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La revitalisation des langues autochtones du Canada grace au spectacle vivant


par Marlene Viardot
Université de Bordeaux - Master 1 d'Anthropologie sociale et culturelle 2020
  

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CONCLUSION

Dans cette partie, nous avons introduit les concepts traités dans ce mémoire : qu'est-ce qu'une langue native, qu'est-ce qu'une langue en danger, où trouve-t-on ces langues dans le monde. Nous avons exploré la notion de revitalisation d'une langue, développant ces différentes étapes et constatant que ces théories marchaient en pratique, grâce aux exemples de l'hébreu et du gaélique.

Après ce tour du monde global, concentrons notre sujet sur la zone géographique qui nous intéresse : le territoire canadien.

II. Le Canada et son rapport aux peuples et langues autochtones

Les premiers contacts dont nous ayons trace entre Européens et peuples autochtones de ce qu'on appelle aujourd'hui le Canada et l'Amérique du Nord, datent de la toute fin du XVème siècle. C'étaient des navigateurs italiens qui recherchaient un passage maritime pour le commerce.

A partir de ce moment-là, les colons d'Europe n'ont cessé d'affluer, et des relations de commerce se sont établies avec les Indigènes (fourrures, cuivre, pierres, ivoire de morse.). Des missionnaires sont arrivés également. Au début de la période coloniale, des relations d'interdépendance se sont formées entre Européens et Indigènes, l'intérêt pour cette culture autre étant mutuel des deux côtés. Afin de réaliser leurs missions de troc pour les uns, d'évangélisation pour les autres, les Européens adoptent les techniques de survie des locaux et surtout apprennent leurs langues.

Par la suite, les relations sont vite devenues conflictuelles entre tribus et colons, mais cela n'a pas empêché un grand intérêt pour les cultures amérindiennes de la part des Européens : ils en ramènent des carnets, des dessins, et ce qui nous intéresse : des notes sur le langage. Par exemple, le Jésuite Jean de Brébeuf, qui vécut 15 ans parmi les Hurons, a fait des descriptions

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ethnographiques et linguistiques remarquables de cette tribu, relevant avec admiration l'éloquence et le lyrisme de cette langue.

L'actuel Canada est une fédération de 10 provinces et de trois territoires. Voici une carte du territoire actuel ci-dessous. Voyons comment les Peuples Premiers et leurs langues s'y répartissent :

Fig. 2 :Carte politique du Canada en français, tirée de l'Atlas du Canada en ligne.

A. 630 PREMIERES NATIONS ET PRES DE 90 LANGUES

1. TROIS CATEGORIES DE PEUPLES AUTOCHTONES

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Le Canada compte une population de 37,5 millions de personnes, dont plus d'un million et demi se définissent comme Autochtones (4,9% de la population du pays), répartis inégalement dans toutes les provinces du Canada.

La loi Constitutionnelle de 1982 distingue trois catégories de peuples autochtones : les Premières Nations, les Métis et les Inuits.

a) Les Premières Nations

Ce sont les peuples autochtones canadiens qui ne sont ni des Inuits ni des Métis. Ils représentent 63,5% de la population autochtone du pays. Les termes "Indiens" ou "Amérindiens" sont également utilisés, mais comportent une connotation négative.

Un "Indien inscrit" dans le Registre des Indiens, le répertoire officiel, bénéficie de certains droits et avantages auxquels n'ont pas droit les "Indiens non-inscrits" ni les Métis, notamment des mesures d'aide au logement dans les réserves, des services d'éducation et une exemption des impôts fédéral et provincial ou territorial dans certaines situations. Le Registre des Indiens contient les noms et les informations d'état civil de tous les Indiens inscrits.

Les membres des Premières Nations se répartissent en 50 groupes linguistiques et 617 communautés.

De nos jours, la majorité vivent en milieu urbain et non pas sur une réserve.

b) Les Métis

Ce sont les individus ayant déclaré être des Métis, sans avoir indiqué faire partie ni des Premières Nations ni des Inuits.

Ce sont les descendant.es des Européens et des Amérindiens, né.es de mariages anciens entre des femmes cries, ojibwées et saulteuses avec des Canadiens français et anglais.

Sa langue traditionnelle est le métchif, un créole développé à partir du français et du cri. De nos jours, les Métis parlent principalement l'anglais, mais le français est encore présent. Le métchif a malheureusement presque disparu, même si une volonté de le faire revivre existe. Ils et elles représentent 32,3 % de la population autochtone du pays.

c) Les Inuits

Cette catégorie comprend les individus ayant indiqué être des Inuits, sans avoir indiqué faire partie des Premières Nations ou des Indiens de l'Amérique du Nord, ni des Métis.

Ils vivent dans les régions arctiques de l'Amérique du Nord. En 1999, le territoire fédéral du

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Nunavut a été créé, terme signifiant "notre terre" en inuktitut, la langue principale des Inuits, les rendant de nouveau maîtres de leurs terres ancestrales. Ils représentent 4,2 % de la population autochtone du pays.

Voici une carte de la proportion des Peuples Premiers par province/territoire, toutes catégories confondues :

Fig 3 : proportion des Peuples Premiers par province/territoire L'aménagement linguistique dans le monde

2. 10 FAMILLES DE LANGUES, 88 LANGUES

Les premiers travaux linguistiques sur la classification des langues d'Amérique du Nord sont dus à Powell (1892), qui les classait en 58 familles, chacune regroupant de nombreux groupes.

En 1929, Sapir reprit cette liste, la retravailla, pour donner au final un classement des langues en 6 familles comprenant les langues parlées sur ce territoire.

Nous pouvons comparer leurs études sur les cartes ci-dessous :

La classification de Powell :

Fig. 4 : Thèse de Powell : 58 langages indiens basiques.

The Map Archive. Powell's Thesis : 58 Basic Indian Languages.

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La classification de Sapir :

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Fig. 5 : Thèse de Sapir : 6 langages indiens basiques.

The Map Archive. Sapir's Thesis : Six Basic Indian Languages.

Ces travaux étant d'une remarquable précision, ils ont servi de base pour la classification actuelle des langues du continent américain.

Sur le territoire canadien, le dernier recensement (2016) dénombre 86 langues autochtones, classées en 10 familles. Parmi celles-ci, 36 étaient parlées par au moins 500 locuteurs/trices8. Ces langues sont très diverses dans leurs structures et leur phonétique, laquelle peut aller d'un petit nombre de sons distincts à un grand nombre d'entre eux. Par exemple, la langue cayuga (famille iroquoienne) compte très peu de sons différents, avec ses dix consonnes et ses six voyelles. À l'autre extrême, la langue dénée witsuwit'en comporte 35 consonnes et

8 cf annexe 1

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6 voyelles, ou la langue oowekyala (famille wakashane), 45 consonnes, 4 voyelles neutres, 3 voyelles glottales et 3 voyelles ouvertes.

Les langues officielles du Canada ne sont que l'anglais et le français, mais au Nunavut et aux Territoires du Nord-Ouest certaines langues autochtones sont reconnues comme officielles. Et leur importance est également de plus en plus reconnue dans les autres États.

Nous présenterons ici les principales langues parlées9 - la liste complète se trouve sur le site de l'Encyclopédie Canadienne'0.

1. Algonquien

Cri

Ojibwé

Innu/montagnais

Mi'kmaq

Blackfoot

Métchif (créole cri-français)

2. Eskaléoute

Inuktitut

3. Déné (athapaskan)

Déné

tli?cho? yatìi (flanc de chien)

Esclave du Sud

Dakelh (porteur)

Tlingit

4. Iroquoien

Mohawk

5. Sioux

Stoney

Dakota

6. Salishan

 

9 Voir en annexe 3 le tableau détaillé des langues, le pourcentage de personnes les parlant et les zones où elles sont parlées.

'0 Rice, K. (2020) Langues autochtones au Canada, l'Encyclopédie Canadienne.

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Secwepemctsin (Shuswap)

 

Halkomelem

7. Tsimshianique

Gitksan

Nisga'a

8. Wakashan

Kwakiutl (kwak'wala)

Nootka (nuu-chah-nulth)

9. Haïda

10. Kutenai

 

Le haïda et le kutenai sont des isolats linguistiques : des langues qui n'ont pas de filiation avec d'autres langues vivantes. Certaines le deviennent lorsque toutes les langues auxquelles elles sont reliées s'éteignent ; d'autres le sont depuis que leur existence est documentée.

Les langues autochtones qui ont le plus de locuteurs/trices sont le cri, l'inuktitut et l'ojibwé, à la fois en langue maternelle et en langue parlée à la maison (donc apprise en tant que langue seconde - c'est d'ailleurs le cas pour la majorité des personnes déclarant parler une langue autochtone aujourd'hui, il est rare que ce soit leur langue maternelle.).

Pour avoir une meilleure idée du foisonnement de ces langues, voici une image datant de 2020 extraite de la carte interactive créée par Native Land, une ONG fondée et dirigée par des Autochtones11 :

11 L'existence d'une telle carte montre que l'intérêt porté aux langues autochtones par les personnes natives elles-mêmes est très vivace. Comme préconisé par le facteur 5 de l'échelle de la vitalité des langues de l'UNESCO (cf I.A.), les langues amérindiennes sont présentes sur les canaux technologiques, ce qui est une marque de présence et de volonté de reconnaissance forte de la part de la communauté des locuteurs/trices.

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Fig. 6 : les langues autochtones du Canada.

Aboriginal languages accross Canada, 2020 ( Native-Land.ca)

Comme on peut le voir, les aires linguistiques sont extrêmement nombreuses, se chevauchent et sont particulièrement prolifiques sur la côte Ouest. Cette concentration des familles de langues dans la région nord-ouest du Pacifique suggère que l'Ouest canadien soit une vieille région linguistique à la source de migrations successives de locuteurs/trices vers le Sud et vers l'Est, une hypothèse que confirment les recherches archéologiques et ethnologiques.

Les communautés de locuteurs/trices sont donc légion, mais comptent peu de membres. Toutes les langues autochtones actuellement parlées au Canada sont classées dans l'un des quatre niveaux de danger de l'UNESCO - mais les choses évoluent, lentement mais sûrement.

B. LES LANGUES AUTOCHTONES, DU DECLIN A LA RENAISSANCE

A cause des politiques coloniales, les langues autochtones du Canada sont menacées d'extinction. Des lois très restrictives, visant l'assimilation des peuples autochtones, ont interdit l'usage de ces langues maternelles, menant à leur abandon forcé.

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1. L'INFLUENCE DES ECRASANTES POLITIQUES D'ASSIMILATION SUR LES LANGUES AUTOCHTONES

a) Les réserves

Les premières réserves indiennes ont été crées en 1850 (Kitigan Zibi, Pessamit, Mashteuiatsh). Le but est à la fois de contrôler les populations autochtones, considérées comme des "sauvages", en les amenant à se sédentariser, et d'accéder plus facilement aux ressources minières de leurs territoires.

b) la Loi sur les Indiens

À la suite du déclin du commerce des fourrures en 1820 et à la fin du conflit militaire entre les Américains et les Britanniques, la Couronne britannique n'a plus besoin objectivement de maintenir de bonnes relations et des alliances avec les Premières Nations. Au contraire, elle convoite maintenant leurs territoires à des fins économiques et de colonisation.

Ainsi, en 1876 est votée la Loi sur les Indiens : elle définit ce qu'est un "Indien", leur prévoit certains droits et incapacités et indique que les Indiens sont placés sous la protection de l'État. L'objectif est ouvertement clair : éradiquer la culture des Premières Nations et promouvoir l'assimilation de leurs membres dans la société canadienne. Le droit à l'éducation de leurs enfants selon leurs propres cultures et traditions, leurs pratiques religieuses, cérémonies traditionnelles, costumes, danses, langues sont interdites au fur et à mesure des modifications de cette loi toujours plus restrictive.

Pour devenir majeur, l'Indien pouvait s'émanciper de son statut d'Indien : en se mariant avec un non-Autochtone12 pour les femmes, ou en obtenant des diplômes pour les hommes. Ils devenaient alors citoyen canadien, sans autre distinction. C'était bien le but recherché par le gouvernement fédéral, qui voulait faire voir dans ce statut d'Indien quelque chose de temporaire, à modifier, pour accéder à la pleine maturité en embrassant la culture occidentale.

c) les pensionnats

Un des éléments les plus traumatisants et les plus destructeurs pour les cultures et les langues autochtones a été les pensionnats. Ils avaient pour but de christianiser et d'éduquer à

12 Par rapport à l'utilisation du terme "Autochtone" en tant que nom ici, nous citons la Loi sur les Indiens (cf Avant-propos).

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l'occidentale les membres des Peuples Premiers, et ce dès l'enfance. Le premier a ouvert en 1831, le dernier a fermé en 1996. Au total, il y a eu environ 130 pensionnats indiens au Canada sur ces 165 ans. Les enfants y étaient envoyé.es obligatoirement, tout signe de leur culture d'origine était effacé dès leur arrivée et ils n'avaient pas l'autorisation de parler leur langue maternelle, seulement l'anglais ou le français. Les conditions de vie étaient horribles (abus physiques psychologiques et sexuels) et beaucoup y perdirent la vie (au moins 150 000 enfants y furent envoyés, et au moins 6000 y moururent suite aux mauvais traitements - les données étant incomplètes et les chiffres étant sûrement plus élevés.).

Bien entendu on peut imaginer l'effet dévastateur que de telles pratiques ont pu avoir sur la transmission de la langue et sur la perception de celles-ci par leurs locuteurs/trices : abandon forcé ou "volontaire" du fait de la vision négative de la langue, due au mépris dont elle faisait l'objet, refus de transmettre sa culture et sa langue par peur de l'exclusion, et par conséquent fort déclin de la langue.

2. LE TOURNANT DES ANNEES 1970

Écartons-nous un instant des considérations purement linguistiques pour embrasser une vision plus générale de la vie des peuples autochtones.

a) Livre Blanc et Livre Rouge

En 1969, le gouvernement fédéral a présenté le Livre Blanc, dont les intentions premières étaient louables : il s'agissait d'éliminer le statut juridique distinct des Autochtones13, qui les place dans une position de pupille face à l'État. Cette situation de tutelle devait être éliminée, en abrogeant la Loi sur les Indiens et supprimant donc le statut d' "Indien"14. L'idée était de placer tous les individus du pays sur un même pied d'égalité.

Ce changement de cap a toutefois été loin de correspondre à la vision des principaux concernés. La réaction des Peuples Premiers a été quasi-unanime : ils ont considéré cette perte de droits collectifs comme une autre facette de l'assimilation. En miroir au Livre Blanc, ils expriment

13 Même raison que note précédente.

14 cf II.B.1.b

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donc leur position dans le Livre Rouge : ce document a reconnu que le statut d' "Indien", malgré ses désavantages, constitue une assise essentielle au maintien de l'identité culturelle. Il a en outre soutenu que les bases législatives et constitutionnelles de ce statut, et les droits qui en découlent, devraient être maintenus jusqu'à ce que les Peuples Premiers désirent les négocier eux-mêmes.

Par le Livre Rouge, les Peuples Premiers ont enfin réussi à se faire une place dans la place politique canadienne ; depuis, ils y ont joué un rôle déterminant.

b) Le Mouvement de prise en charge

C'est suite à cet épisode que les Premières Nations et les Inuits décident de reprendre en main leur destin et d'améliorer leur situation en lançant en 1972 le Mouvement de prise en charge dans un secteur capital pour la survie des Premiers Peuples : celui de l'éducation. Le mot d'ordre était sans ambiguïté : l'éducation indienne par les Indiens. Cela s'inscrit dans le projet d'amérindianisation des écoles, lancé par le Ministère des Affaires indiennes du Canada. Rapidement, le Mouvement de prise en charge allait s'étendre à d'autres secteurs d'activités, santé, services sociaux, développement économique, services policiers, etc. Par exemple, les agents de police dans les communautés autochtones sont d'origine autochtone, ou la co-gestion des ressources naturelles (les savoirs autochtones en matière de gestion des eaux et des forêts sont reconnus.).

Les efforts ont été centrés sur l'idée que les peuples autochtones eux-mêmes doivent répondre aux besoins de leurs communautés et assurer leur protection afin qu'elles ne soient pas victimes de discrimination légale.

Ainsi, le régime des pensionnats indiens à pris fin en 1969. Au milieu des années 1970, le Ministère des Affaires Indiennes et du Nord Canada assurait l'administration d'une trentaine d'écoles primaires dans les communautés autochtones.

c) La standardisation de l'écriture autochtone

Les langues autochtones sont de tradition orale. Avant l'arrivée des Européens, il n'existait pas de système d'écriture. En 1840, le missionnaire James Evans conçoit le premier système d'écriture pour rendre les langues autochtones : un alphabet syllabique, pour le cri. Les caractères syllabiques sont des symboles qui représentent une combinaison de consonnes et de

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voyelles. Dans les années 1870, un autre missionnaire, Edmund Peck, adapte le syllabaire cri à l'inuktitut15.

Cet alphabet est appelé syllabaire autochtone canadien (car il existe d'autres syllabaires dans le monde, comme le syllabaire yi ou le syllabaire suméro-akkadien). Il est utilisé aujourd'hui chez les Cris, les Naskapis et les Inuits.

Fig.7 : version originale du script de syllabaire cri de J. Evans, 1841.

D'autres chercheurs ont étudié les langues amérindiennes, et en ont rendu une description très fine dans des ouvrages remarquablement numérisés ou bien conservés16 : citons entre autres le travail de Jean-André Cuoq (1821-1898), prêtre, missionnaire, linguiste, philologue et auteur, qui a publié de nombreux travaux sur les langues iroquoises (ojibwé) et

15 Voir annexes.

16 Notons ici la présence, dans la réserve de la Bibliothèque Mériadeck de Bordeaux, d'un manuscrit original de F. Boas sur la langue iroquoise, datant de 1909, dont les pages jaunies par le temps n'altèrent en rien la qualité de lecture et l'émotion du toucher et de l'intellect.

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algonquines (mohawk). Tl les signait "N.O.", des noms qu'on lui avait donné dans ces langues : "Nij-Kwenatc-anibic" en algonquin, signfiant "second Bellefeuille" en mémoire d'un missionnaire vénéré, et "Orakwanentakon" en iroquois, "étoile fixe" sans doute en raison de la fixité de son oeil gauche qu'un accident de jeunesse avait endommagé.

Bien sûr nous ne pourrions pas parler des langues autochtones d'Amérique du Nord sans parler de Boas, qui a donné dans ses "Handbook[s] of American Indian Languages" des descriptions complètes de nombreuses langues (tlingit, haida, tsmimshian, kwakiutl...), des caractéristiques phonétiques aux catégories grammaticales.

Mais dans ces exemples l'alphabet latin est utilisé pour rendre compte des mots décrits dans les langues autochtones, et pas seulement pour les donner à comprendre au lecteur : il n'y a pas d'autres écritures que celle utilisant l'alphabet latin pour les transcrire.

Tl y a donc coexistence de ces deux types d'alphabets pour écrire les langues autochtones. Cela peut mener à des conflits linguistiques : par exemple, les Cris des Prairies utilisent l'alphabet latin, alors que ceux du Québec et du nord de l'Ontario utilisent le syllabique. Tl s'agit ici de continuums de dialectes souvent mutuellement intelligibles à l'oral, mais que l'utilisation de systèmes d'écriture radicalement différents rend inintelligibles à l'écrit. Compte tenu des faibles effectifs des populations autochtones, les profondes divisions engendrées par ces conventions divergentes d'écriture sont regrettables, car elles les privent d'une force importante. Le problème paraît toutefois insoluble puisque les groupes qui utilisent le syllabique y sont profondément attachés, car ils y voient le reflet de leur spécificité culturelle. En dépit de son introduction relativement récente (au siècle dernier), le syllabique est en effet devenu l'emblème de la langue, de la culture et partie intégrante de l'héritage culturel. Tl n'est pas rare qu'un système d'écriture distinct soit maintenu, ou mis sur pied, dans le but précis de maintenir une identité distincte (Fishman 1977).

