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Efficacité et viabilité de l'électrification rurale décentralisée


par Thibault Erard
Université Paris-Sud - Master 2 Gouvernance de Projets de Développement Durable au Sud 2018
  

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INTRODUCTION

Lire un livre ou cuisiner après le coucher du soleil, écouter les actualités à la radio ou les regarder à la télévision, recharger son portable chez soi, vivre à proximité d'un centre de soin pouvant conserver des vaccins ou vivre proche d'un commerce disposant d'un réfrigérateur sont autant d'activités et de services basiques facilités ou rendus possibles par l'électricité. Pourtant, près d'un milliard de personnes dans le monde n'y ont toujours pas accès de nos jours et 84% d'entre elles habitent dans une zone rurale (International Energy Agency, 2017). Ces chiffres reflètent un déséquilibre et une injustice dont les origines sont multiples et les solutions connues.

L'électrification rurale décentralisée (ErD) constitue un élément de réponse à cette problématique revenue sur le devant de la scène internationale depuis une dizaine d'années. L'ErD est une solution permettant aux personnes, non desservies par le réseau de distribution national, d'accéder à un service électrique. Ces installations exploitent principalement des sources d'énergies renouvelables pour permettre à des populations défavorisées par leur isolement géographique de profiter de l'électricité. Cet isolement géographique s'accompagne souvent de nombreux désavantages impactant la santé, l'éducation, l'économie et les conditions de vie en général dans ces régions.

L'ErD a parfois été perçue comme une réponse « miracle » à la problématique du développement des populations rurales. Mais au vu des enjeux humains (les conditions de vie de plus d'un milliard de personnes sont concernées), environnementaux (la production d'électricité est source de nombreuses pollutions et dégradations environnementales) et économiques (augmentation potentielle des revenus pour les bénéficiaires, montants des investissements nécessaires, etc.), il est légitime de s'interroger sur le véritable rôle et les réels impacts de cette solution. Plusieurs acteurs, chercheurs ou bailleurs internationaux reprennent ce questionnement. En d'autres termes, l'électrification rurale décentralisée constitue-t-elle vraiment une réponse viable et efficace afin de favoriser l'amélioration des conditions de vie et le développement économique des populations rurales ? Ce mémoire se fixe donc pour objectif de dresser un portrait global et réaliste de l'ErD dans les pays émergents depuis sa création dans les années 80 jusqu'à nos jours.

Ce document se base principalement sur une étude documentaire1 ainsi que sur les observations et expériences acquises lors d'un stage de cinq mois à la Fondation Energies pour le Monde. La littérature est abondante dans le domaine de l'électrification rurale et ses différentes facettes sont largement abordées à travers des rapports et notes de travail de

1 La majorité des écrits cités se rapportent au continent Africain car celui-ci concentre aujourd'hui la plupart des besoins.

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bailleurs nationaux ou internationaux, des notes de réflexion lors de rencontres ou forums mondiaux, des articles de chercheurs, des évaluations de programmes ou de projets d'agence de développement ou d'ONG, etc. Une vaste partie de cette littérature est consacrée à l'analyse des impacts positifs de l'ErD mais il existe aussi de nombreux documents contrebalançant ces conclusions et témoignant d'une véritable conscience des limites et contraintes existantes.

La première partie permet d'introduire l'ErD, elle évoque ses évolutions politiques, institutionnelles et techniques depuis ses débuts afin d`appréhender sa situation actuelle. Elle expose les enjeux soulevés ainsi que les contraintes qui s'appliquent. Enfin elle présente succinctement les solutions techniques répondant à ces enjeux. Dans un deuxième temps, ce document tente d'énumérer les contributions de l'ErD au développement des pays émergents. Des impacts aussi communément admis que la santé, l'éducation et le dynamisme économique sont évoqués mais aussi d'autres moins étudiés. La troisième partie relève les principales critiques rencontrées par les programmes et projets d'ErD (efficacité, évaluation des résultats et solutions techniques privilégiées) afin d'évoquer les évolutions possibles pour les surpasser.

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PARTIE 1 : ELECTRIFICATION RURALE DECENTRALISEE, DE QUOI PARLE-T-ON ?

Les évolutions

Historique succinct

L'électrification des pays que l'on nomme aujourd'hui émergents ou en développement a commencé, dès le début du 20ème siècle, par la construction de centres de production et de réseaux de distribution dans les centres industriels et miniers. La production était assurée par des centrales thermiques construite à proximité des sources de charbon ou de pétrole. Il y a donc historiquement une forte corrélation entre l'industrialisation des pays émergents et leur électrification. Cette corrélation s'illustre parfaitement avec l'exemple de l'Afrique du Sud, le pays a très tôt fait évoluer de pair l'offre et la demande (pour l'industrie et les quartiers blancs uniquement) en électricité, en exploitant les réserves abondantes de charbons dont le pays disposait et a pu même profiter, dans les années 1900, d'un tarif de l'électricité inférieur à celui de la Grande-Bretagne. Mais l'Afrique du Sud reste une exception car il faut attendre l'indépendance des autres pays africains pour que les premiers programmes d'extension de réseau voient le jour. La priorité est toujours donnée aux centres industriels mais certains quartiers d'habitation proches de ces centres sont raccordés. C'est le cas notamment au Kenya et en Côte d'Ivoire (Debeugny, Jacquot & De Gromard, 2017) mais ces extensions sont anecdotiques et peu suivies sur le continent.

Les premiers programmes de coopération internationale en matière d'électrification font suite aux deux chocs pétroliers de 1973 et 1979. Le développement des énergies renouvelables, et particulièrement le solaire, initie la création d'agences nationales de promotion de cette technologie dans les pays du Nord et de mise en oeuvre de programmes internationaux (par exemple le Commissariat à l'Energie Solaire, COMES, créé en 1978 en France). Ces agences financent des programmes ciblés géographiquement (anciennes colonies) et thématiques (télécommunication, santé, etc.). L'objectif était de participer au développement à long terme des pays anciennement colonisés par la construction d'infrastructures permettant d'améliorer les conditions de vie et de limiter la migration urbaine, la déforestation, etc. En Asie, le Bangladesh met en place dès 1975 sa première initiative majeure pour étendre son réseau électrique, le Total Electrification Program, qui s'avèrera très efficace grâce à une implication massive des habitants dans la construction et l'exploitation des opérateurs (Khandker, Barnes & Samad, 2009).

