II.2. L'autonomie
Selon le Larousse, l'autonomie se définit par la
capacité de quelqu'un à ne pas être dépendant
d'autrui. C'est la faculté de se déterminer par soi-même,
de choisir et d'agir librement. C'est la raison pour laquelle il est
nécessaire de la considérer dans un contexte de soin afin
d'intégrer au mieux le patient à sa prise en charge. Pour cela,
il est important de connaître l'histoire de sa définition afin de
comprendre les changements de considération de l'autonomie du sujet.
II.2.1. Définition de l'autonomie
L'étymologie du mot autonomie vient du grec autos
qui veut dire « soi-même » et nomos qui signifie
« loi, règle ». Ainsi l'autonomie se définit par la
capacité de se donner à soi même sa propre loi ou
règle. Son contexte d'origine se traduit par le système politique
de la Grèce antique
1 Cf Annexes IV
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imposé par les Romains en laissant certaines villes se
gouverner par leurs propres lois. A cette époque, l'autonomie ne se
définissait pas par l'indépendance ou la souveraineté mais
par l'autodétermination, droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes.
Pour Héraclite, philosophe du VIème
siècle avant J-C, l'autonomie se définit par l'art
d'acquérir un esprit libre. En ce sens, il lie ce concept à celui
de l'éducation. En effet, selon lui « Il ne faut pas agir et
parler comme nous l'avons appris par l'héritage de
l'obéissance» : c'est-à-dire que l'enfant devient
lui-même lorsqu'il sait interpréter, reconsidérer et
s'émanciper des règles sociales induites depuis la naissance.
C'est ensuite aux siècles des Lumières que le
concept de l'autonomie est particulièrement approfondi notamment
grâce à Emmanuel Kant. L'autonomie est la notion clef de la
philosophie morale de Kant et est le fondement des devoirs éthiques.
Selon lui, l'individu doit être traités comme une fin en soi et
non seulement comme un moyen. En effet, il n'est donc pas légitime
d'objectifier le sujet dit autonome car c'est un être doté d'une
raison, qui fait de lui une personne capable de décider ou penser. Dans
la Critique de la raison pratique, Kant fait de l'autonomie le
principe unique de toutes les lois morales et l'oppose à
l'hétéronomie. L'hétéronomie est le
caractère de la volonté (faculté d'exercer un libre choix
gouverné par la raison) qui se caractérise en fonction
d'éléments extérieurs à lui-même. De cette
façon, il introduit les notions avec lesquelles l'autonomie se
corrèle, soit la dépendance et la liberté.
Adam Smith, célèbre économiste et
philosophe de la même époque, utilise une approche similaire, mais
dans le domaine de l'économie, pour analyser l'individu à part
entière dont l'autonomie et le jugement sont mis en avant sur le
marché.
John Stuart Mill, lui, considère la notion d'autonomie
à travers son principe de non-nuisance. En effet, il définit
l'autonomie par la capacité d'un individu à décider de la
manière dont il veut mener sa vie. Il soutient alors l'antipaternalisme
en condamnant « l'usage d'un pouvoir coercif [qui impose] à
quelqu'un une manière de vivre pour la seule raison qu'elle serait
meilleure pour lui ». Il dénonce, entre autres, dans un
contexte éducatif, les abus d'autorités paternelles qui ont
tendance à imposer un mode de vie plutôt que de faire
accéder l'individu à l'autonomie. Ce paternalisme conduit alors
à une restriction de la liberté individuelle et restreint
l'individu a agir librement selon le mode de vie choisi tout en respectant les
droits d'autrui.
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De nombreux autres penseurs, philosophes ou scientifiques ont
donné leur définition de l'autonomie. Parmi eux nous retrouvons
Auguste Lecomte, père de la sociologie moderne et des sciences sociales.
Il définit l'autonome comme celui atteignant « l'état
positif » celui affranchi de l'influence des religions et de la
métaphysique.
Finalement, le concept d'autonomie interroge les Hommes depuis
l'Antiquité et différentes définitions émergent
dans des domaines variés tel que le droit, la médecine, la
psychologie, la bioéthique ou encore la sociologie. En
résumé, en philosophie, l'autonomie désigne la
capacité d'agir selon ses règles personnelles
indépendamment des influences religieuses et métaphysiques tout
en respectant la liberté d'autrui. En psychologie, elle est
définie comme une affirmation de soi en tant qu'individu de
manière à répondre à ses besoins en fonction de son
expérience personnelle antérieure. En droit, l'autonomie est la
faculté d'agir librement sans entraver les droits d'autrui. Enfin, en
bioéthique, l'autonomie implique le consentement de la personne pour
tout acte réalisé sur sa personne ou son corps. 1
C'est pourquoi il est intéressant de définir ce
qu'est l'autonomie dans le soin des soignants et la manière dont elle
est considérée.
II.2.2. L'autonomie dans le soin
Dans la pratique médicale et paramédicale,
l'enjeu majeur pour les soignants est de faire respecter l'autonomie du sujet
dans un contexte de vulnérabilité lié à la maladie.
Ce respect de l'autonomie repose sur différentes notions : l'information
claire, précise et loyale, la vérification de la
compréhension de la personne, la volonté à décider
ou non de la personne et le consentement éclairée de cette
dernière.
Le respect de l'autonomie du patient implique deux notions :
celle de la capacité de jugement et celle de la liberté de
pouvoir agir. La capacité de jugement rejoint la capacité de
raisonnement, c'est-à-dire la faculté d'identifier et d'analyser
une situation donnée afin de choisir une solution et d'en évaluer
l'impact. La liberté de pouvoir agir est l'aptitude à refuser ou
accepter selon ses choix en fonction du jugement préalablement
établis dans le respect des lois et des usages communs. Lorsque l'une de
ces notions est altérée il y a un risque que
1 REACH,G.2013 - Vol. 7 -
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l'autonomie ne soit pas respectée. Pour mieux
comprendre ce phénomène, il faut définir la
dépendance du patient.
Afin de considérer au mieux l'autonomie des patients,
il est nécessaire de déterminer son degré de
dépendance. La dépendance se définit par
l'impossibilité partielle ou totale d'effectuer des tâches de la
vie quotidienne sans aide ou de s'adapter à son
environnement.1 Ces activités peuvent être d'ordre
physique, psychologique ou sociale. Tous types de pathologies peuvent porter
atteinte à l'autonomie du malade et donc augmenter le degré de
dépendance.
La dépendance est un concept qui implique une certaine
forme de solidarité dans la mesure où l'usager a pour objectif
l'ouverture d'une relation avec autrui afin d'obtenir une assistance. Cette
notion se réfère à la définition du care,
précédemment introduite, sous-entendant la sollicitude,
l'attention et le soin réalisés par autrui. Dans un contexte de
soin, cela s'illustre majoritairement à travers la relation
soignant-soigné ayant pour but une restauration de l'autonomie du
patient.
Cette dépendance s'explique par différents
facteurs considérés par le modèle CIF. Nous y retrouvons
dans un premier temps la déficience qui conduit à une
insuffisance physique ou intellectuelle due à une altération
d'une structure ou fonction organique. Dans un deuxième temps,
l'incapacité se traduit par une limitation d'activité liée
à une réduction ou une difficulté d'exécution
d'activité. Enfin, il s'agit du handicap par la restriction de
participation engendrant des conséquences sociales, culturelles,
environnementales et économiques.
De cette manière, plusieurs outils permettent
d'évaluer le degré de dépendance et donc d'autonomie de
l'usager. Pour faciliter la communication entre les professionnels de
santé, il est nécessaire d'utiliser des moyens simples,
vérifiés et universels. Ainsi, nous retrouvons la grille AGGIR ou
les ALD et IALD. Les ADL (activité de la vie quotidienne)
évaluent le degré d'exécution et le besoin d'aide ou non
dans la réalisation de six activités quotidiennes2.
Les IADL (activités instrumentales de la vie quotidienne)
évaluent huit activités impliquant un dispositif extérieur
comme un téléphone, des médicaments, les transports ou
encore l'argent. La grille AGGIR classifie en six groupes de
dépendances, le patient âgé totalement autonome
1 REACH,G.2013.Vol. 7 - N°4 317-323
2 Méga Guide Stages IFSI (c) 2015, pages
577-580.
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à la personne âgée totalement
dépendante, ce qui permettra, ou non, d'organiser une aide à
domicile par exemple.
Ces manières de considérer l'autonomie de
l'individu dans un contexte de soin est particulièrement important pour
évaluer le degré et l'exactitude du pouvoir de décision du
patient. En effet, les facteurs précédemment cités peuvent
altérer le jugement de ce dernier et donc conduire à
reconsidérer l'implication du patient dans la décision
médicale.
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