II. Discussion
1. Impact du mode de pollinisation sur la nouaison et la
maturation des fruits de Vitellaria paradoxa
Nos résultats ont mis en évidence le rôle
de la pollinisation dans la nouaison et la maturation du karité.
L'analyse de l'indice de nouaison révèle une différence
statistique significative entre l'indice de nouaison de la pollinisation
manuelle et celui de la pollinisation libre. Ce même effet significatif
s'observe dans l'analyse de l'indice de maturation entre la pollinisation
manuelle et la pollinisation libre. Les différences d'indices de
nouaison entre les inflorescences de la pollinisation libre et les
inflorescences de la pollinisation manuelle peuvent être
expliquées par plusieurs facteurs. Ces différences peuvent
s'expliquer soit par une absence de pollinisation soit à la
quantité et/ou la qualité du pollen.
Le faible indice de nouaison et de maturation observée
dans la pollinisation libre fait penser à un déficit en
pollinisation (Guinko et al., 1988 ; Diallo, 2001 ; Lamien, 2004).
Cette absence de pollinisation aurait conduit à une chute des fleurs non
nouées. L'effet d'un déficit de pollinisation dans la
fructification des angiospermes avaient déjà été
rapporté par plusieurs auteurs (Pesson, 1984 ; Diallo, 2001). Tous
évoquent le déficit de la pollinisation comme étant le
facteur responsable de la faible fructification. Ce déficit de
pollinisation serait lié à cinq principaux facteurs qui
entrainent le déclin des pollinisateurs. Ces facteurs sont les agents
biologiques, les agents chimiques comme les pesticides (O'Toole 1993), la
dégradation et la disparition des habitats (Steffan-Dewenter et al.,
2002), les pratiques apicoles et le changement climatique. Ces
résultats révèlent l'importance de la pollinisation dans
la fructification du Vitellaria. paradoxa et partant des
conséquences de son déficit.
La quantité et la qualité du pollen
déposé sur le stigmate peuvent être aussi des facteurs
limitants la pollinisation. Plusieurs études ont
révélé que le succès de la reproduction
sexuée des plantes était limité par la quantité de
pollen déposé (Larson & Barrett, 2000 ; Aizen &
Feinsinger, 2003). Le fort indice de nouaison et de maturation de la
pollinisation manuelle serait lié à un apport important de pollen
sur le stigmate ce qui augmenterait la concurrence et favoriserait une
meilleure sélection du pollen (Bouharmont, 1960 ; Boyer, 1970). De plus,
la fréquentation des inflorescences par les insectes est
aléatoire et toutes les inflorescences ne sont pas forcément
visitées.
La faiblesse de l'indice de nouaison et de maturation des
inflorescences libres pourrait donc s'expliquer soit par une faible
pollinisation de inflorescences, soit à une insuffisance du pollen
liées à une action limitée des pollinisateurs.
La qualité du pollen apporté par les
pollinisateurs peut aussi induire des effets néfastes pouvant
empêcher la fécondation des ovules (Ashman et al., 2004 ;
Knight et al., 2005).
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Certains pollinisateurs connus du karité comme Apis
mellifera présente une certaine fidélité
vis-à-vis des pieds visités tant que les ressources ne sont pas
épuisées. Cette situation est défavorable au karité
qui est essentiellement allogame. La majorité des études
réalisées sur le Karité a mis en évidence un
régime de reproduction mixte allogame - autogame avec une
prédominance de l'allogamie (Sallé, 1991 ; Djonwangwe, 2011). De
plus, le passage trop souvent répété des pollinisateurs et
la surexploitation des fleurs peuvent provoquer un asséchement du
stigmate ce qui ne permet pas l'hydratation du pollen par les
sécrétions stigmatiques et sa germination (Bogovalenskii, 1975 ;
Dumas, 1984).
La qualité du pollen peut être aussi
affectée par les sécrétions salivaires des pollinisateurs
dont on connait le pouvoir d'inhibition de la germination du pollen (Lavie,
1960 ; Mesquida et Renard, 1989). Il a été montré que les
fluides oraux diminuent la qualité du pollen (Richards et al.,
2005). Des auteurs comme Mesquida et Renard (1989) ont montré que
chez certaines cultures le pollen perdait 45% de son aptitude à germer
si celui-ci est porté sur le corps de l'abeille. Les mêmes auteurs
notent que ce chiffre atteint 85% après deux heures de contact.
L'effet significatif de la pollinisation manuelle serait donc
lié au fort apport de pollen provenant d'autres pieds de karité
mais aussi à la qualité du pollen apporté.
Pour ce qui concerne le poids moyen des fruits et le poids
moyen des amandes il ne semble pas se dégager de différence
significative entre les différents traitements. Nos résultats
semblent indiquer que le type de pollinisation n'influence que la
quantité de fruits produits mais pas le poids des fruits.
2. Inventaire des agents pollinisateurs de Vitellaria
paradoxa a. Dénombrement des insectes par les différentes
méthodes
Les collectes effectuées avec la méthode des
coupelles sont plus importantes en termes d'effectifs. Cet effectif
élevé est lié à la méthodologie
utilisée. En effet cette méthode présente l'avantage de
collecter la majorité des insectes visitant les pieds de karité.
Elle ne tient donc pas compte du rôle effectivement effectué par
les insectes sur ou à proximité du pied. De plus, les coupelles
sont déposées sur les tubes PVC pendant 24 heures avant
d'être récupérées.
La méthode du filet présente l'avantage
d'être précis car seuls les insectes visitant effectivement les
inflorescences de karité sont capturés. Cette situation explique
le faible effectif enregistré dans la capture des insectes dans la
méthode du filet. Le cas exceptionnel de Torem 1 où aucune
abeille n'a été capturée pourrait s'expliquer par des
difficultés techniques (Horaires des récoltes, technique
d'échantillonnage, ...). Les différentes techniques
d'échantillonnages ont permis de récolter un grand nombre
d'insectes mais en réalité tous n'impactent pas positivement la
pollinisation.
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Contrairement aux abeilles dont le rôle dans la
pollinisation du karité n'est plus à démontrer
(Nombré, 2003 ; Djonwangwe, 2011) ; beaucoup d'insectes floricoles se
nourrissent de pollen et/ou de nectar sans intervenir de façon
significative dans la pollinisation.
Les dégâts causés à la plante par
les insectes sont souvent plus énormes que les services rendus à
la plante par la pollinisation. En effet, Cunningham (1995) note que tous les
visiteurs ne sont pas égaux sur les capacités à participer
à la formation des graines.
A ce sujet Kearns et Inouye (1993) ont montré que
pendant que certains visiteurs s'activaient à transférer le
pollen d'autres par contre l'endommageait. Ainsi des pollinisateurs peuvent
collecter le nectar ou le pollen sans assurer leur service de pollinisation
(Maloof & Inouye, 2000 ; Irwin et al., 2001).
b. Détermination des insectes collectés
par les différentes méthodes
La détermination des insectes a permis de mettre en
évidence l'attractivité qu'exerce le karité sur de
nombreux insectes (hyménoptères, Diptère,
coléoptère, Hémiptère). Si l'impact positif de
certains insectes comme les abeilles (Apis mellifera adansonii) dans
la pollinisation est incontestable il n'en demeure pas moins que les autres
insectes peuvent aussi avoir une influence positive dans la pollinisation (Le
Conte et al., 2008).
Les abeilles étaient les visiteurs les plus
fréquents aux fleurs. Apis mellifera adansonii était
principalement en activité tôt le matin et n'ont jamais
été vus sur des fleurs au milieu du jour, et ont
été rarement vus plus tard en jour. D'autres abeilles comme
Hypotrigona gribodoi par exemple étaient également les
plus en activité tôt en jour, moins actif au milieu du jour, mais
étaient également raisonnablement en activité plus tard en
jour.
Nos résultats montrent que le karité est
visité très tôt le matin, ainsi donc pour une bonne
collecte des insectes il serait intéressant que la récolte se
fasse très tôt le matin.
Nos résultats indiquent que l'action des insectes n'est
pas négligeable dans la fructification du karité puisqu'en
pollinisation libre l'indice de nouaison et de maturation ne sont pas
négligeables.
CHAPITRE IV : CONCLUSION ET PERSPECTIVES
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