Dans les années 80, de nouveaux programmes innovants sont lancés au Maghreb. Ils initient ce que l'on appelle aujourd'hui l'ErD (Debeugny, Jacquot & De Gromard, 2017) c'est-à-dire la

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prise en compte des usages de l'électricité, complémentarité des solutions de production (PV, diesel, hydraulique), l'introduction des batteries, l'utilisation de lampes basse consommation, etc. Mais ces initiatives sont coûteuses et le manque de données précises pour les évaluer va conduire à leur ralentissement lors des périodes d'ajustement structurel et du New Public Management.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce ralentissement (Bernard, 2010), la crise de la dette des pays du Sud impose de nouvelles conditions de prêts plus exigeantes à ces pays, plusieurs études jettent un doute sur l'efficacité de l'électrification rurale (peu de personnes connectés et surtout des foyers aisés, utilisation toujours massive de biocombustible et donc déforestation, pas de baisse de la migration rurale, etc.). De plus, la synergie électricité-croissance est aussi remise en cause, le modèle « l'électricité entraine la demande » est inversé et l'électrification n'est plus vue comme un facteur déterminant de développement. Jusqu'à la fin des années 2000, la priorité n'est donc plus donnée aux grands programmes de coopération internationale en faveur de l'électrification. C'est pendant cette période que les agences nationales d'électrification seront créées dans les pays du Sud et que les plans nationaux seront lancés. Leur efficacité est relative en Afrique car, si certain pays (notamment au Maghreb) ont pu s'appuyer sur un tissu industriel important pour soutenir l'électrification rurale, d'autre ont souffert des plans d'ajustement structurels (Club-ER, 2010). Le recours au Partenariats Public-Privé (PPP) pour assurer le financement des programmes d'électrification rurale a entrainé la multiplication des structures nationales sans réflexion globale à long terme. Les interventions ponctuelles n'ont pas permis d'atteindre efficacement les zones rurales et ont largement privilégiées les centres urbains et industriels.

Une décennie plus tard, l'électrification rurale redevient une priorité pour plusieurs raisons. D'une part, de nouvelles études mettent en évidence le rôle qu'elle peut avoir dans la réduction de la pauvreté, objectif principal d'organisations internationales telles que l'ONU et la Banque Mondiale. De nouveaux financements lui sont donc réservés et de nombreux programmes voient le jour (évoqués plus bas). D'autre part, un travail est aussi mené pour mieux évaluer les impacts de ce type de programmes par l'ensemble des bailleurs et dans agences de financement. Il semble pertinent de cité la création de divisions spécialisées pour les grands bailleurs2 ainsi que des efforts de normalisation illustré par The Paris Declaration on Aid Effectivness en 2005 et le Partenariat de Busan en 2011. Enfin, les avancées technologiques permettent de considérablement baisser le coût de revient de l'électrification et de l'ErD.

2 Par exemple l'Independent Evaluation Group de la Banque Mondiale et le Network on Development Evaluation de l'OCDE.

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Baisse des coûts de revient

Aujourd'hui, l'ErD devient de plus en plus abordable et cela est particulièrement vrai quand la solution technique choisie est le solaire. La baisse des coûts des panneaux photovoltaïques (PV) et l'augmentation de leur rendement rendent toute une gamme de systèmes, des lampes solaires aux centrales, viables et abordables pour les populations rurales. Le prix au Watt des panneaux PV est passé de 75 US$ en 1976 à seulement 0.61US$ en 2015 (Bloomberg and Lighting Global, 2016). Le prix et l'efficacité des LED pour l'éclairage se sont fortement améliorés : le prix de revient d'une LED qui était de 0.4 US$ par unité en 2012 est aujourd'hui inférieur à 0.1 US$, leur intensité lumineuse a quant à elle augmenté de 166 lm/W en 2012 à 200 lm/W en 2016. L'éclairage domestique et des commerces est donc devenu abordable pour toute une partie de la population avec des solutions de lampes pico-solaires disponibles pour 4 US$. Le stockage de l'électricité a lui aussi profité d'évolutions technologiques rapides et d'une baisse des coûts. Les batteries au plomb ont été remplacées par des batteries lithium-ion plus efficaces et moins chères : de 1000 US$/kWh en 2010 à 350 US$/kWh en 2015. Ces avancées permettent de rendre les modèles économiques plus faciles à équilibrer et de permettre à l'ErD de répondre aux besoins des populations.

Des besoins et contraintes toujours d'actualités

Une répartition des besoins inégale

En 2016, le nombre de personne vivant sans avoir accès à l'électricité était de 1,1 milliard soit 14% de la population mondiale (International Energy Agency, 2017). Ce chiffre cache bien sûr de grandes disparités entre le nord et le sud mais aussi entre les zones rurales et urbaines. Le taux d'électrification est supérieur à 99% dans les pays développés mais atteint seulement 43% en Afrique sub-saharienne. Le continent comptabilise près de la moitié des personnes sans accès à ce service vital et en 2014, 20 pays rassemblaient 80% des personnes n'ayant pas accès à l'électricité (Nations Unies, 2017). Comme expliqué plus haut, les disparités se retrouvent aussi au sein même des pays avec des taux d'électrification plus élevés dans les centres urbains que dans les zones rurales. En Afrique subsaharienne, par exemple, le taux d'électrification rurale est le plus bas du monde avec seulement 25% de la population ayant accès à ce service3 (Figure 1). Dans le monde, les populations rurales représentent 84% des personnes sans accès à l'électricité. Plusieurs facteurs peuvent expliquer que ce chiffre ne diminue que faiblement : une croissance démographique plus élevée dans les zones rurales qu'en ville et plus élevée que le taux de croissance des raccordements, la manque d'usages productifs potentiels (développé plus bas) et la faible capacité d ;e financement des populations.

