Les autochtones minoritaires et la dynamique d'urbanisation au Cameroun: l'expérience du département du Mbéré dans la région de l'Adamaoua (Cameroun)par Sylvester DIGNA DENAM Université de Ngaoundéré - Master II en Science Politique 2018 |
PARAGRAPHE II : LE VISAGE CONTRASTÉ DE L'URBANISATIONL'étude du visage contrasté de l'urbanisation dans le département du Mbéré, s'effectuera en s'appesantissant sur le binôme quartiers « nantis »-quartiers des prolétaires d'une part, et L'émergence des quartiers à connotation ethno identitaires d'autre part. A- LE REFLET DE L'INEGALITÉ SOCIOECONOMIQUE : La gentrification Le mot de gentrification (de l'expression anglais gentry) désigne le processus d'embourgeoisement de certains quartiers des villes. Le terme a été utilisé par Ruth Glass pour la première fois en 1963, dans une étude consacrée à Londres, qui décrit l'installation de ménages des classes moyennes aisées dans les anciens quartiers dévalorisés. Depuis, le phénomène a gagné en ampleur, en affectant bien d'autres agglomérations que les seules villes anglo-saxonnes. En témoignent ces analyses qui nous transportent de New York à São Paulo, en passant par Bruxelles, Barcelone, Naples, Mexico ou encore Lyon ou Paris. On y traite non seulement des causes mais des formes différentes que peut prendre la gentrification, revitalisant ainsi les études de sociologie urbaine. Jacques Donzelot esquisse, par exemple, l'avènement d'une « ville à trois vitesses » (Esprit, mars 2004). Selon lui, la montée de l'insécurité et de la précarité enclenche une « logique de séparation » débouchant sur une spécialisation de l'espace. On assiste ainsi à une relégation des cités d'habitat social, à une périurbanisation des classes moyennes « qui redoutent la proximité avec les «exclus» des cités mais se sentent «oubliés» par l'élite des «gagnants» », cette dernière réinvestissant les centres villes progressivement désertés par les autres catégories. De son côté, Éric Maurin, dans Le Ghetto français analyse la gentrification, l'embourgeoisement comme une forme de ségrégation, ce processus se faisant souvent par l'expulsion des plus faibles vers des zones périphériques ou moins demandées. « Depuis le milieu des années 1990, les chercheurs s'intéressent en particulier au rôle des politiques publiques dans la gentrification et à ses conséquences sur les classes populaires, la plupart du temps évincées en périphérie. Avec Neil Smith, géographe marxiste élève de David Harvey, un fort courant de géographie radicale structure le champ de la gentrification, en lui donnant une assise critique. » (Anne Clerval, www.hypergeo.eu). Quelle que soit la forme qu'ils revêtent, ces « retours en ville » des classes moyennes aisées marquent aussi le retour des villes, ou du moins des plus importantes d'entre elles, dans le contexte de l'économie mondialisée et postfordiste143 Dans cette configuration, on assiste à l'opposition entre des quartiers tels B- L'EMERGENCE DES QUARTIERS ETHNO-IDENTITAIRESLe processus de gentrification étudié supra trouve son aboutissement dans la montée en puissance des quartiers à connotation tribales ou ethnique. Comme un peu partout au Cameroun, l'on note les quartiers Haoussa, Quartier Bamoun, Quartier Bami, Yeloa, Ngoa-Ekelle etc. 45 Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester 142 Entretien réalisé avec Souman le 18/09/2019 143 Cf. Dictionnaire des sciences sociales Op.cit., p. 148 Il convient en outre, de relever que l'absence d'un quartier spécial Gbaya se justifierait par le fait que ce groupe constitue la principale population autochtone du paysage social dans le Mbéré. Cette dichotomie qui contribue à rehausser les analyses politiques du phénomène d'urbanisation, exprime les pratiques sociales de chaque cadre d'étude. Pour Claude FELTZ, 144 « une théorie de la forme urbaine qui exclurait de son apport explicatif, la réalité des pratiques individuelles productives de l'espace par la construction résidentielle-initiatives atomisées s'il en est-n `aurait pas plus de Sens que les totalitarismes théoriques dénoncés par ailleurs ». Cela explique le système de goût (l'architecture résidentielle démontre l'anthropologie culturelle, reflète les conditions objectives d'existence) qui caractérise l'organisation spatiale et sociale des villes. 46 Mémoire présenté par DIGNA DENAM Sylvester 144 FELTZ (C) et Gilles RITCHOT, Formes urbaines et pratique sociale, Éditions CIACO Louvain la neuve p. 256-258 CHAPITRE II : LES LACUNES ET INCOHÉRENCES DES DISPOSITIFS INSTITUTIONNELS DE PLANIFICATION URBAINE ET D'INCORPORATION DES AUTOCHTONES MINORITAIRES En dépit de l'énonciation préambulaire de la garantie du droit des minorités et des peuples autochtones au Cameroun par la Constitution du 18 janvier 1996, il semble fort révélateur de constater l'absence d'un texte législatif nécessaire pour appuyer cette protection juridique. Et il convient, de s'intéresser d'une part, à l'étude de la planification urbaine avant 1996 et, celle de 1996 à nos jours d'autre part. SECTION I : L'ANALYSE DE L'ETAT DE LIEU DES TEXTES DE RÉGULATION DE L'URBANISATION AU CAMEROUN : L'EXPULSION FONCIÈRE DES AUTOCHTONES PAR LES LOIS PORTANT RÉGIME FONCIER DE 1974 La planification urbaine, c'est la méthode de prévision et d'organisation qui permet aux autorités publiques d'orienter et de maitriser le développement urbain par l'élaboration et la mise en oeuvre de document d'urbanisme. Elle s'exprime par les plans d'occupation de sols (POS) et les anciens SDAU, appelés aujourd'hui schémas directeurs (SD). Les POS sont des documents qui déterminent avec précision l'affectation des sols et les règles de leur utilisation. Les SD définissent quant à eux les règles générales du développement urbain à l'échelle d'une ou de plusieurs agglomérations. Elle s'inscrit dans la perspective de l'aménagement du territoire. -L'aménagement du territoire : C'est une expression désignant l'organisation d'un territoire conçu comme le siège géographique des activités humaines. L'aménagement du territoire consiste à modifier et optimiser la répartition des individus et de leurs activités dans un souci d'équilibre géographique et d'efficacité économique. (Encarta 2008). Nous nous interrogerons de cette réalité avant et après 1996. |
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