La limitation des droits fondamentaux au nom de l'ordre public et de la sécurité nationale: cas des coupures d'internet en période électorale de décembre 2018par Isambya Jean-Claude Université Officielle de Bukavu - Licence en Droit 2019 |
§.2. LES SOURCES DES DROITS ET LIBERTES FONDAMENTAUXLes sources des droits et libertés fondamentaux ne se limitent pas seulement au droit national (B), elles s'étendent aussi au droit international (A). A. LES SOURCES INTERNATIONALES DES DROITS DE L'HOMME Nous aborderons ces sources sous deux angles : universel et régional. Au plan universel, nous mettrons plus l'accent relativement à notre objet d'étude, sur la Déclaration universelle des droits de l'homme et sur le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Au plan régional par contre, nous analyserons les sources des droits de l'homme selon le système juridique de l'Union Africaine. En effet, la première source juridique du droit international des droits de l'homme se situe dans la Charte des Nations unies, dont le Préambule proclame « la foi des Nations Unies dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine»47(*) et l'article premier qui évoque « le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion »48(*) tous deux complétés par l'article 55 du même instrument qui rappelle « le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion »49(*). Mais, c'est la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH), adoptée le 10 décembre 1948, qui incarne la première phase d'un véritable régime, par le truchement d'une liste contingente des droits, ne proposant donc pas de définition avérée de leur substance (1). La DUDH va servir de fondation à un plus vaste projet, la Charte internationale des droits de l'homme, un amalgame de trois instruments : la DUDH, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) (2) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Toujours au plan international, en plus de la Charte internationale des droits de l'homme, mentionnons les quatre conventions du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) fondant le droit international humanitaire, ainsi que de nombreux traités thématiques à vocation universelle, notamment : la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1966, la Convention de 1979 sur l'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard des femmes, la Convention de 1989 relative aux droits de l'enfant, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille de 1990, etc. Bien que leurs niveaux de développement et de mise en oeuvre soient encore inégaux à ce jour, quelques initiatives régionales en matière des droits de l'homme existent également50(*). En Europe, nous pouvons citer entre autres sources des droits de l'homme : la Convention européenne des droits de l'homme (1950), la Charte sociale européenne (1989) et la Charte des droits fondamentaux (2000). Dans les Amériques, il y a : la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme (1948), la Convention américaine relative aux droits de l'homme (1969) et le Protocole à cette Convention traitant des droits économiques, sociaux et culturels (1988). En Afrique, pouvons-nous énumérer : la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (1981) (3) et le Protocole à cette Charte relatif au droit des femmes (2003). Outre ces sources normatives, il y a également la jurisprudence, la coutume internationale, les principes généraux du droit et la doctrine. 1. La Déclaration universelle des droits de l'homme Juridiquement, la Déclaration universelle n'est qu'une résolution de l'Assemblée générale de l'ONU, soit un acte dépourvu de caractère obligatoire, à l'inverse d'un traité international qui oblige les Etats qui le ratifient ou y adhèrent51(*). A l'origine du texte, la Commission des droits de l'homme avait souhaité aboutir rapidement à l'adoption d'un document énonçant les droits de l'homme, ce qui, l'avenir devait en adopter la confirmation, eût été impossible pour un instrument contraignant. Le Préambule de la Déclaration réaffirme le lien entre la protection de la personne humaine et le maintien de la paix, rappelle que les Etats membres « se sont engagés à assurer, en coopération avec l'Organisation des Nations unies, le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales » et indique qu'une conception commune de ces droits et libertés est de plus haute importance pour remplir cet engagement. Mais la Déclaration, comme le souligne Patrick WACHSMANN, est un idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes de la société, ayant cette Déclaration constamment à l'esprit, s'efforcent, par l'enseignement et l'éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d'en assurer, par des mesures progressives d'ordre national et international, la reconnaissance et l'application universelles et effectives. Déjà cet instrument juridique international prévoit le droit à la liberté d'expression et le droit à l'information, notamment quand il dispose que « Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit »52(*). 2. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques Nous tenons à examiner cet instrument juridique dans le souci d'asseoir la base de la consécration du droit à la liberté d'expression et du droit à l'information. En effet, le 16 décembre 1966, l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies adopte deux pactes dans sa résolution 2200 A (XXI) : le Pacte international sur les droits civils et politiques et le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels. Ces deux pactes viennent compléter et renforcer la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques revêt un caractère contraignant plus marqué, ce qu'atteste bien son article 2 quand il indique que « Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à prendre, en accord avec leurs procédures constitutionnelles et avec les dispositions du présent Pacte, les arrangements devant permettre l'adoption de telles mesures d'ordre législatif ou autre, propres à donner effet aux droits reconnus dans le présent Pacte qui ne seraient pas déjà en vigueur»53(*). Le pacte s'attache aussi à encadrer la limitation que les libertés qu'il consacre pourront subir lors de circonstances exceptionnelles. Le Pacte sous examen consacre effectivement les droits civils et politiques. Il s'agit des droits de l'homme considérés comme les « droits libertés ». Ils impliquent généralement une abstention d'intervention des Etats dans les libertés de chaque personne. Historiquement, les droits civils et politiques ont permis la reconnaissance de l'individu et de ses libertés, notamment par l'exercice de sa citoyenneté et la protection de son intégrité physique54(*). Il s'agit entre autres du droit à la vie, de la liberté de pensée, la liberté d'expression55(*), l'interdiction de la torture et de l'esclavage, le droit de vote, etc. 3. La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (Charte de Banjul) va plus loin. Elle est le premier texte juridiquement contraignant qui institue des droits collectifs tels que le droit à l'autodétermination des peuples, le droit des peuples à disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, le droit au développement économique, social et culturel ainsi que le droit à un environnement propice. La Charte traite également de droits individuels, tels les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples est l'organe prévu dans la Charte pour promouvoir et protéger les droits définis. La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples a son siège permanent à Arusha, en Tanzanie. B. SOURCES INTERNES DES DROITS DE L'HOMME En droit interne congolais, la Constitution est la source principale des droits de l'homme (1). Au côté de la Constitution, il existe également des lois qui consacrent les droits de l'homme, telles : la loi n° 96-002 du 22 juin 1996 fixant les modalités de l'exercice de la liberté de presse, la loi-cadre n° 013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications en RDC, la loi n° 014/2002 du 16 octobre 2002 portant création de l'Autorité de régulation de la poste et des télécommunications, la loi organique n° 11/011 du 10 janvier 2011 portant composition, attribution et fonctionnement du Conseil supérieur de l'audiovisuel et de la communication. En dehors de l'article 10 sur la nationalité congolaise, l'ensemble des droits de l'homme sont prévus au titre II relatif aux « Droits humains, libertés fondamentales et devoirs du citoyen et de l'Etat ». Ce titre contient 57 articles (soit de l'article 11 à 67). La quantité est donc considérable mais, manifestement, le nouveau constituant tente d'y intégrer l'ensemble des instruments juridiques tant internationaux que régionaux relatifs aux droits de l'homme. Il faut brièvement préciser que l'actuelle Constitution contient d'énormes avancées en matière des droits de l'homme, notamment la résolution de la question de la parité homme-femme dans la représentation des femmes au sein des institutions nationales, provinciales et locales (article 14), l'élimination des violences sexuelles utilisées comme arme de déstabilisation ou de dislocation de la famille (article 15), l'accès de manière équitable aux médias audiovisuels et écrits d'Etat à tous les courants politiques et sociaux (article 24), la prohibition de l'abandon et la maltraitance des enfants notamment la pédophilie, les abus sexuels ainsi que l'accusation de sorcellerie (article 14), le droit à un environnement sain et propice (article 53), le droit d'être indemnisé ou de recevoir la compensation en cas de pollution ou de destruction résultant d'une activité économique (article 54), le droit de jouir des richesses nationales (article 58) et du patrimoine commun de l'humanité (article 59), la prolongation des droits dont on ne peut déroger même lorsque l'état de siège ou l'état d'urgence aura été proclamé (article 61), etc. Examinons dans la section qui va suivre les divers questionnements sur l'accès à Internet. * 47Préambule de la Charte de l'ONU. * 48Charte de l'ONU, art. 1 § 3. * 49Ibidem, art. 55 point C. * 50J.-F. LEVESQUE, « Droit international des droits de l'homme », www.operationspaix.net/43-ressources/details/droit-international-des-droits-de-l-homme.html, consulté le 12/05/2019. * 51P. WACHSMANN, Les droits de l'homme,3e éd., Paris, Dalloz, 1999, p. 17. * 52Déclaration universelle des droits de l'homme,Op. cit., Art. 19. * 53Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Op. cit., Art. 2 § 2. * 54Les pactes internationaux de 1966, en ligne sur https://www.humanium.org/fr/normes/pactes-internationaux-1966/, consulté le 13/05/2019. * 55PIDCP, Op. cit., art. 19. |
|