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Industrie 4.0, une revolution industrielle et sociale ?


par Vincent Kergueme
ESLI - Master 2 2020
  

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3. De l'innovation technique à l'innovation sociale

Pour Isabelle Martin, responsable du service Économie et société à la CFDT, il y a une fascination française pour la technologie. Mais la technologie ne sera une réussite - au sens sociétal, durable et écologique - que si nous sommes capables collectivement de transformer le travail et d'« embarquer » l'ensemble des parties prenantes.

L'entreprise doit favoriser l'échange des points de vue entre parties prenantes et reconnaître que celui-ci est source de performance. L'histoire récente de l'industrie française montre que cette conception du dialogue social fait souvent défaut. Ainsi le « Lean » déployé dans une approche exclusive de gains de compétitivité, sans associer les salariés à la mise en place des nouvelles organisations du travail et sans discussions sur la qualité du travail, n'a pas toujours permis d'atteindre les niveaux de performance attendus.

Figure 10. Risques et opportunités pour les travailleurs

Source : IG Metall

Selon une enquête menée par la CFDT auprès de 200 000 salariés, 75 % d'entre eux souhaitent être davantage associés aux décisions qui les concernent. De plus, les collectifs de travail sont souvent les mieux à même d'apporter des solutions pertinentes aux problèmes auxquels ils sont confrontés.

Il est donc nécessaire de poursuivre, parallèlement, la transformation des rapports sociaux dans l'entreprise, ne serait-ce que pour faire baisser le caractère anxiogène du changement.

Le travail doit être considéré comme une source d'innovation à part entière.

Cela implique de reconnaître la place du travail dans la stratégie et la gouvernance des entreprises. L'entrée des administrateurs salariés dans les conseils d'administration des grandes entreprises a représenté une avancée significative en ce sens, mais il est nécessaire d'aller encore plus loin, d'approfondir et d'étendre la mesure à un plus grand nombre d'entreprises.

Mais avant tout, le travail et son organisation doivent être discutés entre partenaires sociaux. La mise en oeuvre des décisions stratégiques peut se faire selon divers scénarios dont les conséquences économiques et sociales ne sont pas identiques. Ces options doivent être discutées avant que les choix définitifs soient arrêtés, et les représentants des salariés doivent disposer d'une réelle capacité à peser sur ces choix ; le cas échéant, ils doivent pouvoir saisir le conseil d'administration des difficultés qui n'auraient pas été anticipées par ce dernier. Un dialogue social de haut niveau est une condition essentielle pour réussir la transition vers l'industrie du futur, il doit être considéré comme un levier d'accompagnement du changement de l'entreprise et non comme un frein à sa mutation.

L'industrie du futur ne saurait se concevoir comme un progrès sans y associer le progrès social.

Au terme de cette vision de l'industrie du futur, nous pouvons retenir que les avancées offertes par le numérique offrent d'immenses perspectives d'innovation. Au niveau technique, avec la fusion des biens et des services en produits intelligents, dont la fabrication pourra être à la fois plus rapide et davantage économe en ressources. Au niveau du contenu du travail, grâce à de nouvelles organisations des entreprises, de nouvelles formes d'emploi et de nouveaux modèles économiques.

Au niveau social, par une meilleure conciliation entre le travail et la vie personnelle avec le travail à distance, le recul de la barrière de l'âge et du handicap. Pour autant, ces évolutions portent aussi leur part de risque - pour l'individu comme pour la société.

La flexibilité peut être synonyme de porosité accrue entre vie professionnelle et vie privée, d'intensification du travail et de stress supplémentaire.

De même, des domaines sensibles tels que la protection et la sécurité des données, l'augmentation des moyens de contrôle des hommes par les systèmes, l'avenir des collectifs de travail ou encore le rythme des disparitions et des créations d'emplois comportent encore un grand nombre de questions sans réponses.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault