La limitation des droits fondamentaux au nom de l'ordre public et de la sécurité nationale: cas des coupures d'internet en période électorale de décembre 2018par Isambya Jean-Claude Université Officielle de Bukavu - Licence en Droit 2019 |
CHAPITRE I. L'ACCES A INTERNET ET LE DROIT A LA LIBERTE D'EXPRESSION ET D'INFORMATION EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGOAvant de nous pencher sur les controverses au tour d'un nouveau droit fondamental, en l'occurrence, celui de l'accès à Internet (section II), il parait nécessaire de nous imprégner des notions générales sur les droits de l'homme (section I). SECTION I. LES DROITS ET LIBERTES FONDAMENTAUX DE L'HOMMELa notion de libertés fondamentales ou de libertés publiques ou encore de droits de l'homme, parfois controversée en doctrine, mérite d'abord d'être définie avant que nous jetions une oeillade sur les différentes catégories ou générations des droits de l'homme (§.1). Il est également nécessaire de mettre en exergue les sources sur lesquelles se fondent les libertés fondamentales (§.2). §.1. NOTIONS ET CATEGORIES DES DROITS ET LIBERTES FONDAMENTAUXDans un premier lieu, nous éluciderons les différentes dénominations du concept « droit de l'homme » (I) et dans un second lieu, nous présenterons les catégories ou générations des droits de l'homme (II). Le respect et la garantie des droits de l'homme et des libertés fondamentales constituent l'un des fondements essentiels des sociétés démocratiques33(*). Universels, ces droits et libertés sont le patrimoine commun de l'humanité ; ils sont aujourd'hui à la charnière des ordres juridiques internes et internationaux. Les expressions utilisées pour désigner cette matière ont évolué ; elles se sont en outre multipliées : libertés publiques, droits de l'homme, droits fondamentaux, libertés fondamentales... Ces expressions, si elles sont connexes, ne sont pas synonymes. Il importe de les distinguer (I.2). La notion de liberté publique est délicate à appréhender dans la mesure où elle ne fait l'objet d'aucune définition légale. Il conviendra donc de revenir sur la notion de liberté en général (I.1). I.1. DEFINITION DE LA LIBERTELa liberté peut se définir d'un point de vue philosophique ou politique. La première définition, d'inspiration philosophique, consiste à définir comme libre celui qui n'a besoin de personne, ni de quoi que ce soit. Cette approche est inutile pour le droit qui vise à régir les rapports sociaux34(*). Il est encore possible de considérer que la liberté est caractérisée par un pouvoir d'autodétermination sur soi-même, une faculté de choisir son comportement personnel (Sartre, Descartes, Malraux...). Cette définition ontologique est récusée par le courant déterministe au motif que l'Homme ne peut pas être libre à partir du moment où il se trouve dans une société puisqu'il est prédéterminé dans une structure sociale (Comte, Calvin, Hegel). Néanmoins, cette notion d'autodétermination peut être reprise par le juriste pour définir la liberté en société. D'un point de vue politique, la liberté peut aussi se définir sous l'angle du rapport de l'Homme avec le pouvoir. Il s'agit alors de la liberté comme sphère d'action qui échappe à la contrainte sociale. Elle peut faire référence à deux libertés distinctes selon Gilles LEBRETON35(*) : · La liberté participation : elle correspond à la faculté pour le gouverné de devenir gouvernant. Le gouverné échappe alors à la contrainte sociale et devient maître de son destin politique. Cette vision est à l'origine de la pensée de Rousseau dans ce sens où elle aboutit à la démocratie et au pouvoir des gouvernés (droit de vote, droit d'être élu). · La liberté autonomie : elle donne la faculté d'échapper à la contrainte sociale non pas en participant à la décision mais en délimitant une sphère qui échappe au pouvoir. La liberté résulte alors du fait que le pouvoir ne peut s'immiscer dans la sphère d'autonomie (liberté d'aller et venir, droit à la sûreté). Ces deux conceptions conduisent à l'opposition entre deux courants : le courant rousseauiste qui ne prône aucune autonomie mais une grande participation (l'individu s'approprie l'État) et à l'opposé, le libéralisme politique qui repose sur la primauté de l'autonomie par rapport au pouvoir (l'individu est adversaire de l'État). Au sein des démocraties libérales, la liberté participation et la liberté autonomie coexistent36(*). * 33C. DENIZEAU, Droit des libertés fondamentales, 5e éd., Paris, Vuibert, 2017, p. 5. * 34C. LACROIX, Protection des droits et libertés fondamentaux, Tome I, Paris, Dalloz, 2016, p. 14. * 35G. LEBRETON, Libertés publiques et droits de l'Homme, 8e éd., Paris, Sirey Université, 2008, p. 14. * 36C. LACROIX, Op. cit., p. 15. |
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