CONCLUSION GENENRALE
168
Au sein d'un espace intégré, les questions
portant sur les effets de débordement budgétaires se posent avec
acuité. Depuis l'adoption du Pacte de Stabilité et de Croissance,
les marges de manoeuvres pour l'instrument budgétaire sont
sérieusement limitées par des critères déjà
prédéfinis. Cette thèse met en avant les
externalités budgétaires et leur transmission dans l'UEMOA
considère comme union hétérogène. A ce titre, elle
constitue un prolongement des études effectuées jusque-là
sur les politiques budgétaires et leur fonction de stabilisation. Etant
donné que les Etats jouent un rôle important dans la vie
économique et sociale, il serait intéressant d'apprécier
l'impact de leurs actions via les dépenses publiques et les recettes
fiscales sur les performances économiques ; en l'occurrence le taux
croissance réel.
L'objectif principal de ce travail est d'analyser la
propagation et l'ampleur des chocs de politiques budgétaires d'un pays
donné sur les économies des pays de l'union. Trois objectifs
spécifiques ont orienté ce travail de recherche, il s'agit
notamment de vérifier si un choc de politiques budgétaires dans
un pays donné produit des effets identiques sur les autres pays de
l'UEMOA ; Mesurer l'ampleur des effets de débordement des chocs de
politiques dans l'UEMOA (chocs de dépenses publiques et chocs de
recettes fiscales) ; Identifier les canaux de transmission des chocs
budgétaires dans l'UEMOA.
Pour faire ce travail, nous l'avons structuré en trois
(03) chapitres. Dans le premier chapitre, il était question d'expliquer
les comportements économiques des pays et les facteurs susceptibles
d'être à l'origine des effets de débordement. En union
monétaire, les économies sont interdépendantes ; de sorte
que les perturbations affectant un pays auront des répercussions sur ses
voisins. Le deuxième chapitre passe en revue les arguments
théoriques et empiriques portant sur les politiques budgétaires
et leurs effets sur l'économie. A ce niveau, les controverses
théoriques ont essentiellement porté sur la macroéconomie
traditionnelle, l'économie géographique, les finances publiques
et l'économieinternationale. Le troisième chapitre fait une
évaluation de l'ampleur des effets de débordement et une
identification des canaux de transmission.
Pour cela, il est utilisé un modèle VAR en Panel
dynamique et les estimations effectuées par la méthode GMM. Les
données utilisées couvent la période de 1980 à
2014. Les variables ayant permis d'analyser l'effet des chocs
budgétaires sont : le taux de croissance réel ; le taux
d'inflation ; la dette publique ; les crédits à l'économie
; les dépenses et recettes publiques ; l'investissement privé ;
et les importations. En dehors des taux d'inflation et de croissance
réel, toutes les autres variables sont rapportées au PIB, puis
loguées pour capter les élasticités.
Les premiers résultats issus de l'analyse descriptive
montrent une hétérogénéité des taux de
croissance réels entre les pays sur la période observée.
Ils sont ainsi, de (2,65%) pour le Togo ; (3,12%) au Sénégal ;
(2,58%) au Niger ; (3,86%) au Mali ; (1,57%) en Côte d'Ivoire ; (4,93%)
pour le Burkina et (4,19%) au Bénin. Les pays comme la Côte
d'Ivoire, le Niger et le Togo, de loin les plus endettés (en moyenne
1008,42 milliards, 560,29 milliards et 822,57 milliards) ont
enregistré pourtant les taux de croissance les plus faibles durant cette
période. De tels résultats justifient l'inefficacité de
l'endettement à partir d'un certain seuil. Par contre pour les autres
pays, le niveau d'endettement a permis de relancer les taux de croissance
économique. Ce caractère hétérogène des
économies favorise des réactions variées face aux chocs
asymétriques. En plus, les pays de l'union sont encore exportateurs de
produits de base, alors qu'ils importent des produits manufacturés. Ce
phénomène les rend très vulnérables avec la
volatilité des prix (inflation importée) malgré les
politiques de stabilisation.
