Le régime de la vente commerciale a l'épreuve de l'action directe en droit OHADApar Divin MUSHAGALUSA FAKAGE Université Officielle de Bukavu (UOB) - Graduat 2019 |
B. Définition de l'action directeParcourant les différents Actes uniformes adoptés dans le cadre d'harmonisation régionale exprimée dans le traité de l'OHADA tel que signé au Port-Louis (ile Maurice) en date du 17 juillet 1993, le reflexe est qu'aucune disposition ne consacre une définition pouvant être attribuée à l'action directe. Mais faisant recours en droit français, l'action directe est définie comme un mécanisme par lequel un créancier peut, pour son profit personnel intenter une action que son débiteur possède à l'encontre d'un sous-débiteur en vertu d'un contrat12. Pour le dictionnaire du droit OHADA, l'action directe permet au créancier agissant en son propre nom et à son seul profit, d'atteindre directement le débiteur de son débiteur13. Autrement dit, par action directe, un tiers peut donc intenter une action directement contre un cocontractant avec lequel il n'a pas de lien contractuel. 11 P. BERNARD, Article « Action directe », in Encyclopédie anarchiste de Sébastien Faure. 12 Un total de près de 600 décisions peut être disponibles sur le lien http://www.ohada.com/jurisp.Php. consulté le 9 septembre 2018 à 11h 45'. 13 A. HILARION, Dictionnaire de Droit OHADA, Ohadata, sine loco, D-05-33. 9 C. Nature de l'action directe La nature juridique de l'action directe découle du principe de la relativité des conventions en droit des obligations (1), lequel principalement connait une exception à ce principe (2).
L'action directe est un mécanisme tout à fait exceptionnel par ce qu'il déroge à deux principes juridiques exceptionnels ; Ce mécanisme déroge premièrement de l'exception du principe de l'effet relatif des contrats car en concluant un contrat de vente les parties décident librement de la façon dont elles souhaitent organiser leur relation. Cependant, le titulaire 14 Art. 63 du Décret relatif aux contrats ou des obligations conventionnelles, in BOZ du 30 juillet 1888. 15 P. OMMESLAGHE, Droit des obligations, tome 1, Bruxelles, Bruylant, 2010, p.686. 10 d'une telle action ne pourra plus se fier à l'existence du lien contractuel pour valoir ses droits devant le débiteur de son débiteur mais plutôt au préjudice qu'il a subi vis-à-vis de son cocontractant. L'action directe est une exception à ce principe dans la mesure où une personne se voit autorisée à s'adresser à un tiers pour l'obliger à la payer alors même qu'aucun contrat ne les lie. L'action directe est deuxièmement une dérogation à loi du concours qui veut que lorsqu'un débiteur devient insolvable, par exemple en cas de faillite ; les créanciers se retrouvent en quelque sorte en situation de «concurrence», où certains créanciers dits « privilégiés » (un créancier hypothécaire, le trésor, les travailleurs, etc.) seront payés en priorité. Les autres créanciers dits «chirographaires», devront se contenter de se répartir proportionnellement, les éventuels actifs qui représentent après paiement des créanciers privilégiés. L'action directe permet d'échapper à ce concours dans la mesure où une créance pourra être payée par un tiers dont on espère qu'il soit solvable16. Cette double dérogation explique qu'il n'existe pas « d'action directe »sans texte légal. Ainsi par exemple, à défaut d'une disposition expresse de la loi, un bailleur dont le locataire ne paierait pas son loyer ne peut pas s'adresser à un éventuel sous-locataire ou encore à l'employeur du locataire pour l'obliger à le payer directement. Il devra d'abord obtenir une condamnation de son locataire à le payer et procéder en suite à une saisie sur les sommes dues par l'éventuel sous-locataire ou l'employeur17. §. 2 Domaine, conditions de validité et d'exercice de l'action directe A. Domaine de l'action directe Cette prérogative reconnue aux sous-acquéreurs ne trouve application qu'aux seuls contrats législativement visés dans différentes lois (1), et ne peuvent en bénéficier qu'une série des titulaires de droit exhaustivement consacrée dans les textes qui l'auront institué (2). 1. Contrats visés L'action directe quoique garantie légale n'a pas un champ aussi élargi sur tous les contrats. En droit des obligations congolais, cette prérogative a été implicitement consacrée par le constituant du code civil livre III dans des matières suivantes : En matière de location, l'art 409 al. 1er du CCCLIII dispose que « Le sous-locataire n'est tenu envers le propriétaire 16 M. DUPONT, L'action directe ou le droit de se faire payer auprès d'un tiers, disponible sur www.droitbelge.net consulté le 3 Décembre 2019 à 20h 12'. 17 Cass., 16 févr. 1962, R.C.J.B., 1962, p.462. 11 que jusqu'à concurrence du prix de sa sous-location dont il peut être débiteur au moment de la saisie, et sans qu'il puisse opposer des payements faits par anticipation ». Ici le propriétaire loue un local à un locataire ; lequel le sous-loue à un sous-locataire. Voilà deux contrats distincts et il n'y a aucun lien de droit entre le propriétaire et le sous-locataire ; puisqu'ils ne sont pas parties au même contrat. Néanmoins à défaut de paiement du loyer par le locataire, le bailleur peut s'adresser directement au sous-locataire en exerçant l'action directe que lui confère le code civil. La loi lui permet de se comporter comme s'il était le créancier du sous-locataire18. Le législateur congolais prévoit un autre exemple en matière de mandat, l'art 535 al. 1er dispose que « Le mandataire répond de celui qu'il s'est substitué dans la gestion: 1° quand il n'a pas reçu le pouvoir de se substituer quelqu'un; 2° quand ce pouvoir lui a été conféré sans désignation d'une personne, et que celle dont il a fait choix était notoirement incapable ou insolvable. ». L'action directe est enfin consacrée en matière de responsabilité dans le cadre d'un contrat d'assurance. En effet, en matière d'assurance de responsabilité l'exemple le plus fréquent se présente comme suit : la victime d'un dommage dispose outre son recours contre l'auteur du dommage, d'une action directe contre l'assureur du responsable du dommage. Pourtant, la victime est un tiers par rapport au contrat d'assurance. Tout se passe comme si l'assurance de responsabilité comporterait une stipulation pour autrui au profit des victimes éventuelles. 2. Titulaires de l'action directe La question du fondement de l'action en responsabilité contre les fabricants ou négociants s'est posée dans le cadre des contrats de vente successifs. Il est indéniable que le sous-acquéreur (en matière de construction, il pourra s'agir d'un entrepreneur qui a acheté des matériaux à un négociant qui s'est fourni auprès d'un fabricant) peut agir contre son cocontractant. Mais qu'en est-il à l'égard du fabricant vendeur initial ? Initialement, le sous-acquéreur pouvait choisir entre exercer une action de nature délictuelle ou de nature contractuelle. Ce choix n'est désormais plus possible. Désormais, l'action du sous-acquéreur ne peut se fonder sur l'article 1382 du code civil. Toutefois, cette solution n'est admise que dans le cadre des chaines homogènes des contrats : il s'agit de la succession de contrats de vente par lesquels la chose vendue est transmise aux différents acquéreurs. 18 J-M. BARAMBONA, Droit civil des obligations, notes de cours, G3 Droit, UOB, 2018-2019, Inédit. 12 |
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