La revitalisation des langues autochtones du Canada grace au spectacle vivantpar Marlene Viardot Université de Bordeaux - Master 1 d'Anthropologie sociale et culturelle 2020 |
Collège des Sciences Humaines et
Sociales LA REVITALISATION DES LANGUES AUTOCHTONES Mémoire de recherche présenté en vue de
l'obtention de l'UE9 de la par Marlène Viardot Sous la direction de Sophie Chave-Dartoen et Nathaniel Gernez 2019-2020 Remerciements Je tiens à remercier tous et toutes les professeur.es de l'Université de Bordeaux, qui m'ont acceptée en Master alors que ni mon sujet ni sa zone géographique ne sont étudiées dans la faculté d'Anthropologie Sociale et Culturelle. Je n'y croyais pas ! Merci à eux et à elles de m'avoir fait découvrir cette matière tout au long de l'année, cela s'est révélé aussi passionnant que je l'avais imaginé. En cette étrange année marquée par la pandémie de covid-19, je les remercie également pour leur compréhension et leur soutien face aux difficultés rencontrées dans l'organisation du travail universitaire. A mon directeur M. Nathaniel Gernez et ma directrice Mme Sophie Chave-Dartoen, pour leurs encouragements constants, leur bienveillance et leur encadrement, plein de bons conseils sensés et compréhensifs, merci beaucoup. Être accompagnée par vous deux dans ce travail fut un plaisir. En parlant de professeur.es, je remercie aussi celles et ceux qui m'ont enseigné les Sciences du Langage, en Licence à l'Université de Strasbourg. Je n'en serai pas là sans vous. Je remercie mes ami.es, et mon partenaire, qui m'ont écoutée leur parler d'ethnolinguistique avec enthousiasme, sans montrer de lassitude face à mes intarissables discours sur la sauvegarde des langues et sur les peuples autochtones. Je les remercie de m'avoir fait rire dans les moments où j'avais besoin de souffler, avec leurs vidéos d'animaux incroyables, leurs images humoristiques absurdes et leurs Gifs improbables. Vous contribuez à mon équilibre mental ! Je remercie ma fille, qui fait de ma vie une toute autre aventure que celle qui m'aurait mené au fond des réserves indiennes, et qui j'espère m'y accompagnera un jour prochain. Je remercie son père, sans qui je n'aurais pas pu faire ces études. Ma famille reçoit elle aussi mes pensées de gratitude, pour leurs conseils, leur intérêt pour mon travail et leur soutien matériel. Enfin, je remercie par-delà le temps toutes les personnes qui ont fait des recherches sur la linguistique amérindienne. Ces auteurs du XXème siècle auraient-ils pu imaginer qu'une petite étudiante calée au fond de son canapé, lirait avec passion leur travail, numérisé en PDF, 140 ans après leur publication ? AVANT-PROPOS Note sur la terminologie des peuples autochtones Pendant des siècles, les premiers habitants de l'Amérique du Nord ont été définis en grande partie par d'autres, à commencer par Christophe Colomb, qui a utilisé à tort le terme Indiens pour désigner les divers peuples établis dans les Amériques. Aujourd'hui, les attitudes à l'égard des premiers peuples du Canada évoluent, et il convient d'utiliser les bons termes si l'on veut entretenir des relations positives et respectueuses avec les membres des Premières Nations, les Inuits et les Métis. Ainsi, même s'il est utilisé couramment, surtout dans les médias, le nom propre Autochtone devrait être évité. Le mot peut cependant être employé comme adjectif. Ainsi, on parlera des "peuples autochtones" plutôt que des "Autochtones". Cependant il importe également de signaler que, si le terme "indigenous" est utilisé plus régulièrement en anglais, ce n'est pas le cas pour son équivalent français, "indigène", qui comporte encore une connotation négative. Cette réalité se reflète dans le fait que le nom du Ministère demeure "Affaires autochtones et Développement du Nord Canada" en français. Par respect pour les Peuples Premiers, nous n'utiliserons donc pas le terme "Autochtones" comme nom, ni "Indigènes" pour la raison sémantique du français citée précédemment. Nous parlerons donc de "peuples/nations/personnes autochtones" en tant qu'adjectif, sauf dans les cas où nous citons des textes officiels (par exemple dans la Commission de Vérité et de Réconciliation ou les rapports statistiques) ou des ouvrages (par exemple celui de Desbiens & Hirt, Les Autochtones au Canada : espaces et peuples en mutation.). Notes sur l'utilisation de l'écriture inclusive : Je souhaite rédiger en écriture inclusive. Je tiens de manière générale à inclure tous les genres, et c'est aussi un engagement féministe de ma part. À mon sens l'écriture française actuelle permet de pérenniser la domination masculine, et par écho la binarité des genres. La solution actuelle au problème posé pas la langue française exclusive est l'écriture inclusive. Les mots en écriture inclusive comporteront une barre oblique ou un point entre la terminaison du masculin et celle du féminin, pour les noms et les adjectifs, comme spectateur/trices, chercheur/se.s, tou.te.s, etc. SOMMAIRE INTRODUCTION 1 I. LA REVITALISATION DES LANGUES AUTOCHTONES 3 A. QU'EST-CE QU'UNE LANGUE AUTOCHTONES EN DANGER ? 3
B. LE CONCEPT DE REVITALISATION 22
CONCLUSION 26 II. LE CANADA ET SON RAPPORT AUX PEUPLES ET LANGUESAUTOCHTONES 26 A. 630 PREMIERES NATIONS ET PRES DE 90 LANGUES 27
B. LES LANGUES AUTOCHTONES, DU DECLIN A LA RENAISSANCE 34
CONCLUSION 48 III. SPECTACLES EN LANGUES NATIVES ET IMPACT 48
CONCLUSION 58 CONCLUSION GENERALE 58 BIBLIOGRAPHIE 60 TABLE DES ANNEXES 67 TABLE DES ILLUSTRATIONS XI TABLE DES MATIÈRES 80 1 Introduction Ce mémoire s'intéresse aux langues autochtones du Canada et à leur revitalisation au moyen du spectacle vivant. L'origine de ce sujet remonte à loin : les domaines de l'histoire des Amérindien.nes d'Amérique et de la sauvegarde des langues rares me passionnent depuis longtemps. C'est en 2008, dans une revue d'orientation sur les études post-bac, que j'ai découvert le métier d'ethnolinguiste : ces gens qui partaient enregistrer les voix, filmer les cultures, créer des dictionnaires des langues autochtones menacées. Mes intérêts pour les langues, ceux pour l'ethnologie et mes idéaux de justice pouvaient donc se combiner, compris-je à ce moment-là. Et ils n'en furent que renforcés par la suite, lors de ma licence de Sciences du Langage, puis de ce Master d'Anthropologie sociale et culturelle. J'ai constaté au cours de mes formations que le sujet de la disparition des langues autochtones, et leur revitalisation, bénéficiait déjà d'un large traitement : manifestations de la part des Natifs (manifestation pour les droits des Aborigènes à Sydney en Australie en 1988 ; crise d'Oka au Canada en 1990 ; résistance contre le projet de barrage de Belo Monte au Brésil de 2011 à 2015 ; manifestation des femmes autochtones du Brésil en 2019, pour n'en citer que quelques-unes), cours de langues, création d'associations, émissions de radio, de télé... Réfléchissant à l'angle que je pourrais prendre pour approcher le thème, avec l'aide de mon directeur et ma directrice de mémoire, M. Gernez et Mme Chave-Dartoen, j'ai songé aux spectacles en occitan ou en alsacien auxquels j'avais pu assister : j'ai alors transposé cela sur les langues autochtones, et cela m'a amenée à me demander si ces représentations d'art vivant avaient un impact sur la revitalisation de ces langues. Ce sujet-là précisément n'est que très peu traité par la littérature. Les langues rares le sont, leur revitalisation aussi, et l'anthropologie de la performance est également fournie. Mais je n'ai trouvé aucun ouvrage traitant de ces trois éléments ensemble lors de mes recherches. Pour autant, utiliser le spectacle vivant pour faire passer un message politique est courant. Les populations utilisent le théâtre, le chant, la danse, pour exprimer leur mécontentement, leur besoin de justice, pour dénoncer. L'art est utilisé pour dénoncer. Pour les groupes minoritaires, présenter cela dans leur propre langue, ou juste utiliser leur langue pour des créations artistiques, est une revendication de plus dans leur désir de reconnaissance et de justice. J'ai voulu donc explorer ici la problématique suivante : Dans quelle mesure le spectacle vivant -- théâtre, concert, danse, contes, festivals -- en langues autochtones du Canada impacte-t-il la revitalisation de ces langues ? Cela donne-t-il envie aux gens de les apprendre et de les transmettre, de s'y intéresser ? La démarche de recherche que nous avons utilisé pour ce travail est une analyse documentaire. Nous avions prévu un terrain au Canada, lors de l'été 2020, d'une durée d'environ 2 à 3 mois, afin de réaliser des entrevues en face-à-face ; la pandémie de covid-19 nous a contrainte à reporter ce projet à une date ultérieure. D'ailleurs, nous tenons à souligner l'impact que le confinement engendré par cette pandémie a eu sur notre travail : la fermeture des bibliothèques nous a privé de l'accès à certains ouvrages, celle des salles de spectacle, musées, centres de formations artistiques, écoles, nous a empêché de réaliser des entretiens téléphoniques. Le seul que nous ayons pu réaliser s'est tenu en janvier 20201. Notre interlocuteur a été la seule personne qui a répondu positivement à notre demande d'entretien, les autres étant restées sans réponse ou déclinées. C'est pour cela que nous aurions aimé avoir la possibilité de contacter plus de personnes après cette date. Ce mémoire s'appuie donc, en plus de cet entretien, sur des documents textes, audios et vidéos. Après avoir défini les notions de langues autochtones du Canada et précisé le concept de revitalisation, nous étudierons la situation du Canada, les langues et peuples autochtones qui y vivent et comment ils y vivent. Nous réunirons ces éléments dans une troisième partie, où nous verrons quels types de spectacles vivants existent au Canada, et s'ils contribuent à la revitalisation des langues autochtones - ou pas. 2 1 Voir annexe 7. 3 I. La revitalisation des langues autochtones A. QU'EST-CE QU'UNE LANGUE AUTOCHTONES EN DANGER ?1. QU'EST-CE QU'UNE LANGUE AUTOCHTONE ? Nous allons étudier le territoire canadien, aussi voyons quelle définition donne le Thésaurus du gouvernement du Québec de "langue autochtone" : "langue qui existe depuis plusieurs générations, mais qui, sur un territoire donné, n'est plus parlée que par un groupe restreint de locuteurs/trices, généralement âgé/es, et qui n'est souvent plus la langue maternelle de la nouvelle génération.". Pour comparer, voyons quelle définition donne l'anthropologie du mot "autochtone" : C. de Lespinay écrit que "l'autochtone est un premier occupant qui n'a pas le souvenir d'une migration antérieure à son installation sur les terres qu'il occupe actuellement." (de Lespinay 2016). C'est celui "qui a toujours été là". Ainsi, en Amérique, on qualifie d'autochtone une personne appartenant à l'une des ethnies qui occupaient déjà le continent avant l'arrivée des Européens. Or, la colonisation par les Européens a eu pour conséquence de rendre les personnes autochtones minoritaires sur leur territoire d'origines : elles font désormais partie de ce qu'on appelle les minorités ethniques. Cette terminologie laisse donc entendre qu'il y a un groupe majoritaire. Et, comme précise C. de Lespinay, elle indique également un rapport de domination entre les deux. Selon lui, cette étymologie touche aux notions de nombre et d'enfance ou d'incapacité : « Les "minoritaires" sont censés être 1) moins nombreux, 2) moins "civilisés" puisque "dans l'enfance" par rapport à la culture majoritaire, 3) avec moins de droits que les autres puisque "mineurs" et minoritaires à la fois.2 » La culture majoritaire quant à elle est considérée comme adulte (civilisée) et dispose seule de la capacité d'administrer les deux groupes, imposant leurs lois aux ethnies minoritaires 2 Charles de Lespnay, "Les conceptis d'autochtone (indigenous) et de minorité (minority)", 2016 4 "immatures". La question du nombre est traître : un groupe culturel dominant peut comporter moins de membres que le groupe qu'il domine. Le premier n'en reste pas moins majoritaire et le second minoritaire. Nous pouvons donc repréciser la définition : une "minorité" ethnique est une population "non dominante", a contrario dominée, et dépendante d'une autre population même si elle est majoritaire en nombre. Nous avons donc deux définitions, une pour le terme "autochtone", et une pour celui de "minorité" :
Comme nous l'avons vu, les deux qualificatifs se fondent aujourd'hui, recouvrant les mêmes réalités sociales. Ainsi, l'anthropologue Isabelle Schulte-Tenckhoff écrit : « D'une manière générale, le qualificatif d'autochtone est donc réservé à des populations aujourd'hui non dominantes du point de vue économique, politique et socioculturel (mais pas nécessairement numérique), descendant des habitants originels d'un territoire donné, victimes de génocide, de conquête et de colonisation.3 » Dans ce mémoire, "langue autochtone" aura donc pour signification la langue parlée par les personnes d'origine autochtone vivant sur le territoire appelé aujourd'hui Canada. 3 Isabelle Schulte-Tenckhoff, La question des peuples autochtones, Bruxelles, Bruylant et Paris, LGDJ (Collection « Axes Savoir »), 1997, p. 179-184. 5 2. QU'APPELLE-T-ON UNE LANGUE EN DANGER ? Il existerait aujourd'hui dans le monde au moins 7000 langues, sachant qu'il est difficile de distinguer langue et dialecte. L'immense majorité de la population ne parle qu'un infime pourcentage de ces langues : 97% de la population mondiale parle 4 % des langues du monde et, inversement, 96 % des langues du monde sont parlées par 3 % de la population mondiale (Bernard 1996 : 142).
L'UNESCO est l'Organisation des Nations Unies pour l'Éducation, la Science et la Culture. Elle cherche à instaurer la paix par la coopération internationale, depuis sa création en 1945. Promouvoir la diversité linguistique fait partie de son oeuvre. Elle protège ainsi le patrimoine linguistique et culturel de l'humanité, et en particulier celui des populations autochtones et des minorités, surtout depuis les années 80. L'UNESCO a édité en 2003 un rapport qui établit une liste de 9 critères pour évaluer le degré de vitalité d'une langue. Cette classification par cet organisme de référence me paraît importante pour bien saisir le sujet. Ces domaines sont à prendre en compte ensemble, et non pas séparément.
Fig. 1 : UNESCO La vitalité et le danger de disparition des langues 6 Facteur 1 : Transmission de la langue d'une génération à l'autre Fishman, un des pionniers de la revitalisation linguistique, indique que l'indice le plus couramment utilisé pour évaluer la vitalité d'une langue est de savoir si elle se transmet d'une génération à l'autre (Fishman 1991). L'UNESCO définit une échelle à 6 niveaux de mesure de la vitalité d'une langue, allant de "sûre" à "morte" (UNESCO 2003 : 10) : Sûre (5) : La langue est parlée par toutes les générations. Sa transmission est ininterrompue d'une génération à l'autre. Stable et pourtant menacée (5-) : Dans la plupart des cas, la langue est parlée par toutes les générations qui ne cessent de la transmettre, bien que le plurilinguisme dans la langue maternelle et une ou plusieurs langues dominantes ait usurpé certains domaines de communication importants. Il faut dire que le plurilinguisme ne constitue pas forcément à lui seul une menace pour les langues. Précaire (4) : Dans la plupart des cas, les ménages et les enfants d'une communauté donnée parlent leur langue maternelle en première langue, mais cela peut se limiter à des domaines spécifiques (par exemple, à la maison où les enfants dialoguent avec leurs parents et leurs grands-parents). En danger (3) : La langue n'est plus enseignée aux enfants comme langue maternelle à la maison. Les plus jeunes locuteurs/trices appartiennent donc à la génération parentale. Dans ce cas, les parents continuent de s'adresser à leurs enfants dans leur langue, mais en général leurs enfants ne leur répondent pas dans cette langue. Sérieusement en danger (2) : La langue est seulement parlée par les grands-parents et les générations plus âgées ; certes, les parents arrivent encore à comprendre cette langue, mais ne l'emploient plus avec leurs enfants ni entre eux. Moribond (1) : Les dernier/es locuteurs/trices sont de la génération des arrière-grands-parents et la langue n'est pas pratiquée dans la vie de tous les jours. Les anciens, qui n'en ont qu'un souvenir partiel, ne la parlent pas régulièrement d'autant qu'il reste peu de gens avec qui ils peuvent dialoguer. Morte (0) : Personne ne parle plus la langue ni ne s'en souvient. 7 Facteur 2 : Nombre absolu de locuteurs/trices 8 Plus ce nombre est petit, plus la langue est en danger. Une population peu nombreuse est forcément plus vulnérable à la décimation face aux maladies, aux guerres ou aux catastrophes naturelles par exemple. Un petit groupe linguistique peut aussi s'intégrer plus facilement à un groupe plus grand, en abandonnant sa langue et sa culture. Facteur 3 : Taux de locuteurs/trices sur l'ensemble de la population Reprenons l'échelle précédente : Sûre (5) : toute la population parle la langue Précaire (4) : Presque toute la population parle la langue En danger (3) : La majorité de la population parle la langue Sérieusement en danger (2) : Une minorité parle la langue Moribond (1) : Un très petit nombre de personnes parlent la langue Morte (0) : Plus personne ne parle la langue. Facteur 4 : Utilisation de la langue dans les différents domaines publics et privés La transmission d'une langue est influencée par des facteurs tels que le lieu, les personnes avec qui l'on communique, ou les sujets abordés. Selon l'échelle établie : Usage universel (5) : La langue est utilisée dans tous les domaines et pour toutes les fonctions. Parité multilingue (4) : Situation de diglossie : répartition fonctionnelle des langues dans des contextes de communication différents où la langue non dominante est employée de manière informelle et dans le milieu familial, ou pour des pratiques religieuses traditionnelles ou des commerces de proximité ; alors que la langue dominante est réservée aux domaines officiel et public. Domaines en déclin (3) : La langue ancestrale est utilisée en famille et investie de nombreuses fonctions, mais la langue dominante commence à pénétrer dans le domaine familial. 9 Domaines limités (2) : La langue se pratique dans des domaines sociaux limités et pour plusieurs fonctions : lieux de sociabilité, festivals et cérémonies où les anciens ont l'occasion de se retrouver, lieu de résidence des personnes âgées de la famille. La majeure partie de la population comprend la langue mais ne la parle pas. Domaines extrêmement limités (1) : La langue est réservée à des domaines très restreints et très peu de fonctions (par exemple rites lors de célébrations.). Morte (0) : L'usage de la langue a disparu dans tous les domaines Facteur 5 : Réaction face aux nouveaux domaines et médias Si une langue n'arrive pas à attraper le train du progrès en s'exprimant via les medias de masse, où règne déjà la langue dominante, son degré de danger est important. Il faut aussi qu'elle soit présente dans l'enseignement et dans l'emploi, et de manière plus importante que seulement une heure par semaine ou réservée à un seul type de profession. Là encore il y a un classement de 5 (La langue est utilisée dans tous les nouveaux domaines) à 0 (La langue n'est utilisée dans aucun nouveau domaine.), allant de Dynamique (5), Solide/active (4), Réceptive (3), Adaptable (2), Minimale (1), à Inactive (0). Facteur 6 : Matériels d'apprentissage et d'enseignement des langues Il est essentiel pour le maintien d'une langue que l'éducation se fasse dans cette langue, pas seulement qu'on l'y enseigne. Il faut pour cela passer par l'écrit, et certaines communautés à tradition orale s'y refusent. D'autres y voient une source de fierté. En général, cependant, cela est directement lié au développement économique et social. L'UNESCO distingue 6 niveaux : 5 : Orthographe établie, grammaires, dictionnaires, textes littéraires de tout style : fiction, médias, éducation, administratif. 4 : Matériels écrits et, à l'école, les enfants apprennent à lire et écrire dans la langue, mais elle n'est pas utilisée dans l'administration. 3 : Matériels écrits pouvant être utilisés à l'école ; pas de presse écrite qui pourrait encourager l'alphabétisation. 10 2 : Matériels écrits mais utiles seulement pour une minorité ; pour les autres, ils ont éventuellement une valeur symbolique. L'alphabétisation dans la langue n'est pas au programme scolaire. 1 : Il existe une orthographe et un faible nombre de textes, en cours de réalisation. 0 : Aucune orthographe. Facteur 7 : Attitudes et politiques linguistiques au niveau du gouvernement et des institutions - usage et statut officiels La politique linguistique d'un État a un rôle majeur dans la sauvegarde et l'encouragement des langues minoritaires, ou au contraire de leur abandon. Souvent, la langue dominante se proclame comme meilleure que la langue non-dominante, ou même comme symbole fédérateur de l'État. Et quand plusieurs grandes communautés linguistiques se disputent le même territoire, elles peuvent elles-mêmes adopter des attitudes linguistiques conflictuelles. Cela porte à croire que la multiplicité des langues est source de division et représente un danger pour l'unité nationale. La politique linguistique peut alors intervenir et limiter les pratiques. Mais que l'État désigne une seule langue officielle et néglige les autres, ou choisisse d'officialiser toutes les langues en usage sur son territoire, son action a toujours une incidence importante sur l'attitude linguistique de la communauté même. Voici les échelons de la politique linguistique : Soutien égalitaire (5) : Toutes les langues du pays sont valorisées et protégées par la loi. Soutien différencié (4) : Les langues minoritaires sont essentiellement protégées dans le domaine privé. L'usage de la langue dominée est prestigieux (par exemple, lors des cérémonies). Assimilation passive (3) : Le gouvernement central est indifférent à l'usage des langues minoritaires, du moment que la langue dominante est celle de l'interaction dans la sphère publique. La langue du groupe dominant devient, par le fait même, la langue officielle. Les langues minoritaires ne jouissent pas d'un grand prestige. Assimilation active (2) : Le gouvernement encourage l'assimilation à la langue dominante, notamment par l'enseignement de et dans la langue dominante. Les langues minoritaires ne bénéficient d'aucune protection. 11 Assimilation forcée (1) : Le gouvernement soutient explicitement la langue dominante (statut officiel), alors que les langues minoritaires ne sont ni reconnues, ni soutenues. Interdiction (0) : L'usage des langues minoritaires est strictement interdit dans tous les domaines. Il est parfois toléré dans la vie privée. Facteur 8 : Attitude des membres de la communauté vis-à-vis de leur propre langue Les membres d'une communauté dont la langue est dominée peuvent avoir différents comportements par rapport à celle-ci : ils peuvent choisir de la valoriser et la promouvoir, être indifférents ou bien en avoir honte, la trouver nuisante socialement et économiquement. Logiquement, l'attitude positive est primordiale pour la stabilité d'une langue à longue échéance. Les différents degrés de cette échelle sont : 5 : L'ensemble de la communauté est attaché à sa langue et souhaite sa promotion. 4 : La majorité du groupe est favorable au maintien de la langue. 3 : Beaucoup de membres de la communauté est favorable au maintien de la langue, beaucoup d'autres y sont indifférents, certains souhaitent l'abandon (transfert linguistique). 2 : Seulement quelques membres sont favorables au maintien de la langue, d'autres sont indifférents ou favorables au transfert. 1 : Seul un petit nombre est favorable au maintien de la langue ; la majorité du groupe est indifférente ou favorable au transfert. 0 : Personne ne se sent concerné par la disparition de la langue, tous préfèrent la langue dominante. Lorsqu'une politique linguistique assimilatrice est en place, les membres de la communauté de la langue dominée sont souvent mis face à un choix binaire : "soit vous vous accrochez à votre langue maternelle et à votre identité, mais vous ne trouvez pas de travail, soit vous y renoncez et vous aurez de meilleures chances dans la vie.". Ce dilemme est trompeur, car ces locuteurs/trices pratiquent également la langue dominée, et cela est un avantage. Les membres du groupe minoritaire sont poussés à abandonner leur langue, par mésinformation ou manque 12 d'alternatives. Mais il arrive également qu'ils résistent à la domination linguistique, et cet activisme prend une des trois formes suivantes :
Facteur 9 : Type et qualité de la documentation Les documents écrits comprennent les grammaires de la langue non dominante, des documents audiovisuels, dont certains annotés de l'expression orale dans son occurrence naturelle de la littérature régulière et de toutes sortes. Les 6 niveaux sont les suivants : Excellente (5) : Grammaires et dictionnaires complets, textes intégraux, nombreux documents audiovisuels annotés d'excellente qualité. Bonne (4) : Au moins une bonne grammaire, quelques dictionnaires et des textes, de la littérature et de la presse quotidienne ; les documents audiovisuels annotés sont convenables et de bonne qualité. Assez bonne (3) : Une bonne grammaire, quelques dictionnaires et des textes, mais pas de presse quotidienne ; la qualité ou le niveau d'annotation des documents audiovisuels est variable. Fragmentaire (2) : Quelques règles grammaticales, un lexique et des textes utiles dans le cadre d'une recherche linguistique limitée, mais leur couverture est insuffisante. Il peut y avoir des enregistrements son/image de qualité variable, avec ou sans aucune annotation. Insuffisante (1) : Il n'existe que quelques règles grammaticales, un vocabulaire restreint et des textes fragmentaires. Les documents audiovisuels sont inexistants, inexploitables ou totalement dépourvus d'annotations. Inexistante (0) : Aucun support. 13 Le rapport de l'UNESCO rappelle bien que c'est l'ensemble de ces neuf facteurs (six mesurant la vitalité linguistique, deux renseignant sur l'attitude vis-à-vis d'une langue et un concernant l'urgence de la documentation) qui permet de faire le bilan de la situation sociolinguistique des langues. c) Etapes du processus d'érosion d'une langue Une langue en voie d'extinction qu'il est impossible de sauver, va disparaître. Le linguiste C. Hagège a dans son livre Halte à la mort des langues (2002) définit trois types de disparition d'une langue (Hagège 2002 : 93). Nous allons les présenter dans tout ce paragraphe : - transformation : ce n'est pas vraiment une mort de la langue, c'est plutôt quand elle évolue tellement qu'elle se transforme en une autre - comme le latin qui a donné plusieurs langues romanes par exemple. - substitution : c'est lorsqu'une langue extérieure remplace la langue d'origine, après une période de coexistence. Elles fusionnent, ne laissant dans la langue nouvelle que quelques rares mots et structures de la langue d'origine, dans une faible minorité d'emplois. - et extinction : une langue est éteinte quand elle n'a plus de locuteurs/trices de naissance. Cela peut arriver sur le territoire d'origine de la langue, ou lors d'immigration, les jeunes apprenant la langue du pays et ne pratiquant plus celle de leurs parents. Quel que soit le type de disparition, le processus n'est pas immédiat (à moins de catastrophe naturelle, d'épidémie ou de génocide - le tsunami de 2004 a ainsi presque anéanti le mentawai, parlé dans les Îles Mentawai en Indonésie.). Il y a plusieurs étapes :
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Le dernier stade est celui des "vieillards muets" : les personnes dont cette langue était la langue maternelle, mais qui ne peuvent plus l'utiliser, car plus personne autour d'eux ne la parle. d) Quelques exemples de langues en danger dans le monde Comme nous l'avons vu, il existe différents degrés de vulnérabilité d'une langue. Le linguiste et sociolinguiste Jacques Leclerc, fondateur du site «L'aménagement linguistique dans le Monde» qui présente les situations et politiques linguistiques de 390 États ou territoires répartis dans 195 pays du monde, a établi sa propre échelle, et donne des exemples à chaque degré. Nous présentons cette échelle car elle peut paraître moins abstraite que celle de l'UNESCO (Leclerc 2019). " 1. La protection assurée : les petites langues qui ne présentent "aucun danger de disparition" sont celles qui bénéficient du statut de langue officielle dans leur pays et de frontières linguistiques imperméables. Pour l'Europe, il s'agit du norvégien, du suédois, de l'islandais, du danois, du finnois, du suédois à Åland (Finlande), du slovaque (Slovaquie), du tchèque 15 (République tchèque), du slovène (Slovénie), du hongrois (Hongrie), etc. Ailleurs dans le monde, on peut citer le kinyarwanda (Rwanda), le kirundi (Burundi), le somali (Somalie), le tigrinya (Érythrée), l'arménien (Arménie), le géorgien (Géorgie), l'hébreu (Israël), le laotien (Laos), le dzonkha (Bhoutan), etc.
16 l'irlandais au Royaume-Uni, le français dans certaines provinces anglaises (Terre-Neuve, Saskatchewan, Colombie-Britannique, Alberta), etc. On pourrait mentionner des centaines de petites langues parlées par les peuples autochtones d'Amérique, d'Océanie, d'Asie (Indonésie, Philippines, Inde, Birmanie, etc.) et d'Afrique. " Avec la mondialisation et la domination linguistique et culturelle d'un nombre réduit de langues, la lutte pour la survie de celles qui sont en danger est aggravée. Calvet (Calvet 2017) parle de «marché aux langues» : les individus, selon les lieux, selon leurs besoins, selon les politiques autorisées, parlent de plus en plus certaines langues, et de moins en moins d'autres. Ils délaissent celles qui leur paraissent le moins utile, et pratiquent celles qui leur semblent les plus profitables. Ainsi le «marché aux langues» n'est pas le même à Dakar, à Hong-Kong, à Barcelone ou à São Paulo. Et certains langages subsistent, d'autres sont florissants, d'autres risquent de disparaître de ce marché. e) Pourquoi s'en préoccuper ? Bien que certains ne soient pas de cet avis4, la sauvegarde des langues est importante. Chaque langue reflète une vision du monde unique avec ses systèmes de valeurs, sa philosophie et ses caractéristiques culturelles propres. L'extinction d'une langue a pour résultat la perte irrémédiable du savoir culturel unique qu'elle a représenté pendant des siècles, notamment de connaissances historiques, spirituelles et environnementales qui peuvent être indispensables à la survie non seulement de ses locuteurs/trices, mais aussi d'innombrables autres personnes. Pour les communautés de locuteurs/trices, les langues sont les créations et les vecteurs de la tradition. Elles étayent l'identité culturelle et sont une composante essentielle du patrimoine du groupe. Citons le poète evenki5 Alitet Nemtushkin : «Si j'oublie ma langue natale Et les chansons que mon peuple chante 4 Miller, un chroniqueur américain du National Review, estime que tout comme les êtres humains, les langages sont mortels, et que la disparition de 15 mots de vocabulaire d'un dialecte aborigène d'Australie pour désigner le type de larve comestible n'est pas une grande perte, puisque la majorité de l'humanité préférerait manger un Big Mac plutôt que des vers (Miller 2002). 5 Une petite langue de Chine parlée par 19000 locuteurs/trices, en Mongolie-Intérieure, dans la province du Heilongjiang et au Xianjiang. 17 À quoi me servent mes yeux et mes oreilles ? À quoi me sert ma bouche ? Si j'oublie l'odeur de la terre Et ne lui suis pas utile À quoi me servent mes mains ? Pourquoi vis-je dans le monde ? Comment puis-je croire à l'idée insensée Que ma langue est faible et pauvre Si les derniers mots de ma mère Ont été en evenki ? 3. MESURES DE PROTECTION MISES EN PLACE Au niveau mondial, la question des langues minoritaires est gérée principalement par l'ONU (le Forum des Nations Unies sur les questions relatives aux minorités) et par l'UNESCO (la Section des langues et du multilinguisme). a) L'UNESCO : un des piliers de la défense et de la sauvegarde des langues en danger. La protection de la diversité linguistique par l'UNESCO prend de multiples formes, de la publication de textes normatifs à l'édition de dictionnaires. Citons parmi ses actions : - La création d'un Atlas des langues en danger dans le monde : l'objectif était de susciter une prise de conscience de la part des autorités, des communautés de locuteurs/trices et du public en général à propos des langues menacées et de la nécessité de sauvegarder la diversité linguistique mondiale. La première édition est sortie en 1996 : elle répertoriait 600 langues, et a provoqué un vif intérêt académique et journalistique. C'est devenu un ouvrage de référence. La deuxième édition est parue en 2001 : reflétant l'augmentation de l'intérêt et de la recherche porté au sujet, il contient cette fois 800 langues. La troisième et dernière 18 édition date de 2010 : cette fois, il catalogue environ 2500 langues, un nombre proche de celui généralement accepté de 3000 langues en danger dans le monde. Il existe également une version en ligne, depuis 2009 : c'est un site interactif, avec donc les possibilités de laisser des commentaires ou de proposer de rajouter une langue à la liste. Cette version recense 2464 langues, et fournit les informations suivantes sur la langue : nom, niveau de vitalité (vulnérable - en danger - sérieusement en danger - en situation critique - éteinte), pays où elle est parlée, nombre de locuteurs/trices, projets qui y sont reliés, sources, codes de langue ISO 639-3. L'Atlas est le fruit de la collaboration internationale de plus de 30 linguistes du monde entier. - La création de la Journée Internationale de la langue maternelle : créée en novembre 1999, célébrée depuis 2000, cette journée a pour but de promouvoir les langues de la planète, chaque 21 février. Le thème change chaque année (par exemple, pour 2020, il s'agissait de "langues sans frontières", les langues transfrontalières.). Cet évènement a été instauré pour que soit reconnue l'importance de toutes les langues et qu'émerge une mobilisation en faveur du multilinguisme. - La promotion régulière de la diversité linguistique à travers des textes normatifs : A. la Déclaration Universelle sur diversité culturelle de 2001 : elle contient la mise en place d'un Plan d'action qui appelle les États membres à prendre les mesures pour :
o la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de 2003 : elle reconnaît le rôle essentiel du langage dans l'expression et la transmission du patrimoine vivant. Dans le domaine des traditions et expressions orales, la langue n'est pas seulement un vecteur, elle constitue l'essence même de ce patrimoine immatériel. 19 o la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de 2005 : elle affirme dans son préambule que la diversité linguistique est un élément fondamental de la diversité culturelle. Elle propose d'adopter des dispositions relatives à la langue utilisée dans le cadre d'activités, biens et services culturels. - Enfin, dernièrement, la proclamation de 2019 telle que l'Année Internationale des Langues Autochtones par l'Assemblée Générale des Nations Unies, en rapport avec les droits des peuples autochtones. 900 évènements liés aux langues autochtones ont été organisés, par 77 pays. Entre autres : des projets artistiques (comme des playlists de chansons en langues autochtones), des expositions, des spectacles, des publications de dictionnaires, une semaine spéciale littérature jeunesse, des réunions d'experts nationaux et internationaux et la création d'une page sur Facebook aussi. Tout cela afin d'attirer l'attention sur les risque critiques auxquels les langues autochtones et les peuples qui les parlent sont confronté.es, et leur importance pour le développement durable, et la consolidation de la paix. La visée : une amélioration concrète de la vie des peuples autochtones. Il y a également l'article 13 de la Déclaration Universelle des Droits des Peuples Autochtones des Nations Unies (commencée en 1993, adoptée en 2007), qui stipule que ces peuples ont le droit de revivifier, d'utiliser, de développer et de transmettre aux générations futures leur langue, leurs traditions orales, leur système d'écriture et leur littérature. Il prévoit en outre que les États prennent des mesures efficaces pour protéger ce droit en fournissant, si nécessaire, des services d'interprétation dans les procédures politiques, juridiques et administratives. Les articles 14 et 16 stipulent que les peuples autochtones ont le droit d'établir leurs propres systèmes scolaires et médias dans leur propre langue et d'accéder à l'enseignement dans leur propre langue. b) Droits linguistiques des peuples autochtones et minoritaires Outre la protection de ces organismes, d'autres textes législatifs protégeant les minorités linguistiques et culturelles existent de par le monde. Ils sont tous assez récents - les plus vieux ont une trentaine d'années -, marque de l'intérêt moderne pour le sujet. La plupart de ces textes concernent les langues européennes ou américaines. Il n'y a que peu de textes pour les langues africaines, asiatiques, ou océaniennes. 20 Ainsi, la première loi pour la sauvegarde des langues aborigènes en Australie est très récente : elle date de 2017, il s'agit de la Aboriginal Languages Bill. Pour l'Europe, un texte majeur est la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires : c'est un traité européen du Conseil de l'Europe, adopté en 1992, destiné à protéger et favoriser les langues historiques régionales et les langues des minorités en Europe. Les États n'ont pas l'obligation de la signer, et en effet en 2017, 25 États l'ont signée et ratifiée, 8 États l'ont signée sans la ratifier, et 14 États ne l'ont ni signée, ni ratifiée. Quant au continent américain, citons la Commission de Vérité et Réconciliation du Canada : de nombreux articles concernent les langues autochtones, réclamant une protection du droit de les utiliser, notamment dans l'enseignement ; des fonds pour leur revitalisation ; leur promotion générale - par exemple en autorisant ces langues à être parlées à la radio. Nous y reviendrons dans un paragraphe suivant.
Il existe des grands projets autour de la défense des langues, comme le programme de recherches Sorosoro, lancé en 2008 (arrêté en 2012 mais toujours disponible sur le net avec de très riches ressources sur la diversité linguistique mondiale) ; ou the Endangered Languages 21 Project, un projet de l'Alliance for the Linguistic Diversity : un site collaboratif qui réunit des informations sur les langues en danger. Et bien entendu de nombreux projets scolaires, étudiants et enseignants se montent chaque année autour de cette thématique. e) Propres initiatives des peuples Lorsque les peuples ont une vision positive de leur langue, et que l'État ne les en empêche pas de manière trop forte, il arrive qu'ils parviennent à réinsuffler de la vitalité à leur langue. Par exemple par l'enseignement : les peuples autochtones d'Hawaï ont promu un enseignement en langue hawaïenne dans les écoles publiques, où les programmes ont été entièrement dispensés en langue hawaïenne, afin de revitaliser leur langue. Et ainsi, celle-ci, qui était sur le point de disparaître dans les années 80 (moins de 50 enfants locuteurs/trices d'hawaïen en 1987), possède aujourd'hui 15% d'enfants autochtones locuteurs/trices - c'est-à-dire 250 enfants autochtones par classe d'âge sur 1750 qui sont parfaits locuteurs/trices - contre 0,1% en 1987. Avec les technologies de l'information et de la communication, il est également aisé pour les minorités de diffuser leurs langues : fleurissent des chansons en langues autochtones par des canaux de musique en ligne, des applications pour smartphones, des vidéos de vocabulaire sur YouTube6. Pour finir citons l'initiative originale de Christine Schreyer, professeure d'anthropologie linguistique, et Louise Gordon, directrice au ministère des Terres et des Ressources pour la Première Nation Tlingit de Taku River : elles ont eu l'idée de créer un jeu de société pour la réappropriation de la langue tlingit par la Première Nation Tlingit de la Taku River. Le jeu fait appel aux noms de lieux, aux histoires qui s'y rattachent et aux ressources qui sont utilisées par le peuple tlingit et intègre des informations sur le territoire traditionnel des Tlingits (Schreyer & Gordon 2007). 6 Comme cette adolescente, Emma Stevens, qui a reprit la chanson "Blackbird" des Beatles en micmac. 22 |
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