Une autre source de discorde est la variété des prononciations :

« En français, par exemple, on ne se demande pas si "monsieur" va s'écrire avec ou sans «r». Or, c'est le genre de débat qui peut avoir lieu dans une communauté autochtone. Chacun veut que sa propre prononciation soit reflétée dans la langue écrite. Aussi, ce qui se passe quand il n'y a pas de langue écrite, c'est que la langue se fractionne en dialectes. »

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Lynn Drapeau, spécialiste de la langue innue17.

L'écriture, tant syllabique que latine, a été standardisée par une décision de l'assemblée générale d'Inuit Tapirisat du Canada en 1976. Leurs caractères sont unifiés par des tables de caractères Unicode, ce qui signifie qu'on peut les utiliser sur toutes sortes de plate-formes informatiques.

3. L'URBANISATION DES PEUPLES AUTOCHTONES

À partir des années 1980, le taux de population autochtone vivant en métropole a fait un bond en avant. De nos jours, plus de la moitié des membres de ces communautés vivent en région urbaine, et c'est un phénomène qui est en augmentation. C'est Winnipeg ("win nipee", "eaux boueuses" en cri) qui compte le plus grand nombre de personnes autochtones, 10 % des résidents de la ville. Cette population se compose majoritairement de Métis, ensuite des membres des Premières nations et des Inuits. Ces derniers sont moins présents dans l'espace urbain que les autres, mais ils restent visibles grâce à leurs associations et institutions culturelles.18

La présence autochtone en ville grandissante donne naissance à de nouvelles institutions et devient un espace public propice à la prise de parole ainsi qu'à des mobilisations citoyennes autochtones.

Une base pour ces réseaux entre communautés sont les Centres d'Amitié Autochtones (CAA) : créés, à l'origine, en 1950, pour offrir du soutien aux individus, soit lors d'un séjour limité soit lors d'un déménagement plus permanent en ville, les CAA ont grandement élargi leur palette de services, développant des programmes en éducation, santé, emploi, logement, petite enfance, soutien aux familles, transmission de la culture, et donc cours de langues pour enfants et adultes. Il en existe aujourd'hui 119 sur dans tout le pays19. Dans certaines villes, les services proposés sont même disponibles directement en langue autochtone (comme le CAA de Maniwaki, où l'offre est disponible en anglais, en français et en algonquin20).

17 in Drapeau, L. (2014) Grammaire de la langue innue, Québec, Presses de l'Université du Québec.

18 Ces données sont issues de l'article du magazine Géo par S. Desurmont.

19 Source : site internet du Regroupement des Centres d'Amitié Autochtones du Québec

20 Idem.

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Le fait que les membres des Peuples Premiers soient ainsi présents dans la ville, permet à des nouveaux liens de se tisser : entre les communautés autochtones, entre les différentes communautés des Premières Nations (à Montréal, le CAA propose des cours d'atikamek, d'anishnabe, de cri, de huron, d'innu, d'inktitut et de mohawk - ce qui signifie que des membres de chacune de ces bandes vivent là.). Des ponts se construisent de plus en plus fréquemment entre ces deux milieux de vie longtemps perçus et étudiés comme opposés, voire incompatibles.

4. QUELQUES GRANDS TEXTES DE DROIT CONCERNANT LES LANGUES AUTOCHTONES

Depuis le début de la période de prise en charge, de nombreuses lois et de nombreux traités ont été discuté.es et signé.es. Bien qu'il y ait encore une grande quantité de problématiques à régler, ces textes vont dans la direction d'une amélioration des relations, pour résoudre le casse-tête de l'imbrication juste et harmonieuse des coutumes et des institutions politiques autochtones et allochtones.

J'en présenterai ici quelques-un.es, parlant de la langue :

- Loi sur la radiodiffusion (1991) : prévoit que "le système canadien de radiodiffusion devrait offrir une programmation qui reflète les cultures autochtones du Canada, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens". Dans les faits, cela se traduit par un crédit d'impôt pour encourager la représentation culturelle des peuples autochtones dans la programmation canadienne ; par l'octroi de licences pour des stations de radio autochtones ; par la création du Aboriginal Peoples Television Network (ATPN), premier réseau de télévision public créé par et pour les peuples autochtones.

- Loi sur le Nunavut (1999) : le territoire est créé de manière officielle le 1er avril. Il hérite de la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest, où en plus de l'anglais et du français, neuf langues autochtones sont officielles : le chipewyan, le cri, l'esclave du Nord, l'esclave du Sud, le gwich'in, l'inuinnaqtun, l'inuktitut, l'inuvialuktun et le tåîchô (les personnes autochtones représentant plus de 48% de la population totale.). Ainsi, au Nunavut, l'inuinnagtun et l'inuktitut, les deux langues autochtones principales, deviennent officielles. Leurs locuteurs/trices, les Inuits, composent 85% de la population du Nunavut

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- Loi sur les eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut (2002) : les Inuits ont le droit d'utiliser leur langue maternelle, l'inuktitut, pour gérer les questions portant sur l'accès aux terres, à l'indemnisation des titulaires de droits de surface pour l'utilisation du sable et du gravier, ainsi que les demandes d'indemnisation pour perte de ressources fauniques.

- Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (2008) : Adoptée par le Canada en 2010, elle stipule que "les peuples autochtones ont le droit de revitaliser, d'utiliser, de développer et de transmettre aux générations futures leur histoire, leurs langues, leurs traditions orales, leurs philosophies, leurs systèmes d'écriture et leurs littératures, et de désigner et conserver leur propre nom pour les communautés, les lieux et les personnes." (article 13.1). L'article 14.1 stipule que "les peuples autochtones ont le droit d'établir et de contrôler leurs systèmes éducatifs et leurs institutions dispensant un enseignement dans leur propre langue, d'une manière appropriée à leurs méthodes culturelles d'enseignement et d'apprentissage.".

- Loi sur les langues autochtones (2019) : vise à protéger et à revitaliser les langues autochtones au Canada. Elle indique que les documents administratifs doivent être traduits dans une langue autochtone, que des services d'interprétation soient offerts afin de faciliter l'usage de ces langues ; qu'il y aura aussi un Bureau du commissaire aux langues autochtones ; qu'il faut soutenir les peuples autochtones dans leurs efforts visant à se réapproprier les langues autochtones et à les revitaliser, les maintenir et les renforcer.

Cependant, attention, cette loi ne crée aucun droit linguistique. Elle n'élève pas les langues autochtones au statut privilégié des langues officielles du Canada. Néanmoins, elle établit les balises juridiques pouvant éventuellement y mener.

5. SITUATION LINGUISTIQUE AUJOURD'HUI

a) Les langues autochtones enseignées à l'école

Comme nous l'avons vu, les peuples autochtones ont pu gérer leur éducation eux-mêmes à partir des années 1970. Cela s'est fait graduellement (rappelons que le dernier pensionnait a fermé en 1996), mais le phénomène tend à prendre de l'ampleur. Dans toutes les réserves il y a désormais des écoles primaires et secondaires.

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Notons aussi la création de l'Institution Kiuna, de niveau collégial21, en 2011. Située dans la communauté abénaquise d'Odanak (une réserve proche de Montréal), elle propose des services éducatifs culturellement adaptés, qui tiennent compte de l'Histoire, des valeurs culturelles et des traditions propres aux nations autochtones. Institution bilingue, elle n'est pas réservée qu'aux seul.es membres autochtones car la sensibilisation des non-Autochtones22 est une de ses préoccupations (Lepage 2019).

Les langues autochtones à l'école, c'est réintroduire de la continuité là où elle avait été abolie : continuité entre la maison et l'école, continuité entre les ancêtres et les enfants.

Cependant, la pression sociale et économique reste forte : les langues amérindiennes ne jouissant d'aucune reconnaissance officielle spécifique dans la Constitution canadienne (à part aux Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut, et encore il ne s'agit pas de toutes celles qui y sont parlées), certains comportements pouvant être considérés comme contradictoires apparaissent :

« J'ai même vu des parents envoyer leurs enfants à l'école en innu, mais leur parler en français à la maison, pour s'assurer qu'ils n'ont pas de retard. Les gens sont coincés. Ils veulent que leurs enfants réussissent à l'école et dans la vie, en français ou en anglais, et ils veulent aussi qu'ils connaissent leur langue. Mais ils voient cela comme s'il fallait choisir entre l'un ou l'autre, alors que la plupart des linguistes vont dire qu'on peut avoir beaucoup de succès en étant bilingue ».

Lynn Drapeau, spécialiste de la langue innue23.

b) La formation à l'enseignement en langue autochtone

Avec le Mouvement de prise en charge, la priorité étant de fermer les horribles pensionnats, l'ouverture d'écoles gérées par les Peuples Premiers s'est accompagnée de la

21 Ce niveau n'existe pas en France : l'accès à l'enseignement collégial se fait normalement après l'obtention d'un diplôme d'études secondaires, alors que l'élève a typiquement 17 ou 18 ans. Un diplôme d'études collégiales (DÉC) peut être préuniversitaire (2 ans, prépare aux études universitaires) ou technique (3 ans, prépare au marché du travail).

22 Par rapport à l'utilisation du terme "Autochtone" en tant que nom ici, nous citons ici le site internet de l'Institution Kiuna (cf Avant-propos).

23 in Drapeau, L. (2014) Grammaire de la langue innue, Québec, Presses de l'Université du Québec.

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formation d'enseignant.es : ainsi l'Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) a décerné entre 1975 et 2003, 579 diplômes, des certificats en sciences de l'éducation ou en technolinguistique autochtone et, pour près de la moitié, des baccalauréats en éducation pré-scolaire et en enseignement primaire.

Citons également l'exemple de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) : située dans la province du Québec, dans une région où la nature a une place importante (beaucoup de forêts et de cours d'eaux), l'UQAT a mis en place un Service Premières Nations composé d'une équipe dédiée au soutien des étudiant.es autochtones, à l'écoute de leurs besoins particuliers que ce soit sur les plans scolaire, personnel ou culturel. En 2016, l'UQAT s'est dotée d'une École d'études autochtones qui offre des programmes de 1er et de 2e cycles ainsi que des sphères de recherches développées en étroite collaboration avec le milieu autochtone. Alors que certains programmes d'études s'adressent spécifiquement à une clientèle autochtone, d'autres, tel le Certificat en études autochtones, sont offerts à toute personne intéressée à mieux connaitre les réalités des Premiers Peuples24.

Dans de nombreuses universités existent des Certificats en langue autochtone et alphabétisation des autochtones, leadership pédagogique pour les Premières Nations et les Inuits, certificat en formation de conseillers pédagogiques et des Premières Nations, etc.

En 2016, l'Université McGill de Montréal a innové en proposant un baccalauréat en enseignement entièrement dispensé au sein d'une communauté des Premières Nations : 18 étudiant.es ont suivi cette formation sur le territoire même de la communauté micmaque de Listuguj en Gaspésie. C'est une première au Canada.

c) Résultats de ces efforts

Statistique Canada a effectué en 2011 une enquête nationale auprès des ménages (4,5 millions de ménages, soit un tiers de tous les ménages) à travers le pays, afin d'estimer les rapports que les Autochtones entretiennent avec leurs langues d'origine25.

D'après cette enquête, il ressort qu'environ un Autochtone sur six peut soutenir une conversation

24 Nous avions d'ailleurs postulé à cette formation, offerte également à distance dans son intégralité. Nous avions été acceptée ; le coût néanmoins avait été un frein : il est de plus de 4400$ l'année pour un.e étudiant.e français.e ou belge, en comparaison avec 1600$ pour un.e étudiant.e québecois.e.

25 Tous les chiffres de ce paragraphe sont issus de ce Rapport de Statistique Canada "Les peuples autochtones et la langue - enquête nationale auprès des ménages."

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dans une langue autochtone. La plus forte proportion des trois groupes autochtones ayant déclaré cela a été observée chez les Inuits (63,7% d'entre eux, comparé à 22,4% parmi les Premières Nations et 2,5% chez les Métis.).

- Langue autochtone comme langue maternelle :

De plus, 14,5% de la population autochtone a déclaré une langue autochtone comme langue maternelle, définie comme la première langue apprise à la maison dans l'enfance et encore comprise par le ou la répondant/e au moment de l'enquête.

Et sans forcément que la langue autochtone soit langue maternelle, 14% ont déclaré parler une langue autochtone à la maison.

- Populations autochtones et langues officielles :

En 2011, et nous supposons que cette estimation a peu évolué depuis, la grande majorité (99,2%) des Autochtones ont déclaré pouvoir soutenir une conversation en anglais ou en français. Ce qui revient à calculer que moins de 1% de cette population ne pouvait parler un niveau compréhensible dans les langues officielles du Canada. Là encore, c'est une plus forte proportion d'Inuits qui a déclaré ne pas les connaître suffisamment pour soutenir une conversation : 8,5%.

Parmi les personnes ayant déclaré pouvoir parler l'anglais ou le français, 49,8% ont déclaré que le français était leur seule langue maternelle, et 41,4% l'anglais comme seule langue maternelle. 5,9% avait une langue autochtone comme seule langue maternelle.

- Langue autochtone comme langue seconde :

Les Autochtones étaient plus nombreux à avoir déclaré pouvoir soutenir une conversation dans une langue autochtone qu'à avoir une langue autochtone comme langue maternelle. Cela suppose donc que certains Autochtones ont acquis une langue autochtone comme langue seconde26 : parmi les 240 815 Autochtones qui ont déclaré pouvoir soutenir une conversation dans une langue autochtone, 188 540 ou 78,3 % ont déclaré cette même langue comme leur langue maternelle. Les autres 52 275, ou 21,7 % ont déclaré une langue différente, tel l'anglais ou le français, comme langue maternelle. C'est cette proportion (composé à 35,3% de Métis,

26 En 2011, 240 815 Autochtones ont déclaré qu'ils pouvaient soutenir une conversation dans une langue autochtone, tandis que 202 495 Autochtones ont déclaré avoir une langue autochtone comme langue maternelle.

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23,1% de Première Nations et 10,2% d'Inuits) qui a acquis une langue autochtone en langue seconde.