Les résultats économétriques nous ont
permis d'aller plus loin dans nos analyses. Les fonctions de réponses
impulsionnelles et de la décomposition de la variance, nous ont permis
de voir que les délais de transmission des chocs de politique
budgétaire sur les variables sont très courts et que
l'activité économique est très élastique aux
fluctuations des instruments budgétaires. Un choc positif de
dépenses publiques se traduit par une amélioration
significative de lacroissance économique durant toute la
période. Par contre pour les importations, il se traduit par une baisse
significative de celles-ci durant toute la période, en raison des
subventions à la consommation. Les tests de causalité à la
manière de Granger révèlent le caractère
exogène des politiques budgétaires. Ainsi, l'absence de relation
de co-intégration justifie que les effets réels des politiques
budgétaires sur l'activité économique demeurent soumis
à des sources d'incertitude liées aux chocs imprévisibles
émanant de l'extérieur, cela, du fait de la faiblesse des
stabilisateurs automatiques. Les résultats montrent que les effets de
débordement dans les différents pays sont très
variés. Un des facteurs explicatifs à cela reste le profil
économique de chaque pays. Nous concluons alors que l'hypothèse1
de la thèse est bien vérifiée dans la recherche ; c'est-
à-dire que les signes des effets de débordement des chocs de
politiques budgétaires sont tributaires de la structure
économique des pays de la zone. On voit également de façon
très nette que l'effet d'un choc de dépenses publiques est plus
important que celui d'un choc de recettes fiscales sur la croissance
économique des pays. Cela revient à affirmer l'hypothèse 2
de la recherche. Cette différence d'amplitudes résulte d'une
harmonisation de plus en plus poussée en matière de
législations fiscales dans l'UEMOA. Alors que les dépenses
publiques jusque-là sont propres à chaque Etat et définies
de manière unilatérale. Nous avons identifié aussi trois
canaux de transmission dans l'UEMOA contrairement aux quatre trouvés en
zone euro. Il s'agit : (i) le canal du crédit en raison d'un endettement
assez significatif pour financer le déficit budgétaire ; (ii) le
canal de la fiscalité puisqu'au niveau national, on note une
concurrence fiscale qui souvent est source d'attraction ou de
désincitation pour les agents économiques (entreprises et
mobilité des facteurs) ; (iii) et enfin le canal du commerce,
malgré le faible taux d'échanges, les politiques
budgétaires génèrent des externalités entre pays
partenaires.
Les résultats principaux issus de nos travaux ont
permis de formuler deux (02)
implications de politiques économiques à
l'endroit des autorités budgétaires :
- (i) accroître l'efficacité des politiques
budgétaires nationales dans
l'absorption des chocs asymétriques (fonction de
stabilisation) ;
- (ii) asseoir un processus de coordination plus
coopératif des politiques budgétaires nationales (comme le
fédéralisme budgétaire).
La réponse à notre question centrale de
recherche posée initialement, est que les pays entretiennent une
corrélation spatiale des chocs de dépenses publiques et de
recettes fiscales. Pour cette raison, les chocs budgétaires peuvent bel
et bien impacter l'économie des pays voisins dans l'UEMOA. Cette
thèse semble utile parce qu'elle évalue les effets de
débordement qui, jusque-là faisaient l'objet d'analyse
qualitative (signe positif ou négatif de l'effet). Les
résultats issus de ces travaux serviront à alimenter à
recherche pour des questions semblables à celle que nous venons de
traiter. Malgré ce travail effectué sur la question, cette
thèse n'est pas exhaustive. De futures recherches pourront
s'intéresser au changement de régime des effets de
débordement budgétaires.
Nonobstant les résultats obtenus, ce travail admet des
limites. Une critique qui peut être faite à l'encontre du
modèle est de n'avoir pas désagrégé les
dépenses publiques totales en dépenses de consommation
(réaction spontanée sur les autres variables
macroéconomique) et en dépenses d'investissement (réaction
long terme sur les variables) pour mieux capter l'impact des chocs
budgétaires sur l'activité économique réelle des
Etats. Autre limite de ce travail est que le modèle manque aussi de
dérivation explicite des comportements macroéconomiques à
partir de fondements microéconomiques. Mais, l'absence d'un bloc
décrivant les équations de comportements microéconomiques
n'implique pas que ces derniers soient ignorés : ils sont d'ailleurs
utiles en cas de choc (par exemple le comportement des consommateurs). Pour des
futures recherches, on pourrait intégrer ces variables en vue
d'atteindre d'autres résultats plus consistants dans le cadre des
articles et autres travaux de recherche.
|