III. DISCUSSION
De 483 patients ayant participés à notre
étude, 291 étaient de sexe féminin soit un taux de
participation de 60,25% avec un sexratio H/F de 0,66. Ce quitémoignerait
une forte fréquentation féminine des structures sanitaires. Cette
prédominance féminine a été constatée par
Alioune C. [39] et par Togola A. [41],
respectivement avec comme taux de participation 62,7% et 64,0 %.
La majorité de nos patients, soit 66,05%, avaient un
niveau d'étude primaire ou moins, ce qui se rapproche des
résultats d'Alioune [39], dans sa population au
Cameroun, qui trouve un niveau inférieur au niveau secondaire
majoritaire à 65,0 % ; lorsque Togola [41] trouve
pour cette catégorie de patients un taux de 55,0 %.
85,92 % de nos patients étaient diabétiques de
type II, se rapprochant ainsi des résultats de Togola
[41] qui trouve 88,0 % de diabétiques type II. Ceci
s'expliquerait par le fait que la littérature souligne que le
Diabète sucré de type II est plus fréquent que celui du
type I.
16 patients diabétique type I (soit 3,3 %) sont sous
ADO et 3 autres (0,62 %) du même type sous MHD seules. Cette
contradiction reflète une image faussée de leur comportement
vis-à-vis des traitements recommandés. Et l'explication logique
serait, selon la FID Région Afrique [42], le fait que
les patients diabétiques sont généralement pris en charge
par un personnel soignant souvent mal formé à cette
tâche ; de même, il s'avère que les moyens diagnostics
mis à la disposition du personnel soignant ne permettent pas du tout une
prise en charge efficace et adapté. Les représentations et
croyances autour de l'insuline y jouent leur rôle [25]
tout en y ajoutant le manque de ressources (personnel qualifié,
finances dérisoires, logistique, etc.).
Dans notre série, le retard d'adhésion au
traitement médical a été observé avec une moyenne
de 0,40 ans et un maximum de 9,9 ans. Selon Reach [35], toute
annonce d'une maladie représente « le deuil de la santé
perdue » entraînant différents mécanismes de
défense que sont le choc initial, le déni, la colère, le
marchandage, la réflexion/dépression puis l'acceptation. A cet
argument, il convientaussi, dans notre contexte, d'incriminer le manque d'une
relation de proximité Médecin-patient[8],
l'inexistence d'un système d'assurance maladie favorable aux patients
diabétiques et le coût lié à la prise en charge
médicale du Diabète[10].C'est en ce sens qu'il
est possible d'interpréter le retard d'adhésion à la PEC
médicale proposée contre le Diabète. Ce retard constitue
un mécanisme de défense permettant de diminuer l'angoisse de mort
liée à celle-ci, par insouciance du diagnostic posé.
50,52 % ne fréquentent aucune association des
diabétiques ; ce qui serait justifié par l'effectif
réduit de celles-ci etleur géolocalisation, ainsi qu'un
effectifmoindre des structures médicales de suivi des diabétiques
(qui ne sont qu'à sept dans six aires de santé, sur un total de
14 aires de santé) au sein de la ZS d'Ibanda. Et pourtant, il s'agit
là, selon CAPSANTE [44] d'un regroupement de personnes
ayant des problèmes similaires et qui s'aident les unes les autres, par
l'écoute, le soutien, le partage et l'action, à s'adapter aux
difficultés qui sont les leurs pour ainsi influencer positivement
certaines habitudes, tentent d'y remédier. Ces groupes de patients
réunissent des personnes diabétiques et organisent
différentes activités de rencontre (sensibilisations,
conférences, formations, sorties...) et d'information.
De ces 49,48 % fréquentant les associations des
diabétiques, il s'avère que l'association des diabétiques
de Panzi (ADP) est la plus fréquentée avec un taux de 51,88 %. La
raison serait liée au fait que l'ADP est soutenue par la paroisse
catholique de Panzi et ses membres bénéficient d'une
facilité d'accès aux traitements antidiabétiques par
réduction des prix de ceux-ci.
70,39 % de notre population n'ont jamais
bénéficié d'une quelconque formation sur le
Diabète. 53,62 % n'ont jamais bénéficié de conseil
par écrit ou verbal sur les mesures diététiques du
Diabète. Alors que 88,78 % du personnel soignant n'ont jamais
bénéficié d'aucune formation sur le Diabète
après la sortie de l'école/faculté. Ce qui est loin
d'être proche des résultats trouvés par Togola
[41], qui au sein de sa population, population au sein de
laquelle 98 % avaient bénéficié d'une éducation sur
les mesures diététiques du Diabète. Et pourtant, une
formation du patient (ou ETP) à propos du Diabète aurait un
rôle primordial car elle permettrait au patient de gagner en autonomie,
de mieux appréhender sa maladie et son traitement.
74,74 % de nos patients avaient reçu au moins une
recommandation, de la part d'un personnel soignant, de pratiquer une
activité physique ; lorsque pour Togola [41], 86 %
avaient reçu cette recommandation. Cette différence pourrait
s'expliquer par le fait nous n'avions pas la même taille
d'échantillon.
73,08 % de nos patients ont déjà recouru
à un traitement traditionnel (indigène), ce qui s'articulerait
sur le rapport de force entre la médecine moderne et celle
traditionnelle ; par le fait que les tradipraticiens n'hésitent pas
de promettre guérison totale du Diabète, il s'y ajoute les effets
de leur proximité envers la communauté, de leur influence et du
capital de confiance dont ils jouissent auprès de celle-ci
[8].
Dans notre série, 69,57 % de notre population ne
possèdent pas un lecteur de glycémie, ce qui n'est pas
satisfaisant par rapport aux résultats de Nadia [40],
résultats selon lesquels 86 % de sa population avait un
glucomètre chacun. Cette lourde différence s'expliquerait par les
contextes socioéconomiques très différents de nos deux
populations. Cette privation, expliquerait-elle la fréquence des
hypoglycémies ? La survenu d'une mauvaise observance
thérapeutique ? Lorsque ce lecteur utilisé comme un outil
permettant de suivre l'ajustement glycémique et faciliter une
autogestion thérapeutique.
Dans notre série, seul 1,04 % de notre population avait
déclaré avoir déjà entendu parler de l'HbA1c, 0,41
% (soit deux patients) connaissait son dernier taux d'HbA1c et 100,00 % n'avait
aucune connaissance sur l'intérêt de cette dernière. Ceci
est dû à plusieurs facteurs essentiellement
l'analphabétisme qui est présent chez plus de 40% de nos patients
ainsi que la méconnaissance du personnel soignant des pratiques
actuelles recommandées dans le suivi des
diabétiques[8,29,37]. Par contre, 40 % de la population
de Togola [41] avait déjà
bénéficié d'une éducation sur
l'intérêt de l'HbA1c lorsque l'étude réalisée
par Nadia [40] prouve que l'HbA1c était connue par 28 %
de ses patients et seul 72 % ne connaissaient pas leur HbA1c. Ceci prouve
combien les patients diabétiques sont suivis mais sans un objectif
glycémique poursuivi.
Notre étude prouve que 96,07 % de notre population ne
bénéficient pas d'une quelconque couverture de soins de
santé, ce qui impacterait négativement le bien-être de
diabétiques ; limitant ainsi l'autocontrôle
glycémique, la consultation médicale, l'adhésion facile au
traitement médical et le contrôle trimestriel recommandé.
Il en va de même pour le faible taux de dépistage volontaire au
Diabète.
8,07 % étaient en dénutrition avec un IMC
inférieur à 18,5 Kg/m2 et 16,16 % avaient
présenté une obésité avec une IMC supérieure
à 30 Kg/m2. Presque tous les patients ne connaissaient pas leur IMC et
avait signalé que cette mesure n'était pas faite auparavant.
Cette insuffisance pourrait être attribuée :
1)A la méconnaissance de la part du
personnel soignant des paramètres et de la formule du calcul de
l'IMC,
2)Au comportement du personnel soignant
à ne pas prendre correctement les valeurs intéressées,
3)A l'absence de matériel pour la
détermination de paramètres.
Pour Aminata T. [43],1,25 % de sa population
était en dénutrition contre 2 % ayant présenté une
obésité.
Selon FISCHER et al. [33], des études
ont montré qu'environ 40% de ce qui se dit pendant la consultation est
immédiatement oublié ; et lorsque les propos du médecin ne
paraissent pas clairs, 40% seulement des informations sont comprises.
77,27 % de notre population sont vu de façon collective
par le personnel soignant au cours de leurs rendez-vous. Ce qui entraverait,
aussi, le bon suivi des diabétiques, car fondus dans la masse, certains
expriment des difficultés de communication lors de ce genre de
rendez-vous: du fait que tous les sujets ne peuvent pas être
abordés, certaines choses étaient parfois cachées
[36]. Selon FISCHER et al. [33], le patient
qui remet sa santé et souvent sa vie entre les mains d'un personnel
soignant cherche à trouver des éléments psychoaffectifs
qui vont le rassurer. Ainsi, une attitude positive, exprimer de la chaleur
humaine, de l'empathie, donner le sentiment de se préoccuper vraiment de
son patient, et l'encourager sont autant d'éléments qui
contribuent à améliorer la relation et favoriser l'observance
thérapeutique chez le patient.
53,42 % de notre population ont déjà
observé une rupture du traitement pour différentes raisons, dont
celle liée aux problèmes financiers avec un taux de 92,64 %
lorsque seulement 4,26 % accusent la non-disponibilité des produits aux
lieux d'approvisionnement. Ces fenêtres thérapeutiques ne restent
pas sans conséquences, et mettant ainsi le bien être des patients
en péril.
Dans notre série, au total 12,21 % ont
réalisé certains examens paracliniques recommandés. Nous
apprécions que la majorité de nos patients n'ait pas fait les
examens paracliniques à larecherche des complications : la
protéinurie de 24 heures, le fond d'oeil, le bilancardiaque, le bilan
lipidique et le dosage de l'HbA1C.Ces insuffisances expriment un mauvais suivi
du Diabète et du diabétique et s'expliqueraient par le fait que :
1. Les analyses n'ont pas été demandées
par le personnel soignant, par méconnaissance de l'intérêt
de ceux-ci dans la prise en charge et le suivi du malade diabétique,
2. L'insuffisance dans la sensibilisation et
l'éducation thérapeutique du maladedans le cadre de la prise en
charge et le suivi des diabétiques,
3. La pénurie des outils nécessaires de suivi
dans les structures sanitaires,
4. L'accessibilité géographique de la structure
pour les malades,
5. Les moyens financiers, du malade, souvent
limités.
La majorité du personnel impliqué dans la PEC du
Diabète (Médecins généralistes et Infirmiers), soit
95,92 % avaient un niveau de connaissance générale sur la maladie
et 88,78 % avouent ne jamais avoir bénéficié d'une
quelconque formation sur le Diabète. Dans la série d'Aminata
TRAORE [43], 10 % du personnel soignant étaient
spécialisé dans la priseen charge du diabète, lorsque le
tous les autres n'avaient qu'une connaissance générale. Ce qui
poserait un problème de compétence du personnel soignant à
poser précocement le diagnostic et assurer une prise en charge correcte
et efficace ; et qui soit d'ailleurs multidisciplinaire. Une
méta-analyse [32] de 127 études a montré
que l'observance thérapeutique des patients dont le personnel soignant
avait bénéficié d'une formation spécifique
était améliorée de plus de 60% par rapport à celle
des patients dont le médecin traitant n'avait pas été
formé.
En étudiants les corrélations entre
différents paramètres de notre étude, nous avons
constaté ce qui suit :
Ä Dans notre étude, nous observons une relation
statistiquement significative entre le niveau d'étude et la connaissance
de l'HbA1c (p=0,005), elle était statistiquement significative aussi en
ce qui concerne la possession d'un lecteur de glycémie (p=0,000),
significative avec le bénéfice d'une formation sur le
Diabète (p=0,004) ainsi que l'utilité des conseils reçus
auprès d'un personnel soignant (p= 0,000).
Ä Le temps consacré par le personnel soignant pour
le patient, la relation était statistiquement significative avec la
compréhension de l'administration du traitement de la part du patient
(p=0,000), aussi bien que la facilité d'abord des problèmes
préoccupant le patient (p = 0,000), et à l'utilité des
conseils reçus de la part du personnel soignant (p= 0,000).
Ä La relation était statistiquement significative
entre la rupture du traitement médical et l'âge (p=0,003), aussi
bien que la glycémie (p=0,000), significative avec la facilité de
suivre le régime alimentaire (p=0,000) et significative avec l'oublie de
la prise du traitement (ADO et Insuline) (p=0,000).
Ä L'utilité des conseils reçus
auprès d'un personnel soignant, la relation était statistiquement
significative avec le recours à un traitement traditionnel (p=0,000),
aussi bien que la survenue d'une hypoglycémie sévère
(p=0,000), significative avec la facilité de consulter un personnel
soignant (p=0,000), significative avec l'abord des problèmes qui
préoccupent le patient (p=0,000), significative avec la connaissance de
l'entourage du patient par rapport aux conduites à tenir en cas
d'urgence (p=0,001).
Ä La survenue d'une hypoglycémie, la relation
était statistiquement significative avec la connaissance de l'entourage
du patient par rapport aux conduites à tenir en cas d'urgence
(p=0,005)
Ä La glycémie, la relation était
statistiquement significative avec le recours au traitement traditionnel
(p=0,002), ainsi que la facilité de suivre quotidiennement le
régime alimentaire (p=0,000).
Ä L'oublie de l'observance thérapeutique (ADO et
Insuline), la relation était statistiquement significative avec
l'observance quotidienne du régime alimentaire (p=0,000), aussi bien que
la compréhension du régime alimentaire (p=0,002), ainsi qu'avec
la compréhension de la manière de prise du traitement
médical (p=0,002).
Ä La compréhension du régime alimentaire,
la relation était statistiquement significative avec l'âge
(p=0,002).
Ä La compréhension de la manière de prise
du traitement, la relation était statistiquement significative avec la
facilité de suivre le régime alimentaire (p=0,000).
Ä Dans notre étude, la relation était
statistiquement significative entre le recours au traitement traditionnel et la
compréhension de la manière de prendre le traitement
médical (p=0,000), aussi bien que la facilité d'observer
quotidiennement le traitement médical (p=0,000).
Ä La relation était statistiquement significative
entre le mode de rendez-vous personnel soignant-patient et la recommandation
d'observer une perte pondérale (p=0,003).
Ä Le niveau de formation du personnel soignant, la
relation est statistiquement significative avec la connaissance du patient de
l'HbA1c (p=0,000).
Ä La fréquence de visite auprès d'un
personnel soignant pour le suivi du Diabète, la relation était
statistiquement significative avec le niveau d'étude du patient
(p=0,003) ainsi qu'avec la couverture de soins de santé (p=0,003).
Ä La fréquentation d'une association des
diabétiques, la relation était statistiquement significative avec
la couverture de soins de santé (p=0,003) mais n'était pas
statistiquement significative avec la profession (p=0,008).
Ä L'IMC, la relation était statistiquement
significative avec la surcharge en cholestérol ou les
triglycérides (p=0,000) aussi bien que la survenu des complications
(p=0,000).
Ä Dans notre étude, la relation était
statistiquement significative entre le recours aux MHD et le retard
d'adhésion à un traitement médical, ainsi qu'avec la
surcharge en cholestérol ou les triglycérides (p=0,004).
|