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Quelle(s) finalité(s) pour le droit du travail sénégalais?


par Alassane SECK
Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) - Master 2 en droit privé et sciences criminelles 2017
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR

FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES

MEMOIRE DE MASTER II RECHERCHE
DROIT PRIVE ET SCIENCES
CRIMINELLES

QUELLE (S) FINALITE (S) POUR

LE DROIT DU TRAVAIL

SENEGALAIS ?

Sous la direction de Mme Aminata Cissé NIANG

Professeure

Agrégée des facultés de droit

Présenté par :
M. Alassane SECK
Option : Affaires

Année universitaire

2016 - 2017

UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR

FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES

MEMOIRE DE MASTER II RECHERCHE
DROIT PRIVE ET SCIENCES
CRIMINELLES

QUELLE (S) FINALITE (S) POUR

LE DROIT DU TRAVAIL

SENEGALAIS ?

Sous la direction de Mme Aminata Cissé NIANG Professeure

Agrégé des facultés de droit

Présenté par :

M. Alassane SECK Option : Affaires

Année universitaire

2016 - 2017

DEDICACES

Je dédie ce travail :

A Allah (exalté soit-il) le Clément, le Miséricordieux,

A son messager Muhammad (PSL)

A ma digne mère Madjiguène THIOUNE

A mon père Souleymane SECK

A mes deux soeurs

A tous mes camarades de promotion

REMERCIEMENTS

Je remercie :

Ma directrice de mémoire : Mme Aminata Cissé NIANG, qu'elle trouve l'expression de toute ma reconnaissance pour m'avoir accueilli et pour l'aide bienveillante qu'elle m'a accordée durant mes travaux de recherche.

L'ensemble de mes professeurs pour le savoir qu'ils m'ont transmis

Toute personne qui, de près ou de loin, a contribué à la réalisation de ce travail.

« L'université Cheikh Anta Diop n'entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans les mémoires et thèses. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs ».

PRINCIPALES ABREVIATIONS

Art. : Article

Al. : alinéa

BIT : Bureau international du travail

CCNI : convention collective nationale interprofessionnelle

CDD : contrat à durée déterminée

CDI : contrat à durée indéterminée

C. Supr. : Cour suprême

Dr. Soc. : Droit social

E.J.A : Editions juridiques africaines

LGDJ : Librairie générale de droit et de jurisprudence

OIT : Organisation internationale du travail

SOMMAIRE

PREMIERE PARTIE : LA PROTECTION DU SALARIE : FINALITE
ORIGINELLE DU DROIT DU TRAVAIL

CHAPITRE 1 : LA PROTECTION AU PLAN INDIVIDUEL Section 1 : Le régime protecteur au cours du contrat de travail Section 2 : Le régime protecteur à la fin du contrat de travail

CHAPITRE 2 : LA PROTECTION AU PLAN COLLECTIF Section 1 : La reconnaissance d'un droit à la représentation

Section 2 : Les moyens de sauvegarde des intérêts des travailleurs

DEUXIEME PARTIE : UNE FINALITE AMBIGUË A L'EPOQUE
CONTEMPORAINE

CHAPITRE 1 : LES RAISONS DU CHANGEMENT DE PERSPECTIVE Section 1 : Le droit du travail, un instrument de promotion économique Section 2 : Le renforcement des prérogatives patronales

CHAPITRE 2 : LA PORTEE DU CHANGEMENT DE PERSPECTIVE Section 1 : Le recul de l'ordre public social

Section 2 : Un déphasage avec les exigences de l'OIT

INTRODUCTION GENERALE

Du louage de services1 au contrat de travail, du temps et du chemin ont été parcourus. Le droit du travail est le fruit d'une conquête, entamée il y a fort longtemps2, par la classe ouvrière en quête de l'amélioration des conditions de travail. Après la révolution industrielle, le libéralisme économique appuyé par les principes civilistes du consensualisme ne pouvaient être maintenus tels quels dans les rapports de travail sans tourner au désavantage des salariés de façon désastreuse sur le plan économique et social3. Il fallait, à ce titre, un instrument pour « substituer des rapports de droit aux rapports de force4 ». C'est la naissance du droit du travail.

En Afrique Noire francophone, le scénario se répète une seconde fois. La naissance d'un véritable droit du travail a été le fruit d'une lente et douloureuse gestation. On est passé d'une phase de négation totale du droit du travail (travail forcé) à une phase positive et féconde avec l'adoption des premiers codes du travail africain5. En effet, le bénéfice de la protection, dont les premiers éléments de base ont été fixés en France avec le code du travail de 19106, n'a pas été étendu aux travailleurs de l'empire colonial français qui ont demeuré longtemps sous l'empire du code civil. En effet, le contrat de travail demeurait soumis, dans les colonies, aux règles du code civil promulguées au Sénégal par l'arrêté du Gouverneur du 5 novembre 1830 organisant le louage des gens de travail et des domestiques. Ce n'est qu'en 1947, qu'est intervenu le premier code du travail. Dénommé code Moutet, son application s'est néanmoins heurtée aux groupes de pression patronaux à telle enseigne qu'au mois de novembre de la même année, un décret eut sursis à son application7. Toutefois, les autorités coloniales reviennent à la charge en 1952 avec la promulgation d'une loi comportant 258 articles portant Code du travail des Territoires d'Outre-mer8.

Cette entame dans la protection du salarié était inédite dans le terrain africain. Une ébauche qui, certes, était la bienvenue dans un milieu marqué par les travaux forcés et la surexploitation

1 Le louage de service est l'aïeul du contrat de travail. Les rapports de travail étaient laissés à l'autonomie de la volonté. Le travailleur louant contre un salaire sa force de travail. C'est la conception du travail-marchandise (G. LYON-CAEN, J. PELISSIER, A. SUPIOT, Droit du travail, 19e ed., Dalloz, 1998, p. 7.)

2 On situe la formation de la discipline au moment des premières immixtions de l'État dans la définition des conditions d'accomplissement de l'activité subordonnée, vers 1840. Mais il faut encore attendre la fin du XIXe siècle pour en observer le développement. (F. DUQUESNE, 2nd éd, Droit du travail, Gualino, 2006, p. 19).

3 J.I. SAYEGH, Droit du travail sénégalais, Nouvelles Editions africaines, 1987, p. 7.

4 A. SUPIOT, « Pourquoi un droit du travail ? », Dr. soc. 1990, p. 487.

5 A. Kanté, Droit social sénégalais, Harmattan-Sénégal, 2017, p. 19.

6 Il s'agit de la loi du 28 décembre 1910.

7 A.C. NIANG, « Le droit du travail sénégalais entre ambigüité et ambivalence », Annales africaines, Nouvelle Série, Volume 2, Décembre 2015, p. 69.

8Loi du 15 décembre 1952 (A. Kanté, op. cit., p. 20).

1

des travailleurs, mais qui demeurait fortement lacunaire car des pans entiers du droit du travail restaient à être comblés. On a donc attendu après l'indépendance, précisément en juin 1961, pour être témoin d'un nouveau code9, même si celui-ci demeure largement inspiré de premier10. Par ce code, le droit du travail sénégalais va ainsi consacrer le contrat de travail comme fondement des relations entre employeur et salariés. Ces relations sont gouvernées par l'ordre public, qui s'apparente plus à celui d'un ordre public de protection qu'à un ordre public de direction11. La consécration dans les relations de travail de la notion d'ordre public de protection scelle, de manière claire, la nature des rapports entre l'employeur est ses salariés. A ce titre, la protection du salarié était la préoccupation fondamentale du droit du travail sénégalais.

Cette finalité circonspecte ne durera pas bien longtemps. Jusqu'au début des années quatre-vingt, le code de 1961 n'a pas subi de modifications mais, celles-ci seront rendues nécessaires par l'ampleur de la crise économique12. De plus, l'apparition des premiers plans d'ajustement structurel et la globalisation demande une plus grande flexibilité dans la gestion des droits des travailleurs et une libéralisation des normes de travail13. Le Code du travail subit alors de multiples révisions mues par les impératifs de développement et de lutte contre le chômage. Par touches successives relativement cohérentes, le caractère protecteur du droit du travail sénégalais a été progressivement dilué de sa substance. Le coup de grâce a été porté par le code du travail de 1997 qui s'est finalement plié à la forte revendication des employeurs contre la prétendue rigidité des règles du droit du travail.

Clamant plus de flexibilité14, les employeurs contestent en effet la multiplication des contraintes juridiques pesant sur l'acquisition et l'usage de la main d'oeuvre. En d'autres termes, ils désirent une souplesse de gestion de l'entreprise à travers les conditions d'emploi et les coûts

9 Il s'agit de la Loi n°61-34 du 15 juin 1961 portant Code du travail.

10 Y. BODIAN, « Précarité de l'emploi et droit du travail sénégalais », Nouvelles annales africaines, 2013, p. 291.

11 Ibid.

12 S. DIALLO, Profil national de droit du travail : le Sénégal [en ligne], OIT Document, juin 2011, URL : https://www.ilo.org/ifpdial/information-resources/national-labour-law-profiles/WCMS_158865/lang--fr/index.htm, consulté le 3 décembre 2018.

13 M. SAMB, Réformes et réception des droits fondamentaux du travail au Sénégal, Revue d'étude et de recherche sur le droit et l'administration dans les pays d'Afrique (URL : http://afrilex.u-bordeaux4.fr/réformes-et-réception-des-droits.html), février 2000, consulté le 10 décembre 2018.

14 Sur la question de la flexibilité de l'emploi, voir G. LYON-CAEN, J. PELISSIER, A. SUPIOT, op. cit., p. 20, s ; I. Y. NDIAYE, M. SAMB, « Neutralisation ou flexibilisation du droit du travail, de l'ajustement économique à l'ajustement juridique », in Ajustement structurel et emploi au Sénégal, Codesria-Karthala, Dakar, 1997, p.103, s ; J. Pélissier, G. AUZERO, E. DOCKES, Droit du travail, Dalloz, 26e éd., 2012, p. 23, s ; M. SAMB, Réformes et réception des droits fondamentaux du travail au Sénégal, Revue d'étude et de recherche sur le droit et l'administration dans les pays d'Afrique (disponible sur http://afrilex.u-bordeaux4.fr/réformes-et-réception-des-droits.html), février 2000, consulté le 10 octobre 2018 ; A. SUPIOT (dir), Au-delà de l'emploi, transformations du travail et devenir du droit du travail en Europe, Flammarion, 1999 ; entres autres.

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de main d'oeuvre, qui ne serait pas permise par les rigidités du droit du travail. Les autorités publiques ont donc suivi la logique des employeurs dans le dessein de préserver l'outil de production, donc le retour à la croissance.

Le droit du travail sénégalais a dû se plier aux contingences de l'économie libérale. Il perd ses repères15. La priorité donnée au « tout économique » conduit à s'interroger sur son devenir compte tenu du fait qu'il est devenu un instrument des politiques économiques, et est désormais appelé à contribuer à la protection des activités économiques en procurant à l'entreprise plus de souplesse, de flexibilité16. Des règles ou des opérations juridiques paraissant jusqu'alors servir les intérêts des salariés se mettent au service des employeurs17. Le droit du travail sénégalais inspire aujourd'hui une certaine ambiguïté voire ambivalence18 en raison d'un certain antagonisme de ses objectifs, ce qui motive notre interrogation sur sa finalité.

L'interrogation quant à la finalité du droit du travail sénégalais invite que l'on fasse d'abord le point sur le sens réel de certaines notions. Le droit du travail s'entend comme l'ensemble des règles qui régissent les relations de travail entre employeurs et salariés. De façon formelle, il est un corps de règles juridiques applicable au travail subordonné19. Il n'y a de travail subordonné que lorsqu'un chef d'entreprise a recours aux services de personnes qu'il rémunère pour exécuter fidèlement les ordres qu'il leur donne20. Dans le cadre de cette étude, le concept de droit du travail sénégalais est loin d'être réductible au seul code du travail. En effet, le code est complété par les lois, décrets et arrêtés qui réglementent d'autres pans du droit du travail comme la formation professionnelle, la sécurité sociale, etc. Les normes professionnelles ne sauraient être omises. Elles obéissent à un processus d'élaboration marqué par la participation des différents acteurs sociaux, la Convention collective nationale interprofessionnelle du 27

15 I.Y. NDIAYE, M. SAMB, « Neutralisation ou flexibilisation du droit du travail, de l'ajustement économique à l'ajustement juridique » in Ajustement structurel et emploi au Sénégal, Codesria-Karthala, Dakar, 1997, p. 103 et 104 ; A. MAZEAUD, Droit du travail, 5e ed., L.G.D.J, 2006, p. 30.

16 Y. BODIAN, « Précarité de l'emploi et droit du travail sénégalais », Nouvelles annales africaines, 2013, p. 293.

17 Le Professeur Gérard Lyon-Caen considère en effet que l'évolution du droit du travail peut connaître des retournements d'orientation. Voir G. LYON-CAEN, Le droit du travail, une technique réversible, Dalloz, coll. « Connaissance du droit », 1995 cité par N. CLAUDE, La variabilité du droit du travail, thèse de doctorat, Université d'Angers, soutenu le 7 décembre 2010, https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00579595, p. 17.

18 A.C. NIANG, « Le droit du travail sénégalais entre ambigüité et ambivalence », op. cit., p. 71.

19 E. PESKINE, C. WOLMARK, Droit du travail, 11e ed., Dalloz, 2016, p. 10.

20 J.I. SAYEGH, op. cit., p. 5.

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mai 1982 en témoigne l'expression. Les normes de l'OIT ne sont pas en rade, le Sénégal a ratifié 38 de ces conventions21.

Par ailleurs, le droit du travail étant un droit vivant en perpétuelle mutation22, l'étude ne sera nullement figée dans le temps. La démarche scientifique englobera l'évolution législative du droit du travail sénégalais depuis l'indépendance jusqu'à nos jours. C'est donc sous ce prisme que « droit du travail sénégalais » doit être analysé dans le cadre de cette étude.

« A quoi sert le droit du travail ? » évoque la question de sa finalité qui est définie comme le caractère de ce qui tend à une fin, vers un but23. La quintessence de cette question rappelle, à bien des égards, la raison d'être, l'objet voire la fonction droit du travail. C'est ce qui nous a amené à s'interroger sur la finalité du droit du travail sénégalais. Cette finalité est-elle « l'ultime et fragile rempart contre l'arbitraire patronal, la dictature du marché ou les appétits des actionnaires24 » ou se résume-t-elle à « permettre à l'entreprise de trouver une souplesse compatible avec l'état du marché25 » ? Difficile de donner une réponse tranchée à la question compte tenu de l'état actuel du droit du travail sénégalais qui est partagé entre ces deux orientations non moins contradictoires, témoignant d'un caractère pour le moins ambivalent26. Pourtant, il n'a pas toujours été ainsi. A part les quelques réformes survenues, jusqu'en 1997, avènement du nouveau code du travail, l'orientation principale du droit du travail sénégalais était la protection des salariés, finalité première, historiquement déterminante du droit du travail. Mais, avec le code de 1997, une démarche toute autre a vu le jour. Le droit du travail sénégalais s'est plié aux contingences de l'économie libérale et se donne comme nouvelle orientation la promotion de la compétitivité de l'entreprise.

La doctrine s'est émue de l'orientation actuelle du droit travail sénégalais. D'aucuns parlaient déjà de légitimation de la précarité en 199627 ou de précarité déjà atteinte28, lorsque le législateur s'est attaqué à l'emploi permanant par l'assouplissement du contrat à durée

21 Ratifications des conventions de l'OIT, ratification par pays : le Sénégal,

https://www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=NORMLEXPUB:11200:0::NO::P11200_COUNTRY_ID:103013, consulté le 13 décembre 2018.

22 A. MAZEAUD, op. cit., p. 21.

23 Dictionnaire Hachette, Librairie Hachette 1993, Page 612, colonne III.

24 P. VERKINDT, Le droit du travail, Dalloz, 2005, p. 1.

25 I.Y. NDIAYE, M. SAMB, « Neutralisation ou flexibilisation du droit du travail, de l'ajustement économique à l'ajustement juridique », op. cit. p. 104.

26 A.C. NIANG, « Le droit du travail sénégalais entre ambigüité et ambivalence », op. cit., p. 71.

27 I.Y. NDIAYE, « Le contrat de travail à durée indéterminée, demain l'emploi ? RASDP, janvier-déc 1996 n034, p. 78.

28 M. SAMB, Réformes et réception des droits fondamentaux du travail au Sénégal, Revue d'étude et de recherche sur le droit et l'administration dans les pays d'Afrique (disponible sur http://afrilex.u-bordeaux4.fr/réformes-et-réception-des-droits.html), février 2000, consulté le 10 octobre 2018.

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déterminée et l'institution d'un régime dérogatoire au CDD au profit des entreprises agréées au bénéfice des dispositions du code des investissements. En effet, jusqu'en 1989, le CDD ne pouvait être conclu plus de deux fois entre les même parties, ni être renouvelé plus d'une fois. La sanction de cette règle substantielle était, sous réserve d'exceptions limitativement énumérées, la conversion du contrat en contrat à durée indéterminée. En 1989, des exceptions supplémentaires furent ajoutées : les travailleurs intérimaires et les travailleurs engagés pour surcroît d'activités. Selon une certaine doctrine29, ces réformes ont repoussé les limites de l'interdit en matière de contrat à durée déterminée en autorisant avec une grande permissivité le recours à un tel contrat, parfois même en dehors du cadre légal30. Ce n'est pas tout. Lorsque le code du travail de 1997 a ajouté, à la liste déjà longue d'exceptions au CDD, une nouvelle dérogation au profit des entreprises qui « ont usage » de recourir à l'emploi temporaire31 et a assoupli grandement le droit de rupture32 du contrat de travail, certains sont allés jusqu'à parler de neutralisation du droit du travail33, d'autres, de légitimation de la précarité qui aurait été subtilement organisée par la loi et aggravée par l'entreprise34.

Cette étude nous renseigne d'abord et avant tout sur l'évolution du droit du travail sénégalais, partant code du travail des Territoires d'Outre-mer qui était une ébauche dans le terrain africain jusqu'alors empreint d'une profonde négation des droits humains, au code actuel autrement dit celui de 1997, passant par le code de 1961, premier support textuel régissant les relations de travail après l' indépendance et les différentes réformes qu'il a enregistré. Au-delà de cette donne, cette étude renseigne aussi sur les différentes orientations qu'a connues le droit du travail sénégalais jusqu'à son point actuel où il prend en charge bien des paradoxes : l'économie et le social35.

29 A.C. NIANG, « L'emploi aujourd'hui : du permis à l'interdit », Annales africaines, Nouvelle Série, Volume 2, Décembre 2017, p. 97.

30 Ibid.

31 Il s'agit de l'institution du contrat à durée déterminée d'usage qui autorise un recours illimité au CDD pour les entreprises évoluant dans certains secteurs d'activité (voir Art. L43 code du travail).

32 Il s'agit concrètement de la suppression de l'autorisation administrative, jadis exigée, dans le licenciement pour
motif économique, de l'assouplissement du licenciement de droit commun, de l'institution du chômage technique

et de la légalisation du départ volontaire (voir I.Y. NDIAYE, Droit du travail sénégalais et transfert de normes, Bulletin de droit comparé du travail et de la sécurité sociale, 2005, p. 170 ; M. SAMB, , Réformes et réception des droits fondamentaux du travail au Sénégal, op. cit.).

33 I.Y NDIAYE, M. SAMB, « Neutralisation ou flexibilisation du droit du travail, de l'ajustement économique à l'ajustement juridique », in Ajustement structurel et emploi au Sénégal, Codesria-Karthala, Dakar, 1997, p. 104, s.

34 Y. BODIAN, « Précarité de l'emploi en droit du travail sénégalais », Nouvelles annales africaines, 2013, pp. 291 à 329.

35 A.C. NIANG, « Le droit du travail sénégalais entre ambigüité et ambivalence », op. cit., p.69.

5

Empreint d'une profonde ambivalence, le droit du travail sénégalais est aujourd'hui partagé entre la protection du salarié et la prise en compte de l'intérêt de l'entreprise. Si sa finalité actuelle est rendue ambiguë (deuxième partie) en raison des assauts répétés des multiples réformes survenues ces dernières décennies, motivées par les vicissitudes du monde économique, ce qui est certain, c'est que la finalité originelle historiquement déterminante du droit du travail sénégalais fut la protection du salarié (première partie).

6

7

PREMIERE PARTIE : LA PROTECTION DU SALARIE :
FINALITE ORIGINELLE DU DROIT DU TRAVAIL

La protection du salarié est la finalité la plus fréquemment assignée au droit du travail. A l'instar du droit civil, il poursuit l'objectif d'organiser la vie des hommes en société. Cette protection s'observe aussi bien dans les rapports individuels de travail (chapitre 1) que dans les rapports collectifs (chapitre 2).

CHAPITRE 1 : LA PROTECTION AU PLAN INDIVIDUEL

De la conclusion du contrat de travail, en passant par son exécution et de sa rupture, nombreuses sont les dispositions législatives, règlementaires et conventionnelles qui protègent les salariés. Même dès le recrutement, le droit du travail s'attelle à remédier à l'asymétrie des forces entre l'employeur et le potentiel salarié en posant de nombreuses règles que l'employeur est contraint de respecter. Cette démarche protectrice du droit du travail s'intensifie au cours du contrat de travail, s'il y a recrutement (section 1) et lors de sa rupture (section 2).

Section 1 : Le régime protecteur au cours du contrat de travail

L'employeur ne bénéficie plus d'un pouvoir discrétionnaire, son pouvoir a été encadré par l'information et la consultation des représentants du personnel, par l'inspection du travail et le juge. Ainsi, dès la conclusion du contrat de travail, support juridique qui le salarié à l'employeur, le régime protecteur du droit du travail procède à l'encadrement de la relation de travail (paragraphe 1) et à la délimitation des prérogatives patronales (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'encadrement de la relation de travail A - Le principe d'égalité professionnelle

L'égalité est un droit fondamental de la personne humaine, quel que soit le sexe biologique ou social, l'orientation sexuelle, et quelles que soient les différences entre les personnes. Il convient, afin de lever toute équivoque, de cerner la notion d'égalité.

Au sens commun, égalité évoque la qualité de ce qui est égal36, en droit, l'égalité est appréciée à l'aune de la loi ou des droits. A ce titre, on parlera d'égalité devant la loi ou égalité en droit. L'égalité est le deuxième grand principe posé par la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 aout 1789. Il s'agit d'une égalité strictement juridique. Les hommes naissent

36 Le dictionnaire Robert de la langue française.

8

et demeurent égaux en droit37. C'est l'égalité devant la loi qui importe et non pas l'égalité sociale38. Cela implique, par exemple, l'égale admission aux dignités, places et emplois publics39.

Ce principe fondamental trouve écho dans le droit du travail. On parlera donc d'égalité professionnelle. En droit du travail, la question d'égalité se pose surtout entre homme et femme. Face à une différence, on a tendance à établir une hiérarchie des valeurs, ce qui crée des inégalités et l'anatomie d'un homme est différente de celle d'une femme. De ce fait, sur cette base de différences physiques, l'humanité a traditionnellement affecté une valeur moindre aux femmes. Il en est souvent de même pour les différences de couleurs de peaux. La notion d'égalité n'est pas contradictoire avec la notion de différence. Chaque personne, parce qu'elle est unique, est différente des autres, mais toutes les personnes sont égales en droit. L'égalité homme-femme n'implique pas que les hommes et les femmes deviennent identiques, mais que tout le monde ait les mêmes droits et des opportunités dans l'existence40.

La Constitution sénégalaise de 2001 inscrit l'égalité femmes-hommes dans son article 7 in fine, elle garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme et proclame le rejet et l'élimination, sous toutes leurs formes, de l'injustice, des inégalités et des discriminations. Par ailleurs, dans l'article 25 in fine, on peut lire : « Chacun a le droit de travailler et le droit de prétendre à un emploi. Nul ne peut être lésé dans son travail en raison de ses origines, de son sexe, de ses opinions, de ses choix politiques ou de ses croyances. Le travailleur peut adhérer à un syndicat et défendre ses droits par l'action syndicale. Toute discrimination entre l'homme et la femme devant l'emploi, le salaire et l'impôt est interdite ». Ces dispositions constitutionnelles sont corroborées, sur le plan législatif, par l'article L1 in fine du code du travail qui dispose que « l'Etat assure l'égalité de chance et de traitement des citoyens en ce qui concerne l'accès à la formation professionnelle et à l'emploi, sans distinction d'origine, de race, de sexe et de religion ».

Concrètement, il s'agira de d'assurer l'accès des femmes et des hommes aux mêmes opportunités, droits, occasions, conditions matérielles - par exemple, même accès aux soins médicaux, partage des ressources économiques, même participation à l'exercice du pouvoir politique...- , tout en respectant leurs spécificités. Dans la profession, l'égalité sera le fait pour

37 Art. 1 déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; art. 1 déclaration universelle des droits de l'homme.

38 Art. 6 Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

39 J. MEKHANTAR, Droit politique et constitutionnel, Editions ESKA, 1997, P. 226.

40 Egalité, équité, mixité, parité, genre, http://www.adequations.org/spip.php?article362, consulté le 09/11/2018.

9

les femmes et les hommes d'avoir les mêmes droits et avantages en matière d'accès à l'emploi, d'accès à la formation professionnelle, de qualification, de classification, de promotion et de conditions de travail. Ainsi, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes est obligatoire pour un même travail ou un travail de valeur égal41.

Ce principe d'égalité professionnelle participe de l'encadrement de la relation de travail par le droit du travail et, s'inscrit plus généralement dans la protection du salarié de sexe féminin qui, pendant longtemps, a été victime des clivages et inégalités dans le domaine de l'emploi. L'encadrement de la relation de travail se poursuit en cas de modification de la situation juridique de l'employeur.

B - Le maintien du salarié en cas de modification de la situation juridique de l'employeur

Les contrats de travail à durée indéterminée peuvent être résiliés unilatéralement par l'employeur en raison de difficultés rencontrées par l'entreprise ou de facteurs concernant le salarié. Par ailleurs, le caractère intuitu personae du contrat de travail devrait logiquement entrainé la rupture de celui-ci lorsque l'un des contractants n'est plus en mesure de l'exécuter : ainsi, la cession de l'entreprise qui implique le départ de l'employeur co-contractant devait, conformément au principe de la relativité des conventions, s'accompagner de la rupture des contrats liant cet employeur avec les salariés qu'il a engagés.

Toutefois, dans une démarche de protection du salarié, le droit du travail, toujours animé par le souci de limiter la précarité de l'emploi susceptible d'être engendré par le droit de résiliation unilatérale et par les transferts d'entreprise, pose le principe du maintien des contrats de travail42. Un principe qui est néanmoins soumis à des conditions d'application pour pouvoir porter ses effets.

1 - Les conditions du maintien des contrats de travail

L'alinéa 1 de l'article L66 du code du travail dispose : « S'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, reprise sous une nouvelle appellation, vente, fusion, transformation de fonds, mise en société, tous les contrats de travail

41 Voir B. TEYSSIE dans commentaire de l'article L. 1141-1 du code du travail français, LexisNexis, 2014, p. 27.

42 Article L66 du code du travail.

10

en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ». Nous en déduisons trois conditions générales pour que s'applique ce texte.

La première condition est la modification de la situation juridique de l'employeur. La loi ne précise pas cette notion, néanmoins elle est assez limpide pour exclure les modifications de la situation économique de l'entreprise telles que les réductions d'activité, les suppressions de branche d'activité43... Bien que l'article L66 ne vise expressément que quelques situations particulières par l'utilisation de l'adverbe notamment, il faut souligner que la jurisprudence considère qu'il contient un « principe de portée générale applicable à tous les actes ou faits entrainant une modification juridique de la forme44, de la propriété45 ou de l'exploitation de l'entreprise46 ».

La seconde condition est la continuité de l'entreprise. Le régime protecteur du droit du travail ne se manifeste que si c'est la même entreprise qui se poursuit. Dans la pratique, les juges retiennent plusieurs éléments de fait pour vérifier si c'est la même entreprise qui se poursuit. A ce titre, s'il y a poursuite de l'activité initiale ou prospection de la même clientèle ou encore travail dans les mêmes locaux, avec le même matériel et une partie du précédent employeur, les juges retiennent souvent la continuité de l'entreprise47. En droit français, on parle, outre le maintien de l'activité économique, du maintien de l'identité de l'entité économique. S'il y a exploitation de la même activité économique par le nouvel employeur mais non accompagnée d'un maintien de l'identité de l'entité économique, il n'y a pas maintien des contrats de travail. Ainsi, « l'entité économique perd son identité lorsqu'elle passe du secteur public au secteur privé ou inversement »48. Par ailleurs, contrairement en droit français, ou un lien de droit n'est pas exigé entre les employeurs successifs49, en droit sénégalais, il y l'exigence de ce lien de droit.

La troisième condition a trait aux contrats de travail. Le nouvel employeur ne peut être lié par les contrats de travail auxquels était partie l'employeur précédent, que si ces contrats étaient encore en cours au moment du transfert. Le contrat de travail qui a cessé de produire ses effets avant la modification de la situation juridique de l'employeur pour des motifs étrangers ne peut être maintenu. Le principe profite donc aux contrats qui étaient en cours d'exécution ou même

43 J. P. TOSI, op. cit., p. 470.

44 Transformation d'une société privée en une société d'économie mixte. C. supr. 2e sec. 3 juin 1975 cité par J.P. TOSI, op. cit., p. 470.

45 C. supr, 11 mai 1966, Rec. Légil. Jurispr. 1966, CS., p. 73. Trib. Trav. Dakar. 1er Juin 1970, TPOM n307, p. 6794 cité par J.P. TOSI, op. cit., p. 470.

46 CA., 15 nov. 1961, TPOM n 108, p. 2397 cité par J.P. TOSI, op. cit., p. 470.

47 J. P. TOSI, op. cit, p. 471.

48 G. Lyon-Caen, J. Pélissier, A. Supiot, Droit du travail, 18e ed., Dalloz, 1996, p. 287.

49 Ass. Plénière, 16 mars 1990, Dr social 1990, p. 339.

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suspendus au moment de la survenance de l'événement. Les contrats d'engagement à l'essai sont inclus, de même que ceux en période préavis. Qu'en est-il des effets.

2 - Les effets du maintien des contrats de travail

Lorsque les conditions prévues par l'article L.66 du code du travail sont réunies, la loi impose le maintien des contrats de travail en cours. Ce maintien s'impose aux deux parties. Le contrat est donc transféré au nouvel employeur intact, c'est-à-dire avec le même contenu (salaire, qualification du salarié, lieu de travail...), la même ancienneté... Le contrat de travail doit être transféré tel quel. Toute modification lors du transfert est réputée nulle. Néanmoins, après que le transfert de contrat ait été accompli, les parties sont libres de proposer des modifications ou de résilier le contrat en respectant les exigences posées par la loi.

Toutefois, c'est le contrat de travail, seul, qui est transféré50, à l'exception des normes conventionnelles51 contrairement en France où la jurisprudence maintient l'application des normes collectives pendant un délai d'une année52.

En toute hypothèse, ce principe de maintien des contrats de travail en cas modification de la situation juridique de l'employeur manifeste bien une volonté marquée d'instaurer une certaine stabilité de l'emploi par le droit du travail qui est mu par la protection des salariés en toute circonstance. La délimitation des prérogatives patronales est aussi l'un des volets de protection du droit du travail.

Paragraphe 2 : La délimitation des prérogatives patronales

Est-il vrai que l'état de subordination du salarié puisse justifier que l'employeur lui impose le respect de certaines règles ? Peut-il exister dans un Etat de droit des normes non conventionnelles qui ne seraient pas issues de l'autorité publique mais d'une autorité privé ? Peut-il exister réellement une « autoréglementation » ? 53 La réponse à ce questionnement sera positive. La loi reconnait à l'employeur des pouvoirs exorbitants, suite logique de la liberté d'entreprise, afin de conduire la gestion et la direction de son entreprise. L'inconvénient, c'est que ces prérogatives peuvent dégénérer rapidement en arbitraire. Pour le contrecarrer, un

50 Cour supreme, 10 juillet 1963, Rec. Legisl. Juripr. 1963, p. 128.

51 Sauf si l'entreprise est régie par une convention collective qui a fait l'objet d'extension par un arrêté ministériel.

52 A l'expiration de ce délai si aucun accord de substitution n'a été conclu, les salariés peuvent invoquer le bénéfice des avantages individuels acquis au titre de la convention collective qui était applicable à l'ancien employeur.

53 G. Lyon-Caen, J. Pélissier, A. Supiot, op. cit., p. 59.

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régime restrictif a été institué par la loi afin de mieux assurer la protection du salarié dans l'entreprise.

Les pouvoirs qui sont reconnus à l'employeur, représenté par le chef d'entreprise, sont au nombre de trois, tout aussi encadré. Il s'agit du pouvoir de direction, du pouvoir réglementaire et du pouvoir disciplinaire.

Pour ce qui est du pouvoir de direction, il est le plus important et confère au chef d'entreprise un pouvoir général de direction sur l'ensemble du personnel de l'entreprise. Il participe des attributs de ce pouvoir, la possibilité du chef d'entreprise de choisir la personne du salarié en procédant à son embauche, en décidant de son affectation à un emploi qu'il peut éventuellement modifier, en gérant sa carrière par des promotions, des déclassements, des mutations, en le congédiant par le licenciement, qui est le point culminant de son pouvoir de direction.

Dans une perspective de limitation de ce pouvoir afin de protéger le salarié, le droit du travail a dressé une obligation pour l'employeur de respecter les droits et libertés fondamentaux du salarié. Il en va ainsi de leur vie privée, du secret de leurs correspondances, de leur liberté d'opinion... Au reste, mentionnons que l'employeur est également tenu au respect de règles concernant l'embauche54, les conditions de travail55, le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG), les licenciements, l'organisation de l'entreprise... Et la plupart de ces règles ont un caractère impératif et relèvent de l'ordre public. Enfin, les pouvoirs du Chef d'entreprise font l'objet d'un contrôle par le juge social qui vérifie si les décisions prises par celui-ci ne heurtent pas les dispositions légales ou réglementaires.

Pour ce qui est du pouvoir règlementaire de l'employeur, il lui permet de fixer un cadre normatif dans l'entreprise afin d'assurer le bon ordre. Dans une perspective d'encadrement de ce pouvoir réglementaire, le législateur a limité son contenu, exclusivement, aux règles relatives à l'organisation technique du travail, à la discipline et aux prescriptions concernant l'hygiène et la sécurité, nécessaires à la bonne marche de l'établissement, toute clause étrangère étant considérée nulle de plein droit56. De même, l'employeur doit communiquer le règlement intérieur aux délégués du personnel, s'il en existe, et à l'inspecteur du travail qui exige le retrait des dispositions étrangères et la modification des dispositions contraires aux lois et règlements en vigueur.

En ce qui concerne le pouvoir disciplinaire, privilège exorbitant de droit commun en raison de sa dérogation au monopole de l'Etat quant à l'édiction de peines, il est soumis, lui aussi, à

54 Voir supra (A du Para. 1).

55 Hygiène et sécurité, médecine de travail.

56 Art. L100 code du travail.

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un très restrictif. Au Sénégal, la CCNI, prévoit des garanties disciplinaires57 pour le salarié fautif. En effet, elle stipule que les sanctions qu'elles prévoient ne peuvent être infligées par le chef d'entreprise qu'après que le salarié, assisté sur sa demande, d'un délégué du personnel, aura fourni des explications écrites ou verbales. En outre, en application du principe tiré de l'adage « non bis in idem » le salarié ne saurait être sanctionné deux fois pour la même faute. De la même façon, le salarié bénéficie d'une sorte d'amnistie pour des faits fautifs déjà sanctionnées s'il récidive. Dans ce cas, l'employeur ne pourra pas invoquer cette sanction pour alourdir celle qu'il envisage de prendre. Par ailleurs, les sanctions pécuniaires sont interdites. Il est interdit à l'employeur d'infliger des amendes58 et il ne peut retenir sur le salaire des sommes en guise de sanction. Mais, les sanctions pécuniaires indirectes, consécutives par exemple à une rétrogradation, sont licites.

Les prérogatives patronales ne pouvaient être laissées générales, inconditionnelles et les salariés à la merci de l'employeur. Le droit du travail a érigé des garde-fous pour contenir les pouvoirs du l'employeur. Cet encadrement participe de l'objectif de protection des salariés par le droit du travail lorsque le contrat de travail est en cours d'exécution. Ce régime protecteur s'observe aussi à la fin du contrat de travail.

Section 2 : Le régime protecteur à la fin du contrat de travail

Dans le système classique, le contrat de travail constituait la source normale et quasi exclusive des rapports individuels, il appartient aux seules parties de décider de la durée de la convention et des modalités suivant lesquelles elle prendra fin. Suivant une conception purement civiliste, qui inspire encore largement la Cour de cassation, le régime juridique de la rupture caractérisé par le droit de résiliation unilatérale de « chaque partie », demeure donc dominé par le double principe théorique de la liberté et de la réciprocité59. Toutefois, cette liberté de rompre le contrat de travail, à tout moment, sans avoir à justifier sa décision, sans avoir à verser une quelconque indemnité au cocontractant supporta progressivement certaines limitations60 par le droit du travail, mu par la stabilité de l'emploi et la protection du salarié, qui condamne progressivement cette construction juridique abstraite méconnaissant les impératifs

57 Pour toute cette question, voir art. 16 CCNI ou I.Y. NDIAYE (dir.), Codes du travail et de la prévoyance sociale annotés, E.J.A., 1989, p. 285.

58 Art. L129 code du travail.

59 G. Lyon-Caen, J. Pélissier, A. Supiot, op. cit., p. 325.

60 Il s'agit de l'instauration de l'abus du droit de licencier, de l'apparition d'un préavis, puis d'une indemnité de licenciement.

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sociaux du monde du travail. Cette démarche protectrice s'observe aussi bien dans la rupture à l'initiative l'employeur (paragraphe 1) que du salarié (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : En matière de licenciement

Jadis, le principe de la liberté contractuelle prévalait au sein de la relation de travail, employeur comme salarié était libre de rompre le contrat sans formalité particulière. Le caractère indéterminé du contrat permettait, en vertu de l'interdiction des engagements perpétuels61, la rupture unilatérale à chacun des contractants. Avec le temps, la doctrine et les organisations syndicales ont vivement dénoncé cette large latitude qui pouvait facilement dériver à l'arbitraire et avoir des conséquences désastreuses sur le plan social. Il y avait totale absence de garanties du travailleur contre un licenciement demeuré discrétionnaire62.

Les autorités publiques sont donc intervenues en restreignant cette faculté. L'OIT n'étant pas en reste, plusieurs de ses normes régissent la cessation de la relation de travail. Ainsi, la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur est régit par la recommandation n° 119 de 1963, la convention n°158 et la recommandation n° 166 de 1982. La convention précitée traite notamment de la cause justifiant le licenciement63, de la procédure ainsi que des recours64. La charge de la preuve peut incomber soit à l'employeur, soit aux deux parties65. La Partie III de la convention 158 est relative aux licenciements pour motif économique, technologique, structurel ou comparable. Il est prévu une information et consultation des représentants des travailleurs66, ainsi qu'une notification du licenciement à l'autorité compétente67. Cet encadrement rigoureux a été mis en place dans une perspective de sauvegarde des intérêts du salarié qui est celui qui en subit, en général et en toute hypothèse, les conséquences. Ces restrictions se traduisent aussi bien sur le plan formel que sur le fond.