3 Contre 60% environ en ville.

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Figure 1 : Taux d'électrification rurale par région géographique (Banque Mondiale)

Mais ces indicateurs semblent enfin s'améliorer significativement. Ainsi, le taux d'électrification rurale en Afrique subsaharienne, cité ci-dessus, a plus progressé ces 5 dernières années que depuis 1995. Cette décennie a vu se succéder, avec une relative efficacité, des plans et programmes internationaux ayant pour objectif « d'électrifier » l'ensemble de la planète et notamment l'Afrique qui reste aujourd'hui le continent le moins électrifié (Figure 2).

Figure 2 : Pourcentage de la population sans accès au réseau d'électricité (Données Banque Mondiale de 2012)

Peuvent être cités : le programme Lighting Africa (2007) et Africa Electrification Initiative (2008) tous deux de la Banque Mondiale, le programme des Nation unies Sustainable Energy For All (SE4All) lancé en 2011, l'initiative lancée par le gouvernement de Barack Obama en 2013

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Power Africa, l'Initiative Africaine pour les Energies Renouvelables menée par l'Union Africaine en 2015 mais aussi des projets privés comme celui du chanteur Akon et de l'entreprise Solektra, Akon Lighting Africa, de 2014. Ces programmes s'accompagnent de promesses de fonds (près de 320 milliards pour SE4All) mais les investissements tardent.

D'autre part, les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), effectifs jusqu'en 2015, ne comprenaient pas de composantes particulières concernant l'accès à l'énergie. Mais avec les Objectifs de Développement Durable (ODD) adoptés en 2015 par 193 pays, c'est maintenant chose faite. Ces successeurs aux OMD, comptent un volet, parmi les 17, spécialement consacré à l'accès à l'énergie.

Objectif de Développement Durable n°7: Garantir l'accès à un service énergétique
abordable, fiable, durable et moderne pour tous.

Des contraintes fortes

Les quatre dimensions développées par cet objectif (abordable, fiable, durable et moderne) permettent de souligner les principales contraintes dans le domaine de l'accès à l'énergie. L'immense majorité des investissements et programmes ou projets répondant à cet objectif concernent l'accès à l'électricité ou dans une moindre mesure, l'installation de système de cuissons plus efficaces.

La problématique du coût est bien évidemment soulevée car il est primordial d'adapter et d'équilibrer l'offre énergétique à la population. Les programmes et projets participants à cet objectif doivent, dès les premières étapes de conception, évaluer finement les besoins et intégrer les capacités financières des bénéficiaires. Cette étape est trop souvent négligée par les bailleurs et cela met en péril l'équilibre financier du projet et donc sa viabilité. Pour s'assurer de la réponse à leurs besoins, le « business-plan » doit au moins prendre en compte le revenu moyen de la région et la part de ce revenu consacré aux dépenses énergétiques (gasoil, bougie, piles, etc.). Pour proposer une solution financièrement équilibrée, il est aussi important de distinguer les utilisations domestiques et productives afin de répartir équitablement le coût global du projet en établissant une grille de tarif flexible et prenant en compte les éventuelles aides ou subventions de l'Etat4. Qu'ils soient publics ou privé, l'équilibre financier est difficile à atteindre pour les exploitants. Les exploitants privés doivent même aller au-delà et chercher à rentabiliser le service d'électricité.

La deuxième dimension abordée est celle de la fiabilité, de la constance et de la « solidité » du service. Dans les pays développés, en excluant les quelques petites coupures d'électricité dues à des éléments naturels imprévus (inondations, chute de neige, de branches, etc.) ou à

4 La problématique du coût de l'électricité et des tarifs est développée p. 33 et 36.

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une trop forte demande ponctuelle, le service électrique est assuré 7 jours sur 7 et 24h sur 24 toute l'année. Ce n'est pas le cas dans les pays en développement, où les populations raccordées aux réseaux nationaux subissent régulièrement des coupures d'électricité impactant la vie quotidienne et les activités économiques. Au-delà des incidents naturels et des conflits, les entreprises privées ou les compagnies nationales font face à une croissance de la demande en électricité presque 2 fois supérieure à celle de leurs capacités. Les producteurs d'électricité ont donc recours au délestage soit la coupure de l'alimentation en électricité de quartiers entiers et pour plusieurs heures. Ces coupures atteignent dans certains pays un équivalent de 56 jours par an. Les pertes économiques sont évaluées à près de 2% de PIB (Heuraux, 2011) et de 7 à 13% d'heure de travail par an (Desarnaud, 2016). Pour faire face à ce manque de fiabilité, les entreprises ont recours à des groupes électrogènes d'appoints, couteux et polluant.

La problématique de la durabilité de l'accès à l'énergie nécessiterait à elle seul un mémoire complet. Il est aujourd'hui largement admit que l'utilisation massive de combustibles fossiles fait peser sur notre avenir une menace globale. Les pays en développement sont particulièrement concernés car la croissance rapide de leur économie s'appuie sur un mix énergétique dominé par l'utilisation de charbon et de biomasse (près de 60% de la consommation globale, Europan Commission, 2011), forts émetteurs de gaz à effet de serre. Le mix énergétique doit se recentrer sur l'utilisation de techniques de productions viables sur le long terme et adaptées aux potentiels de chaque pays. La diversité de l'offre technologique actuelle (solaire, hydraulique, éolien, biomasse, géothermie, etc.) permet d'exploiter les potentiels énergétiques de ces pays et de produire de l'électricité dans toutes les régions du globe.

Le dernier enjeu abordé est la modernisation de ce mix énergétique. Cette modernisation passe par (i) un recours massif à l'électricité pour les usages domestiques et économique de l'énergie ; (ii) l'utilisation d'équipements plus efficients.

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Figure 3 : Utilisation finale de l'énergie par personne (IEA, 2015)

L'objectif est de faire bénéficier de l'amélioration des conditions de vie, des gains de rendement et de la diversification des activités qu'offre l'usage de l'électricité au plus grand nombre. Cette transformation est aujourd'hui rendue possible grâce à la baisse des coûts de production de l'électricité permettant l'élargissement des possibilités.

Une gamme de solutions disponibles

Afin de produire et de distribuer l'électricité aux populations, plusieurs solutions techniques existent. Chacune d'entre elles répond à une demande et à un contexte historique, socio-économique, géographique et politique. Dans les pays industrialisés, toute la population à accès à un service d'électricité et sa production est centralisée. En effet, l'écrasante majorité de l'électricité domestique et à usage productif est générée par de grosses infrastructures (centrales thermiques, nucléaires, barrages, parcs solaires, éoliens, etc.) pour alimenter un réseau recouvrant tout le territoire et connecté aux pays voisins (par exemple le European Network of Transmission System Operators for Electricity - ENTSO-E regroupe les 41 gérants de réseaux électrique en Europe et est même connecté avec des pays d'Afrique du Nord). Dans les pays émergents, la centralisation de la production et la mise en réseau nationale et internationale ne sont pas aussi efficace.

Le raccordement, solution historique

Pour effectuer de nouveaux raccordements, la solution historique a longtemps été, à l'instar des pays industrialisés, l'extension du réseau existant. Des milliers de kilomètres de nouvelles lignes hautes, moyennes et basses tensions ont été construites mais cette technique pose aujourd'hui de nombreux problèmes. D'une part, si ces nouveaux raccordements ne s'accompagnent pas d'augmentation des capacités de génération, l'ensemble du réseau n'est plus fiable et cela entraîne des coupures volontaires (délestages) ou non. Le coût de construction et d'entretien étant très élevés, les pays en développement privilégiant cette technique ne sont généralement pas en mesure d'assurer un service fiable à la population

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(Desarnaud, 2016). La clientèle, majoritairement composée de ménages, les compagnies d'électricité des pays peu électrifiés freine les investissements importants car leur pouvoir d'achat et leur niveau de consommation est faible comparée aux entreprises et industries. La santé financière de ces compagnies est donc assez précaire (Heuraux, 2011).

D'autre part, si le raccordement est économiquement viable dans les zones densément peuplées, il demande des investissements bien plus importants dans les périphéries des villes et dans les zones rurales et cela se ressent sur la somme que doivent débourser, dans certains pays, les populations rurales pour être raccordées. Ce coût de raccordement augmente avec l'éloignement par rapport à l'infrastructure de production et alonge fortement l'atteinte d'un taux d'électrification de 100%. Par exemple, il a fallu 20 ans pour que des pays comme la Thailande et la Chine passent d'un taux de 30-40% à 85-90% et de nouveau 20 ans pour atteindre l'accès universel (International Energy Agency, 2017). Ce phénomène s'appelle le dernier kilomètre.

Enfin, ces programmes nationaux sont très long à prévoir et à mettre en oeuvre. Le tracé des lignes et le choix des régions ou villages à desservir sont souvent le résultat de longues négociations politiques sujettes aux changements de gouvernements. A cela s'ajoutent les longues mais indispensables procédures d'évaluations des impacts environnementaux et sociaux5. Au total, il faut compter entre 5 (Heuraux, 2011) et 9 ans (Independant Evaluation Group, 2014) pour que la prise de décision se transforme en réalisation technique. Même si l'immense majorité (97%) des investissements pour l'électrification depuis les années 2000 ont été destiné à l'extension de réseaux (International Energy Agency, 2017), cet ensemble non-exhaustif de limites montre bien qu'il n'est pas possible d'atteindre un taux d'électrification globale de 100% d'ici 2030 uniquement par cette voie. Pour électrifier l'ensemble de la population, il semble donc nécessaire d'envisager un nexus de solutions centralisées et décentralisées.

Les solutions décentralisées

L'ErD se positionne aujourd'hui comme une alternative viable à l'extension de réseau, surtout en zone rurale. Ce terme regroupe plusieurs systèmes adaptés aux besoins domestiques et économiques des foyers ruraux. En 2011, la consommation moyenne d'énergie en Afrique était 35 fois inférieure à celle de l'Union européenne et la consommation d'électricité près de 100 fois inférieure (Europan Commission, 2011), ces chiffres cachent de grandes disparités mais ils sont encore plus importants dans les zones rurales. Cet écart représente un avantage6 car la puissance à produire pour répondre aux besoins des habitants est assez faible et permet

5 Ces dernières années, les procédures d'évaluation bénéficient toute fois d'une nouvelle optimisation

6 Mais aussi un inconvénient, voir p.32

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une souplesse dans les solutions possibles. Ces nouvelles solutions déconnectées du réseau national sont développées plus bas et classées selon deux grandes catégories et quatre sous-catégories déterminées par le nombre de personnes alimentées, la puissance délivrée et les usages possibles (ces caractéristiques peuvent varier selon les auteurs) :

· Solutions « hors réseau » composées des pico-dispositifs (standalone, pico-solar) et des kits individuels (solar home systems) ;

· Solutions « en réseau » composées des micro-réseaux et des mini-réseaux.

Les pico-dispositifs sont généralement constitués d'un petit panneau PV (moins d'une centaine de Watts), d'une batterie (selon les modèles), d'un contrôleur et d'un ou plusieurs petits équipements électriques (LED, chargeur de téléphone, etc.). Ils constituent le premier échelon de l'électrification et permettent de répondre aux besoins domestiques les plus basiques (éclairage de la maison ou d'un commerce, télécommunication, etc.) mais ne dépasse rarement ces besoins. Ce secteur est extrêmement dynamique avec plusieurs dizaines de millions de dispositifs vendus chaque année en Afrique (Bloomberg and Lighting Global, 2016) et des dizaines d'entreprises sont en concurrence. Son succès peut s`expliquer par la baisse des coûts de la technologie PV7, le développement de nouveaux moyens de paiements tels que le Pay As You Go8 et la facilité et la rapidité de mise en fonctionnement facilitant sa diffusion à grande échelle par des opérateurs privés. Un des autres avantages est l'évolutivité des systèmes, les utilisateurs pouvant ajouter des éléments assez facilement (panneaux PV, batterie, etc.) et ainsi répondre, en fonction de leur revenus et jusqu'à un certain point, à une évolution de leurs besoins. Les pico-dispositifs sont aujourd'hui vendus dans plus 25 pays et près de 15 à 20% des ruraux en sont équipés au Kenya, en Tanzanie et en Ethiopie (Jacquemot, 2017). Ce premier échelon permet de répondre aux besoins les plus basiques mais ne constitue pas, à lui seul, une réponse suffisante à long terme. Certains équipements permettant d'améliorer nettement le quotidien des populations nécessitent des puissances plus élevées.

