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Effets de débordement des politiques budgétaires en union monétaire hétérogène: cas de l'union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA)


par Ismaila SANGHARE
Université Cheikh Anta Diop Dakar (UCAD) - Doctorat  2021
  

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IV.2.3- La synchronisation des cycles économiques (nominal et réel)

Une union monétaire avec des économies hétérogènes peut, dans une perspective dynamique, réduire les coûts des chocs asymétriques si elle accroît la synchronisation des cycles économiques et si elle favorise le développement du partage des risques entre les États de l'union. Ces effets de l'union monétaire sont probables parce que l'adoption d'une monnaie commune implique des changements structurels dans la conduite des politiques économiques et dans l'intégration des économies (Tapsoba, 2009). Dans une union monétaire hétérogène, l'asymétrie des chocs et la nature asynchrone des cycles économiques ne permettent pas la mise en oeuvre d'une politique monétaire optimale ; parce que les effets d'une telle politique deviennent contra-cyclique dans certains pays et pro-cyclique dans d'autres. Frankel et Rose (1996) montrent que deux pays se caractérisant par une forte intensité d'échange bilatérale ont tendance à avoir des cycles économiques plus corrélés. Un choc affectant une économie influe directement sur ses investissements et par la suite d'une manière indirecte il affecte les économies étrangères qui sont en relation commerciale avec cette économie et vice versa.

La crédibilité de la politique économique notamment la politique budgétaire apparait ainsi fortement liée au degré de convergence des économies des pays membres (Kane, 2013). En effet, la présence de cycles asynchrones génère des mécanismes asymétriques de propagation des impulsions monétaires et de ce fait, des coûts différenciés de la politique monétaire unique (Pinot, Polin, Seltz,

2000). Etant donné qu'une union monétaire est propice à l'intensification des

cycles économiques (Frankel et Rose, 1998) la concordance des cycleséconomiques est devenue un critère important de convergence ex post, qui a fait l'objet de nombreuses analyses théoriques et de multiples vérifications empiriques.

Sur le plan théorique tout d'abord, après la remise en cause dans les années

1970 de l'hypothèse keynésienne par la nouvelle macroéconomie classique, relatives à la concurrence parfaite et aux anticipations rationnelles soutenues par Lucas (1973), la théorie du cycle réel s'est servie du cadre néoclassique pour mettre les fluctuations économiques au centre du débat théorique (Kydland et Prescott, 1982 ; De Long et Plosser, 1983). La théorie du cycle réel se démarque donc des thèses néoclassiques en étudiant spécifiquement les fluctuations économiques. Elle s'écarte aussi du modèle de Lucas où la source des fluctuations réside dans les variations aléatoires et non anticipées du stock de monnaie. Ainsi, les cycles économiques sont engendrés par les réponses (optimales) des agents à des chocs réels, essentiellement technologiques. La théorie des cycles réels nie l'existence des « trends » et soutient l'idée que des chocs sur les économies ont des effets permanents et non temporaires ; de sorte qu'on ne revient pas après cycle sur la trajectoire de long terme qui le précédait (Kane, 2013).

Sur le plan empirique, en utilisant les modèles univariés (MSAR) et multivariés (MSVAR) pour analyser les cycles de l'indice de la production industrielle dans six pays de l'OCDE, Cléments et Krolzig (2003) ont abouti à la détermination de trois régimes de cycles et à l'identification du cycle commun. L'avantage de cette étude est qu'elle montre la synchronisation des cycles industriels avec le cycle communautaire. Elle met aussi en exergue le comportement des pays face à l'expansion ou à la récession de la zone européenne. Dans la même logique, Chauvet et Piger (2003) ont identifié les phases (croissance et décroissance) et les probabilités de transmission de la production industrielle américaine. Quant à Ballone et al. (2006) ils ont construit un indicateur stochastique des régimes de récession et d'expansion.

IV.2.4- Le fédéralisme budgétaire

Le fédéralisme budgétaire fait référence au développement d'un système budgétaire centralisé qui intègre tous les membres d'une fédération ou d'un État fédéral, et à la manière de répartir les différentes fonctions des finances publiques entre les différents échelons (Whyman et Bainbridge, 2004). La théorie classique du fédéralisme budgétaire a identifié deux raisons pour lesquelles une union monétaire devrait avoir une politique budgétaire centralisée : la stabilisation des chocs asymétriques et la redistribution du revenu.

En cas de chocs asymétriques, le recours à la politique budgétaire est nécessaire lorsqu'une fédération est touchée par ce choc. Dans ce cas, la politique monétaire, désormais unifiée, ne peut être utilisée pour stimuler la demande locale. Les budgets régionaux peuvent générer une demande additionnelle et les politiques budgétaires discriminatoires peuvent avoir des effets de distorsion sur l'offre. Une certaine forme de coordination horizontale de la politique économique est par conséquent souhaitable (Ackrill, 2004 ; Collignon, 2001). Dans une zone monétaire hétérogène selon les critères traditionnels, la survenance des chocs asymétriques rend difficile la conduite des politiques budgétaires nationales régies par des règles supranationales. Il semble que pour juguler ces chocs, tout en évitant les effets externes de la politique budgétaire, la meilleure solution est de centraliser les fonctions de stabilisation et de redistribution de la politique budgétaire dans la mesure où celles-ci seront plus efficaces au niveau fédéral qu'à l`échelle décentralisée ou nationale (Oates, 1972 ; Zumer 1998).

Par ailleurs, la théorie du fédéralisme budgétaire depuis Musgrave (1959) a mis l'accent sur l'augmentation de bien-être résultant de la centralisation des fonctions stabilisatrice et redistributive des finances publiques, et de la décentralisation de la fonction allocative. Selon lui, l'Etat démocratique doit chercher à corriger la répartition initiale des revenus dans un sens conforme à la vision que la société se fait de la justice sociale. Pour ce faire, il dispose évidemment au premier chef de la fiscalité. Mais pour améliorer la situation descatégories sociales jugées a priori comme défavorisées, il peut également utiliser ses dépenses et peut in fine combiner les deux. Par exemple, en France, la politique d'aide aux handicapés passe par de multiples canaux qui mobilisent les dépenses au travers du versement de l'allocation aux adultes handicapés et la fiscalité ; puisque les entreprises qui n'emploient pas un certain quota de handicapés doivent verser une somme compensatoire à l'Etat.

Des documents européens plus anciens, comme les rapports Mac Dougall (1977) et Delors (1989) ont attribué un rôle de premier plan à la politique budgétaire à la fois pour des raisons macroéconomiques intérieures et afin d'être en mesure de participer au processus de coordination de la politique internationale, la Communauté a besoin d'une structure pour déterminer un dosage cohérent des politiques monétaires et budgétaires (Delors, 1989). Par ailleurs, le rapport du Comité Delors (1989) a souligné le risque de déficits budgétaires excessifs en l'absence de contrôle supranational, déficits qui mettraient en question la discipline monétaire. La formation d'une union monétaire influe sur l'incitation à des déficits excessifs, et on peut penser que le bon fonctionnement des marchés de capitaux interdira un endettement continu. Sur un marché de capitaux libre, des épargnants bien informés imposent une certaine discipline en exigeant une rémunération plus élevée pour les sommes qu'ils sont disposés à prêter, et éventuellement en refusant de prêter à des gouvernements trop endettés.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus