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Les facteurs des insuffisances de la prise en charge des diabétiques dans la zone de santé d'Ibanda à  Bukavu


par Diem Kabongo
Université Évangélique en Afrique - Docteur en Médecine 2019
  

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III. DISCUSSION

De 483 patients ayant participés à notre étude, 291 étaient de sexe féminin soit un taux de participation de 60,25% avec un sexratio H/F de 0,66. Ce quitémoignerait une forte fréquentation féminine des structures sanitaires. Cette prédominance féminine a été constatée par Alioune C. [39] et par Togola A. [41], respectivement avec comme taux de participation 62,7% et 64,0 %.

La majorité de nos patients, soit 66,05%, avaient un niveau d'étude primaire ou moins, ce qui se rapproche des résultats d'Alioune [39], dans sa population au Cameroun, qui trouve un niveau inférieur au niveau secondaire majoritaire à 65,0 % ; lorsque Togola [41] trouve pour cette catégorie de patients un taux de 55,0 %.

85,92 % de nos patients étaient diabétiques de type II, se rapprochant ainsi des résultats de Togola [41] qui trouve 88,0 % de diabétiques type II. Ceci s'expliquerait par le fait que la littérature souligne que le Diabète sucré de type II est plus fréquent que celui du type I.

16 patients diabétique type I (soit 3,3 %) sont sous ADO et 3 autres (0,62 %) du même type sous MHD seules. Cette contradiction reflète une image faussée de leur comportement vis-à-vis des traitements recommandés. Et l'explication logique serait, selon la FID Région Afrique [42], le fait que les patients diabétiques sont généralement pris en charge par un personnel soignant souvent mal formé à cette tâche ; de même, il s'avère que les moyens diagnostics mis à la disposition du personnel soignant ne permettent pas du tout une prise en charge efficace et adapté. Les représentations et croyances autour de l'insuline y jouent leur rôle [25] tout en y ajoutant le manque de ressources (personnel qualifié, finances dérisoires, logistique, etc.).

Dans notre série, le retard d'adhésion au traitement médical a été observé avec une moyenne de 0,40 ans et un maximum de 9,9 ans. Selon Reach [35], toute annonce d'une maladie représente « le deuil de la santé perdue » entraînant différents mécanismes de défense que sont le choc initial, le déni, la colère, le marchandage, la réflexion/dépression puis l'acceptation. A cet argument, il convientaussi, dans notre contexte, d'incriminer le manque d'une relation de proximité Médecin-patient[8], l'inexistence d'un système d'assurance maladie favorable aux patients diabétiques et le coût lié à la prise en charge médicale du Diabète[10].C'est en ce sens qu'il est possible d'interpréter le retard d'adhésion à la PEC médicale proposée contre le Diabète. Ce retard constitue un mécanisme de défense permettant de diminuer l'angoisse de mort liée à celle-ci, par insouciance du diagnostic posé.

50,52 % ne fréquentent aucune association des diabétiques ; ce qui serait justifié par l'effectif réduit de celles-ci etleur géolocalisation, ainsi qu'un effectifmoindre des structures médicales de suivi des diabétiques (qui ne sont qu'à sept dans six aires de santé, sur un total de 14 aires de santé) au sein de la ZS d'Ibanda. Et pourtant, il s'agit là, selon CAPSANTE [44] d'un regroupement de personnes ayant des problèmes similaires et qui s'aident les unes les autres, par l'écoute, le soutien, le partage et l'action, à s'adapter aux difficultés qui sont les leurs pour ainsi influencer positivement certaines habitudes, tentent d'y remédier. Ces groupes de patients réunissent des personnes diabétiques et organisent différentes activités de rencontre (sensibilisations, conférences, formations, sorties...) et d'information.

De ces 49,48 % fréquentant les associations des diabétiques, il s'avère que l'association des diabétiques de Panzi (ADP) est la plus fréquentée avec un taux de 51,88 %. La raison serait liée au fait que l'ADP est soutenue par la paroisse catholique de Panzi et ses membres bénéficient d'une facilité d'accès aux traitements antidiabétiques par réduction des prix de ceux-ci.

70,39 % de notre population n'ont jamais bénéficié d'une quelconque formation sur le Diabète. 53,62 % n'ont jamais bénéficié de conseil par écrit ou verbal sur les mesures diététiques du Diabète. Alors que 88,78 % du personnel soignant n'ont jamais bénéficié d'aucune formation sur le Diabète après la sortie de l'école/faculté. Ce qui est loin d'être proche des résultats trouvés par Togola [41], qui au sein de sa population, population au sein de laquelle 98 % avaient bénéficié d'une éducation sur les mesures diététiques du Diabète. Et pourtant, une formation du patient (ou ETP) à propos du Diabète aurait un rôle primordial car elle permettrait au patient de gagner en autonomie, de mieux appréhender sa maladie et son traitement.

74,74 % de nos patients avaient reçu au moins une recommandation, de la part d'un personnel soignant, de pratiquer une activité physique ; lorsque pour Togola [41], 86 % avaient reçu cette recommandation. Cette différence pourrait s'expliquer par le fait nous n'avions pas la même taille d'échantillon.

73,08 % de nos patients ont déjà recouru à un traitement traditionnel (indigène), ce qui s'articulerait sur le rapport de force entre la médecine moderne et celle traditionnelle ; par le fait que les tradipraticiens n'hésitent pas de promettre guérison totale du Diabète, il s'y ajoute les effets de leur proximité envers la communauté, de leur influence et du capital de confiance dont ils jouissent auprès de celle-ci [8].

Dans notre série, 69,57 % de notre population ne possèdent pas un lecteur de glycémie, ce qui n'est pas satisfaisant par rapport aux résultats de Nadia [40], résultats selon lesquels 86 % de sa population avait un glucomètre chacun. Cette lourde différence s'expliquerait par les contextes socioéconomiques très différents de nos deux populations. Cette privation, expliquerait-elle la fréquence des hypoglycémies ? La survenu d'une mauvaise observance thérapeutique ? Lorsque ce lecteur utilisé comme un outil permettant de suivre l'ajustement glycémique et faciliter une autogestion thérapeutique.

Dans notre série, seul 1,04 % de notre population avait déclaré avoir déjà entendu parler de l'HbA1c, 0,41 % (soit deux patients) connaissait son dernier taux d'HbA1c et 100,00 % n'avait aucune connaissance sur l'intérêt de cette dernière. Ceci est dû à plusieurs facteurs essentiellement l'analphabétisme qui est présent chez plus de 40% de nos patients ainsi que la méconnaissance du personnel soignant des pratiques actuelles recommandées dans le suivi des diabétiques[8,29,37]. Par contre, 40 % de la population de Togola [41] avait déjà bénéficié d'une éducation sur l'intérêt de l'HbA1c lorsque l'étude réalisée par Nadia [40] prouve que l'HbA1c était connue par 28 % de ses patients et seul 72 % ne connaissaient pas leur HbA1c. Ceci prouve combien les patients diabétiques sont suivis mais sans un objectif glycémique poursuivi.

Notre étude prouve que 96,07 % de notre population ne bénéficient pas d'une quelconque couverture de soins de santé, ce qui impacterait négativement le bien-être de diabétiques ; limitant ainsi l'autocontrôle glycémique, la consultation médicale, l'adhésion facile au traitement médical et le contrôle trimestriel recommandé. Il en va de même pour le faible taux de dépistage volontaire au Diabète.

8,07 % étaient en dénutrition avec un IMC inférieur à 18,5 Kg/m2 et 16,16 % avaient présenté une obésité avec une IMC supérieure à 30 Kg/m2. Presque tous les patients ne connaissaient pas leur IMC et avait signalé que cette mesure n'était pas faite auparavant. Cette insuffisance pourrait être attribuée :

1)A la méconnaissance de la part du personnel soignant des paramètres et de la formule du calcul de l'IMC,

2)Au comportement du personnel soignant à ne pas prendre correctement les valeurs intéressées,

3)A l'absence de matériel pour la détermination de paramètres.

Pour Aminata T. [43],1,25 % de sa population était en dénutrition contre 2 % ayant présenté une obésité.

Selon FISCHER et al. [33], des études ont montré qu'environ 40% de ce qui se dit pendant la consultation est immédiatement oublié ; et lorsque les propos du médecin ne paraissent pas clairs, 40% seulement des informations sont comprises.

77,27 % de notre population sont vu de façon collective par le personnel soignant au cours de leurs rendez-vous. Ce qui entraverait, aussi, le bon suivi des diabétiques, car fondus dans la masse, certains expriment des difficultés de communication lors de ce genre de rendez-vous: du fait que tous les sujets ne peuvent pas être abordés, certaines choses étaient parfois cachées [36]. Selon FISCHER et al. [33], le patient qui remet sa santé et souvent sa vie entre les mains d'un personnel soignant cherche à trouver des éléments psychoaffectifs qui vont le rassurer. Ainsi, une attitude positive, exprimer de la chaleur humaine, de l'empathie, donner le sentiment de se préoccuper vraiment de son patient, et l'encourager sont autant d'éléments qui contribuent à améliorer la relation et favoriser l'observance thérapeutique chez le patient.

53,42 % de notre population ont déjà observé une rupture du traitement pour différentes raisons, dont celle liée aux problèmes financiers avec un taux de 92,64 % lorsque seulement 4,26 % accusent la non-disponibilité des produits aux lieux d'approvisionnement. Ces fenêtres thérapeutiques ne restent pas sans conséquences, et mettant ainsi le bien être des patients en péril.

Dans notre série, au total 12,21 % ont réalisé certains examens paracliniques recommandés. Nous apprécions que la majorité de nos patients n'ait pas fait les examens paracliniques à larecherche des complications : la protéinurie de 24 heures, le fond d'oeil, le bilancardiaque, le bilan lipidique et le dosage de l'HbA1C.Ces insuffisances expriment un mauvais suivi du Diabète et du diabétique et s'expliqueraient par le fait que :

1. Les analyses n'ont pas été demandées par le personnel soignant, par méconnaissance de l'intérêt de ceux-ci dans la prise en charge et le suivi du malade diabétique,

2. L'insuffisance dans la sensibilisation et l'éducation thérapeutique du maladedans le cadre de la prise en charge et le suivi des diabétiques,

3. La pénurie des outils nécessaires de suivi dans les structures sanitaires,

4. L'accessibilité géographique de la structure pour les malades,

5. Les moyens financiers, du malade, souvent limités.

La majorité du personnel impliqué dans la PEC du Diabète (Médecins généralistes et Infirmiers), soit 95,92 % avaient un niveau de connaissance générale sur la maladie et 88,78 % avouent ne jamais avoir bénéficié d'une quelconque formation sur le Diabète. Dans la série d'Aminata TRAORE [43], 10 % du personnel soignant étaient spécialisé dans la priseen charge du diabète, lorsque le tous les autres n'avaient qu'une connaissance générale. Ce qui poserait un problème de compétence du personnel soignant à poser précocement le diagnostic et assurer une prise en charge correcte et efficace ; et qui soit d'ailleurs multidisciplinaire. Une méta-analyse [32] de 127 études a montré que l'observance thérapeutique des patients dont le personnel soignant avait bénéficié d'une formation spécifique était améliorée de plus de 60% par rapport à celle des patients dont le médecin traitant n'avait pas été formé.

En étudiants les corrélations entre différents paramètres de notre étude, nous avons constaté ce qui suit :

Ä Dans notre étude, nous observons une relation statistiquement significative entre le niveau d'étude et la connaissance de l'HbA1c (p=0,005), elle était statistiquement significative aussi en ce qui concerne la possession d'un lecteur de glycémie (p=0,000), significative avec le bénéfice d'une formation sur le Diabète (p=0,004) ainsi que l'utilité des conseils reçus auprès d'un personnel soignant (p= 0,000).

Ä Le temps consacré par le personnel soignant pour le patient, la relation était statistiquement significative avec la compréhension de l'administration du traitement de la part du patient (p=0,000), aussi bien que la facilité d'abord des problèmes préoccupant le patient (p = 0,000), et à l'utilité des conseils reçus de la part du personnel soignant (p= 0,000).

Ä La relation était statistiquement significative entre la rupture du traitement médical et l'âge (p=0,003), aussi bien que la glycémie (p=0,000), significative avec la facilité de suivre le régime alimentaire (p=0,000) et significative avec l'oublie de la prise du traitement (ADO et Insuline) (p=0,000).

Ä L'utilité des conseils reçus auprès d'un personnel soignant, la relation était statistiquement significative avec le recours à un traitement traditionnel (p=0,000), aussi bien que la survenue d'une hypoglycémie sévère (p=0,000), significative avec la facilité de consulter un personnel soignant (p=0,000), significative avec l'abord des problèmes qui préoccupent le patient (p=0,000), significative avec la connaissance de l'entourage du patient par rapport aux conduites à tenir en cas d'urgence (p=0,001).

Ä La survenue d'une hypoglycémie, la relation était statistiquement significative avec la connaissance de l'entourage du patient par rapport aux conduites à tenir en cas d'urgence (p=0,005)

Ä La glycémie, la relation était statistiquement significative avec le recours au traitement traditionnel (p=0,002), ainsi que la facilité de suivre quotidiennement le régime alimentaire (p=0,000).

Ä L'oublie de l'observance thérapeutique (ADO et Insuline), la relation était statistiquement significative avec l'observance quotidienne du régime alimentaire (p=0,000), aussi bien que la compréhension du régime alimentaire (p=0,002), ainsi qu'avec la compréhension de la manière de prise du traitement médical (p=0,002).

Ä La compréhension du régime alimentaire, la relation était statistiquement significative avec l'âge (p=0,002).

Ä La compréhension de la manière de prise du traitement, la relation était statistiquement significative avec la facilité de suivre le régime alimentaire (p=0,000).

Ä Dans notre étude, la relation était statistiquement significative entre le recours au traitement traditionnel et la compréhension de la manière de prendre le traitement médical (p=0,000), aussi bien que la facilité d'observer quotidiennement le traitement médical (p=0,000).

Ä La relation était statistiquement significative entre le mode de rendez-vous personnel soignant-patient et la recommandation d'observer une perte pondérale (p=0,003).

Ä Le niveau de formation du personnel soignant, la relation est statistiquement significative avec la connaissance du patient de l'HbA1c (p=0,000).

Ä La fréquence de visite auprès d'un personnel soignant pour le suivi du Diabète, la relation était statistiquement significative avec le niveau d'étude du patient (p=0,003) ainsi qu'avec la couverture de soins de santé (p=0,003).

Ä La fréquentation d'une association des diabétiques, la relation était statistiquement significative avec la couverture de soins de santé (p=0,003) mais n'était pas statistiquement significative avec la profession (p=0,008).

Ä L'IMC, la relation était statistiquement significative avec la surcharge en cholestérol ou les triglycérides (p=0,000) aussi bien que la survenu des complications (p=0,000).

Ä Dans notre étude, la relation était statistiquement significative entre le recours aux MHD et le retard d'adhésion à un traitement médical, ainsi qu'avec la surcharge en cholestérol ou les triglycérides (p=0,004).

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway