisque cela risque d'entraîner des
inégalités entre les banques. Certaines auront une importance
plus grande que les trois plus grands établissements de certains
États participants mais ne seront pas soumises à la surveillance
directe de la Banque centrale faute de figurer dans les trois
établissements les plus importants de leur pays.
Un autre critère, plus étonnant, pour faire
rentrer une entité dans la catégorie des établissements
importants, est l'octroi ou la demande au MES d'une aide financière
publique directe119. Cette seule demande ou ce seul octroi suffit
à soumettre une banque à la supervision directe de la BCE. Cette
solution se justifie par la corrélation entre le MES et le MSU puisque
la surveillance directe de la BCE des établissements recevant une aide
directe du MES était une condition de l'octroi direct de ce soutien par
ce dernier.
La principale raison pour ne soumettre à la
surveillance prudentielle directe que les établissements importants est
surtout liée au nombre significatif d'entités au sein de la zone
euro. Beaucoup d'entre elles n'ont pas d'impact notable sur le système
financier des États participants. Leur surveillance s'exerce donc de
manière plus opportune au niveau national. Il est d'ailleurs
prévu par le règlement cadre que dans des circonstances
particulières, un établissement qui devrait être
considéré comme important selon les critères
mentionnés rentre dans la catégorie des « moins importants
» lorsque la supervision par l'autorité nationale permet une
surveillance plus cohérente120.
En définitive, la BCE sera chargée de la
surveillance directe de 120 groupes qui représentent 85% du total des
actifs bancaires parmi les Etats membres participants.
Quelles mesures pourra t-elle appliquer à ces
établissements ?
2) Exemples de mesures dont dispose la BCE dans le cadre de la
surveillance directe et leur mise en oeuvre
Dans le cadre de son pouvoir de surveillance directe, la Banque
centrale dispose de nombreuses
118 Article 65(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
119 Article 61 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
120 Article 70(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
46
prérogatives. A l'égard des
établissements de crédit « importants », elle peut
exiger qu'ils adoptent les mesures nécessaires pour régulariser
leurs manquements aux exigences prudentielles. La BCE peut leur ordonner de
prendre les actes qui s'imposent relativement à leur gestion et à
leur couverture des risques.
La Banque centrale peut même exiger que les
établissements « affectent des bénéfices nets au
renforcement des fonds propres ». La longue liste des mesures que
peut prendre la BCE se trouve à l'article 16 du règlement MSU.
Le règlement cadre s'attache à décrire la
procédure à suivre lorsque la BCE rend une décision dans
le cadre de son pouvoir de supervision directe.
Par exemple, dans le cadre de l'évaluation de la
qualité des membres des organes de direction des établissements
de crédit importants : la banque doit aviser l'autorité nationale
de toute modification concernant les membres de ses organes de direction.
L'autorité nationale notifie ces modifications à la Banque
centrale européenne. La BCE doit ensuite évaluer la
qualité des dirigeants et dispose pour cela des pouvoirs de surveillance
prudentielle que lui confèrent, d'une part, le droit de l'union et,
d'autre part, le droit national de l'autorité lui ayant notifié
la modification. Elle doit respecter le délai du droit national
applicable pour rendre sa décision et dispose de tous les pouvoirs
qu'ont les autorités nationales en vertu, tant du droit de l'Union que
du droit national121. Il est intéressant de noter la
participation des autorités de régulation de chaque Etat membre
qui retrouvent, ici, un rôle semblable à celui qui était le
leur dans le cadre des procédures communes.
La Banque centrale disposera également d'un pouvoir de
sanction en cas d'infraction des entités importantes aux obligations
fixées par ses règlements ou décisions. La forme des
sanctions est définie dans le règlement cadre : «
sanctions pécuniaires administratives », «
amendes et astreintes »122.
Dans quelle mesure l'organisation de la BCE relative à
ses missions de surveillance en permettra une forte intégration et une
application cohérente se détachant des intérêts des
Etats membres ?
B) Les principes organisationnels de la surveillance
directe au sein de la Banque centrale européenne
121 Article 93(1)(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de
la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
122 Article 120 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
47
L'intégration des missions de surveillance
confiées à la Banque centrale européenne suppose d'abord
un contrôle, garantissant le respect de la démocratie, qui devrait
s'exercer à la fois au niveau européen et au niveau
national123. La BCE devrait être responsable devant le
parlement européen et le conseil pour la mise en oeuvre de ses missions
de surveillance prudentielle. La question est néanmoins posée de
la traduction concrète de cette responsabilité dans les textes :
Le Conseil pourra démettre, avec l'approbation du Parlement, le
président ou le vice président du conseil de
surveillance124. Il est également prévu que «
la BCE doit rendre compte de la mise en oeuvre du {MSU} au Parlement
européen et au Conseil »125.
Cependant, plusieurs auteurs craignent que la
responsabilité de la BCE, dans le cadre de ses missions de surveillance
prudentielle, ne se traduisent que par des sanctions politiques et
émettent des doutes sur la légalité du dispositif si le
Parlement européen ne se voit pas suffisamment impliqué dans le
contrôle de la surveillance prudentielle directe de la Banque
centrale126. Il est cependant vrai que l'article 226 du TFUE donne
le droit au Parlement européen de « constituer une commission
temporaire d'enquête pour examiner, sans préjudice des
attributions conférées par les traités à d'autres
institutions ou organes, les allégations d'infraction ou de mauvaise
administration dans l'application du droit de l'Union ». Cet article
pourrait permettre de pallier l'absence de solution concrète de
contrôle du Parlement sur la surveillance directe de la BCE.
Cette question de la légitimité
démocratique est une condition nécessaire lorsqu'une institution
exerce des pouvoirs de nature supranationale de façon
intégrée.
La composition et le rôle du conseil de surveillance
permettent une forte intégration du processus de surveillance directe
(1) qui sera concrètement mis en oeuvre par les équipes de
surveillance prudentielles conjointes (2).
1) Le rôle et la composition du conseil de surveillance
permettant une forte intégration de la surveillance prudentielle dans le
processus de décision
Le conseil de surveillance est l'organe chargé des
missions de surveillance prudentielle au sein de la BCE. L'objectif est qu'il
soit le plus détaché possibles des considérations
nationales : « les membres du conseil de surveillance agissent tous
dans l'intérêt de l'Union dans son ensemble
»127. Cependant,
123 Guide relatif à la surveillance bancaire-Septembre
2014
124 Article 26(4) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
125 Article 20(1) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
126 Legal issues of the Single European Supervisory
Mechanism-Brantner, Giegold, Ferpasi, Brussels, 1st october 2012
127 Article 26(1) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
48
une telle affirmation n'apporte rien si elle n'est pas
accompagnée de dispositions concrètes visant à optimiser
la qualité de la supervision unique en créant un véritable
organe supranational capable de décider de la manière la plus
objective possible.
L'intégration est illustrée, tout d'abord, dans
la désignation des président et vice-président du conseil
de surveillance. Ils sont proposés au Parlement européen qui doit
les approuver. Cela fait naître une légitimité
démocratique de ce conseil de surveillance qui est nécessaire
pour que la supervision supranationale soit acceptée par les peuples des
États membres participants. Le président peut être choisi
parmi des personnalités ayant des compétences dans les domaines
bancaire et financier. La seule restriction à cette nomination est qu'il
ne doit pas être membre du Conseil des gouverneurs. Cette contrainte est
évidemment nécessaire puisque la décision finale de tout
projet émanant du conseil de surveillance sera effectuée par le
Conseil des gouverneurs selon la méthode de l'acceptation tacite. Le
vice-président, quant à lui, est désigné parmi les
membres du directoire de la BCE128.
En plus de ces deux personnalités, le conseil de
surveillance comprendra également quatre représentants de la BCE
nommés par le conseil des gouverneurs n'exerçant pas de fonctions
« en rapport direct avec les fonctions monétaires de la
BCE »129.
Ces mesures de nomination permettent donc d'assurer un fort
niveau d'intégration caractérisé par une présence
marquée de membres inhérents à la Banque centrale.
Enfin, le conseil de surveillance comprendra également
un membre par autorité nationale. Cependant ces autorités
nationales ne devraient pas compromettre le pouvoir supranational de la BCE en
tant qu'autorité de supervision unique puisque les décisions du
conseil de surveillance seront prises à la majorité simple et
« en cas d'égalité des voix, celle du président
est prépondérante »130.
Le règlement MSU a donc mis en place des
mécanismes permettant de supprimer toute possibilité pour les
autorités nationales de bloquer une mesure sur des considérations
purement nationales. Il est cependant possible de regretter l'absence de
transparence qui aurait permis de savoir dans quel sens les membres issus des
autorités nationales au sein du conseil de surveillance ont
voté131.
2) Les équipes de surveillance prudentielle conjointe
et leur fonction primordiale dans l'application quotidienne de la
128 Article 26(3) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
129 Article 26(5) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
130 Article 26(6) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
131 The single supervisory mechanism or «SSM«, part
one of the Banking Union by Eddy Wymeersch
49
surveillance directe auprès des établissements
importants.
Les équipes de surveillance conjointes seront
chargées de la surveillance concrète des entités
importantes. Elles sont définies comme des équipes de
contrôleurs chargés de la surveillance prudentielle d'une
entité soumise à la surveillance prudentielle ou d'un groupe
important soumis à la surveillance prudentielle132. Leur
fonction principale sera d'évaluer les stratégies
d'adéquation des fonds propres que les banques devront fournir en cas
d'insuffisance133.
Chaque entité importante se verra adosser une
équipe de surveillance prudentielle si elle situe dans un État
membre participant.
L'élément qui marque l'intégration de ce
processus de contrôle est le coordinateur ESPC qui sera chargé de
coordonner le travail de chaque équipe de surveillance prudentielle. Ce
coordinateur est un agent de la BCE134. Cela laissera donc, à
priori, peu de place aux autorités nationales. Le pouvoir du
coordinateur est clairement défini dans le règlement cadre :
« les membres de l'équipe de surveillance prudentielle
conjointe suivent les instructions du coordinateur ESPC en ce qui concerne
leurs missions dans le cadre de l'équipe »135.
Les Équipes de surveillance prudentielle
(Joint-supervisory teams JST) comprendront également des experts
hautement qualifiés pouvant notamment inclure des membres
d'autorités nationales qui ne seront pas forcément de la
nationalité de l'établissement surveillé. Elles
effectueront leurs tâches en s'assurant également de la bonne
application des décisions du conseil de surveillance approuvées
par le conseil des gouverneurs. Sa composition devrait aussi être
proportionnelle au profil de risque de l'entité surveillée.
Ces équipes sont considérées comme le
principal instrument de la surveillance unique. Elles sont responsables de la
supervision quotidienne des banques importantes et deviendront le principal
élément de coopération entre autorités nationales
et BCE ainsi que le premier interlocuteur des établissements de
crédit importants. Certains analystes136 considèrent
ces équipes comme une évolution des collèges
d'autorités de surveillance, instrument utilisé jusqu'aujourd'hui
pour la
132 Article 2(6) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
133 Rapport trimestriel du MSU-Progrès
réalisés dans la mise en oeuvre opérationnelle du
règlement relatif au mécanisme de surveillance unique, Avril
2014
134 Article 3(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
135 Article 6(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
136 Il rapporto tra BCE e autorità nazionali
nell'esercizio della vigilanza-Intervento di Carmelo Barbagallo, 26
février 2014
50
résolution des problématiques de surveillance
transnationale. Il s'agit donc d'une véritable approche
intégrée au regard des groupes transfrontaliers ; du moins si
toutes les entités sont situées dans des États membres
participants.
Malgré la forte intégration du pouvoir de
surveillance directe de la BCE, les autorités nationales conserveront un
rôle notable, y compris dans le contrôle des établissements
de crédit « importants ».
II. Le concours nécessaire des autorités
nationales dans le cadre de la surveillance
prudentielle directe
Les autorités nationales, dans le cadre de la
surveillance des banques importantes, conserveront, soit un rôle
d'assistance (A) soit un rôle fondamental d'action directe auprès
de ces dernières dans le cas des États membres participants dont
la monnaie n'est pas l'euro (B).
A) Une aide des autorités nationales des
États membres participants dans la surveillance directe des
établissements de crédit importants destinée à
faciliter la tâche de la Banque centrale européenne
Le règlement cadre énonce clairement que les
autorités nationales assistent la BCE dans l'exercice de ses
missions137. Cette assistance s'illustre par exemple lorsque les
autorités soumettent des projets de décision relatifs à
des entités importantes ou encore dans la mise en oeuvre des
décisions prises par la BCE (1). Les autorités nationales auront
également une certaine place dans la composition des organes et
équipes de la BCE ayant pour fonction la surveillance directe des
établissements importants (2).
1) L'assistance de la BCE au travers des projets
élaborés et des mesures appliqués par les autorités
nationales concernant des entités importantes
La Banque centrale peut demander aux autorités
nationales d'élaborer un projet de décision relatif aux
entités importantes. Parallèlement, les autorités
nationales sont également libres de soumettre, de leur propre
initiative, un tel projet à la BCE138. Cela permet aux
autorités compétentes d'avoir une certaine influence sur la
surveillance des établissements importants. Cette influence ne va
évidemment pas jusqu'à remettre en cause la supervision de la BCE
qui peut toujours s'opposer à ces
137 Article 90(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
138 Article 91 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
51
projets mais relativise la distinction entre
établissements importants et moins importants et fait apparaître
les autorités nationales comme des soutiens de poids.
Dans certaines situations, la Banque centrale
européenne pourra demander aux autorités nationales d'agir
directement auprès d'établissements de crédit importants
notamment « dans le but de s'assurer que des sanctions
appropriées sont imposées dans les cas non couverts par l'article
18§1, du règlement MSU ». Cela devrait concerner les
sanctions non pécuniaires et les sanctions pécuniaires en cas
d'infractions aux dispositions du droit de l'Union par des personnes
physiques139.
Il sera intéressant de voir comment ces sanctions
seront infligées par les autorités nationales. A priori, ces
dernières bénéficieront d'une certaine marge de manoeuvre
puisque la Banque centrale ne devrait pas préparer un projet de sanction
applicable tel quel par l'autorité nationale qui n'aurait alors
seulement qu'un rôle de notification de la sanction. En
réalité le règlement cadre offre ici aux autorités
nationales une occasion de peser sur le fonctionnement du mécanisme de
surveillance unique à l'égard des entités importantes.
Plus généralement, les autorités
nationales doivent aider la BCE à préparer et à mettre en
oeuvre tout acte lié à ses missions notamment en l'assistant dans
ses activités de contrôle140.
L'utilité des autorités nationales
vis-à-vis des entités importantes se fera également
ressentir dans le cadre de l'échange d'information. En effet, une
autorité nationale devra informer la BCE des informations relatives aux
entités importantes si il existe des raisons de penser qu'elles ne
peuvent plus satisfaire à leurs obligations à l'égard de
leurs créanciers ou encore si « des circonstances pourraient
conduire au constat selon lequel l'établissement de crédit
concerné est incapable de restituer les dépôts
»141. Les autorités nationales ont donc un
rôle primordial et auront la charge d'avertir la BCE sur ces
dysfonctionnements pouvant toucher les banques importantes. Il est donc faux de
dire que les autorités nationales ne seront employées qu'à
la supervision des entités moins importantes. Par ailleurs, le
règlement MSU marque la volonté d'intégrer les
autorités nationales dans la surveillance prudentielle directe des
établissements importants. Surtout en raison de leur expertise «
fondée sur une longue expérience dans la surveillance des
établissements de crédit établis sur leur territoire
»142. Le règlement insiste sur les
particularités économiques, organisationnelles et culturelles
propres à chaque État membre.
139 Article 134(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de
la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
140 Article 6(3) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
141 Article 92 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
142 Considérant 37 du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
52
2) L'influence organique des autorités nationales
Les autorités nationales auront également un
rôle à jouer au sein des différents organes et
équipes de la BCE relativement à ses fonctions de surveillance
prudentielle.
Selon le règlement-cadre : « les
autorités compétentes nationales nomment un ou plusieurs de leurs
membres du personnel comme membre ou membres d'une équipe de
surveillance prudentielle conjointe »143. Ces membres des
équipes de surveillance prudentielle assisteront le coordinateur. Ils
seront utiles pour des raisons de culture, de langage mais surtout pour
transmettre leur savoir faire et expertise aux membres de la
BCE144.
Dans le même esprit, le règlement MSU
prévoit également, en cas d'inspection sur place, que les «
agents de l'autorité compétente nationale de l'État
membre participant concerné ont également le droit de participer
aux inspections sur place »145.
Il convient aussi de rappeler que le conseil de surveillance
comprendra un membre par autorité compétente nationale. Si une
seule autorité ne devrait pas pouvoir influencer fortement le
résultat d'une délibération en raison du vote à la
majorité simple, plusieurs autorités ensemble pourraient le
faire. Prouver que le vote n'a pas été effectué dans le
sens des intérêts de l'Union ne sera pas une tâche
aisée et il est possible de croire que la sanction d'un tel vote ne sera
que politique146.
La coopération entre la BCE et les autorités
nationales sera indispensable pour assurer l'unité et la
cohérence de l'action du MSU.
Les autorités nationales auront encore plus de poids
dans le cadre de la coopération rapprochée où la BCE ne
pourra agir sans elles.
B) L'importance cruciale des autorités
nationales des États membres participants dont la monnaie n'est pas
l'Euro dans le cadre d'une coopération rapprochée avec la BCE
Conformément à l'article 139 du TFUE, certains
Etats membres de l'Union européenne ne figurent
143 Article 4(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
144 Jl rapporto tra BCE e autorità nazionali
nell'esercizio della vigilanza-Intervento di Carmelo Barbagallo, 26
février 2014
145 Article 12(4) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
146 The single supervisory mechanism or «SSM«, part
one of the Banking Union by Eddy Wymeersch
53
pas dans la zone euro. Cependant, il n'est pas exclu qu'ils
puissent participer au Mécanisme de surveillance unique par le biais
d'une coopération rapprochée. Le régime de la
coopération rapprochée se terminerait logiquement dans le cas
où un Etat membre antérieurement en dehors de la zone euro venait
à intégrer cette dernière conformément à
l'article 140 du TFUE. Mais évidemment, la coopération peut se
terminer pour d'autres raisons. Cette coopération comporte
néanmoins des différences de régime substantielles.
La raison qui peut pousser un Etat membre hors de la zone euro
à rejoindre le Mécanisme unique pourrait être l'influence
des marchés de capitaux pour lesquels une réglementation, ainsi
qu'une surveillance unique, sont un gage de qualité. Cela pourrait aider
les banques des pays en coopération rapprochée à faire
parvenir des capitaux à des conditions préférables.
Dans le cadre de la coopération rapprochée, la
Banque centrale européenne n'a pas le pouvoir d'agir directement
auprès des établissements de crédit, fussent-ils
importants147. Elle doit donc passer par les autorités
nationales des États membres participants hors de la zone euro (1). Ces
dernières n'ont, de plus, pas de contraintes réelles quant
à la bonne application des instructions qui leur seront données
par la BCE (2).
1) L'impossibilité pour la banque centrale
européenne d'agir directement auprès des établissements de
crédit importants situés dans des États membres
participants au MSU dont la monnaie n'est pas l'Euro
D'après le règlement cadre, lorsque la Banque
centrale souhaite adopter une mesure liée à ses missions, elle
doit, dans le cas d'une entité importante, adresser une instruction
« générale ou spécifique, une demande ou une
orientation » demandant la prise d'une décision de
surveillance prudentielle à l'égard de cette entité
importante. Lorsqu'est en cause une entité moins importante, la BCE ne
peut adresser qu'une instruction générale ou une
orientation148.
L'autorité compétente doit ensuite prendre
toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux instructions de la
Banque centrale et l'informer des mesures qu'elle a prises149.
La Banque centrale européenne n'a donc pas de prise
directe sur les établissements de crédit importants hors de la
zone euro. Elle doit passer par les autorités nationales qui ont alors
un rôle primordial.
147 Article 107(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de
la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
148 Article 108(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de
la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
149 Article 108(5) du Règlement (UE) n° 468/2014 de
la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
54
Ce même schéma se vérifie également
lorsque la BCE est censée adresser une décision à une
entité importante. Elle ne peut le faire directement dans le cadre de la
coopération rapprochée et doit pareillement adresser des «
instructions à l'autorité compétente nationale
». Cette dernière transmet une décision à
l'établissement conformément aux instructions150.
L'importance des autorités nationales prend encore plus
d'ampleur lorsqu'il s'agit d'effectuer des enquêtes dans des
établissements importants hors de la zone euro. En effet, la BCE ne
pourra procéder à ces enquêtes et ne fera qu'adresser des
instructions aux autorités nationales qui en seront chargées.
Cependant, il est prévu que des membres du personnel de la BCE soient
désignés en tant qu'observateurs de toute
enquête151.
Quelle conséquence aura le non respect, par
l'autorité nationale, des diverses instructions qui lui sont
adressées par la BCE ?
2) L'absence de conséquences coercitives réelles
en cas de manquement par une autorité nationale en coopération
rapprochée à une instruction de la BCE
Selon le règlement MSU, lorsque l'autorité
nationale ne respecte par les instructions de la BCE, cette dernière lui
adresse un avertissement et, au bout de quinze jours, elle peut décider
de suspendre ou de résilier la coopération
rapprochée152. La BCE n'a donc aucun moyen d'agir
auprès des entités hors de la zone euro et n'a, comme seul moyen
de pression, que la résiliation. Il ne devrait pas être fait
souvent application de cette mesure en raison du fait que la Banque centrale
n'a pas intérêt à faire sortir les États membres de
la zone MSU. Il est préférable, pour la BCE, que les
autorités n'appliquent ses instructions que partiellement plutôt
que nullement. De plus, cette disposition n'est pas reprise dans le
règlement cadre censé donner des précisions de
l'application du règlement MSU concernant les rôles respectifs des
autorités nationales et de la Banque centrale.
L'autorité nationale peut, à tout moment «
dès l'expiration d'une période de trois ans après la
date de publication » de la décision concernant la
coopération rapprochée, demander à la BCE de
résilier la coopération rapprochée153.
Cependant, cette configuration est exclusive du cas où il y aurait un
désaccord entre la BCE et l'autorité nationale.
150 Article 110(3) du Règlement (UE) n° 468/2014 de
la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
151 Article 114 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
152 Article 7(5) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
153 Article 7(6) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
55
D'après le règlement cadre, lorsque
l'autorité compétente nationale n'est pas en accord avec le
projet de décision du conseil de surveillance prudentielle de la BCE
qu'elle est censée appliquer, elle peut notifier au Conseil des
gouverneurs le motif de son désaccord. Ce dernier se prononce sur la
question et informe l'autorité des motifs de sa décision.
Ensuite, L'État membre participant en coopération
rapprochée « peut demander à la BCE de mettre un terme
avec effet immédiat à la coopération rapprochée
»154. L'État n'est alors plus lié par aucune
décision ultérieure et n'a pas besoin d'attendre le délai
de trois ans sus-cité.
Il en va de même lorsque le désaccord porte sur
une objection du Conseil des gouverneurs à un projet de décision
du conseil de surveillance prudentielle. Dans ce cas, si le conseil des
gouverneurs décide de confirmer son objection, l'autorité
nationale peut, « dans un délai de cinq jours »
décider qu'elle ne sera plus liée par aucune décision
« prise à la suite de la modification du projet complet de
décision initial ayant donné lieu à l'objection du conseil
des gouverneurs ». Dans ce dernier cas, la BCE semble
également pouvoir envisager l'éventuelle suspension ou fin de
coopération rapprochée155.
Il n'existe donc pas de réelle sanction du non-respect,
par l'autorité nationale en coopération rapprochée, des
instructions de la BCE. En effet, en cas de désaccord, la seule
conséquence est la fin de la coopération rapprochée. Il
est néanmoins possible d'avoir diverses interprétations de ces
dispositions. Dans le premier cas l'autorité nationale semble pouvoir se
retirer immédiatement de la coopération rapprochée sans
même devoir exécuter la décision avec laquelle elle n'est
pas en accord. Malgré tout, le règlement parle de
décisions ultérieures ; faut il alors en conclure que la fin de
la coopération rapprochée ne prendra effet qu'à la suite
de la mise en oeuvre de la dernière décision ? Cette
interprétation est peu plausible puisque la BCE n'a pas de
compétence directe sur les entités situées hors de la zone
euro et ne peut donc pas contraindre l'autorité nationale. Dans la
seconde situation, le schéma est plus clair puisque le règlement
dispose que la coopération rapprochée prendra fin à la
suite de l'application de la décision ayant donné lieu au
désaccord, bien qu'il soit difficile de comprendre comment la BCE pourra
obtenir l'application effective de la décision modifiée à
la suite de l'opposition du Conseil des gouverneurs.
Il sera intéressant d'analyser le comportement des
acteurs dans le cadre de la coopération rapprochée. La Banque
centrale devra sans doute se contenter d'une application partielle de ses
instructions par les autorités nationales. Il est probable qu'elle ne
sanctionne pas leur non respect par des ruptures
154 Article 118 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
155 Article 119 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
56
systématiques de la coopération. Les
autorités nationales, quant à elles, n'ont pas
particulièrement intérêt à se retirer de la
coopération si elles souhaitent attirer davantage de capitaux. Il en
résulte donc que tant la BCE que les autorités nationales auront
intérêt à rester dans le cadre de la coopération
rapprochée.
Les autorités nationales ont donc beaucoup plus de
poids lorsqu'elles sont en dehors de la zone euro puisqu'elles agissent
directement auprès des établissements importants sur instruction
de la BCE. De plus le non respect de ces instructions ne semble pas avoir de
conséquences coercitives pour les autorités qui, en cas de
désaccord, sont libres de se retirer sans forcément craindre une
remise en cause de la coopération par la BCE. Ces schémas se
justifient en fait car les États membres en dehors de la zone euro ne
sont pas représentés au sein du Conseil des gouverneurs et n'ont
donc pas de force réelle sur les diverses prises de
décision156. Il est normal qu'ils puissent sortir à
tout moment de la coopération.
Le fonctionnement du MSU semble également accorder une
place principale aux autorités nationales lorsqu'elles agissent
auprès d'entités moins importantes. Dans quelle mesure
conserveront-elle un pouvoir de surveillance directe ?
Section 2 : Un fort pouvoir d'intervention de la Banque
Centrale Européenne restreignant le principe d'une surveillance directe
de certains établissements de crédit par les autorités
nationales
Une lecture peu attentive des règlements
régissant le Mécanisme de surveillance unique pourrait laisser
croire à un pouvoir étendu des autorités nationales
auprès des entités qui ne relèvent pas de la surveillance
directe de la BCE (I). Pourtant, cette dernière a potentiellement le
pouvoir d'agir directement auprès de n'importe quel établissement
de crédit (II).
I. Une possibilité à priori étendue
pour les autorités nationales d'exercer une surveillance directe des
établissements de crédit
Dans certaines circonstances, les autorités nationales
conserveront un pouvoir de surveillance directe (A). Ce maintien de
compétences s'illustre particulièrement bien dans le cadre des
relations transfrontalières (B).
156 Considérant 43 du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
57
A) Le pouvoir de surveillance directe des
autorités nationales au regard de l'importance de l'établissement
de crédit ou de la nature des missions de surveillance
D'après les règlements, les autorités
nationales peuvent agir directement auprès des entités «
moins importantes », notamment en leur imposant des mesures sans devoir
attendre l'aval de la BCE (1). Il ne faut pas non plus oublier la
compétence directe des autorités nationales pour ce qui
relève des missions de surveillance non confiées à la
Banque centrale européenne (2).
1) La surveillance directe par les autorités nationales
des établissements de crédit « moins importants »
Les autorités nationales sont officiellement
chargées de la surveillance directe des établissements de moindre
importance. Selon le guide de surveillance, ces dernières se doivent
d'utiliser leurs propres ressources et procédures de prise de
décision157. Par conséquent, rien ne devrait changer
pour les autorités lorsqu'elles auront affaire à des
entités moins importantes sur leur territoire.
Cette compétence directe est confirmée par le
règlement cadre : « Dans le cadre du MSU, les
responsabilités respectives de la BCE et des autorités
compétentes nationales en matière de surveillance prudentielle
sont attribuées en fonction de l'importance des entités qui
relèvent du MSU (...) Les autorités compétentes
nationales sont chargées de la surveillance prudentielle directe des
entités qui sont moins importantes »158.
Les activités de surveillance concernées
devraient comprendre l'organisation de réunions avec les dirigeants des
établissements moins importants, une analyse régulière des
risques au sein de l'établissement concerné et la mise en oeuvre
d'inspections sur places. Cette surveillance directe concerne environ 3700
entités, soit la majorité des établissements de
crédit. Cependant, les établissements surveillés
directement par la BCE représentent plus de 85% des actifs
bancaires159. Cela permet de relativiser l'importance de la
surveillance nationale directe.
Les mesures directes des autorités compétentes
concernant les établissements moins importants seront les mêmes
que celles imposées par la BCE à l'exclusion des
procédures communes, notamment veiller au respect des exigences
prudentielles relatives aux contraintes de fonds propres, de titrisation, de
liquidité et veiller à ce que les établissements disposent
de dispositifs solides en matière de
157 Guide relatif à la surveillance bancaire-Septembre
2014
158 Considérant 5 du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
159 Note d'information sur l'évaluation
complète-Banque centrale européenne, octobre 2013
58
gouvernance. Les autorités nationales sont en fait
habilitées par le règlement MSU à « adopter
toutes les décisions pertinentes en matière de surveillance
à l'égard des établissements de crédit »
moins importants160.
Le MSU n'est pas une simple délégation de
pouvoirs des autorités vers la Banque centrale européenne. Ce
mécanisme est censé représenter un nouveau système
d'exercice conjoint des compétences de surveillance prudentielle
d'où le maintien d'un pouvoir direct aux autorités
nationales161.
Certaines missions de surveillance n'ont pas été
confiées à la Banque centrale européenne et continuent de
relever de la compétence exclusive des autorités nationales.
2) Une surveillance souveraine au regard des missions de
surveillance non confiées à la Banque centrale
européenne
Les autorités compétentes continueront d'avoir
un pouvoir direct au regard des missions non confiées à la BCE.
Cette compétence ne tiendra évidemment pas compte de la
distinction entre établissement « important » et « moins
important ».
Selon le règlement MSU : « Les missions de
surveillance qui ne sont pas confiées à la BCE devraient rester
du ressort des autorités nationales »162. Cette
affirmation permet de comprendre que le caractère supranational de la
BCE en tant qu'autorité unique de supervision prudentielle n'est pas
total. L'allégation est confirmée à l'article premier du
règlement MSU : « Le présent règlement est sans
préjudice des responsabilités et pouvoirs correspondants dont
sont investies les autorités compétentes des Etats membres
participants pour l'exercice des missions de surveillance qui ne sont pas
confiées à la BCE ».
Toutes les missions de surveillance des établissements
de crédit n'ont pas été confiées à la Banque
centrale. Quelles sont ces missions qui demeurent exclusivement nationales ?
Tout d'abord, la BCE ne sera pas en charge des entités
qui ne sont pas des établissements de crédit au sens du droit de
l'Union : c'est à dire « une entreprise dont l'activité
consiste à recevoir du public des dépôts ou d'autres fonds
remboursables et à octroyer des crédits pour son propre compte
»163. Le fait que d'autres établissements soient
surveillés en tant que tels n'entrainera pas la compétence de
la
160 Article 6(6) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
161 La Vigilanza bancaria tra presente e
futuro-Intervento di Carmelo Barbagallo, Roma 23 gennaio 2014
162 Considérant 28 du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
163 Article 4(1)1) du Règlement (UE) n°575/2013 du
Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013
59
Banque centrale. Cette exception n'en est pas
véritablement une puisque la notion de « banque » est
harmonisée au sein de l'Union européenne et tous les États
membres partagent substantiellement la même
définition164. Malgré tout, n'est jamais exclue une
différence d'interprétation d'une même disposition entre
les différents États membres.
Les autorités nationales continueront d'être
exclusivement compétentes en matière de surveillance des services
de paiement, pour les marchés d'instruments financiers, la
prévention de l'utilisation du système financier aux fins du
blanchiment de capitaux et pour le financement du terrorisme ainsi que pour la
protection du consommateur165.
Selon Eddy Wymeersch, l'article 4(3) du règlement MSU
permettrait à la BCE de s'immiscer dans le champ des compétences
qui ne lui sont pas dévolues166. L'article en question permet
en effet à la BCE d'appliquer le droit national transposant les
directives si cela s'avère nécessaire pour l'accomplissement de
ses missions. Or, des directives européennes existent, notamment sur le
blanchiment d'argent167. Cependant, ce ne sera possible que si
l'application de cette directive est nécessaire pour la
réalisation des missions qui lui sont confiées. Cela n'est donc
pas véritablement une manière, pour la Banque centrale, de
s'immiscer au delà de ses compétences. L'application de la
législation en cause sur le blanchiment ne constituerait qu'un moyen et
non une fin.
A été analysée précédemment
l'absence de compétence exclusive réelle (sauf dans le cas d'une
entité hors zone MSU exerçant la libre prestation de service dans
un Etat membre non-participant) de la BCE en matière de relations
transfrontalières. Quelle est alors la place des autorités
nationales dans ce cadre ?
B) Les compétences directes des autorités
nationales dans le cadre des relations transfrontalières
L'absence de compétences exclusives dans le cadre de la
liberté d'établissement au bénéfice de la BCE
laisse une place relativement importante aux autorités nationales que ce
soit à l'égard des établissements « moins importants
» (1) ou à l'égard des établissements de pays tiers
souhaitant exercer une activité bancaire au sein de la zone euro (2).
164 Par exemple voir article L511-1 I du code monétaire et
financier
165 Considérant 28 du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
166 The single supervisory mechanism or «SSM«, part
one of the Banking Union by Eddy Wymeersch
167 Directive 2005/60/CE du Parlement européen et du
Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de
l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux
et du financement du terrorisme
60
1) La compétence directe des autorités
nationales sur certains établissements européens « moins
importants » exerçant leur liberté d'établissement
La première illustration de cette compétence
directe se trouve dans le rôle respectif de la BCE et des
autorités nationales dans le cadre des collèges
d'autorités de surveillance prudentielle. Ces collèges ont pour
objet de dénouer les difficultés relatives à des groupes
ayant des filiales et succursales dans plusieurs Etats membres de l'Union
européenne. Ces collèges sont supervisés par
l'Autorité bancaire européenne.
Lorsque l'autorité de surveillance prudentielle du
groupe n'est pas située dans un Etat membre participant et que chaque
entité du groupe est importante, les autorités nationales des
Etats membres participants n'auront qu'un rôle d'observateur tandis que
la BCE participera en tant que membre et représentera la zone MSU dans
son ensemble face aux autorités des banques situées dans des
Etats hors MSU. Cette configuration est classique et reprend la distinction en
fonction de l'importance. Pareillement les autorités nationales
participeront toutes en tant que membres si chaque entité du groupe est
considérée comme moins importante. Enfin, si les entités
sont à la fois des établissements importants et moins importants
: seules les autorités nationales dans lesquelles les entités
moins importantes sont situées auront le droit de participer en tant que
membres. Les autres autorités participeront en tant qu'observateurs.
Enfin, la BCE participera en tant que membre pour la représentation des
entités importantes du groupe situées au sein de la zone
MSU168. Les autorités nationales conserveront donc une
compétence directe à l'égard des entités moins
importantes en tant qu'autorité de représentation de ces
dernières au sein du collège d'autorités de surveillance.
La même distinction devrait s'appliquer lorsque l'autorité de
surveillance prudentielle est située au sein de la zone MSU : dans ce
cas, la BCE serait compétente pour présider le collège si
le groupe est important sur base consolidée tandis que les
autorités nationales continueront de participer en tant que membres
à condition que des entités moins importantes soient
situées sur leur territoire. Dans le cas d'un groupe moins important sur
base consolidée, l'autorité nationale compétente devrait
présider le collège et chaque autorité concernée
aurait qualité de membre. Dans ce dernier cas, la BCE n'aurait aucun
rôle169.
Les autres pouvoirs directs des autorités nationales
découlent directement de l'absence de compétence exclusive de la
BCE en matière de liberté d'établissement et sont
rappelés ci-après :
Lorsqu'une entité moins importante souhaite
établir une succursale sur le territoire d'un autre État
168 Article 10 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
169 Articles 8(2) et 9(1) du Règlement (UE) n°
468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
61
membre participant, seule l'autorité nationale sera en
charge de vérifier si les conditions sont remplies170.
Pareillement, lorsqu'un établissement situé hors de la zone MSU
souhaite établir une succursale « moins importante » en son
sein : « l'autorité compétente nationale de l'Etat
membre participant (...) s'acquitte des missions de l'autorité
compétente de l'Etat membre d'accueil »171. Il en
va de même lorsqu'une entité moins importante située au
sein de la zone MSU souhaite exercer son droit d'établissement ou la
libre prestation de service dans un Etat membre non participant. Dans ce
dernier cas : « l'autorité compétente nationale
concernée exerce les pouvoirs de l'autorité compétente de
l'Etat membre d'origine »172.
La liberté d'établissement confère donc
une place significative aux autorités nationales qui jouissent
également d'une compétence exclusive dans le cas
d'établissements provenant de pays tiers.
2) Une compétence quasi-exclusive des autorités
nationales au regard des établissements de crédit de pays tiers
souhaitant exercer une activité bancaire au sein de la zone euro
Selon le règlement MSU, les autorités nationales
devraient rester exclusivement compétentes pour « surveiller
les établissements de crédit de pays tiers qui établissent
une succursale ou fournissent des services en prestation
transfrontalière dans l'Union »173.
Les règlements ne détaillent pas beaucoup plus
la situation des groupes bancaires de pays tiers. Au delà du passage
ci-dessus, il est simplement rappelé que la BCE pourra conclure des
accords administratifs avec les autorités de surveillance et les
administrations de pays tiers sans empiéter sur le rôle des autres
institutions et en respectant les compétences actuelles des Etats
membres174.
La BCE ne sera compétente à l'égard d'un
groupe bancaire international que si l'une de ses filiales établie dans
la zone MSU est qualifiée d'importante au regard du règlement
cadre. En effet, la compétence directe de la BCE au regard de la libre
prestation de service et de la liberté d'établissement à
l'égard des entités importantes ne s'applique que pour les
établissement situés dans des États membres
non-participants définis comme des États membres de l'Union
européenne ne participant pas au MSU. Lorsque les établissements
sont situés hors de l'Union européenne, la BCE n'a pas de
compétence directe que ce soit en matière de succursale ou de
liberté de prestation de service. Il est alors possible de craindre une
différence de traitement entre les Banques ayant leur siège dans
l'union
170 Article 11(4) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
171 Article 14(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
172 Article 17(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
173 Considérant 28 du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
174 Considérant 80 du Règlement (UE)
n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013
62
et celles ayant leur siège dans un pays tiers.
L'autorité nationale pourrait-elle traiter plus favorablement une
succursale émanant d'un établissement situé dans un pays
tiers ? Certains ont pu craindre cette configuration175 mais en
réalité, les Etats membres ne peuvent appliquer aux succursales
d'établissements de crédit ayant leur administration centrale
dans un pays tiers des dispositions conduisant à un traitement plus
favorable que celui appliqué aux succursales d'établissements de
crédit ayant leur administration centrale dans l'Union176.
Au regard des textes, les autorités nationales semblent
donc conserver plusieurs compétences directes, notamment à
l'égard des établissements « moins importants ».
Cependant, les règlements confèrent en réalité,
à la BCE, la possibilité d'agir directement sur les
entités qui devraient relever de la compétence directe des
autorités.
II. L'influence potentiellement décisive de la
Banque centrale européenne sur la supervision des établissements
« moins importants »
La Banque centrale peut imposer des obligations aux
autorités nationales en ce qui concerne la surveillance des
entités « moins importantes » (A). Son pouvoir d'intervention
à l'égard des établissements « moins importants
» ne s'arrête pas là puisqu'elle peut également
décider d'agir directement à leur égard (B).
A) Les diverses obligations imposées aux
autorités nationales affaiblissant leur compétence directe
auprès des établissements « moins importants »
La Banque centrale européenne influe sur la
surveillance directe des autorités nationales à l'égard
des établissements moins importants ; que ce soit par le biais des
diverses obligations d'information qui leur sont imposées (1) ou en
utilisant la voie normative (2).
1) De nombreuses obligations d'information portant notamment sur
certains projets de décisions et procédures
L'autorité nationale doit notifier à la BCE
« toutes les sanctions administratives imposées aux
entités moins importantes » relatives aux missions de
surveillance prudentielle177. Cette obligation influencera
forcément les autorités nationales lorsqu'elles décideront
d'infliger des sanctions
175 The single supervisory mechanism or «SSM«, part
one of the Banking Union by Eddy Wymeersch
176 Article 47(1) de la directive 2013/36/UE du Parlement
européen et du conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès
à l'activité des établissements de crédit et la
surveillance prudentielle des établissements de crédit et des
entreprises d'investissement modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les
directives 2006/48/CE et 2006/49/CE
177 Article 135 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
63
administratives. En effet, le fait de savoir que la Banque
centrale en sera informée conduira les autorités à
appliquer les sanctions de façon plus objective.
Les autorités nationales doivent également
informer la BCE en cas de « détérioration rapide et
importante de la situation de toute entité moins importante ».
En particulier si cette détérioration est susceptible de conduire
à une demande d'aide financière du MES178. Cette
obligation se comprend notamment par la conséquence d'une aide
financière directe du MES à une entité moins importante :
cette aide la fait basculer dans la catégorie des établissements
importants. Cette information est donc essentielle et permet à la BCE de
se préparer à exercer potentiellement la surveillance
prudentielle directe d'un nouvel établissement de crédit.
L'obligation d'information majeure porte sur les
procédures de surveillance prudentielle essentielles des
autorités nationales afférentes aux établissements moins
importants. Les informations relatives à ces procédures doivent
être notifiées à la Banque centrale européenne : ces
procédures concernent notamment la révocation des membres des
conseils d'administration et « les procédures ayant une
incidence importante sur l'entité moins importante soumise à la
surveillance prudentielle »179. La notion de
procédure essentielle est donc définie très largement et
il appartiendra à la BCE de donner une interprétation plus ou
moins large de ce qu'elle considère être une procédure de
surveillance essentielle. En l'état actuel du droit, la BCE peut donc
exiger des autorités nationales que lui soient communiquées
toutes informations relatives à toute procédure à
l'égard d'une entité moins importante. Il serait donc opportun de
prévoir une liste concrète de procédures
considérées comme essentielles afin d'offrir une réelle
autonomie aux autorités nationales qui, actuellement, exercent leurs
missions de surveillance directe avec la potentialité de devoir
continuellement notifier leurs actions à la BCE. En outre, même
s'il existait une liste des procédures essentielles, le règlement
dispose que, en plus des obligations d'information concernant ces
dernières, la BCE peut à tout moment demander aux
autorités compétentes nationales des informations sur la mise en
oeuvre des missions qu'elles accomplissent à l'égard des
établissements moins importants180. Cela démontre une
volonté des textes européens de permettre une immixtion de la
Banque centrale dans la supervision directe des autorités nationales. Le
guide relatif à la surveillance bancaire a mis en garde contre
l'excès de notifications à la BCE par les autorités
nationales181.
La même obligation de notification s'applique en
matière de projets de décisions considérées
comme
178 Article 96 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
179 Article 97(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
180 Article 97(3) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
181 Guide relatif à la surveillance bancaire-septembre
2014
64
essentielles s'ils ont une incidence importante sur
l'entité surveillée. Là encore, il aurait
été préférable de fournir une liste qui permette
aux autorités de discerner les projets de décisions qui donneront
lieu à notification et les autres182.
Les autorités nationales ont, dans tous les cas, une
obligation générale de faire rapport à la BCE qui peut
leur demander à tout moment de l'informer sur les mesures qui ont
été prises à l'égard des établissements
moins importants183.
En plus de ces obligations d'information et de notification,
la BCE peut agir sur la surveillance directe des entités moins
importantes en adoptant des actes contraignants à l'encontre des
autorités nationales.
2) La possibilité pour la Banque Centrale
Européenne d'influencer la supervision directe des autorités
nationales par la voie normative
Le règlement MSU prévoit que, s'agissant des
entités moins importantes, les autorités nationales agissent
selon les orientations ou instructions générales de la BCE
précisant les modalités selon lesquelles les autorités
compétentes doivent accomplir leurs missions de surveillance
prudentielle et arrêter des décisions184.
Est-il encore possible de parler de surveillance directe des
autorités nationales à l'égard des établissements
moins importants ? La question se pose sérieusement puisque le
règlement offre à la Banque centrale le pouvoir de dicter aux
autorités nationales la façon d'agir auprès des
entités pour lesquelles elles sont censées conserver la
surveillance directe. A partir du moment où ces instructions et
orientations seront en phase avec le droit de l'Union, elles devraient
logiquement prévaloir sur le droit national des autorités qui
seront alors obligées de suivre la BCE. Il est à prévoir
que les règles relatives à l'exercice même des missions de
surveillance prudentielles soient de plus en plus harmonisées. À
terme, les autorités nationales auront très peu de marge de
manoeuvre dans le cadre de leur compétence directe et seront
cloisonnées tant par les règles issues de la BCE, qui peut
également adopter des règlements, que par le manuel de
supervision unique qui décrira précisément les
procédures et la méthodologie à appliquer. En effet,
à l'heure actuelle existe encore une certaine
hétérogénéité dans le processus de
supervision appliqué par les diverses autorités nationales.
En réalité, si le règlement avait
laissé une indépendance totale aux autorités nationales
pour la
182 Article 98 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
183 Article 99 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
184 Article 6(5)a) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
65
surveillance des entités moins importantes, de
nombreuses disparités seraient apparues. De plus, certaines banques ne
présentent pas les critères d'un « établissement
important » mais représentent un réel risque
systémique. En effet, la défaillance d'une institution de petite
taille peut avoir un effet d'entraînement sur l'ensemble du
système financier185.
Pour assurer la cohérence du Mécanisme de
surveillance unique, il est également prévu que la BCE puisse,
dans certains cas, non pas seulement influencer le comportement des
autorités nationales, mais décider d'agir directement
auprès des entités « moins importantes » et ainsi
exercer une supervision directe sur ces derniers. Cette possibilité
confirme la volonté de faire de la BCE une autorité
supranationale dominant le Mécanisme de surveillance unique.
B) La possibilité pour la Banque centrale
européenne d'agir directement auprès d'un établissement
« moins important »
La BCE, pour agir directement auprès d'une
entité moins importante, peut soit décider d'exercer certains
pouvoirs sur cette dernière (1) soit décider de classifier
subjectivement un établissement de crédit dans la
catégorie des entités « importantes » (2).
1) Les pouvoirs d'enquête et de sanction de la BCE
auprès des établissements de crédit « moins
importants »
Le règlement MSU donne le droit à la Banque
centrale européenne d'exercer « à tout moment les
pouvoirs visés aux articles 10 à 13 »186.
Les articles (du règlement MSU) en question renvoient
aux pouvoirs d'enquête et d'inspections sur place. La BCE pourra donc
entreprendre des investigations et des inspections en lieu et place des
autorités nationales. Cette faculté va à l'encontre de la
dichotomie laissant croire à une distinction claire entre la supervision
des établissements importants et moins importants. Ces contrôles
seront menés par la direction générale « surveillance
microprudentielle IV » en coopération avec la division «
surveillance institutionnelle et sectorielle »187.
La BCE peut également infliger des sanctions
administratives directement aux entités moins importantes mais seulement
« dans les cas où les règlements ou décisions
pertinents de la BCE leur
185 The Failure of Nothrtern Rock-A Multidimensional Case
Study-Tim Congdon, Charles A.E. Goodhart, Robert Allen Eisenbeis, George
G. Kaufman, Paul Hamalainen, Rosa M. Lastra, David T. Llewellyn, David G.
Mayes, Geoffrey Wood, Alistair Milne, Marco Onado, Michael William Taylor
186 Article 6(5)d) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
187 Guide relatif à la surveillance bancaire-septembre
2014
66
imposent des obligations à l'égard de la
BCE »188. Cette restriction n'en est pas
véritablement une puisque les règlements ou décisions de
la BCE n'adoptent généralement pas la distinction entre
établissement important et moins important, ce qui permettra à la
BCE d'adopter des sanctions à l'égard de toutes les
entités situées au sein de la zone MSU.
2) La possibilité de procéder à une
classification subjective des établissements de crédit
Le règlement MSU envisage la possibilité,
justifiée par une application cohérente de normes
élevées de surveillance, pour la BCE, à tout moment et de
sa propre initiative, de décider d'exercer elle-même directement
« toutes les compétences pertinentes à l'égard
d'un ou de plusieurs établissements de crédit »
objectivement « moins importants »189. La seule
restriction à cette possibilité est la consultation des
autorités nationales normalement compétentes pour la supervision
de l'entité dont la BCE prend en charge la surveillance directe.
Malgré tout, cette préemption devra être justifiée
par un idéal commun de surveillance à travers la zone MSU.
Quelles seront alors ces justifications ? La notion d'application
cohérente de normes élevées peut renvoyer au cas où
des autorités nationales n'atteindraient pas un niveau de diligences
suffisant à permettre une application cohérente des règles
imposées par les institutions européennes. Par exemple, une
autorité qui n'aurait pas les moyens techniques pour faire face à
la surveillance d'un établissement qui serait, certes, moins important
au regard des règlements, mais trop important à l'échelle
de l'autorité en question. D'ailleurs, il est prévu que
l'initiative du changement de l'institution de surveillance directe puisse
également émaner de l'autorité nationale. Cette
dernière aurait, en effet, intérêt à ce que la BCE
prenne en charge une entité si elle n'est pas capable d'en assumer la
surveillance directe car l'exercice de cette surveillance pourrait amener cette
autorité à être en contradiction avec les règles
communes de surveillance non pas en raison d'une volonté contraire
à l'idéal européen mais par manque de moyens pour
atteindre les standards fixés par les institutions
européennes.
Le règlement-cadre a tenté de restreindre le
pouvoir de la BCE lui permettant de prendre le contrôle d'un
établissement « moins important ». La Banque centrale doit
tenir compte de certaines données ; notamment regarder si
l'établissement en question est proche de remplir les critères
objectifs d'importance. Le fait que l'autorité nationale n'ait pas suivi
les instructions de la BCE permet également de savoir s'il est opportun
de prendre le contrôle de l'entité moins importante190.
En effet, la Banque centrale exercera une surveillance directe dès lors
que l'autorité, par choix ou par défaut, refuse d'appliquer la
surveillance unique telle que définie par la BCE. Au sein de
l'institution bancaire
188 Article 122(b) du Règlement (UE) n° 468/2014 de
la Banque centrale européenne du 16 avril 2014
189 Article 6(4) du Règlement (UE) n°1024/2013 du
Conseil du 15 octobre 2013
190 Article 67 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la
Banque centrale européenne du 16 avril 2014
européenne, la division « surveillance
institutionnelle et sectorielle » évaluera si la BCE doit ou non
prendre le relais de la surveillance d'un établissement
particulier191.
C'est en fait le guide de surveillance prudentielle qui semble
apporter des contraintes à la préemption d'un
établissement par la BCE : « il convient de noter que la
détérioration de la situation financière d'un
établissement moins important ou l'engagement de procédures de
gestion de crise ne constituent pas nécessairement des motifs de
transfert de la surveillance de l'ACN responsable à la BCE ».
Bien que ce guide n'ait pas de valeur légale, il constitue un document
précieux pour la compréhension du MSU puisqu'il est issu de la
Banque centrale européenne qui devrait, à priori, se conformer
à ses propres interprétations.
Ce procédé est en réalité une
requalification de l'établissement « moins important » en
établissement « important ». L'importance de ce dernier
devenant alors subjective car non établie d'après les
critères fixés dans les règlements mais sur la base d'une
décision de la Banque centrale.
Les moyens donnés à la BCE d'agir directement
auprès d'entités moins importantes marquent la volonté
initiale des institutions européennes qui était de confier
à la Banque centrale la surveillance de toutes les banques
situées au sein de la zone euro ; cette idée est présente
dans le règlement MSU : « il conviendrait (...) que la BCE
puisse exercer ses missions de surveillance à l'égard de tous les
établissements de crédits agréés dans les
États membres participants et de toutes les succursales qui y sont
établies ». Evidemment, cette solution aurait
été couteuse et certainement inefficace, notamment en raison des
problèmes culturels et linguistiques qu'elle aurait engendré.
L'alternative a donc été de dessiner un semblant de partage de
compétences entre autorités nationales et BCE tout en
préservant le droit de cette dernière d'intervenir directement
dès lors qu'un établissement, quel qu'il soit, présente un
risque systémique susceptible de déstabiliser l'économie
de l'Union européenne.
67
191 Guide relatif à la surveillance bancaire-septembre
2014
68
Conclusion
Le Mécanisme de surveillance unique était
présenté comme un partage des compétences de surveillance
prudentielle en matière bancaire ; un mécanisme où les
autorités nationales, comme la BCE exerceraient des compétences
les unes à l'égard des entités « moins importantes
», l'autre à l'égard des entités « importantes
». Or, il est apparu qu'il n'y avait finalement que peu de place pour une
réelle surveillance directe de la part des autorités nationales.
Totalement effacées dans le cadre des procédures communes, leur
place n'est pas beaucoup plus décisive au sein du fonctionnement courant
du MSU. En effet, ces dernières doivent constamment rendre compte de
leurs actions à la BCE, tandis que cette dernière peut, en se
justifiant par des critères assez souples, décider de prendre le
contrôle direct d'une entité en lieu et place d'une
autorité nationale. Les règlements confèrent donc à
la BCE, le pouvoir de contrôler potentiellement toutes les banques et
marquent réellement son pouvoir supranational. La Banque centrale
s'impose comme l'autorité de supervision unique de la zone MSU. Les
autorités nationales apparaissent comme ayant une fonction subalterne ne
servant qu'à pallier l'insuffisance des moyens de la BCE pour embrasser
la surveillance de l'ensemble des établissements bancaires. Le MSU
s'inscrit donc comme une étape de plus vers le fédéralisme
européen.
Quelques exceptions demeurent concernant d'une part les
États en coopération rapprochée dont les autorités
nationales resteront souveraines vis-à-vis de la BCE qui n'aura pas la
compétence pour agir directement auprès des établissement
situés sur leur territoire et, d'autre part, les missions de
surveillance qui ne sont pas confiées à la Banque centrale.
Une approche un peu différente a été
choisie concernant le Mécanisme de résolution unique qui devrait
prochainement s'appliquer. L'entité de résolution unique sera le
Conseil de résolution unique (CRU) qui sera habilité à
prendre des décisions concernant, non seulement les entités
importantes mais aussi les groupes transfrontaliers sans prise en compte de
leur taille. Les autorités de résolution nationales conserveront
une compétence directe sur les entités qui ne sont pas
importantes et sur les groupes n'exerçant pas d'activités
transfrontalières192. Il sera néanmoins utile de voir
concrètement si la distinction sera respectée dans
l'éventuel règlement qui viendra répartir les
compétences entre les autorités nationales et le CRU. Il a pu
être constaté que, pour le MSU, des différences
considérables sont apparues entre les interprétations faites
à propos du règlement de 2013 et le règlement-cadre.
192 Considérant 28 du règlement (UE) 806/2014 du
Parlement européen et du Conseil du 15 juillet 2014 établissant
des règles et une procédure uniformes pour la résolution
des établissements de crédit et de certaines entreprises
d'investissement dans le cadre d'un mécanisme de résolution
unique et d'un fonds de résolution bancaire unique
69
Bibliographie
Ouvrages . ·
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financière européenne et internationale, deuxième
édition, Bruylant
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· J.P Kovar, J. Lasserre Capdeville, Adaptation du code
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Rétrospective 2014-Prospective 2015, p.155
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rails : le Conseil nomme les membres permanents du conseil de
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· Conférence de Carmelo Barbagallo, L'Unione
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Sources juridiques:
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d'investissement dans le cadre d'un mécanisme de résolution
unique et d'un fonds de résolution bancaire unique
· Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du
conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité
des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des
établissements de crédit et des entreprises d'investissement
modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et
2006/49/CE
· Directive 2005/60/CE du Parlement européen et du
Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de
l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux
et du financement du terrorisme
· Code monétaire et financier
· Ordonnance n°2014-1332 du 6 novembre 2014 portant
diverses dispositions d'adaptation de la législation au mécanisme
de surveillance unique des établissements de crédit
· Règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement
européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences
prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux
entreprises d'investissement et modifiant le règlement (UE)
n°648/2012
· Règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement
européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences
prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux
entreprises d'investissement et modifiant le règlement (UE)
n°648/2012
· Règlement (UE) n°1093/2010 instituant une
Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire
européenne)
·
71
Décision de la Banque Centrale Européenne du 17
septembre 2014 relative à la mise en oeuvre de la séparation des
fonctions de politique monétaire et de surveillance prudentielle de la
Banque centrale européenne (BCE/2014/39) (2014/723/UE)
· Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15
octobre 2013 confiant à la Banque centrale européenne des
missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de
surveillance prudentielle des établissements de crédit
· Traité sur le fonctionnement de l'Union
européenne
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