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7 Les systèmes valent de 10 à 40 US$ environ.

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8 Développé p.36

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Figure 4 : Exemple de pico-dispositif pour l'éclairage et la recharge USB proposé par Greenlight Planet.

A partir de quelque centaines de Watts, les kits individuels s'avèrent des solutions plus adaptées. Ces systèmes se basent sur l'énergie solaire ou, plus rarement, éolienne pour fournir de l'électricité à une maison, une infrastructure publique ou privé (école, dispensaire, petit commerce, antenne relai, etc.). Dans le cas des particuliers, ils permettent d'alimenter de quelques lampes et une radio à un ensemble d'équipements plus complet comprenant une télévision, un réfrigérateur, un ventilateur, des chargeurs de portables, etc. Les infrastructures privées et publiques peuvent profiter de l'éclairage, d'un ordinateur, de ventilateurs, d'un réfrigérateur/congélateur. Dans le cas de la chaîne du froid domestique ou pour les petits commerce, le mini-réseau est parfois couplé à un générateur diesel d'appoint pour compenser les intermittences dans la production d'énergie (cycle jour-nuit, abcence de vent, etc.). Cette hybridation est obligatoire pour les dispensaires et les petits centres de soins. Pour ce genre d'équipements, l'utilisation de batteries est indispensable au vu des utilisations. Ces kits sont de fait plus onéreux (de quelques centaines à quelques milliers de US$) et majoritairement introduits dans le cadre de prgrammes d'éléctrification menés par des agences nationales ou des OI prenant en charge une partie du coût global et proposant des facilités de paiement.

Ces deux types de systèmes (pico et kits individuels) permettent d'améliorer grandement les conditions de vie des populations rurales. En revanche, ils ne permettent pas de soutenir la mise en place d'accès à l'électricité à l'échelle d'un village ou le développement d'activités économiques plus demandeuses en énergie. Les micro-réseaux et mini-réseaux désignent des infrastructures de production et de distribution de l'électricité à plus grande échelles mais toujours déconnéctées du système national.

Si la zone possède les caractéristiques adéquates (source d'énergie, clients potentiels, cadre institutionnel, densité de population, etc.), une électrification par micro-réseau est envisageable. Il s'agit d'une centrale de petite dimension (quelque kilowatt) et généralement solaire, mais il est parfois possible d'utiliser l'énergie hydraulique, couplée à un réseau de distribution permettant de desservir les habitations d'un village. Ce type d'infrastrucure demande une organisation et un investissement plus important pour plusieurs raisons. D'une

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part, le système nécessite l'installation d'une unité de production (surface de panneau PV, turbine, parc éolien, etc.) et d'un parc de batteries plus difficile à entretenir que les systèmes précédents. Ces contraintes techniques entrainent des contraintes organisationnelles, les projets doivent respecter un cadre reglementaire plus lourd, se doter d'un exploitant fiable et investit, assurer une sensibilisation et une implication des populations plus poussées, etc. Les infrastructures peuvent coûter aux alentours d'une centaine de milliers de US$ et sont donc portés par des OSC et des OI mais peu de groupes privés. En effet, l'équilibre financier des mini-réseaux est généralement très précaire et dépend souvent de subventions, de dotations des collectivités territoriales locales ou de partenariats Nord-Sud. Dans certains cas les micro-réseaux peuvent supporter la demande de petites activités économiques peu consommatrices en éléctricité.

Si la zone à élelctrifier dispose d'un tissu économique dynamique et potentiellement plus demandeur en énergie, il s'agira alors d'un mini-réseau ou d'une Zone d'Activité Electrifiée (ZAE). Les mini-réseaux permettent de fournir un accès à l'électricité à environ 2000-5000 personnes. Ils reprennent le principe de fonctionnement d'un micro-réseaux mais à plus grande échelle. La puissance potentiellement délivrée est plus imporant ce qui permet d'envisager la création de véritables pôles économiques avec des activités diversifiées et énergivores (transformation agricole, restauration, commerce de produits frais, menuiserie, ferronerie, cyber-café, atelier de couture, etc.) en plus d'alimenter les foyers. Les investissements représentent plusieurs centaines de milliers de US$ mais les mini-réseaux possèdent un équilibre financier plus stable grâce aux activités économiques. Celles-ci consomment plus d'élécticité que les ménages et permettent d'obtenir cet équilibre plus facilement.

Ce retour à une synergie électrification/développement économique est aujourd'hui bien présent dans l'ensemble des projets. Les organisations internationales favorisent les « usages productifs de l'électricité », en témoignent les nombreux rapports de l'ONU9, la Banque Mondiale10, GIZ11, USAID12, etc. soulignant l'importance de cet aspect pour mieux rentabiliser les projets et démultiplier les impacts de l'électrification sur les conditions de vie des populations.

9 Planning for Improved Energy Access and Productive Uses of Electricity, UNDP, 2015

10 Maximizing the Productive Uses of Electricity to Increase the Impact of Rural Electrification Programs, The World Bank, 2008

11 Promoting Productive Use of Energy in the Framework of Energy Access Programmes, GIZ, 2013

12 Guides for Electric Cooperative Development and Rural Electrification, USAID, 2009

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PARTIE 2 : LES IMPACTS POSITIFS DE L'ELECTRIFICATION RURALE DECENTRALISEE

Les parties précédentes tentent de dresser un portrait de l'électrification et de ses évolutions jusqu'à nos jours. La partie suivante a pour objectif de regrouper l'ensemble des domaines impactés par l'électrification et particulièrement de l'ErD.

Figure 5 : IDH en fonction de la consommation d'électricité (Banque Mondiale, 2014)

Ce graphique (Figure 3) représentant l'Indice de Développement Humain (IDH) en fonction de la consommation d'électricité (en kWh par personne et par an) met en lumière la corrélation entre l'accès à un service électrique et la satisfaction de besoins basiques représentés par l'IDH (notamment santé et éducation). Même si cet indicateur ne représente pas fidèlement le développement il permet de s'en approcher et le plus intéressant sur ce graphique n'est pas la valeur de l'IDH mais plutôt la forme de la courbe dessinée. Cette courbe logarithmique croît très fortement sur les petites valeurs (de 0 à 5 000 kWh environ) et se stabilise, ou du moins croît avec beaucoup moins d'intensité, après un certain seuil. Cela semble indiquer que « les premiers kWh » sont les plus importants, que l'impact de l'électrification se ressent même avec des installations de faible puissance. Les systèmes décris précédemment permettent de fournir ce service bénéfique dans de multiples domaines.

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Des impacts bien connus

Impacts sur la santé

Les impacts de l'ErD sur la santé des populations rurales se ressentent de multiples manières plus ou moins évidentes. L'exemple de l'électrification des centres de soin est éloquent et facilement compréhensible. En Afrique sub-saharienne, seules 40% des infrastructures de soins ont accès à l'électricité (African Development Bank, 2014) et près de 2/3 des hôpitaux et 3/4 des centres de soins subissent au moins une coupure électrique prolongée par semaine (World Health Organisation and World Bank, 2014). Que ce soit par le raccordement au réseau national ou à l'aide d'une centrale photovoltaïque dédiée couplée à un groupe électrogène, ces infrastructures demandent une puissance électrique conséquente et régulière du fait des nombreuses utilisations de l'électricité. L'accès à un éclairage adapté et fiable permet d'étendre les plages horaires des consultations et opérations, le chauffage améliore le confort des patients et personnels. Toute une gamme de nouveaux matériels peut être convenablement utilisée comme des appareils performants pour la stérilisation des instruments, des réfrigérateurs pour la conservation des médicaments et vaccins. Dans les cliniques africaines, 60% des réfrigérateurs n'ont pas d'alimentation électrique fiable entrainant la perte de près de la moitié des vaccins conservés (United Nations Environment Programme, 2017). Des moyens de télécommunication rapides permettent la mise en réseau de l'infrastructure et une amélioration de sa réactivité, etc. En opérant cette mise à niveau de leurs matériels, cela permet aussi aux infrastructures rurales d'attirer les médecins des villes et donc d'améliorer et diversifier leur service de soin (Cabraal, Barnes, & Agarwal, 2005).

Les bénéfices de l'ErD sur la santé se retrouvent aussi directement dans les foyers électrifiés. 2,8 milliards de personnes utilisent quotidiennement des combustibles fossiles pour s'éclairer, cuire les repas et se chauffer (Torero, 2015). Or, au-delà de l'augmentation des risques d'incendie, l'utilisation de ces biocombustibles (charbon, bois, etc.) pour la cuisson des aliments et de lampe à pétrole ou de bougies pour l'éclairage est une source de pollution intérieure reconnue avec l'émission de substances toxiques et/ou cancérigènes comme le monoxyde de carbone, différents oxydes d'azotes, le dioxyde de souffre et les particules fines (Esther, Greenstone & Hana, 2008).

L'Agence Internationale de L'Energie (IAE) estime que la pollution intérieure tue aujourd'hui près de 2,8 millions de personnes par an. L'introduction de l'électricité permet de considérablement réduire les impacts de cette pollution sur la santé. Par exemple, l'électrification de foyers ruraux au Salvador et en Erythrée a permis une réduction de presque 2/3 des infections respiratoires des hommes adultes (Barron & Torero, 2015) et d'environ 40% chez les enfants de moins de 6 ans (Barron & Torero, 2014) avec une baisse d'environ 60%

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de l'exposition aux particules fines (PM2.5). Une étude de la Banque Asiatique de Développement suggère quant à elle que les habitants des foyers électrifiés ont 13% de chance en moins de souffrir d'irritation des yeux (Asian Development Bank, 2010).

 

Perception du flux lumineux en lumen (lm) selon le type d'éclairage :

Bougie : 12 lm

Lampe à pétrole : 30-80 lm Ampoule incandescente : 5-15 lm/Watt

LED : 30-100 lm/Watt

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Figure 6 : Evolution de la demande en énergie pour l'éclairage en Inde (Kanagawa & Nakata, 2008)

De plus, l'éclairage électrique étant plus efficace que celui fourni par les traditionnelles lampes à pétrole ou bougies (voir encadré ci-contre), les foyers électrifiés peuvent préparer les repas, manger et dormir dans de meilleures conditions grâce à la réduction des risques de piqures d'insectes et la prévention d'invasions de nuisibles (cafards, rats, etc.)

Impacts sur l'éducation

Les impacts de l'électrification rurale sur l'éducation des populations sont aujourd'hui bien connus malgré certaines divergences de la littérature sur les moyens de mesurer ces impacts sur les foyers (voir partie sur les biais de mesure). Comme pour la santé, l'électrification apporte ses bénéfices dans les infrastructures dédiées et dans les foyers.

En 2014, près de 188 millions d'enfants dans le monde fréquentaient une école sans accès à l'électricité et en Afrique sub-saharienne, cela représente environ 90% des enfants (UNDESA, 2014). Les écoles, collèges, lycées et bibliothèques peuvent également étendre leurs horaires d'ouverture et donc proposer des cours du soir permettant aux femmes et hommes travaillants la journée de les suivre. L'accès à un service d'électricité permet aussi d'améliorer le confort des élèves grâce à un système de ventilation ou de chauffage et de disposer d'outils informatiques (ordinateur, imprimante, etc.). Toutes ces améliorations permettent d'attirer des

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professeurs plus qualifiés13, motivés et d'observer une baisse de l'absentéisme, une augmentation des effectifs, de la durée moyenne de scolarité et du taux de réussite aux examens (UNDESA, 2014).

Pour les usages domestiques, l'immense majorité des programmes d'ErD se fixe comme objectif, a minima, de permettre l'alimentation d'une ou plusieurs LED pour l'éclairage des foyers. N'étant plus dépendant de l'éclairage naturel, les enfants ont donc la possibilité d'étudier, lire et faire leurs devoirs même après le coucher du soleil. De plus, l'éclairage des lampes à LED est bien plus confortable pour la lecture que celui des lampes à kérosène. Selon les études, on constate que l'électrification du foyer entraîne un temps de lecture augmenté de 7% (Barron & Torero, 2014) à 25% (Asian Development Bank, 2010) pour les enfants de 6 à 15 ans ou de 7 minutes (World Bank, 2013) à 48 minutes (World Bank, 2002) selon les pays et le type d'électrification (le raccordement au réseau permettant une plus longue utilisation des lampes que l'installation de panneaux solaires individuels). Il est aussi suggéré que le taux de scolarisation augmente avec l'accès à ce nouveau service comme, par exemple, dans des villages ruraux au Vietnam où il a augmenté de 17% pour les garçons et de 15% pour les filles 3 ans après l'électrification du village. Mais les chiffres sont bien plus parlants à long terme car 10 ans après l'électrification, ces taux passent respectivement à 100% et 93% (Khandker S. , Barnes, Samad & Minh, 2009).

La possession d'un poste de télévision et/ou de radio engendre des impacts en demi-teinte. Dans toutes les études abordant cet aspect, quand les revenus et le service d'accès à l'électricité le permettent, une grande majorité des personnes interrogées estiment que la télévision est une bonne source d'informations générales et d'actualités. Il est aussi possible pour les enfants de suivre des programmes éducationnels à distance (par exemple les « teleschool » au Brésil dans les années 90 ou plus récemment, des exercices de mathématiques par SMS au Kenya avec le service MoMaths). Cependant ces études soulignent aussi que la télévision peut avoir un impact négatif sur le temps de travail et de lecture des enfants.

Impacts économiques

Au-delà des impacts indirects que peut avoir l'électrification sur l'économie via un meilleur accès à des services de santé modernes et à l'éducation, il est aussi communément admis que celle-ci est un facteur non-négligeable de développement économique. Les manières dont l'électrification impacte l'économie des foyers, villages, régions et pays électrifiés ne sont pas

13 «Teachers are understandably reluctant to work in deprived areas, which lack basic facilities such as electricity, good housing and health care.» (UNESCO, 2014)

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toutes encore bien connues ou comprises mais il est tout de même possible de dresser un bilan sommaire.

Dans un premier temps et une fois le coût de raccordement acquitté, les programmes d'électrification domestique permettent aux foyers électrifiés de réaliser des économies sur leur facture énergétique. Les ménages ayant acquis des lampes électrique (systèmes pico-solaires) ont réalisé des économies d'environ 2 à 3% au Rwanda et de 2 à 7% au Bangladesh par rapport au lampes à pétrole (Bloomberg and Lighting Global, 2016). Le coût de revient des lampes à pétrole ou des bougies varie selon les régions et les périodes mais il est en moyenne plus élevé que l'éclairage électrique (jusqu'à 100 fois plus onéreux au Bangladesh) (Khandker, Barnes & Samad, 2009). L'éclairage électrique permet aux ménages de poursuivre leurs activités économiques et domestiques après le coucher du soleil (couture, réparation de matériel, entretien de l'habitat, etc.). En Afrique du Sud, l'électrification a permis une augmentation de 3 à 4 % du temps de travail annuel (Dinkelman, 2011) ; dans certains cas, l'électrification augmente la part de temps consacré à des activités génératrices de revenus particulièrement pour les femmes (Chowdhury, 2010). Ce gain de temps et de revenus n'est pas négligeable et engendre des effets positifs sur l'éducation et la santé. En plus de l'éclairage, d'autres économies sont réalisées lors de la recharge des appareils électriques et notamment des portables. Dans les zones rurales des pays en développement, les points d'accès à l'électricité sont rares (il est parfois nécessaire de parcourir plusieurs kilomètres pour pouvoir recharger, moyennant un paiement, son portable) alors que les utilisations faites par les habitants du téléphone portable sont nombreuses et participent au développement économique de ces régions. Il semble important de citer parmi les bénéfices l'amélioration de la communication entres les acteurs économiques (producteurs, acheteurs, grossistes, transporteurs, etc.), l'accès facilité à des informations actualisées (bulletin météorologiques, prix du marché, taux de change, etc.) et aux services bancaires, de micro-crédit et d'assurance. Le téléphone portable permet, dans une certaine mesure, de pallier l'absence de tous ces services dans les zones rurales et de permettre à ses habitants de bénéficier de leurs avantages. Le paiement par mobile est, quant à lui, largement plus développé en Afrique qu'en Europe ou en Amérique du Nord et cette technologie profite bien au développement de l'électrification rurale décentralisée14.

L'électrification des activités est l'autre facteur majeur de développement économique. Elle permet de les diversifier et favorise l'augmentation de la productivité des activités existantes. L'exemple du secteur agricole est significatif car il représente en moyenne près de 20% du PIB dans les pays en développement ainsi que le plus gros secteur en terme d'emplois (dans

14 Voir p.36

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certains pays d'Afrique, 70% de la population travaille dans l'agriculture dont une majorité de femmes, African Development Bank, 2015) mais aussi car il possède un fort potentiel d'amélioration et de modernisation. La modernisation des équipements et la mécanisation permettent de fort gain de production (comme l'installation de pompe pour l'irrigation, de décortiqueuse électrique, etc.) mais aussi de considérablement réduire les pertes une fois les produits récoltés grâce à un stockage et une transformation plus efficace. Ainsi au Vietnam, l'électrification rurale aurait permis une augmentation des revenus agricoles de 30% (Khandker S. , Barnes, Samad & Minh, 2009). En dehors de l'agriculture, l'électrification de communautés rurales semble avoir un impact positif sur d'autres facteurs économiques comme l'employabilité (en hausse de 9% en Afrique du Sud, Dinkelman 2011), le temps de travail salarié annuel, en Inde cette augmentation représenterait près de 17 jours de travail pour les hommes et 6 jours pour les femmes (Van De Walle, Ravallion, Mendiratta, & Koolwal, 2013). Enfin plusieurs études semble relever une amélioration sur des indicateurs plus globaux comme le salaire moyen ou le pouvoir d'achat (O'Dell & al., 2014 ; Khandker, Barnes & Samad, 2009). Cela peut s'expliquer par l'accès à des outils plus performants, l'allongement des horaires d'ouverture grâce à l'éclairage des commerces, des ateliers et des marchés.

L'accès à un service d'électricité permet non seulement de développer des activités existantes mais aussi d'en créer de nouvelles. Dans un premier temps, il s'agit de métiers et activités liées à ce nouveau service : exploitation, maintenance, relation avec les abonnées, etc. Selon la taille et le type d'installations, une dizaine d'emplois peuvent être créés par gigawatt-heure avec l'énergie éolienne et plus de 50 avec le solaire (Appiah, 2012). Ces créations d'emploi s'accompagnent de formations dans des domaines variés (électronique, gestion, comptabilité, management, etc.) profitant à l'ensemble de la population. Comme abordé plus haut, la création d'activités productives accompagnent de plus en plus les projet d'électrification. Ceux-ci permettent la création d'un tissu économique favorable au développement des régions et à la réduction de la pauvreté grâce à de nouveaux services (recharge des téléphones portable, cyber-café, services sociaux, etc.) et commerces (chaîne du froid, couture, transformation agricole, férronerie-soudure, etc.).

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Figure 7 : Mode d'influence des programmes d'électrification rurale (Torero, 2015)

Et d'autres moins étudiés

Les avantages qu'apporte l'ErD ne se résument pas qu'aux aspects évoqués ci-dessus, il existe nombre de conséquences positives plus difficilement mesurables ou moins évidentes qui pourtant participent à l'amélioration des conditions de vie et de développement des communautés électrifiées.

Impacts institutionnels

Un des impacts positifs et indirects de l'ErD est la structuration institutionnelle. Cet impact n'est pas forcément évident ni souvent étudié dans la littérature car il ne se retrouve pas dans tous les projets ni ne bénéficie directement aux populations. Pour assurer la pérennité de l'accès à l'électricité dans les zones rurales des pays en développement, il est indispensable d'avoir recours à un exploitant investi et compétent. L'exploitant est la personne ou l'organisation, privée ou publique, chargée de l'entretien et de la maintenance des installations ainsi que des relations avec les clients ou abonnés. La création ou sélection de cet exploitant est bénéfique car il est souvent nécessaire de regrouper des représentants et notables de différents villages ou communautés pour créer une institution simple mais représentative. Cette mise en commun des préoccupations de développement de la zone crée une dynamique d'échange et de dialogue autour des besoins de la population pouvant résulter sur des actions communes et concertées. Cette dynamique communautaire peut se poursuivre avec le recours au tissu économique local pour les étapes du projet utilisant une main d'oeuvre peu qualifiée et avec, dans certain cas, la construction d'infrastructures de transport (principalement routière) indispensable à l'acheminement des systèmes électriques qui participent au désenclavement de la région.

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Le cas du CGESO dans la commune rurale de Ouonck au Sénégal.

Le CGESO (Comité de Gestion de l'Electrification Solaire à Ouonck) a été créé en 2011 à l'occasion d'un projet d'électrification de la Fondation Energies pour le Monde. Il est composé d'habitants des villages de la commune et sa mission première fut de gérer l'installation et l'exploitation de kits individuels. Ses membres ne possédaient pas de compétences en lien avec l'électrification mais ont été formé durant les différents projets de la Fondation dans la commune pour assurer l'entretien des systèmes, la gestion financière et la relation avec les abonnés. Il exploite aujourd'hui plus de 150 kits et s'est diversifié en assurant aussi l'exploitation de pompe solaire pour les périmètres maraichers alentour.

De plus, la création du rôle d'exploitant, corps de métier inexistant dans la zone avant le projet, est alors l'occasion d'une montée en compétence de ces personnes. L'exploitant doit être formé à divers missions techniques nécessaires au bon fonctionnement des installations électriques mais aussi à des domaines tel que la comptabilité, la gestion financière, la gestion relationnelle avec les clients, etc. Les personnes formées possèdent alors un savoir-faire qui sera utilisé et diffusé à d'autres activités économiques ou communautaires.

Les impacts institutionnels de l'électrification sont donc très structurants et se répercutent dans de nombreux secteurs.

Synergies multi-domaines

Il semble aussi important de citer les projets d'éclairage public et leurs impacts sur la sécurité et la vie communautaire. L'installation de lampadaires (potentiellement solaires) permet de réduire le nombre d'agressions, de vols et ainsi le sentiment global d'insécurité. Ils sont aussi un formidable moyen de développer des activités communautaires telles que des marchés, évènements culturels et fêtes religieuses en permettant à la population de se rassembler après le coucher du soleil.

Une autre conséquence peu évidente attribuée aux programmes d'ErD serait la baisse de la fertilité. En effet, un des liens envisagé serait que l'accès à l'électricité permet aux foyers et notamment aux femmes de mieux s'informer sur les méthodes de contraception, les risques liés à la grossesse, le planning familial, etc. via la radio, la télévision ou Internet. A cela s'ajoute la diffusion de programme qui illustrent d'autres modes de vie et influencent les idéaux familiaux, comme par exemple les « soap opera ». Un rapport de la Banque Asiatique de

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Développement indique que sur 9 pays étudiés15, l'électrification aurait fait baisser le taux de fertilité de 8 d'entre eux avec des baisses allant de 0,04 enfant par femme au Nicaragua à 2 enfants au Sénégal (Asian Development Bank, 2010). En Côte d'Ivoire, une étude semble confirmer ces résultats pour les populations rurales mais relève un effet inverse dans les villes (Peters & Vance, 2011). Ces études ne prouvent pas que l'électrification accélère la transition démographique des pays émergents mais mettent en évidence une corrélation intéressante.

De manière plus générale, la réduction de la fracture énergétique, l'amélioration globale des conditions de vie, des infrastructures de santé, d'éducation, de l'attractivité économique et sociale des espaces ruraux électrifiés permettent de réduire les disparités qui existent avec les agglomérations.

L'ensemble de cette partie se base sur une littérature assez fournie qui semble converger sur la contribution de l'électrification au développement de secteurs variés (institutions, santé, éducation, revenus, etc.). Cependant, toutes les études ne sont pas unanimes et certaines soulignent plusieurs critiques et limites.

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15 Bangladesh, Ghana, Indonésie, Maroc, Népal, Nicaragua, Pérou, Philippines, Sénégal.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams