4- Hallucination
Par définition, l'hallucination est une erreur des
sens: un halluciné se croit voir des objets et entendre des sons, qui
n'existent pas réellement. Ce trouble de sens est présent chez
les trois héros, il est stimulé par maintes causes.
Commençons tout d'abord par l'antihéros fiévreux du livre
de 1884 : des Esseintes endure des états de confusion et subit de
pénibles hallucinations. Le personnage de Huysmans est très
souvent en proie à des rêves cauchemardesques, qu'on saisit
notamment dans l'apparition des chimères.
« une étrange figure[...] figure ambigüe sans
sexe, était verte et elle ouvrait dans des paupières violettes,
des yeux d'un bleu clair et froid, terribles ; des boutons entouraient sa
bouche ; des bras extraordinairement maigres, des bras de squelette, nus
jusqu'au coudes, sortaient de manches en
1 Jean LORRAIN, op.cit, p. 177
2 Ibid. p.55
3 Ibid. p.52
4 Ibid. p.99
22
haillons, tremblaient de fièvre, et les cuisses
décharnés grelottaient dans ces bottes à chaudron, trop
larges.»1
et une «femme bouledogue[...] lamentable et
grotesque»2. des Esseintes est torturé par un monde
fantasmagorique, assuré par le délire. Les phantasmes de des
Esseintes sont inséparables des souvenirs dans la mesure où le
personnage fortement attaché à ses bouts de mémoire
regrettables, manifeste des altérations. Mais pas que les souvenirs qui
entraînent les fantasmes, il y a aussi une autre cause qui n'est pas
d'une moindre importance: les parfums factices. Ces derniers concordant aux
drogues, semblent avoir une influence phénoménale sur les nerfs
du personnage «assommé[des Esseintes]par la violence des
parfums[...]il [le médecin] questionna peu le malade dont il connaissait
d'ailleurs et depuis de longues années les
antécédents»3, son médecin, lors de sa
consultation, a pu mesurer la puissance de l'effet olfactif dans les survenues
de la névrose et des hallucinations.
De son côté, Hubert d'Entragues subit
également des hallucinations, mais elles restent tout de même
spécifiques par rapport à celles qu'endure des Esseintes dans la
mesure où les siennes s'encordent à la bien-aimée à
savoir Sixtine. En fait, les hallucinations de Hubert peuvent se résumer
dans les retrouvailles fabuleuses qu'il imagine souvent «Hubert se
réveilla secoué par l'épouvantable roulement. "Ah
Pollutions! c'était Sixtine. Ah! misères des nerfs
imbéciles. [...] La confusion de ses sensations
l'étourdissait».4 Les hallucinations de Hubert sont plus
au moins adoucies par comparaison aux hallucinations horrifiantes de des
Esseintes.
Quant à Monsieur de Phocas, au sujet des
hallucinations, on peut dire qu'il boit le calice jusqu'à la lie. En
effet, ses hallucinations ne surgissent pas au début et au milieu du
texte, elles éclosent toutes à la fin plus
précisément à l'avant dernier chapitre. D'habitude ce
personnage ne manifeste pas de graves hallucinations, mais dans le meurtre
(chapitre), on en voit l'une des hallucinations la plus grave et la plus
tragique « sombré dans une espèce d'hallucination[...] je me
levai, dressé dans un sursaut d'horreur[..]je me jetai sur Ethal [...]je
heurtai brutalement le chaton de ses bagues à l'émail de ses
dents et j'y brisai en trois coups l'émeraude
vénéneuse»5. Cette quasi-unique hallucination
était tellement aiguë et cruelle, qu'elle a conduit le personnage
à la commission d'un homicide féroce et sadique.
|