Les autochtones minoritaires et la dynamique d'urbanisation au Cameroun: l'expérience du département du Mbéré dans la région de l'Adamaoua (Cameroun)par Sylvester DIGNA DENAM Université de Ngaoundéré - Master II en Science Politique 2018 |
PARAGRAPHE II : LES INSTANCES DE PROTECTIONLa protection des autochtones et minorités, se fait pratiquement au sein de toutes les instances collectives et consultatives des Nations Unies. C'est ainsi que, le Comité des Nations Unies pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale a aussi traité de la question de la restitution dans sa recommandation générale XXIII et demandé aux États parties: de reconnaître et de protéger le droit des populations autochtones de posséder, de mettre en valeur, de contrôler et d'utiliser leurs terres, leurs ressources et leurs territoires communaux et, lorsqu'ils ont été privés des terres et territoires qui, traditionnellement, leur appartenaient ou, sinon, qu'ils habitaient ou utilisaient, sans leur consentement libre et informé, de prendre des mesures pour que ces terres et ces territoires leur soient rendus. Ce n'est que dans les cas où il est factuellement impossible de le faire que le droit à la restitution devrait être remplacé par le droit à une indemnisation juste, équitable et rapide. Cette indemnisation devrait, dans la mesure du possible, se faire sous forme de terres et de territoires.165 57 Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester 165 Rapport supplémentaire op.cit.
59 Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester 168 Droits des minorités: Normes internationales et indications pour leur mise en oeuvre op.cit. p. 20-22 DEUXIÈME PARTIE : LES STRATÉGIES DE
RECONFIGURATION Penser l'urbanisation moderne au Cameroun et plus spécifiquement dans le département du Mbéré, nécessite la mise en oeuvre conjointe des approches aussi bien sociologiques et institutionnelles que complémentaires. Et ce d'autant plus qu'une gestion rationnelle de l'urbanisation nécessite l'implication des acteurs divers. 60 Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester CHAPITRE I : LES APPROCHES SOCIOLOGIQUES ET INSTITUTIONNELLES D'INTEGRATION DES AUTOCHTONES MINORITAIRES Dans la préface de son ouvrage intitulé Nations nègres et cultures169, Cheik Anta DIOP, s'inscrivant dans une perspective africaniste de restauration de l'historicité des sociétés africaines, estime que l'un des enjeux fondamentaux des sociétés africaines aujourd'hui reste culturel. Ainsi, pense-t-il, par une déclaration qui s'apparente en une plaidoirie et/ou exhortation auprès des africains sans réserve ni distinction aucune : Ainsi, dans la dynamique d'urbanisation au Cameroun et singulièrement dans le département du Mbéré, une place de choix mérite d'être accordée à la culture des populations autochtones. SECTION I : LA REMISE EN CONTEXTE CULTURELLE ET LE CHANGEMENT DES MENTALITÉS DES AUTOCHTONES MINORITAIRES Pour reprendre les termes de Carole Lévesque, « le concept d'urbanisation, longtemps abordé sous le seul angle de l'acculturation ou de la dépossession culturelle, requiert au premier chef une actualisation compte tenu de tous les changements qui ont marqué le parcours des Autochtones au cours des trois dernières années»170. En effet, appelé à revêtir dans une extrême fluidité le caractère cosmopolitain et fort hétérogène de la population, l'urbanisation peut constituer une véritable pierre d'achoppement pour les autochtones. Et ce, d'autant plus que, la majorité des jeunes autochtones interrogés à Meiganga, Djohong et Ngahoui, affirment ne pas connaître les aspects culturels de base de leur groupe social. Cette situation engendre un nombre important de déviance, étant donné que certaines pratiques calquées sur le modèle occidental tendent, sous l'effet des médias et réseaux sociaux, tendent à se substituer aux valeurs essentielles de leur groupe d'appartenance. D'où l'importance d'opter pour une nouvelle forme de socialisation des autochtones en milieu urbain, en vue de consolider l'héritage culturel. PARAGRAPHE I : LA RÉADAPTATION CULTURELLE DES AUTOCHTONES MINORITAIRES DANS LE CHAMP URBAIN Depuis une décennie déjà, le Cameroun, à travers diverses structures171 et textes normatifs, tente d'implémenter l'enseignement des langues nationales dans ses instances éducatives. 61 169 Cheik Anta DIOP, Nations nègres et cultures : De l'antiquité Nègre-Egyptienne aux problèmes culturels de l'Afrique noire d'aujourd'hui, Paris, Editions Africaines, 17 Rue de Chaligny, p. 8 170 Lévesque Carole, 2003. La présence des Autochtones dans les villes du Québec : mouvements pluriels, enjeux diversifiés. Tiré de « Des gens d'ici : Les Autochtones en milieu urbain. Ottawa, Gouvernement du Canada, page 34. 171 Notamment le cas récent de la Commission Nationale du Bilinguisme et du Multiculturalisme Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester Toutefois, la timidité observée dans l'application de ces mesures, implique un rappel anodin pouvant aller de l'assimilation du dialecte local à l'érection parallèle des monuments à forte connotation culturelle dans les zones urbaines du département du Mbéré. A- L'enseignement du dialecte et la restauration de l'historicité des peuples autochtones dans les programmes d'enseignement. La nouvelle socialisation des autochtones et minorités constitue une voie de sortie iduane face au phénomène d'inculturation urbaine. Et le point d'ancrage de cette politique trouverait d'abord un terrain fertile dans la réforme du système éducatif. Depuis plusieurs années déjà, l'État camerounais a élaboré grâce à la création de la Commission Nationale du Bilinguisme et du multiculturalisme172, une stratégie de valorisation des langues locales. Toutefois, sa mise en oeuvre concrète demeure encore lacunaire. Il est alors souhaitable, que soit institué au programme scolaire, des enseignements nécessaires pour la restauration de l'historicité173 même des sociétés africaines à l'aune des indépendances en général, et celle des autochtones en particulier. Car comme le relève magistralement Cheik Anta DIOP174, « il est plus éfficace de developper une langue nationale que de cultiver artificeillement une langue etrangère, un enseignement qui serait donné dans une langue maternelle permettrait d'eviter des années de rétard dans l'acquisition de la connaissance. Tres souvent l'expression etrangere est comme un revetement etanche qui empeche notre esprit d'acceder au contenu des mots qui est la realité. Le developpement de la reflexion fait alors place a celui de la mémoire. Le jour meme ou le jeune africain entre a l'ecole, il asuffisamment de sens logique pour saisir le brin de réalite contenu dans l'expression : un point qui se déplace engendre une ligne. Cependant, puisqu'on a choisi de lui enseigner cette realite dans une langue etrangere, el lui faudra attendre au minimum 4 a 6 ans, au bout desquels il aura appris assez de vocabulaire et de grammaire, récu, en un mot un instrument d'acquisition de la connaissance, pour qu'on puisse lui enseigner cette parcelle de realite. On pourrait objecter la multiplicité des langues en Afrique Noire, on oublie alors que l'Afrique est un continent au meme titre que l'Europe, l'Asie, l'Amerique ; or, sur aucun de ceux-ci, l'unite linguistique n'est realisée ; pourquoi serait-il necessaire qu'ellle le fut en Afrique ? ». Pour les Nations Unies, « La promotion et la protection de leur identité sont d'une importance fondamentale pour les droits des minorités. Elles empêchent l'assimilation forcée et la disparition des cultures, des religions et des langues qui donnent au monde sa richesse et constituent donc une partie de son patrimoine. La non-assimilation signifie que la diversité et le pluralisme des identités ne sont pas seulement tolérés mais aussi protégés et respectés. Il s'agit d'assurer le respect d'identités différentes tout en veillant à ce que les différences de traitement à l'égard de certains groupes ou membres de ces groupes ne servent pas de prétexte à des pratiques ou politiques discriminatoires. Des mesures positives sont nécessaires pour que 62 172 Décret N°2017/013 du 23 janvier 2017 portant création, organisation et fonctionnement de la Commission Nationale pour la Promotion du Bilinguisme et du Multiculturalisme 173 Au sens de Jean Marc Ela, lorsqu'il appelle à restituer l'histoire aux sociétés africaines 174 Op.cit P. 257-258 Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester la diversité culturelle, religieuse et linguistique soit respectée et pour qu'il soit reconnu que les minorités enrichissent l'ensemble de la société grâce à cette »175 Dans un Projet de Soutien à l'Education de Base (PROSEB) proposé par le Ministère DE L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE, SECONDAIRE ET INITIATION A LA NOUVELLE CITOYENNETE 176 , la promotion de l'identité des autochtones dans le système d'enseignement officiel constituait une préoccupation essentielle. Mais cette protection identitaire par l'éducation, ne peut recouvrir de manteau d'efficacité maximal que si elle s'accompagne par une palette de projets infrastructurels. B- LE DÉVELOPPEMENT DES CENTRES CULTURELS ET L'ERECTION DES MONUMENTS A FORTE CONNOTATION CULTURELLE Le Centre d'Amitié des peuples Autochtones au Canada, dans un rapport sur le profil sociologique des autochtones en milieu urbain, relevait pertinemment que « La ville est un choix pour certains ; pour d'autres, une obligation. Les Autochtones dans les villes, de par leur condition même, vivent aujourd'hui une situation si précaire qu'elle les oblige à se poser des questions de fond, non seulement sur leur propre sort, mais aussi sur L'avenir de leurs frères et soeurs vivant en communauté. Les Autochtones en milieu urbain, en s'éloignant de leur communauté et en résidant en ville, en viennent non seulement à perdre la protection naturelle de leur communauté d'origine mais, encore à affronter directement un milieu allochtone qui, sans leur être nécessairement hostile, n'en défend pas moins des coutumes et des valeurs bien éloignées de celles qui les définissent en propre »177. Ainsi, pour une exigence de conscience historique, il est fort souhaitable, de procéder à la réfection et la restructuration du Centre Culturel de Meiganga178. Aussi, l'on constate à la lumière des évènements récents à Douala, que l'un des traits marquants l'antériorité d'un groupe social sur les autres sur un territoire, est constitué par l'érection des monuments culturels. Un monument érigé en plein centre urbain, est révélateur des mythes, des représentations et symboles qui caractérisent un groupe social. Les affrontements récentes entre peuples partageant pourtant, une même aire géographique, qui ont failli surgir à Douala179 le 26 mars 2018 démontrent de l'importance des monuments historiques dans la manière dont les hommes perçoivent la domination symbolique. Pour une réelle valorisation des autochtones, il 63 175 Droits des minorités: Normes internationales et indications pour leur mise en oeuvre, Haut-commissariat des Nations Unies, New York et Genève, 2010, p. 8 Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester 176 Ministère de l'enseignement primaire, secondaire et initiation à la nouvelle citoyenneté Projet de Soutien à l'Education de Base (PROSEB) Rapport final 2016 177 Les Autochtones en milieu urbain : Une identité revendiquée, regroupement des centres d'amitié autochtones du Québec Juillet 2006, P. 5 178 Entretien réalisé le 09/02/2020 avec Soré Franck à Meiganga 179 Les chefs traditionnels du canton Bell à Douala sont mécontents. Ils n'apprécient guère l'idée qu'a eue la Communauté urbaine d'ériger un monument au lieu-dit « Mobil Njoh Njoh » (intersection entre les quartiers Bali et Bonapriso, ndlr), en mémoire du nationaliste Ruben Um Nyobe. Pour exprimer leur ras-le-bol, ils sont descendus sur le site dans la mi-journée du samedi 26 mai 2018 et ont détruit le chantier devant accueillir la stèle de ce martyr de l'indépendance du Cameroun. Munis de pelles, de marteaux et par la force de leurs bras, les chefs traditionnels ont saccagé toute la clôture construite à l'aide de lattes et de contreplaqués. Ils ont, en outre, fait des rites sur la fondation pour conjurer le mauvais sort sur quiconque poursuivrait les travaux d'érection de la stèle en ces lieux. Le chef supérieur du canton Bell, S.M Jean Yves Eboumbou Manga, a supervisé la manifestation qui a drainé une bonne poignée de fils et filles Sawa. Ceux-ci ont d'ailleurs entonné des chansons pendant l'exécution des rites. convient d'ériger, en substance, des monuments historiques dans les zones urbaines en mémoire des hommes ayant joué un rôle substantiel dans le devenir de la ville. Toutes ces propositions permettront d'éviter la phagocytose ou une trop forte absorption identitaire des autochtones en milieu urbain, puisque pour Carole Lévesque, «...le concept d'assimilation n'est plus approprié pour rendre compte des modalités de la rencontre entre la culture dominante et les cultures autochtones au sein des villes. Cette rencontre connaît de nouveaux modes d'expression plutôt associés à un renforcement de l'identité culturelle autochtone qu'à sa dissolution et à sa désintégration»180 Aussi, il s'agit pour des besoins d'analyse, « d'agir sur le ici et maintenant, de trouver les outils qui permettraient aujourd'hui aux individus d'être mieux armés(...) en plus de favoriser une plus grande participation des Autochtones à la société civile de manière à être mieux en mesure de défendre les droits des Autochtones dans les villes »181 PARAGRAPHE II : LA NÉCESSAIRE EXIGENCE DU CHANGEMENT DES MENTALITÉS Dans une quête combinée d'intégration des autochtones dans le processus d'urbanisation et de réalisation sociohistorique de soi, il convient de ne point perdre de vue le sacré principe de construction d'une communauté cosmopolite, riche et diversifiée. Ainsi, dans un Etat, comme le Cameroun, placé sous le sceau indépassable d'unité nationale, la consolidation des villes urbaines doit nécessairement passer par la déconstruction du mythe de l'allochtone envahisseur et la promotion d'une cohabitation pacifique avec les diverses catégories ethniques et culturelles qui structurent le tissu urbain. A- LA DECONSTRUCTION DU MYTHE DE L'ALLOCHTONE ENVAHISSEUR L'urbanisation dans le département du Mbéré comme ailleurs, procède de la combinaison d'un facteur naturel, notamment l'accroissement du taux démographique et l'exode rural d'une part et surtout de l'arrivée en masse des réfugiés dans cette zone. La présence de cette seconde catégorie au regard de la difficulté naissante de l'incapacité d'adopter le mode de vie camerounais 182, est susceptible de conduire à une relation de nature conflictuelle entre autochtones et refugies183. Et cette conflictualité semble inhérente à la nature catégorielle des réfugies. En effet, les statistiques du HCR184 indiquent que 88% des anciens refugies appartiennent à l'ethnie Mbororo, en majorité musulmane et de tradition éleveur-nomade. Le reste est composé des Gbayas 10%, de Pana, Kako, Yakoma, Gbako, Ali et autres 2% qui, sont pour la plupart 64 180 Op.cit. p.12 181 Kim O'OBOMSAWIN, Mémoire présenté comme exigence partielle de la maitrise en sociologie, Université du Québec à Montréal, 2011, P. 141 182 Entretien réalisé avec Poro Souman, le 25/02/2020 183 Dans les zones comme Borgop et Ngam sur la route de Djohong par exemple, on denombre suivant le HCR, pour une population estimée à 1000 habitants autochtones, environ 11 000 réfugiés. Ce qui est de nature à provoquer l'assimilation et même l'absorption des populations autochtones En outre, en date du 8 février 2015, sur les 61 674 refugies centrafricains présents dans la région de l'Adamaoua selon l'UNHCR, 61 524, soit 75% des refugies sont disséminés dans le département du Mbéré 184 Rapport UNHCR, 2012 Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester des chrétiens ou animistes de tradition agriculteur et sédentaire. Or, on assiste à une « sédentarisation » des Mbororos nomades185 auprès des groupes sédentaires que sont les Gbaya186. Ainsi, comme le souligne Birwe HABMO, les sociétés multiculturelles qui naissent de la fixation des nomades traduisent donc une rencontre des traditions, des coutumes, des mythes, des règles et normes différentes dans un contexte sociologique spécifique et contradictoriel. Ces contradictions sociales et luttes hégémoniques ethniques187 s'observent désormais à grande échelle au sein des sociétés politiques sahéliennes et s'inscrivent au coeur des dynamiques du « dedans » et du « dehors » qui résument les mutations, transitions, changements et transformations desdites sociétés188. Dans un environnement ou la plupart, résignent à retourner chez eux malgré les campagnes de retour conjointes menées par les autorités camerounaise et centrafricaines, il convient de trouver un modus vivendi, car leur présence dans le département bénéficie également aux populations autochtones. En outre, il convient dans le même sens, d'améliorer l'image que les populations autochtones ont des autres camerounais. D'aucuns estiment qu'il s'agit avant tout de leur village « Sa'ayé ye, ne sa'ayé k'ee »189 et que les autres constituent des « Guadda Mayoo »190 ou « Téé-téé » B- LA PROMOTION D'UNE COHABITATION PACIFIQUE ENTRE TOUTES LES COMPOSANTES SOCIOLOGIQUES Le préambule de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, dispose que nul ne peut être inquiété en raison de son appartenance ethnique, géographique, et culturelle. De même membre de la Convention de Genève de 1951, le Cameroun se doit de garantir la protection des populations, qu'elles soient autochtones, allochtones ou étrangères (refugies) sur son territoire. La prise en charge191 collective de l'intérêt d'une cohabitation harmonieuse doit constituer un impératif catégorique suprême en vue de désamorcer d'éventuels conflits de nature plus ou moins disparate. En ce qui concerne la cohabitation pacifique entre population autochtone et refugies dans le département du Mbéré, il sied de rappeler dans une perspective transnationaliste, de rappeler à la suite de WEISS, que leur présence sur le sol Camerounais entrainerait proportionnellement une répartition des couts et responsabilités entre l'Etat et les institutions internationales192. Les fruits de cette coopération pourraient en substance, s'analyser au sens de John Ruggie, comme des moyens plausibles pouvant contribuer à prévenir, à résoudre, à réduire, à contenir ou plus exactement à contrer toute menace susceptible d'altérer les relations entre ces catégories sociales193. 65 185 Habmo (B), « Quand les peuples nomades se sédentarisent, Multiculturalisme et cohabitation au Sahel » 186 Mohamadou DALAILOU, Les rapports entre la population locale et les refugies centrafricains dans la région de l'Adamaoua de 1965-2015 Mémoire présenté en vue de l'obtention du diplôme de Master 2 Recherche en Science politique, 2016 187 Cette situation a aussi été étudiée par le Pr. Ibrahim MOUICHE, dans son article sur l'autochtonie, les chefferies traditionnelles et la construction d'une sphère publique locale Op.cit 188 Georges (B), Sens et puissance, Les dynamiques sociales, Paris, PUF, 1981, P. 340 189 Entretien avec Moussa Pierre, à Djohong le 07/06/ 2019 190 Cette imagerie s'est développée dans toutes les régions septentrionales pour exprimer le rejet et l'extranéité des individus qui ne sont pas issus de la même aire géographique que d'autres 191 Au sens de Maurice (B) et Caroline (B), Dictionnaire de la réadaptation, tome 2 : termes d'intervention et d'aides techniques, Québec : Les publications du Québec, 1997, P. 60 192 Thomas (W.G)/David ( F)/ Roger (C.A), The United Nations and Changing World Politics (Second Edition), Boulder, Westview Press, 1997, P. 273-274 193 John (R.G), Winning the peace : America and World Order in the New Era, New York, Columbia University Press, 1996, P. 81 Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester Relativement aux autres couches sociales allochtones, le « dialogue entre les cultures » doit nécessairement prendre le pas sur le « choc des cultures »194 en vue à une meilleure perception de l'urbanisation au Cameroun et dans le Mbéré en particulier. L'interdépendance constitue dans le même sillage, une possible voie à explorer car, la dynamique de modernisation des sociétés politiques engagée depuis la révolution industrielle ainsi que l'expansion rapide de l'urbanisation dans le monde ` aussi bien dans les pays du Nord que dans ceux en voie de développement), place celle-ci au coeur même du processus de développement. SECTION II : LES LOGIQUES INSTITUTIONNELLES D'INTEGRATION DES AUTOCHTONES MINORITAIRES PARAGRAPHE I : LA CONSOLIDATION DU DISPOSITIF LEGISLATIF NATIONAL DE PLANIFICATION URBAINE ET D'INTEGRATION DES AUTOCHTONES MINORITAIRES La protection des autochtones et minorités étant cruciale pour une paix durable, il convient de l'enliser dans la législation nationale grâce à une profonde série de réforme des textes relatifs au foncier et à l'urbanisme. Au sens du Pr. Mouiche Ibrahim, il sied d'assurer « garantie statutaire »195. A- LES RÉFORMES / FORESTIÈRE ET L'ENONCIATION EXPRESSE DES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES ET MINORITAIRES DANS UN CORPUS LEGISLATIF Les lois de 1974 qui président le dispositif législatif en matière foncière, parce qu'elles n'ont pas obéit, au sens du Pr. KOUAM a une étude préalable à fort ancrage social, méritent plus que jamais de faire l'objet de réforme. Car, comme le soulignait si bien MONTESQUIEU, « Les lois doivent être tellement propres au peuple pour lequel elles sont faites, que c'est un grand hasard si celles d'une Nation peuvent convenir à une autre. Elles doivent être relatives au physique du pays, au climat, brûlant ou tempéré, au genre de vie du peuple : laboureur, chasseur ou pasteur ; elles doivent se rapporter au degré de liberté que la Constitution peut souffrir, à la religion des habitants, à leurs inclinations, à leurs richesses, à leur nombre, leur commerce, leurs moeurs, leurs manières... C'est dans toutes ces vues qu'il faut les considérer. Ces rapports forment ensemble ce que l'on appelle l'Esprit des Lois »196 . Ainsi, pour une insertion optimale et bénéfique dans le processus d'urbanisation dans le département du Mbéré en particulier, et au Cameroun en général, il est vivement souhaité d' harmoniser la législation nationale avec les normes régionales et internationales sur les droits des populations autochtones. En outre, il semble opportun d' adopter dans les meilleurs délais une législation appropriée pour la protection des droits humains des populations 66 Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester 194 Pour reprendre la formule heureuse de Samuel HUNTINGTON dans sa conception du Choc des civilisations 195 Autochtonie, Chefferies traditionnelles et construction d'une sphère publique locale op.cit. p.92 196 MONTESQUIEU, Esprit des Lois, Livre I, chapitre 3. 7 autochtones. L'harmonisation de la législation foncière et l'adoption des mesures spéciales permettant aux populations autochtones de jouir pleinement de tous leurs droits notamment leurs droits fonciers, et oeuvrer à la prise en compte de leurs spécificités culturelles, dont le nomadisme, afin d'éviter que ce facteur ne freine la jouissance de leurs droits constituent une voie idéale de protection des autochtones minoritaires et même de leur intégration dans le processus d'urbanisation. Cette réforme doit permettre aux autochtones d'agir comme acteur dans l'occupation des terres ancestrales, ainsi que des ressources naturelles. B- LA PROTECTION DU DROIT DE LA FEMME AUTOCHTONE ET LA PLANIFICATION APPROFONDIE DE L'URBANISME Les femmes autochtones font face à de multiples formes de discrimination, entre autres, du fait qu'elles sont femmes et autochtones. Elles font partie d'un groupe de personnes extrêmement vulnérables et marginalisées dont les droits sont souvent bafoués. Leurs droits sont garantis par divers instruments juridiques régionaux et internationaux, tel que la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (ci-après CEDEF) que le Cameroun a ratifiée en août 1994 et le Protocole à la Charte africaine sur les droits de l'homme et des peuples relatif aux droits des femmes (le Protocole), ratifié en décembre 2012197 Aussi, la loi portant planification de au Cameroun doit nécessairement respecter systématiquement les aires culturelles. La représentativité de la gente féminine dans les cercles stratégiques de prise de décisions constitue tout de même un volet important de cette réforme. PARAGRAPHE II : L'AMÉLIORATION DE LA CONNEXITÉ DES LOCALITÉS DU DÉPARTEMENT DU MBÉRÉ Avec une superficie répartie en quatre commune d'arrondissement, la gestion efficace de l'urbanisation dans le département du Mbéré, requiert une superstructure de coordination sous la forme actuelle d'une communauté urbaine propre à impulser une synergie d'action nouvelle et à définir un cadre d'action cohérent aux communes d'arrondissements dans cette circonscription (A). Cette institution, pourrait nécessairement contribuer au développement de la zone par l'harmonisation des stratégies intercommunales de réhabilitation et d'extension des réseaux routiers (B). 67 Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester 197 Rapport supplémentaire op.cit. p.29 Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester Photo 5 : Route Meiganga- Kombo-laka-Djohong-Ngaoui, 23 août 2019, Digna Denam
En raison de leur appartenance à une même aire géographique et en vue de mieux répondre aux attentes des populations dans un contexte d'urbanisation, une synergie d'actions concertée entre les différentes parties prenantes à ce processus s'impose. Et ce, d'autant plus que comme dans la frange majorité des circonscriptions administratives du pays, les infrastructures de communication actuelles ne sont pas susceptibles d'assurer un décollage économique dans cette 68 198 Notamment, celle issue de la récente loi n°2019/024 du 24 décembre 2019 portant Code des Collectivités Territoriales Décentralisées au Cameroun aire géographique199. La réliance entre les Communes du département s'avère compromettante. Dans cette perspective, une harmonisation des stratégies sectorielles de réhabilitation, d'extension et d'amélioration des voies de communications, s'impose avec acuité. 69 199 Cela est d'autant plus important que la route reliant Ngaoui à Meiganga fut construite en 1948, tandis que celle reliant Ngaoui à Yafounou a été créée en 1958-1960 Joseph ENAMA Tsana) Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester CHAPITRE II : LES APPROCHES COMPLEMENTAIRES D'INSERTION DES AUTOCHTONES MINORITAIRES DANS LA DYNAMIQUE D'URBANISATION « Sans une citoyenneté active, responsable et disciplinée, sans une autorité bien ordonnée, sans une capacité réelle de l'État à répondre effectivement aux attentes des populations (santé, éducation, sécurité, emploi, logement, routes, loisirs, etc.), la lutte contre le désordre urbain à toutes les chances d'être un combat perdu d'avance »200. Cette assertion forte du Pr. Janvier ONANA, dénote clairement les stratégies indispensables susceptibles de régler les problèmes pouvant découler du « désordre urbain ». Ainsi donc, à côté de l'hypothèse de l'institution d'un centre d'amitié des autochtones comme ce fut le cas de l'expérimentation canadienne, diverses autres stratégies concourant au renforcement du rôle des acteurs méritent d'être mises sur pied en vue de donner à l'urbanisation un visage humain grâce à la bonne gouvernance urbaine. SECTION I : L'INSTITUTION DES CENTRES D'AMITIÉ DES AUTOCHTONES MINORITAIRES ET LE DÉVELOPPEMENT DES CENTRES DE SAUVEGARDE CULTURELLE Une implication optimale des autochtones minoritaires dans le département du Mbéré nécessite l'institution d'un centre d'amitié des autochtones et l'érection des monuments historiques propres à la restauration de l'historicité des peuples autochtones. PARAGRAPHE 1- L'INSTITUTION D'UN CENTRE D'AMITIÉ DES AUTOCHTONES MINORITAIRES L'implémentation des institutions autochtones en milieu urbain 201 , est une innovation canadienne en matière de protection des autochtones dans un contexte marqué par l'urbanisation. Par la création d'un centre d'amitié autochtone, l'intégration des autochtones dans le processus d'urbanisation pourrait contribuer efficacement à la réduction de la marginalisation des autochtones. Selon une bonne frange des personnes interrogées, le fait de s'impliquer dans de telles organisations permettrait d'apprendre à mieux connaître leur nouveau milieu de vie, à rencontrer des gens et ainsi partager des expériences et des difficultés communes, et trouver des solutions ou des outils pour mieux y faire face202. Cette initiative pourrait raisonnablement contribuer à susciter la synergie nécessaire pour la valorisation de la solidarité communautaire et l'unité dans la diversité. Le Mouvement des Centres d'amitié autochtones est présent à l'échelle nationale depuis plus de cinquante (50) ans. Ainsi, au Canada, il existe 117 Centres d'amitié autochtones 70 200ONANA janvier, Gouverner le désordre urbain : Sortir de la tragique impuissance de la puissance publique au Cameroun, L'Harmattan, 2019 Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester 201 Université du Québec à Montréal le racisme à l'égard des autochtones en milieu urbain au Québec : expériences, enjeux et défis mémoire présenté comme exigence partielle de la maîtrise en sociologie par Kim O'bomsawin mai 2011, p.135 202 Entretien avec BELLO bosal, enseignant vacataire au lycée classique de Meiganga le 14/08/2019 qui oeuvrent auprès de la population autochtone urbaine. Ces derniers sont regroupés à l'intérieur de l'Association nationale des centres d'amitié (ANCA)203 Améliorer la qualité de vie des Autochtones, promouvoir la culture et bâtir des ponts avec la communauté allochtone composent la mission des Centres d'amitié autochtones 204 . Les centres d'amitié autochtones, militeraient donc en faveur d'une socialisation des autochtones en milieu urbain, face aux nouveaux enjeux et défis induites par la mondialisation. PARAGRAPHE II : L'ERECTION DES MONUMENTS PROPRES A LA RESTAURAION DE L'HISTORICITE DES AUTOCHTONES ET LA RESTRUCTURATION DU CENTRE CULTUREL « KARNOU » DE MEIGANGA SECTION II : LA DENSIFICATION DU ROLE DES PRINCIPAUX ACTEURS DE L'URBANISATION Dans le but de promouvoir une urbanisation futuriste et harmonieuse, la place et le rôle des parties prenantes dans cette dynamique doit nécessairement être débarrassés de toute imprécision et conflit de compétences de quelques natures qu'ils soient. Ainsi, il sied de repréciser l'apport des acteurs institutionnels et dérivés. |
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