Au niveau formel, le licenciement doit être précédé d'une procédure se déroulant dans le cadre de l'entreprise. Il y a donc nécessité d'une notification écrite préalable68 du salarié. En congédiant le salarié, l'employeur doit le mettre en mesure de connaitre les motifs de son renvoi. L'employeur doit lui envoyer une lettre de notification du licenciement et de fixer le point de

61 Voir art. 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

62 G. Lyon-Caen, J. Pélissier, A. Supiot, Droit du travail, 18e ed., Dalloz, 1996, p. 349.

63 Art. 4 à 6 Convention n° 158.

64 Art. 7 à 10 Convention n° 158.

65 Art. 9 al. 2, a et b Convention n° 158.

66 Art. 13 Convention n° 158.

67 Art. 4 Convention n° 158.

68 Art. L50 code du travail.

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départ du préavis le cas échéant. La notification écrite doit être adressée au salarié par lettre recommandée avec avis de réception ou lui être remise en main propre contre reçu ou devant témoins. Le droit du travail instaure cette notification obligatoire en toute hypothèse. Il est ainsi dans le cadre du licenciement fautif ou non fautif, dans le cadre du licenciement pour motif économique et même dans le cadre du licenciement pour faute lourde69. Par ailleurs, toujours sur le plan formel, la résiliation du contrat à durée déterminée est soumise à un préavis pour permettre au salarié de se préparer à la perte de l'emploi. En principe, toute résiliation unilatérale du contrat de travail donne droit à ce délai70 pour se préparer en conséquence. La seule hypothèse où le salarié n'en bénéficie pas est celle d'un licenciement consécutive à une faute lourde de ce dernier. Ce délai de préavis peut être remplacé par ce qui est dénommé « indemnité compensatrice de préavis » en cas de manquement par l'une des parties de cette obligation.

Au demeurant, l'employeur ne peut pas licencier pour n'importe quel motif. Il est assujetti au respect d'un impératif de justification de motifs légitimes71 sous peine d'une qualification du licenciement en licenciement abusif par le juge. Le motif légitime peut résulter du travailleur ou de l'entreprise. S'agissant du travailleur, son inaptitude physique, médicalement constatée, ou son inaptitude professionnelle peut constituer un motif légitime. De même, et c'est l'hypothèse le plus courant, le licenciement du travailleur résulte d'une faute de ce dernier. La faute peut être simple ou grave72. Le point d'orgue est la faute lourde, caractérisée par un manquement grossier aux obligations incombant au travailleur73. Cela peut aussi résulter d'une perte de confiance de l'employeur à l'égard du travailleur basée sur des critères objectifs pertinents.

Pour ce qui est des motifs tenant à l'entreprise, ils tiennent généralement à la cessation d'activité de l'entreprise. Il est question ici d'une fermeture totale et définitive de l'entreprise et non d'un établissement74. Par ailleurs, le motif peut aussi être économique. Il s'agira concrètement d'un licenciement motivé par une difficulté économique ou une réorganisation

69 Cour de Cassation, arrêt n66 23 juin 1999, société Sen Sécurité c/ MM, Matar Sy et autres.

70 La durée de ce délai est fixée par la CCNI et varie selon le statut du salarié.

71 L'article L.56 du code du travail parle de « motif légitime ». En droit français, on parle de cause réelle et sérieuse.

72 Le code du travail ne prévoit que deux types de faute (simple et lourde), la jurisprudence a retenu la faute grave (Cour de cassation, arrêt n28 du 27 février 2002, Aminata MBAYE c/ la SNCDS : « (...) Qu'ainsi, pendant l'année 1989-1990, sur un total de 12 625000 francs de ristournes, le chef d'entreprise n'a reçu que la somme de 8 485000 francs ; qu'il résulte de ce qui précède que le juge d'appel a estimé à bon droit que la différence de 4 640000 dont la destination n'est pas justifiée est constitutive d'une faute grave »).

73 Sur l'ensemble de cette question, voir A. KANTE, Droit social sénégalais, Harmattan-Sénégal, 2017, p. 108, s.

74 A. KANTE, op. cit., p. 110.

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intérieure de l'entreprise75. Néanmoins, l'employeur est tenu de respecter une procédure76 bien spécifique à la méconnaissance de laquelle le licenciement sera qualifié d'abusif77. De surcroit, le salarié bénéficiera d'une priorité de réembauchage pour une durée de deux ans à compter de la rupture du contrat de travail pour motif économique78.

Du reste, relevons que pour compenser la douleur de la rupture, le droit du travail a institué un certain nombre d'indemnités variant selon la nature du licenciement ou de son motif au profit du travailleur. Le régime protecteur du droit du travail transparait aussi à travers la démission.

Paragraphe 2 : En matière de démission

Les employeurs, trouvant la réglementation du licenciement trop contraignante, ont, assez naturellement, cherché à utiliser les moyens juridiques leur permettant d'éluder celle-ci. Ainsi, un premier moyen a consisté à conclure des contrats de travail à durée déterminée plutôt que des contrats à durée indéterminée, la législation du licenciement ne s'appliquant qu'au CDI. Dans le même ordre d'idée, Certains employeurs ont cherché à éluder les contraintes du licenciement en donnant à la rupture du contrat une qualification autre que le licenciement79. En dehors même de ces tentatives, les causes de rupture sont souvent complexes : celui qui prend l'initiative de la rupture n'est pas toujours le responsable ou le véritable auteur de celle-ci. La jurisprudence a ainsi été amenée à distinguer l'initiative de l'imputabilité de la rupture80 et à approfondir les notions servant à la qualification des ruptures de contrat de travail à durée indéterminée.

La démission est la mise en oeuvre, par le salarié, de la faculté de résiliation unilatérale reconnue à chaque contractant dans un contrat à exécution successive à durée indéterminée81. Il est alors tenu de notifier sa volonté par écrit82 à l'employeur et de respecter un délai de préavis

75 Art. 60 code du travail.

76 Voir al. 2, s de l'article 60 du code du travail.

77 C.A. de Dakar, Arrêt n110 du 1er fevrier 2011, CARITAS DAKAR c/ JEAN PIERRE NDIAYE, Bull. 2013, vol. n1, p. 241.

78 Art. L62 in fine.

79 C'est l'exemple de la démission. Il y a aussi la rupture contractuelle, la mise en retraite, la résiliation judiciaire. Mais, dans le cadre de cette étude, l'accent sera porté uniquement sur à la démission.

80 X. BLANC-JOUVAN, Initiative et imputabilité : un éclatement de la notion de licenciement, Dr. Soc. 1981, p. 207 cité par G. LYON-CAEN, J. PELISSIER, A. SUPIOT, op. cit.

81 J. Javallier, Droit du travail, 5e ed., L.G.D.J, 1996, p. 234.

82 Cour suprême, arrêt n11 du 08 FEVRIER 2012. Cheikhou CISSOKHO c/ Société Africaine de réalisation et de conception dite ARC SARL, inédit : « Attendu que la démission ne se présume pas, qu'elle doit résulter d'une intention sans équivoque, librement exprimée par le travailleur ; Et attendu que pour constater la démission de Cissokho, la cour d'appel se borne à relever que ce dernier a signé le document établissant « le solde de tout compte après démission » et que bien qu'il argue avoir apposé sa signature par contrainte dans le cas où la démission n'est pas contestée, le travailleur doit prouver cette contrainte, pour en déduire que cette preuve n'ayant

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dont la durée est fixée par voie conventionnelle ou réglementaire. Ici, le droit du travail se soucie plus de la situation du salarié, qui perd son emploi, que de celle de l'employeur qui peut, en toute hypothèse, embaucher un nouveau salarié. C'est dans cet élan protectrice que le juge social s'efforce de déterminer s'il y a réellement eu consentement et ce, dépouillé de tout vice, dans la démission. De ce constat, si la démission du salarié résulte d'une faute de l'employeur en qu'elle fut provoquée par ce dernier, elle doit être requalifié en licenciement. Ainsi en est -il notamment lorsque l'employeur « pousse à bout » le salarié pour qu'il démissionne83 ou encore ne règle pas les salaires échus84. De surcroit, la preuve de la démission du salarié doit être rapportée par l'employeur lui-même85 car, dans la pratique, ce sera presque toujours l'employeur qui invoquera la démission du salarié, en cas de rupture du contrat, pour justifier l'absence de procédure et le non-versement des indemnités de licenciement et de préavis et pour repousser toute demande d'explication sur la légitimité du « licenciement ».. Les problèmes de preuve et de notion sont

pas été rapportée, la démission est légitime ; qu'en se déterminant ainsi, alors qu'en l'absence d'une notification écrite du travailleur indiquant son désir de mettre fin à son contrat et ce dernier réfutant cette volonté de démissionner que lui prête l'employeur, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision. » cité par M. GAYE, Cours de droit du travail, FSJP, 2017.

83 Soc. 4 janvier 1968 : JCP 1969, II, 15853, note J. Ghestin. Cité par G. LYON-CAEN, J. PELISSIER, A. SUPIOT, op. cit.

84 Soc. 22 oct. 1959 : D., 1960, J., p. 208 Cité par G. LYON-CAEN, J. PELISSIER, A. SUPIOT, op. cit.

85 Arrêt n 19 du 10 mars 1999, Abdoulaye Faye c/ L'agence dakaroise de sécurité et d'Assistance au tourisme ADEF, inédit : attendu que la démission ne se présume pas et ne peut résulter que d'une intention librement exprimée par le travailleur ; qu'il en découle que la preuve de la démission incombe à l'employeur et que faute par lui de rapporter cette preuve, l'on droit considérer que le, travailleur a été congédié sans motifs légitimes et ce, conformément à l'article 51 du code du travail qui, en ses alinéas 2 et 3, dispose que : « Les licenciements effectués sans motifs légitimes son abusifs. En cas de contestation, la preuve de l'existence d'un motif légitime de licenciement incombe à l'employeur ». Qu'en l'espèce, la cour d'appel qui s'est contentée à énoncer que le travailleur n'avait pas prouvé qu'il avait été effectivement licencié et ce, sans exiger que l'employeur rapporte la preuve de la démission, a rendu un arrêt insuffisamment motivé et violé par la même les dispositions de la loi précitées. ;

Cour de cassation, arrêt n57 du 14 mai 1997, FATHON Victorin c/ FRADET Faouzia, inédit : « Attendu que le demandeur reproche à l'arrêt attaqué d'avoir considéré qu'après sa relaxe l'employé s'était abstenu de se présenter à son employeur pour reprendre le travail et que ce faisant, il avait abandonné son poste se rendant ainsi responsable de la rupture du lien contractuel alors qu'il est notoirement connu qu'ayant vécu pendant quatre ans sous le même toit que son employeur et ayant de ce fait pu bénéficier de la liberté provisoire, il était tout naturellement, à sa sortie de prison, retourné chez ce dernier d'où il a été chassé et menacé d'expulsion ;

Qu'ainsi le Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision en ce qu'il a considéré qu'il appartenait au travailleur de rapporter la preuve qu'il s'était présent à son lieu de travail après son élargissement alors que la charge de la preuve d'une démission incombe à l'employeur et non à l'employé » ;

Cour de Cassation arrêt n31 du 27 février 2002 Samba FALL c/ M. Adib KFOURI : « attendu qu'il apparait des énonciations de l'arrêt attaqué que « le salarié n'a pas établi la preuve de la rupture imputée à l'employeur, qu'il n'a même pas fait une offre de faire entendre un témoin (...) qu'il y a donc lieu de prendre en considération les déclarations de l'employeur en retenant que le salarié a lui-même pris l'initiative de la rupture de son contrat de travail en ne se présentant plus à son travail pour compter du 12 septembre 1993 » Attendu qu'en statuant comme elle l'a fait, se bornant asseoir sa conviction sur les déclarations de l'employeur qui, dès lors qu'elles sont contestées, ne peuvent, à elles seules, constituer la preuve de la rupture du contrat travail sur la propre initiative du salarié, alors que, même établie, l'absence de ce dernier n'est constitutive d'une rupture de son fait que si elle caractérise la volonté claire et non équivoque de l'intéressé de quitter l'entreprise, la cour d'appel, en raison de l'insuffisance des motifs de sa décision, ne permet pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle ; D'où il suit que le moyen est fondé. Cité par M. GAYE, Cours de droit du travail, FSJP, 2017.

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donc étroitement imbriqués. Pour établir l'existence d'une démission, l'employeur doit prouver qu'il y a eu volonté unilatérale du salarié de mettre fin au contrat de travail à durée indéterminée. Par le biais de l'objet de la preuve, c'est la notion même de démission que les juges sont amenés à cerner. Les juges écartent tout d'abord la qualification « démission » chaque fois que la volonté du salarié est équivoque. Ce peut être le cas lorsque l'employeur a déduit du comportement du salarié la volonté de celui-ci de rompre le contrat. La volonté du salarié, a la supposer non équivoque, ne vaudra pas démission lorsqu'elle n'a pas été émise librement. La jurisprudence requalifie la décision du salarié en licenciement chaque fois que le salarié a été contraint à la « démission » par le comportement fautif de l'employeur. Ainsi, le salarié qui décide de mettre un terme définitif à son contrat de travail parce que l'employeur ne lui paie pas les salaires dus ou l'oblige à travailler dans des conditions dangereuses86 ou l'a roué de coups87 ou lui impose unilatéralement une modification du contrat de travail substantielle88, n'est pas démissionnaire.

La finalité protectrice du droit du travail ne se limite pas au rapport individuels de travail, elle est tout aussi énergique au plan collectif.

86 Soc. 18 oct. 1989, R.J.S. nov. 1989, p. 496, n° 826.

87 Soc. 14 mars 1979, D. 1979. I.R. 424; même solution en cas de simples brimades, Soc. 14 mars 1983, Dr. ouvr. 1984, p. 392.

88 Soc. 10 avr. 1991, R.J.S. 6/91, n 690 ; Soc. 13 mars 1991, U.I.M.M, juin 1991, p. 218. Cité par G. LYON-CAEN, J. PELISSIER, A. SUPIOT, op. cit.

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CHAPITRE 2 : LA PROTECTION AU PLAN COLLECTIF

Le droit du travail est le résultat d'un rapport de forces. Cette particularité doit être reliée aux conditions particulières d'accomplissement du travail subordonné. La contrainte subie sur plan individuel trouve dans l'épanchement collectif un mode de reconquête de la liberté perdue89. C'est la volonté du groupe qui permet l'évolution du droit à quelque niveau qu'elle s'exerce. Le droit du travail est avant tout collectif90. Dans cet élan de protection, le droit du travail reconnait aux salariés un droit de représentation aussi bien dans l'entreprise que dans la profession (section 1), pour une meilleure sauvegarde des intérêts des travailleurs (section 2).

Section 1 : La reconnaissance d'un droit à la représentation

Les droits et libertés fondamentaux reconnus au sujet de droit par la constitution du Sénégal trouvent application dans le code du travail. En effet la constitution reconnait la liberté d'association, la liberté de réunion, la liberté de manifestation, la liberté d'expression, les libertés syndicales et celles d'affiliation syndicale, le droit au travail, le droit de grève, le droit de participer, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination des conditions de travail dans l'entreprise91. La loi organise, de ce fait, les relations collectives de travail à travers la représentation collective des salariés par le biais des délégués du personnel, au sein de tout établissement de l'entreprise (paragraphe 1) et par le biais du syndicat, dans la profession (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Dans tout établissement de l'entreprise : les délégués du personnel

Les délégués du personnel sont la voix du personnel dans l'entreprise. Lorsque l'effectif de l'établissement atteint un certain seuil, l'institution de délégués du personnel devient une obligation pour l'employeur. Le délégué du personnel est avant tout un salarié, mais avec un statut particulier (A). La fonction de représentant du personnel exposant le salarié à des sanctions et représailles, il a été institué une protection juridique pour garantir les missions du délégué du personnel (B).

89 F. DUQUESNE, 2nd éd, Droit du travail, Gualino, 2006, p. 19.

90 Ibid.

91 L'énumération n'est pas limitative.

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A - Le statut de délégué du personnel

Au Sénégal, en matière de délégué du personnel, le Code du Travail est le texte de référence qui en définit les grands principes. A côté, les règlements et autres textes viennent en élargir la portée. Les délégués du personnel doivent obligatoirement être mis en place dans tout établissement comportant au moins 11 salariés. L'établissement est un groupe de personne relevant d'une même entreprise et travaillant en commun en un même lieu déterminé sous l'autorité d'un chef d'établissement ou de son représentant92. Cependant, par voie conventionnelle, rien n'empêche l'employeur de mettre en place une telle institution alors même que ce seuil ne serait pas atteint. Pour accéder au statut de délégué du personnel, il faut d'abord passer par les élections. Le statut ayant été acquis, un certain nombre de missions lui incombe.

S'agissant des élections, pour le décompte de l'effectif, on prend en considération tous les travailleurs habituellement occupés dans l'établissement. Toutefois, les textes permettent de tenir compte des apprentis, des journaliers et des saisonniers qui ont une certaine stabilité dans l'établissement. Le temps de présence est de 6 mois de travail dans l'année. Tout travailleur âgé de 18 ans révolus, ayant travaillé six mois, au moins dans l'entreprise et n'ayant pas été l'objet d'une condamnation privative des droits civiques93.

Pour ce qui est de l'éligibilité, il faut être électeur âgé de 21 ans révolus, être de nationalité sénégalaise ou, ressortissant d'un Etat signataire d'un traité accordant la réciprocité, savoir lire et écrire, avoir accompli 12 mois de service dans l'entreprise, sans interruption. Toutefois, les ascendants et descendants, frères et alliés au même degré du chef d'entreprise ne sont éligibles. Le mandat de délégué du personnel est de trois ans et il est renouvelable. Le mandat prend fin à l'expiration des trois ans ou par démission, révocation de l'organisation syndicale ou du collège électoral qui l'a présenté ou élu et par perte des conditions requises pour l'éligibilité94.

En ce qui concerne les missions, le délégué du personnel va être chargé de faire remonter à l'employeur les revendications individuelles et collectives des salariés. En l'absence du comité d'hygiène et de sécurité, les délégués du personnel doivent veuiller à l'application des prescriptions relatives à l'hygiène, à la sécurité des travailleurs, à la sécurité sociale et proposent toute mesure utile à ce sujet. Les délégués du personnel peuvent saisir l'Inspection du Travail

92 A. KANTE, op. cit., 189.

93 B. SOW, Les délégués du personnel [en ligne], SUTTAAAS, SEPTEMBRE 2006, URL : www.suttaas.org/wp-content/uploads/2017/04/Delegue-personnel.pdf, consulté le 14 novembre 2018.

94 Ibid.

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de toute plainte ou réclamation concernant l'application des prescriptions légales et réglementaires dont elle est chargée d'assurer le contrôle. Les délégués du personnel sont consultés pour avis, lors de l'élaboration du règlement intérieur et des licenciements pour motif économique. Un délégué du personnel peut éventuellement saisir l'inspection du travail si un salarié se plaint de la mauvaise application de ces normes. Du reste, relevons que les délégués du personnel disposent d'un crédit d'heure mensuel non cumulable considéré comme temps de travail et rémunéré pour exercer efficacement leurs fonctions.

Dans l'accomplissement de sa mission, le délégué du personnel est exposé et peut faire l'objet de mesures de représailles. C'est pourquoi le droit du travail a institué une protection à son égard.

B - La protection juridique du délégué du personnel

Dans le cadre de la protection du délégué du personnel, le législateur a imposé le principe d'une autorisation obligatoire et préalable de licenciement que l'employeur doit demander et obtenir de l'Inspecteur du Travail95. Cette protection concerne les délégués du personnel en fonction, les candidats aux fonctions de délégué du personnel entre la date de remise des listes à l'employeur et celle du scrutin et les délégués du personnel dont le mandat a expiré et trois mois après l'expiration.

Pour ce qui de la procédure de licenciement, la demande doit être faite par écrit à l'Inspection du Travail du ressort, qui doit rendre sa décision dans les 15 jours (30 jours si expertise est sollicitée par l'inspecteur) suivant le dépôt de la demande. Le défaut de réponse dans le délai vaut autorisation implicite de licenciement. L'Inspecteur du Travail est tenu de motiver sa décision d'autorisation ou de refus du fait de son caractère définitif. L'employeur est tenu de notifier au délégué du personnel dont il envisage le licenciement son intention de demander l'autorisation de licenciement. Tout licenciement d'un délégué du personnel opéré sans autorisation ou en dépit du refus de l'Inspecteur du Travail est nul ; en conséquence le délégué du personnel doit être réintégré dans son emploi et dans sa qualité de représentant du personnel et tous les salaires doivent lui être payés allant de la date du départ de l'entreprise jusqu'à sa réintégration. A défaut de sa réintégration, dans les 15 jours suivant la notification de la décision de refus de licenciement de l'Inspecteur ou de la décision du Ministre infirmant l'autorisation, donnée ou de la mise en demeure faite par L'Inspecteur de réintégrer le délégué du personnel

95 Al. 1 de l'art. L214 code du travail ; El-H-M. MBOUP, Le licenciement des salariés protégés en droit sénégalais : le cas des délégués du personnel, Nouvelles annales africaines, n1, 2010, p. 207 ; M. GAYE, Les formalités contractuelles en droit du travail sénégalais, Annales africaines, nouvelle série, volume 1, avril 2005, p. 99, s.

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lorsque l'employeur n'a pas fait la demande, ce dernier est tenu de verser une indemnité supplémentaire variable selon l'ancienneté du délégué du personnel : de 1 à 5 ans ( 12 mois ) , de 5 à 10 ans ( 20 mois ) et au - delà de 10 ans ( 2 mois par année d'ancienneté avec un maximum de 36 mois )96

Aussi, relevons que les parties disposent également d'un recours hiérarchique. En cas de faute lourde du délégué du personnel, justifiant en principe le licenciement immédiat de l'intéressé, l'employeur peut prononcer immédiatement la sanction disciplinaire de la mise à pied, en attendant la décision définitive de l'Inspecteur. La décision de L'Inspecteur accordant ou refusant l'autorisation de licenciement n'est susceptible d'aucun recours autre que le recours hiérarchique devant le Ministre du Travail. Les parties disposent d'un délai de 15 jours, à compter de la notification de la décision de l'Inspecteur pour déférer celle-ci devant le Ministre qui dispose d'un délai de 30 jours pour statuer sur le recours hiérarchique et confirmer ou infirmer la décision de l'Inspecteur. La décision du Ministre est susceptible de recours juridictionnel en excès de pouvoir devant le Conseil d'Etat qui ne peut que rejeter le recours ou annuler la décision administrative qui lui est soumise. L'appréciation du Conseil d'Etat peut porter sur la légalité de la décision et sur l'opportunité de la décision attaquée.

Au reste, mentionnons que l'entrave97 à la libre désignation des délégués du personnel et à l'exercice régulier de leurs fonctions est pénalement réprimée. La rupture du contrat de travail du délégué du personnel en dehors de la procédure prévue par la loi ainsi que le refus de réintégration consomment le délit d'entrave98. Les auteurs d'infractions aux dispositions fixant les conditions et les modalités de désignation des délégués du personnel et définissant leur mission sont punis de deux façons. S'il n'est établi à leur encontre aucune intention d'entraver leur libre désignation ou l'exercice régulier de leurs fonctions, ils s'exposent à des peines contraventionnelles Si une telle intention est prouvée, ils sont exposés à des peines délictuelles.

Qu'en est-il du droit à la représentation dans la profession ?

Paragraphe 2 : Dans la profession : le syndicat

Le syndicat professionnel est une organisation à caractère privé associant des personnes exerçant ou ayant exercé leur activité dans une même branche de métier. En droit du travail sénégalais, le droit syndical tient sa source des conventions internationales adoptées par l'OIT99

96 B. SOW, Les délégués du personnel, op. cit.

97 Art. L 278 du code du travail.

98 J. PELISSIER, A. SUPIOT, A. JEAMMAUD, Droit du travail, précis Dalloz, 22e ed., 2004, p. 707, n593.

99 Il s'agit de la convention n 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.

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et qui sont en vigueur au Sénégal, de la constitution et de la loi. La liberté syndicale est un droit fondamental du salarié et le syndicat, titulaire de prérogatives bien définies.

Le principe de la liberté syndicale est très ancien. Il a déjà était proclamé en 1919 par la constitution de l'OIT qui en faisait la clé de voute de son programme d'action. Ensuite, la déclaration de Philadelphie de 1944 relative aux buts et aux objectifs de l'OIT devait affirmer que la liberté d'expression et d'association a été définie comme la condition indispensable d'un progrès soutenu.

Sur le plan interne, le droit syndical est un principe constitutionnel. Dans le préambule comme dans le corpus100, le respect et la garantie des libertés syndicales sont proclamés. Sur le plan législatif, la loi n°97-17 du 1er décembre 1997 portant code du travail a, à la suite de la loi n° 61-34 du 15 juin 1961, joué son rôle de précision quant à la reconnaissance du principe constitutionnel du droit syndical. Son article L7 in fine dispose que : « Les personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou des professions connexes concourant à l'établissement de produits déterminés, ou la même profession libérale, peuvent constituer librement un syndicat professionnel. Tout travailleur ou employeur peut adhérer librement à un syndicat dans le cadre de sa profession ». La liberté d'adhérer à un syndicat n'est restreinte que pour les mineurs de plus de seize ans101 et exclue102 pour ceux qui n'ont pas atteint cet âge.

Élément d'expression du salarié, l'entré, la sortie, l'appartenance ou non à un syndicat sont des droits reconnus et protégés du salarié. Cette protection résulte du fait de l'interdiction faite à l'employeur de prendre en considération l'appartenance ou non à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en ce qui concerne l'embauchage, la conduite et la répartition du travail, l'avancement et la rémunération. Cette interdiction trouve son fondement à l'article L29 du code du travail ; elle doit être conçue de manière large et illimitée. L'article ne donne en effet que des cas où la discrimination peut être habituellement faite par les employeurs, mais son usage de l'adverbe « notamment » permet d'affirmer que toute discrimination en faveur ou en défaveur du travailleur, motif pris de son appartenance syndicale est prohibée. C'est le même texte qui pose la sanction, il dispose à son alinéa 3 que : toute mesure prise par l'employeur, contrairement aux dispositions des alinéas précédents (alinéas 1 et 2), sera considérée comme abusive et donnant lieu à dommages-intérêts. Il faut déplorer

100 Il s'agit des articles 8 et 25 de la constitution sénégalaise de 2001

101 Art. L11 code du travail

102 Disposition qui est alors contraire à la convention n87 de l'OIT qui n'opère de distinction tenant à l'âge et par conséquent, reconnait aux mineurs admis au travail, la liberté de se syndiquer sous réserve seulement des statuts du syndicat choisi.

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l'absence de protection des dirigeants syndicaux. Le droit du travail sénégalais ne leur reconnait pas une protection particulière103 comme celle dont bénéficient les délégués du personnel. Cette absence de protection résulte de l'inexistence juridique propre du syndicat dans l'entreprise. Il urge, en raison de l'importance que revêt cette liberté fondamentale, que la législation sénégalais s'attèle au renforcement de ce droit pour une meilleure prise en compte de l'intérêt des travailleurs.

Pour ce qui est de ces prérogatives, le syndicat est une organisation destinée à défendre les intérêts communs professionnels, matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels des membres de la profession. Ainsi, le syndicat ne représente pas seulement ses adhérents, mais la profession dans son ensemble. Etant donné que l'organisation de l'entreprise ne permet pas à chaque salarié de porter personnellement et individuellement ses revendications, l'idée de représentation est posée à l'article 25 de la constitution qui dispose que : « tout travailleur participe par l'intermédiaire de ses délégués à la détermination des conditions de travail dans l'entreprise » L'article L-6 du code du travail dispose : « les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des intérêts économiques, industriels, commerciaux, agricole et artisanaux ». Le syndicat exerce ainsi un objet strictement et spécifiquement professionnel.

Par ailleurs, il a le droit d'ester en justice et d'exercer, devant toutes juridictions répressives, tous les droits réservés à la partie civile lorsque les faits poursuivis portent un préjudice directement ou indirectement à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente. Sur ce terrain, le syndicat peut aussi ester en justice pour défendre un intérêt personnel d'un travailleur membre de l'organisation pourvu que cette action dérive de l'application d'une convention collective ou d'un accord d'entreprise et d'établissement dont il est signataire. Il n'a pas, dans ce cas, à justifier d'un mandat du salarié, il suffit juste que l'intéressé ne s'y oppose pas et qu'il soit averti104. De même, le syndicat peut intervenir dans une instance engagée par une personne physique ou un groupement lorsque le droit qui lui sert de fondement découle d'une convention collective ou d'un accord dès lors que ses membres sont liés par ces actes juridiques ; le fondement d'une telle intervention étant l'intérêt collectif que la solution du litige peut présenter pour ses membres105. Enfin le syndicat bénéficie d'un quasi-monopole106 en ce qui concerne la

103 Ce qui est déplorable puisqu'en droit français, les syndicats peuvent créer une section syndicale au sein de l'entreprise et les délégués syndicaux bénéficient d'une protection contre les mesures que l'employeur peut être amené à prendre contre eux.

104 Art. L98 al. 1 code du travail.

105 Art. 98 al. 2 code du travail.

106 L'art. L80 prévoit aussi que les salariés peuvent être représentés par des groupements professionnels.

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négociation collective. Il représente en principe les travailleurs pour conclure les conventions et accords collectifs.

La représentation des salariés, que cela se fasse au sein de l'établissement de l'entreprise ou dans la profession, est, en toute hypothèse, mue par la sauvegarde des intérêts des travailleurs.

Section 2 : Les moyens de sauvegarde des intérêts des travailleurs

Conflits du travail et négociation collective sont inséparables107. Les salariés doivent souvent recourir à des procédés de lutte pour parvenir à la négociation d'un accord, d'une convention collective de travail. Ainsi, les acteurs des relations collectives entretiennent des rapports et sont appelés à travers ceux-ci à secréter des normes applicables à la relation de travail par le biais de la négociation collective et du dialogue social (paragraphe 1). Parfois, ces relations sont contentieuses. A ce titre, le code du travail a institué des moyens d'expression de leur mécontentement. La possibilité pour l'employeur d'exprimer son désaccord avec les travailleurs est appelé lock-out. Mais, souvent, ce sont les salariés qui montrent leur courroux à travers l'exercice du droit de grève (paragraphe 2) qui, seul, va nous retenir dans le cadre de cette étude.

Paragraphe 1 : La négociation collective et le dialogue social

La démarche scientifique sera duale dans cette partie. Nous étudierons d'abord la négociation collective (A) ensuite le dialogue social (B).

A - La négociation collective

La négociation collective concrétise le droit des salariés de participer à l'élaboration des normes qui les régissent108. Elle est l'un des éléments centraux de la dynamique du droit du travail et du système des relations professionnelles109. Employeurs et salariés, représentés par leurs syndicats, élaborent des normes destinées à régir leurs rapports. C'est l'autonomie normative des interlocuteurs sociaux, sans laquelle il n'est de dynamique du droit du travail110. Ce qui implique, l'existence d'un droit des salariés à la négociation collective. Cette dernière a été consacrée en droit international du travail et en droit interne. En droit international, à notre niveau, nous nous appesantirons sur deux conventions principales de l'OIT qui ont trait à la

107 J. JAVALLIER, Droit du travail, 5e ed., LGDJ, 1996, p. 513.

108 A.C. NIANG, Le droit du travail sénégalais entre ambigüité et ambivalence, Annales africaines, Nouvelle Série, Volume 2, Décembre 2015, p. 80.

109 J. JAVALLIER, op. cit., p. 556.

110 Ibid.

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négociation collective. Cet intérêt découle du fait que le Sénégal les a ratifiées et a fait sienne le suivi qui sied à leur application scrupuleuse par ceux qui en sont destinataires. Il s'agit de la convention n°87 relatif à liberté syndicale et à la protection du droit syndical adoptée en 1948 et la convention n°98 sur le droit d'organisation et de négociation collective datant de 1949. Il s'agit là des deux conventions qui intéressent directement le volet négociation et qui ont fait l'objet d'une ratification par le gouvernement du Sénégal111. En droit interne la constitution s'inscrit également dans cette même logique. La liberté d'expression et d'opinion est reconnue, de même que le droit à tout travailleur de participer, par l'intermédiaire de ses délégués à la détermination des conditions de travail dans l'entreprise112. Sur le plan législatif, le code du travail, à travers l'article L5, reconnait aux travailleurs et à leurs représentants, un droit à l'expression directe et collective sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation du travail dans l'entreprise.

Grâce à la négociation collective, un ordre public social protection s'est progressivement formé. S'écartant des règles du droit commun, le droit du travail a perturbé l'application du principe de la hiérarchie des normes. L'hétéronomie qui le caractérise favorise ce processus. Ainsi, la loi définit des minima que la négociation est censée améliorer113. Cela se concrétise donc par l'élaboration de convention collective. Cette dernière est définie comme un accord relatif aux conditions de travail conclu entre, d'une part, les représentants d'un ou plusieurs syndicats ou groupements professionnels de travailleurs, et, d'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales d'employeurs, ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement114. Au Sénégal, on peut distinguer globalement quatre catégories de conventions collectives : la convention collective ordinaire, la convention collective extensible, l'accord collectif d'entreprise et la convention collective nationale interprofessionnelle115. Du reste, les conventions collectives remplissent trois fonctions socioéconomiques. D'abord, c'est la compensation de l'inégalité des rapports entre les employeurs et les salariés. Ensuite, elles enrichissent et améliorent le SMIG soit en inventant des avantages nouveaux, soit en améliorant des avantages existants. Enfin, elles assurent la paix sociale en donnant satisfaction aux revendications de travailleurs soit pour éviter des conflits soit pour y mettre fin116. L'ordre

111 P. M. MBODJ, La négociation collective dans le secteur privé au Sénégal, mémoire de maitrise, Université Gaston Berger de Saint-Louis, 2009, https://www.memoireonline.com/10/09/2769/La-negociation-collective-dans-le-secteur-prive-au-Senegal.html, consulté le 13/11/2018.

112 Art. 25, al. 5 de la constitution

113 A.C. NIANG, ibid.

114 Art. L.80

115 A. KANTE, op. cit., p. 137

116 A. KANTE, op. cit., p. 139

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public n'est spécifique en droit du travail qu'en ce qu'il permet de déroger aux règles étatiques pour améliorer la condition du salarié. La doctrine s'est ainsi largement accordée sur l'existence de cet ordre public qui déroule ses effets selon un principe de faveur. Autrement dit l'ordre public social impose l'application de la norme la plus favorable au salarié117. Qu'en est-il du dialogue social.

B - Le dialogue social

Le dialogue social est une « notion qui inclut tout type de négociation, de consultation ou simplement d'échange d'informations entre les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs selon des modalités diverses, sur des questions relatives à la politique économique et sociale présentant un intérêt commun. Il peut prendre la forme d'un processus tripartite auquel le gouvernement participe officiellement ou de relations bipartites entre les travailleurs et les chefs d'entreprise118, où le gouvernement peut éventuellement intervenir indirectement »119.

Le dialogue social est consacré aussi bien en droit international qu'en droit interne. Sur le plan international, le dialogue est élevé au rang de principe fondamental porté clairement par deux conventions internationales de l'OIT : convention n144 et 154. La convention 144 sur les consultations tripartites constitue précisément l'une des quatre conventions prioritaires qui est d'ailleurs visée par la charte précitée. Quant à la convention 154, elle porte sur la négociation collective et peut donc être opportunément considérée comme une référence en la matière120. En droit interne, la Constitution sénégalaise ne contient aucune référence expresse au dialogue social. Les droits et libertés qui y figurent sont ceux traditionnellement consacrés par les lois antérieures à savoir la liberté syndicale, le droit de grève et le droit de participer par l'intermédiaire des délégués à la détermination des conditions de travail dans l'entreprise. Le dernier code du travail a repris ces droits pour en préciser le régime juridique. Toutefois on n'a pas manqué de dire que l'article L5 de ce code, qui consacre un droit à l'expression directe et collective des salariés et de leurs représentants manifeste la reconnaissance du dialogue

117 A. C. NIANG, op. cit, P. 81

118 Ou les syndicats et les organisations d'employeurs.

119 Qu'est-ce que le dialogue social, http://www.ilo.org/ifpdial/areas-of-work/social-dialogue/lang--fr/index.htm, consulté le 13/11/2018.

120 A. C. NIANG, « A propos du dialogue », Revue sénégalaise de droit et de science politique, n12, avril 2014, p. 277.

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social121. L'unique support textuel qui fonde expressément le dialogue social au Sénégal122 est la charte nationale du dialogue social qui a été adoptée le 22 novembre 2002123. Néanmoins, il a été institué un haut conseil du dialogue social qui se substitue au comité national du dialogue social124. Cette structure se charge de promouvoir le dialogue social en s'efforçant de créer un cadre national de concertation entre les différents acteurs du monde du travail et de parfaire un climat social favorable à tous les acteurs et unanime à tous les niveaux.

Le dialogue social participe de la revivification des sources normatives du droit du travail. Ainsi, l'article 2 de la charte insiste énergiquement sur l'aspect négociation. En effet, elle dispose que ladite charte a pour objet : « de renforcer les mécanismes du dialogue social (négociation collective, conciliation et consultation) à travers l'établissement d'un cadre bipartite ou tripartite afin que les négociations aient lieu d'abord au niveau de l'entreprise, au niveau des branches d'activités, et au niveau national avec la pleine participation de l'Etat, soit en sa qualité d'employeurs, soit en sa qualité de garant de l'intérêt général ». Toujours dans une perspective de renforcement de l'efficacité de la négociation collective la charte a prévu de « mettre en place des formations sur les négociations collectives, l'économie, la législation sociale et les normes internationales du travail ». Ainsi nous nous rendons compte que le régime conventionnel est assez riche au Sénégal et cela témoigne d'une volonté manifeste de créer un cadre de dialogue propice au développement des rapports entre les différents acteurs de la vie sociale en général et de la négociation collective en particulier.

Outre la négociation collective et le dialogue social, le droit grève participe des moyens accordés aux salariés pour la sauvegarde de leurs intérêts.

Paragraphe 2 : L'exercice du droit de grève

Le code du travail a outillé les salariés mécontents de leur employeur d'un puissant instrument de dissuasion qu'est la grève pour leur permettre de défendre leurs intérêts. Le droit de grève est reconnu par la Constitution et encadré par la loi.

La Constitution du Sénégal du 22 janvier 2001 a consacré le droit de grève en disposant en son article 25 que « Le droit de grève est reconnu. Il s'exerce dans le cadre des lois qui le

121 P. Marie COLY, Code du travail annoté, EENAS, Nouvelle édition, p.7 ; A. FALL, « Dialogue social et ordonnancement juridique » ; A. Wade « Pour quel dialogue social au Sénégal » cité par A.C. NIANG, « A propos du dialogue », op. cit.

122 A. C. NIANG, « A propos du dialogue », op. cit.

123 Cette charte forte de 19 articles en plus du préambule a été signée et adoptée à Dakar par les représentants des employeurs, les travailleurs et le ministre de la fonction publique d'alors, Mr Yoro DE, et s'applique dans les secteurs public, parapublic et privé (moderne et informel).

124 A. KANTE, op. cit., p. 133.

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régissent. Il ne peut en aucun cas ni porter atteinte à la liberté de travail, ni mettre l'entreprise en péril ». En droit international, la matière fait preuve d'une discrétion aisément explicable : fort nombreux sont les États qui n'ont pas un penchant particulier pour la consécration, et encore moins, la protection d'un droit de grève. Les conventions et recommandations de l'OIT sont silencieuses mais, les experts ont parlé. La « jurisprudence » du Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration du B.I.T. est sans équivoque : « le droit de grève et celui d'organiser des réunions syndicales sont des éléments essentiels du droit syndical (...) »125. De vifs débats entre groupes des employeurs et des salariés ont d'ailleurs eu lieu à la Conférence internationale du travail126.

La grève consiste dans la cessation collective et concertée du travail, à l'appui de revendications127. Ainsi caractérisée, elle est un instrument d'expression et de défense essentiel pour les travailleurs. Dans la mesure où elle engendre des perturbations dans le fonctionnement d'une entreprise ou d'un service, elle est constitutive d'un préjudice au détriment de l'employeur qu'elle incite de la sorte à négocier128. Outre les conditions de forme129 que sont la notification du conflit à l'inspection du travail, le dépôt de préavis de grève qui laisse suivre trente jours en cas d'échec de la procédure de conciliation, la grève nécessite deux conditions quant au fond : une cessation collective de travail en vue de la satisfaction d'intérêts professionnels, avant de porter ses effets.

Le premier élément de cette définition concerne l'existence d'une collectivité de travailleurs. Il s'agit alors d'une communauté c'est-à-dire un groupement organisé130 ou non organisé131 ou une communauté à l'échelle d'une profession, d'une entreprise, d'un établissement. La grève est un droit individuel mais d'exercice collectif. Il découle de cette affirmation que tout salarié bénéficie du droit de grève mais il ne peut l'exercer seul. Il faut, en effet, plusieurs salariés132, sans besoin qu'il y ait une majorité, pour aller en grève. Cette communauté doit être en conflit et l'arrêt de travail doit être effectif. C'est un arrêt totale de travail des salariés et ce, sans

125 Recueil des décisions, Genève, 3 éd., 1985, p. 37, n 69 cité par J.C. Pillissier, op. cit., p. 516.

126 Jean-Maurice VERDIER, « Débat sur le droit de grève à la Conférence internationale du travail » : IFS, 1994, p. 968 cité par J.C. Pillissier, ibid.

127 G. Lyon-Caen, J. Pélissier, A. Supiot , op. cit., p. 918

128 Ibid.

129 Dans le cadre de cette modeste étude, l'accent sera plus porté sur les conditions de fond de la grève.

130 Il s'agira donc d'un syndicat.

131 Ou un comité de grève.

132 Au moins deux salariés. Mais, par exception, la jurisprudence apporte des dérogations. Ainsi, il est possible à un seul salarié d'aller en grève au sein de son entreprise. Il en est ainsi d'abord lorsque le salarié participe seul de son entreprise à une grève dépassant le cadre de celle-ci et déclenché et sur le plan local, régional ou national (Soc. 23 mars 1995, Bull. civ. 1995, V, n111). Il en est ainsi ensuite lorsqu'il est le seul salarié de l'entreprise. Cf M. GAYE, Cours de droit du travail, FSJP, 2017.

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exigence de durée133. L'article 25 de la constitution affirme que cette cessation de travail ne doit pas mettre en péril134 l'entreprise dans une perspective de prise en compte des intérêts de l'entreprise. Une question d'équilibre surgit de ce fait. La quête d'un équilibre des droits et libertés constitutionnellement protégés : le droit de grève et la liberté d'entreprendre.

Le deuxième élément est que le conflit doit porter sur des intérêts collectifs, à savoir des intérêts communs à tous les salariés en cause et dont la satisfaction les concernent tous135. La cessation collective et concerté de travail doit donc être appuyée de revendications professionnelles. En conséquence, toute grève justifiée par des motifs politiques est jugée illégale. Il se pose aussi la question de la licéité des grèves de solidarité, ainsi que celles des grèves de protestations nationales. Il existe une certaine tolérance pour ces deux formes d'action.

Pour ce qui est des effets, la grève étant un droit fondamental, son exercice licite suspend le contrat de travail et retire à l'employeur ses prérogatives136. La suspension du contrat de travail aura pour effet que le salarié gréviste soit soustrait de l'autorité et de la direction de son employeur en raison du fait que ces pouvoirs lui sont conférés par le contrat de travail dont les effets sont désormais suspendus jusqu'à la reprise du travail. L'employeur pourra plus leur donner des ordres en raison justement de la suspension du contrat de travail. Il lui est aussi interdit de recruter des travailleurs pour remplacer temporairement les salariés grévistes137. Les travailleurs grévistes doivent cependant respecter la liberté de travail manifestée par les non-grévistes138.

Procès-verbal, constat, protocole, accord « de fin de conflit », quel qu'en soit le vocabulaire, ces actes juridiques ont force obligatoire pour l'une et l'autre partie lorsqu'ils en remplissent

133 Il n'y a pas une limite de temps instituée dans laquelle la grève devrait être faite. Il peut aller donc d'un débrayage à une grève illimitée.

134 La notion de mise en péril n'a pas été définie par le constituant et peut donc poser des problèmes d'interprétation. On peut toutefois voir à travers cette notion, une reprise maladroite de la notion de désorganisation de l'entreprise qui rend la grève abusive. Mais, en toute hypothèse, il appartient au juge de donner un contenu à cette notion de mise en péril de l'entreprise. Voir sur cette question : A. SAKHO, Droit de grève et survie de l'entreprise, Nouvelles annales africaines, n1-2007, p. 353 ; A. FAYE, La grève dans la constitution du Sénégal de janvier 2001, Droit sénégalais n10, 2011-2012, p. 233.

135 A. KANTE, op. cit., p. 169

136 Sous réserve, bien sûr, du droit de réquisition.

137 Art. 12 du décret 209-1412 du 23 décembre 2009 fixant la protection particulière des travailleurs employés par des entreprises de travail temporaire et les obligations auxquelles sont assujetties ces entreprises, J.O. n6518 du samedi 27 mars 2010.

138 Ils ne doivent pas exercer des voies de fait par rapport à l'employeur et à l'entreprise. Ils ne doivent se livrer à aucun acte d'entrave ou de sabotage. En effet, il s'agit là d'infractions pénales qui exposent les salariés à des sanctions et qui entache donc d'illicéité une grève qui pouvait être licite dans son principe.

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les conditions de forme et de fond. L'objectif principal de la grève est d'amener l'employeur à la négociation dans une perspective de sauvegarde des intérêts des travailleurs.

Tout cet arsenal d'outils institué par le droit du travail et conféré aux salariés, participe de la finalité protectionniste du droit du travail sénégalais. Aujourd'hui, cette protection du salarié de plus en plus remise en cause, il serait plus convenable, plus conforme aux réalités, de parler de finalité ambivalente ou ambiguë du droit du travail sénégalais.

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DEUXIEME PARTIE : UNE FINALITE AMBIGUË A
L'EPOQUE CONTEMPORAINE

Le droit du travail en a fait du chemin avant d'en arriver à son point actuel, il est le produit fini des luttes sociales139. Le dynamisme est le propre du droit du travail, il ne demeure pas figé à une époque, il évolue et s'adapter au gré des conditions sociales. Son objectif continu est de rétablir un équilibre entre les parties, en empruntant les traits caractéristiques de données factuelles naturellement fluctuantes140. A ce titre le caractère ambiguë de la finalité actuelle du droit du travail sénégalais découle de plusieurs raisons (chapitre 1) et a une portée bien définie (chapitre 2).

CHAPITRE 1 : LES RAISONS DU CHANGEMENT DE PERSPECTIVE

Sous l'influence du fort changement de l'environnement politique, social et économique dû à l'économie mondialisée et à l'émergence de nouveaux slogans tels que : « restructurations », « privatisations », « nouvelle politique industrielle », « moins d'État, mieux d'État »141, les autorités publiques ont fini par parachever cette orientation en réformant le Code du travail pour « l'adapter aux réalités économiques et sociales de notre pays et en faire un vecteur dynamique de croissance »142. C'est ainsi que le droit du travail sénégalais a été transformé en instrument de promotion économique (section 1) pour l'épanouissement de l'entreprise, outil de production et pierre angulaire de la croissance économique. Cette transformation s'est faite par le renforcement des prérogatives patronales (section 2).

Section 1 : Le droit du travail, un instrument de promotion économique

Pendant longtemps, la protection du salarié a été le seul souci du droit du travail. Toutes les règles étaient édifiées de manière telle, que les salariés, seuls, pouvaient en tirer contrepartie. Toute idée de flexibilité du droit du travail était envisagée dans une perspective de renforcement de la protection des salariés : flexibilité « à sens unique », de protection143. Depuis peu, des dérogations à ce principe sont apparues dans la législation, aux fins de permettre une prise en

139 F. DUQUESNE, op. cit., p. 18

140 N. Claude, La variabilité du droit du travail, thèse de doctorat, Université d'Angers, soutenu le 7 décembre 2010, https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00579595, p. 16.

141 I.Y. NDIAYE, Droit du travail sénégalais et transfert de normes, Bulletin de droit comparé du travail et de la sécurité sociale, 2005, p. 166.

142 Exposé des motifs de la loi n° 97-17 du 1er décembre 1997 portant sur le nouveau Code du travail cité par I.Y. NDIAYE, op. cit. p. 166.

143 Expression empruntée à Jean Claude JAVALLIER (Droit du travail, LGDJ, 5e ed., 1996).

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compte de l'intérêt de l'entreprise (paragraphe 1), caractéristique essentiel d'un droit maintenant tourné vers l'économie (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'avènement de la prise en compte de l'intérêt de l'entreprise

Le dernier quart de siècle a coïncidé avec une remise en question du droit du travail lui-même144, entrainant l'émergence et l'affirmation d'un caractère nouveau : l'ambivalence.

En Europe, la remise en question du droit du travail a suivi la profonde crise économique et financière résultant des « chocs pétroliers » des années 1970145 mais aussi la mondialisation des marchés. La crise économique a entrainé un ralentissement de l'activité, des restructurations, des pertes d'emplois industriels, des licenciements massifs et une croissance du chômage bientôt angoissante146. Tout ceci renforcé par mondialisation qui a favorisé une concurrence rude des pays dit « émergents » où les entrepreneurs profitent du faible coût de la main d'oeuvre. Dès lors, les thèses libérales dominantes poussent à ce qu'on appelle la « déréglementation », qui consiste à la fois à faire disparaître tout monopole et toute entente et à laisser les mains libres aux entreprises dans la gestion de leur personnel147. L'idée d'un Droit du travail, protecteur du salarié devient dans ces conditions totalement inappropriée. Le droit du travail est vu comme une source des rigidités qui affecteraient la capacité des entreprises à répondre aux impératifs de la compétition économique148 et fait l'objet d'un procès permanant. Le maximum de liberté devant être laissée à ceux qui gèrent l'entreprise, source d'emplois et méritant, seule, les faveurs de la loi. Ces discours, que les autorités publiques ont pris en considération, ont eu raison du droit du travail qui s'est progressivement adjoint de nouvelles finalités prenant en compte l'intérêt de l'entreprise. C'est d'ailleurs en ce sens que le Professeur Gérard Lyon-Caen considérait que l'évolution du droit du travail pouvait connaître des retournements d'orientation: des règles, ou des opérations juridiques paraissant jusqu'alors servir les intérêts

144 I. Y. NDIAYE, M. SAMB, « Neutralisation ou flexibilisation du droit du travail, de l'ajustement économique à l'ajustement juridique », in Ajustement structurel et emploi au Sénégal, Codesria-Karthala, Dakar, 1997, p.103; G. Lyon-Caen, J. Pélissier, A. Supiot, Droit du travail, 18ed., Dalloz, 1996, p. 16 ; J. Pélissier, G. Auzero, E. Dockès, Droit du travail, Dalloz, 26 éd., 2012, p. 23.

145 M. SAMB, Réformes et réception des droits fondamentaux du travail au Sénégal, Revue d'étude et de recherche sur le droit et l'administration dans les pays d'Afrique (disponible sur http://afrilex.u-bordeaux4.fr/réformes-et-réception-des-droits.html), février 2000, consulté le 10 octobre 2018.

146 J. Pélissier, G. Auzero, E. Dockès, op. cit., p. 23.

147 G. Lyon-Caen, J. Pélissier, A. Supiot, op. cit., p. 17.

148 P. VERKINDT, Le droit du travail, Dalloz, 2005, p. 1.

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des salariés, pouvaient ainsi être mises à profit par les employeurs149, témoignant du caractère ambivalent du droit du travail.

En Afrique subsaharienne, l'instabilité économique et sociale et la persistance d'un environnement international hostile, conséquence de la profonde crise économique, a marqué le début des années 1980. Récepteurs des crédits à des taux très bas résultant de la surliquidité générée par le recyclage des pétrodollars, les États africains deviennent surendettés, en 1980, au moment où la baisse des prix des matières premières leurs enlèvent les possibilités de faire face durablement au service de leur dette extérieure. Au même moment, les pays non producteurs de pétrole, comme le Sénégal, sont affectés par le gonflement de leur facture pétrolière, contribuant ainsi à creuser le déficit de leur balance commerciale150. Les emprunts contractés dans les années 1970 contenant des clauses d'indexation des taux d'intérêt aux taux d'inflation des pays du Nord, étant de surcroît libellés en dollars, les pays africains vont être confrontés, à stock de dette constant, au triplement des charges à rembourser. La négociation avec les groupements de prêteurs publics et privés (Club de Paris, Club de Londres) conduit alors les États africains à se lier aux programmes des institutions financières internationales, notamment la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International, qui leur imposèrent des mesures drastiques de « stabilisation » et « d'ajustement structurel », avec une kyrielle de conditions151. La nouvelle politique économique imposée par les institutions financières internationales consacre l'hégémonie absolue de l'économique et la remise en cause des politiques protectrices socialisantes de l'État152. Au Sénégal, ces programmes de restructuration ont suivi l'échec des stratégies de développement économique initiées après les indépendances, et ont invariablement préconisé une plus grande flexibilité dans la gestion des droits des travailleurs et une libéralisation des normes de travail153.

En définitive, en droit du travail sénégalais, l'avènement de la prise en compte de l'intérêt de l'entreprise est consécutif aux divers politiques d'ajustements structurels adoptés154. La libéralisation du commerce international, la mondialisation des marchés financiers et l'importance grandissante de l'intervention des multinationales sur les marchés bouleversent les systèmes nationaux. Les contraintes de comparaison des coûts des facteurs de production, y

149 A. SUPIOT et A. JEAMMAUD, Droit du travail, Dalloz, coll. « Précis Droit privé », 24ème éd., 2008, n° 22.

150 M. SAMB, op. cit.

151 Ibid.

152 Ibid.

153 A. KANTE, op. cit., p. 20.

154 Y. BODIAN, « précarité de l'emploi en droit du travail sénégalais », Nouvelles annales africaines, 2013, p. 293.

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compris le facteur travail conduisent les États à une course vers un certain désengagement, une plus grande flexibilité pour attirer les investisseurs. Ces remous ont conduit à la réforme du code du travail en 1989155 et, en 1997, l'instauration d'un nouveau code du travail plus tourné vers la prise en compte de l'intérêt de l'entreprise156.

Paragraphe 2 : Un droit plus tourné vers l'économie

L'objectif d'instauration d'un environnement économique susceptible d'attirer plus d'investisseurs a grandement motivé le changement de perspective opéré par le droit du travail sénégalais. Ce dernier ne pouvait se cantonner éternellement à la protection du salarié contre la « toute-puissance » de l'employeur au mépris des multiples changements des conditions économiques et sociales. Le droit du travail sénégalais ne pouvait donc ignorer l'évolution de l'économique et se devait de prendre en compte les nouveaux impératifs de développement et de lutte contre le chômage157. Ainsi, le droit du travail nouveau est un instrument de promotion de l'emploi, de promotion d'un environnement facilitant les affaires et la concurrence entre les acteurs économiques158. Le droit du travail s'installerait ainsi au coeur du droit économique formant une trinité entre le droit de la concurrence et le droit de la régulation159.

Selon le professeur Jean Louis CORREA160, le droit du travail serait désormais un instrument, un outil au service de l'économie. Ses règles doivent faire l'objet d'une interprétation téléologique fondée sur la recherche d'un équilibre entre plusieurs intérêts : le marché et la protection du salarié. Pour atteindre les objectifs précités, il faut instrumentaliser la règle de droit, dans ce sens on est ici dans 1a deuxième signification de la règle de droit, à savoir une règle au service voire au secours de l'économie. Cette conception est celle des pays appartenant à la famille de droit Common Law. Toujours selon lui, c'est justement sous l'influence de la doctrine anglo-saxonne, que le coût économique et l'efficience de la règle de droit ont commencé à être mesurés. Il s'agit de l'analyse économique du droit. Pour l'un des principaux fondateurs de cette méthode, le juge américain Richard POSNER, l'analyse économique du droit fournit « au législateur et au juge des prescriptions quant à ce que devrait être une règle ou une décision efficiente ».

155 I. Y. NDIAYE, M. SAMB, « Neutralisation ou flexibilisation du droit du travail, de l'ajustement économique à l'ajustement juridique », in Ajustement structurel et emploi au Sénégal, Codesria-Karthala, Dakar, 1997, p. 112

156 S. DIALLO, Profil national de droit du travail : le Sénégal, OIT Document, 17 juin 2011, p. 4.

157 Y. BODIAN, op. cit., p. 293.

158 G. LYON- CAEN, Les juges brûlent le Code dit travail Au nom de la flexibilité, Le Monde, 5 novembre 1981, p. 1 et 2 cité par J.L. CORREA, op. cit., p. 226.

159 Ibid.

160 J.L. CORREA dans son article : l'éclairage sur un acte uniforme toujours attendu : l'acte uniforme relatif au droit du travail, Nouvelles annales africaines, 2013, p. 226, s.

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Au-delà de la communauté scientifique, cette doctrine anglo-saxonne du Law and economics trouve écho dans les méthodes scientifiques des institutions internationales chargées d'aider au développement des pays africains telles que la banque mondial qui publie chaque année un rapport161 contenant un classement des pays selon les réglementations qui sont favorables ou défavorables à l'activité commerciale162. Cette méthode « Law and economics » trouve une application très médiatisée dans ces rapports « Doing Business » de la Banque mondiale. Au Sénégal, la publication des rapports « Doing Business » a eu pour conséquence notable une volonté affichée du gouvernement sénégalais de vouloir réformer son droit du travail à l'effet de gagner des places supplémentaires dans ce rapport. Ainsi, le Sénégal est dans une logique constante d'amélioration de son environnement des affaires afin de progresser dans le classement Doing Business en vue d'attirer les investisseurs. D'ailleurs, Le Sénégal s'est classé à la 147ème place du classement du rapport 2017 de la Banque Mondiale, ce qui constitue un gain de 31 places en 3 ans163. Au reste, mentionnons que le Rapport « Africa Attractiveness Index » publié en mai 2017 par le Cabinet Ernest & Young, classe le Sénégal 9ème économie la plus attractive pour les investisseurs en 2016, parmi 46 pays africains164.

L'approche économique du droit du travail est à l'oeuvre. M. Hammouda avait entièrement raison en affirmant, en 1998, que dans les années à venir, la loi du marché et la libéralisation économique continueront à être au centre de l'évolution des relations professionnelles au Sénégal165. Désormais il n'est plus saugrenu de paraphraser Levasseur en disant que c'est à l'aune de son droit du travail que l'on juge du degré d'ouverture de l'économie d'un pays166. Il convient dès lors de s'intéresser à la facette cachée d'un droit du travail tournée vers l'économie : la consistance des prérogatives patronales.

161 Il s'agit des rapports doing business de la banque mondial.

162 Doing Business Comparaison des Réglementations S'appliquant Aux Entreprises Locales Dans 190 Économies 2017, p. 5, http://www.doingbusiness.org/content/dam/doingBusiness/media/Annual-Reports/Foreign/DB17-Mini-Book-French.pdf, consulté le 23 novembre 2018.

163 https://www.lejecos.com/CLASSEMENT-DOING-BUSINESS-Le-Senegal-a-gagne-31-places-en-3-
ans_a10719.html, consulté le 23 novembre 2018.

164 https://www.ey.com/Publication/vwLUAssets/ey-attractiveness-program-africa-2017-connectivity-
redefined/$FILE/ey-attractiveness-program-africa-2017-connectivity-redefined.pdf, p. 16, consulté le 23 novembre 2018.

165 H. B. HAMMOUDA, Les théories du post-ajustement : quelques pistes de recherche pour les économies africaines, Codestria, Dakar, 1998 cité par M. SAMB, op. cit.

166 J. L. CORREA, op. cit., p. 228.

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Section 2 : Le renforcement des prérogatives patronales

Pour favoriser la promotion de l'entreprise et donc de l'emploi, il fallait alléger les règles du droit du travail jugées trop rigides. La flexibilité a été brandie comme une réponse à la rigidité du code du travail167. Elle est apparue comme la panacée pour réaliser les performances nécessaires à une plus grande compétitivité de l'économie. Ces performances économiques supposent, en effet, une plus grande souplesse dans la gestion des droits des travailleurs et l'émergence d'un droit du travail libérale plus adapté à la crise économique et financière168. Le législateur sénégalais s'est inscrit dans cette démarche. Par une flexibilité dite d'adaptation169, il a procédé à un renforcement des prérogatives patronales quant au recrutement (paragraphe 1) et à la rupture (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Quant au recrutement

La flexibilité serait l'aptitude d'un système juridique de relations professionnelles à adapter ses normes aux contingences économiques, d'ordre conjoncturel et structurel et aux particularismes professionnels et techniques à l'entreprise170. Le législateur sénégalais a décidé de réformer son droit du travail afin de rendre plus performant son économie à travers la flexibilité. Le renforcement des prérogatives patronales quant au recrutement s'est donc fait à plusieurs niveaux qu'il convient d'évoquer.

? L'assouplissement du contrat à durée déterminée

En premier lieu, le législateur s'est attaqué à l'emploi permanant. L'article 35171 du code du travail a été ciblé. En effet, Jusqu'en 1987, il résultait de ce texte que le contrat de travail à durée déterminée ne pouvait être conclu plus de deux fois entre les même parties, ni être renouvelé plus d'une fois. La sanction de cette règle substantielle était, sous réserve d'exceptions que l'on pouvait considérer comme mineures (dockers, journaliers, saisonniers),

167 I.Y. NDIAYE, M. SAMB, « Neutralisation ou flexibilisation du droit du travail, de l'ajustement économique à l'ajustement juridique », op. cit., p. 119.

168 Ibid.

169 On distingue la flexibilité d'adaptation de la flexibilité de dérégulation totale. La première s'efforce, par méthodes douces, à conformer les normes existantes aux conditions économiques d'ordre conjoncturel ou structurel. Le Code du travail de 1997 semble s'inscrire dans cette perspective car elle se limite à consacrer une dérégulation partielle, en particulier, l'emploi. La flexibilité de dérégulation totale, comme son nom l'indique, tend à assimiler le travail à une marchandise soumise à la loi de l'offre et de la demande. C'est un retour pur et simple au droit civil. On a le cas du Chili à titre illustratif. (I.Y. NDIAYE, M. SAMB, op. cit., pp. 119, 120).

170 Définition tirée de l'article de I.Y. NDIAYE et M. SAMB, op. cit, p. 120 ; D'autres y voient : la capacité des entreprises de réagir rapidement aux stimulants du marché ou aux décisions de gestion interne dans un but de rationalisation (M. DIOP, La flexibilité de l'emploi en droit du travail français et sénégalais, Googlebooks, 1996).

171 Il s'agit de l'article L42 du code du travail actuel.

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la conversion par majoration172. Les tentatives d'abrogation de ce texte furent rejetées par les syndicats de travailleurs173. Les autorités durent alors se résoudre à greffer, en 1989174, des exceptions supplémentaires. Il s'agit de l'intérim et du recrutement pour surcroît d'activités.

Par ailleurs, les entreprises naissantes ou qui s'agrandissent ayant également besoin d'une certaine flexibilité opérationnelle, une autre loi de 1989175 institue un régime dérogatoire au profit de toutes les entreprises agréées au bénéfice des dispositions du code des investissements. Les entreprises bénéficiant de la dérogation étaient de trois sortes : les entreprises agréées installées dans la zone franche industrielle176, les petites et moyennes entreprises et les entreprises ayant une vocation ou une structure spécifique177. La dérogation en question était en considération de la législation du travail en matière de licenciement pour motif économique et en matière de contrat à durée déterminée178. S'agissant du licenciement pour motif économique, cette dérogation soustrayait les entreprises agréées de la procédure instituée par l'article 47 paragraphe 3 de code du travail de l'époque. Le régime qu'il mettait en place reposait sur un mécanisme d'autorisation administrative avec consultation des délégués du personnel et un ordre des licenciements précis. La suppression de l'autorisation administrative en cas de licenciement pour motif économique a donc été consacrée pour ces dites entreprises179 afin de leur conférer plus de souplesse. Pour ce qui est du contrat à durée déterminée, le code du travail autorise, aux entreprises agréées, la conclusion ou le renouvellement de contrats à durée déterminée sans limite de nombre, pour une durée de cinq années à compter de la date d'agrément. Tout travailleur recruté dans cette période est assimilé à un travailleur recruté pour surcroit d'activité180.

172 I.Y. NDIAYE, « Le contrat de travail à durée indéterminée, demain l'emploi ?, RASDP, janvier-décembre 1996 n03-4, p. 75.

173 M. SAMB, op. cit. ; I. Y. NDIAYE, M. SAMB op. cit., p. 112

174 Il s'agit du décret n89-1122 du 15 septembre 1989 en application de la loi 87-20 du 18 aout 1987 cité I.Y. NDIAYE, M. SAMB, op. cit.

175 Loi 89-31 du 12 octobre portant modification du code des investissements cité I.Y. NDIAYE, M. SAMB, op. cit.

176 Cette zone a été créée par une loi de 1974 dans le souci d'inciter les investisseurs étrangers à venir s'installer au Sénégal moyennant certains avantages surtout d'ordre fiscal et douanier. (I.Y. NDIAYE, M. SAMB, op. cit, p. 108)

177 Cette dernière catégorie englobe les entreprises participant activement au développement technologique, les entreprises valorisant les ressources locales et les entreprises décentralisées.

178 A.C. NIANG, Le droit du travail sénégalais entre ambigüité et ambivalence, Annales africaines, Nouvelle Série, Volume 2, Décembre 2015, p. 89

179 I.Y NDIAYE, M. SAMB, op. cit., p. 108

180 Y. BODIAN, « précarité de l'emploi en droit du travail sénégalais », Nouvelles annales africaines, 2013, p. 302 ; A.C. NIANG, op. cit., p. 89 ; I.Y. NDIAYE, op. cit., p. 77.

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? L'institution de nouvelles formes d'emploi précaire

L'objectif de renforcement des prérogatives patronales pour plus de flexibilité s'est réaffirmé avec le code de 1997 avec l'institution de nouvelles formes d'emploi inspirées du droit français. La loi étend considérablement les pouvoirs de l'employeur avec la consécration du contrat à durée déterminée d'usage et du travail à temps partiel.

S'agissant du contrat à durée déterminée d'usage, il a pour support textuel l'article L43 du code du travail de 1997. L'article en question institue une autre dérogation au régime du contrat à durée déterminée. La requalification n'étant donc plus une épée de Damoclès qui pèse au-dessus de la tête de certains employeurs. Le texte affirme que la conclusion de plus de deux fois ou le renouvellement plus d'une fois d'un CDD ne s'appliquent pas aux « travailleurs engagés par des entreprises relevant d'un secteur d'activité dans lequel il est d'usage de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison des caractéristiques de l'activité exercée, lorsque l'emploi de ces travailleurs est par nature temporaire ». La liste desdites entreprises a été effectivement établie en 2008 par un arrêté ministériel181. Ce texte cite des secteurs et activités qui vont des activités de spectacle, de sport ou de loisir à celle des chantiers de réparations navales. Les secteurs concernés englobent le bâtiment et travaux publics, l'agriculture et l'agro-industrie, le tourisme et les télécommunications. Cette large palette d'entreprises est ainsi exclue du régime rigoureux du contrat à durée déterminée pour leur accorder une plus grande souplesse dans un environnement économique hostile.

Pour ce qui est du travail à temps partiel182, connu dans la pratique sous la désignation de travail à mi-temps, son support textuel est l'article L137. Ce dernier dispose dans son alinéa 2 que « sont considérés comme horaires à temps partiel les horaires inférieurs d'au moins un cinquième (1/5) à la durée légale de travail ou à la durée fixée conventionnellement (...) ». L'employeur a, dans ce système, la liberté d'organiser le travail à temps partiel183 sans porter atteinte aux droits individuels et collectifs des salariés, notamment à la rémunération184. Le contrat de travail des travailleurs à temps partiel doit, en principe, être constaté par un écrit, mais l'employeur se voit aussi reconnaitre la possibilité d'«imposer le travail partiel, par une

181 ARRETE MINISTERIEL n° 1887 en date du 6 mars 2008 fixant la liste des secteurs d'activité dans lesquels il est d'usage de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée.

182 J. JAVILLIER, op. cit., p. 213.

183 M. Miné, « Quand le droit favorise l'augmentation et la flexibilité du temps de travail », La nouvelle revue du travail [En ligne], URL : http://journals.openedition.org/nrt/3234 mis en ligne le 03 novembre 2017, consulté le 29 novembre 2018.

184 I.Y. NDIAYE, M. SAMB, « Neutralisation ou flexibilisation du droit du travail », op. cit., p. 127.

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modification des clauses du contrat initial présentée comme une mesure de substitution au licenciement économique185.

Le renforcement des prérogatives patronales se poursuit également à travers la rupture du contrat de travail.

Paragraphe 2 : Quant à la rupture

Il faut rappeler que le droit du travail a conféré des pouvoirs très étendus, sous réserve du respect des lois et règlements, aux employeurs pour la gestion de leur entreprise. Il s'agit du pouvoir de direction, du pouvoir disciplinaire ainsi que du pouvoir réglementaire186. Le pouvoir de direction confère au chef d'entreprise les prérogatives les plus élargies sur le salarié, dont il organise la carrière professionnelle au sein de l'entreprise, du recrutement au licenciement ou au départ à la retraite. Dans une démarche de flexibilisation des normes du droit du travail jugé trop rigides, le législateur sénégalais, a élargi la marge de manoeuvre des entreprises quant à la rupture Cette flexibilité se justifie par le fait que, dans un contexte ou l'environnement économique et financière de l'entreprise est en constante évolution, il convient de doter à celle-ci des moyens afin de s'adapter à ce contexte187. A ce titre, le législateur a libéralisé le droit du licenciement tant ordinaire qu'économique, ensuite, institué le chômage technique puis, légaliser les départs volontaires qui étaient déjà assez rependus, le tout, sous le manteau de la flexibilité de l'emploi.

Pour ce qui est du licenciement pour motif économique, c'est une forme de licenciement qui a connu une évolution en dents de scie188. En 1961, l'employeur devait seulement informer les délégués du personnel de son intention de licencier pour motif économique et le dernier mot lui revenait. En 1977, la loi avait renforcé considérablement la protection des travailleurs en introduisant la procédure d'une autorisation préalable de l'Inspecteur du Travail. En 1983, il eut le renforcement de la procédure de licenciement par la consultation des délégués du personnel, l'autorisation de l'inspection du travail et le recours possible contre la décision de l'inspecteur du travail. En 1997, on est revenu à la législation de 1961, à savoir la simple information des délégués du personnel mais, cette fois ci, accompagné de la consultation de l'Inspecteur du Travail qui ne peut plus s'opposer au licenciement pour motif économique189. Désormais, l'on ne dira plus qu'au Sénégal on divorce plus facilement d'avec sa femme qu'on ne se séparer de

185 Ibid.

186 Voir supra (Para. 2 chap. 1 de la première partie).

187 J.C. JAVALLIER, Le patronat et les transformations du droit du travail, Etudes offertes à Gérard Lyon-Caen, Dalloz, 1989, p. 207 cité par Y. BODIAN, op. cit.

188 A. KANTE, op. cit., 113.

189 Ibid.

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son employé190. L'entreprise ayant acquis l'adaptation du facteur travail et de sa rémunération aux variations de la demande et des conditions de concurrence subies.

S'agissant du licenciement de droit commun191, avant l'avènement du nouveau code du travail en 1997, tout licenciement effectué sans respect de la procédure était considéré comme abusif même si le motif était légitime. L'innovation majeure apportée par le Code de 1997, c'est l'assouplissement des règles du licenciement, plus exactement la sanction des règles de forme. Désormais, lorsque l'employeur ne procède pas à une notification écrite, ou lorsqu'il omet d'indiquer le motif du licenciement, la loi décide que la violation de ces conditions de forme n'entraîne pas, ne donne pas au licenciement un caractère abusif (article L51 code du travail). Si le licenciement d'un travailleur survient sans observation de la formalité de la notification écrite ou de l'indication du motif, ce licenciement irrégulier en la forme ne peut être considéré comme abusif. Tout au plus, ajoute la Loi, le Tribunal peut-il accorder une indemnité pour sanctionner l'inobservation des règles de forme. Cette relativisation pourrait s'expliquer aisément. En effet, il faut reconnaitre que le licenciement irrégulier, contrairement au licenciement abusif, sanctionne par définition, le non-respect d'une règle de forme, donc d'une simple formalité192. Or, on s'accorde de nos jours à reconnaitre que le non-respect d'une condition de forme s'avère beaucoup moins dramatique que celui d'une condition de fond. Il s'agit là manifestement d'une rupture, mais une rupture qui consacre un recul, parce que de tout temps, la Jurisprudence considérait que la violation des règles de forme faisait du licenciement un licenciement abusif193. La légitimité concerne dorénavant le fond et non la forme. Dans ce sens, des juges du fond avaient rejeté une demande d'indemnisation faite par un groupe de salariés dont les licenciements prononcés pour motif légitime, étaient déclarés abusifs uniquement pour vice de forme. Pour parvenir à ce rejet, les juges avaient estimé que le licenciement abusif du seul fait de la procédure n'ouvrait pas droit à réparation si le salarié ne

190 Voir la note de bas de page n105, J.L. CORREA, l'éclairage sur un acte uniforme toujours attendu : l'acte uniforme relatif au droit du travail, op. cit., p. 226.

191 Sur l'ensemble de cette question, voir I.Y. NDIAYE, « Droit du travail sénégalais et transfert de normes », Bulletin de droit comparé du travail et de la sécurité sociale, 2005, pp. 165 à 176.

192 N. NDOYE, Le licenciement pour motif personnel en France et au Sénégal, thèse de doctorat, Université de Strasbourg, soutenu le 20 avril 2012, p. 316

193 Cass. Soc. 25 novembre 1998, M. WADE c/ A. NDlAYE. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation du Sénégal. Chambre sociale, année judiciaire 1998/1999, p. 13. Adde. Casa. Soc, 9 décembre 1998, La Palmeraie Ndiogonal c/ Y. BATHILY, à propos d'un licenciement considéré comme abusif pour absence de lettre de licenciement, Bulletin précité, p.19 et s. cité par N. NDOYE, Le licenciement pour motif personnel en France et au Sénégal, thèse de doctorat, Université de Strasbourg, soutenu le 20 avril 2012, pp. 316 - 317.

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prouvait pas que l'irrégularité lui avait causé un préjudice ; position que la Cour de cassation n'a pas hésité à entériner194.

Au reste, mentionnons l'institution du chômage technique195 par le code 1997 et qui permet à l'employeur de suspendre les contrats de travail de tout ou partie de son personnel, après consultation des délégués du personnel, en cas de nécessité d'une interruption collective résultant de causes conjoncturelles et accidentelles196. Il s'agit notamment des accidents survenus au matériel, d'une interruption de la force motrice, d'un sinistre, des intempéries, d'une pénurie de matières premières d'outillage ou de moyens de transport (art. L. 65 C. trav.)197. A défaut de convention collective ou d'accord d'établissement, l'inspecteur du travail doit être préalablement informé des mesures envisagées.

Enfin, relevons le départ volontaire qui était déjà rependu avant l'avènement du code de 1997 qui n'est d'ailleurs venu que pour le reconnaitre et le consacrer.

Toute cette effervescence législative depuis l'avènement de la prise en compte de l'intérêt de l'entreprise et qui se poursuit jusqu'à nos jours198, a profondément marqué la droit du travail sénégalais qui s'est vu contraint d'adapter voire d'amoindrir sa finalité protectrice. La flexibilité à « sens unique » de protection199 n'est plus à l'ordre du jour. Le droit du travail se doit de ne pas compromette l'emploi, il doit maintenant concilier finalité originelle et promotion de la compétitivité de l'entreprise. L'essence du droit du travail n'étant désormais ni la défense des intérêts des salariés, puisqu'il peut être utilisé au bénéfice des entreprises, ni le camouflage hypocrite des rapports de force, puisqu'il peut être utilisé au bénéfice des salariés200. Mais cette ambiguïté prononcée de sa finalité est lourde de conséquence et d'un cout social élevé pour le salarié.

194 Cass. Soc. 9 février 2000. M. DIOP et K. DIOP c/ IPM Groupe MIMRAN, Bulletin des arrêts de la Cour de cassation du Sénégal, Chambre sociale, année judiciaire 1999/2000, p. 39. Cité par N. NDOYE, op. cit., pp. 316317.

195 Voir A.C. NIANG, Le droit du travail sénégalais entre ambigüité et ambivalence, op. cit., p. 90

196 A. KANTE, op. cit., p. 92

197 Toutefois, l'employeur, qui sous prétexte de mettre ses travailleurs en chômage technique conformément aux dispositions de l'article L.65 du C.T., vend son outil de travail commet un licenciement abusif Voir dans C.A. de Dakar, Arrêt n° 274 du 5 avril 2011, Massaer BA et autres c/ SOCA, Bull. 2013, vol. n°1, p.268.

198 Voir article de J.L. CORREA, l'éclairage sur un acte uniforme toujours attendu : l'acte uniforme relatif au droit du travail, op. cit., p. 229, s.

199 Expression emprunté à J-C. JAVALLIER, op. cit., p. 103

200 N. Claude, thèse précitée, p. 18

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CHAPITRE 2 : LA PORTEE DU CHANGEMENT DE PERSPECTIVE

Une sociologue constatait que le lien entre flexibilité et compétitivité n'a jamais été démontré dans les travaux scientifiques, qu'en revanche, le lien entre travail de qualité et compétitivité ou entre qualité de vie au travail et compétitivité l'est. Que c'est en fidélisant leurs salariés, en les formant et en s'appuyant sur leurs expertises que les entreprises seront plus productives et compétitives, pas en les précarisant davantage201. Il devient donc légitime de se demander si la flexibilité de l'emploi améliore-t-elle réellement l'emploi ? Rien de robuste ne permet de l'affirmer202. Par contre, le recul de l'ordre public social, lui, est bien perceptible (Section 1) à plusieurs niveaux, lequel recul qui place le droit du travail sénégalais en déphasage avec les aspirations de l'OIT (section 2).

Section 1 : Le recul de l'ordre public social

Le renforcement de la protection de l'entreprise passe inévitablement par un recul de la protection des salariés203 par voie de conséquence un recul de l'ordre public social. Or, Flexibilité rime avec montée de la précarité. Cette précarité accrue (paragraphe 1) a fini par entrainer une atténuation voire une absence de protection des salariés (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'aggravation de la précarité de l'emploi

La notion de précarité de l'emploi renvoie à un phénomène multidimensionnel, dont la définition diffère selon les auteurs (chercheurs, praticiens de la sphère sociale, statisticiens, sociologue). La précarité est liée en effet à plusieurs notions connexes : la pauvreté, l'instabilité, l'insécurité, le chômage, l'exclusion. Utilisée par les syndicats, les associations, les hommes politiques, la précarité est devenue une catégorie « politique », difficile à enfermer dans une définition204. Ainsi, l'acception de la notion de précarité est devenue très large, ce qui entretient une certaine confusion et rend difficile d'aboutir à des mesures précises. Monsieur Serge PAUGAM205 éclaire néanmoins notre lanterne sur cette notion. Il distingue précarité de

201 C. KORNIG, La précarité de l'emploi peut-elle être un projet de société ?, [en ligne], LEST. URL: http://www.lest.cnrs.fr/IMG/pdf/loitravail_cathel_kornig.pdf, consulté le 1 déc. 2018.

202 C. RAMAUX, « Flexicurité : quels enjeux théoriques ? », Économie et institutions [En ligne], 9 | 2006, mis en ligne le 31 janvier 2013, consulté le 09 décembre 2018. URL : http://journals.openedition.org/ei/368.

203 Roch D. Gnahoui, Intérêt de l'entreprise et droit des salariés, Rsda, Janvier - Juin 2003 cité par C. KORNIG, op. cit.

204 J. Baptiste de Foucauld, La précarité de l'emploi [en ligne], Conseil national de l'information statistique (FR), URL: https://www.cnis.fr/wp-content/uploads/2017/12/DPR_2008_12e_reunion_GT_emploi_precarite_emploi.pdf, avril 2008, consulté le 3 décembre 2018, p. 1

205 Dans son ouvrage S. PAUGAM, Le salarié de la précarité, PUF, 2007 cité par J. Baptiste de Foucauld, op. cit. p. 3

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l'emploi et précarité du travail. La précarité du travail renvoie à des situations où le travail est sans intérêt, mal rétribué, faiblement reconnu dans l'entreprise tandis que la précarité de l'emploi correspond, selon lui, au fait de ne pas pouvoir prévoir son avenir professionnel, ni assurer durablement sa protection sociale. Les critères à prendre en compte sont au nombre de trois, durabilité de la relation d'emploi, unicité de l'employeur, niveau des revenus. Les personnes en CDD, les intérimaires, les contractuels et vacataires de la Fonction publique, les intermittents, les jeunes en apprentissage, les stagiaires et les personnes en contrats aidés ont un statut précaire, défini par le contrat particulier qui les relie à leurs employeurs. Dans leur cas, la précarité de l'emploi se définit à partir de la nature du contrat de travail. Les personnes à temps partiel ou en sous-emploi sont aussi considérées en emploi précaire : c'est l'insuffisance de leurs revenus qui les classe dans cette catégorie. Enfin, les personnes qui sont en CDI à temps plein, mais qui risquent d'être licenciées, ont aussi un emploi précaire car la relation d'emploi risque de ne pas être durable206.

Le conditionnement économique du droit du travail sénégalais à l'écho des discours sur la flexibilité a favorisé le développement de la précarité et de sa généralisation suite aux diverses mesures législatives ou réglementaires dans les codes de 1961 et de 1997 qui ont contribué à l'éclatement de la collectivité des salariés dans leurs perspectives d'adaptation à la nouvelle donnée économique mondiale207. De plus en plus de salariés sont licenciés en masse, les nouvelles méthodes de gestion de la main d'oeuvre confèrent à l'employeur la souplesse la plus absolue dans la gestion du facteur travail qui est maintenant considéré comme instrument de transfert des risques pesant sur l'entreprise vers les salariés208. La précarité de l'emploi consécutive à ces différentes réformes est aujourd'hui aggravée par les nombreux abus que l'on observe dans le contrat à durée déterminée sous le couvert du surcroit d'activité et de l'intérim.

Jadis, la conversion par majoration faisait obstacle à la conclusion de plus de deux fois ou au renouvellement plus d'une fois d'un CDD, à l'exception des journaliers, saisonniers et dockers. En 1989209, les deux autres exceptions ajoutées ont repoussé les limites de la précarité. Il s'agit de l'intérim et du recrutement pour surcroit d'activité. La grande permissivité de ces exceptions instituées dans le dessein de permettre aux employeurs de recruter sans grandes contraintes s'est

206 Ibid.

207 S. DIALLO, Profil national de droit du travail : le Sénégal [en ligne], OIT Document, juin 2011, URL : https://www.ilo.org/ifpdial/information-resources/national-labour-law-profiles/WCMS_158865/lang--fr/index.htm, consulté le 3 décembre 2018.

208 M. MINE, « Quand le droit favorise l'augmentation et la flexibilité du temps de travail, op. cit.

209 Voir supra (première partie de cette étude)

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rapidement transformée en portail210 cédant la voie aux abus de toute sorte. Le tout, sans parler du salarié recruté sur la base d'un contrat à durée déterminée d'usage qui, dans le contexte juridique actuel, peut être maintenu dans la précarité toute sa vie professionnelle du fait de la souplesse extrême de ce contrat au profit d'une liste plutôt longue d'entreprise211.

D'abord, le travail intérimaire212. Institué pour remédier au déficit de personnel résultant d'absences autorisées de certains salariés, l'intérim a été vite détourné de son objet. Pour compléter l'effectif du personnel, l'employeur a la latitude de recruter directement le personnel dont il a besoin mais, il recourt souvent à société de placement de main d'oeuvre d'où la prolifération des entreprises de travail temporaire213. Le travail temporaire est l'expression juridique qui vise ce que la pratique nomme le plus souvent travail intérimaire214 et instaure une relation triangulaire de travail plaçant souvent le salarié dans une situation très délicate, toute perspective de carrière obstruée. La nouvelle pratique des entreprises consiste à contractualiser avec ces sociétés « écran » qui foisonnent au Sénégal et contribuant, pour la plupart, à précariser d'avantage l'emploi. Elles font des retenues illégales et des contrats secrets avec les entreprises en totale ignorance du travailleur215. Ainsi, elles bouchent les perspectives de carrière de beaucoup de jeunes diplômés216 obligés d'accepter des contrats bidons et des conditions de travail indécentes. Il s'agit d'un mode de domination qui « contraint les travailleurs à la soumission, à l'acceptation de l'exploitation »217.

Ensuite, nous retrouvons le recrutement pour surcroit d'activité. Ce type de recrutement évolue dans une totale incertitude. La doctrine a dénoncé l'imprécision de la notion de surcroit d'activité218 que le législateur ne définit pas219. Toutefois le véritable problème est la réalité du surcroit d'activité. Nombre sont les entreprises qui profitent de l'imprécision de la notion de

210 A.C. NIANG, « L'emploi aujourd'hui, du permis à l'interdit », Annales africaines, Nouvelle Série, Vol. 2, Décembre 2017, p. 97.

211 Sur l'ensemble de cette question voir Y. BODIAN, « Précarité de l'emploi et droit du travail sénégalais », op. cit., pp. 303-307.

212 Sur l'ensemble de cette question voir : Les agences d'emploi privées, les travailleurs intérimaires et leur contribution au marché du travail, Document BIT, Généve, 2009, 73p.

213 Du fait de leur grand nombre, le président de l'union sénégalaise des entreprises de travail temporaire (Usett), affirmait, en 2010, que les entreprises de travail temporaire mettaient plus 100 000 emplois chaque année sur le marché du travail. URL : http://www.servicepublic.gouv.sn/index.php/demarche_administrative/actu/2/1116, consulté le 4 décembre 2018.

214 E. PESKINE, C. WOLMARK, op. cit., p. 136.

215 B. CISS, La précarisation de l'emploi en roue libre au Sénégal, avril 2010, [en ligne] URL : https://www.pressafrik.com/La-precarisation-de-l-emploi-en-roue-libre-au-Senegal_a27748.html, consulté le 4 décembre 2018.

216 Voir aussi A.C. NIANG, « L'emploi aujourd'hui, du permis à l'interdit », op. cit. p. 113.

217 J. Baptiste de Foucauld, La précarité de l'emploi [en ligne], op. cit, p. 3.

218 A. C. NIANG, op. cit.

219 En principe cette situation correspond à une augmentation du niveau de production telle qu'il soit nécessaire de renforcer le personnel habituellement occupé dans l'entreprise pour respecter les délais d'exécution. (A.C. NIANG, op. cit.)

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surcroit d'activité et de l'absence d'outils de mesure permettant d'apprécier le caractère exceptionnel du surcroit d'activité pour surexploiter les salariés déjà dans une situation très délicate. Ce qui participe de l'aggravation de la précarité déjà organisée par la loi.

Par ailleurs, la formation professionnelle constitue également un point important dans la question de l'aggravation de la précarité. Ayant été mise en place dans une perspective d'accorder à l'entreprise plus de facilité dans le recrutement220 et d'assurer aux jeunes diplômés221 ou jeunes issus de l'enseignement général ou n'ayant pas bénéficié d'une instruction académique une préparation à l'entrée dans le marché du travail222, la formation professionnelle a été souvent détournée de son objet.

Nombre de stagiaires évoluaient en dehors du cadre légal, occupant souvent, sous le couvert d'un contrat de stage, des emplois à temps plein qui se prolonge dans la durée sans régularisation de leur situation intrinsèquement précaire. Ils n'avaient aucun statut professionnel et faisaient l'objet de tous les abus. L'intervention d'une réglementation plus poussé en 2015223 instaure une lueur d'espoir mais reste à voir si ces nouvelles exigences vont freiner les pratiques abusives, ce dont une certaine doctrine224 doute légitimement du fait de la quasi-inexistence voire l'absence de contrôles administratifs faute de moyens de l'administration de travail et de pouvoir de sanction de l'inspecteur du travail.

Avec les apprentis c'est à peu près le même scénario. Souvent considéré comme occupant un vrai emploi, le rapport avec l'employeur, soit disant formateur, est souvent très énigmatique, les contours flous, pas tout à fait un contrat de travail parce que presque ou pas du tout rémunéré, pas tout à fait un contrat d'apprentissage car formateurs ou apprentis ignorent souvent l'existence d'une réglementation en la matière225. Un décret de 2016226 réglemente désormais le contrat d'apprentissage. Toutefois, l'abondance et la rigidité observées dans les règles peuvent malheureusement amplifier la réticence et les difficultés des entreprises à se conformer aux règles227.

220 A.C. NIANG, « L'emploi aujourd'hui, du permis à l'interdit », op. cit., p. 99

221 Exposée de motifs de la loi n2015-04 du 12 février 2015 portant réforme de certaines dispositions du code du travail ; J.O. N° 6856 du samedi 20 juin 2015.

222 Rapport de présentation du décret n2016-263 du 22 février 2016 fixant les règles applicables au contrat d'apprentissage ; J.O. N° 6932 du samedi 30 avril 2016

223 Loi sur le stage précité et son décret d'application (décret n2015-777 fixant les règles applicables au contrat de stage)

224 Cf. A.C. NIANG, « L'emploi aujourd'hui, du permis à l'interdit », op. cit., p. 103.

225 Ibid.

226 Décret précité sur le contrat d'apprentissage.

227 A.C. NIANG, op. cit.

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Cette constellation de précarité à laquelle s'ajoutent les nombreux abus que l'on observe, de nos jours, dans les contrats d'engagement à l'essai228 où nombre d'employeurs détournent sciemment l'objet, ne fait qu'amplifier l'affaiblissement de la protection accordée aux salariés.

Paragraphe 2 : L'affaiblissement de la protection des salariés

A bien des égards, l'on pourrait assimiler précarité de l'emploi et affaiblissement de la protection des salariés, mais relevons, pour lever toute équivoque, que précarité de l'emploi et affaiblissement de la protection des salariés sont deux notions différentes mais connexes. L'une entraine l'autre. La notion de précarité de l'emploi renvoie à l'absence de sécurité résultant de la nature intrinsèquement précaire et instable de l'emploi. Un emploi précaire se définit souvent par le type de contrat. Tout contrat de travail dérogeant au contrat à durée indéterminée et à un temps plein est un emploi précaire (contrat à durée déterminée, intérim, le temps partiel). En revanche, parler d'affaiblissement de la protection des salariés évoque la question des garanties sociales. La précarité entraine une absence de protection sociale efficace et effective des salariés. Dans cette perspective, affaiblissement de la protection des salariés signifie affaiblissement des droits sociaux et déficit d'intégration sociale229.

Outre l'anéantissement de toute perspective de carrière pour le salarié, du fait de la fragmentation de la vie professionnelle qu'elle suscite, la précarité n'a pas encore fini de montrer sa mauvaise fortune. En effet, être en emploi précaire fragilise d'abord l'accès aux droits sociaux. Être en contrat à durée déterminée ou en intérim fait de vous un salarié de seconde zone dans l'entreprise230. Si dans les textes, l'égalité de traitement est affirmée, dans la pratique, cette égalité de traitement est le plus souvent contournée. Les textes proclament que tous les salariés, quel que soit leur statut, ont les mêmes droits à la syndicalisation et à la représentation au sein de l'entreprise mais dans la réalité comment oser prétendre revendiquer ses droits lorsque l'on attend un CDI dans l'entreprise ? Comment s'afficher représentant du personnel lorsque l'on est intérimaire ? La peur de se syndiquer ou l'attente d'un contrat stable pour le faire, est plus fortement ancrée dans les emplois courts231. Les CDD ou les intérimaires

228 Sur cette question voir Y. BODIAN, « Précarité de l'emploi et droit du travail sénégalais », op. cit., p. 321 à 328.

229 M. Nanteuil-Miribel, Les dilemmes de l'entreprise flexible, IAG - LSM Working Papers, 2012, [en ligne], URL : http://www.uclouvain.be/cps/ucl/doc/iag/documents/WP_61_denanteuil.pdf , consulté le 2 décembre 2018, p. 21

230 Expression métaphorique empruntée à la professeure A.C. NIANG qui soulignait la différence flagrante entre employés permanents et employés temporaires, relevant qu'il y avait un mur entre ces deux catégories de salariés. Elle les compare ensuite, de citoyens et de citoyens de seconde zone dans l'entreprise (A. C. NIANG, « L'emploi aujourd'hui, du permis à l'interdit », op. cit., p. 117)

231 C. KORNIG, op. cit.

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ne se syndiquent pas ou peu par peur de ne pas être embauchés définitivement. Le personnel sur contrat temporaire est donc dans une relation de dépendance telle qu'il leur est le plus souvent impensable de contester les décisions ou revendiquer une amélioration de leur sort. Cela se traduit par un taux de syndicalisation quasiment nul parmi les salariés en CDD ou en intérim et cela permet donc d'avoir une main-d'oeuvre « docile » et « malléable » à souhait232. La précarisation est un moyen parfait pour affaiblir les syndicats et éviter les grèves et les employeurs l'ont bien compris. De surcroit, sur bien des sujets, les salariés en contrats temporaires sont exclus par un effet d'ancienneté minimum requis ou de non priorité dans l'entreprise malgré les dispositions particulières233 les concernant.

Malgré leur situation alarmante, ces salariés ne bénéficient que rarement de l'appui d'une organisation syndicale ad-hoc, pouvant les aider à connaître leurs droits et à les faire appliquer. Les intérimaires n'ont aucune sécurité sur le plan économique et juridique. Ils ne peuvent défendre leurs intérêts personnels que de façon individuelle lorsque l'entreprise use de leur prestation de manière discontinue mais régulière. Les revendications portées par l'action collective ne concernent que le personnel permanent car « ceux qui ont la légitimité de parler au nom des salariés ne peuvent se hasarder à défendre la cause de ceux qui viennent peut-être menacer leurs propres emplois à la faveur ou au prétexte d'une politique de partage de l'emploi » soulignait la professeure Aminata Cissé NIANG. Ce qui explique, sans doute, au Sénégal, l'inertie des syndicats par rapport à la question de la sécurité234. Il faut même relever pour le déplorer que le régime de retraite ne concerne que les travailleurs sous contrat à durée indéterminée235 alors que le droit sénégalais ne comporte aucun dispositif de garantie des revenus en dehors de la relation de travail. Il n'existe aucun dispositif légal d'indemnisation du chômage. Or, le contrat de travail à durée indéterminée est devenu une denrée rare236, certains vont même jusqu'à en faire l'exception et le contrat à durée déterminée, le principe en droit du travail sénégalais237.

232 Ibid.

233 DECRET n2009-1412 du 23 décembre 2009 fixant la protection particulière des travailleurs temporaires ; J.O. N° 6518 du Samedi 27 MARS 2010.

234 A. C. NIANG, « L'emploi aujourd'hui, du permis à l'interdit », op. cit., p. 116.

235 Ibid.

236 A.C NIANG, « Le droit du travail sénégalais entre ambiguïté et ambivalence », op. cit., p. 89.

237 Le professeur affirme que la souplesse de la règlementation du CDD lui confère une certaine prédominance sur le CDI et semble être la règle ces dernières années. (Y. BODIAN, « Précarité de l'emploi et droit du travail sénégalais », op. cit., p. 313).

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Pis, on note l'absence de débat mais aussi de texte sur le problème des intérimaires qui constituent une catégorie professionnelle très vulnérable. Une enquête nationale sur l'emploi238 constatait que la plupart des salariés n'ont pas de protection sociale. La majorité des employés (un peu plus de 80%) ne disposait pas de protection sociale, particulièrement les avantages liés à l'exercice des activités tels que les congés annuels payés, les congés maladies rémunérés, l'assurance maladie, les cotisations de sécurité sociale, les congés de maternité ou de paternité, l'assurance d'accidents de travail.

C'est sous ce visage renfrogné que se présente le droit du travail sénégalais au salarié. Le travailleur évolue dans une précarité criarde du fait d'un emploi aujourd'hui envisagé comme une variable d'ajustement à la conjoncture économique239. Ce qui ne manque de conduire à un affaiblissement inquiétant de la protection due aux salariés. Cet état de fait témoigne d'un certain déphasage avec les exigences de l'organisation internationale du travail.

Section 2 : Un déphasage avec les exigences de l'OIT

Il est évident qu'à l'heure actuelle, tous les discours sur l'emploi sont articulés autour du pacte mondial pour l'emploi et les exigences du travail décent (paragraphe 1). La flexicurité, ne pourrait-elle pas être un modèle pour parvenir au travail décent pour les salariés (paragraphe 2) ?

Paragraphe 1 : La problématique du travail décent

Le but fondamental de l'OIT aujourd'hui est que chaque femme et chaque homme puissent accéder à un travail décent et productif dans des conditions de liberté, d'équité, de sécurité et de dignité240. Le concept de « travail décent » - du moins exprimé sous cette forme - apparaît pour la première fois en 1999, dans le rapport présenté par le Directeur général à la 87e session de la Conférence internationale du Travail241. Ce terme embrasse dans leur totalité les aspects les plus divers de ce qu'est le travail aujourd'hui et les synthétise dans une expression que tout

238 Note d'informations sur les résultats de la 1ère Enquête Nationale sur l'Emploi au Sénégal, Novembre 2015, http://www.ansd.sn/ressources/publications/Resume_Resultats_ENES-2015.pdf, p. 03, consulté le 6 décembre 2018.

239 I.Y. NDIAYE, « Droit du travail sénégalais et transfert de normes », Bulletin de droit comparé du travail et de la sécurité sociale, 2005, p. 168.

240 D. GHAI, « Travail décent : concept et indicateurs », Revue internationale du Travail, vol. 142 (2003), no 2, p. 1. URL : http://ilo.org/public/french/revue/download/pdf/ghai.pdf, consulté le 7 décembre 2018.

241 Rapport directeur général : travail décent, BIT, Genève, Juin 1999, URL : https://www.ilo.org/public/french/standards/relm/ilc/ilc87/rep-i.htm, consulté le 8 décembre 2018.

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le monde peut appréhender. Mais quel est le véritable contenu de cette notion de « travail décent » ?

Dans le rapport que nous venons d'évoquer, il est précisé que cette notion repose sur quatre piliers : l'emploi, la protection sociale, les droits des travailleurs et le dialogue social. Le terme « emploi » désigne ici le travail sous toutes ses formes et dans ses aspects quantitatifs et qualitatifs. De ce fait, la notion de travail décent ne s'applique pas seulement aux travailleurs de l'économie formelle, mais aussi aux salariés en situation informelle et aux personnes travaillant à leur compte ou à domicile. Le travail décent, c'est également la possibilité d'accéder à un emploi, une rémunération (en espèces ou en nature) appropriée, la sécurité au travail et des conditions de travail salubres. La sécurité sociale et la sécurité du revenu en sont deux autres éléments essentiels, dont la définition varie en fonction des capacités et du niveau de développement de chaque société. Les deux autres composantes ont principalement trait aux relations sociales des travailleurs: d'une part, leurs droits fondamentaux (liberté syndicale, nondiscrimination au travail, absence de travail forcé et de travail des enfants); d'autre part, le dialogue social, grâce auquel ils peuvent exercer leur droit de faire valoir leur point de vue, de défendre leurs intérêts et de négocier avec les employeurs et les autorités sur les questions relatives au travail242.

Il est donc difficile de donner une définition englobant tous ces aspects mais on peut quant même dire que le travail décent résume « les aspirations des êtres humains au travail. Il regroupe l'accès à un travail productif et convenablement rémunéré, la sécurité sur le lieu de travail et la protection sociale pour les familles, de meilleures perspectives de développement personnel et d'insertion sociale, la liberté pour les individus d'exprimer leurs revendications, de s'organiser et de participer aux décisions qui affectent leur vie, et l'égalité des chances et de traitement pour tous, hommes et femmes243 ».

Le profil pays du travail décent244 révèle que le Sénégal doit faire des efforts importants pour améliorer son rang sur le travail décent.

242 D. GHAI, « Travail décent : concept et indicateurs », op. cit.

243 Travail décent, OIT, URL : http://www.oit.org/global/topics/decent-work/lang--fr/index.htm, consulté le 8 décembre 2018.

244 Profil pays du travail décent SENEGAL, Bureau international du Travail, Dakar: BIT, 2013.

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Le taux de chômage demeure élevé (10,6%) et la précarité des chômeurs est accentuée par l'absence d'assurance chômage245. L'emploi demeure par ailleurs essentiellement informel246, ce qui fait que les revenus perçus sont essentiellement très bas. En effet, 77% des travailleurs perçoivent de bas revenus et cette inégalité est notable chez les hommes dont 82,5% perçoivent des bas niveaux de revenus247. Par ailleurs, le salaire minimum interprofessionnel garanti est maintenu au même niveau depuis 1966. Cette situation accentue l'appauvrissement des travailleurs avec une incidence de la pauvreté de 49,1% en 2011248. Par ailleurs, des efforts restent à faire dans le domaine de la stabilité et de la sécurité du travail puisque seuls 17% des travailleurs disposent d'un CDI tandis que les travailleurs sans contrat représentent 56,4% de la population occupée249. Il convient donc de favoriser des réformes qui tendent à limiter l'utilisation des contrats précaires et interdire les successions injustifiées des contrats temporaires pour préserver la sécurité des travailleurs et accorder plus de flexibilité aux employeurs. Nous estimons également que le législateur sénégalais devrait fortement encourager le renforcement de la négociation collective et les syndicats pour favoriser la signature d'accords interprofessionnels sur la stabilité de l'emploi, mais aussi la conclusion de convention collective sur le salaire minimum pour pallier et contre carrer la précarité pour plus de protection. Les négociations seront donc déterminantes pour arriver à une véritable sécurisation professionnelle.

S'agissant du temps de travail décent qui englobe les personnes qui travaillent excessivement de longues heures à intervalle régulier ; les personnes qui travaillent à temps partiel mais qui souhaiteraient travailler davantage afin d'augmenter leur salaire, et finalement, ces travailleurs qui ont pour principale préoccupation non pas le nombre d'heure de travail mais plutôt leur aménagement : les personnes travaillant de nuit, les week-ends, avec des horaires et des rotations irréguliers250, seuls 33,2% des travailleurs enquêtés en 2011 exercent leurs activités sur une plage d'horaires décents (entre 40 et 48 heures par semaine)251.

245 Profil pays du travail décent SENEGAL, op. cit., p. 10.

246 Pour une étude exhaustive voir S. KANTEYE, Le secteur informel en Afrique subsaharienne francophone : vers la promotion d'un travail décent, BIT, Genève, 2002.

247 Profil pays du travail décent SENEGAL, op. cit., p. 10

248 Ibid.

249 Ibid.

250 S. KANTEYE, Le secteur informel en Afrique subsaharienne francophone : vers la promotion d'un travail décent, BIT, Genève, 2002, p. 1.

251 Profil pays du travail décent SENEGAL, op. cit., p. 10

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Les travailleurs bénéficiant d'une sécurité sociale en 2011 sont peu nombreux du fait que l'essentiel des travailleurs sont dans le secteur informel252. L'IPRES, en charge de la pension de retraites, ne collecte les cotisations que de 4% des travailleurs. Les cotisations à la CSS ne concernent que 2,8% des travailleurs et une faible partie de ces travailleurs souscrivent à une mutuelle de santé (3%) ou à un autre système de sécurité (0,7%)253.

Au regard de tous ces données, on note que l'idéal de travail décent promu par l'OIT est loin d'être atteint par le Sénégal qui devrait encore faire des efforts sur ce point pour se mettre en phase avec les exigences de l'OIT à travers le travail décent et le pacte mondial pour l'emploi254.

Mais au-delà de ces aspirations, peut-on trouver une forme de flexibilité qui, en assurant la sécurité du salarié, ne mènerait pas à la pauvreté et à la précarité ? Oui ! La flexicurité.

Paragraphe 2 : Le recours à la Flexicurité : un modèle en devenir

Le droit du travail sénégalais s'inscrit dans un contexte où l'on note une nécessité de repenser le statut du travailleur qui est dans un contexte de précarité et de discontinuité de l'emploi. Ayant d'abord consacré la flexibilité, le droit du travail sénégalais ne pourrait méconnaitre la flexicurité255 qui pourrait être un moyen de parvenir à un travail décent pour les salariés256.

Le principe de la flexicurité est simple. Il consiste à combiner flexibilité pour les employeurs et sécurité pour les salariés, afin, notamment, de circonscrire les effets de la précarité induits par une trop forte dérégulation du marché du travail. La place accordée aux transferts sociaux, au rôle clef des partenaires sociaux dans la régulation sociale, à la qualité du système de formation professionnelle et du service public de l'emploi explique la force de ce modèle

252 92% en 2011 selon : Profil pays du travail décent SENEGAL, op. cit. p. 11.

253 Ibid.

254 Le Pacte mondial pour l'emploi est un ensemble équilibré et réaliste de mesures que les pays, avec l'appui d'institutions régionales ou multilatérales, peuvent adopter afin d'atténuer l'impact de la crise et accélérer le redressement du marché de l'emploi. Adopté en juin 2009 par l'Organisation internationale du travail, il appelle ses États membres à centrer fondamentalement leurs mesures de lutte contre la crise sur les opportunités de travail décent. Le Pacte s'intéresse à l'impact social de la crise mondiale sur le marché de l'emploi et présente des politiques orientées sur la création d'emploi que les pays peuvent adapter à leurs propres besoins. Le Pacte propose un éventail de politiques visant à : Stimuler l'emploi, étendre la protection sociale, respecter les normes internationales du travail, promouvoir le dialogue social, façonner une mondialisation équitable, bref, le Pacte concerne la promotion de l'emploi et la protection des personnes et apporte une réponse à la fois aux préoccupations de la population et aux besoins de l'économie réelle. (A propos du pacte, URL : https://www.ilo.org/jobspact/about/lang--fr/index.htm, consulté le 8 décembre 2018)

255 A.C. NIANG, « L'emploi aujourd'hui, du permis à l'interdit », op. cit., p. 117.

256 Flexicurité et Travail décent: une approche de la politique du marché du travail, https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_093921/lang--fr/index.htm, consulté le 10 décembre 2018.

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d'origine scandinave257. Parmi l'ensemble des pays scandinaves, le Danemark est celui qui a été le plus loin, et bien avant les autres, dans la mise en place d'une démarche de «flexicurité» visant moins à protéger l'emploi que la personne du salarié. La notion de « flexicurité » y a été pour la première fois mentionnée dans une publication de 1999 du Ministère du travail (Arbejdsministeriet)258. Les responsables de la politique de l'emploi se réfèrent régulièrement à la métaphore du «triangle d'or» pour illustrer la démarche proposée259. Dès lors, l'intérêt se focalise sur ce qui est maintenant connu sous le nom de triangle d'or260.

Le premier pilier englobe la facilité des entreprises à embaucher et à licencier, donc une faible protection de l'emploi (c'est le volet flexibilité) 261. La législation de l'emploi doit donc être faiblement contraignante. Il découle de cette faible protection de l'emploi une forte mobilité des salariés sur le marché du travail. Toutefois, la flexibilité ne débouche pas sur des phénomènes de précarisation sociale262, La condition posée à cette faible régulation des systèmes d'emploi est précisément l'obtention de garanties sociales fortes qui est le second pilier.

Le second instaure une indemnisation généreuse des chômeurs (c'est le volet sécurité). Il s'agit concrètement d'une compensation de salaire élevée en cas de chômage, un régime d'assurance-chômage qui joue pleinement son rôle de revenu de remplacement263. Ce régime d'assurance-chômage est au coeur du système. Il est l'instrument qui rend possible ces transitions fréquentes sur le marché du travail parce qu'il permet de maintenir les revenus en cas de discontinuité de l'emploi. De ce fait, le système indemnitaire contribue à encourager les nécessaires mobilités professionnelles264. Toutefois, le bénéfice d'une allocation de chômage

257 C. TUCHSZIRER, « Le modèle danois de «flexicurité». L'improbable «copier-coller» », Informations sociales, 2007/6 (n° 142), p. 132-141. URL : https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2007-6.htm-page-132.htm, consulté le 10 décembre 2018.

258 C. TUCHSZIRER, « Le modèle danois de «flexicurité». L'improbable «copier-coller» », op. cit.

259 C. TUCHSZIRER (avec F. Lefresne), «Les stratégies d'activation des dépenses « passives » dans quatre pays européens : Belgique, Danemark, Pays-Bas, Royaume-Uni», Document d'études de la DARES, n° 43, mars 2001 cité par C. TUCHSZIRER, « Le modèle danois de «flexicurité». L'improbable «copier-coller» », op. cit.

260 Voir J. Gautié, La flexicurité : nouvel horizon du modèle social français ?, http://ses.ens-lyon.fr/ses/fichiers/Articles/ac26c.pdf, consulté le 10 décembre 2018.

261 C. RAMAUX, « Flexicurité : quels enjeux théoriques ? », op. cit.

262 F. LEFRESNE, «Bad jobs au Royaume-Uni : état des lieux et enjeux du syndicalisme», Chronique internationale de l'IRES, novembre 2005 cité par C. TUCHSZIRER, « Le modèle danois de «flexicurité». L'improbable «copier-coller» », op. cit.

263 Expression emprunté à C. TUCHSZIRER, « Le modèle danois de «flexicurité». L'improbable «copier-coller» », op. cit.

264 P. Martin. Flexibilité et sécurité : le droit social français en quête de nouveaux équilibres.

Philippe Auvergnon (dir.). Emploi et protection sociale : de nouvelles relations ?, Presses universitaires de Bordeaux, pp.197-227, 2009. URL : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00822375/document, consulté le 11 décembre 2018

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est assorti de l'obligation de participer aux programmes d'activation initiés par le Service de l'emploi. C'est le troisième pilier.

Le troisième pilier repose sur une politique active du marché du travail centrée sur la reconversion et la formation continue265. C'est une politique de suivi et de contrôle des chômeurs suffisamment stricte pour les dissuader de rester dans leur état (c'est le volet politique active) 266. Par ailleurs, le rôle des régions et des partenaires sociaux a été renforcé pour leur confier une responsabilité croissante dans l'élaboration et dans la conduite des politiques locales d'emploi267. La réussite de ce modèle est attestée au début des années 2000 par un taux de chômage très faible (de l'ordre de 5 %) au Danemark et un sentiment de sécurité très élevé, malgré une mobilité par le chômage elle aussi particulièrement élevée. Les économistes adeptes de la « sécurisation des trajectoires » peuvent donc y voir une bonne illustration des solutions qu'ils préconisent268.

Telle que présentée, la flexicurité combine l'économie et le social. Ce nouveau concept a vocation à irradier toute analyse de l'emploi au même titre que le travail décent s'est imposé en la matière269. Cette flexicurité comporterait diverses composantes parmi lesquelles trois intéressent particulièrement les stagiaires, apprentis et travailleurs temporaires : une politique active et efficace, un système de sécurité social débarrassé de ses scories c'est-à-dire modernisé et un apprentissage tout au long de la vie270. Nous estimons que c'est un modèle en devenir bien qu'il est plus facile de le dire que de le faire en raison des inconvénients pratiques que soulève néanmoins ce modèle qui n'est pas tout aussi parfait271.

265 B. LAMOTTE, C. MASSIT, La flexibilité des marchés du travail à l'épreuve de la crise : plus de

travailleurs pauvres ?. Colloque »Inégalités et pauvreté dans les pays riches», Université Blaise Pascal,

IUFM Auvergne, Jan 2012. URL : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00669906. Consulté le 1 décembre 2018, p. 6.

266 C. RAMAUX, « Flexicurité : quels enjeux théoriques ? », op. cit.

267 C. TUCHSZIRER, « Le modèle danois de «flexicurité». L'improbable «copier-coller» », op. cit.

268 J. GAUTIE, Le défi de l'emploi Flexibilité et/ou sécurité : la France en quête d'un modèle, op. cit.

269 A.C. NIANG, « L'emploi aujourd'hui, du permis à l'interdit », op. cit., p. 117

270 Ibid.

271 Sur les limites de la flexicurté, voir : C. TUCHSZIRER, « Le modèle danois de «flexicurité». L'improbable «copier-coller» », op. cit. Adde J. Gautié, Le défi de l'emploi Flexibilité et/ou sécurité : la France en quête d'un modèle, op. cit. Adde Voir J. Gautié, La flexicurité : nouvel horizon du modèle social français ?, op. cit. Adde P. Martin. Flexibilité et sécurité : le droit social français en quête de nouveaux équilibres, op. cit. Adde C. RAMAUX, « Flexicurité : quels enjeux théoriques ? », op. cit. ; entre autres.

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56

CONCLUSION GENERALE

En définitive, le droit du travail sénégalais, qui était, jadis, fort protecteur envers le salarié, s'est progressivement relâché, au rythme des multiples réformes qu'il a souffert dans une perspective d'adaptation aux contingences du monde économique. Aujourd'hui, il est partagé entre l'économie et le social, l'épanouissement de l'entreprise et la protection des salariés. En même temps qu'il protège les travailleurs, il légitime, autorise leur soumission272. Le législateur a-t-il atteint, aujourd'hui, son ambition de 1997 lorsqu'il réformait le droit du travail ? Dans le projet de la loi n° 97-17 du 1er décembre 1997 portant sur le nouveau Code du travail, on pouvait lire « le présent projet de loi a pour objet de réformer le Code du travail pour l'adapter aux réalités économiques et sociales de notre pays, en faire un vecteur dynamique de croissance (...) ; il a pour ambition de moderniser les relations sociales, de poser les jalons de l'épanouissement de l'entreprise sans déprotéger les travailleurs ».

Ce qui est certain aujourd'hui, c'est que la précarité a atteint un niveau très élevé et l'on se demande si l'intérêt de l'entreprise n'a pas pris le dessus sur la protection des salariés. La neutralisation légale de l'effectivité de la protection des travailleurs a été accompagnée, de manière subtile, par l'inefficience des organes de contrôle. L'inspection du travail et de la sécurité sociale s'est vue, progressivement et de manière indirecte, dépouillée de ses prérogatives la privant des moyens indispensables à l'accomplissement de ses missions. Par ailleurs, les difficultés d'accès à la justice, ajoutées à celles d'exécution des décisions qu'elle rend, ont fini par réduire les possibilités de faire sanctionner les dérives des praticiens qui tendent à abuser des formes souples de mise au travail273.

La représentation collective que l'on croyait être la panacée pour décanter la situation par l'élaboration de normes professionnelles, garantes d'une prise en compte des intérêts divergents des partenaires sociaux, reste encore insuffisamment assurée. Les syndicats et les délégués du personnel, seuls organes de représentation, restent encore victimes de certaines pesanteurs. Ils n'ont pas accès à l'information économique et, bien souvent, manquent d'expertise274 alors Malheureusement, le projet d'Acte Uniforme relatif au droit du travail ne semble pas avoir pris la mesure de cette orientation. Tout au plus, envisage-t-il une présence syndicale dans l'entreprise sans en définir le contour. De même, on retrouve la même inertie dans l'application

272 E. PESKINE, C. WOLMARK, op. cit., p. 10

273 Y. BODIAN., « Précarité de l'emploi et droit du travail sénégalais », op. cit., p. 368.

274 I.Y. NDIAYE, Droit du travail sénégalais et transfert de normes, op. cit., p. 176.

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des conventions internationales ratifiées275. Il s'agit là autant de situations qui obscurcissent davantage la face du droit du travail sénégalais.

Une auteur s'interrogeait d'ailleurs sur l'avenir radieux que pourrait avoir un droit du travail dans un système de relations professionnelles dominé par des exigences antagonistes, entre un État envahi par les programmes d'ajustement et de réduction de déficit, de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International, des entreprises préoccupées par leur survie et des objectifs de rentabilité dans un environnement économique marqué par une concurrence impitoyable, et des travailleurs plus soucieux de maintenir leurs emplois que de se lancer à la conquête de nouvelles conditions de travail plus avantageuses, pour ne pas dire plus humaines276. Assurément, la problématique demeure complexe.

Certes, il demeure pertinent de s'interroger sur la construction d'un modèle de politiques juridiques cohérentes et socialement acceptables qui assurent l'efficacité économique tout en évitant d'être trop défavorables aux travailleurs. Un droit du travail adapté aux réalités sénégalaises susceptible de prendre en charge tous les secteurs économiques277 y compris les relations professionnelles dans le secteur informel, secteur essentiel de la population active dans notre économie. Un droit du travail où l'interventionnisme législatif est quasi-néant mais, remplacé par une participation féconde des partenaires sociaux pour une libéralisation du domaine de la négociation collective dans l'entreprise. Nous estimons que la contractualisation du droit du travail est le meilleur moyen pour l'adapter à nos réalités actuelles.

275 Ibid.

276 M. SAMB., Réformes et réception des droits fondamentaux du travail au Sénégal, op. cit.

277 Ibid.

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62

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION GENERALE 1

PREMIERE PARTIE : LA PROTECTION DU SALARIE : FINALITE ORIGINELLE

DU DROIT DU TRAVAIL 8

CHAPITRE 1 : LA PROTECTION AU PLAN INDIVIDUEL 8

Section 1 : Le régime protecteur au cours du contrat de travail 8

Paragraphe 1 : L'encadrement de la relation de travail 8

A - Le principe d'égalité professionnelle 8

B - Le maintien du salarié en cas de modification de la situation juridique de l'employeur 10

1 - Les conditions du maintien des contrats de travail 10

2 - Les effets du maintien des contrats de travail 12

Paragraphe 2 : La délimitation des prérogatives patronales 12

Section 2 : Le régime protecteur à la fin du contrat de travail 14

Paragraphe 1 : En matière de licenciement 15

Paragraphe 2 : En matière de démission 17

CHAPITRE 2 : LA PROTECTION AU PLAN COLLECTIF 20

Section 1 : La reconnaissance d'un droit à la représentation 20

Paragraphe 1 : Dans tout établissement de l'entreprise : les délégués du personnel 20

A - Le statut de délégué du personnel 21

B - La protection juridique du délégué du personnel 22

Paragraphe 2 : Dans la profession : le syndicat 23

Section 2 : Les moyens de sauvegarde des intérêts des travailleurs 26

Paragraphe 1 : La négociation collective et le dialogue social 26

A - La négociation collective 26

B - Le dialogue social 28

Paragraphe 2 : L'exercice du droit de grève 29

DEUXIEME PARTIE : UNE FINALITE AMBIGUË A L'EPOQUE

CONTEMPORAINE 33

CHAPITRE 1 : LES RAISONS DU CHANGEMENT DE PERSPECTIVE 33

63

Section 1 : Le droit du travail, un instrument de promotion économique 33

Paragraphe 1 : L'avènement de la prise en compte de l'intérêt de l'entreprise 34

Paragraphe 2 : Un droit plus tourné vers l'économie 36

Section 2 : Le renforcement des prérogatives patronales 38

Paragraphe 1 : Quant au recrutement 38

? L'assouplissement du contrat à durée déterminée 38

? L'institution de nouvelles formes d'emploi précaire 40

Paragraphe 2 : Quant à la rupture 41

CHAPITRE 2 : LA PORTEE DU CHANGEMENT DE PERSPECTIVE 44

Section 1 : Le recul de l'ordre public social 44

Paragraphe 1 : L'aggravation de la précarité de l'emploi 44

Paragraphe 2 : L'affaiblissement de la protection des salariés 48

Section 2 : Un déphasage avec les exigences de l'OIT 50

Paragraphe 1 : La problématique du travail décent 50

Paragraphe 2 : Le recours à la Flexicurité : un modèle en devenir 53

CONCLUSION GENERALE 57

BIBLIOGRAPHIE 59

TABLE DES MATIERES Erreur ! Signet non défini.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984