- Les non-Autochtones apprennent aussi :

D'après l'ENM de 2011, 4 305 non-Autochtones ont déclaré connaître une langue autochtone. La plupart d'entre eux (80,5 %) ne l'ont pas déclarée comme langue maternelle et l'ont donc acquise comme langue seconde.

- Les Autochtones oublient moins leur langue :

Moins d'un Autochtone sur dix ayant déclaré une langue maternelle autochtone a perdu sa capacité de soutenir une conversation dans cette langue : parmi tous les Autochtones ayant déclaré une langue autochtone comme langue maternelle, seuls 6,9% ne pouvaient plus soutenir une conversation dans cette langue, même s'ils la comprenaient encore (12% pour les Métis, 7,6 % pour les Premières Nations et 2,5 % pour les Inuits)

6. DES AMELIORATIONS, ET ENCORE UN LONG CHEMIN A PARCOURIR

Les communautés autochtones sont soumises à de fortes discriminations et à un racisme systémique. Elles représentent la part de la population qui est la plus incarcérée, pour laquelle le taux de chômage est exceptionnellement élevé, tout comme celui de suicides - et notamment chez les jeunes. D'autres problèmes sociaux sont importants, comme l'insalubrité des logements, le décrochage scolaire, les non-enquêtes sur les disparitions des personnes d'origine autochtone, ou l'insécurité des quartiers autochtones dans les zones urbaines.

La différence avec avant, c'est que désormais leurs voix se font entendre, et elles sont de plus en plus nombreuses, et de plus en plus écoutées.

Si la Loi sur les Indiens demeure en vigueur au Canada, les revendications territoriales autochtones et les ententes continuent de se multiplier dans le but de réinstaurer l'autonomie des Premières nations. Il reste bien sûr beaucoup à faire, on ne se débarrasse pas de siècles de colonisation en un clin d'oeil, mais le simple fait que soient de plus en plus dénoncées les injustices permet de faire avancer les choses.

Notons que c'est en 1960 que tous les Indiens ont eu le droit de vote au fédéral, et en 1969 au Québec, sans perdre leur statut d'Indien.

La loi constitutionnelle de 1982 quant à elle, en plus de créer les trois catégories de peuples

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autochtones, leur accordent une protection de leurs droits, ancestraux (une avancée remarquable qui prouve que le gouvernement reconnaît la place des Peuples Premiers) ou issus de traités. La Charte canadienne des droits et libertés, contenue dans cette loi, est modifiée en 1985 : elle supprime notamment les discriminations envers les femmes et autorises les bandes27 à déterminer elles-mêmes la listes de leurs membres.

La gestion de leurs territoires avait été une grande source de conflits pour les Premières Nations : la Loi sur les Indiens de 1876 ne respectait pas l'utilisation traditionnelle de la terre (elle soumettait la gestion des terres au surintendant des affaires indiennes, qui pouvait notamment diviser les terres en parcelles et demander aux Autochtones d'obtenir des titres individuels.). En 1999, la loi sur la gestion des terres des premières nations permet aux bandes de recevoir la gestion des terres sur leur réserve.

Les initiatives de la part des communautés se multiplient, tout comme celles du gouvernement. Un pas important a été la création de la Commission de Vérité et de Réconciliation, en 2008, pour analyser les séquelles des pensionnats indiens, permettre une reconnaissance de l'injustice et des torts causés aux Autochtones, et enclencher le processus de compensation et de guérison.

Dans ce cadre, le Premier Ministre Harper a prononcé en juin 2008 les excuses officielles du gouvernement, pour les mauvais traitements subis dans les pensionnats. Des compensations financières s'élevaient à 10 000$ pour chaque ancien.nes pensionnaires pour leur première année, plus 3000$ de plus par année. Ces personnes sont appelées "les survivant.es".

On pourrait trouver que ces repentirs viennent bien tard, le dernier pensionnat ayant fermé en 1996. Mais "mieux vaut tard que jamais", et ces mots marquent la reconnaissance par le gouvernement de la souffrance passée. Un fort élément thérapeutique.

De plus, même si la plupart des anciens pensionnaires étaient décédé.es à l'heure des excuses (rappelons que le premier pensionnat fut ouvert en 1831), leur énonciation note qu'elles valent aussi pour leurs descendant.es : puisque l'impact des pensionnats indiens touche non seulement ceux et celles qui y ont vécu mais aussi leurs enfants, les processus de guérison doivent se poursuivre à travers les générations.

La Commission de Vérité et de Réconciliation, dont le rapport final est paru en 2015, a pour titre "Honorer la vérité, réconcilier pour l'avenir". Il a conclu au "génocide culturel" des

27 Une bande est "un regroupement d'Indiens membres de la même communauté".

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Autochtones par les pensionnats. 94 recommandations y sont énoncées28, allant des enquêtes nationales sur les disparitions de femmes et filles autochtones jusqu'à l'augmentation du financement de CBC/Radio Canada pour les programmes autochtones, en passant par l'amélioration de l'accès des Autochtones aux études post-secondaires et à la réduction du nombre d'enfants autochtones dans les familles d'accueil.

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