3. De l'innovation technique à
l'innovation sociale
Pour Isabelle Martin, responsable du service Économie
et société à la CFDT, il y a une fascination
française pour la technologie. Mais la technologie ne sera une
réussite - au sens sociétal, durable et écologique - que
si nous sommes capables collectivement de transformer le travail et d'«
embarquer » l'ensemble des parties prenantes.
L'entreprise doit favoriser l'échange des points de vue
entre parties prenantes et reconnaître que celui-ci est source de
performance. L'histoire récente de l'industrie française montre
que cette conception du dialogue social fait souvent défaut. Ainsi le
« Lean » déployé dans une approche exclusive de gains
de compétitivité, sans associer les salariés à la
mise en place des nouvelles organisations du travail et sans discussions sur la
qualité du travail, n'a pas toujours permis d'atteindre les niveaux de
performance attendus.
Figure 10. Risques et
opportunités pour les travailleurs
Source : IG Metall
Selon une enquête menée par la CFDT auprès
de 200 000 salariés, 75 % d'entre eux souhaitent être davantage
associés aux décisions qui les concernent. De plus, les
collectifs de travail sont souvent les mieux à même d'apporter des
solutions pertinentes aux problèmes auxquels ils sont confrontés.
Il est donc nécessaire de poursuivre,
parallèlement, la transformation des rapports sociaux dans l'entreprise,
ne serait-ce que pour faire baisser le caractère anxiogène du
changement.
Le travail doit être considéré comme une
source d'innovation à part entière.
Cela implique de reconnaître la place du travail dans la
stratégie et la gouvernance des entreprises. L'entrée des
administrateurs salariés dans les conseils d'administration des grandes
entreprises a représenté une avancée significative en ce
sens, mais il est nécessaire d'aller encore plus loin, d'approfondir et
d'étendre la mesure à un plus grand nombre d'entreprises.
Mais avant tout, le travail et son organisation doivent
être discutés entre partenaires sociaux. La mise en oeuvre des
décisions stratégiques peut se faire selon divers
scénarios dont les conséquences économiques et sociales ne
sont pas identiques. Ces options doivent être discutées avant que
les choix définitifs soient arrêtés, et les
représentants des salariés doivent disposer d'une réelle
capacité à peser sur ces choix ; le cas échéant,
ils doivent pouvoir saisir le conseil d'administration des difficultés
qui n'auraient pas été anticipées par ce dernier. Un
dialogue social de haut niveau est une condition essentielle pour
réussir la transition vers l'industrie du futur, il doit être
considéré comme un levier d'accompagnement du changement de
l'entreprise et non comme un frein à sa mutation.
L'industrie du futur ne saurait se concevoir comme un
progrès sans y associer le progrès social.
Au terme de cette vision de l'industrie du futur, nous pouvons
retenir que les avancées offertes par le numérique offrent
d'immenses perspectives d'innovation. Au niveau technique, avec la fusion des
biens et des services en produits intelligents, dont la fabrication pourra
être à la fois plus rapide et davantage économe en
ressources. Au niveau du contenu du travail, grâce à de nouvelles
organisations des entreprises, de nouvelles formes d'emploi et de nouveaux
modèles économiques.
Au niveau social, par une meilleure conciliation entre le
travail et la vie personnelle avec le travail à distance, le recul de la
barrière de l'âge et du handicap. Pour autant, ces
évolutions portent aussi leur part de risque - pour l'individu comme
pour la société.
La flexibilité peut être synonyme de
porosité accrue entre vie professionnelle et vie privée,
d'intensification du travail et de stress supplémentaire.
De même, des domaines sensibles tels que la protection
et la sécurité des données, l'augmentation des moyens de
contrôle des hommes par les systèmes, l'avenir des collectifs de
travail ou encore le rythme des disparitions et des créations d'emplois
comportent encore un grand nombre de questions sans réponses.
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